Sommaire

Présidence de M. Charles Guené

Secrétaires :

M. Jean-François Humbert, Mme Marie-Noëlle Lienemann.

1. Procès-verbal

2. Dépôt de rapports du Gouvernement

3. Rappel au règlement

MM. Jean-Jacques Hyest, le président, Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.

4. Protection de l’identité. – Adoption, en deuxième lecture, d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : MM. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; François Pillet, rapporteur de la commission des lois.

Mmes Virginie Klès, Éliane Assassi, Anne-Marie Escoffier, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Michel Houel.

Clôture de la discussion générale.

Article 4. – Adoption

Article 5

Amendement n° 2 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 3 rectifié de Mme Michèle André. – Mme Virginie Klès. – Retrait.

Amendement n° 4 du Gouvernement. – MM. le ministre, le rapporteur, Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois ; Mme Virginie Klès. – Rejet par scrutin public.

Adoption de l'article.

Article 5 bis. – Adoption

Article 5 ter

Amendement n° 1 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Articles 6 et 7 bis. – Adoption

Vote sur l'ensemble

Mme Virginie Klès.

Adoption de la proposition de loi.

5. Rappels au règlement

MM. Jean-Jacques Hyest, le président.

MM. Jean-Pierre Michel, le président.

Suspension et reprise de la séance

6. Rappels au règlement

Mme Françoise Férat, M. le président.

MM. David Assouline, le président.

7. Patrimoine monumental de l'État. – Adoption, en deuxième lecture, d'une proposition de loi

Discussion générale : M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication ; Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, rapporteure.

Mmes Cécile Cukierman, Françoise Laborde, M. Jacques Legendre, Mmes Catherine Morin-Desailly, Françoise Cartron, M. Vincent Eblé, Mme Claudine Lepage.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er A

Mme Françoise Férat, M. David Assouline.

Amendement n° 1 rectifié ter de Mme Françoise Férat. – Mme la rapporteure, M. le ministre, Mmes Catherine Morin-Desailly, Nathalie Goulet, M. Claude Domeizel. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 1er

Mmes Françoise Férat, Colette Mélot.

Amendement n° 6 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman. – Retrait.

Amendement n° 39 de Mme Françoise Cartron. – Mme Françoise Cartron.

Amendement n° 38 de Mme Françoise Cartron. – M. Vincent Eblé.

Mme la rapporteure, MM. le ministre, Jacques Legendre, Claude Domeizel, Mme Françoise Cartron. – Rectification de l’amendement no 38 ; retrait de l’amendement no 39 ; adoption de l’amendement no 38 rectifié.

Amendement n° 2 rectifié ter de Mme Françoise Férat. – Mme la rapporteure, MM. le ministre, David Assouline. – Rejet.

Amendement n° 7 de Mme Cécile Cukierman. – Mmes Cécile Cukierman, la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 8 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman.

Amendement n° 41 de Mme Françoise Cartron. – Mme Françoise Cartron. – Retrait.

Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption de l’amendement no 8.

Amendement n° 43 rectifié de Mme Françoise Cartron. – Mmes Françoise Cartron, la rapporteure, M. le ministre, Mme Françoise Férat, M. Jacques Legendre. – Adoption.

Amendement n° 13 de Mme Cécile Cukierman. – Mmes Cécile Cukierman, la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 45 de Mme Françoise Cartron. – M. David Assouline, Mme la rapporteure, M. le ministre, Mme Françoise Cartron. – Retrait.

Amendement n° 51 de Mme Françoise Cartron. – Mme la rapporteure, M. le ministre, Mme Nathalie Goulet. – Adoption.

Amendement n° 48 de Mme Françoise Cartron. – Mmes Claudine Lepage, la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 1er

Amendement n° 52 de Mme Françoise Cartron. – Mmes Françoise Cartron, la rapporteure, M. le ministre, Mme Nathalie Goulet, MM. David Assouline, François Rebsamen. – Retrait.

Article 2 (supprimé)

Articles 2 bis et 3. – Adoption

Article 4

M. Pierre Bordier.

Amendement n° 17 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman. – Retrait.

Amendement n° 57 de Mme Françoise Cartron. – Mme Françoise Cartron.

Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption de l’amendement no 57.

Amendement n° 58 de Mme Françoise Cartron. – M. David Assouline, Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 59 de Mme Françoise Cartron. – Mmes Françoise Cartron, la rapporteure, M. le ministre, Mme Nathalie Goulet. – Adoption.

Amendement n° 60 de Mme Françoise Cartron. – Mme Françoise Cartron. – Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Article 5

Mme Colette Mélot.

Amendement n° 62 de Mme Françoise Cartron. – Mme Françoise Cartron.

Amendement n° 19 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman.

Amendements identiques nos 21 de Mme Cécile Cukierman et 64 de Mme Françoise Cartron. – Mmes Cécile Cukierman, Françoise Cartron.

Mme la rapporteure, MM. le ministre, Jean-Jacques Mirassou. – Adoption de l'amendement no 62 rédigeant l'article, les amendements nos 19, 21 et 64 devenant sans objet.

Article 6. – Adoption

Article 7

Mme Françoise Férat.

Amendement n° 24 de Mme Cécile Cukierman. – Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, la rapporteure, M. le ministre. – Adoption.

Amendement n° 3 rectifié ter de Mme Françoise Férat. – Mme Françoise Férat.

Amendement n° 31 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Françoise Laborde.

Amendements identiques nos 32 rectifié de M. Jacques Mézard et 69 de Mme Françoise Cartron. – M. David Assouline.

Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption de l’amendement no 3 rectifié ter, les amendements nos 31 rectifié, 32 rectifié et 69 devenant sans objet.

Amendement n° 25 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Amendement n° 70 de Mme Françoise Cartron. – Mme Françoise Cartron. – Retrait.

Amendements identiques nos 4 rectifié ter de Mme Françoise Férat et 33 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mmes Françoise Férat, Françoise Laborde. – Retrait de l’amendement no 33 rectifié.

Amendement n° 71 de Mme Françoise Cartron. – Mme Françoise Cartron. – Retrait.

Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption de l’amendement no 25, l’amendement no 4 rectifié ter devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Articles 8 et 9. – Adoption

Article 10

Amendement n° 78 de Mme Françoise Cartron. – Mme Françoise Cartron.

Amendement n° 27 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman. – Retrait.

Amendement n° 28 de Mme Cécile Cukierman. – Retrait.

Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption de l’amendement no 78.

Amendement n° 29 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman.

Amendement n° 30 de Mme Cécile Cukierman. – Mme Cécile Cukierman.

Amendement n° 80 de Mme Françoise Cartron. – M. Claude Domeizel. – Retrait.

Mme la rapporteure, M. le ministre. – Adoption de l’amendement no 29, l’amendement no 30 devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Article 12. – Adoption

Article 13

Amendement n° 5 rectifié ter de Mme Françoise Férat. – Mmes Françoise Férat, la rapporteure, MM. le ministre, David Assouline, Mme Cécile Cukierman. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Vote sur l'ensemble

Mmes Françoise Férat, Françoise Cartron, Cécile Cukierman, Françoise Laborde, MM. Jacques Legendre, David Assouline.

Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi.

Mme la présidente de la commission, M. le ministre.

Suspension et reprise de la séance

8. Scolarité obligatoire à trois ans. – Discussion et retrait d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Irrecevabilité

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Rappels au règlement

M. François Rebsamen, Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture ; M. Dominique de Legge, Mme Françoise Cartron.

MM. le président, François Rebsamen, Jean-Pierre Sueur.

MM. David Assouline, Jean-Jacques Mirassou, Michel Le Scouarnec, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Claude Domeizel.

M. le ministre.

Irrecevabilité (suite)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. – Irrecevabilité des paragraphes I et II de l’article 1er.

Mme la présidente de la commission.

Suspension et reprise de la séance

Rappels au règlement

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture ; MM. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ; David Assouline, Jean-Jacques Hyest.

Discussion générale

Mmes Françoise Cartron, auteur de la proposition de loi ; Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur de la commission de la culture ; le ministre.

Organisation des travaux

Mme Catherine Troendle, MM. le président, David Assouline.

Discussion générale (suite)

MM. Robert Tropeano, Pierre Martin, Jean-Jacques Pignard, Mme Dominique Gillot, M. Michel Le Scouarnec, Mme Colette Mélot, M. Claude Domeizel.

Clôture de la discussion générale.

Mmes Françoise Cartron, la présidente de la commission, le rapporteur.

Retrait de la proposition de loi.

9. Délégués des établissements publics de coopération intercommunale. – Suite de la discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Rappels au règlement

MM. Hervé Maurey, le président.

Mme Catherine Troendle, M. le président.

Articles additionnels avant l'article 1er

Amendement n° 7 de M. Christian Favier. – MM. Christian Favier, Alain Richard, rapporteur de la commission des lois ; Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. – Retrait.

Article 1er

MM. Pierre-Yves Collombat, Hervé Maurey, Christian Cambon, Philippe Bas, le rapporteur.

Amendement n° 36 de M. Jean-Jacques Hyest. – M. Jean-Jacques Hyest. – Retrait.

Amendement n° 17 rectifié de M. Jean-Jacques Hyest. – M. Jean-Jacques Hyest.

Amendement n° 60 de la commission. – M. le rapporteur.

M. le ministre. – Rejet de l’amendement no 17 rectifié ; adoption de l’amendement no 60.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 1er

Amendement n° 6 rectifié bis de M. Pierre-Yves Collombat. – MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, le ministre, Jean-Jacques Hyest, Roland Courteau, Hervé Maurey. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 24 de M. Jean-Claude Lenoir. – MM. Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 2 (nouveau)

Amendement n° 37 de M. Jean-Jacques Hyest. – Retrait.

Amendement n° 4 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, le ministre, Jean-Jacques Hyest, Hervé Maurey. – Rejet.

Adoption de l'article.

Organisation des travaux

Mme Catherine Procaccia, M. le président, Mme Catherine Troendle, M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.

Article 3 (nouveau)

Mme Catherine Troendle.

Amendement n° 38 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, le ministre. – Rejet.

Amendement n° 59 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 3

Amendement n° 71 de la commission reprenant l’amendement no 25 de M. Philippe Leroy. – MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Marc Todeschini, Mme Nathalie Goulet. – Retrait.

Article 4 (nouveau)

M. Pierre Bordier.

Amendement n° 39 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, le président de la commission, le ministre, Mme Nathalie Goulet, M. Philippe Bas. – Rejet par scrutin public.

Amendement n° 5 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Pierre-Yves Collombat.

Amendement n° 12 rectifié bis de M. Hervé Maurey. – M. Hervé Maurey.

MM. le rapporteur, le ministre, Mme Nathalie Goulet, MM. Pierre-Yves Collombat, Hervé Maurey. – Rejet des amendements nos 5 rectifié et 12 rectifié bis.

Adoption de l'article.

Article 5 (nouveau)

MM. Pierre-Yves Collombat, Pierre Jarlier, Roland Courteau, Philippe Bas, Hervé Maurey, le rapporteur, le ministre.

Renvoi de la suite de la discussion.

10. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Charles Guené

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-François Humbert,

Mme Marie-Noëlle Lienemann.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt de rapports du Gouvernement

M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat :

- le rapport sur les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation retraçant l’évolution de la dotation nationale et des dotations régionales affectées à ces missions, établi en application de l’article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale ;

- le rapport sur la tarification à l’activité des établissements de santé et ses conséquences sur l’activité et l’équilibre financier des établissements publics et privés, établi en application de l’article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale ;

- le rapport sur le bilan d’avancement du processus de convergence tarifaire faisant état des réalisations et des travaux menés dans la mise en œuvre de la convergence tarifaire, établi en application de l’article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004 ;

- le rapport d’activité du fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins, établi en application de l’article L. 221-1-1 du code de la sécurité sociale ;

- le rapport sur l’évaluation de la mise en œuvre de la franchise sur les médicaments, les actes des auxiliaires médicaux et les transports sanitaires, établi en application de l’article L. 322-2 du code de la sécurité sociale.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Ils ont été transmis à la commission des affaires sociales et sont disponibles au bureau de la distribution.

3

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Jacques Hyest. Nous avons tous pu constater la façon dont s’est déroulée la séance d’hier après-midi : il a été impossible d’achever l’examen du texte inscrit à l’ordre du jour dans le délai initialement prévu de quatre heures, créneau horaire habituel. La suite de la discussion a été reportée à ce soir, ce qui bouleverse l’emploi du temps de nombre de nos collègues.

Je rappelle que, dans le passé, certains reprochaient souvent au Gouvernement d’ajouter des séances au dernier moment. Or nous avons été informés hier soir seulement du renvoi de la suite de la discussion de cette proposition de loi à la séance de ce soir – et peut-être même de cette nuit, ce qui signifie que la matinée de demain sera perdue pour ceux d’entre nous qui auront participé à ce débat.

Mais là n’est pas le sujet. J’observe que l’on ne respecte même plus, dans cette assemblée, l’article 29 bis du règlement puisque l’on ampute le créneau réservé à l’ordre du jour proposé par les groupes d’opposition et les groupes minoritaires – en l’occurrence, il s’agit du créneau du groupe UMP – : en effet, la séance n’a commencé qu’à neuf heures trente au lieu de neuf heures. Si nous continuons sur cette lancée, nous ne respecterons même plus la Constitution, ce qui me paraîtrait tout à fait regrettable !

La conférence des présidents devrait pouvoir définir des règles qui s’appliquent à tous, comme elle avait su le faire jusqu’à présent !

M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

Je conviens tout à fait des désagréments que vous évoquez et je ferai part de vos observations à la conférence des présidents. Cependant, vous pouvez admettre, me semble-t-il, que le créneau réservé à votre groupe a été simplement décalé et non pas « amputé » : en effet, l’ordre du jour de ce matin prévoit que la séance publique débute à neuf heures trente et se prolonge jusqu’à treize heures trente…

M. Jean-Jacques Hyest. De mieux en mieux ! Et pourquoi pas jusqu’à quatorze heures, pendant qu’on y est ? Il n’y a plus aucun respect pour l’opposition !

M. le président. Le créneau de quatre heures que vous évoquiez sera donc respecté.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à souligner le grand intérêt du débat qui s’est tenu hier.

M. Jean-Jacques Hyest. Là n’est pas la question !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est moi-même qui ai proposé que nous le poursuivions jusqu’à son terme : étant donné que M. Jean-Jacques Hyest avait déposé de nombreux amendements très intéressants, je ne voulais pas lui causer le déplaisir ni la déception de se trouver dans l’impossibilité de les défendre…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur Hyest, vous venez de proférer un adjectif que je n’apprécie pas particulièrement…

M. Jean-Jacques Hyest. Je le dis quand même !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mon cher collègue, vous pouvez bien sûr dire ce que vous voulez ! Je tiens cependant à vous faire observer que vous avez défendu une motion de renvoi à la commission tout en ayant déposé concomitamment un grand nombre d’amendements.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En toute rigueur intellectuelle, si vous aviez pensé qu’il fallait absolument que ce texte soit à nouveau examiné par la commission, il eût été plus logique de ne pas déposer tous ces amendements… Mais vous avez tout à fait le droit de présenter des amendements et vous aurez même le loisir de les défendre durant la soirée,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … voire la nuit. Une telle perspective ne peut pour vous qu’être source de béatitude !

Permettez-moi d’ajouter encore deux points. Le premier a d’ailleurs été évoqué par M. le président, ce dont je le remercie : si la séance publique commence ce matin à neuf heures trente plutôt qu’à neuf heures, ce n’est pas en raison de la question évoquée par M. Hyest, mais parce que le débat d’hier soir consacré aux prélèvements obligatoires et à leur évolution a duré une heure de plus que prévu. L’ordre du jour de ce matin indiquant expressément que le présent débat peut continuer jusqu’à treize heures trente, votre groupe politique ne perdra pas une seule minute du temps qui lui a été imparti, mon cher collègue.

Sur le second point, je me permets de vous faire observer que la même question risque de se poser à nouveau cet après-midi, puisque le texte présenté par le groupe UCR fait l’objet d’un nombre non négligeable d’amendements – n’est-ce pas, madame Escoffier ? (Mme Anne-Marie Escoffier acquiesce.)

J’ai donc proposé à la conférence des présidents d’appliquer la même règle, afin que nous puissions achever cette nuit et, éventuellement, demain matin ou demain après-midi l’examen des amendements déposés sur la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale – ce texte intéresse tant M. Hyest que moi-même –, ainsi que l’examen des amendements portant sur la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État, présentée par nos collègues du groupe UCR.

Pour conclure, monsieur le président, je pense qu’il est bon pour le travail du Parlement de poursuivre l’examen des textes jusqu’à son terme, plutôt que d’interrompre le débat au bout de deux ou trois heures. Monsieur Hyest, vous voyez donc que vos craintes n’ont absolument aucun fondement…

M. Jean-Jacques Hyest. Il faut respecter la Constitution !

4

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la protection de l'identité
Discussion générale (suite)

Protection de l’identité

Adoption, en deuxième lecture, d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la protection de l’identité (proposition n° 744 [2010-2011], texte de la commission n° 40, rapport n° 39).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la protection de l'identité
Article 4

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui revient aujourd’hui devant la Haute Assemblée a déjà fait l’objet, en première lecture, de débats denses et constructifs entre le Gouvernement et le Parlement.

La qualité de ces débats devait naturellement beaucoup à ce qu’ils s’appuyaient sur le travail des coauteurs de cette proposition de loi, les sénateurs Jean-René Lecerf et Michel Houel que je tiens à saluer à nouveau aujourd’hui. Grâce à eux, nous avons d’emblée ciblé les bons enjeux, à savoir la simplification des démarches administratives de nos concitoyens, d’une part, et le renforcement de la lutte contre l’usurpation d’identité, d’autre part.

Les débats de la première lecture ont permis de faire apparaître plusieurs points de convergence.

Je me réjouis en particulier que les dispositions relatives à la puce de services dématérialisés de la nouvelle carte d’identité électronique aient été votées conformes dans les deux assemblées. La mise en œuvre de ces dispositions permettra de rendre un service moderne et facultatif à nos concitoyens.

Nous sommes également d’accord sur la nécessité de mieux protéger nos concitoyens contre le fléau que constitue l’usurpation d’identité. Chaque année, en effet, nombre d’entre eux voient leur identité détournée à des fins frauduleuses.

J’ai bien noté, lors des échanges en première lecture, les divergences exprimées sur la quantification des usurpations d’identité. Convenons ensemble qu’il est difficile de mesurer précisément cette délinquance qui peut prendre des formes très différentes, d’un emprunt de nom sans conséquence majeure à un vol d’identité susceptible d’occasionner des dommages graves pour les victimes. Comme le disait votre rapporteur dans son premier rapport, le phénomène est « polymorphe » et agit à différents niveaux.

Cependant, quelle que soit cette difficulté à obtenir une mesure fine du phénomène, les différentes informations recueillies nous ont tous amenés à un triple constat : l’usurpation d’identité touche plusieurs dizaines de milliers de personnes, ce qui justifie une attention précise ; par ailleurs, ce fléau lancinant est en progression et prend des formes de plus en plus sophistiquées ; il en résulte enfin un véritable drame pour les victimes, qui réclame l’application d’une action publique protectrice.

Il faut en effet bien prendre conscience des drames que vivent certains de nos concitoyens victimes d’usurpation d’identité. Du jour au lendemain, une vie normale peut ainsi devenir un cauchemar, et je crois que nous devons tous en prendre l’exacte mesure.

Je pense ainsi à cet homme qui, chaque fois qu’il veut quitter le territoire français, se retrouve bloqué, car son nom, « emprunté » par un tiers, a été inscrit au fichier des personnes recherchées. Je n’oublie pas non plus cet autre homme, en dépression chronique au motif qu’un inconnu se réclame du même nom que lui et ne cesse de contracter de nouveaux emprunts et d’opérer des retraits frauduleux sur ses comptes : interdit bancaire, la sécurité sociale l’a également radié de ses fichiers.

Je peux encore citer le cas de cet artisan, victime du vol de sa carte nationale d’identité et qui, parce que plusieurs crédits à la consommation ont été souscrits en son nom par un inconnu, s’est retrouvé depuis, lui aussi, interdit bancaire et contraint à quitter son domicile pour ne plus vivre que dans l’angoisse d’un nouveau courrier de recouvrement ou de la visite d’un huissier.

Tous ces cas véridiques illustrent une réalité qui plonge brutalement la victime d’une usurpation d’identité dans l’interdit bancaire, la radiation de ses droits à la sécurité sociale ou la réclamation d’une dette qui ne la concerne en rien.

Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, d’imaginer le quotidien de certains de nos concitoyens, harcelés de lettres recommandées d’huissiers ou de convocations devant l’administration ou la justice, qui doivent, en permanence, à la fois prouver leur identité et démontrer qu’ils ne sont pas concernés par les déchéances ou les obligations que leur sont imputées à tort.

Il nous appartient donc de mettre en place les moyens de combattre un phénomène en pleine expansion, aux conséquences financières et morales importantes pour ces victimes que sont les femmes et les hommes dont l’identité a été usurpée.

Là encore, je crois que nous sommes d’accord pour remplir ce devoir de protection à l’égard de nos concitoyens et mettre en œuvre une carte nationale d’identité capable de répondre à ces enjeux.

L’usurpation d’identité, en effet, n’a rien d’une fatalité : le succès du passeport biométrique, dont nous avons délivré plus de six millions d’exemplaires en deux ans, est là pour le prouver. Grâce à lui, nos concitoyens bénéficient tout à la fois d’une procédure d’obtention simplifiée et d’un titre plus sûr.

Il ne reste ainsi, en réalité, qu’un seul véritable point de désaccord entre le Gouvernement et la Haute Assemblée : il porte sur le traitement à développer entre les données d’état civil et les données biométriques, objet de l’article 5 de la proposition de loi.

Comme vous le savez, la carte nationale d’identité électronique introduit une double sécurité contre l’usurpation d’identité : d’une part, l’enregistrement des données biométriques qui permettent d’identifier n’importe quel demandeur de titre de manière certaine ; d’autre part, la mise en œuvre d’une base unique et centralisée, la base TES – titres électroniques sécurisés –, déjà utilisée pour les passeports, pour recenser, confronter et vérifier les informations relatives aux demandeurs ou aux titulaires de titres. Elle garantit de la falsification de titres et de la délivrance de plusieurs cartes à la même personne.

L’article 5 du texte que nous examinons aujourd’hui, objet de notre désaccord, concerne l’intensité du lien qu’il convient d’établir, au sein de cette base TES, entre les éléments d’état civil et les données biométriques.

La commission des lois du Sénat propose de dégrader techniquement le fichier national biométrique en retenant une base « à lien faible », c’est-à-dire sans lien univoque entre les données.

Comme les auteurs de la proposition de loi, le Gouvernement souhaite au contraire que soit retenu un lien univoque, « un lien fort », entre ces deux types de données, afin de bénéficier pleinement des techniques existantes et d’être capable de s’adapter aux menaces d’usurpation d’identité actuelles et à venir.

En cela, nous ne faisons que reprendre les orientations des débats que la Haute Assemblée a conclus en 2005 par le rapport d’information du sénateur Jean-René Lecerf. Les équilibres complexes entre sécurité et liberté publique y sont longuement débattus, et l’une des conclusions expose clairement que « le débat devrait moins se focaliser sur la création ou non d’un fichier national de gestion de ce titre, qui existe déjà, que sur les conditions de son utilisation ».

C’est précisément sur ces conditions que je vous propose de réfléchir, notamment quant aux accès à la base centrale, qui doivent permettre de garantir les équilibres entre les objectifs de sécurité et les libertés publiques.

