M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur le président, madame la présidente, je tiens à souligner qu’il y a eu un grand nombre d’abstentions, qui n’ont pas été comptabilisées, en vertu de règles que je ne connais pas.

Le texte global manifestement progresse, comme Jacques Legendre l’a souligné, sur le concept lui-même. Je reste pourtant profondément attaché au travail qui a été fait par M. Legendre et par Mme Férat. Je rends hommage à l’un et à l’autre, avec une petite préférence – vous voudrez bien me le pardonner, monsieur Legendre ! – pour Mme Férat (Sourires.), car j’ai le sentiment qu’elle a porté cette proposition avec énormément de cœur et de compétence, ce qui explique aussi le chagrin qu’elle a pu éprouver. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.) Laissez-moi terminer ! J’ai suffisamment rendu hommage, comme il se devait, à la qualité du travail effectué par la majorité pour être autorisé à faire ce commentaire.

Beaucoup d’éléments ont fait consensus. Cela n’empêchera pas de continuer à discuter sur un certain nombre de points, car je pense que la majorité, un peu par dogmatisme, madame la présidente de la culture, a vidé le texte de loi de quelques-uns des éléments qui lui étaient essentiels pour atteindre le but que nous visons tous : la protection du patrimoine.

Sur le problème des ventes à la découpe, je précise que la création du Haut conseil du patrimoine monumental permettra d’éviter tout dérapage.

La question soulevée par M. Assouline concernant le Mont-Saint-Michel ne m’avait pas échappé. Là aussi, l’existence du Haut conseil est importante. Cela dit, il ne faut pas non plus totalement se braquer contre d’éventuelles affectations inattendues concernant tel ou tel élément du patrimoine, dès lors que le Haut conseil pourra les envisager et que le ministère de la culture et de la communication aura le dernier mot. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

M. le président. Monsieur le ministre, puisque vous avez évoqué le scrutin qui vient d’avoir lieu, je précise que, en énonçant le résultat, le président de séance doit donner les pour et les contre, mais que les abstentions, qui sont en l’occurrence au nombre de 169,…

M. Alain Gournac. C’est énorme !

M. le président. … ne figurent que dans l’analyse politique du scrutin.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur le président, je vous remercie de cette précision.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
 

8

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Exception d'irrecevabilité

Scolarité obligatoire à trois ans

Discussion et retrait d'une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans, présentée par Mme Françoise Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (proposition n° 447 [2010-2011], texte de la commission n° 63, rapport n° 62).

Irrecevabilité

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (début)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en application de l’article 40 de la Constitution (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il va y en avoir maintenant, des articles 40 !

M. Roland Courteau. Il n’y a pas de quoi être fier !

Mme Éliane Assassi. C’est un déni de démocratie !

M. Roland Courteau. C’est scandaleux !

M. Luc Chatel, ministre. … selon lequel « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique », le Gouvernement considère que la proposition de loi de Mme Françoise Cartron visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans n’est pas recevable et ne peut donc être soumise à discussion. (Très vives protestations sur les mêmes travées.)

M. Claude Domeizel. C’est une honte !

M. le président. Mes chers collègues, conformément à l’article 45 (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. Non, c’est l’article 40 de la Constitution !

M. le président. … de notre règlement, le Gouvernement a soulevé une exception d’irrecevabilité fondée sur l’article 40 de la Constitution.

La commission des finances n’est pas en état de faire connaître immédiatement ses conclusions, mais va se réunir dans quelques instants. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. François Rebsamen. Monsieur le président, je voudrais la parole pour un rappel au règlement !

M. David Assouline. Moi aussi !

M. Jean-Jacques Mirassou. Rappel au règlement !

M. Dominique de Legge. Je demande la parole pour un rappel au règlement !

M. Claude Domeizel. Je voudrais faire un rappel au règlement !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Rappel au règlement, monsieur le président !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, je demande également la parole pour un rappel au règlement !

Mme Françoise Cartron. Rappel au règlement !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement !

M. Michel Le Scouarnec. Rappel au règlement !

Rappels au règlement

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (suite)

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour un rappel au règlement.

M. François Rebsamen. Mon intervention se fonde sur l’article 36 du règlement du Sénat.

Monsieur le ministre, vous avez entendu les cris de stupéfaction (M. le ministre sourit.)…

M. Roland Courteau. Ce n’est pas drôle !

M. François Rebsamen. … de toutes celles et de tous ceux qui souhaitaient pouvoir discuter ce soir d’une proposition de loi relative aux enfants de notre pays.

