M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission a souhaité connaître l’avis du Gouvernement sur ces amendements. À titre personnel, je souhaite aller plus loin et me « mouiller » un peu plus.

Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement, je dois le dire, a un peu ce qu’il mérite. (M. le secrétaire d’État sourit.) Si des amendements ont été déposés sur l’ensemble des travées, c’est qu’il y a une raison.

Les petites centrales hydrauliques de puissance inférieure à 12 mégawatts bénéficiaient du fameux contrat d’obligation d’achat pour une durée de quinze ans. La plupart de ces contrats datent de 1997 et s’achèveront donc en 2012. Les centrales ayant signé un contrat récemment – il y a deux ou trois ans pour certaines d’entre elles – bénéficieront elles aussi de ce tarif pendant quinze ans. Ces contrats ne sont pas remis en cause.

Le renouvellement des contrats arrivant à échéance a été demandé par le syndicat représentant la profession. Ce syndicat est d’ailleurs bien organisé. La preuve en est qu’il est parvenu à convaincre plusieurs de nos collègues de déposer des amendements identiques, à l’exception de l’amendement présenté par notre collègue Jean-Paul Amoudry.

Tout d’abord, je tiens à dire que le renouvellement pur et simple de ces contrats serait tout de même un peu choquant, car leur durée a été calculée afin de permettre un amortissement total. Les activités que nous évoquons sont, il faut le savoir, tout à fait rentables. (M. le secrétaire d’État opine.) En outre, un tel renouvellement poserait un problème avec Bruxelles, malheureusement comme d’habitude.

Ensuite, sachez, mes chers collègues, que la profession a actuellement deux fers au feu : d’un côté, elle est en train de discuter avec le Gouvernement de l’arrêté qui va être publié, comme l’a indiqué M. le secrétaire d’État lorsqu’il a répondu aux orateurs à la fin de la discussion générale ; de l’autre, elle tente d’obtenir des parlementaires, par voie d’amendement, une disposition allant plus loin que ce qui a été négocié avec le Gouvernement. Or il s’agit d’une bonne négociation.

L’arrêté en cours de préparation prévoit en effet un contrat d’achat d’une durée d’une dizaine d’années pour ceux qui doivent ou qui vont à nouveau engager des investissements complémentaires, tout à fait justifiés.

En revanche, le renouvellement des contrats des centrales qui bénéficient de l’obligation d’achat depuis quinze ans ne se justifie absolument pas. Leur activité est tout à fait rentable et elle est amortie. D’ailleurs, si une ou deux personnes sont venues se plaindre auprès de vous et vous dire que si elles n’obtenaient pas une prolongation de leur contrat d’achat leur centrale allait mourir, ne les croyez pas ! Aucune centrale n’est à vendre en France. C’est la preuve qu’elles fonctionnent toutes très bien. D’ailleurs, si vous apprenez que l’une d’entre elles est à vendre, avertissez-moi, je suis candidat à leur rachat, car c’est intéressant ! Je plaisante, bien sûr. (Sourires.)

Monsieur le secrétaire d’État, je ne pense pas que vous vous en sortirez en prenant l’engagement de publier l’arrêté. Je connais son contenu. Le sous-amendement de notre collègue Mme Bruguière est très intéressant. Je vous propose, chère collègue, de le rectifier dans un sens qui recueille l’accord, sachez-le, de la profession et donc de compléter le dernier alinéa de l’amendement n° 14 rectifié ter par les mots « sous réserve de la réalisation d’un programme d’investissement », conformément à ce qui est prévu dans l’arrêté.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. « … défini par arrêté » !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. « Sous réserve de la réalisation d’un programme d’investissement défini par arrêté », en effet, sinon cela poserait un problème juridique. L’arrêté doit résulter des dispositions adoptées au Sénat.