La base centrale apporte une réponse proportionnée aux enjeux et à l’objectif de sécurité des titres et de lutte contre l’usurpation d’identité. C’est d’ailleurs ce que le Conseil d’État confirme dans sa décision du 26 octobre dernier sur le décret relatif aux passeports biométriques, en considérant que la création de la base centrale, y compris avec des données biométriques, ne porte pas une atteinte excessive au droit des personnes au respect de leur vie privée. Je le cite : « la collecte des images numérisées du visage et des empreintes digitales des titulaires de passeports […] et la centralisation de leur traitement informatisé, compte tenu des restrictions et précautions dont ce traitement est assorti, est en adéquation avec les finalités légitimes du traitement ainsi institué et ne porte pas au droit des individus au respect de leur vie privée une atteinte disproportionnée aux buts de protection de l’ordre public en vue desquels il a été créé ».

La question à traiter est donc celle du lien.

L’utilisation de la base centrale est, avant tout, destinée à garantir la bonne fabrication et la délivrance du titre à la bonne personne. L’accès à la base est donc réservé aux seuls agents chargés de ces opérations à l’Agence nationale des titres sécurisés, dans les préfectures ou dans les postes consulaires.

Par ailleurs, sous le contrôle du juge, des réquisitions sont toujours possibles ; elles constituent, comme dans de nombreuses situations, une aide à la justice pour la manifestation de la vérité. Il n’y a là rien de spécifique à la carte nationale d’identité, et les libertés publiques demeurent garanties par l’intervention du juge.

Je rappelle, de plus, que la base TES intègre déjà les conditions d’une utilisation contrôlée, conformément aux préconisations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL. Cela signifie qu’il existe une traçabilité des agents utilisant la base, que les garanties techniques de segmentation des données sont en place et que des garanties de sécurité lors des transmissions ou contre l’intrusion fonctionnent.

L’accès aux données est restreint et justifié. Le lien, dès lors, peut être « fort ».

En revanche, concernant le lien faible, les difficultés sont multiples et, à mon avis, rédhibitoires.

Le risque réside, tout d’abord, dans l’absence de garantie d’une lutte efficace contre les usurpations d’identité, alors même que c’est l’objectif du texte. Le lien « faible » ne permet notamment pas de remonter efficacement jusqu’à l’usurpateur ; il permet de constater la fraude, mais pas de distinguer la victime de l’usurpateur sans un travail d’enquête lourd pouvant impliquer plusieurs centaines de personnes. De même, s’il peut être admis qu’il est difficile d’usurper une identité enregistrée dans la base, une base à lien faible ne permettra pas d’identifier un usurpateur qui est parvenu à entrer dans la base avant le légitime propriétaire de l’identité.

En outre, mesdames et messieurs les sénateurs, où est la protection des libertés individuelles si nous retenons, pour l’exploitation de la base TES, un système dont la fiabilité peut être mise en doute ?

En effet, le lien faible n’a encore été mis en œuvre dans aucun pays et rien ne prouve qu’il soit fiable d’un point de vue strictement technique. L’entreprise à l’origine du lien faible a d’ailleurs clairement écrit à l’Agence nationale des titres sécurisés que « le lien faible est un concept qui n’a fait l’objet d’aucune réalisation opérationnelle à ce jour. Le passage du concept à un produit opérationnel nécessitera du temps et des investissements importants que nous n’avons pas précisément évalués à l’heure actuelle ». Développer d’emblée un dispositif pour plusieurs dizaines de millions de titres fondé uniquement sur un concept est donc un très grand risque technique et financier.

De surcroît, retenir le lien faible reviendrait à instituer par la loi un avantage compétitif, voire un monopole, au profit de la société détentrice du brevet. C’est, me semble-t-il, en contradiction avec le droit européen de la concurrence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de ne pas vous arrêter au milieu du chemin et de permettre à la puissance publique d’être en mesure de relever les enjeux des fraudes à l’identité.

Je vous prie donc de revenir sur l’amendement de votre commission des lois et de retenir, pour l’exploitation de la base TES, une logique de lien univoque encadré et contrôlé dans son accès et son utilisation. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner en deuxième lecture la proposition de loi relative à la protection – nécessaire – de l’identité, présentée par nos collègues Jean-René Lecerf et Michel Houel.

Monsieur le ministre, vous venez de donner de nombreuses illustrations de la fraude à laquelle nous voulons mettre un terme.

En première lecture, le Sénat a souscrit au but recherché : lutter contre les usurpations d’identité grâce à la constitution de titres électroniques associés à un fichier central biométrique permettant de prévenir les fraudes.

Reconnaissant la pertinence de la proposition de nos collègues, l’Assemblée nationale a marqué son accord avec la quasi-totalité des dispositions résultant des travaux de la Haute Assemblée.

Cependant, l’Assemblée nationale, estimant utile d’autoriser la recherche d’identification d’un individu à partir des empreintes digitales enregistrées dans le fichier central, a adopté une position fondamentalement différente de celle du Sénat sur la question cruciale de l’architecture du fichier central biométrique. Ce faisant, dans la mesure où ils ne l’ont pas exclue, les députés ont autorisé implicitement la recherche d’identification par reconnaissance faciale.

Lors de sa séance du 17 octobre dernier, la commission des lois a estimé que le retour au dispositif et à l’équilibre qu’elle avait initialement proposés et qui avait été retenus par le Sénat s’imposait.

Il faut bien reconnaître que l’initiative est, dans le sujet qui nous préoccupe, du côté du Sénat, qu’il s’agisse des auteurs de la proposition de loi ou d’une solution innovante, fruit de notre réflexion.

Nous avons fixé les termes du débat en reconnaissant la légitimité des objectifs tout en marquant la limite absolue qui ne devait pas être franchie, à savoir assurer la protection de l’identité sans porter atteinte aux droits fondamentaux.

Examinons synthétiquement les données qui, à mon sens, emportent la décision.

Les députés ont supprimé la garantie technique imposée par le Sénat dans la constitution matérielle du fichier, estimant qu’en cas d’usurpation d’identité il serait impossible d’identifier l’usurpateur potentiel, sauf à engager une enquête longue et coûteuse imposant de recouper des informations pour réduire la liste des suspects dont l’empreinte digitale est classée dans le même sous-fichier.

Bien au-delà de cette simple critique, il apparaît surtout que la motivation des députés tient dans le fait que le fichier, tel que nous l’avions conçu, ne pourrait pas être utilisé à des fins de recherche criminelle.

Ce raisonnement ignore le fait que la proposition de loi parvient à atteindre son objectif par un dispositif élaboré moins pour la répression que pour la dissuasion. En effet, l’usurpateur d’une identité déjà protégée et enregistrée aura 99,9 % de risques de se faire prendre lors de sa tentative d’usurpation.

En cas d’alerte, les services de police voient leur enquête facilitée du fait qu’ils ont accès à la base centrale et qu’ils sont en possession d’informations supplémentaires sur l’éventuel fraudeur : son âge approximatif, la couleur de ses yeux, son sexe, sa domiciliation alléguée et sa domiciliation probable. Dans la mesure où ils disposent en outre de ses empreintes digitales et de sa photographie, ils peuvent confronter ces informations à celles qui sont contenues dans les fichiers de police.

Cette constatation suffit à justifier la proportionnalité entre les buts visés par la proposition de loi et les dispositifs matériels mis en place. En revanche, l’Assemblée nationale rompt cet équilibre et propose même un objectif différent de celui qui est nécessaire à la stricte protection de l’identité.

Comme cela a été noté en première lecture par le Sénat, cette situation fait incontestablement encourir au texte des risques d’inconstitutionnalité et, circonstance aggravante, fait certainement entrer celui-ci en contradiction totale avec les normes européennes telles qu’elles sont appliquées par la Cour européenne des droits de l’homme.

J’ajoute que le texte qui revient de l’Assemblée nationale ne satisfait même pas aux certitudes affichées par les députés. En effet, il rendrait possible les procédés de reconnaissance faciale et, contrairement à ce que nous avons voté, permettrait l’utilisation du fichier central par les services antiterroristes hors de toute réquisition judiciaire. À ce stade de nos discussions, l’état du droit, il importe de le souligner, ne nous permet pas de modifier notre position.

Depuis la séance de la commission des lois du 19 octobre 2011, d’autres éléments, même s’ils sont de portées juridiques différentes, doivent être ajoutés au débat.

Le 25 octobre dernier, la Commission nationale de l’informatique et des libertés a adopté une note d’observations sur la proposition de loi dont nous discutons. Elle y souligne qu’il convient « de s’assurer que le traitement créé ne peut être utilisé à d’autres fins que la sécurisation de la délivrance des titres d’identité et de voyage » et qu’il « conviendrait également de s’assurer qu’un tel système ne soit pas détourné de sa finalité par un recours systématique aux réquisitions judiciaires […]. En effet, une consultation systématique du fichier aurait pour effet de le doter de facto d’une finalité de police judiciaire, qui constitue une finalité distincte. »

Au nombre des techniques susceptibles d’interdire toute utilisation détournée du fichier, la CNIL compte celle du « lien faible » retenu par le Sénat en première lecture. C’est déjà un premier élément juridique, mais ce n’est qu’une note d’information de la CNIL.

Le lendemain, le 26 octobre 2011, le Conseil d’État, saisi d’un recours en annulation du décret ayant organisé la mise en pratique du passeport biométrique, a rendu sa décision. Vous en avez cité, monsieur le ministre, les passages qui justifient parfaitement la création d’une base centrale de données.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Chacun choisit le paragraphe qu’il veut citer !

M. François Pillet, rapporteur. Faisant référence à des normes internationales dont le respect s’impose au législateur, le Conseil d’État a rappelé que « l’ingérence dans l’exercice du droit de toute personne au respect de sa vie privée que constituent la collecte, la conservation et le traitement, par une autorité publique, d’informations personnelles nominatives, ne peut être légalement autorisée que si elle répond à des finalités légitimes et que le choix, la collecte et le traitement des données sont effectués de manière adéquate et proportionnée au regard de ces finalités ».

Ainsi, en cet instant, nous savons que seule la constitution matérielle des fichiers telle qu’elle a été conçue par le Sénat est en mesure, tout en répondant à l’objectif de la proposition de loi, de satisfaire à la fois au respect des principes fondamentaux attachés aux libertés publiques, au respect des normes juridiques supérieures qui s’imposent au législateur et au respect de la proportionnalité entre l’objectif de la loi et les moyens mis en œuvre pour son application.

La nature de la base créée pour la protection de l’identité, unique par sa taille et par la qualité de ceux qui y seront enregistrés – à terme, plus de soixante millions de Français –, en fait – et la formule n’est pas excessive – le fichier des gens honnêtes !

Cette constatation, ajoutée à celle que ce fichier aura vocation à perdurer, nous a conduits à doubler les garanties juridiques, possiblement éphémères, de garanties matérielles mathématiquement irréversibles.

En matière de lutte contre la fraude à l’identité, le zéro défaut est l’objectif de l’Assemblée nationale.

S’agissant de la protection des libertés publiques, le risque zéro est la priorité du Sénat.

La solution que nous proposons élimine tout risque pour les libertés publiques et assure une efficacité de 99,9 % à la future protection de l’identité.

Le texte qui vous est soumis aujourd’hui, voté à l’unanimité par la commission des lois, préserve les objectifs de la proposition de loi, dans le respect des droits fondamentaux. Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, je vous invite à l’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, du RDSE, de lUCR et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous partageons un certain nombre des objectifs de la proposition de loi, de même que nous sommes d’accord avec divers constats qui en sont à l’origine.

L’usurpation d’identité – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – est effectivement un drame pour toutes les victimes, quelle que soit la nature précise de cette usurpation.

Aujourd'hui, nous ne disposons pas des outils nécessaires pour quantifier réellement ce phénomène, mais là n’est pas l’objet du texte qui nous est aujourd'hui soumis. Notre objectif à tous est de limiter le plus possible les usurpations d’identité, et ce point ne prête pas à polémique.

En revanche, ne jouons pas au chat et à la souris avec les avis récents du Conseil d’État et avec ceux de la CNIL. Ne jouons pas au chat et à la souris sur les questions de proportionnalité et sur la finalité des dispositifs que nous allons mettre en place aujourd'hui.

La proposition de loi qui nous est soumise ne crée pas simplement une carte d’identité biométrique et un fichier centralisé. Elle institue aussi – on l’oublie peut-être un peu rapidement – de nombreux contrôles à la source de la production des documents d’identité, en particulier pour les documents d’état civil. Ces contrôles seront certainement très efficaces et respecteront parfaitement la vie privée. Il ne sera désormais plus possible ni d’inventer des documents d’état civil ni de présenter de faux documents d’état civil ou des actes d’état civil appartenant à un tiers. C’est là un énorme progrès qu’il faut noter.

J’évoquerai maintenant les données biométriques qui seront inscrites demain dans nos documents d’identité. Ces données sont des caractéristiques nous appartenant en propre, dont nous ne pouvons nous défaire et qui permettent de nous identifier de façon certaine.

J’insiste sur le fait que les données biométriques n’ont pas toutes la même valeur. Certaines de ces données sont traçantes, alors que d’autres ne le sont pas, et c’est une distinction à laquelle la CNIL attache une grande importance.

Les empreintes digitales, notamment, sont des données biométriques traçantes : nous les laissons là où nous passons, à notre insu. Elles peuvent également être reconstituées – M. Türk, ancien président de la CNIL, nous en avait fait la démonstration – et être utilisées à mauvais escient contre quelqu’un. Il semblerait même que cela soit très facile !

L’inscription de ces données biométriques dans une puce intégrée à la pièce d’identité constitue une avancée. Le propriétaire reste en leur possession et est maître de leur authentification. Le groupe socialiste-EELV se prononcera donc pour cette mesure.

Le groupe socialiste-EELV n’est pas non plus opposé au traitement centralisé des données, autrement dit à la création du « fichier des gens honnêtes », pour reprendre l’expression de M. le rapporteur, mais… Il y a beaucoup de « mais », que les membres de la commission des lois ont été unanimes à relever, à l’instar de la CNIL.

Certes, la CNIL n’a pas émis d’avis spécifiquement défavorable sur les conditions d’utilisation de ce fichier, sur la traçabilité de la consultation, etc. Pour autant, elle a bien affirmé et réaffirmé sa position sur la finalité de la constitution et de l’utilisation de ce fichier, ainsi que sur « la proportionnalité de la conservation sous forme centralisée des données biométriques au regard de l’objectif légitime de lutte contre la fraude documentaire ».

Ce fichier ne doit servir qu’à lutter contre l’usurpation d’identité. Il ne doit en aucun cas devenir un fichier de police généralisé, car, demain, soixante millions de Français y figureront.

Contrairement à ce que vous nous avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, la base de données à lien faible permet facilement de déceler les usurpations d’identité et de détecter les fraudes. Si la fraude peut être détectée dans 99,9 % des cas, qui prendra le risque de frauder, voire de récidiver, sachant que le risque d’être détecté sera alors accru, les services de sécurité ou les services d’état civil étant alertés sur le sujet ? Ne faisons donc pas peur aux Français avec un faible risque de fraude de l’ordre de 0,1 %.

Il faut également savoir que les mesures prises en matière de contrôle des documents d’état civil en amont de la production de la carte d’identité seront efficaces et que la base de données à lien faible est largement suffisante pour atteindre l’objectif de la proposition de loi, qui est, je le rappelle, de lutter contre l’usurpation d’identité et non de créer un fichier de soixante millions de Français honnêtes, à la disposition des services publics.

Aujourd’hui, j’observe que, à la suite de nombreuses histoires d’écoutes plus ou moins légales (M. le ministre le conteste.) – monsieur le ministre, loin de moi l’idée de polémiquer et de dire que les accusations sont ou non fondées –, les Français n’ont plus une confiance pleine et entière dans les garanties juridiques censées les protéger de possibles intrusions dans leur vie privée du fait de la consultation de fichiers ; sans doute à juste titre, d’ailleurs, si l’on imagine ce que des gouvernements pas forcément très démocratiques pourraient faire de tels fichiers…

Bien évidemment, le groupe socialiste-EELV se rangera à l’unanimité à l’avis de M. le rapporteur. Nous souhaitons revenir au dispositif adopté par le Sénat en première lecture, qui tend à privilégier la protection des libertés publiques, domaine dans lequel il faut assurer le risque zéro ; quant au « défaut zéro » dans la lutte contre l’usurpation d’identité, il est approché à 99,9 % : mais le 0,1 % de risque, pourcentage extrêmement minime, doit être appréhendé à la lumière de l’ensemble du dispositif et non pas de la simple constitution du fichier.

Pour finir, j’exprimerai un petit regret. Il concerne la puce appelée « vie quotidienne » qui sera intégrée au titre d’identité. Je regrette qu’aucune mesure ne soit prévue aujourd'hui en matière de traçabilité et d’effacement des données que les utilisateurs laisseront partout sur Internet. Aucune mesure d’information des citoyens n’est prévue non plus. J’avais déjà fait part de mes inquiétudes sur ces questions lors de l’examen du texte en première lecture, mais la proposition de loi est restée en l’état, et je le regrette.

En tout état de cause, sur ce sujet, le groupe socialiste-EELV suivra M. le rapporteur, comme il l’a fait en commission. Il votera donc le texte tel qu’il résulte des travaux de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Anne-Marie Escoffier et M. Jean-Paul Amoudry applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui en deuxième lecture tend à lutter contre l’usurpation d’identité grâce à l’instauration d’un titre national d’identité biométrique.

Si les usurpations d’identité existent et si elles ont de graves conséquences pour celles et ceux qui en sont les victimes, il nous semble nécessaire de clarifier le débat sur les objectifs affichés des auteurs de la proposition de loi et sur leurs ambitions réelles, comme d’ailleurs sur celles du Gouvernement. Il est clair en effet que cette proposition de loi est une œuvre commune !

À cet égard, nous continuons de dire que, sur un tel sujet, un projet de loi était préférable. Il nous aurait permis de disposer d’une étude d’impact et de l’avis du Conseil d’État, notamment sur les risques majeurs d’atteintes aux libertés publiques.

En effet, cette proposition de loi n’instaure pas simplement une carte nationale d’identité modernisée. Elle prévoit également la constitution d’un fichier dans lequel seront inscrits pas moins de quarante-cinq millions de nos concitoyens ! C’est d’ailleurs bien cela qui intéresse le Gouvernement, monsieur le ministre ! Vous avez en effet proposé, en dernier recours, d’amender le texte pour en revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale, laquelle prévoit l’instauration d’un lien fort au sein de ce fichier entre l’état civil d’un demandeur de titre et ses données biométriques, et ce afin de permettre une utilisation à des fins judiciaires.

L’acharnement dont vous faites preuve, monsieur le ministre, nous semble tout à fait éclairant sur la nature même de ce fichier. Vous le qualifiez d’ « administratif » alors que son objet sera principalement judiciaire.

Dès lors, vous comprendrez que le fichage généralisé de nos concitoyens dans le seul but de lutter contre l’usurpation d’identité nous semble pour le moins disproportionné. Certes, ce phénomène n’est pas anodin et plonge dans le plus profond désarroi celles et ceux qui en sont les victimes, comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre ; mais l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales n’ayant recensé que 13 900 cas en 2009…

M. Jean-Jacques Hyest. Mais c’est énorme !

Mme Éliane Assassi. …– c’est beaucoup trop, je vous l’accorde –, la mise en œuvre d’un dispositif de portée générale ne nous paraît pas nécessaire. C’est d’ailleurs ce qu’a redit la CNIL dans sa note d’observations du 25 octobre dernier.

Ainsi, entre les objectifs affichés et la finalité inavouée de ce texte, il y a un fossé que nous regrettons.

Sur le fond, nous constatons que, progressivement, l’action sécuritaire du Gouvernement a profondément modifié la nature des fichiers prétendument destinés à lutter contre la délinquance. On en vient de plus en plus à du fichage généralisé. Comment expliquer autrement le fait que, aujourd’hui, trente-quatre millions de nos concitoyens figurent dans le STIC, le système de traitement des infractions constatées ? Ce phénomène est particulièrement dangereux.

Avec ce texte, monsieur le ministre, vous faites clairement un pas supplémentaire dans cette dérive sécuritaire. Le fichier central biométrique risque en effet de transformer l’ensemble de la population en coupables potentiels. Nous sommes bien loin, monsieur le rapporteur, du « fichier des gens honnêtes » que vous évoquiez !

Par ailleurs nous sommes extrêmement inquiets des déclarations de certains membres de l’UMP, lesquels considèrent que ce fichier aura des « retombées positives » sur le contrôle de l’immigration. Une telle évolution serait à notre sens particulièrement dangereuse. En tout cas, de tels propos sont révélateurs des utilisations, perverses pour certaines d’entre elles, qu’il serait possible de faire d’un tel fichier.

Pour notre part, nous contestons la création d’un fichier à vocation générale sous quelque forme, administrative ou judiciaire, que ce soit. Il serait dangereux pour les libertés publiques d’institutionnaliser cette forme de contrôle de la plus grande partie de la population. La CNIL a d’ailleurs alerté le législateur sur cette question, notamment dans un avis réservé, en date du 11 décembre 2007, sur le décret concernant l’établissement des passeports biométrique.

La CNIL a en effet considéré que, si légitimes soient-elles, les finalités gestionnaires définies dans le décret « ne justifiaient pas la conservation, au plan national, de données biométriques telles que les empreintes digitales et que les traitements ainsi mis en œuvre seraient de nature à porter une atteinte excessive à la liberté individuelle ».

Plus récemment, le 25 octobre dernier, elle a confirmé cette analyse sur le présent texte en évoquant même un détournement de finalité du fichier à des fins purement judiciaires. Elle a également réitéré son analyse en estimant que « la proportionnalité de la conservation sous forme centralisée des données biométriques, au regard de l’objectif légitime de lutte contre la fraude documentaire, n’est pas à ce jour démontrée ».

Cette déclaration me semble plus qu’un appel à la prudence ! Nous aurions à ce titre souhaité que l’audition de présidente de la CNIL, annoncée par le rapporteur lors de la présentation du rapport, ait pu avoir lieu.

Je vous rappelle également que la création de cette carte d’identité biométrique ne constitue en aucun cas une obligation européenne. En effet, le règlement européen du 13 décembre 2004 impose certes « d’insérer dans une puce la photographie du titulaire et ses empreintes digitales » dans les passeports et les visas mais en aucun cas dans les « cartes d’identité délivrées par les États membres ».

Par ailleurs, d’autres pays, à l’image de l’Allemagne, ont créé une carte nationale d’identité biométrique sans pour autant constituer de fichier centralisé. Cela devrait nous interpeller voire nous inspirer.

Il faut également se poser la question de savoir si cette nouvelle carte ainsi que le boîtier qui permettra de la lire seront payants ou gratuits pour nos concitoyens. Ce lecteur sera-t-il offert par l’État aux Français avec leur carte d’identité électronique, comme c’est le cas en Allemagne, ou faudra-t-il que les gens l’achètent, comme en Belgique ? Nous attendons des réponses claires à cet égard.

Comment ignorer également que le passage au biométrique est une formidable opportunité de créer un marché lucratif pour les quelques entreprises spécialisées dans ce domaine ? Mes chers collègues, je vous le dis tranquillement : la République et la Haute Assemblée ne peuvent être à la solde de lobbies. À ce titre, nous nous inscrivons en faux contre la présence sur cette carte nationale d’identité d’une puce de « e-commerce » permettant de répondre à la demande de sécurisation des transactions commerciales sur Internet émanant des industriels. Nous considérons en effet qu’un titre d’identité est intimement lié à la citoyenneté. Il ne doit donc pas être utilisé à des fins commerciales, sous peine de voir le citoyen supplanté par le consommateur. Un tel détournement est fondamentalement dangereux pour la démocratie.