Il s’agit, en effet, de débattre, sur la base d’une proposition de Mme Cartron, du principe d’une scolarisation obligatoire dès l’âge de trois ans.

Monsieur le ministre, avant de vous faire part de mon ressenti politique, permettez-moi de vous dire que, d’un point de vue juridique, vous agissez, me semble-t-il, avec précipitation, en faisant une appréciation incorrecte des pouvoirs que la Constitution a conférés à notre assemblée.

M. François Rebsamen. De plus, c’est, pour le Gouvernement, une mauvaise manière à l’endroit du Sénat, car l’ordre du jour de la Haute Assemblée a été réglé en présence du ministre chargé des relations avec le Parlement, et ce lors de deux conférences des présidents.

Il est donc assez surprenant d’apprendre quelques minutes avant le début de l’examen d’une proposition de loi comme celle-ci que le Gouvernement va invoquer l’article 40 non seulement pour déclarer que le texte est irrecevable, mais pour empêcher même qu’il soit mis en discussion.

Qu’avez-vous donc à craindre politiquement d’un tel débat sur un sujet qui concerne aujourd'hui des milliers et des milliers de familles ?

M. François Rebsamen. Par votre attitude, vous bafouez également les règles de fonctionnement de notre assemblée.

Mauvaise manière, disais-je. C’est en effet la première fois que le Gouvernement veut faire disparaître un texte, ni plus ni moins. Pourtant, depuis les dernières réformes constitutionnelles, nombreuses ont été les propositions de loi débattues dans cet hémicycle qui auraient pu tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution !

Monsieur le ministre, vous auriez pu attendre la fin de la discussion générale pour invoquer cet article : cela aurait permis aux Français d’être éclairés sur les positions des uns et des autres par rapport à cette proposition de scolarisation obligatoire des enfants dès l’âge de trois ans.

Cette mauvaise manière, je l’assimile à un véritable coup de force du Gouvernement, un coup de force contre l’institution sénatoriale, oui, contre la Haute Assemblée elle-même, car il s’agit d’une semaine sénatoriale d’initiative.

Hier encore, nous étions en réunion avec M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, et celui-ci n’a dit mot sur l’inscription à l’ordre du jour de ce texte.

Vous comprendrez donc la stupéfaction qui est la nôtre aujourd'hui, la colère qui peut justement animer celles et ceux qui ont travaillé, qui ont réfléchi, qui se sont réunis en commission dans la perspective d’avoir, avec le Gouvernement, un débat digne sur une proposition de loi qui honorait la démocratie. (M. Vincent Eblé applaudit.)

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. François Rebsamen. Monsieur le ministre, nous considérons que cette précipitation témoigne, au final, d’une grande inquiétude de votre part. (Oui ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Que craignez-vous donc ? C’est la question à laquelle vous devrez répondre.

Vous voulez donc nous interdire toute discussion générale. Je rappelle tout de même que, aux termes de l’article 47 quater du règlement, « lorsqu’une exception d’irrecevabilité est fondée sur les dispositions de l’article 40 ou sur l’une des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances » – ce qui n’est pas le cas en l’espèce –, « l’irrecevabilité est appréciée par la commission des finances ». (Oui ! sur les travées de l’UMP.)

Vous pouvez donc invoquer l’article 40, mais nous pouvons, nous, continuer à débattre tant que la commission des finances ne s’est pas réunie. En effet, c’est à elle, et à elle seule, qu’il revient d’apprécier la recevabilité de la proposition de loi au titre de l’article 40 de la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Roland Courteau. Exactement ! C’est un bon argument !

M. François Rebsamen. Enfin, je comprends votre malaise : le fait que le ministre de l’éducation nationale vienne dans cet hémicycle nous annoncer qu’il ne veut même pas débattre de ce texte montre le mépris dans lequel le Gouvernement tient la Haute Assemblée…

M. Roland Courteau. Depuis qu’elle est à gauche !

M. François Rebsamen. … et la manière dont le Gouvernement conçoit la relation entre l’exécutif et le législatif.

Monsieur le ministre, je considère, comme mes collègues ici présents, que ce que vous venez de faire n’est ni à votre honneur ni à l’honneur du Gouvernement. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que la commission des finances est convoquée pour dix-neuf heures quarante-cinq.

La parole est à Mme la présidente de la commission, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (suite)

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le ministre, la déclaration que vous venez de faire est assez stupéfiante. Géographiquement proche de vous ce soir dans l’hémicycle, j’ai également été stupéfaite de votre sourire.

M. Roland Courteau. C’est une honte !

M. Jean-Pierre Caffet. Une provocation !

Mme Françoise Cartron. La marque d’un mépris total !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Les conséquences de ce choix et de cette attitude pourraient être très graves.

Il s’agit pour vous de tenter de flouer complètement le travail de la commission, de ses cinquante-sept membres qui se sont penchés sur le texte, sur son contenu, sur ses conséquences, sur son coût et qui, croyez-le bien, ont largement soupesé ce que signifierait l’inscription dans la loi de la scolarisation réelle à laquelle tous les enfants auraient droit dès trois ans, qu’ils soient français ou, je le rappelle – vous l’oubliez trop souvent –, qu’ils résident simplement sur notre sol. (Murmures sur les travées de l’UMP.)

Vous flouez l’ordre du jour du Sénat, et vous le flouez doublement.

D’une part, vous devez savoir, monsieur le ministre, que, s’il s’agit d’une proposition de loi émanant du groupe socialiste-EELV, il s’agit également d’un espace-temps que j’ai repris, au nom de la commission de culture, de l’éducation et de la communication, en tant que présidente – c’est l’institution qui vous parle, monsieur le ministre – pour permettre que le texte puisse être correctement débattu, c’est-à-dire sans être floué par l’horloge.

Mme Françoise Laborde. Tout à fait !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. D’autre part, l’inscription à l’ordre du jour de ce texte avait été scellée lors de l’avant-dernière conférence des présidents,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je confirme : c’était le 26 octobre !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. … et réitérée à l’occasion de la dernière conférence. Nous avions alors réglé un ordre du jour, validé par ladite conférence, avec l’approbation du ministre, M. Patrick Ollier.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Je tiens à vous dire solennellement que l’utilisation de l’arme de l’article 40 est inédite et qu’il pourrait s’agir d’une arme de destruction massive pour la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Pour conclure, si vous deviez poursuivre dans cette destruction, nous ne pouvons imaginer que vous iriez jusqu’à empêcher les parlementaires de tous les groupes de s’exprimer dans la discussion générale, qui, hormis la ventilation de la salle, ne coûte rien ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. Dominique de Legge, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (suite)

M. Dominique de Legge. J’ai bien entendu tout ce qui vient d’être dit, mais j’invite tout un chacun à relire les trois articles du texte de loi.

M. David Assouline. Ne vous fatiguez pas !

M. Dominique de Legge. Je rappelle que l’article 1er a été introduit lors de l’examen du texte en commission, ce qui n’est pas neutre.

Cet article pose le principe suivant lequel « les enfants de deux ans inscrits dans les classes enfantines ou les écoles maternelles sont accueillis dans des conditions spécifiques adaptées à leur âge ». Chacun peut comprendre que les « conditions spécifiques », s’agissant des enfants de moins de trois ans, correspondent sans doute à un encadrement accru, et donc à davantage de personnel, soit, incontestablement, à une dépense nouvelle. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Chers collègues, vous nous avez parlé abondamment de démocratie, de respect. Je vous ai écoutés paisiblement, et j’espère que vous allez à votre tour m’écouter dans les mêmes conditions.

Aux termes de l’article 2 du texte, qui résulte lui aussi d’un ajout, « Les conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de la présente proposition de loi sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement ».

M. Dominique de Legge. Sans entrer dans le fond du débat, je ne vois pas comment on peut affirmer que cette proposition de loi n’aura d’incidences ni financières ni budgétaires. Je cite le rapport, en sa page 10 : « En outre, budgétairement, l’impact sur l’État et les communes devrait rester marginal ». Peut-être cet impact restera-t-il marginal ; il n’en demeure pas moins qu’il existera bel et bien ; cela ressort très clairement des travaux de la commission.

C'est la raison pour laquelle l’article 40, mais la commission des finances se prononcera tout à l'heure, méritait en l’espèce d’être invoqué par le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Murmures sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Pierre Caffet. On s’en souviendra !

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à Mme Françoise Cartron, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (suite)

Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, balayer d’un revers de la main cette proposition de loi, quelques instants avant le début de son examen en séance publique, et nous interdire d’en discuter est proprement scandaleux ; je pèse mes mots.