Dans ces conditions, j’émettrai un avis favorable sur ce sous-amendement et sur l’amendement n° 14 rectifié ter. En conséquence, les autres amendements n’auraient plus d’objet, y compris celui de notre collègue Jean-Paul Amoudry, qui allait pourtant dans une bonne direction. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Tout d’abord, il est assez classique et compréhensible qu’une profession qui a négocié avec le Gouvernement – nous avons passé des mois à négocier un arrêté, lequel a été validé par le Conseil supérieur de l’énergie – essaie ensuite d’obtenir un peu plus en faisant adopter des amendements par le Parlement, même si ce n’est pas une méthode très élégante.

Ensuite, nous n’avons pas besoin, en l’état actuel du droit, d’une mesure législative, car le dispositif que nous évoquons est d’ordre réglementaire. L’arrêté – je l’ai d’ailleurs sous les yeux – est prêt à être publié et il répond à l’attente non seulement de la profession, mais également des parlementaires.

Au fond, ce que l’on nous demande, c’est de renouveler le tarif d’achat, ce qui est naturel et compréhensible. Pour notre part, nous n’y sommes pas hostiles, à condition que des investissements soient réalisés en contrepartie. Comme l’a rappelé M. le rapporteur, les investissements correspondants aux précédents contrats sont amortis. Renouveler les contrats sans exiger de nouveaux investissements serait donc totalement injuste, pour ne pas parler d’enrichissement sans cause. Ce serait aller trop loin. Le principe du projet de loi est le suivant : vous investissez, vous avez des droits. En l’occurrence, cela reviendrait à dire : vous n’avez plus besoin d’investir, tout est amorti, mais vous avez tout de même des droits.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 14 rectifié ter et sur le sous-amendement n° 278, sous réserve qu’il soit modifié dans le sens souhaité par la commission, même si, je le répète, une mesure législative n’est pas nécessaire, l’arrêté étant suffisant.

M. le président. La parole est à M. Alain Chatillon, pour explication de vote.

M. Alain Chatillon. Je tiens à rassurer M. le rapporteur : il n’y a pas que des centrales privées. Le budget de petites communes rurales est assis en partie sur les ressources émanant d’un certain nombre des 1 200 centrales que compte notre pays.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En effet.

M. Alain Chatillon. Par conséquent, nous aidons aussi des petites communes. Mon département en compte un certain nombre. Ce sont elles, et non le syndicat professionnel de branche, qui sont venues me solliciter. Les maires de ces petites communes sont inquiets et essaient de trouver des solutions.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Précision utile !

M. Alain Chatillon. J’attire votre attention sur le fait que certains investissements sont très récents. Je préférerais donc qu’on écrive « sur les programmes en cours et sur les nouveaux investissements ».

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ce n’est pas la peine !

M. Alain Chatillon. Il ne faut pas s’en tenir aux nouveaux investissements.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, si j’ai bien compris, vous souhaitez que l’on prenne en compte les nouveaux investissements et une partie de ceux qui ont été réalisés et qui ne sont pas encore amortis.

M. Alain Chatillon. Exactement !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Nous sommes bien d’accord.

Permettez-moi de vous lire ce qui est prévu dans l’arrêté : « Le montant des investissements peut également intégrer le montant non amorti des investissements… ». Cela signifie que les investissements qui ne sont pas amortis aujourd'hui, je le répète, peuvent être intégrés dans le dispositif.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.

M. Gérard Bailly. Le problème qui a été évoqué sur pratiquement toutes les travées est très important. Nous savons tous ce que la petite hydraulique peut apporter en termes d’emplois – on n’en a pas parlé – et de revenus pour les communes.

On le voit aujourd'hui, certaines énergies renouvelables patinent un petit peu. C’est vrai pour les éoliennes, c’est également vrai pour la biomasse. La petite hydraulique est, elle, une valeur sûre.

Monsieur le secrétaire d’État, mon département compte de nombreuses centrales hydrauliques, qui nous ont contactés. Pourriez-vous nous donner des précisions sur les investissements requis, en particulier sur leur niveau ? Devront-ils être importants afin de pouvoir bénéficier d’un renouvellement de contrat ?

Tous les élus tiennent à ces centrales. Les petits barrages constituent un attrait touristique, un atout pour la pêche. Je ne suis pas hostile à de nouveaux investissements, à condition qu’ils ne soient pas importants au point d’être dissuasifs pour les producteurs.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir nous apporter des précisions sur ce point.