Techniquement parlant, cette volonté de sécurisation des échanges sur Internet est, en outre, une course vaine. Plus les technologies seront avancées en matière de sécurisation des données, plus les moyens de les contourner seront élaborés. C’est une histoire sans fin !

Pour finir, je voudrais aborder une question qui n’a que très peu été évoquée : il s’agit de l’augmentation des charges pour les collectivités que cette proposition de loi suppose. Les communes sont déjà lourdement affectées par les passeports biométriques, alors même qu’elles sont exsangues ! Elles ne pourront indéfiniment faire face aux transferts de charges opérés par l’État. « Les missions des services état civil des mairies ne sont pas extensibles à l’infini », soulignait ainsi l’Association des maires de grandes villes de France.

Pour toutes ces raisons, nous voterons, une nouvelle fois, contre ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’ai le souvenir encore trop vif d’une expérience où nous avions confondu objectifs et moyens, et qui avait permis l’apparition sur le marché de nombreux « vrais faux » papiers, pour ne pas être très vigilante sur les mesures qui vont être prises ici.

Je vous ai écoutés, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, avec la plus grande attention. Je suis néanmoins obligée de dire que nous avons assisté, avec la modification apportée par l’Assemblée nationale à la proposition de loi telle que votée à l’unanimité en première lecture par le Sénat, non pas à un contournement mais à un véritable détournement de l’esprit initial du texte.

Rappelons-nous un instant quel était l’objectif de nos collègues Jean-René Lecerf et Michel Houel, auteurs de cette proposition de loi heureuse et opportune. Il s’agissait d’éviter les risques de fraude à l’identité, un mal qui s’est développé de façon vertigineuse sous les effets conjugués de la malignité de délinquants peu scrupuleux et d’une insuffisante protection des données personnelles identitaires. Généraliser à l’ensemble de la population française un dispositif protecteur des libertés publiques et individuelles et éviter des drames dont vous avez souligné l’intensité : tel était l’objectif initial de la proposition de loi.

Pareille ambition exigeait une absolue vigilance sur les moyens à mettre en œuvre. Le Sénat avait, sur proposition de l’excellent rapporteur de la commission des lois, veillé à un parfait équilibre du texte de loi visant à rendre pleinement dissuasive toute tentative de fraude sans jamais permettre au dispositif choisi d’être utilisé à d’autres fins, notamment de recherche criminelle.

Le vote positif que j’avais exprimé au nom de tous les membres du groupe RDSE ne valait que parce que le fichier central créé reposait sur le principe du « lien faible », qui encadrait strictement les garanties juridiques autant que matérielles de la protection des libertés publiques et individuelles.

L’Assemblée nationale, en choisissant de supprimer à l’article 5 l’alinéa relatif à ce « lien faible », fait de cette proposition de loi un tout autre dispositif. Elle permet le fichage de soixante millions de personnes, la population française, en donnant la possibilité de croiser les données identitaires de base avec les empreintes biométriques et les images faciales numérisées.

Comment accepter que pareil fichier puisse trouver sa place dans un pays qui s’honore d’être le pays des droits de l’homme et qui ne peut accepter que soit progressivement rogné le champ des libertés publiques, en contradiction avec les principes posés dans notre Constitution ?

C’est donc tout naturellement et fermement que le retour au texte initial du Sénat s’impose à nous, qui sommes les gardiens en même temps que les garants de ces principes.

Le texte issu de la commission qui nous est proposé aujourd'hui respecte les garanties fondamentales de l’individu, lui apporte la protection qu’il est en droit d’attendre de notre système judiciaire et le préserve de ces démarches intrusives qui ne cesseraient, si l’on n’y prenait pas garde, de l’emprisonner.

La CNIL est là, fort opportunément, pour veiller à ce que pareil enfermement soit rendu très difficile, à défaut d’être impossible. Elle a su montrer sa capacité à résister à des mesures intempestives et privatives de liberté. Ses avis ont utilement éclairé ce texte. Il suffit, comme cela nous a été rappelé à l’instant, de se référer à sa note d’observations du 25 octobre dernier.

Pour ces raisons, les membres du groupe RDSE conditionneront leur vote positif au retour au texte initial du Sénat, amendé lors du dernier examen en commission des lois pour exclure explicitement que le fichier central créé puisse faire l’objet d’un système de reconnaissance faciale. Seules ces dispositions garantissent l’équilibre voulu sur ces travées entre protection des libertés publiques et individuelles, prévention des fraudes et assurance de la parfaite faisabilité concrète du fichier. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord vous confier ma satisfaction d’avoir déposé, avec Michel Houel, cette proposition de loi en juillet de l’an dernier.

Les problèmes de la protection de l’identité ne me sont pas totalement étrangers et cette proposition de loi se présente comme la suite logique des travaux menés en 2005, au nom de la commission des lois, par la mission d’information sur la nouvelle génération de documents d’identité et la fraude documentaire que présidait Charles Guené et dont j’étais le rapporteur.

À de multiples reprises, lors des examens budgétaires successifs et en dernier lieu lors de la discussion de la loi LOPPSI 2, j’avais eu l’occasion d’interroger le Gouvernement sur les raisons d’une aussi longue attente, après le projet de création d’un titre fondateur d’identité dès 2001 et le projet INES, ou projet d’identité nationale électronique sécurisée, de 2003. Cet étrange retard, alors que la prolifération des usurpations d’identité ne pouvait laisser d’inquiéter, me paraissait d’autant plus surprenant que, dès 2005 – faut-il le rappeler ? –, un sondage réalisé par l’institut Ipsos révélait que 74 % de nos concitoyens se déclaraient favorables à la création d’une carte nationale d’identité électronique comportant des données personnelles numérisées, telles que les empreintes digitales, la photographie ou l’iris de l’œil, que 75 % étaient favorables à la constitution d’un fichier informatique national des empreintes digitales, tandis que 69 %, majorité toujours confortable, estimaient que cette future carte devrait être obligatoire pour garantir une réelle diminution des fraudes.

Bref, je ne me reconnais pas vraiment, en tant qu’auteur de cette proposition de loi, dans le petit télégraphiste auquel certains collègues députés inclinaient à m’assimiler.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est bien !

M. Jean-René Lecerf. J’éprouve également quelques difficultés à comprendre le procès de principe fait à la proposition de loi, « procédure parlementaire pour le moins étrange » selon les uns, obligation de recourir au projet de loi dans la mesure où la protection de l’identité s’avère un « sujet régalien par excellence » selon les autres. Qu’elle soit gouvernementale ou parlementaire, l’initiative législative revêtait pour moi une valeur identique, la dernière révision constitutionnelle allant d’ailleurs, à mon avis, dans ce sens. J’éprouve même un certain malaise à voir des collègues faire de la proposition de loi une sorte de parent pauvre du projet de loi, alors que je les croyais davantage attachés à ce principe élémentaire du régime parlementaire qu’est le partage de l’initiative législative.

À la lecture des débats parlementaires de juillet dernier à l’Assemblée nationale, bien avant, donc, que Conseil d’État et CNIL n’apportent, si j’ose dire, leur pierre à l’édifice, je constate cependant un certain nombre d’éléments consensuels.

J’observe un accord sur les objectifs, tout d’abord. C’est ainsi que Delphine Batho exprimait l’attachement de son groupe à la lutte contre l’usurpation d’identité, à l’amélioration de la protection de l’identité, comme au caractère infalsifiable des documents d’identité et à un meilleur soutien des victimes de ces usurpations. Notre collègue se disait même prête à voter un tel texte lorsqu’elle disposerait d’une étude d’impact, d’un avis du Conseil d’État et d’un avis de la CNIL.

Je constate un accord sur l’importance croissante de l’usurpation d’identité, ensuite. Je ne reviens pas sur l’estimation sans doute trop large du CREDOC, le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, qui comptabilisait, en 2009, 210 000 victimes par an. Mais on est loin, également, des 13 900 cas de fraudes documentaires à l’identité constatés par les services de police et de gendarmerie puisque, à partir des données du fichier automatisé des empreintes digitales, on décompte déjà 80 000 usurpations d’identité annuelles. Comment s’en étonner lorsque l’on prend conscience de la facilité avec laquelle il est possible d’obtenir des faux papiers dans notre pays ? Il suffit presque de connaître la commune de naissance d’une personne pour solliciter un acte de naissance authentique. Parallèlement, le fraudeur déclare la perte ou le vol de l’ensemble de ses papiers au commissariat. Muni de l’acte de naissance et de factures dont nos poubelles sont remplies, il pourra obtenir un nouveau titre d’identité. N’y a-t-il pas particulièrement de quoi s’émouvoir, quand on sait à la fois le drame vécu par les victimes – chacun l’a reconnu – et les dangers que peuvent faire courir à la société ces individus, escrocs ou apprentis terroristes, ayant ainsi revêtu le manteau d’honnêtes citoyens ?

La proposition de loi fait face à ce fléau par l’enregistrement des données biométriques, qui permet à coup sûr l’authentification d’une personne, c'est-à-dire la vérification qu’elle possède bien l’identité qu’elle prétend avoir. Mais seule l’existence d’un fichier central, outil d’une gestion centralisée des titres, permettra d’assurer l’unicité de l’identité, c'est-à-dire de garantir qu’un individu n’ait bien qu’une seule identité et qu’une identité ne soit utilisée que par un seul individu.

Certes, il importe aussi de sécuriser la chaîne de l’identité, sans quoi nous courons le risque de permettre aux usurpateurs d’obtenir de « vrais faux » papiers, c'est-à-dire des documents non falsifiés mais comportant des données erronées en raison d’une protection insuffisante des documents sources que sont les extraits des registres de l’état civil. L’article 4 de notre proposition de loi y pourvoit en prévoyant que les « agents chargés du recueil ou de l’instruction des demandes de délivrance de la carte nationale d’identité ou du passeport peuvent faire procéder à la vérification des données de l’état civil fourni par l’usager auprès des officiers de l’état civil dépositaires des actes contenant ces données dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ». Dans l’exposé des motifs, nous préconisions même que les données d’état civil figurant sur le formulaire de demande de titre soient vérifiées par voie dématérialisée auprès du service communal dépositaire.

Sans éliminer toutes les possibilités de fraude, ces mesures de contrôle automatique limiteraient considérablement le risque, aujourd'hui très réel, de voir une personne se faire délivrer, en particulier via Internet, un acte d’état civil, puis un titre ne correspondant pas à sa véritable identité.

Toutefois, à supposer même qu’une fraude intervienne lors de la délivrance des premiers titres biométriques et qu’un individu usurpe l’identité d’une personne n’ayant pas encore de titre d’identité associé à un fichier, le fraudeur se retrouverait enfermé de manière permanente et irréversible dans l’identité volée à autrui. Ce caractère définitif de la fraude à l’émission du titre dissuade de la commettre par la certitude qu’elle sera inéluctablement découverte à brève ou à moyenne échéance.

J’avoue également ne pas partager les inquiétudes émises quant à la présence, dans la carte d’identité biométrique, à côté de la « puce régalienne », portant les données biographiques et biométriques de la personne, d’une seconde puce, dite « de service » ou de vie quotidienne, totalement optionnelle, et qui permettrait de sécuriser les échanges commerciaux et les transactions administratives sur Internet.

Ici encore, les commentaires n’ont pas fait dans la nuance… « Il est proprement hallucinant, s’est ainsi exclamée notre collègue députée Sandrine Mazetier, qu’un même support serve de document officiel de la République française et contienne une puce commerciale. […] Il s’agit d’un stupéfiant abaissement par l’État de sa propre image et de celle des citoyens français. » Rien de moins !

Pourtant, chacun sait que cette partie « Internet » permettant au titulaire de la carte nationale d’identité de prouver son identité sur la Toile et de signer des documents en ligne n’utilisera en aucun cas les données biométriques contenues dans la partie « document de voyage » ou, si vous préférez, dans la partie régalienne. Celles-ci seront inexploitables pour les opérateurs commerciaux, tout en les assurant de l’identité de la personne.

Autrement dit, c’est bien l’État qui sanctuarisera l’identité, dans la vie publique comme dans la vie quotidienne. Il me semble que cela relève indiscutablement de ses responsabilités régaliennes et qu’il ne revient pas, dans notre tradition juridique, à des organismes privés, si respectables soient-ils, de garantir avec la même autorité l’identité des personnes.

M. Jean-René Lecerf. Enfin, reste la question la plus délicate, qui opposait déjà le Sénat et l’Assemblée nationale en première lecture, à savoir celle du lien créé, au sein de la base, entre les éléments d’état civil et les données biométriques : lien faible ou lien fort ?

Dans une base à lien fort, à une identité correspond un ensemble de données biométriques personnelles, tandis que, dans une base à lien faible, un état civil renvoie à un « tiroir » contenant de multiples empreintes, de même qu’une empreinte correspond à un « tiroir » contenant de multiples états civils.

Le choix du lien faible, brillamment défendu par notre excellent rapporteur François Pillet, permettra certes de détecter efficacement l’usurpation d’identité, mais nous privera de la possibilité de remonter aisément aux usurpateurs, comme de la faculté d’identifier facilement des personnes désorientées ou amnésiques, ou encore, dans l’hypothèse – que l’on veut croire tout à fait exceptionnelle – d’une catastrophe naturelle, de la reconnaissance certaine des corps. De la même façon, toute utilisation du fichier central sur réquisition judiciaire en matière de recherche criminelle deviendra radicalement impossible.

Nous aurons l’occasion de discuter de nouveau de ce point lors de l’examen de l’amendement présenté par le Gouvernement à l’article 5, mais le débat revient largement à savoir si des garanties juridiques étendues suffisent à écarter tout risque pour les libertés publiques ou s’il faut y ajouter la garantie technique, par hypothèse immuable, du lien faible.

En tout cas, mes chers collègues, je me réjouis que ce débat soit porté devant le Parlement, après tant de rapports, sondages et commentaires des médias. Car c’est bien aux députés et sénateurs qu’il appartient de faire en sorte que progrès technologique, renforcement de la sécurité et protection des libertés, loin de s’opposer, puissent se soutenir mutuellement, ce qui m’apparaît comme un enjeu essentiel des années à venir. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de l’UCR – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vient de le souligner l’auteur de la proposition de loi, la discussion parlementaire sur ce sujet est bienvenue, car elle permet au législateur de poser les garanties indispensables à la mise en place d’un fichier que notre collègue François Pillet, rapporteur, qualifie de « fichier des gens honnêtes ».

Sans doute le Gouvernement aurait-il préféré poursuivre sa démarche de mise en place de titres d’identité sécurisés par la voie réglementaire, s’exposant encore aux critiques de la CNIL et à des jugements condamnant les dispositions prises, comme celui qui a été rendu à la fin du mois dernier au sujet des passeports biométriques.

Oui, mes chers collègues, le Gouvernement a choisi de mettre la population sous contrôle ! Les expériences actuellement menées en la matière nous obligent ici, au Sénat, à nous montrer vigilants quant à la garantie des libertés de tous ceux, Français ou étrangers, qui résident ou séjournent sur notre sol dans le respect des lois.

Il faut le souligner, cette vigilance s’était déjà exercée au mois d’avril dernier lors de la première lecture de la présente proposition de loi, due à l’initiative de nos collègues Jean-René Lecerf et Michel Houel. Elle devra être confirmée aujourd’hui, démontrant au passage l’intérêt d’un Parlement bicaméral.

Ma collègue Virginie Klès est intervenue sur les problèmes soulevés par la nécessaire protection des données, mais aussi des libertés de nos concitoyens. C’est essentiel dès lors qu’un fichier central est envisagé, fichier indispensable pour donner son sens à cette carte sécurisée, mais fichier qui doit être soumis à des conditions strictes de mise en place et de consultation.

C’est toute l’importance du « lien faible », expression caractérisant un fichier qui permet de valider l’identité d’une personne donnée grâce à ses caractéristiques biométriques, mais qui ne permet pas de violer les libertés individuelles en identifiant une personne sur la simple présentation d’une empreinte digitale ou d’une photo.

Alors que de nombreux acteurs économiques – opérateurs téléphoniques, fournisseurs d’accès à Internet, services de paiement par carte, etc. – établissent, compte tenu de leurs activités, des fichiers sensibles, dont l’usage est susceptible de violer la vie privée de nos concitoyens, les pouvoirs publics doivent encadrer l’usage de ces fichiers, ce qu’ils comportent et les conditions entourant leur consultation, afin que le devoir de sécurité respecte le droit de chacun à la liberté et à l’intimité.

Les pouvoirs publics doivent être exemplaires en la matière, afin de pouvoir être rigoureux et crédibles dans la défense de la liberté de nos concitoyens.

Lutter contre la fraude à l’identité, permettre l’identification électronique des Français lors de leurs démarches administratives : voilà les avantages d’un texte, qui, s’il est bien bordé sur le plan juridique, simplifiera la vie des citoyens, permettra de mieux les protéger et rendra les démarches de renouvellement des cartes d’identité plus faciles, plus rapides et plus en cohérence avec celles qui concernent les demandes de passeport.

Représentant les Français de l’étranger, je souhaite insister sur les démarches fastidieuses, aux délais insupportables – parfois deux ans ! –, qu’implique l’établissement des certificats de nationalité française.

Deux décrets, en date du 2 mars 2010 et du 18 mai 2010, confirmés par une circulaire du ministère des affaires étrangères, dispensent, pour l’établissement d’une carte nationale d’identité ou d’un passeport, de la production d’un certificat de nationalité française dès lors que cette nationalité a pu être dûment établie.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Et c’est très bien !

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le ministre, je souhaiterais avoir la confirmation que la nouvelle carte nationale d’identité sécurisée n’entraînera pas de facto l’abrogation de ces décrets et que les Français de l’étranger pourront être non seulement protégés d’éventuelles usurpations d’identité, mais également dispensés des démarches extrêmement longues qui ne leur étaient plus imposées depuis la parution de ces deux textes.

Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur du décret du 3 août 2010 portant simplification de la procédure de délivrance et de renouvellement du passeport à l’étranger, les Français établis hors de France ne sont plus obligés de se présenter une seconde fois à l’ambassade ou au consulat pour la remise du passeport biométrique. Ce titre d’identité peut ainsi être remis par l’intermédiaire d’un consul honoraire habilité ou à l’occasion d’une tournée consulaire. Je me félicite que ces dispositions soient également applicables à la nouvelle carte nationale d’identité électronique.

Monsieur le ministre, la France est notre pays, mais l’espace Schengen est un espace de libertés publiques, qui témoigne des progrès accomplis à cet égard en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale et depuis la chute du mur de Berlin. Aller de Paris à Budapest ou de Varsovie à Séville sans aucune contrainte est un acquis fantastique de la construction européenne. Cela conduit à une constatation qui doit nous guider dans notre politique : en termes de sécurité et de libertés publiques, c’est dans cet espace-là qu’il convient aujourd’hui d’agir.

Vouloir imposer un « lien fort » dans le fichier central entre les éléments biométriques et l’identité d’une personne, comme le souhaite le Gouvernement, serait un viol des libertés qui n’a techniquement aucune justification sérieuse au regard de l’objet du texte qui nous est soumis : lutter contre la fraude à l’identité. De plus, cela ne serait d’aucune efficacité dès lors que nos partenaires européens, soucieux de préserver les libertés publiques, ne nous suivraient pas.

Les dispositions que nos principaux partenaires ont prises pour mettre en place une carte d’identité électronique sont encore trop diverses. Plus de douze pays ont adopté une telle carte, mais peu, pour l’instant, prévoient l’inclusion de données biométriques et presque aucun, la mise en place d’un fichier central.

C’est pourquoi notre commission des lois, en suggérant la mise en place d’un fichier à lien faible, allie le respect de la personne et une démarche visant à convaincre l’ensemble de nos partenaires qu’il est possible de mettre en place les moyens de lutter contre la fraude à l’identité dans l’espace Schengen de manière efficace, en améliorant la vie quotidienne et en respectant les libertés individuelles.

Monsieur le ministre, vous pourrez ficher les Français à l’aide d’empreintes, photos et autres « fadettes », vous violerez leur intimité (M. le ministre de l’intérieur manifeste son désaccord.), mais vous ne lutterez jamais ainsi contre la fraude et l’insécurité parce que la France est dans l’espace Schengen. Or c’est uniquement dans le cadre cet espace que l’on peut agir avec efficacité. C’est uniquement si les efforts que nous sommes aujourd'hui prêts à faire sont acceptés par l’ensemble de nos partenaires européens qu’ils auront un sens et produiront des fruits.

Monsieur le ministre, aujourd’hui, on n’arrête plus rien à la frontière italienne entre Menton et Vintimille !

Au demeurant, une harmonisation européenne en la matière serait la bienvenue pour les Français vivant dans d’autres pays de l’Union européenne, qui pourraient un jour faire prendre leurs éléments biométriques auprès de l’administration de leur pays de résidence. Elle permettrait également d’améliorer la qualité des échanges entre pays d’une manière très significative, donnant tout son sens à l’espace de liberté et de sécurité que constitue l’espace Schengen.

Il semblerait que, pour l’instant, l’entrée en vigueur de la carte nationale d’identité électronique se calque, pour ainsi dire, sur le dispositif retenu pour le passeport biométrique. Or, dans ce dernier cas, le Gouvernement avait décidé par voie réglementaire que la puce du passeport contiendrait huit empreintes digitales du détenteur du titre. Ce choix ne correspondait toutefois à aucune exigence particulière du droit européen. D’ailleurs, des pays voisins qui appliquent la même directive de 2004 se sont dotés d’un titre différent, optant pour une puce comportant moins d’empreintes.

Pourquoi, alors, avoir considéré comme nécessaire la conservation de huit empreintes, ce qui a d’ailleurs conduit à ce que les systèmes mis en place dans les différents pays d’Europe ne soient pas compatibles, chaque pays protégeant son propre prestataire de service ?

La même question se pose aujourd'hui concernant la future carte nationale d’identité électronique. Sa puce contiendra-t-elle autant d’empreintes ?

Le Conseil d’État, en assemblée du contentieux, le 26 octobre dernier, a censuré la conservation dans un fichier centralisé de huit empreintes digitales alors que deux seulement figurent dans le composant électronique du passeport.

L’utilisation des données personnelles et la protection des informations personnelles sont des principes au respect desquels nous sommes particulièrement attentifs, et M. le rapporteur a bien évidemment recueilli l’accord de notre groupe en proposant de modifier du texte l’article 5 tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale. François Pillet a en effet déclaré : « L’esprit de responsabilité et l’exigence de vigilance commandent de s’entourer de toutes les garanties requises pour éviter tout risque de dévoiement du fichier. » Nous souscrivons à ces propos.

La CNIL a, elle aussi, émis plusieurs réserves quant à la centralisation des informations biométriques dans un fichier s’agissant des nouvelles cartes nationales d’identité. Gardons toujours en mémoire, lorsqu’il est question de création et d’exploitation de fichiers contenant des données personnelles, les tristes heures de notre histoire !

Le principe de protection des libertés est intangible. Nous veillerons donc, aussi bien lors de la discussion des articles que lors du passage du texte en commission mixte paritaire, à ce qu’on ne revienne absolument pas à la rédaction votée par l’Assemblée nationale.

Ce principe de protection des libertés devrait s’appliquer à tous. Pourtant ce n’est pas le cas : il existe bien un droit d’exception, celui qui s’applique aux étrangers vivant en France.

La mise en place du titre de séjour pour les étrangers, en application du décret du 8 juin 2011, introduit un nouveau traitement informatisé de gestion des dossiers des ressortissants étrangers à l’espace Schengen. Cela permet de rassembler et d’enregistrer à peu près tout de la vie administrative, mais aussi médicale, par exemple, de chaque étranger ; ce sont 7 millions de personnes vivant légalement sur notre territoire qui sont concernées ! Et ce fichage concerne non seulement les étrangers, mais aussi, depuis 2005, les Français hébergeant des étrangers séjournant dans notre pays avec un visa !