Mme Françoise Cartron. En effet, cela témoigne d’une absence de respect pour la démocratie et les élus que nous sommes, d’une absence de respect pour la nouvelle majorité sénatoriale, porteuse de cette proposition de loi, une nouvelle majorité, faut-il vous le rappeler ? qui siège aujourd’hui sur ces travées par la volonté des citoyens. Nous ne nous sommes pas introduits ici par la force !

Dès lors, je m’interroge : dans quel pays sommes-nous ? Assurément, dans un pays où, arguant d’un vice de forme,…

M. Jean-Jacques Hyest. Vice de forme ? C’est la Constitution !

Mme Françoise Cartron. … un ministre de l’éducation, dont le devoir est, me semble-t-il, de s’intéresser à tous chaque jour, peut écarter la moindre discussion sur l’avenir des enfants, et en particulier des très jeunes enfants, avec un sourire ironique. (Murmures sur les travées de l’UMP.) Ce sourire ne fait qu’attester le mépris du Gouvernement pour ce que nous défendons.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, votre devoir est de défendre et de protéger les enfants de France, de tous âges et quels qu’ils soient.

Je le répète : qu’avez-vous à craindre de cette proposition de loi ? Qu’elle recueille, ici et ailleurs, un large assentiment ? Qu’elle soit votée et qu’elle rencontre demain dans notre pays un large écho de la part de parents qui, pour 98 % ou 99 % d’entre eux, vous le savez bien, plébiscitent déjà l’école maternelle ?

Qu’avez-vous à craindre de la part d’enfants à qui vous offrirez la possibilité de grandir, de se construire, d’acquérir des connaissances ? Je pense en particulier aux enfants de familles défavorisées qui n’ont pas tous la chance de bénéficier du bain culturel leur permettant d’acquérir les outils pour devenir, demain, des élèves qui réussissent et, après-demain, des citoyens bien intégrés ?

Je reçois donc votre sourire comme une insulte.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Oui, c’est une insulte !

M. Roland Courteau. Elle a raison !

Mme Christiane Kammermann. C’est insupportable !

Mme Françoise Cartron. C’est une insulte à tous les enfants, qui, si l’on vous en croit, ne mériteraient pas attention, et ce pour des questions d’argent, pour des questions de sous !

Dieu sait pourtant que, depuis cinq ans, ce gouvernement a su trouver l’argent nécessaire à la conduite de projets moins enthousiasmants et moins déterminants pour l’avenir de notre société !

Je ne me résoudrai jamais à ce que l’argent soit la variable d’ajustement de nos politiques éducatives et de nos ambitions.

Je ne me résoudrai jamais à ce que l’on abandonne les enfants les plus défavorisés à leur triste sort.

C’est que, monsieur le ministre, il y va de l’honneur de la République, il y va de notre honneur d’élus de porter des avancées aussi importante que cette proposition de loi tendant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, afin de permettre à la commission des finances de se réunir, nous allons suspendre la séance quelques instants. (Non ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ça continue ! C’est incroyable !

M. le président. Chers collègues, les commissaires n’ont pas le don d’ubiquité…

M. David Assouline. Terminons les rappels au règlement !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tous ne se sont pas exprimés !

M. David Assouline. Le rappel au règlement est de droit !

M. le président. Vous aurez tout le temps de vous exprimer après la suspension. (Protestations sur les mêmes travées.)

M. Jean-Pierre Sueur. Le rappel au règlement est de droit !

M. le président. Monsieur Sueur, ce n’est pas la première fois que la présidence accepte une suspension de séance lorsque la commission des finances doit se réunir.

Je vous propose de suspendre la séance pendant dix minutes.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Non, le rappel au règlement est de droit !

M. Roland Courteau. Vous n’allez pas changer les règles !

M. le président. Mes chers collègues, vous pourrez vous exprimer à l’issue de la suspension.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. Le rappel au règlement est de droit !

M. le président. Le rappel au règlement n’est pas de droit au sens où vous l’entendez, chers collègues.

M. le président. Je vais suspendre la séance pour dix minutes.

M. Roland Courteau. On les connaît, les dix minutes !

M. le président. Chers collègues, essayez d’être conciliants !

M. Jean-Pierre Sueur. La parole est accordée « sur-le- champ » pour un rappel au règlement ! C’est le règlement, monsieur le président !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tous les groupes politiques ont droit de prendre la parole pour un rappel au règlement !

