Article 16
Dossier législatif : projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé
Articles additionnels après l'article 17

Article 17

I. – Après le chapitre Ier du titre II du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE IER BIS

« Pharmacovigilance

« Art. L. 5121-22. – La pharmacovigilance a pour objet la surveillance, l’évaluation, la prévention et la gestion du risque d’effet indésirable résultant de l’utilisation des médicaments et produits mentionnés à l’article L. 5121-1.

« Art. L. 5121-23. – L’Agence française de sécurité des produits de santé assure la mise en œuvre du système de pharmacovigilance pour procéder à l’évaluation scientifique de toutes les informations, pour examiner les options permettant de prévenir les risques ou les réduire et, au besoin, pour prendre des mesures appropriées. Elle définit les orientations de la pharmacovigilance, anime et coordonne les actions des différents intervenants, veille au respect des procédures de surveillance et participe aux activités de l’Union européenne dans ce domaine.

« Art. L. 5121-24. – Toute entreprise ou organisme exploitant un médicament ou un produit mentionnés à l’article L. 5121-1 est tenu de respecter les obligations qui lui incombent en matière de pharmacovigilance et en particulier de mettre en œuvre un système de pharmacovigilance ainsi que d’enregistrer, de déclarer et de suivre tout effet indésirable suspecté d’être dû à un médicament ou produit mentionnés au même article L. 5121-1 dont il a connaissance et de mettre en place des études post-autorisation mentionnées à l’article L. 5121-8-1 dans les délais impartis.

« Art. L. 5121-25. – Les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens déclarent tout effet indésirable suspecté d’être dû à un médicament ou produit mentionné à l’article L. 5121-1 dont ils ont connaissance.

« Les autres professionnels de santé, les patients et les associations agréées de patients peuvent signaler tout effet indésirable suspecté d’être dû à un médicament ou produit mentionné au même article L. 5121-1 dont ils ont connaissance.

« Art. L. 5121-26. – Les règles applicables à la pharmacovigilance exercée sur les médicaments et sur les produits mentionnés à l’article L. 5121-1 sont déterminées par décret en Conseil d’État, notamment ses modalités d’organisation ainsi que les procédures de détection, de recueil et d’analyse des signalements et les procédures de suivi et de retour de l’information vers les personnes mentionnées à l’article L. 5121-25.

« Art. L. 5121-27 . – (Supprimé)

II. – Le 13° de l’article L. 5121-20 du même code est abrogé.

III. – L’article L. 5421-6-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 5421-6-1. – Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait pour toute personne exploitant un médicament ou produit mentionnés à l’article L. 5121-1 ou pour tout titulaire de l’autorisation prévue à l’article L. 4211-6 de méconnaître les obligations de signalement d’un effet indésirable grave suspecté d’être dû à ce médicament ou produit dont il a eu connaissance. »

M. le président. L’amendement n° 34 rectifié, présenté par M. Barbier, Mme Escoffier et MM. Collin, Alfonsi, Plancade et Tropeano, est ainsi libellé :

Alinéas 7 et 8

Compléter ces alinéas par les mots :

et qui n’est pas signalé dans le résumé des caractéristiques du médicament ou du produit

La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Cet amendement tend à préciser, dans la rédaction du nouvel article L. 5121-25 du code de la santé publique, que les effets indésirables à déclarer par les médecins, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes, les pharmaciens et les autres professionnels de santé sont uniquement ceux qui ne sont pas déjà signalés dans le résumé des caractéristiques du médicament ou du produit.

Il s’agit donc d’un amendement de précision, ayant pour objet d’éviter la déclaration systématique d’effets indésirables classiques et bien identifiés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Cazeau, rapporteur. La survenue d’effets indésirables doit être signalée dans tous les cas, afin que la fréquence et l’intensité de ceux-ci puissent être établies.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 60, présenté par M. Lorrain, Mme Jouanno, M. Milon, Mmes Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. Cardoux, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mme Giudicelli, M. Gournac, Mmes Hummel et Kammermann, MM. Laménie et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary et Villiers, est ainsi libellé :

Alinéa 9 

remplacer le mot :

signalements

par le mot :

signaux

La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.

M. Jean-Louis Lorrain. Le terme « signalement » renvoie aux notifications d’effets indésirables.

Le terme « signal », quant à lui, vise le dépassement d'un seuil fixé, devant appeler l'attention au cours d'une surveillance. En pratique, on parlera de signal quand la valeur d'un paramètre – nombre de cas, taux d’incidence, etc. – s'écarte de ce qui était attendu ou admis.