Voilà pourquoi nous vous adressons aujourd'hui un signal fort, monsieur le ministre. Nous voterons la création d’un fichier qui permettra, en conjugaison avec la nouvelle carte d’identité biométrique, de lutter efficacement contre la fraude à l’identité. Nous validons une telle évolution, mais en y ajoutant des garanties législatives sur le contenu et l’usage de ce fichier afin de garantir les libertés individuelles. Cela permettra, nous l’espérons, de convaincre nos partenaires européens d’envisager progressivement une politique harmonisée sur le sujet.

Nous sommes satisfaits qu’une telle perspective simplifie la délivrance des titres d’identité à nos concitoyens, mais rappelons tout de même, à cette occasion, la honte que constituent pour notre pays les conditions inhumaines et indignes de délivrance ou de renouvellement des titres de séjour pour étranger.

Enfin, nous soulignons l’importance de la position adoptée par la commission des lois et le groupe socialiste, qui souhaitent encadrer strictement et précisément par la loi la nature et l’usage de ce fichier et de la biométrie.

Il est heureux que le législateur se soit aujourd'hui saisi d’un sujet – j’en remercie le groupe UMP – que le Gouvernement avait tenu depuis des années à laisser dans le domaine réglementaire, avec toutes les dérives et atteintes à la liberté, à l’intimité que nous constatons aujourd’hui pour une partie des habitants de notre pays.

Monsieur le ministre, il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures. Après l’adoption de ce texte, il faudra revenir au droit commun pour les étrangers titulaires d’un titre de séjour en France, donc en situation régulière. L’intégration commande qu’ils soient traités, eux et les Français qui les fréquentent, comme l’ensemble des citoyens du pays, et non pas comme des délinquants potentiels. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Houel. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Michel Houel. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, se faire voler son identité, sur la Toile ou dans la vie courante, une seule fois ou pour une durée plus ou moins longue, est un danger dont les Français sont de plus en plus conscients. « Le phénomène n’est plus inconnu », souligne une étude récente du CSA.

En effet, 86 % des Français ont déjà entendu parler de l’usurpation d’identité, généralement commise pour obtenir des avantages financiers – ouverture de crédit, obtention d’aides sociales –, pour se prévaloir indûment de la nationalité française ou, pis, pour commettre des malversations plus graves encore.

Si ce risque est jugé élevé par 65 % des Français, ces derniers ne se sentent paradoxalement pas visés puisque trois personnes sur cinq s’estiment à l’abri de cette mésaventure. Pourtant, l’usurpation d’identité ferait plusieurs dizaines de milliers de victimes tous les ans en France. Le chiffre de 213 000 personnes a même été avancé, mais je ne suis pas convaincu qu’un tel niveau soit réellement atteint.

De plus, la fabrication et l’usage criminel des fausses identités progressent considérablement, en qualité comme en gravité. La même enquête du CSA indique : « La criminalité identitaire a sensiblement évolué entre 2005 et 2010. Les vols d’identité se maintiennent à moins de 2 %, alors que depuis 2005, les cas d’usurpation d’identité ont doublé, passant de 15 % à 30 %. »

Neuf Français sur dix pensent que, lorsqu’on est victime de ce type d’infraction, il est compliqué de faire valoir ses droits, et ce malgré les avancées de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure de mars 2011, qui reconnaît l’usurpation d’identité comme infraction principale et prévoit de la punir d’une peine de deux ans de prison et de 20 000 euros d’amende.

Dans la vie courante, la transmission de données personnelles est un passage obligé pour ouvrir un compte, louer un appartement, souscrire un abonnement : 78 % des Français déclarent avoir fourni au moins une copie papier de leurs données personnelles au cours des douze derniers mois et 55 % d’entre eux ont transmis ce type d’information en ligne, une pratique heureusement moins courante. La protection des données sur la Toile est d’ailleurs considérée comme moins sûre par 77 % des sondés.

J’insisterai également sur les conséquences extrêmement traumatisantes de ces infractions pour les personnes qui en ont été victimes, et dont la vie s’est parfois trouvée anéantie : nous avons tous eu connaissance, dans les médias, de témoignages bouleversants.

Aussi, afin de lutter efficacement contre ce nouveau fléau, j’ai présenté cette proposition de loi avec mon collègue Jean-René Lecerf, qui a fourni un travail considérable pour l’élaboration du texte, travail que je tiens à saluer. L’objectif initial était bien de donner à nos concitoyens l’assurance que leur identité serait protégée et qu’il serait, à l’avenir, mis fin aux usurpations beaucoup plus rapidement qu’aujourd’hui.

Cette proposition de loi constitue donc une occasion pour le Parlement de se prononcer sur les moyens d’assurer la sécurité de l’identité tout en respectant l’indispensable équilibre entre les impératifs de préservation de l’ordre public et les exigences de protection des libertés individuelles. Elle vise à garantir une fiabilité maximale des cartes nationales d’identité et des passeports.

Nos collègues de l’Assemblée nationale l’ont d’ailleurs bien compris puisqu’ils nous ont suivis sur la quasi-totalité du texte. Il reste, en revanche, un point de désaccord qui me semble fondamental.

En effet, pour lutter contre l’usurpation d’identité, la proposition de loi met en place une base centrale de données biométriques. Le recours à ce fichier central aura pour objet de garantir qu’une même personne ne pourra disposer de deux identités différentes puisque ses empreintes biométriques ne pourront correspondre qu’à une seule identité.

L’Assemblée nationale a adopté une position radicalement opposée et a jugé utile d’autoriser la recherche d’identification d’un individu à partir des empreintes digitales enregistrées dans le fichier central. Résultat : l’équilibre entre l’objectif de lutte contre l’usurpation d’identité et l’exigence absolue de protection des libertés publiques est rompu.

L’article 5 du texte voté par le Sénat en première lecture, qui fait l’objet du désaccord avec l’Assemblée nationale, en prévoyant d’interdire toute possibilité de croisements entre les éléments d’état civil et les données biométriques prend sans doute des précautions disproportionnées au regard des objectifs à atteindre. Je rappelle néanmoins que l’exposé des motifs précisait : « La confrontation des caractéristiques biométriques d’une personne avec celles figurant dans le composant électronique ou la base centrale permettra de confondre les fraudeurs. »

Il faut, me semble-t-il, donner à nos concitoyens des garanties leur permettant de s’assurer que nous allons réaliser ce que nous promettons.

Au regard des débats qui ont eu lieu et des multiples questions que suscite l’actuelle rédaction du texte, je vous recommande d’en revenir au texte initial, qui tendait à garantir la cohérence entre les objectifs visés.

Ainsi, la commission des lois a souhaité limiter l’usage du fichier biométrique à la seule lutte contre la fraude à l’identité, en doublant les garanties juridiques de garanties matérielles et en interdisant son utilisation dans le cadre de recherches criminelles.

Elle a également souhaité encadrer les vérifications d’identité effectuées à partir des données biométriques, conformément aux recommandations formulées par la CNIL, et a voulu donner à l’usager la pleine maîtrise de la fonctionnalité d’identification électronique de la carte d’identité, afin d’éviter que ceux qui la refusent ne soient évincés de certains services.

Mes chers collègues, je vous encourage donc à suivre les propositions de la commission les lois en rétablissant l’article 5 dans sa rédaction initiale. Je vous rappelle, s’il en est besoin, que l’assemblée à laquelle nous appartenons reste le garant de l’équilibre de nos institutions, de la protection des libertés et de la défense des valeurs qui fondent la République. N’ouvrons donc pas aujourd’hui une brèche que nous pourrions un jour regretter. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de l’UCR. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les « conformes » ou les articles additionnels qui sont sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la protection de l'identité
Article 5

Article 4

(Non modifié)

Les agents chargés du recueil ou de l’instruction des demandes de délivrance de la carte nationale d’identité ou du passeport peuvent faire procéder à la vérification des données de l’état civil fournies par l’usager auprès des officiers de l’état civil dépositaires des actes contenant ces données, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Le demandeur en est préalablement informé.

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi relative à la protection de l'identité
Article 5 bis

Article 5

Afin de préserver l’intégrité des données requises pour la délivrance du passeport français et de la carte nationale d’identité, l’État crée, dans les conditions prévues à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, un traitement de données à caractère personnel facilitant leur recueil et leur conservation.

Ce traitement de données, mis en œuvre par le ministère de l’intérieur, permet l’établissement et la vérification des titres d’identité ou de voyage dans des conditions garantissant l’intégrité et la confidentialité des données à caractère personnel ainsi que la traçabilité des consultations et des modifications effectuées par les personnes y ayant accès.

L’enregistrement des empreintes digitales et de l’image numérisée du visage du demandeur est réalisé de manière telle qu’aucun lien univoque ne soit établi entre elles, ni avec les données mentionnées aux 1° à 4° de l’article 2, et que l’identification de l’intéressé à partir de l’un ou l’autre de ces éléments biométriques ne soit pas possible.

La vérification de l’identité du demandeur s’opère par la mise en relation de l’identité alléguée et des autres données mentionnées aux 1° à 6° de l’article 2.

Le traitement ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir des images numérisées du visage qui y sont enregistrées.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Bien que j’aie déjà donné un certain nombre d’explications au cours de la discussion générale, qu’il me soit permis d’insister sur le fait que l’adoption de cet amendement nous conduirait à prendre modèle sur l’Allemagne, qui n’a, elle, pas fait le choix de créer un tel fichier, tout en instaurant une carte d’identité biométrique.

Nous considérons qu’il s’agit là de la meilleure solution. Elle tient compte des réserves émises par la CNIL, laquelle estime que la création d’un fichier centralisé est disproportionnée par rapport aux objectifs affichés. Selon elle, « il existe des modalités de lutte contre la fraude qui apparaissent tout à la fois aussi efficaces et plus respectueuses de la vie privée des personnes ».

Nous savons bien que l’utilisation de ce fichier dépassera totalement la lutte contre la fraude et déviera vers une application purement judiciaire.

Pour ces raisons, nous déplorons que le Gouvernement revienne à la charge par voie d’amendement et propose de réintroduire un lien fort au sein de ce fichier entre les données d’état civil, les empreintes digitales et l’image numérisée des visages, option fortement décriée par la CNIL, qui émet notamment des doutes sérieux sur les procédés de reconnaissance faciale.

Par ailleurs, en instituant un tel fichier, nous prendrions le risque de faire encourir à notre pays une sanction prononcée par la Cour européenne des droits de l’homme. La CEDH a en effet rendu, au mois de décembre 2008, un arrêt dans lequel elle considère que la création de fichiers contenant des données biométriques pour des citoyens ne faisant l’objet d’aucune poursuite judiciaire en cours constitue une violation manifeste des articles 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et contrevient à la convention sur la protection des données du Conseil de l’Europe STE n° 108 de 1981.

La Cour européenne des droits de l’homme estime ainsi que « le caractère général et indifférencié du pouvoir de conservation des empreintes digitales, échantillons biologiques et profils ADN des personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions mais non condamnées […] ne traduit pas un juste équilibre entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu ».

Compte tenu de tous ces éléments, nous proposons la suppression de l’article 5.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement remet en cause la création d’une base centrale biométrique.

Au cours des débats, et cela a été rappelé par M. le ministre, nous avons vu que la légalité de la constitution d’une telle base ne posait pas de problèmes juridiques importants. Les problèmes juridiques surviennent avec les modalités d’accès à la base et l’utilisation qui en est faite.

En première lecture, nous avons cherché à établir un équilibre satisfaisant entre l’efficacité de la lutte contre l’usurpation d’identité et la préservation des libertés publiques. Précisément, le système de la base à lien faible rend impossible l’identification d’une personne par ses seules empreintes digitales, et cela devrait vous rassurer définitivement, ma chère collègue ; c’est d’ailleurs sur ce point que nous avons un désaccord avec l’Assemblée nationale.

Autrement dit, la nature même du fichier que nous souhaitons créer n’est pas susceptible de vous inquiéter. Ce système à lien faible est solide et, surtout, il est irréversible. Nous avons, en outre, renforcé les garanties en interdisant tout dispositif de reconnaissance faciale.

C’est la raison pour laquelle, si cet amendement est maintenu, je serai contraint d’émettre, au nom de la commission, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. La base centrale est indispensable pour lutter contre l’usurpation d’identité. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes M. André, Klès et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les empreintes digitales sont conservées pendant une durée maximale de six mois à compter de leur recueil.

La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Il s’agit, par cet amendement, d’insister sur le caractère particulier des empreintes digitales, qui sont des empreintes biométriques traçantes. Du reste, aussi bien les avis ou arrêts récents de la CNIL ou du Conseil d’État attirent l’attention des pouvoirs publics sur la durée de conservation des empreintes digitales dans les fichiers.

Le présent amendement vise à limiter la durée de conservation des empreintes digitales à six mois, et cela uniquement dans le fichier central. Devrait-il s’agir de la durée de vie du titre considéré ? Pourquoi pas. Sans doute faudra-t-il prendre ultérieurement ces dispositions par décret. Il me paraît toutefois important d’en parler dès aujourd’hui parce que la durée de conservation dépendra sans doute des mesures qui seront prises par la suite. En particulier, si les citoyens sont fortement incités à déclarer toute perte ou tout vol de la carte d’identité biométrique, six mois de conservation pour ce type de données pourraient suffire. Sinon, en l’absence de forte incitation à la déclaration de perte ou de vol, c’est peut-être la durée de vie du titre qu’il faudra retenir.

Bien entendu, si l’amendement n° 4 du Gouvernement devait être adopté ou si l’Assemblée nationale remettait de nouveau en cause la solution d’une base de données à lien faible, qui sera, je l’espère, adoptée aujourd’hui par le Sénat, et qui est en tout cas prônée par la commission des lois, il est clair que nous-mêmes reviendrions sur ce point et que nous serions, cette fois, absolument inflexibles.

À ce stade de la discussion, confiante en la sagesse de notre Haute Assemblée et persuadée que c’est bien une base de données à lien faible qui sera retenue à l’issue des débats, j’accepte de retirer cet amendement. J’attire néanmoins l’attention de tous sur la nécessité de définir une durée de conservation, notamment pour les empreintes digitales. (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié est retiré

L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 5

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

L’identification du demandeur ne peut s’y effectuer qu’au moyen des données énumérées aux 1° à 5° de l’article 2.

La parole est à M. le ministre.

M. Claude Guéant, ministre. Plutôt que de paraphraser les propos introductifs que j’ai tout à l’heure eu l’honneur de tenir devant votre assemblée, je me limiterai à quelques observations supplémentaires.

Je souhaite d’abord revenir sur le concept de « fichier des honnêtes gens » qui a été avancé par votre rapporteur et repris par plusieurs d’entre vous. Fondamentalement, M. Pillet a raison ; il n’empêche que, s’il y a problème, c’est précisément parce qu’un certain nombre de gens moins honnêtes se glissent dans ce fichier. Et les honnêtes gens, qui seront évidemment l’immense majorité, ont besoin d’être protégés contre les usurpations d’identité.

Je veux ensuite rappeler que, contrairement à ce qui a pu être indiqué par certains orateurs, il s’agit bien, en l’espèce, d’un fichier administratif et non d’un fichier judiciaire. Il est seulement prévu que le juge pourra prendre des réquisitions pour avoir connaissance d’un certain nombre de données. Dans un pays comme le nôtre, où tout le monde considère que la justice est un élément constitutif d’une vie démocratique, est-il bien raisonnable de gêner le juge dans ses investigations ? Je me permets de poser la question…

S’agissant maintenant du lien faible, je dirai que celui-ci permet effectivement de déterminer l’existence d’une fraude, puis de distinguer quelques dizaines de personnes – votre rapporteur, et j’espère ne pas trahir ses propos, avait indiqué en première lecture que cela pouvait aller jusqu’à une centaine de personnes – qui doivent ensuite faire l’objet d’investigations de police. Très franchement, je me demande pourquoi, alors que nous avons la possibilité d’identifier à coup sûr un usurpateur d’identité, nous recourrions à une technique qui nous priverait de fait de cette possibilité.

Pour compléter les caractéristiques du lien faible que je viens d’énoncer, permettez-moi de vous citer, comme je l’avais fait en première lecture, un courrier en date du 19 avril 2011 émanant de l’entreprise qui a élaboré ce système : « Ce concept permet de détecter l’usurpation d’identité avec une probabilité dissuasive réglable, mais en aucune façon ne permet d’identifier l’usurpateur. Plus généralement, cette approche utilise effectivement une notion d’AFIS » – il s’agit d’un système automatisé d’identification à partir des empreintes digitales – « dégradé pour interdire l’identification à partir de données biométriques. Entre autres conséquences, le lien faible ne permet pas non plus d’identifier des amnésiques, des enfants perdus ou des victimes de catastrophes naturelles ou d’attentats. »

Votre assemblée devra bien avoir cette réalité à l’esprit au moment où elle se prononcera.

Enfin, dernière remarque, l’amendement qui est proposé par le Gouvernement respecte strictement la décision du Conseil d’État qui a été rappelée tout à l’heure. Il ne suffit pas qu’une décision du Conseil d’État existe pour qu’elle invalide telle ou telle proposition. J’ajoute, monsieur le rapporteur, que ce que j’ai cité tout à l'heure, ce sont non pas les considérants mais les conclusions du Conseil d’État. En outre, la proposition gouvernementale respecte strictement l’avis de la CNIL.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Monsieur le ministre, vous avez en quelque sorte élagué vos propos en rappelant que ce débat avait déjà eu lieu en première lecture, ce qui me permettra également de ne pas revenir sur l’ensemble des éléments en discussion.

Je traiterai d’abord de ce qui me paraît subsidiaire, c’est-à-dire la brevetabilité du fichier à lien faible.

Le système qui est proposé par le Sénat est techniquement simple ; n’importe quel informaticien pourra concevoir une base à lien faible sans être gêné par une quelconque brevetabilité, qui serait en espèce illégale, compte tenu de la simplicité du système. Je ne pense donc pas que le Gouvernement ait à craindre un quelconque problème d’absence de concurrence lorsqu’il accordera le marché à l’entreprise qui constituera ce fichier.

Mais le point essentiel, c’est l’échelle des normes.

Je me suis déjà également expliqué sur le fait que le fichier tel que nous l’envisageons permettra en amont de détecter l’arrivée du fraudeur, ce qui aura pour conséquence de le faire renoncer à poursuivre sa manœuvre. En fait, on n’aura guère l’occasion d’identifier un fraudeur puisque celui-ci, par nécessité, aura fait avorter sa fraude. C’est la raison pour laquelle j’ai évoqué tout à l’heure les 99,9 % de possibilités de faire échec à une fraude.

J’ajoute que la fraude ne se situe pas lorsque le demandeur sollicite le renouvellement d’un titre d’identité. La fraude a lieu lors d’une première demande. Et là, qu’on retienne le lien fort ou le lien faible, on en est réduit au même manque d’efficacité puisque, par définition, l’intéressé n’est pas encore inscrit dans la base.

Je veux également rappeler que la situation juridique dans laquelle nous nous trouvions en première lecture avait justifié la position adoptée par le Sénat. En effet, la crainte d’inconstitutionnalité, la certitude de ne pas répondre aux normes européennes – je fais allusion à l’arrêt Marper de la CEDH – nous laissaient penser que nous avions très peu de chances de voir ce fichier accepté.

Mais, depuis le dernier passage de ce texte en commission, c'est-à-dire à l’heure de cette deuxième lecture, nous en avons encore moins : la note de la CNIL, fût-elle d’un poids juridique restreint, énumère tout de même l’ensemble des principes généraux en ce domaine ; par ailleurs, le Conseil d’État, dans son arrêt, après avoir relevé une nouvelle fois tous les problèmes juridiques, ajoute que les huit empreintes constituent une irrégularité.

Surtout, ne pas revenir au texte du Sénat, autrement dit adopter celui de l’Assemblée nationale ou accepter votre amendement, monsieur le ministre, ce serait permettre aux services chargés de la lutte contre le terrorisme d’utiliser la base de données à des fins d’identification d’une personne par ses empreintes digitales hors de toute réquisition judiciaire, ce qui n’est pas acceptable.

De plus, ni le dispositif proposé par l’Assemblée nationale ni celui qui est présenté par le Gouvernement dans son amendement de reprise du texte initial n’excluent les dispositifs de reconnaissance faciale.

M. Claude Guéant, ministre. Si !

M. François Pillet, rapporteur. Mais allons au-delà de ce point.

Monsieur le ministre, sachez que, dans ce débat, nous ne vous faisons aucun procès d’intention : nous ne sommes animés que par le souci de défendre les principes fondamentaux de notre État de droit.

En première lecture, je ne suis pas parvenu à vous convaincre, ni même à vous rassurer. Alors, en deuxième lecture, je veux vous alerter. Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas, élus et Gouvernement, en démocrates soucieux des droits protégeant les libertés publiques, laisser derrière nous – bien sûr, en cet instant, je n’ai aucune crainte, en particulier parce que c’est vous qui êtes en fonction – un fichier que d’autres, dans l’avenir, au fil d’une histoire dont nous ne serons plus les écrivains, pourraient transformer en un outil dangereux, liberticide. Nous aurions alors rendu possible, dans le futur, la métempsycose perverse d’une idée protectrice ! Et les victimes pourraient dire, en nous visant : ils avaient identifié le risque et ils ne nous en ont pas protégés.

Monsieur le ministre, je ne veux pas qu’à ce fichier ces victimes puissent alors donner un nom, le vôtre, le mien ou le nôtre. (Vifs applaudissements sur plusieurs travées de lUMP, ainsi que sur les travées de lUCR et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les fortes paroles de notre rapporteur, François Pillet, je tiens à souligner toute l’importance du vote qui va avoir lieu dans quelques instants.

Je veux remercier le groupe UMP du Sénat d’avoir inscrit ce texte, qui nous a donné l’occasion, d’une part, de cet important débat en séance et, d’autre part, d’une prise de position qui fut unanime, monsieur Hyest, au sein de notre commission. (M. André Reichardt s’exclame.)

Nous comprenons très bien que le ministre de l’intérieur, dans le cadre de ses fonctions, cherche à doter la police, notamment la police judiciaire – voire la justice, même si elle n’est pas de son ressort –, de moyens lui permettant accomplir sa mission. C’est une préoccupation tout à fait noble, et qui a sa justification. Mais, en l’espèce, le Sénat doit demeurer le défenseur scrupuleux et infatigable des libertés publiques et, à ce titre, nous considérons que, conformément à la philosophie de Montesquieu, il faut séparer les pouvoirs, les prérogatives et les responsabilités.

Monsieur le ministre, vous êtes dans votre rôle, dans l’ordre qui est le vôtre, par rapport aux procédures qui sont adaptées à la mission très importante qui vous est dévolue. Nous sommes dans notre rôle en disant que ce fichier, créé par la loi – et il est heureux que ce soit elle qui le crée –, a pour seul objet de lutter contre l’usurpation d’identité. Dès lors, il doit être cantonné à cet objet.

Il n’y a donc aucun procès d’intention contre qui que soit dans ce débat, qui est d'ailleurs parfaitement serein. Nous assumons pleinement notre rôle, comme l’a excellemment dit notre rapporteur, qui est de défendre ensemble, mais devant l’histoire, les libertés publiques.