M. le président. Je vais donc, avant la suspension, donner la parole à M. Domeizel, pour un rappel au règlement. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Dans ces conditions, je suspends la séance pour dix minutes.

M. Claude Domeizel. Non, il faut aller au bout de tous les rappels au règlement !

M. Jacques Chiron. Oui, pas de suspension avant !

M. François Rebsamen. Vous pouvez suspendre la séance, monsieur le président, nous, nous restons !

M. le président. Monsieur Rebsamen, tout à l’heure, nous sommes convenus d’une suspension de dix minutes pour la réunion de la commission des finances.

M. Roland Courteau. C’est une honte ! (M. le ministre se lève et quitte l’hémicycle.)

Mme Françoise Cartron. Le ministre s’en va !

M. Roland Courteau. La présidence est aux ordres du ministre !

Mme Françoise Cartron. C’est une honte !

M. Bertrand Auban. Tout cela va mal finir !

M. François Rebsamen. Monsieur le président, pour éviter ce qui pourrait devenir un grave incident de séance, et un grave incident dans la vie parlementaire,…

M. Roland Courteau. C’est déjà le cas !

M. François Rebsamen. … je crois nécessaire que vous laissiez s’exprimer les collègues qui en ont manifesté le souhait. Le ministre est parti, tant pis,…

Mme Françoise Laborde. Ce n’est pas correct !

M. Claude Domeizel. Qu’il revienne !

M. François Rebsamen. … mais je ne doute pas qu’il revienne.

Laissez donc les uns et les autres s’exprimer, monsieur le président. Cela laissera le temps au président de la commission des finances de gagner lui aussi l’hémicycle.

Un peu de sérénité serait profitable au débat. Mais, je dois le dire, le Gouvernement a mis le feu !

M. le président. Dans un souci de conciliation, et en attendant que la commission des finances soit prête à se prononcer, je vous propose, mes chers collègues, de poursuivre temporairement les rappels au règlement.

Mme Françoise Laborde. Il nous faut un ministre !

M. le président. M. le ministre voudra sans doute regagner l’hémicycle.

M. Jean-Pierre Sueur. L’article 36, alinéa 3, du règlement s’applique, monsieur le président !

Que dispose cet article ? « La parole est accordée sur-le-champ à tout sénateur qui la demande pour un rappel au règlement. »

L’expression « sur-le-champ » a un sens précis. Elle signifie immédiatement.

M. le président. J’en conviens, monsieur Sueur, mais ce même article 36, alinéa 3, dispose également que l’auteur de la demande « doit faire référence à une disposition précise du règlement ».

Si je devais respecter à la lettre l’ensemble de ces dispositions, les rappels au règlement pourraient prendre fin assez rapidement...

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Donnez au moins la parole aux orateurs qui en ont formulé la demande !

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. Et le ministre !

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On nous demande de taire notre colère. C’est le bouquet final !

M. Jean-Jacques Mirassou. Où est le ministre ?

Mme Françoise Cartron. Ce n’est pas possible !

Mme Françoise Laborde. Il nous faut un ministre au banc du Gouvernement !

M. le président. Mes chers collègues, M. le ministre a sans doute compris que la séance était suspendue, mais il ne saurait tarder. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Roland Courteau. Il faut aller le chercher ! (M. le ministre regagne l’hémicycle.)

M. le président. La parole est donc à M. David Assouline, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (suite)

M. David Assouline. Mon intervention se fonde sur les articles 32 et suivants du règlement, monsieur le président.

Monsieur le ministre, votre attitude est très grave. On aurait pu interpréter votre sourire comme étant l’expression de votre fierté d’avoir porté un bien mauvais coup à la gauche.

Je vous l’accorde, vous ne vous en êtes peut-être pas rendu compte, mais ce coup de force est un coup porté au Parlement, un coup porté aux droits du Parlement,…

M. David Assouline. … y compris à ces droits nouveaux qui devaient selon vous découler de la revalorisation du rôle du Parlement que votre gouvernement n’a cessé de brandir pour justifier la révision constitutionnelle.

C’est donc un coup aux droits de l’opposition et, plus généralement, aux droits des groupes. En effet, la révision constitutionnelle a instauré l’initiative parlementaire, alors que, auparavant, n’existait que l’initiative gouvernementale, et a permis la création de niches réservées aux groupes.

Aujourd’hui, vous portez un coup à une niche parlementaire socialiste, mais la même attitude, soyez-en sûrs, chers collègues, vaudra pour d’autres initiatives parlementaires.