Or ce sont non pas les notifications d’effets indésirables qu’il convient d’analyser, mais plutôt les effets indésirables eux-mêmes. Par conséquent, le terme « signalements » n’est pas adapté et devrait être remplacé par celui de « signaux ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Cazeau, rapporteur. Nous entrons dans des considérations d’ordre sémantique…

Le terme « signalements », si ma mémoire est bonne, figurait dans la rédaction initiale du projet de loi. Nous l’avons repris, mais la commission n’est pas opposée à son remplacement par le terme « signaux ».

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Bien évidemment, on a besoin de signalements, mais l’analyse porte sur des signaux. (Sourires.)

Le Gouvernement émet un avis favorable. Je ne sais pas si le signal que j’adresse est clair…

M. Jean Desessard. Il est lumineux !

M. Xavier Bertrand, ministre. Si ce n’est pas le cas, je ferai l’objet d’un signalement ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Cazeau, rapporteur. Quant à moi, les propos que vient de tenir M. le ministre me semblent obscurs… Je souligne une nouvelle fois que c’est le mot « signalements » qui était employé dans la rédaction initiale du projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.

(L'article 17 est adopté.)

Article 17
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Article 18 (début)

Articles additionnels après l'article 17

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 12 est présenté par Mmes Pasquet, Cohen et David, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 83 rectifié bis est déposé par Mme Archimbaud, M. Desessard, Mmes Blandin, Aïchi, Benbassa et Bouchoux, MM. Dantec, Gattolin, Labbé, Placé et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.

Tous deux tendent à insérer après l’article 17 un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article 1386-12 du code civil, les mots : « ou par les produits issus de celui-ci » sont remplacés par les mots : «, les produits issus de celui-ci ou par tout médicament à usage humain tel que mentionné à l’article L. 5121-1 du code de la santé publique ».

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour défendre l’amendement n° 12.

Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement vise à rétablir le principe de responsabilité sans faute pour risque de développement des fabricants de médicaments.

À l’occasion de la transposition par la France de la directive 85/374/CEE relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, le gouvernement de l’époque avait décidé de transposer en droit interne une disposition de cette directive dont la transposition était optionnelle, c’est-à-dire laissée à la libre appréciation des gouvernements.

C’est ainsi qu’a été transposée en droit français l’exonération de responsabilité sans faute pour risque de développement. D’autres pays membres de l’Union européenne n’ont pas fait ce choix. Cette clause d’exonération est spécifique à la responsabilité des producteurs du fait des produits défectueux. Si l’exploitant démontre qu’il était, compte tenu des données acquises de la science, dans l’impossibilité de déceler le défaut du médicament, ou même ses effets néfastes, aucune responsabilité ne peut lui être imputée. La victime aura beau établir l’existence d’un dommage, ainsi que celle d’un lien de causalité entre ce dommage et le médicament, l’exploitant ne verra jamais sa responsabilité engagée. La victime ne sera donc pas indemnisée.

Très logiquement, les exploitants s’abritent derrière cette disposition et font la démonstration que le risque ayant causé un dommage pour un consommateur n’était pas connu au moment du lancement du produit, dont la nocivité n’a été révélée que du « fait du développement ultérieur des connaissances scientifiques et techniques ».

Pourtant, la France n’était pas obligée de transposer cette partie de la directive. Ce qui a été fait peut être défait, car les conséquences de cette transposition sont importantes pour les victimes, particulièrement quand les dommages sont survenus entre 1998 et 2001.

En effet, l’arrêt rendu en 2007 par la Cour de cassation et mentionné dans l’objet de notre amendement précise qu’un laboratoire ne peut faire valoir le risque de développement qu’à compter de 1998, année où la France a ratifié la directive.

Or l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, l’ONIAM, ne peut intervenir dans le processus d’indemnisation que pour les préjudices survenus à partir de 2001. Il résulte de cette situation que les victimes des années 1998 à 2001 sont contraintes, pour obtenir réparation, de faire la démonstration que le fabricant a commis une faute qu’il ne pouvait ignorer, que l’exploitant a sciemment commercialisé un médicament dont il savait déjà qu’il était nocif.

Cette condition étant quasiment impossible à remplir, nous proposons au Sénat d’adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour défendre l’amendement n° 83 rectifié bis.

Mme Patricia Schillinger. Comme le soulignait l’Organisation mondiale de la santé dans son document Perspectives politiques de l’OMS sur les médicaments, publié en octobre 2004, « l’expérience a montré que de nombreux effets indésirables ainsi que des problèmes d’interaction (par exemple avec des aliments ou d’autres médicaments) ou des facteurs de risques n’apparaissent qu’au cours des années qui suivent la mise sur le marché d’un médicament ».

Contrairement aux produits de grande consommation classiques, le médicament est toujours un produit à risque et la détection de ce dernier est partie intégrante du processus d’industrialisation : la couverture du risque doit donc être prise en charge par l’industriel à tous les stades de détection.

Par cet amendement, nous souhaitons donc rétablir la responsabilité sans faute pour risque de développement des fabricants de médicaments.

Nous estimons en effet que les essais cliniques ne permettent pas d’évaluer a priori de manière exhaustive les risques graves, tels que les effets secondaires ou certaines interactions avec d’autres traitements ou certains modes de vie.

Dès lors, la sécurité des « primo-consommateurs » ne peut être totalement garantie. Le risque qu’ils encourent doit donc être considéré et assuré par les industriels du médicament, au même titre que ceux pris par les participants aux essais cliniques.

L’exemple de la Thalidomide est révélateur à cet égard et vous convaincra, je l’espère, de la nécessité d’adopter cet amendement.

Apparu en 1957, ce médicament était largement prescrit en tant que remède prétendument inoffensif contre les nausées et vomissements matinaux incoercibles de la grossesse. Son utilisation pendant la grossesse devait cependant rapidement être associée à une anomalie congénitale entraînant de graves malformations des enfants à la naissance. Il fut retiré du marché mondial dès 1961.

D’autres scandales, comme ceux du Distilbène et du Mediator, ne peuvent que nous inciter à renforcer la responsabilité du fabricant et/ou du distributeur-importateur du médicament et à redonner aux « primo-consommateurs » d’un médicament récemment mis sur le marché les mêmes droits, en termes d’indemnisation, que les participants aux essais cliniques qui ont précédé cette mise sur le marché.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Cazeau, rapporteur. La commission est favorable à ces deux amendements identiques.

Je rappelle à cet instant que, en 1998, lors de la discussion de la loi de transposition de la directive relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, la commission des lois du Sénat s’était déclarée défavorable à l’exonération de responsabilité pour risque de développement. Elle avait d’ailleurs expressément proposé d’exclure de son champ les producteurs de produits de santé.

Vous me direz peut-être, monsieur le ministre, que l’adoption de ces amendements poserait problème au regard du droit communautaire, même si, à l’origine, la transposition en droit interne de la clause d’exonération pour risque de développement était optionnelle.

Je note cependant que le gouvernement de l’époque n’avait rien objecté de tel à la commission des lois du Sénat. Il avait même adopté la même position qu’elle.

En tout cas, ces amendements vont dans la bonne direction et leur adoption pourrait provoquer une réflexion utile à l’échelon communautaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Vous appelez à l’engagement d’une réflexion, monsieur le rapporteur, mais c’est avant de renoncer à notre théorie de la responsabilité, fondée sur la faute, qu’il faut bien réfléchir ! Pour ma part, je ne considère pas comme un modèle le système américain, fondé sur le risque. Il faudrait m’expliquer quels seraient les avantages d’un tel changement pour les patients et pour notre système de santé !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos12 et 83 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 17.

La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. On demande souvent au Gouvernement de présenter des études d’impact ; j’aimerais obtenir communication de celle qui a conduit à une telle décision. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) Cela étant, je respecte bien entendu le vote du Sénat…

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 13 rectifié est présenté par Mmes Pasquet, Cohen et David, MM. Watrin, Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 84 rectifié est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard, Mmes Blandin, Aïchi, Benbassa et Bouchoux, MM. Dantec, Gattolin, Labbé, Placé et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. - Après l'article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 5121-21 du code de la santé publique, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... – I. – Est considérée comme la manifestation probable d’un effet indésirable accepté d’un médicament ou produit de santé à usage humain tel que défini à l’article L. 5121-1 :

« 1° Toute affection similaire à la description donnée ou connue d’un effet indésirable d’un médicament mentionné dans la notice du médicament au moment de la survenue de l’affection ou ultérieurement et survenant dans la période de latence admise suivant la prise de ce médicament ;

« 2° Toute affection figurant sur une liste définie par décret en Conseil d’État.

« II. – Tout doute sur l’implication d’un produit de santé dans l’affection considérée doit bénéficier à la victime.

« III. – La liste définie par décret en Conseil d’État précise tous les éléments de nature à établir le dommage et l’implication d’un médicament dans la survenue de ce dernier. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre VI bis

Réparation des accidents médicamenteux

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l'amendement n° 13 rectifié.

Mme Isabelle Pasquet. La théorie de la responsabilité civile repose sur un triptyque juridique composé d’un fait générateur – l’action d’une personne ou d’une chose, comme c’est le cas ici –, de l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité entre celui-là et celle-ci.

En somme, pour pouvoir espérer bénéficier d’une indemnisation à la suite d’un préjudice du fait d’un médicament, la victime doit apporter la preuve que la dégradation de son état de santé est la conséquence du traitement qu’elle a suivi.

Cette démonstration est d’autant plus complexe à faire que deux éléments entrent en jeu. Tout d’abord, c’est à la victime d’apporter la preuve de l’existence d’un lien de causalité. Mais surtout, il ne peut s’agir d’un lien de causalité général, se fondant notamment sur la doctrine scientifique ou sur l’existence de cas similaires avérés : il faut impérativement que ce lien de causalité soit prouvé à titre individuel.

Or cela est extrêmement difficile, dans la mesure où ce que les victimes peuvent le plus aisément prouver, c’est l’existence d’un dommage similaire à d’autres personnes se trouvant dans des situations identiques, c’est-à-dire présentant la même pathologie et ayant suivi le même traitement.

Apporter la preuve, déconnectée des recherches scientifiques et des autres cas existants, qu’un médicament a provoqué sur soi des effets néfastes demeure, dans les faits, très compliqué.

Tout cela restreint considérablement le droit à l’indemnisation des victimes, ce qui n’est pas acceptable eu égard à l’importance des dépenses que leur situation médicale peut entraîner.

Aussi, afin de permettre une juste indemnisation, c’est-à-dire la réparation du dommage et la compensation des dépenses qui y sont liées, apparaît-il nécessaire d’aménager la charge de la preuve, en mettant en œuvre la théorie dite du « faisceau d’indices », en vertu de laquelle la victime a non plus à démontrer le lien de causalité, mais l’existence de différents éléments concordants ayant vraisemblablement conduit à la réalisation du dommage.

S’agissant du Mediator, cela reviendrait à considérer que, pour pouvoir être indemnisée, la victime devra prouver qu’elle a été traitée par ce médicament durant une certaine période, que, comme de nombreuses autres personnes dans le même cas, elle a développé des valvulopathies et que, en outre, de telles situations étaient déjà connues des agences sanitaires. Si le présent amendement était adopté, pourrait être intégré au faisceau d’indices le rapport de l’AFSSAPS indiquant que, sur les « 303 000 patients [suivis] (73 % de femmes, âge moyen : 53 ans), 597 patients ont été hospitalisés pour valvulopathie, 50 % ont eu une chirurgie valvulaire et 64 sont décédés, dont 33 après chirurgie. Et l’analyse de la cause la plus probable de décès met en évidence 46 décès imputables à une valvulopathie. »

Il ne s’agit là que d’un exemple, les victimes du Mediator bénéficiant d’un régime particulier d’indemnisation, mais il illustre parfaitement ce que l’on entend par faisceau d’indices.

De la même manière, nous considérons que la notice du médicament, qui fait état d’effets indésirables pouvant être graves et correspondre à ceux dont est victime le patient, doit également être considérée comme établissant un commencement de lien de causalité.

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour présenter l'amendement n° 84 rectifié.

M. Ronan Kerdraon. Le doute doit bénéficier au patient, comme l’a indiqué M. le ministre au cours de la discussion générale : nous avons été très sensibles au signal qu’il nous a ainsi adressé !

Cet amendement tend à inscrire ce principe dans le projet de loi, s’agissant de l’établissement d’un lien de causalité entre la prise d’un médicament et un effet indésirable. En effet, l’existence de ce lien de causalité est si complexe à démontrer pour un cas individuel qu’il est souvent difficile, pour les victimes, d’aboutir dans leur démarche.

Or il serait insupportable que se reproduise l’affaire du Distilbène, par exemple, dont les victimes ont dû mener un combat judiciaire de vingt années…

En effet, alors que ce médicament avait été contre-indiqué en 1977, et même dès 1971 aux États-Unis, pour les femmes enceintes, que les premières plaintes ont été déposées en 1991, il aura fallu attendre 2002 pour que la responsabilité du laboratoire dans le développement des cancers des plaignantes soit reconnue. D’appels en nouveaux procès, ce n’est qu’en 2011 que la cour d’appel de Versailles a reconnu le lien entre la prise de Distilbène et l’apparition de handicaps à la troisième génération ! Plus aucune victime ne doit avoir à subir un tel parcours du combattant !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Cazeau, rapporteur. Ces amendements identiques tendent, comme les deux précédents, à revenir sur les conséquences défavorables, pour les victimes d’accidents médicamenteux, de la transposition en droit français de la directive relative à la responsabilité du fait des produits défectueux. Celle-ci impose aux victimes d’un accident médicamenteux de prouver l’existence d’un lien de causalité entre la prise du médicament et le dommage subi. Paradoxalement, il était plus facile d’obtenir une indemnisation avant la transposition de la directive !

Les amendements visent à alléger la charge de la preuve lorsque la victime souffre d’une affection similaire à un effet indésirable connu, d’une infection répertoriée comme fréquemment liée à un médicament.

La commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 rectifié et 84 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17.

Chapitre VII

Information et publicité sur le médicament à usage humain