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Mme Virginie Klès. L’avis de la CNIL que j’ai sous les yeux précise : « […] soit le traitement a pour finalité la gestion des procédures administratives de délivrance des titres, en particulier la lutte contre la fraude à l’identité, soit il s’agit d’un nouvel outil de police judiciaire. […] Il convient cependant de s’assurer que le traitement créé ne peut être utilisé à d’autres fins que la sécurisation de la délivrance des titres d’identité et de voyage […]. Dans ces conditions, la Commission estime […] que la proportionnalité de la conservation sous forme centralisée de données biométriques, au regard de l’objectif légitime de lutte contre la fraude documentaire, n’est pas à ce jour démontrée. Si une telle base centralisée de données biométriques était néanmoins envisagée, des garanties supplémentaires de nature à assurer la protection des données personnelles des citoyens français devraient être introduites. […] Ainsi de l’absence de lien univoque entre les données biométriques enregistrées dans le traitement central et les données d’état civil […]. »

Je pense donc que, contrairement à ce qui a pu être dit, l’avis de la CNIL est parfaitement clair sur ce sujet.

Si je ne souscris pas à la totalité des propos qu’a tenus notre rapporteur, je m’associe entièrement à ce qu’il a déclaré quant à la responsabilité que nous avons aujourd'hui, au moment où nous créons ce fichier, au regard de l’utilisation qui pourra éventuellement en être faite dans le futur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 15 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 345
Majorité absolue des suffrages exprimés 173
Pour l’adoption 4
Contre 341

Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Article 5
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Article 5 ter (Texte non modifié par la commission)

Article 5 bis

(Non modifié)

L’identité du possesseur de la carte nationale d’identité ou du passeport français est justifiée à partir des données inscrites sur le document lui-même ou sur le composant électronique sécurisé mentionné à l’article 2.

Sont seuls autorisés, dans le cadre de cette justification de l’identité, à accéder aux données mentionnées au 5° du même article 2 les agents chargés des missions de recherche et de contrôle de l’identité des personnes, de vérification de la validité et de l’authenticité des passeports et des cartes nationales d’identité électroniques.

En cas de doute sérieux sur l’identité de la personne ou lorsque le titre présenté est défectueux ou paraît endommagé ou altéré, la vérification d’identité peut être effectuée en consultant les données conservées dans le traitement prévu à l’article 5. – (Adopté.)

Article 5 bis
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Article 6

Article 5 ter

(Non modifié)

Un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les conditions dans lesquelles le traitement prévu à l’article 5 peut être consulté par les administrations publiques, les opérateurs assurant une mission de service public et les opérateurs économiques pour s’assurer de la validité de la carte nationale d’identité ou du passeport français présenté par son titulaire pour justifier de son identité. Cette consultation ne permet d’accéder à aucune donnée à caractère personnel.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Première phrase

Supprimer les mots :

et les opérateurs économiques

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Nous souhaitons, pour le moins, encadrer la faculté donnée aux opérateurs économiques de consulter le fichier. En effet, aux termes de l’article 5 ter, certains opérateurs publics ou privés pourront consulter le fichier central pour s’assurer de la validité du titre d’identité qui leur est présenté. Selon nous, les opérateurs privés ne devraient pas avoir accès au contenu de ce fichier, au regard, notamment, de la spécificité de ce dernier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, rapporteur. Ma chère collègue, je suis parfaitement d’accord avec vous : il est hors de question que les opérateurs économiques aient accès à ce fichier pour y trouver, par exemple, des empreintes digitales ou un visage. Vous allez en déduire que je suis favorable à votre amendement. Pourtant, tel n’est pas le cas, car, selon moi, votre inquiétude n’a aucune raison d’être.

En effet, la consultation par les opérateurs économiques qui est prévue à l’article 5 ter porte uniquement sur la validité du titre présenté par une personne pour justifier de son identité : ce titre est-il valide, oui ou non ? Ces opérateurs ne disposent d’aucun moyen pour pénétrer à l’intérieur du fichier et d’accéder aux données. Il est d’ailleurs précisé expressément à l’article 5 ter que la consultation ne peut porter sur « aucune donnée à caractère personnel ».

Je vous invite donc à retirer votre amendement, qui procède d’une inquiétude fort légitime, mais qui, je le répète, en l’occurrence, n’est pas fondée. À défaut, la commission y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour des raisons que M. le rapporteur a parfaitement exposées.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Éliane Assassi. Je rappelle que, aux termes de l’article 3 du texte, « la carte nationale d’identité contient en outre des données, conservées séparément, permettant de s’identifier sur les réseaux de communication électronique et de mettre en œuvre sa signature électronique. » Il est précisé que ces informations, qui seront matérialisées dans une deuxième puce, ne seront stockées que si le titulaire de la carte le souhaite.

Mais on sait bien que l’exercice d’une faculté peut souvent, du fait d’une information insuffisante, se transformer en une quasi-obligation… Ainsi, la détention d’une carte nationale d’identité est facultative et, pourtant, beaucoup de Français pensent qu’il est obligatoire d’en avoir une.

Par ailleurs, la CNIL a tiré la sonnette d’alarme sur ce sujet dans son avis du 25 octobre dernier : si la puce optionnelle est une idée légitime, il ne faut pas oublier qu’elle peut « permettre la constitution d’un identifiant unique pour tous les citoyens français ainsi que la constitution d’un savoir public sur les agissements privés ». La CNIL indique également que ces « fonctionnalités ne devraient pas permettre le suivi des personnes sur internet ou l’exploitation par l’État d’informations sur les transactions privées effectuées par les citoyens ».

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5 ter.

(L'article 5 ter est adopté.)

Article 5 ter (Texte non modifié par la commission)
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Article 7 bis

Article 6

(Non modifié)

Un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités d’application de la présente loi. Il définit notamment la durée de conservation des données incluses dans le traitement prévu à l’article 5 et les modalités et la date de mise en œuvre des fonctions électroniques mentionnées à l’article 3. – (Adopté.)

Article 6
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 7 bis

(Non modifié)

Toute décision juridictionnelle rendue en raison de l’usurpation d’identité dont une personne a fait l’objet et dont la mention sur les registres de l’état civil est ordonnée doit énoncer ce motif dans son dispositif. – (Adopté.)

M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble

Article 7 bis
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Mme Virginie Klès. Monsieur le ministre, nous sommes tellement d’accord sur l’objectif de lutte contre l’usurpation d’identité que vous n’avez pas entendu une seule fois un membre de notre groupe remettre en cause les dispositions augmentant les peines applicables aux personnes s’en rendant coupables. Nous sommes même favorables à une plus grande sévérité envers les fraudeurs qui seront repérés : c’est dire !

Vous nous avez expliqué à de nombreuses reprises que l’aggravation des peines permettait la limitation des délits : vous devriez donc être confiant dans le dispositif qui sera mis en place, d’autant que l’efficacité globale de ce texte est fondée sur la dissuasion. À partir du moment où une fraude est détectée, il devient tout à fait inutile de la prolonger, sauf à prendre le risque d’être repéré et puni.

Nous voterons donc cette proposition de loi.

Nous tenons à souligner la qualité du travail du rapporteur, qui a recueilli l’assentiment de la quasi-unanimité de la commission. Nous sommes parvenus à un équilibre satisfaisant entre la préservation des libertés publiques et individuelles, d’une part, et la sécurité et la protection de l’identité, d’autre part.

Vous nous avez indiqué tout à l’heure, monsieur le ministre, que le système de base de données à lien faible n’était utilisé nulle part ailleurs et que sa mise en place poserait dès lors des problèmes. Mais tant mieux si, comme l’a suggéré tout à l'heure mon collègue Jean-Yves Leconte, nous montrons la voie aux autres pays de l’espace Schengen ! De toute manière, la mise en place d’une base de données à lien fort, bien que non expérimentale, serait tout aussi brutale et certainement beaucoup plus dangereuse.

Et tant pis si le prix à payer pour défendre les libertés individuelles et protéger l’identité est de conférer à une entreprise le monopole de la base ainsi créée. Au reste, d’après le rapport de M. Pillet, ce ne sera pas forcément le cas.

Bien entendu, nous surveillerons avec une attention toute particulière la mise en place effective, sans doute dans quelques mois, des conditions de délivrance de ce nouveau titre d’identité. En effet, ce sont les mairies qui, à nouveau, seront sollicitées, et dans des conditions souvent difficiles. Cela impliquera concrètement de vraies négociations avec nos collègues maires.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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5

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, vous m’avez dit tout à l'heure que les travaux inscrits à l’ordre du jour de ce matin ayant commencé à neuf heures trente, ils pourraient durer jusqu’à treize heures trente. Or, dans les conclusions de la conférence des présidents qui ont été affichées, il était prévu que nos travaux débuteraient aujourd'hui à neuf heures. Ma bonne foi était totale : n’ayant pas assisté hier soir à la clôture des débats, je n’ai pas eu connaissance de ce changement d’horaire.

Monsieur le président, il y a là une innovation, car la durée de deux heures au minimum pour les suspensions entre le matin et l’après-midi, de même qu’entre l’après-midi et le soir, avait toujours – en tout cas, depuis que je siège au Sénat, et cela ne date pas d’hier – été respectée jusqu’à présent. Cela correspond à certaines nécessités : contraintes inhérentes à l’élaboration des comptes rendus, reproduction des documents devant être mis à notre disposition, recherche de la meilleure organisation de nos débats...

Or il semble que l’on commence à dire que tout cela n’a guère d’importance et donc à remettre en cause cette durée minimale.

Monsieur le président, lorsqu’il est annoncé que le Sénat siégera le soir et éventuellement la nuit, cela veut-il toujours dire que nous interromprons nos travaux à dix-neuf heures trente ou à vingt heures pour les reprendre à vingt et une heures trente ou à vingt-deux heures ? Ce point doit être clarifié. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)

Le Sénat a toujours tenu à respecter les services, qui font preuve d’un grand dévouement. Cette tradition de respect doit être maintenue, et ma question relative à la durée de la suspension mérite, à cet égard, d’être posée.

Monsieur le président, je profite de ce rappel au règlement pour répondre à M. Sueur qui, tout à l'heure, m’a mis en cause et a reproché à mon groupe d’avoir déposé concomitamment une motion et de nouveaux amendements.

Monsieur Sueur, un tel comportement est bien normal. Nous pensions en effet qu’il valait mieux renvoyer à la commission la proposition de loi relative aux intercommunalités, afin de tenter une nouvelle fois de trouver une solution. Cependant, sachant que vous vouliez imposer vos vues et que vous alliez rejeter notre motion, nous avons également déposé des amendements.

J’ajoute que, si le groupe socialiste s’était appliqué à lui-même votre raisonnement – quand on dépose une motion, on se dispense de déposer des amendements –, nous aurions, jusque dans un passé récent, gagné énormément de temps ! Sur bien des textes, vous avez déposé tous les types de motions possibles et cela ne vous a nullement empêchés de déposer en plus des centaines d’amendements ! (Manifestations d’approbation sur les travées de l’UMP.)

Mme Catherine Procaccia. Tout à fait !

M. Alain Gournac. À chaque fois !

M. Jean-Jacques Hyest. C’est pourquoi, je le dis franchement, c’est un argument qui ne peut pas être utilisé dans cet hémicycle !

M. André Reichardt. Très bien !

M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

Pour répondre à votre questionnement, en cet instant, je peux seulement vous dire que, a priori, la règle des deux heures de suspension restera en vigueur.

M. Jean-Jacques Hyest. Grâce à nous !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Michel. Mon rappel au règlement concerne le règlement lui-même, mais je veux d’abord dire à Jean-Jacques Hyest que, lorsqu’il présidait la commission des lois, il était moins « notarial » ! Je pense qu’il devrait prendre de la hauteur dans ses interventions. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Monsieur le président, je veux surtout demander que soit constitué un groupe de travail sur le règlement. On le voit aujourd'hui, le règlement qui est en vigueur, après introduction des dispositions rendues nécessaires par la réforme constitutionnelle – et à la rédaction desquelles a collaboré Jean-Jacques Hyest –, n’est pas satisfaisant.

MM. Alain Gournac et Jean-Jacques Hyest. Pourquoi ?

Mme Catherine Procaccia. Parce que la gauche est majoritaire !

M. Jean-Pierre Michel. Les choses peuvent changer ; elles ne sont pas établies une fois pour toutes !

Il est clair que l’ordre du jour de nos travaux d’aujourd'hui est très mal conçu.

Nous n’avons utilisé ce matin que deux des quatre heures prévues pour l’examen de la proposition de loi relative à la protection de l’identité. Les deux heures non utilisées sont donc perdues, alors que l’examen des textes inscrits à l’ordre du jour de cet après-midi et de ce soir va peut-être durer jusqu’à trois ou quatre heures du matin, voire se poursuivre demain.

Il me semble qu’assigner une durée de quatre heures à l’examen de chaque proposition de loi n’est pas une bonne chose. Le règlement, mal écrit sur ce point, doit donc être revu.

C'est la raison pour laquelle je demande à la présidence du Sénat de convoquer un nouveau groupe de travail sur la réforme du règlement.

M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Je transmettrai votre requête à M. le président du Sénat et à la conférence des présidents.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

6

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour un rappel au règlement.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que le Sénat s’apprête à examiner en deuxième lecture la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État, je tiens à indiquer dès à présent que ce débat ne se déroulera pas, selon moi, dans de bonnes conditions.

En effet, j’ai constaté, non sans surprise, que pas moins de 80 amendements ont été déposés sur cette proposition de loi, qui devait être étudiée dans un délai normalement limité à quatre heures.

L’examen, hier après-midi, de la proposition de loi présentée par le président Sueur a donné lieu à un bouleversement inattendu de l’ordre du jour du Sénat.

Les décisions prises, hier soir, par la conférence des présidents ont été dénoncées, dès la reprise de la séance, par le président de mon groupe, François Zocchetto. En effet, nous allons être contraints de siéger peut-être tard dans la nuit, ou demain, pour achever l’examen de la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État.

Je rappelle que, dès la fin de l’année 2009, M. Jacques Legendre, alors président de la commission de la culture, avait décidé de constituer un groupe de travail sur la question de la dévolution du patrimoine monumental de l’État. À cette occasion, j’avais présenté un rapport d’information préconisant une dizaine de mesures, qui ont été adoptées à l’unanimité – j’y insiste ! – des membres de la commission le 30 juin 2010.

Ce rapport d’information a constitué le socle de la proposition de loi que le Sénat a adoptée en première lecture, le 26 janvier 2011, et que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture.

Aussi, je déplore la pléthore d’amendements présentés par la majorité sénatoriale, notamment ceux de suppression déposés à tous les articles, alors que seul un amendement de cette nature avait été présenté, lors de la première lecture, à l’article 10. Cette volonté manifeste de sabordage, bassement politicien, du travail parlementaire effectué détruit un travail de concertation mené pendant deux ans.

Non seulement les amendements déposés par la nouvelle majorité n’aboutiraient, s’ils étaient adoptés, qu’à dénaturer complètement le texte, mais, en outre, je me suis heurtée au sein de la commission à un refus manifeste de les examiner. Une telle méthode n’est pas digne du travail du Sénat ; elle l’est encore moins quand elle concerne un texte qui intéresse, en premier lieu, les collectivités territoriales que nous représentons.

Ce déni de démocratie, que je ne saurai ni cautionner ni accepter, m’a contrainte à démissionner de mon poste de rapporteur de la commission sur la proposition de loi que nous allons examiner dans quelques instants.

Avant que ne commence l’examen de ce texte, je souhaite donc rappeler mes collègues composant la nouvelle majorité au respect du règlement et à la sagesse, pour que cette attitude, peu conforme à l’esprit du Sénat, ne perdure pas. (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

M. le président. Ma chère collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

La parole est à M. David Assouline, pour un rappel au règlement.

M. David Assouline. Les débats en commission ne préjugent pas les décisions qui seront prises en séance publique. Chacun défend ses convictions profondes, la tâche déjà accomplie et, en même temps, essaie de produire un travail parlementaire constructif jusqu’au dernier moment.

Nous en sommes parvenus au moment de l’examen en séance publique de la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État. Vous pourrez constater, madame Férat, que toutes vos prévisions, quelque peu catastrophistes, ne se réaliseront en rien. Vous auriez donc dû attendre un peu, au lieu d’intervenir préalablement au débat. Vous pourrez bien évidemment, au cours de la discussion, interpréter tel ou tel point, mais, pour l’instant, vos analyses sont fausses.

En tant que représentants de la nouvelle majorité sénatoriale, nous avons jugé que nous devions donner l’exemple dans l’exercice de nos nouvelles responsabilités, en évitant de faire de l’obstruction, contrairement à ce qu’un ministre a fait hier, pour la première fois dans cet hémicycle, afin de retarder l’étude d’un texte.

Mes chers collègues, nous n’avons pas été entendus lors de l’examen en première lecture de la proposition de loi relative au patrimoine monumental, alors que le débat – vous avez raison, madame Férat – était tout à fait constructif.

Au cours de la mission confiée au groupe de travail que vous avez évoqué, ma chère collègue, un consensus s’était dégagé et des appréciations communes avaient été émises, mais nous avions fait part d’un certain nombre de lourdes réserves. Or, habitués que vous étiez à composer l’éternelle majorité, vous n’aviez pas retenu les modifications que nous vous soumettions. Pis encore, vos propres amis, à l’Assemblée nationale, ont aggravé vos propositions.

Aujourd’hui, au cours de ce débat, vous constaterez non seulement que le cadre horaire prévu sera respecté, mais aussi que tous les amendements déposés qui pouvaient paraître secondaires par rapport aux mesures fondamentales que comporte la présente proposition de loi, soit ont déjà été retirés, soit le seront au cours de cette séance, afin que notre travail soit facilité.

M. David Assouline. Si votre démarche est aussi constructive que la nôtre, si vous voulez sauver cette proposition de loi et la faire accepter par tous, j’espère que vous ne vous contenterez pas d’appeler à voter pour, in fine, mais que vous écouterez enfin nos arguments lors de la présentation de nos amendements et que, à votre tour, vous ferez un geste et voterez en faveur de ces derniers. Si tel est le cas, le travail parlementaire en sortira grandi.

Nous verrons ce qu’il en est dans quelques instants, lors du débat sur le fond.

M. le président. Mon cher collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

7

 
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Discussion générale (suite)

Patrimoine monumental de l'État

Adoption, en deuxième lecture, d'une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture, à la demande du groupe UCR, de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative au patrimoine monumental de l’État (proposition n° 740 [2010-2011], rapport n° 37).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 1er A

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, mesdames, messieurs les sénateurs, dans un article célèbre intitulé La Notion de patrimoine, paru en 1980, l’historien de l’art André Chastel, dont nous célèbrerons en 2012 le centième anniversaire de la naissance, a rappelé un principe fondamental. La notion de monument historique est non pas un invariant culturel, mais une invention spécifiquement occidentale et, de surcroît, fort récente. En effet, si le monument fait partie d’un « art de la mémoire » universel, présent dans la plupart des cultures, l’invention du monument historique est solidaire des concepts d’art et d’histoire.

Alors que vous vous apprêtez, mesdames, messieurs les sénateurs, à examiner la proposition de loi déposée par Mme Françoise Férat et M. Jacques Legendre, vous devez avoir en tête cette double caractéristique du monument : pérenne devant l’histoire longue de l’État et de ses politiques de protection, contingent au regard de l’usage social qu’en font les femmes et les hommes.

En vous présentant, le 26 janvier dernier, ma position sur cette proposition de loi, je vous avais indiqué que j’approuvais les grands lignes de ce texte, tout comme l’orientation des conclusions du rapport, remarqué pour sa qualité, de la sénatrice Françoise Férat.

Cette proposition de loi est l’aboutissement, vous le savez, d’une histoire déjà assez ancienne. Elle s’inscrit dans le prolongement de la loi du 13 août 2004, qui avait organisé un premier mouvement de transfert de monuments historiques de l’État, affectés au ministère de la culture, au profit de collectivités territoriales volontaires.

Cette mesure a entraîné la cession gratuite de soixante-six monuments appartenant à l’État, assortie d’une compensation des charges de personnels et de fonctionnement, ainsi que d’un programme de travaux d’investissements cumulés de près de 50 millions d’euros.

Réaffirmer le principe général de « transférabilité », c’est affirmer un lien de confiance ; c’est aussi réaffirmer le partenariat et le contrat entre l’État et la collectivité territoriale désireuse d’assumer une mission patrimoniale dans des lieux dont l’État n’a plus l’usage.

Ce partenariat, ce lien de complémentarité, je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous y êtes particulièrement attachés. Ce dialogue refondé et renforcé, que je poursuis dans d’autres domaines d’action de mon ministère, est basé sur un contrat clair, garantie d’une relation saine et durable.

Vous le savez également, l’État a entrepris d’importantes réorganisations administratives, qui le conduisent à modifier l’implantation territoriale de certains de ses services ou à rationaliser la gestion de son patrimoine immobilier. Dans ce contexte, des bâtiments historiques prestigieux – des tribunaux, des casernes, des préfectures, des écoles – peuvent se trouver inutilisés, et la tentation de tout gestionnaire est de les vendre. Les textes actuels qui régissent les cessions du patrimoine de l’État ne prévoient pas d’autre précaution pour la cession des monuments protégés au titre du code du patrimoine qu’une obligation d’informer le ministre de la culture, qui ne peut alors que « présenter ses observations », des projets de cessions des bâtiments classés.

Le ministre de la culture n’a donc aucun moyen à l’heure actuelle d’empêcher, à moins qu’un arbitrage interministériel ne soit rendu et ne lui donne raison, la vente d’un monument de l’État.

Tous les ministères ont actuellement à leur disposition pour leur fonctionnement des monuments protégés au titre du code du patrimoine : hôtels particuliers parisiens qui sont le siège des grands ministères, mais aussi casernes, prisons, tribunaux, préfectures, écoles... Au total, 1 750 monuments sont potentiellement concernés. Je dis bien « potentiellement », car ce patrimoine est multiple, divers ; sa valeur patrimoniale et symbolique est très inégale.

Je tiens à vous l’indiquer clairement, pas plus qu’en 2004, il ne s’agit d’une braderie du patrimoine de l’État, bien au contraire, comme je viens de l’illustrer. L’objectif est bien d’encadrer le transfert des monuments historiques de l’État vers les collectivités qui le souhaitent, de faciliter pour ces dernières la réutilisation des monuments de l’État, dont ce n’était pas toujours la destination, pour créer ou développer des équipements culturels.

Hormis ceux qui répondent aux critères de la commission Rémond et ceux qui seront définis par le Haut conseil du patrimoine, tous les monuments protégés de l’État, d’une grande variété de formes, d’usages, de potentialités, sont hypothétiquement concernés, soit, je le répète, environ 1 750 monuments.

Il s’agit pour l’État non pas de se désengager, mais de favoriser la conservation et la mise en valeur partagée de notre patrimoine, avec l’objectif commun de le rendre accessible au plus grand nombre, de le mettre au service du développement culturel de notre territoire, afin d’initier partout toutes les générations à cette richesse, dont notre pays peut être, à juste titre, très fier. Il n’y a nul désengagement, nul abandon, mais bien plutôt la nécessité de promouvoir une gestion moderne de l’État, capable de tenir la ligne de crête entre, d’un côté, l’attention aux compétences, aux exigences, aux appréciations fines dont les collectivités territoriales sont porteuses et, de l’autre, les enjeux d’intérêt général dont l’État et son administration restent les garants.

La proposition de loi de Mme Férat a le grand mérite de créer les garde-fous qui nous manquent actuellement pour que la cession des monuments de l’État ne soit pas envisagée, uniquement, comme le moyen de trouver les financements nécessaires aux restructurations envisagées par chaque ministère. Adoptée en première lecture au Sénat à la fin de janvier dernier, elle a été modifiée par l’Assemblée nationale en juillet dernier sur deux points essentiels sur lesquels je ne doute pas que les débats porteront.

Quels sont ces garde-fous?

L’un des points forts du texte, telle qu’il a été voté par les deux assemblées, est la création d’un Haut conseil du patrimoine, permanent, associant élus, experts en architecture, historiens, historiens d’art et représentants de l’administration, en suivant le même principe que pour la commission animée par René Rémond en 2003-2004. Inspiré de la notion de « principe de précaution patrimoniale » définie dans le rapport d’information préalable à cette proposition de loi, ce Haut conseil aura un rôle clef pour assurer la pertinence des transferts et des cessions onéreuses, afin d’éviter les polémiques.

C’est en effet à cette institution qu’il revient d’apprécier, pour chaque monument dont la cession est envisagée, sa place dans le patrimoine national, la nécessité, pour des raisons symboliques ou pratiques, d’en conserver la propriété à la collectivité nationale, ou encore l’opportunité de le céder, soit à titre de transfert gratuit, s’il est souhaitable qu’il fasse l’objet d’un projet culturel, soit à titre onéreux, dans les autres cas. Il lui reviendra également d’évaluer, en liaison avec la Commission nationale des monuments historiques, les contraintes spécifiques à chaque monument dans son utilisation future, ainsi que la qualité du projet culturel présenté à l’appui d’une demande de transfert gratuit.

Replacer ainsi la dimension culturelle au cœur de la procédure de transfert constitue une préoccupation à laquelle je souscris entièrement, comme vous l’imaginez, mesdames, messieurs les sénateurs, mais celle-ci ne doit pas emprisonner notre regard : d’autres usages peuvent se faire jour, dans le respect de l’esprit et de l’histoire des monuments.

Je crois non pas à un patrimoine ossifié, enkysté, mais à un patrimoine vivant, ouvert à la diversité sociale, porteur de valeurs et de sens pour nos contemporains. Créer une école, des logements pour les étudiants, un service administratif dans un monument historique, dans le respect de ce qui fait son intérêt patrimonial, son architecture, ses décors, son histoire, c’est aussi une manière tout à fait honorable de replacer notre patrimoine au cœur de la vie sociale, de la citoyenneté, du bien public.

En dernier ressort, je veux le souligner, c’est le ministre de la culture qui aura le dernier mot et, pour ainsi dire, un droit de veto sur tous les projets de transfert à titre gratuit et de cession. Conformément à ses prérogatives, il encadrera, avec un pouvoir renforcé par rapport à la situation actuelle, la gestion de ces monuments historiques.

Quant à la protection du monument, la surveillance des services du ministre de la culture sur son état de conservation, ses besoins de restauration, les évolutions qui peuvent lui être apportées pour des usages différents, tout cela continuera de s’appliquer, quel que soit le propriétaire du monument.

J’ajoute que la loi empêche de céder par lots les monuments concernés, qu’elle en respecte la cohérence et l’histoire, l’unité et l’intégrité. Pour parodier un mot célèbre, je dirai que, telle qu’elle est envisagée, « la dévolution est un bloc ». Le bien mobilier et le bien immobilier peuvent former une entité indissociable, un ensemble cohérent, dont l’autorité administrative est la seule garante.

Pour les monuments transférés gratuitement sur la base de ce dispositif, leur cession en aval est soumise à l’avis du Haut conseil et, là encore, à la décision ultime du ministre. Enfin, la revente d’un bien acquis gratuitement moins de quinze ans après le transfert donnera lieu au reversement d’une partie du produit de la vente à l’État, ce qui évite, s’il en était besoin, la tentation de spéculer à partir de ce dispositif.

Enfin, en cas de manquement des collectivités territoriales à leurs obligations, l’État peut résilier la convention de transfert.

La logique de cette loi est d’être généreuse et souple, mais aussi équilibrée, entre dévolution et obligations. Elle est également de ne pas décourager les mesures de protection à venir. En effet, il ne faut jamais cesser de le rappeler, le patrimoine constitue la somme de nos héritages, d’une histoire pluriséculaire façonnée par les hommes et par le temps, mais il n’est pas figé, il est perpétuellement en mouvement, il s’invente de nouvelles frontières, de nouveaux territoires, de nouvelles limites.

Je partage le souci qu’ont exprimé plusieurs membres de la Haute Assemblée. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne souhaite pas plus que vous que notre patrimoine national soit dispersé sans une réflexion approfondie, pesée, sans une étude fine, menée au cas par cas. Cette proposition de loi nous en donne les moyens, non par un principe d’inaliénabilité qui pourrait décourager les mesures de protection à venir, mais par un processus de dialogue et de partenariat avec les élus de tous les niveaux de collectivités. Ce n’est pas son moindre intérêt.

Je vous demande donc d’en comprendre bien l’esprit et la philosophie d’ensemble, d’y voir un élément de confiance en l’avenir, une chance pour nos collectivités. Je partage avec vous une conviction commune : la culture et le patrimoine ont un rôle clef dans le développement de nos territoires et l’attractivité de notre pays dans la mondialisation.

Je souhaite que nous donnions toutes ses chances à cette grande ambition pour le patrimoine d’aujourd’hui, que je souhaite vivant et qui fut, ne l’oublions pas, la création d’hier, tandis que celle d’aujourd’hui s’en nourrit souvent, avec cette forme paradoxale de piété qu’est l’irrévérence.

Non, ce n’est pas en nous mettant au garde-à-vous devant les monuments que nous les aiderons à franchir le grand vaisseau du temps, mais bien en assurant la pérennité de leur usage et en garantissant leur conservation pour les générations futures. L’un de mes illustres prédécesseurs parlait de ces « chênes qu’on abat ». Je souhaite, pour ma part, faire vivre la futaie et le taillis d’une forêt profonde, composite, multiple : je veux parler, bien sûr, de notre patrimoine et de nos monuments historiques. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, rapporteure. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis à la demande du groupe de l’Union centriste et républicaine pour examiner en deuxième lecture la proposition de loi relative au patrimoine monumental de l’État. Ce texte, déposé par Mme Françoise Férat et M. Jacques Legendre, s’inscrivait dans la suite des travaux de la commission de la culture.

La commission avait vivement réagi lorsque, voilà exactement deux ans, le Gouvernement avait souhaité relancer les transferts de monuments historiques de l’État aux collectivités territoriales, sans aucune concertation ni le moindre bilan de la première vague opérée en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

En effet, un article insidieusement rattaché au projet de loi de finances pour 2010 réactivait la procédure en élargissant son champ d’application et en n’offrant aucune garantie de protection. L’article concerné avait été censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu’il constituait un cavalier budgétaire, mais le Gouvernement affichait son souhait de transformer l’essai.

Dans un rapport d’information, notre commission avait alors souligné les dangers d’une telle relance et la menace pesant sur notre patrimoine national. Persuadée des risques de dérive que comportait une telle politique patrimoniale, l’opposition de l’époque, devenue aujourd’hui la majorité sénatoriale, s’était prononcée contre la présente proposition de loi en première lecture. Notre position n’a pas changé depuis lors. Elle a même été confortée par les récents événements, dont les collectivités sont ressorties échaudées, inquiètes à l’idée de tout nouveau transfert, quelle que soit sa nature.

Le problème est bien ici, en effet, la charge croissante qui pèse sur les collectivités, grandes victimes d’une politique insidieuse du Gouvernement consistant à se décharger sur elles de ses missions sans leur donner les moyens de fonctionner.

Rappelez-vous, mes chers collègues, alors même que le fameux article de relance des transferts était présenté en conseil des ministres, le Premier ministre lui-même expliquait, le 18 septembre 2009, que les collectivités étaient coupables de recruter là où l’État supprimait des postes. C’est trop facile !

On nous propose des transferts de charges, d’investissement comme de fonctionnement, et on nous reproche ensuite de les mettre en œuvre et d’adapter nos budgets en conséquence ! Nous souhaitons marquer ici notre refus d’accepter de telles méthodes, en rejetant les dispositions qui nous sont aujourd’hui proposées, dans la rédaction actuelle de ce texte, pour le patrimoine monumental de l’État.

Depuis la fin de l’année 2009, l’attitude du Gouvernement ne nous pas rassurés, bien au contraire. Lors de la présentation du plan d’austérité, le 24 août dernier, le Premier ministre a enjoint les collectivités de réaliser les mêmes efforts que l’État, alors qu’elles n’ont jamais été aussi économes et inquiètes. Nous n’avons cessé de le dire à l’occasion du débat sur la réforme des collectivités locales, mais nous n’avons pas été écoutés.

La suppression de la clause générale de compétence pour le conseil régional et le conseil général, la limitation et l’encadrement des financements croisés, certes reportés à court terme, mais bien inscrits dans la loi, empêcheront à l’avenir la mise en œuvre de politiques communes et concertées, ainsi que le soutien financier des projets des petites et moyennes communes. Si le sport, la culture et le tourisme ne sont finalement pas concernés, nombre de projets, en matière d’aménagement du territoire, d’eau et d’assainissement, de transport, d’enseignement et de recherche ne pourront plus voir le jour.

Pourtant, dans le même temps, l’État continuera à solliciter les collectivités afin de financer des projets relevant de ses compétences. Et nous connaissons trop bien le mécanisme irréversible qui est mis en œuvre : d’abord le volontariat, puis l’expérimentation, puis l’obligation.

Aujourd’hui, nous devons faire face à une nouvelle secousse, puisque le piège des emprunts toxiques se referme sur certaines collectivités et accroît leurs incertitudes. L’intoxication des finances locales françaises nous force aujourd’hui encore à tirer la sonnette d’alarme.

La nouvelle majorité sénatoriale refuse que les territoires soient des boucs émissaires. Les collectivités, en première ligne pour répondre à la crise économique et sociale, ont besoin de ressources pérennes et prévisibles pour assurer leurs missions, développer le service public local et leur territoire. Elles s’indignent que l’on qualifie de « gabegie » leur gestion, assumée malgré tous les obstacles qui se dressent devant elles.

Alors qu’une décentralisation à marche forcée nous a été imposée dans de nombreux domaines, nous voulons éviter le piège d’une relance de la dévolution du patrimoine au prétexte que celle-ci serait fondée sur le volontariat. C’est en effet un marché dangereux qui est proposé : sans garantie financière pour accompagner des projets de transferts de monuments historiques, dans un contexte de révision générale des politiques publiques pesant sur les emplois, le risque est réel de coûts exorbitants, pour les uns, et d’une tentation de revente, pour les autres.

Monsieur le ministre, vous parliez de confiance. Manifestement, celle-ci n’était pas au rendez-vous. C’est dans cet état d’esprit que la commission de la culture a abordé l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi dont il est question aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle elle n’a pas souhaité adopter le texte, refusant de cautionner une nouvelle étape dans la dégradation programmée de la situation des collectivités.

Toutefois, ce n’est bien évidemment pas là l’unique raison de son choix. En effet, la philosophie même de cette relance des transferts de monuments historiques nous semble dangereuse, dans la mesure où elle s’accompagne de dispositions que nous jugeons inacceptables.

Nous avons tous mesuré la déception de Mme Férat, qui a conduit cette dernière à renoncer à son rôle de rapporteur, m’amenant à inaugurer ma fonction de présidente de commission par une tâche qui ne m’était pas dévolue.

Cette mission m’a conduite à revisiter l’histoire de ce texte et à examiner la nature des consensus et dissensus qu’il a suscités. Oui, tous les membres de la commission sont attachés au patrimoine. Oui, l’opposition d’hier a apprécié le travail de la mission d’information, conclue par le rapport n° 599. Néanmoins, le consensus n’était pas au rendez-vous sur les modalités de cette réforme.

Dans le compte rendu du débat portant sur le rapport de juin 2010, on peut lire les interventions suivantes.

Bernadette Bourzai disait : « J’ai fait observer qu’il y avait un doute au cas où une collectivité qui se serait vue transférer un bien et qui ne serait pas en mesure de le valoriser souhaiterait le revendre. Nous pourrions être d’accord sur le fait qu’il faut que, dans ce cas-là, l’État soit en mesure de reprendre le patrimoine et de le préserver, puisque l’inaliénabilité du patrimoine doit être garantie ».

Maryvonne Blondin disait, quant à elle : « Ce qui a été évoqué sur l’éventuelle revente d’un bien par une collectivité mérite beaucoup d’attention. Il me paraît essentiel que cela puisse être rediscuté et surveillé. C’est un point important. En effet, il peut y avoir la vente à la découpe. Cela est dramatique. […] Nous serons toujours vigilants car il demeurera ce problème crucial du financement pour les collectivités territoriales et cette éventuelle tentation de revendre le bien ».

Enfin, voilà ce que disait Jack Ralite, que vous avez cité : « Lors des différents déplacements, en général, on était toujours d’accord. […] Le débat sur la réforme des collectivités territoriales bouleverse les idées par rapport à ce débat. Il faut l’évoquer, car on n’est pas dans une stratosphère ! ». Et notre collègue d’invoquer, ensuite, le nécessaire « principe de précaution ».

Lors du vote sur le rapport d’information, Ivan Renar, après avoir rappelé les insuffisances budgétaires et souligné le rôle de la RGPP, avait déclaré : « Nous ne donnons pas quitus à l’État ».

Françoise Laborde, quant à elle, avait déclaré : « Je n’ai pas de réserve sur le rapport, mais bien sûr il ne faut pas donner quitus à l’État ».

De son côté, Maryvonne Blondin ajoutait : « Nous ne donnons pas quitus à l’État en adoptant ce rapport, car dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales, avec les problèmes de financement, la clarification des compétences, nous sommes dans une situation autre que l’accord que nous donnons à Mme Françoise Férat pour son rapport ».

Puis, en janvier 2011, nous découvrons le rapport n° 236 relatif au texte que nous examinons. Les propositions qu’il contient sont alarmantes.

À la page 15, dans la liste des missions du Haut conseil du patrimoine, figure ainsi « l’opportunité de déclassement du domaine public, en vue d’une revente ». Et nous la retrouvons à l’article 10 relatif aux conditions de revente du présent texte.

À la page 23 du même rapport, nous lisons que les collectivités « assureront la conservation et la mise en valeur de l’immeuble, leur capacité financière à assumer le transfert ainsi que le projet culturel associé ». Or l’article 8 de la présente proposition de loi, relatif aux transferts de personnels, reprend les dispositions relatives aux compensations classiques des transferts de compétences.

Yves Dauge, tant de fois cité hier, déclare dans ce rapport qu’« il est bon que ce texte intervienne », mais il ajoute aussitôt « que les initiatives du Gouvernement ont de quoi inquiéter », faisant notamment référence à la vente à la Russie du bâtiment du ministère de la coopération.

Jack Ralite ajoute, quant à lui : « On peut regretter que les monuments nationaux ne demeurent pas […] inaliénables. […] La proposition de loi qui nous est soumise n’est hélas pas tout à fait dans la même ligne [que le rapport, adopté à l’unanimité]. […] Passons la patate chaude aux collectivités, même si l’on sait bien qu’elles ne pourront pas tenir et devront vendre. […] Sous couvert de mieux encadrer les choses, vous ne posez en réalité que quelques bornes à l’aliénation du patrimoine, sans vous y opposer. Sans compter que le flou de certaines des dispositions que vous préconisez peut donner lieu à des interprétations contraires à l’intérêt général ».

Même Jean-Pierre Plancade reconnaît que « l’argent manque ».

On est donc loin du climat idyllique que vous avez décrit, et que seule la volonté d’une nouvelle majorité aurait modifié…

Je me suis d’ailleurs replongée dans les débats auxquels avait donné lieu la première lecture du texte que nous examinons. Les propositions constructives avaient alors été repoussées sans ménagement. Je pense notamment à l’amendement de Jack Ralite relatif à l’inaliénabilité, ou à celui de Françoise Cartron, Yves Dauge et Claudine Lepage, qui visait à écarter d’office le transfert des cathédrales, cloîtres, palais épiscopaux et abbayes.

Je pourrais également citer l’amendement d’Ivan Renar, dont l’objet était de garantir un contrôle sur toute mesure de déclassement, afin qu’il ne soit pas possible de revendre les monuments historiques à quiconque s’en porterait acquéreur. Yves Dauge remarquait alors : « Il s’agit effectivement pour nous d’un point essentiel, qui est au cœur de notre profond désaccord avec la philosophie qui est ici à l’œuvre ».

« Avis défavorable », a-t-on, à chaque fois, entendu. Tel était le chapelet égrené par le Gouvernement et la commission à l’encontre de chacun de ces trois amendements. Nos propositions constructives n’avaient donc vraiment pas été bien accueillies…

Dans son état actuel, la proposition de loi entérine le principe de vente à titre onéreux des monuments historiques. Cela est particulièrement regrettable, au moment où les citoyens se mobilisent contre le « bradage » du patrimoine national qu’entraîne la politique immobilière mise en œuvre par l’agence France Domaine. Il suffit de songer à l’exemple de l’hôtel de la Marine, déjà mentionné, et sur lequel je ne reviendrai pas.

C’est la raison pour laquelle la commission s’est prononcée en faveur des amendements de réécriture des articles 1er, 4, 5, 6, 7, 9 et 10.

Je pense notamment à l’amendement n° 36 de Mme Cartron et de ses collègues, qui tend à insérer, parmi les dispositions communes aux immeubles classés et inscrits figurant dans le code du patrimoine, un article créant un Haut conseil du patrimoine, dont la mission consiste à veiller à l’usage fait de tous les monuments historiques – je dis bien « tous » ! –, qu’ils appartiennent à l’État, aux collectivités territoriales ou à d’autres personnes publiques.

Cette mission de protection des monuments historiques, et notamment de leur utilisation culturelle, conférerait à ce Haut conseil un rôle que nous jugeons compatible avec les principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité. Cette réécriture exclut la procédure de déclassement du domaine public et de vente des monuments historiques, laquelle porte sérieusement atteinte auxdits principes, qui nous paraissent essentiels pour la sauvegarde de notre patrimoine.

Permettez-moi de citer l’excellent rapport de Jacques Rigaud sur la possibilité pour les opérateurs publics d’aliéner des œuvres de leurs collections : « Le développement durable nous questionne sur la responsabilité qui est la nôtre en ce qui concerne l’héritage de connaissances, de valeurs et de beauté que nous transmettrons à nos descendants, et dont le moins que l’on puisse dire est qu’il doit être au moins égal à celui que nous avons nous-mêmes reçu ».

Nous adhérons à cette approche et il nous semble que, pour garantir un tel développement durable de notre richesse patrimoniale, il nous faut refuser de vendre ce patrimoine. Les monuments historiques, qu’ils appartiennent à l’État ou aux collectivités territoriales, doivent rester leur propriété et bénéficier des plus hautes mesures de protection. Pour cette raison, nous vous proposerons de voter en faveur de la réécriture des articles précités, qui, dans leur état actuel, ouvrent des brèches dangereuses dans la politique patrimoniale protectrice dont nous réaffirmons la nécessité.

Toutefois, consciente des aléas des discussions en séance et de l’incertitude propre à tout vote, la commission de la culture a étudié tous les amendements déposés, et a retenu des solutions alternatives permettant d’introduire des garanties dans le texte tel qu’il a été modifié par l’Assemblée nationale.

Je tiens à souligner la position de la commission à l’égard des autres articles.

Tout d’abord, nous avons souhaité préserver l’article 1er A, qui introduit la notion de patrimoine mondial dans le code du patrimoine, et avons donc émis un avis défavorable sur l’amendement qui s’y rapporte. En effet, cette réforme, votée sur l’initiative de notre collègue Ambroise Dupont, nous paraît importante au regard des enjeux patrimoniaux. Le moins que l’on puisse dire est que l’État n’a été à la hauteur ni de ces enjeux ni des engagements qu’il a pris en application de la convention de 1972 pour la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel.

L’article 2 bis n’est pas concerné par les amendements de suppression, car il constitue une garantie supplémentaire contre le dépeçage du patrimoine. De fait, il prévoit deux mesures nouvelles : le classement d’ensembles ou de collections d’objet mobiliers, et la servitude de maintien in situ.

La commission s’est prononcée en faveur d’amendements qui complètent utilement le texte. À titre d’exemple, je citerai l’amendement n° 52 de notre collègue Françoise Cartron, qui tend à réaffirmer l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité des monuments historiques appartenant à l’État ou aux collectivités territoriales. L’inscription dans le code du patrimoine de cette disposition, qui en rappelle d’autres présentes dans le code général de la propriété des personnes publiques, sera un outil efficace pour protéger notre patrimoine.

Vous l’aurez compris, la commission de la culture souhaite afficher sa détermination en faveur d’une véritable politique patrimoniale nationale, à la fois protectrice, respectueuse et responsable à l’égard des générations futures. Elle veut aussi réaffirmer son opposition à toute loi qui risquerait d’affaiblir encore davantage les collectivités territoriales, déjà mises à mal dans le contexte actuel de crise économique et d’inquiétude grandissante des territoires. Notre patrimoine ne doit pas servir de caution à une stratégie gouvernementale consistant à se défausser sur les collectivités.

Pour conclure, je citerai Gandhi : « Il faut être fier d’avoir hérité de tout ce que le passé avait de meilleur et de plus noble. Il ne faut pas souiller son patrimoine en multipliant les erreurs passées ». C’est une leçon que nous devons, aujourd’hui, garder à l’esprit. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, avant d’aborder le contenu même de cette proposition de loi, je voudrais brièvement rappeler le contexte de son élaboration et de son examen.

La question du transfert du patrimoine monumental de l’État émerge aujourd’hui, car la raréfaction des crédits publics et l’obsession de la réduction de la dette de l’État, dans le but de contenter les marchés financiers, se sont faites omniprésentes. Nous le voyons bien actuellement…

Le tout-économique est désormais le moteur de l’action politique. La compétitivité et la rentabilité appliquées à l’action publique deviennent, plus que jamais, les questions centrales. Les termes employés – « pragmatisme », « nécessité », « rationalité » – traduisent, sous couvert d’objectivité, une vision idéologique de la réalité, et font loi. Ils justifient la réduction, soi-disant inéluctable, du périmètre d’action de l’État. La diminution des dépenses de l’État est ainsi érigée en dogme, sans que soit envisagée, parallèlement, la possibilité d’augmenter les recettes.

De plus en plus, la culture s’inscrit dans cette vision. Il ne reste alors qu’un pas à franchir pour la considérer comme un « bien marchand » ordinaire, et donc pour renoncer à l’exception culturelle défendue depuis si longtemps, et à juste titre, par la France.

Rendant ses premières conclusions le 12 décembre 2007, le Conseil de modernisation des politiques publiques ne disait pas autre chose lorsqu’il prévoyait explicitement une nouvelle vague de transferts de monuments historiques. Mais il est vrai que cette institution a pour raison d’être de veiller à l’application de la RGPP…

Les monuments ne sont plus qu’une variable d’ajustement des contraintes budgétaires ; c’est d’ailleurs vrai pour bien d’autres secteurs.

Même si le transfert des monuments ne s’opère que sur la base du volontariat, il entérine, de fait, le recul de l’État dans ce domaine, et met en balance les collectivités qui peuvent assumer cette charge et celles qui ne le peuvent pas ; pour elles, il ne s’agit plus de « vouloir ».

Nous sommes bien loin, dès lors, de la décentralisation culturelle voulue et mise en œuvre par Jean Dasté et Jean Vilar pour le spectacle vivant, qui tendait à rapprocher la culture des femmes et des hommes, et non à transférer des compétences en augmentant les charges des collectivités et, par conséquent, celles des ménages.

La présente proposition de loi vise à permettre à l’État de transférer son patrimoine aux collectivités territoriales.

Il est vrai – vous l’avez d’ailleurs rappelé, monsieur le ministre – que ces transferts seront encadrés. Il n’en reste pas moins que ce texte consacre, tout en semblant la repousser, la possibilité d’aliéner le patrimoine de l’État.

Afin que les transferts de monuments soient encadrés, un Haut conseil du patrimoine sera donc chargé d’établir la liste des monuments transférables et de ceux restant en la possession de l’État. Des règles procédurales ainsi que le respect d’obligations culturelles doivent également permettre d’assurer une certaine régulation. Mais il ne s’agit que de mesures d’aménagement d’une rigueur budgétaire à laquelle nous sommes opposés.

Cette rigueur s’articule autour de deux axes : le transfert financier du patrimoine monumental de l’État vers les collectivités territoriales ; la possibilité de déléguer la gestion de ce patrimoine au secteur privé, auquel il pourrait même être vendu. Dès lors, les dés sont jetés, et le patrimoine devient une marchandise comme les autres.

La question du transfert financier fait tomber les masques.

De fait, le transfert aux collectivités locales de la charge des coûts liés aux monuments constitue pour l’État un moyen artificiel, mais efficace, de réduire ses dépenses.

Cette proposition de loi trouve d’ailleurs son origine dans un article d’une loi de finances, le premier de ce type inséré dans un tel texte !

Nous regrettons que la réactivation du transfert de la propriété des monuments nationaux vers les collectivités territoriales trouve son fondement, non plus dans la volonté de renforcer l’autonomie des collectivités territoriales, mais, au contraire, dans celle d’alléger les finances de l’État, quitte à transférer la responsabilité et le coût de la gestion des monuments à des collectivités qui n’ont plus les moyens nécessaires à l’exercice de leurs compétences, situation qui, hélas ! ne semble pas devoir s’améliorer dans un avenir proche.

On est loin de l’action engagée en 2000 par Michel Duffour, alors secrétaire d’État au patrimoine et à la décentralisation culturelle, qui souhaitait un véritable travail partenarial entre l’État et les collectivités, partenariat où l’État apportait son appui financier, politique et scientifique.

Or, nous le savons depuis 2004 et le constatons depuis dans toutes nos collectivités territoriales, la décentralisation ne signifie plus que transferts de compétences et économies sur les transferts de financement correspondants.

La proposition de loi telle qu’elle nous est présentée constitue un danger, car, loin d’interdire l’aliénation des monuments nationaux, elle la consacre en permettant de céder la propriété ou la gestion de ces témoignages de l’histoire au secteur privé.

Ce procédé incarne la tentation, de l’État comme des collectivités, de trouver de nouveaux usages privés, économiques et rentables, à ces monuments qui coûtent si cher en entretien et en valorisation : ces derniers ne pourraient-ils pas rapporter au lieu d’être un coût ?

Ils deviendraient alors de potentiels lieux d’attraction compétitifs pour valoriser l’économie touristique française, synonymes d’autant d’hôtels de luxe, de galeries marchandes et de lieux de restauration, qui, à défaut de garantir le respect de l’intérêt général dans l’exploitation d’un monument inscrit ou classé, auraient au moins l’avantage de ne plus grever les finances publiques.

Au-delà de la vente pure et simple des monuments existe un dispositif tout aussi dangereux : le bail emphytéotique administratif, insuffisamment considéré et encadré par cette proposition de loi, qui permet de concéder à des opérateurs privés la responsabilité financière, la gestion et l’affectation d’un bâtiment administratif, tout en maintenant la propriété de la personne publique. Si l’illusion de la responsabilité publique est maintenue, le souci de préserver l’intérêt général est en réalité bien loin !

Il est pourtant légitime de craindre que l’usage mercantile de ces lieux ne soit préjudiciable au respect du monument et, surtout, ne se fasse au détriment de tout usage culturel peu ou pas rentable.

Cette proposition de loi, telle qu’elle a été remaniée par la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale, n’est au fond que l’affirmation de la dissolution, voire de la disparition, à plus ou moins long terme des missions de service public de l’État dans le patrimoine national.

Elle ne saurait en l’état nous satisfaire, car elle ne fait que réguler ce qui reste une grande braderie des monuments nationaux, voués à une utilisation mercantile dont le seul but est de dégager du profit, sans garantie d’une utilisation culturelle.

Pour notre part, nous sommes des élus responsables, attachés, contrairement à ce qui a été dit en commission, au patrimoine national : il n’y a pas, d’un côté, une droite qui le défendrait et, de l’autre, une gauche qui « s’en ficherait » ! Nous avons déposé des amendements pour enrichir la proposition de loi, que nous voterons si elle est ainsi modifiée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous conscients que notre patrimoine monumental est une richesse inestimable. Est-il encore besoin de rappeler les chiffres qui placent notre pays au premier rang des pays touristiques du monde ou d’énumérer les trésors historiques qui font la fierté de toute une nation ? Je ne le crois pas...

Cependant, il me semble que cette chance ne doit pas nous faire oublier les contraintes matérielles auxquelles nous sommes soumis. Nous devons avoir la lucidité de reconnaître que ce patrimoine historique représente également une charge, très lourde à porter, surtout en temps de crise, et parfois préjudiciable à la bonne conservation des monuments.

Dès lors, il ne faut pas se voiler la face. Il est indispensable de réfléchir et de trouver ensemble des moyens pour faire vivre ce patrimoine et pour lutter contre sa dégradation. L’État, avec les collectivités territoriales, doit trouver les meilleurs moyens d’assumer son rôle dans la protection et la transmission de notre histoire.

Avec la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, une première vague de transferts de propriétés de monuments historiques de l’État vers les collectivités territoriales avait été lancée, mais sans transfert de budget pour les personnels.

Depuis plusieurs années, et notamment depuis la loi de finances pour 2010, la question de la relance de ce processus de dévolution a été remise sur la table.

Par chance, l’article adopté sur ce sujet dans cette loi avait été censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif. Son dispositif n’était, de l’avis de tous, pas assez abouti, et faisait peser des risques inquiétants sur le patrimoine de l’État.

Néanmoins, l’adoption, puis la censure de cet article nous ont permis de relancer une réflexion approfondie. Le Sénat, notamment la commission de la culture, a pu travailler pendant plusieurs mois sur cette question fondamentale pour l’avenir de notre patrimoine monumental, et mettre au point un système plus abouti et plus protecteur.

Je tiens d’ailleurs à ce propos à saluer la qualité du travail de Françoise Férat, dont le rapport d’information, je le rappelle, mes chers collègues, avait été adopté à l’unanimité de la commission.

Les principales préconisations de ce rapport visaient à « réactiver le principe de “transférabilité” des monuments historiques appartenant à l’État » et à « identifier les monuments historiques ayant une vocation culturelle », afin d’envisager leur transfert à titre gratuit à une collectivité territoriale volontaire.

Il me semble que ces préconisations étaient traduites dans la proposition de loi soumise à notre examen en janvier dernier. C’est la raison pour laquelle les membres du groupe RDSE avaient voté en faveur de ce texte, équilibré et amélioré par des amendements provenant de toutes les travées de l’hémicycle.

Nous nous sommes réjouis, par exemple, que le principe de péréquation, indispensable à la survie du Centre des monuments nationaux, soit désormais inscrit dans la loi. C’est, parmi d’autres, un garde-fou indispensable. Le Haut conseil du patrimoine jouera un rôle essentiel en amont des transferts à titre gratuit, ainsi que dans le contrôle de projets d’éventuels déclassements du domaine public.

Nous n’avons néanmoins jamais douté du caractère perfectible du texte que nous avons transmis à l’Assemblée nationale.

Force est cependant de constater que, tel qu’il nous revient aujourd’hui, il a perdu sa légitimité et n’est plus du tout fidèle à l’esprit qui avait guidé nos travaux en première lecture.

Notre objectif est de faciliter, pour les collectivités territoriales qui le souhaitent, la réutilisation des monuments de l’État. Mais le respect de notre héritage historique et culturel doit rester au cœur de toute action, et il est hors de question de « brader » le patrimoine de la nation.

Lorsqu’une volonté de transfert de l’État rejoint un projet porté par une collectivité pour faire vivre son histoire et pour développer son attractivité culturelle, il est tout à fait légitime et sain que celle-ci puisse assumer pleinement son rôle. Cette notion de projet culturel doit cependant rester indissociable du transfert à titre gratuit.

C’est la raison pour laquelle nous nous opposons absolument à la rédaction de l’article 7 adoptée par l’Assemblée nationale.

Nous ne voterons en faveur de l’adoption de cette proposition de loi que si certains amendements, visant à rétablir la version du texte adoptée par le Sénat en janvier dernier, sont adoptés.

Nous sommes en effet fermement attachés à la philosophie du texte voté en première lecture au Sénat.

Il est ainsi inenvisageable que le projet culturel porté par la collectivité territoriale bénéficiaire du transfert de propriété à titre gratuit soit à durée déterminée. Nous pourrions envisager sa réévaluation, pour éviter qu’il ne perde sa pertinence au cours du temps ou qu’il ne devienne contreproductif, mais à aucun moment il ne doit disparaître, sans conséquences sur la propriété du bien.

Les dévolutions aux collectivités territoriales, si elles sont envisagées de manière sereine, transparente et rigoureuse, peuvent constituer une bonne solution pour éviter les situations dramatiques dans lesquelles des monuments fantastiques finissent pas tomber dans l’oubli, quand ce n’est pas en ruines...

La défense et la sauvegarde du patrimoine sont des préoccupations constantes de la commission et, bien sûr, du groupe RDSE. C’est la raison pour laquelle nous déterminerons notre vote en fonction des amendements qui seront adoptés ; si nous considérons qu’il n’est plus assez protecteur, nous ne pourrons pas voter ce texte. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons tous au cœur notre patrimoine.

Comment imaginer un seul instant la France sans les éléments essentiels de son patrimoine, du Mont-Saint-Michel à l’Arc de Triomphe, mais aussi sans tant de ces monuments qui jalonnent la province, la campagne, et qui sont la trace de notre histoire ?

Certains de ces monuments appartiennent à l’État, d’autres à des collectivités locales ; d’autres encore, qu’il ne faut pas oublier, sont en mains privées. Dans tous les cas, nous avons le devoir de veiller à leur survie. Le temps passe, et il est l’ennemi de ce patrimoine que nous avons le désir de protéger, ce qui, à l’évidence, implique la mobilisation de fonds importants.

D’abord, il est nécessaire de savoir qui est responsable de quoi.

Permettez-moi à cet égard, monsieur le ministre, de me souvenir de la commission, présidée par René Rémond, qu’avait voulu constituer l’un de vos prédécesseurs, M. Aillagon, commission à laquelle avaient été associés des parlementaires, notamment mon ancien collègue Yves Dauge et moi-même, ce qui m’a permis de participer activement à ses passionnants travaux.

Ces travaux ne portaient que sur les monuments relevant de la direction du patrimoine du ministère de la culture, donc sur une partie seulement des monuments historiques en mains d’État.

Nous fûmes surpris de nous apercevoir que l’État ne savait pas exactement à l’époque, région par région, ce qui relevait de sa propriété et qu’il y avait parfois des erreurs ! Fort heureusement, les travaux menés pour éclairer la commission Rémond ont permis de préciser les choses et l’on sait aujourd’hui quelles sont les propriétés, toujours très nombreuses, de l’État.

La bonne manière de procéder me semble être, mes chers collègues, de s’interroger d’abord sur les exigences de protection des différents patrimoines, puis de déterminer ensuite qui peut, de la meilleure manière et le plus légitimement, protéger ce patrimoine.

Je ne crois pas, contrairement à ce que certaines interventions ont pu laisser supposer, que la protection assurée par l’État à un patrimoine soit toujours celle qui garantit le mieux sa préservation.

J’estime, en revanche, que l’État a le devoir de veiller à la protection du patrimoine, quel qu’en soit le propriétaire, et qu’il doit bien sûr s’appliquer à lui-même et en priorité ces règles.

Il n’est pas nécessairement scandaleux que l’État propose à une collectivité locale de devenir propriétaire et donc responsable d’un patrimoine. Ce qui serait scandaleux, c’est qu’il oblige une collectivité à prendre la propriété et la responsabilité d’un patrimoine ; mais, soyons clairs sur ce point, cela n’est pas et n’a jamais été dans les textes ! Sinon, je le crois, nous nous y serions tous opposés.

M. Jacques Legendre. Le travail mené par la commission Rémond a porté plutôt sur ce qui, dans le patrimoine de l’État, était véritablement constitutif de l’identité de la France. Il s’agit des quelques monuments du patrimoine qui doivent rester sous la responsabilité de l’État, car ils incarnent l’âme même de notre pays.

Voilà pourquoi nous avons été un certain nombre à prendre tant d’intérêt au travail de la commission Rémond : c’était cela même qui était en jeu ! Les débats étaient parfois assez vifs. Je me souviens, par exemple, d’échanges nourris sur le destin du château du Haut-Kœnigsbourg : ce monument serait-il menacé si son entretien était confié aux collectivités territoriales alsaciennes qui le revendiquaient au lieu de rester propriété de l’État ? Ce qui compte, c’est d’abord et avant tout la qualité de l’attention portée à ce monument, la capacité à veiller à ce qu’il reste ouvert au public et témoigne de l’histoire de la France, dans une province particulièrement malmenée par le passé.

Telle est la teneur des travaux qui ont été menés. À mon avis, la commission Rémond, mise en place par M. Aillagon, n’a pas achevé sa mission, puisque sa réflexion n’a pas porté sur l’ensemble des monuments historiques en mains d’État.

Nous sommes ensuite entrés dans une période plus difficile. Nous constatons ainsi combien l’actualité et la conjoncture internationale bousculent les finances publiques.

Nous constatons également que l’abandon de certaines responsabilités, ou leur transfert dans le domaine administratif, libère certains bâtiments et conduit l’État à s’interroger sur la nécessité pour lui de conserver tel monument qui fut jadis un très bel hôpital, mais qui se trouve aujourd’hui désaffecté, telle caserne qui a une valeur architecturale, mais qui n’a plus aujourd’hui de vocation militaire. C’est le cas, par exemple, de la citadelle d’Arras, dont l’intérêt historique reste indéniable.

Est-il scandaleux de proposer à une collectivité locale de prendre la responsabilité de ce patrimoine ? Nous ne le croyons pas. En revanche, il est certain que la collectivité qui en accepte la charge doit apporter la preuve qu’elle est en mesure d’entretenir dans le temps ce bâtiment, de lui affecter peut-être une fonction nouvelle, à tout le moins de faire en sorte qu’il soit préservé, ouvert au public et puisse continuer à vivre. Nous devons être vigilants dans ce domaine, nous interroger sur les risques qu’il y aurait à laisser une collectivité se comporter comme un particulier, voulant éventuellement acquérir gratuitement un bâtiment pour le revendre quelques années plus tard.

M. David Assouline. Cela arrive !

M. Jacques Legendre. Cela n’est pas un comportement admissible. C’est pourquoi il est nécessaire que nous nous protégions contre de telles dérives.

M. David Assouline. Vous allez voter nos amendements, alors !

M. Jacques Legendre. Récemment, un événement a suscité l’émoi de plusieurs d’entre nous : qu’allait-il advenir de l’hôtel de la Marine, ce monument essentiel du paysage parisien situé place de la Concorde ? Il nous paraissait nécessaire de rappeler que, quand un monument historique est lié à ce point à l’histoire de la nation – c’est bien son cas ! –, il faut s’intéresser au sort qui doit lui être réservé.

C’est pourquoi le Gouvernement a accepté de créer une commission appelée à statuer sur le devenir de ce monument et à formuler des propositions pour encadrer les décisions qui seraient prises. Pour en avoir fait partie, je peux témoigner du grand intérêt que j’ai pris à la réflexion menée sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. Chacun a pu apprécier les préconisations émises par la commission à l’issue de ses travaux.

Pour ma part, j’ai tendance à penser que la commission de l’hôtel de la Marine préfigure en quelque sorte le Haut conseil du patrimoine, qu’il était nécessaire de créer. Je tiens à rappeler, même si certains l’ont souligné avant moi, que la commission de la culture du Sénat s’était, dès le départ, émue de ce qu’il pourrait advenir des monuments du patrimoine. Si nous comprenons que, sur cette matière, l’État se pose des questions, nous savons aussi que l’État est multiple : l’État de Bercy n’est pas celui de la rue de Valois. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme Françoise Cartron. Bercy et la rue de Valois doivent se parler !

M. Jacques Legendre. Monsieur le ministre, comment s’étonner que la commission de la culture, quel qu’en soit le président, soit plus attentive à l’État de la rue de Valois et entende que la décision ultime sur ce point relève bien de votre responsabilité ? (Nouvelles marques d’approbation.)

M. David Assouline. Donc, vous allez voter nos amendements ! (Sourires sur les mêmes travées.)

M. Jacques Legendre. Pour toutes ces raisons, la commission de la culture, soucieuse de jouer pleinement son rôle, a d’abord confié à Françoise Férat la mission, ô combien belle, de réfléchir sur les problèmes du patrimoine en mains d’État et sur l’avenir qui peut être réservé à ces monuments.

Même si, nous le savons, un rapport ne suffit jamais à régler tous les problèmes, la commission a souhaité que le rapport remis par notre collègue, qui a recueilli un assez large consensus, ne reste pas une simple contribution académique à un débat. C’est pourquoi il a donné lieu à une proposition de loi que Françoise Férat et moi-même avons déposée, afin que la tentation, ou la nécessité, qu’aurait l’État de se séparer de certains monuments soit encadrée par la mise en place d’un Haut conseil du patrimoine, sous le regard du Parlement.

Une première lecture a eu lieu. Au sein de la Haute Assemblée, le débat fut riche et a conduit au vote du texte par une majorité qui dépassait la majorité sénatoriale proprement dite. L’Assemblée nationale, qui l’a examiné ensuite, a adopté des amendements qui ne nous satisfont pas toujours. C’est ainsi modifiée que cette proposition de loi est revenue devant la commission de la culture.

Je dois dire, à ce moment de mon intervention, que je ne comprends pas pourquoi la commission de la culture n’a pas voulu établir un texte avant l’examen de cette proposition de loi en deuxième lecture, et mener d’abord en son sein un débat sur les questions soulevées. C’est pourtant là le rôle d’une commission parlementaire.

M. Jacques Legendre. Comme ce travail n’a pas été accompli, nous sommes aujourd’hui conduits à le faire en séance publique, en examinant 80 amendements dont beaucoup auraient dû être d’abord déposés et examinés en commission.

M. David Assouline. C’est le contraire : des amendements discutés en commission ne seront pas réexaminés ici !

M. Jacques Legendre. Comment peut-on refuser le travail de commission pour le porter ensuite en séance publique ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

J’observe, mes chers collègues, que la situation est quelque peu étrange. Ainsi, des amendements de suppression ont été déposés, visant notamment à empêcher la création du Haut conseil du patrimoine, et sont suivis d’amendements de repli déposés par un groupe de la nouvelle majorité sénatoriale, puis par un autre. Je finis par me demander si une majorité sénatoriale existe vraiment et si elle a bien une pensée globale en matière de patrimoine, ou bien si elle n’est constituée que d’une addition de refus. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Mme Cécile Cukierman. La diversité est composée de plusieurs groupes : ce n’est pas l’uniformité !

M. Jacques Legendre. Nous le verrons lors de la discussion des articles.

Le groupe UMP salue le travail accompli avec cœur et passion par Françoise Férat, rapporteur initial de ce texte, contrainte à se démettre de ses fonctions en raison du rejet de ses amendements. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. David Assouline. Elle a démissionné !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Elle en a décidé ainsi !

M. Jacques Legendre. Nous voulons que le patrimoine national soit préservé. Nous pensons qu’il est du devoir de l’État de conserver certains monuments qui sont liés à l'histoire de notre pays. Quant aux autres, ils peuvent être transmis à des collectivités, si celles-ci le souhaitent, à condition que ce transfert soit strictement encadré, afin de prévenir tout dérapage.

La sauvegarde de notre patrimoine, c’est l’affaire de la nation tout entière, de l’État et des collectivités. C’est l’affaire de chacun d’entre nous ! Notre honneur est d’y être attentifs. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de débattre de l’avenir du patrimoine monumental français, je souhaite en rappeler l’importance en quelques chiffres. La France compte 14 000 monuments classés, 27 monuments inscrits et plus de 2 000 parcs et jardins protégés. L’État détient 1 700 monuments, dont 96 sont gérés par le Centre des monuments nationaux, le CMN. Cette centaine de monuments accueille 8,6 millions de visiteurs par an, mais 6 seulement sont bénéficiaires. C’est grâce à un système de péréquation que le CMN peut pratiquer une « solidarité nationale patrimoniale ». Enfin, aspect non négligeable, le patrimoine représente 100 000 emplois directs et presque dix fois plus d’emplois indirects.

Bien entendu, notre patrimoine ne se résume pas à des données chiffrées. Il fait avant tout appel à l’idée d’un héritage légué par les générations qui nous ont précédés et que nous devons, à notre tour, transmettre. Nos monuments sont le reflet de notre histoire et des lieux de culture auxquels les citoyens sont attachés. Plus encore, ils sont le reflet de notre identité humaine. J’aime Gandhi, tout autant que Victor Hugo dont l’esprit plane sur cette maison et qui écrivit : « Il faut des monuments aux cités de l’homme. Autrement où serait la différence entre la ville et la fourmilière ? ».

Je suis convaincue que, vous tous ici présents dans cet hémicycle, vous êtes attachés à notre patrimoine français. Nous souhaitons tous le préserver, le valoriser, l’animer, le rendre accessible...

Forte de cette volonté, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication avait constitué en son sein un groupe de travail, conduit par Françoise Férat, pour analyser les perspectives d’avenir dans le cadre d’une éventuelle relance des transferts de monuments historiques de l’État, à la suite de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Je tiens à le repréciser, mais d’aucuns l’ont rappelé avant moi, le rapport issu de ce travail fut adopté à l’unanimité par notre commission. Il formulait dix propositions. Afin d’éviter ce qui pouvait apparaître comme une « braderie » de notre patrimoine, Françoise Férat et Jacques Legendre, dont je salue ici l’excellent travail, ont déposé une proposition de loi reposant sur la mise en œuvre d’un principe nécessaire de précaution devant intervenir à chaque étape du processus décisionnel.

Ainsi, le texte offrait trois niveaux de garantie à une possible dévolution volontaire du patrimoine monumental étatique. Il créait, tout d’abord, un Haut conseil du patrimoine. Il encadrait ensuite les transferts, en y posant plusieurs conditions. Il définissait, enfin, une procédure à titre gratuit pour des transferts accompagnés d’un projet culturel.

L’analyse systématique, rigoureuse et scientifique des enjeux de cession des monuments historiques, classés ou inscrits appartenant à l’État, prévus par la proposition de loi, allait dans le bon sens, vous en conviendrez, mes chers collègues.

D’ailleurs, je ne vois pas pourquoi cette démarche de dévolution encadrée qui, je le rappelle, implique la volonté des collectivités territoriales, pourrait avoir quelque chose de diabolique. Ne vaut-il pas mieux organiser un transfert de ces monuments dans des conditions de garantie pour leur permettre de vivre, d’être restaurés et ouverts au plus grand nombre, plutôt que de les laisser tomber en ruines ?

Ainsi, dans le département dont je suis l’élue, la Seine-Maritime, l’abbaye de Jumièges a été transférée à la collectivité territoriale compétente. Nous ne pouvons que nous en réjouir : elle est aujourd’hui plus accessible, beaucoup plus vivante et plus souvent ouverte au public.

M. Vincent Eblé. Grâce à Didier Marie !

Mme Catherine Morin-Desailly. Certes !

Aujourd’hui, malheureusement, le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale a de quoi véritablement inquiéter. Il constitue une régression, comme cela a été rappelé par Mme Férat. Du coup, il est incompréhensible que le rapport de ma collègue ait été rejeté en commission, alors qu’elle y avait pointé les dangers des modifications apportées par nos collègues députés et qu’elle nous avait proposé des amendements permettant de revenir à la version initiale du texte. Le groupe de l’Union centriste et républicaine déplore que la nouvelle majorité sénatoriale, pour des motifs que nous recherchons encore, n’ait pas approuvé ces propositions.