M. Roland Courteau. Bonne question !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Il s’agit effectivement d’une question très judicieuse. Si l’investissement est disproportionné par rapport à la réalité de l’installation, cet arrêté n’aurait aucun sens et ne répondrait pas à votre demande.

Je veux simplement rappeler que les installations sont aujourd’hui amorties. Quand vous fixez un tarif d’achat de l’électricité, ce tarif prend en compte un amortissement sur les quinze ans en question.

Aujourd’hui, renouveler le tarif en l’état va à l’inverse de ce que nous souhaitons tous, puisqu’il permettrait quasiment un enrichissement sans cause, la production étant déjà amortie.

Cet investissement est donc nécessaire et c’est la raison pour laquelle nous le demandons, à condition, bien évidemment, qu’il soit raisonnable.

Je ne vais pas vous le détailler dans la mesure où le calcul énoncé dans l’arrêté en question est très compliqué. Je précise simplement que cet arrêté, qui a été soumis au Conseil supérieur de l’énergie, a été négocié avec la profession. Cette dernière est ainsi d’accord avec les calculs retenus et le niveau d’investissement demandé. Aussi, il me semble que nous parvenons à un équilibre.

M. le président. Madame Bruguière, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?

Mme Marie-Thérèse Bruguière. J’y suis favorable, et je rectifie mon amendement en ce sens.

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 278 rectifié, présenté par MM. J. Blanc et Trucy et Mme Bruguière, et qui est ainsi libellé :

Dernier alinéa de l'amendement n° 14 rectifié ter

Compléter cet alinéa par les mots :

sous réserve de la réalisation d'un programme d'investissement défini par arrêté

La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 278 rectifié.

M. Roland Courteau. A-t-on seulement prévu des dispositions pour préparer les petits producteurs à faire face à une fin annoncée de l’obligation d’achat ?

Je parle de ceux qui n’auront pas investi. Votre réponse m’intéresse tout particulièrement car nous ne souhaitons pas que ces petites installations disparaissent.

Je rappelle que les fournisseurs alternatifs iront chercher de l’ARENH, et non la production hydraulique des petites installations, et ce en raison du prix.

Si ces petites installations disparaissent, nous risquons d’être privés de plusieurs térawatts ou gigawatts d’électricité verte !

Qu’a-t-on prévu, monsieur le secrétaire d’État ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, si je comprends bien, c’est la deuxième fois que je réponds à vos questions. (Sourires.)

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Mais trêve de plaisanterie !

En premier lieu, j’ai le sentiment – mais peut-être que je me trompe – qu’il n’y en a pas beaucoup qui vont disparaître. En effet, vu la rentabilité actuelle du système, je doute que beaucoup disparaissent et que beaucoup n’investissent pas.

Toutefois, pour ceux qui ne voudront pas investir…

M. Roland Courteau. … ou qui ne pourront pas investir !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. … ou qui ne pourront pas investir – là encore, j’ai des doutes concernant cette seconde option, étant donné la rentabilité actuelle mais peut-être que le niveau de celle-ci leur paraîtra suffisant même sans investissement –, est prévue la possibilité de se regrouper en centrale de vente afin de pouvoir vendre leur électricité.

Voilà ce qui est rendu possible dans l’arrêté, pour permettre, par la vente groupée, la constitution de blocs d’électricité et donc des volumes plus importants.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 278 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14 rectifié ter, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er, et les amendements nos 48, 265 rectifié bis et 226 rectifié bis n'ont plus d'objet.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Articles additionnels après l'article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité
Discussion générale

10

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui mercredi 29 septembre 2010, à quatorze heures trente et le soir :

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (n° 556, 2009-2010).

Rapport de M. Ladislas Poniatowski, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 643, 2009 2010).

Texte de la commission (n° 644, 2009-2010).

Avis de M. Philippe Marini, fait au nom de commission des finances (n° 617, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 29 septembre 2010, à deux heures cinq.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART