M. François Fortassin. Chaque année, grâce au système de radars fixes, l’État encaisse plusieurs dizaines de millions d’euros. Depuis 2007, ce produit a progressé de près de 45 % ! Plus que d’un hold-up, il s’agit plutôt d’un jackpot pour l’État. (Sourires.)

Pour la plupart, les radars à l’origine de ces recettes, inscrites au compte d’affectation spéciale « Contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route », sont installés sur le domaine public départemental.

Or, on le sait, les départements sont en grande difficulté financière, pour toutes les raisons que nous avons soulevées lors de nos débats sur l’article 22 du projet de loi de finances.

C’est pourquoi nous proposons de relever de 10 millions d’euros la part des recettes des radars allouée aux départements pour financer les travaux de sécurisation du réseau routier, qui est restée fixée à 30 millions d’euros depuis 2008. Toutefois, si le Sénat décide de l’augmenter de 30 millions d’euros en adoptant l’amendement précédent, nous n’y verrons bien entendu aucun inconvénient… (Sourires.)

En tout état de cause, l’augmentation que nous demandons demeure largement inférieure à la hausse du produit des amendes perçues par le biais de radars automatiques sur la période considérée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons déjà abordé cette question à plusieurs reprises au fil de l’élaboration des lois de finances successives.

Je rappelle que l’article 31 prévoit, au titre de la seconde section du nouveau compte d’affectation spéciale, d’affecter 130 millions d’euros aux collectivités territoriales, dont 30 millions d’euros aux départements.

Il s’agit de la simple reconduction du droit existant, qui résulte d’un équilibre délicat trouvé lors de l’élaboration de la loi de finances de 2008. M. le ministre avait peut-être participé à ce débat en tant que député ! (M. le ministre acquiesce.)

Peut-être est-ce l’effet d’un accès de paresse en cette fin de discussion de la première partie du projet de loi de finances, mais j’ai tendance à penser que cet équilibre doit être préservé. Je ne crois pas opportun de rouvrir ce débat.

Je sollicite donc le retrait de ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote sur l'amendement n° I-180.

M. Gérard Miquel. Vous connaissez la situation financière des départements, monsieur le ministre.

Nous vous demandons de faire un petit geste de 30 millions d’euros, ce qui ne représente pas grand-chose par rapport aux déficits que nous enregistrons dans un certain nombre de secteurs, en particulier dans le secteur social.

De surcroît, vous pourriez le consentir sans déséquilibrer votre projet de budget, puisqu’il suffirait d’opérer un prélèvement de 30 millions d’euros sur les crédits de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, au profit des conseils généraux.

Il s’agit simplement de procéder à un rattrapage, la part affectée aux départements n’ayant pas évolué depuis 2008, tandis que le produit des amendes de police a fortement augmenté dans le même temps.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Le Gouvernement me met dans une position difficile.

Dans le Loiret, tous les radars automatiques sont situés sur le domaine routier départemental, les routes nationales ayant été entièrement transférées au conseil général. Or seul l’État voit croître ses recettes, tandis qu’il revient au département d’entretenir une voirie dont le transfert devait, paraît-il, être compensé à l’euro près… Mais ne revenons pas sur ce débat.

Le petit geste demandé par nos collègues est presque de l’ordre du symbole. M. le ministre a indiqué que la hausse du produit des amendes profitera aux collectivités territoriales et qu’il ne serait pas juste de demander à l’État de renoncer à une partie de ses recettes, mais il est encore plus injuste de figer la fraction des recettes allouée à une collectivité qui assure l’entretien de la totalité du domaine routier où sont implantés les radars.

Par solidarité avec mes collègues présidents de conseil général, je voterai l’amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les instruments, notamment informatiques, dont nous disposons maintenant devraient permettre de poser pour principe que le produit de l’amende doit être perçu par la collectivité dont relève la voirie sur laquelle l’infraction a été commise.

Je pense que la situation doit être revue, monsieur le ministre, afin que nous ne soyons plus obligés de reprendre, année après année, cette discussion surréaliste sur la répartition du produit des amendes. Le circuit financier n’est pas le même selon que le contrevenant s’acquitte ou non dans les délais de son amende. Tout cela est arbitraire et absurde, monsieur le ministre.

Nous ne pouvons sans doute pas bouleverser le dispositif ce soir, mais il serait bon que, d’ici à l’année prochaine, vous puissiez nous proposer des règles claires et incontestables.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. J’ai indiqué à l’instant que notre demande était symbolique : 200 000 ou 300 000 euros de plus ne changeront pas fondamentalement la situation budgétaire des départements.

Il s’agit d’une question de principe. La plupart de ces radars sont installés sur les routes départementales. Dès lors, on ne voit pas pourquoi seul l’État bénéficierait de la forte hausse du produit des amendes ! C’est une mauvaise manière qu’il fait aux départements. Certes, nous y sommes habitués, mais la corde est tout de même difficile à avaler…

M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont, pour explication de vote.

M. Ambroise Dupont. L’État a en effet transféré nombre de routes nationales aux départements. Néanmoins, en tant que président de la commission des finances de mon conseil général, je m’interroge : est-il bien juste que les départements qui connaissent d’intenses flux de circulation, et où de nombreux procès-verbaux sont donc sans doute dressés, bénéficient davantage que les autres d’une recette générée par des radars financés par l’État ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-180.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° I-383 n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l'article 31, modifié.

(L'article 31 est adopté.)

Article 31
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article 32

Article additionnel après l'article 31

M. le président. L'amendement n° I-181, présenté par Mme Klès et MM. C. Gautier et Le Menn, est ainsi libellé :

Après l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, après les mots : « prévention de la délinquance », la fin de cet alinéa est ainsi rédigée : « ainsi qu'une contribution annuelle des assurés sur chaque contrat d'assurance aux biens et par les entreprises d'assurance, dans des conditions définies par un décret en Conseil d'État. »

2° Après la première phrase du troisième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Ce fonds est exclusivement destiné à financer les dispositifs humains de médiation sociale de terrain, les dispositifs de soutien et d'accompagnement à la parentalité, les dispositifs d'accueil et d'aide aux victimes, les dispositifs relatifs à la prévention de la récidive, à la lutte contre la délinquance des mineurs et à la prévention des violences intrafamiliales. »

II. - L'article L. 422-1 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fonds interministériel de prévention de la délinquance créé par l'article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance est abondé annuellement par une contribution des assurés sur chaque contrat d'assurance aux biens et par les entreprises d'assurance, dans des conditions définies par un décret en Conseil d'État. »

La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Cet amendement concerne le financement du Fonds interministériel de prévention de la délinquance par une contribution sur les contrats d’assurance.

Je commencerai par quelques chiffres qui, je le pense, ne seront contestés par personne – et surtout pas par la majorité actuelle –, sur le nombre d’atteintes aux biens et de faits de dégradations volontaires, qui ne cesse d’augmenter et s’établit à plus de 2 millions de faits constatés pour l’année 2009.

Le nombre d’atteintes volontaires à l’intégrité physique est extrêmement important et continue d’augmenter légèrement.

Personne ne contestera non plus qu’une grande partie de ces faits sont commis par des mineurs, donc des individus en structuration, de futurs adultes qu’il serait totalement injuste d’abandonner à leur triste sort en se disant que l’on n’a aucune mesure éducative à prendre ni envers eux, ni envers leurs parents.

Indépendamment de cet aspect des choses, on sait très bien que l’ensemble de ces faits et leur récurrence ont un coût pour la société et pour les assurances.

Donc, nous proposons, quant à nous, dans l’esprit de la LOLF, qui veut que la base de financement d’un fonds soit en rapport avec les finalités de celui-ci, de faire financer le Fonds interministériel de prévention de la délinquance par les compagnies d’assurances, au travers d’une contribution sur chaque contrat, aussi bien pour les particuliers que pour les sociétés.

Par exemple, pour 2011, on pourrait fixer pour chaque contrat une contribution annuelle de 1,5 euro. Les fonds ainsi collectés permettraient d’abonder le FIPD, qui pourrait servir à ce pour quoi il a été créé, c’est-à-dire financer des dispositifs humains de médiation sociale sur le terrain, des dispositifs de soutien à la parentalité et divers dispositifs de prévention retenus par le Comité interministériel de prévention de la délinquance.

Aujourd’hui, ces fonds sont presque exclusivement réservés à la vidéosurveillance, dont je ne nie pas l’utilité dans certains cas, mais qui reste un outil de dissuasion, et non pas un dispositif de prévention.

Si le FIPD était correctement abondé, il pourrait devenir un réel dispositif multifonctionnel et polyvalent de prévention de la délinquance, il aurait une utilité et une efficacité renforcées, et je suis persuadée que les fonds ainsi investis seraient amortis très largement et très rapidement par la baisse de la délinquance et des atteintes aux biens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Un amendement similaire de même inspiration a été discuté par le Sénat le 9 septembre dernier, lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la LOPPSI 2. Il a reçu un avis défavorable de la commission des lois et du Gouvernement.

La commission des finances a donc considéré qu’un amendement portant sur le même sujet, présenté à quelques semaines de distance, devait logiquement recueillir le même avis.

Mme Penchard, qui représentait le Gouvernement le 9 septembre dernier, s’était exprimée en ces termes : « On ne saurait réformer ce fonds au détour d’un texte. Une telle modification nécessite que l’on prenne du temps pour l’examiner de manière plus approfondie. »

Je ne suis pas sûr que nous ayons poussé suffisamment la réflexion depuis pour pouvoir répondre correctement à votre demande, madame Klès. Dans l’immédiat, la commission souhaiterait le retrait de votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Mme Virginie Klès. Il y a urgence sur la situation de la délinquance et de la sécurité, mais chaque fois que l’on présente un amendement, la réponse est : ce n’est pas le bon texte, ce n’est pas le bon moment, on n’a pas assez réfléchi.

Il y a beaucoup d’autres textes sur lesquels on réfléchit moins, et qui ont, pour les finances publiques, des conséquences financières bien supérieures à ce que nous demandons ici. Je ne comprends pas la réponse qui m’est faite.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-181.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Mes chers collègues, M. le président du Sénat ayant proposé, en conférence des présidents, que nous travaillions aujourd’hui jusqu’à une heure du matin, il nous reste un peu moins de cinq heures pour achever la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2011. Outre les explications de vote, nous avons encore cinquante-six amendements à examiner. Je livre ces éléments à votre réflexion.

Article additionnel après l'article 31
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2011
Article additionnel après l'article 32

Article 32

I. – Afin de contribuer au respect des engagements pris par la France en matière de lutte contre le changement climatique dans les pays en développement, il est ouvert, à compter du 1er janvier 2011, un compte d’affectation spéciale intitulé : « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».

II. – Ce compte retrace :

1° En recettes : le produit de la vente de quotas carbone correspondant aux unités de quantité attribuée définies par le protocole de Kyoto du 11 décembre 1997 à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, dans la limite de 150 millions d’euros ;

2° En dépenses :

– des dépenses relatives aux projets de gestion durable de la forêt et de lutte contre la déforestation dans les pays en développement, pour lesquelles le ministre des affaires étrangères est l’ordonnateur principal ;

– des dépenses relatives aux actions des fonds environnementaux en matière de gestion durable de la forêt et de lutte contre la déforestation dans les pays en développement, pour lesquelles le ministre chargé de l’économie est l’ordonnateur principal.

III. – La première phrase du troisième alinéa du II de l’article 8 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 est complétée par les mots : « , à l’exception des montants prioritairement affectés au compte d’affectation spéciale intitulé : “Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique” ». – (Adopté.)

Article 32
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Article 33

Article additionnel après l'article 32

M. le président. L'amendement n° I-29, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après l'article L. 229-9 du code de l’environnement, il est rétabli un article L. 229-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 229-10. - Une partie des quotas délivrés au cours de la période de cinq ans débutant le 1er janvier 2008 le sont à titre onéreux, dans la limite de 10 % de ces quotas. »

II. - Le III de l’article 8 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 est ainsi rédigé :

« III. - La réalisation de l'objectif mentionné au deuxième alinéa du II est assurée, en 2011 et en 2012, par l’affectation au compte de commerce "Gestion des actifs carbone de l’État" du produit de la délivrance de quotas d'émission de gaz à effet de serre à titre onéreux dans les conditions fixées à l'article ... de la loi n° ... du ... de finances pour 2011 et, si nécessaire, de la totalité ou d’une partie du produit de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité mentionnée à l'article 266 quinquies C du code des douanes. »

III. - Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du présent article.

Il détermine la proportion de quotas d’émission de gaz à effet de serre délivrés à titre onéreux pour les années 2011 et 2012 par secteurs et sous-secteurs industriels, selon que ces secteurs ou sous-secteurs sont, ou non, considérés comme exposés à un risque significatif de fuite de carbone au sens de la directive n° 2003/87/CE du 13 octobre 2003 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil. La proportion de quotas délivrés à titre onéreux à une installation, pour une année, ne peut être inférieure à 5 % ni supérieure à 15 %.

Il définit la méthode de détermination du prix des quotas délivrés à titre onéreux, en fonction du prix moyen constaté des quotas sur le marché au comptant au cours des douze mois précédant la date de délivrance de ces quotas.

IV. - Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard, le 30 juin 2011.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement important résulte d’une réflexion engagée depuis plus d’un an par la commission des finances, notamment dans le cadre d’un groupe de travail que notre collègue Fabienne Keller a animé avec une grande efficacité. Il a pour objet de répondre à un problème de compétitivité industrielle lié au système des « quotas carbone » européens.

Afin de respecter les engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto, l’Union européenne a mis en place, en son sein, un système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, le SCEQE.

Ainsi, pour la période 2008-2012, chaque État dispose d’une quantité de quotas qu’il distribue à ses sites industriels les plus fortement émetteurs de tels gaz, selon des modalités fixées dans un plan national d’allocation des quotas, un PNAQ, approuvé par la Commission européenne. Ce plan prévoit aussi une réserve, dite réserve des « nouveaux entrants », pour les nouveaux sites industriels qui seraient créés pendant la période 2008-2012, ainsi que pour les extensions de sites existants.

Or, en élaborant son plan, la France a mal calibré la réserve des nouveaux entrants.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Celle-ci est désormais vide ou sur le point de l’être. Une telle situation pose des problèmes en matière d’équité et de compétitivité : si rien n’est fait, les industriels concrétisant des projets devront acquérir sur le marché des quotas pour l’ensemble de leurs émissions, alors que leurs concurrents déjà installés recevront les leurs gratuitement, conformément au PNAQ français.

Mme Nicole Bricq et M. Daniel Raoul. Eh oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Dans ces conditions, il est clair que la mise en œuvre de certains projets risque d’être retardée, voire annulée.

En outre, l’état des finances publiques rend difficilement envisageable un scénario, juridiquement possible, dans lequel l’État acquerrait lui-même les quotas nécessaires sur le marché, pour un coût total de plus de 400 millions d’euros pour les années 2011 et 2012, sans disposer de la ressource correspondante, nous le savons bien.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ne faites pas l’étonné, mon cher collègue !

Partant de ce constat, cet amendement prévoit d’alimenter en 2011 et en 2012 le compte de commerce « Gestion des actifs carbone de l’État », habilité à abonder la réserve des nouveaux entrants, par deux biais.

D’une part, il est proposé de lui affecter le produit d’une fraction de quotas que l’État délivrerait à titre onéreux aux industriels participant au système communautaire d’échange de quotas d’émission. La proportion de quotas ainsi délivrés serait comprise entre 5 % et 15 % par an, selon que l’installation relève ou non d’un secteur ou sous-secteur considéré comme exposé à un risque significatif de fuite de carbone.

D’autre part, si nécessaire, lui serait affecté tout ou partie du produit de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, que notre commission a contribué à créer au travers du projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité.

Le produit cumulé de ces deux ressources devrait être de l’ordre de 430 millions d’euros sur deux ans, ce qui correspond à la somme nécessaire pour alimenter la réserve des nouveaux entrants.

Monsieur le ministre, permettez-moi d’anticiper une objection que vous allez me faire, celle du droit communautaire.

Il est en effet vraisemblable que la Commission européenne nous opposera que ce dispositif ne correspond pas à son analyse. Mais, comme je l’ai indiqué dans mon rapport écrit, les études auxquelles nous avons procédé et les avis que nous avons pris nous permettent de relativiser cette objection.

Selon nous, la Commission européenne peut fort bien se voir désavouée par la Cour de justice de l’Union européenne, dans la mesure où elle a été condamnée à plusieurs reprises pour excès de pouvoir en raison de son intransigeance sur ce sujet. À titre d’illustration, mon rapport écrit rend compte d’un arrêt de 2007 rendu, dans une affaire relativement proche de celle qui nous occupe, par le tribunal de première instance des Communautés européennes, qui s’est appuyé sur le règlement de la Commission du 21 décembre 2004, évoquant les procédures selon lesquelles les États membres doivent notifier à la Commission européenne les corrections qu’ils apportent à leur plan national d’allocation des quotas.

Bref, nous croyons en notre proposition, qui se borne à rendre payante une fraction des quotas alloués dans la stricte limite de ce que prévoit la directive. Dans le cas où ce dispositif serait adopté et inscrit dans la loi de finances, nous espérons que le Gouvernement saura faire valoir les droits de notre pays auprès de la justice communautaire en cas d’opposition de la Commission européenne.

M. le président. Le sous-amendement n° I-471 rectifié, présenté par M. Poniatowski et Mme Hummel, est ainsi libellé :

Amendement n° I-29

I. - Alinéa 5

Supprimer les mots :

et en 2012

2° Compléter cet alinéa par les mots :

et en 2012, par l’affectation au compte de commerce « Gestion des actifs carbone de l’État » du produit de la délivrance de quotas d’émission de gaz à effet de serre via le mécanisme d’enchères telle que définie dans la directive 2009/29/CE

II. - Alinéa 7, première phrase

Remplacer les mots :

pour les années 2011 et 2012

par les mots :

pour l’année 2011

La parole est à Mme Christiane Hummel.

Mme Christiane Hummel. Par ce sous-amendement, nous proposons de distinguer deux manières différentes, selon l’année concernée, d’alimenter le compte de commerce « Gestion des actifs carbone de l’État », destiné à abonder la réserve de quotas des nouveaux entrants.

Pour l’année 2011, il ne semble pas y avoir d’autre solution, au-delà de l’affectation de tout ou partie du produit de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, que de revenir sur le principe d’une attribution gratuite des quotas telle que prévue par le plan national d’allocation des quotas pour 2008-2012, validé par la Commission européenne en mars 2007.

Mais, pour l’année 2012, il existe une solution moins préjudiciable aux industriels participant au système d’échange de quotas d’émission.

En effet, la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil prévoit la mise aux enchères d’une partie des quotas pour la période 2013-2020. Nous proposons d’affecter le produit de cette mise aux enchères, qui sera très probablement effective dès 2012, à l’alimentation de la réserve de quotas des nouveaux entrants pour cette même année.

M. le président. Le sous-amendement n° I-474, présenté par Mme Keller, est ainsi libellé :

Amendement n° I-29

I. - Alinéa 5

Après les mots :

de finances pour 2011

insérer les mots :

, par la vente de quotas d'émission issus de la réduction à due proportion de l'enveloppe des quotas destinés aux installations ayant diminué leur activité de plus de 25 % par rapport à l'année 2007

II. - Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Un décret répartit annuellement, sur les années 2011 et 2012, la réduction de l'enveloppe des quotas destinés aux installations ayant diminué leur activité de plus de 25 % par rapport à l'année 2007.

La parole est à Mme Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. Ce sous-amendement vise à compléter le financement de la réserve des nouveaux entrants.

Pour la période 2008-2012, la France a distribué trop généreusement des quotas gratuits aux sites émetteurs de gaz à effet de serre existants, ce qui ne laisse pas de quotas disponibles pour les nouvelles industries qui émergeraient. Or il est clair qu’attribuer des quotas gratuits à ces nouveaux acteurs industriels, si nous avons la chance d’en voir apparaître, est la seule solution envisageable : on ne saurait les leur faire payer, autre solution évoquée par M. le rapporteur général.

Je propose donc, par ce sous-amendement, qu’une troisième ressource soit affectée à ce compte de commerce, issue d’une réduction des quotas gratuits accordés aux sites dont l’activité a fortement baissé, par exemple la raffinerie Total de Dunkerque. L’activité de cette unité est en train de s’effondrer, ce qui crée un effet d’aubaine pour l’industriel, qui bénéficie d’un actif ne correspondant plus à l’activité industrielle réelle.

Ce point est délicat. En effet, il s’agit non pas de suivre toute fluctuation de l’activité, l’allocation de quotas jouant un léger rôle d’amortisseur en cas de difficultés conjoncturelles, mais plutôt de retirer ces quotas aux entreprises ayant délibérément et fortement réduit le niveau d’activité. Nous proposons de prévoir que cette réduction ne puisse excéder 25 % sans que cela entraîne un retrait des quotas.

On ne peut pas retenir comme critère l’arrêt complet de l’activité, car cela inciterait au maintien artificiel de sites, pour assurer des fonctions de stockage par exemple, d’autant que l’application des règles de dépollution dans cette seule hypothèse engendre déjà un effet pervers.

Monsieur le ministre, même si vous n’aimez pas ce sous-amendement parce qu’il fragilise encore plus le dispositif au regard des règles européennes, je vous invite à prendre en compte cette question. Le mécanisme même des quotas tend à figer quelque peu dans la durée la situation des industriels. Il n’est pas possible de gérer efficacement ces quotas sans tenir compte des fluctuations de l’activité réelle des sites.

Enfin, à l’instar de M. le rapporteur général, nous ne craignons pas la sanction communautaire en l’occurrence : c’est la dissymétrie du dispositif français initialement prévu pour réaffecter des quotas, après une distribution trop généreuse, et le cas des énergéticiens qui avaient suscité l’opposition de la Commission européenne en 2008. Il n’en va pas de même ici.