Mme Cécile Cukierman. Nous n’étions pas d’accord avec ce texte !

Mme Catherine Morin-Desailly. Je rappelle que les modifications apportées par l’Assemblée nationale, qu’il convient absolument de corriger, sont essentiellement au nombre de quatre.

La première modification est l’introduction de la liste détaillée des critères de la commission Rémond dans le code du patrimoine, ce qui réduit, par là même, le champ d’initiative du Haut conseil du patrimoine.

La deuxième modification est la mission confiée au préfet départemental d’informer les collectivités des contraintes liées au patrimoine mondial, lors de l’élaboration d’un SCOT ou d’un PLU, alors qu’il serait plus cohérent que ce soit le préfet de région.

La troisième modification implique une plus large compétence du pouvoir règlementaire, ce qui présente de moindres garanties que la loi.

Enfin, la dernière, mais sans doute la plus dangereuse, est la modification de l’article 7 qui fixe une durée déterminée à la convention de transfert, période pendant laquelle la collectivité doit mettre en œuvre le projet culturel.

Ces changements, bien sûr, modifient l’esprit du texte et ne peuvent pas être acceptés tels quels. C’est pourquoi nous soutiendrons, au nom du groupe de l’Union centriste et républicaine, les amendements déposés par notre collègue Françoise Férat.

Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, j’ai bien entendu les arguments, déjà développés en première lecture, selon lesquels vous souhaitez plus de garanties pour préserver notre patrimoine. Aussi me semble-t-il tout à fait contradictoire que vous n’ayez pas au préalable, en commission, amendé le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. Celui-ci, vous l’avez vu, ouvre en effet de nombreuses brèches dans la dévolution patrimoniale. Cette démarche nous aurait permis de travailler a minima sur un socle commun solide, afin d’améliorer le texte en amont de la séance publique.

Il serait tout de même regrettable que nos monuments connaissent le même sort que la plupart des hôtels particuliers parisiens. Actuellement, une exposition à la Cité de l’architecture raconte l’histoire de ces belles demeures, bâties du Moyen Âge au XIXe siècle. Alors qu’on en a dénombré jusqu’à 2 000 dans la capitale, il n’en reste que 400 environ, dont beaucoup abritent aujourd’hui des ambassades, des administrations ou des ministères. C’est l’empereur Napoléon Ier qui donna l’impulsion à ce type d’occupations, en incitant sa famille et ses ministres à prendre possession de ces adresses prestigieuses.

Mais les temps changent ! Après la vente de l’hôtel de Montesquiou et le débat sur l’avenir incertain de l’hôtel de la Marine, il nous faut être vigilants. Nous sommes ici pleinement dans notre rôle de législateur.

Je ne pourrai donc conclure, mes chers collègues, sans regretter les postures politiciennes adoptées par certains lors de l’examen de cette proposition de loi, conduisant notre collègue Françoise Férat, dont le travail avait été unanimement salué, à renoncer à rapporter son propre texte – ce qui est exceptionnel ! –, faute d’un consensus raisonnable.

M. David Assouline. Je vais être obligé de vous répondre !

Mme Catherine Morin-Desailly. La Haute Assemblée s’est pourtant toujours distinguée par son travail approfondi et ses sages décisions.

Le groupe UCR, qui a souhaité l’inscription de ce texte à l’ordre du jour du Sénat, espère donc qu’il sera possible, à l’issue de ce débat, d’adopter un texte permettant de garantir à notre patrimoine le cadre nécessaire à sa protection. Laisser le dernier mot aux députés, laisser la dévolution du patrimoine monumental en l’état, ne me semble en aucun cas une solution.

Nous appelons de nos vœux un texte qui permettra de relancer la dévolution patrimoniale, avec les garanties que celle-ci requiert. (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.

M. David Assouline. Nous allons enfin entendre des choses sensées !

Mme Françoise Cartron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, l’engouement formidable de millions de Français et d’étrangers pour les Journées du patrimoine nous montre toute l’importance que revêt notre héritage monumental, et nous rappelle toute l’attention que nous devons porter à sa protection et à son entretien.

Par conséquent, deux grands principes doivent guider notre travail de législateur. D’une part, la préservation de notre passé collectif doit toujours relever de l’intérêt supérieur défendu par la loi. D’autre part, l’implication des collectivités territoriales dans le domaine du patrimoine, que nous défendons également, doit s’inscrire dans le cadre de la défense de cette conscience collective, et uniquement dans ce cadre.

Dans ce dessein, il est légitime, et sûrement nécessaire, que l’État se tourne vers les collectivités locales, et inversement, afin d’assurer la bonne gestion et la préservation de nos monuments historiques.

Cette association, que le groupe socialiste-EELV soutient, ne peut cependant se faire qu’à une triple condition.

Premièrement, il est nécessaire que les règles qui encadrent cette coopération soient assez claires et précises pour éviter tout risque de démantèlement ou de dépeçage de nos ensembles patrimoniaux et de nos collections.

Deuxièmement, il importe que ces mêmes règles, se voulant plus protectrices, ne viennent pas au final mettre en danger financièrement ou juridiquement, ou sur les deux plans à la fois, les collectivités locales, à qui l’on pourrait, demain, transférer des biens monumentaux.

Enfin, nous souhaitons que cette association ne soit en aucun cas l’occasion de spéculer ou de réaliser des opérations financières, et que la valorisation des biens et l’accès au public soient toujours nos priorités.

Sur ces trois points, nous estimons que cette proposition de loi, dans la version issue des travaux de l’Assemblée nationale, n’est pas satisfaisante.

En effet, le texte que nous examinons en deuxième lecture vise à étendre les possibilités de transfert des monuments nationaux par l’État aux collectivités territoriales, sans limite dans le temps, et à assouplir les modalités de ce transfert, en permettant notamment à l’État de céder à titre onéreux à ces collectivités certains monuments ou sites.

En vertu de l’article 97 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, les transferts de monuments aux collectivités sont effectués « à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d’aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraires ». Or l’article 5 de la présente proposition de loi remet en question ce principe de gratuité, qui s’applique désormais aux seules demandes de transfert de propriété accompagnées d’un « projet culturel ».

Si l’objet du transfert est déclaré non culturel, sa cession à titre onéreux est possible. Dans ce cas précis, la collectivité n’a pas à présenter de projet culturel spécifique et peut utiliser le monument pour tout usage, sans aucun contrôle, et le revendre ensuite à une personne privée pour n’importe quel usage.

À ce propos, je souhaite revenir sur un exemple récent illustrant parfaitement les risques que nous prendrions à voter cette proposition de loi en l’état.

Dans ma région, en Aquitaine, la municipalité de Saint-Émilion, en grandes difficultés financières, souhaite se défaire du clos des Cordeliers, l’un des derniers monuments historiques de cette belle cité médiévale qui soient librement accessibles au public. Chaque année, près d’un million de touristes s’y promènent. Afin de renflouer les caisses de la commune, le maire souhaite vendre ce fleuron du patrimoine public à un opérateur privé, sans aucune consultation ni aucun appel d’offres. Ainsi, demain, il pourrait n’être plus accessible qu’à quelques privilégiés, si telle était la décision du nouveau propriétaire.

Dois-je rappeler que nos monuments ne sont pas des produits de luxe ? Par vocation, par essence, ils doivent être accessibles au plus grand nombre.

Monsieur le ministre, je vous avais interpellé, voilà quelques mois, sur les risques de vente à la découpe de la citadelle de Blaye. La problématique est identique.

Une partie de notre patrimoine national classé ou inscrit pourrait alors se voir attribuer un usage sans aucun rapport avec sa vocation initiale, d’autant plus que, aux termes de l’article 4, la cession d’un bien immobilier avec ses meubles ne présente plus un caractère obligatoire. Il sera ainsi possible de diviser et de disperser des ensembles ou des collections qui forment une unité avec le monument qui les abrite, ce qui entraînera le dépeçage de biens patrimoniaux exceptionnels.

Par ailleurs, la volonté d’une implication positive des collectivités territoriales pourrait se traduire par une fragilisation effective de leur rôle. En effet, en période de resserrement budgétaire, comme celle que nous connaissons aujourd’hui, quelles sont les garanties apportées par l’État aux collectivités pour que celles-ci puissent continuer à entretenir les monuments et les sites acquis ? À défaut du transfert des moyens financiers suffisants, la seule possibilité sera le déclassement pour revente afin d’éviter un coût devenu insupportable.

Quant aux modalités de suivi de l’utilisation du monument, une fois celui-ci transféré, elles nous paraissent, là encore, insuffisantes. Par conséquent, nous nous interrogeons légitimement sur la volonté réelle de l’État d’assurer un tel contrôle.

Cette inquiétude est renforcée par le fait que le Haut conseil du patrimoine, rebaptisé Haut conseil du patrimoine monumental par les députés, ne dispose pas, à notre sens, d’un rôle assez fort. Sur la base de l’article 1er, tel qu’il nous est présenté, cet organisme est chargé d’établir la liste des monuments transférables, classés ou inscrits, et de donner un avis sur les opportunités de transfert à titre gratuit aux collectivités, à condition qu’elles présentent un projet culturel. Il dispose, de plus, de la possibilité de statuer sur l’opportunité du déclassement du domaine public, en vue de la revente d’un monument ayant été transféré à une collectivité à titre gratuit.

Nous sommes conscients des difficultés d’entretien d’un grand nombre de monuments nationaux. Cependant, il convient d’apporter des réponses plus complexes que la simple levée de garde-fous en vue de permettre la vente à la découpe de notre patrimoine. Il n’est d’ailleurs pas certain qu’à terme, l’État fasse une bonne affaire en revendant ses biens.

En conséquence, notre groupe émet des réserves sur les mesures d’encadrement proposées pour le transfert des monuments nationaux aux collectivités territoriales. Les protections prévues dans ce texte apparaissent encore trop faibles à nos yeux.

Nous avons déposé un certain nombre d’amendements afin de nourrir le débat et d’affiner notre position autour d’une pensée globale positive, appelée de ses vœux par M. Legendre. Place au débat ! Nous déterminerons notre vote en fonction de celui-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé.

M. Vincent Eblé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au fil de la navette parlementaire, nos inquiétudes perdurent concernant les intentions réelles qui sous-tendent cette proposition de loi.

Nous continuons à demander plus de garanties pour encadrer les transferts de monuments historiques classés ou inscrits. Peut-être serons-nous satisfaits par cette deuxième lecture ?

La politique patrimoniale publique se doit d’être protectrice de notre héritage commun, fortement constitutif de notre identité et de notre rayonnement national. Elle doit donc tendre à interdire tout dépeçage, tout défigurement, tout détournement de la vocation culturelle de ces monuments à des fins spéculatives.

Notre collègue Françoise Férat a effectué un travail important et appliqué. Nous aurions cependant préféré que ce texte prenne la forme d’un projet de loi, plus à même d’embrasser les problématiques nombreuses de la sauvegarde du patrimoine. Outre l’avis du Conseil d’État, nous aurions pu bénéficier d’une étude d’impact éclairante sur les objectifs poursuivis et sur les conséquences des dispositions envisagées. Les débats auraient été plus longs, mais aussi plus approfondis.

Nous sommes d’autant plus circonspects et inquiets que ces dernières années ont été émaillées de coups portés à l’intégrité du patrimoine monumental de l’État.

Le rapporteur pour avis de la commission de la culture des crédits du programme « Patrimoines » que je suis n’oublie pas l’adoption de l’article 52 du projet de loi de finances pour 2010, qui assouplissait les conditions de transfert, jusqu’à autoriser la « vente à la découpe » des monuments historiques, sans aucune garantie quant à l’usage culturel du bien acquis. Cet article avait été voté, au Sénat, par la majorité d’alors. Nous ne pouvons que nous réjouir de la censure du Conseil constitutionnel, même si nous déplorons qu’elle n’ait porté que sur la forme.

Plus récemment, l’actualité patrimoniale a été marquée par le triste épisode de la tentative de cession de l’hôtel de la Marine, ancien garde-meuble royal et chef-d’œuvre architectural de la place de la Concorde, à un opérateur privé désireux de le transformer en établissement lucratif. Nous restons vigilants sur ce dossier.

Enfin, comment ne pas être inquiets face à la vaste opération de cessions immobilières de biens appartenant au domaine public organisée par le Gouvernement depuis 2007, par l’intermédiaire de France Domaine ?

Le 9 juin 2010, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État présentait le programme pluriannuel des 1 700 cessions prévues entre 2010 et 2013. Les objectifs quantitatifs de vente imposés à cet organisme ne seront-ils pas complétés par des projets de transfert aux collectivités locales, fussent-ils à titre gratuit, dans le seul but de désengager l’État de sa mission de gestion du patrimoine culturel ?

Cette proposition de loi n’aide-t-elle pas France Domaine à atteindre son objectif d’optimisation financière ?

Pourtant, nous ne sommes pas hostiles à la dévolution, bien au contraire ! Nous prônons une décentralisation culturelle pragmatique. Nous savons la charge financière lourde que représente notre patrimoine monumental et nous déplorons, chaque jour, son mauvais état sanitaire. Nous ne pourrons conserver et sauver ce patrimoine qu’à l’aide d’un partenariat, d’une synergie entre l’État et les collectivités territoriales. Les collectivités de gauche ont d’ailleurs pris toute leur part dans la décentralisation engagée en application de l’article 97 de la loi du 13 août 2004.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, encore faut-il s’entendre sur les motivations qui président aux transferts de monuments. Pour nous, les seuls critères à retenir doivent être l’intérêt du site transféré et sa valorisation culturelle dans le cadre d’une dynamique locale. Il importe que le monument historique cédé à une collectivité fasse l’objet d’un projet culturel. Il ne s’agit en aucune façon de cautionner une logique libérale, car elle braderait le patrimoine sur l’autel des restrictions budgétaires et permettrait le retrait de la puissance publique.

Ainsi, nous n’avons pu que déplorer l’intrusion d’opérateurs privés, de plus en plus nombreux, désireux de développer des projets qui n’ont rien de culturel, puisqu’ils sont essentiellement commerciaux. Le projet culturel devient alors un alibi.

Nous regrettons à ce sujet que les amendements présentés par le groupe socialiste, à l’Assemblée comme au Sénat, visant à poser le principe de l’interdiction de revente par la collectivité bénéficiaire, aient été rejetés ; d’autant que renforcer la possibilité de vente à des acteurs privés ne garantit en rien, au contraire, ni l’accès du patrimoine au public, ni sa conservation, ni sa valorisation.

La proposition de loi est à cet égard ambivalente. Elle contient en germe de lourds risques de dépeçage de notre patrimoine.

Enfin, dans un contexte de RGPP, de crise financière et d’endettement étatique, il est à craindre que les collectivités territoriales ne soient sciemment appelées à la rescousse pour financer, en lieu et place de l’État, l’animation et l’entretien du patrimoine. Autrement dit, le second pourrait se défausser de ses charges sur les premières : il est coutumier du fait !

Certes, les communes, les départements et les régions possèdent déjà près de la moitié des monuments historiques. Pourquoi pas davantage ?

On aurait souhaité un État moins démissionnaire, plus appliqué dans l’exécution de ses missions de sauvegarde, de conservation, de mise en valeur du patrimoine national, un État plus ambitieux dans sa politique culturelle.

Avec la suppression de la taxe professionnelle, le gel des dotations, la compensation non intégrale par l’État des charges transférées, les collectivités sont à l’asphyxie. À l’Assemblée nationale, elles viennent d’ailleurs d’être privées de 200 millions d’euros au titre de leur contribution à la réduction du déficit.

Dans ce contexte de resserrement budgétaire, les collectivités ne seront-elles pas finalement encouragées à spéculer pour réaliser une bonne opération ou à revendre au plus offrant si les contraintes financières d’entretien des sites acquis se font trop lourdes ? C’est toute l’ambiguïté du texte.

En outre, rappelons que le transfert par l’État de son patrimoine aux collectivités territoriales n’est pas une nouveauté. Ainsi, la loi de 2004 permet déjà à l’État et au Centre des monuments nationaux de transférer à titre gratuit aux collectivités locales des monuments classés ou inscrits dont la liste est fixée par décret.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de programmer une autre phase de transferts, il eût été sage de faire un bilan et de comprendre plus au fond les réticences de certaines collectivités. En réalité, peu de transferts ont été effectués. Sur les 176 monuments inscrits sur la liste dite Rémond, seuls une soixantaine, soit le tiers, ont fait l’objet d’une convention signée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en première lecture, notre ancien collègue Yves Dauge justifiait l’opposition de notre groupe au vote de cette proposition de loi, en regrettant que « les portes que nous espérions voir s’ouvrir [soient] restées fermées ». Elles ont depuis été cadenassées par l’Assemblée nationale !

Mme Claudine Lepage. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Rappelez-vous : le projet de loi de finances pour 2010 a assoupli la loi de 2004, en autorisant la cession de n’importe quel monument national à une collectivité locale, gratuitement, simplement après accord du préfet, cette dernière pouvant ensuite revendre à n’importe quel opérateur privé. Par chance, la disposition fut censurée par le Conseil constitutionnel.

Cette tentative de passage en force du Gouvernement a conduit au rapport rendu, au nom de la commission de la culture, par Mme Férat, en juin 2010, puis à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Mais le ver était déjà dans le fruit. Les modifications apportées par les députés en témoignent encore.

Ainsi, les garde-fous érigés par la proposition de loi de Mme Férat et M. Legendre ne nous semblaient pas suffisamment solides pour contrecarrer la tentation étatique de brader ce patrimoine dans un unique souci budgétaire.

La voie est aujourd’hui encore plus largement ouverte, et la volonté du Gouvernement encore plus limpide : remplir les caisses de l’État, intention bien sûr parfaitement louable, mais au mépris de toute autre considération, telle que – pourquoi pas ? – la valorisation du site cédé. À cet égard, il est significatif qu’aucun bilan n’ait été dressé des dévolutions réalisées depuis 2004.

La politique culturelle du Gouvernement se réduit-elle à une vision purement comptable ? Nous pouvons le craindre.

J’en veux pour preuve un exemple que je connais bien : le palais Lenzi à Florence, pour lequel rien de moins qu’une vente à la découpe est programmée. Ce palais, propriété de la France, accueille l’antenne consulaire ainsi que l’Institut français, et il devrait effectivement faire l’objet d’une vente partielle. Les craintes exprimées en 2010 par la commission de la culture « de voir naître une conception patrimoniale tendant à "découper" les monuments historiques en fonction de leur utilisation » prennent ici tout leur sens.

L’absence de répertoire des quelque 1 500 biens français, situés dans 160 pays et évalués à 4,47 milliards d’euros, renforce encore notre méfiance, tout comme la quasi-opacité entourant leur gestion. Cela mériterait d’ailleurs que la commission de la culture se saisisse du dossier.

Le palais Buquoy à Prague, la Case de Gaulle à Brazzaville, l’Hospice wallon à Amsterdam, l’église Saint-Louis-des-Français à Lisbonne sont autant d’ambassades, de centres culturels, de logements de fonctions, mais aussi de lieux de culte, dont une centaine à la valeur patrimoniale exceptionnelle. Une trentaine d’entre eux auraient même vocation à être classés monuments historiques sur le territoire français et certains, tel le palais Thott à Copenhague, le sont déjà suivant la législation locale.

De surcroît, nombre d’entre eux sont de prestigieux vecteurs de l’image de la France à l’étranger et de son rayonnement.

Pourtant, quelques-uns sont d’ores et déjà prévus à la vente. L’État n’est pas prêt à renoncer à la manne financière qu’ils représentent, surtout depuis que le financement de la programmation immobilière du ministère des affaires étrangères ne peut plus être assuré que par les seuls produits de cession de ses biens immobiliers, plus aucun crédit d’investissement n’étant inscrit dans le budget général.

Pour ajouter encore à ces difficultés, le Quai d’Orsay n’est pas en mesure de bénéficier, pour de bien obscurs motifs, de la totalité de ces produits de cession.

Ce sombre tableau ne serait pas complet sans l’évocation des atermoiements du Gouvernement au sujet de la création d’une agence foncière de l’État à l’étranger. Le chantier semble à l’arrêt, alors même que le ministre M. Henri de Raincourt pointait, il y a encore quelques mois, la mise en lumière « de l’inadaptation des procédures et des instruments budgétaires existants à une gestion dynamique et efficace du patrimoine immobilier de l’État à l’étranger ».

Devant cet état de fait, il importe de prendre toutes les mesures pour éviter le pire, et donc d’encadrer davantage ces ventes en prévoyant une procédure similaire à celle qui est prévue par la proposition de loi pour les cessions aux collectivités territoriales. C’est le sens des amendements que j’ai déposés avec mes collègues du groupe socialiste-EELV et que je vous demande de soutenir.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le patrimoine historique est constitutif de l’identité qui unit chacun de nous et dont l’importance est peut-être encore davantage ressentie par nos compatriotes expatriés. À l’étranger, comme à l’intérieur de nos frontières, nous devons le préserver en s’assurant qu’il ne soit pas simplement mis au service de la réduction de la dette. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les « conformes » ou les articles additionnels sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.

Chapitre IER

Utilisation du patrimoine monumental de l’État

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article 1er

Article 1er A

Avant le chapitre Ier du titre Ier du livre VI du code du patrimoine, il est ajouté un article L. 610-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 610-1. – La conservation et la mise en valeur du patrimoine culturel, dans ses qualifications historique, archéologique, architecturale, urbaine et paysagère, sont d’intérêt public.

« Les collectivités publiques intègrent le patrimoine culturel dans leurs politiques et leurs actions d’urbanisme et d’aménagement, notamment au sein des projets d’aménagement et de développement durables établis en application des articles L. 122-1-1 et L. 123-1 du code de l’urbanisme, afin d’en assurer la protection et la transmission aux générations futures.

« Lorsqu’un élément de patrimoine ou une partie de territoire est reconnu en tant que patrimoine mondial de l’humanité en application de la convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture en date du 16 novembre 1972, l’impératif de protection de sa valeur universelle exceptionnelle ainsi que le plan de gestion du bien et la zone tampon qui assurent cet objectif sont pris en compte dans les documents d’urbanisme de la ou les collectivités concernées. L’État peut également, à tout moment, recourir aux procédures prévues aux articles L. 522-3 et L. 621-7 du présent code et aux articles L. 113-1, L. 121-9 et L. 122-5-1 du code de l’urbanisme.

« Lorsque la collectivité territoriale, l’établissement public de coopération intercommunale ou le syndicat mixte compétent engage l’élaboration ou la révision d’un schéma de cohérence territoriale ou d’un plan local d’urbanisme, le représentant de l’État dans le département porte à sa connaissance les mesures et les conditions à respecter pour assurer l’atteinte des objectifs visés aux deux premiers alinéas du présent article. »

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, sur l'article.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis ravie de constater que notre liasse d’amendements a fondu comme neige au soleil. Je me demande ce qui s’est passé dans cet hémicycle pour que nous en soyons arrivés là, mais tout espoir est donc permis : acceptons-en l’augure !

L’élément fondateur de ce texte repose sur la définition d’un principe de précaution, qui doit être observé avant toute décision de transfert de propriété d’un monument historique appartenant à l’État.

L’Assemblée nationale a souhaité modifier sur le fond quelques éléments clés du dispositif tel qu’adopté en première lecture au Sénat. Malheureusement, certaines de ces modifications paraissent ouvrir de véritables brèches dans le système initialement envisagé.

Je regrette que mes collègues de la majorité sénatoriale n’aient pas souhaité que nous en débattions en commission. Cela a été dit, je n’y reviendrai pas, sauf pour souligner que nous avons manqué une occasion de faire un travail de fond.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous étudions aujourd’hui le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale et non de la commission de la culture du Sénat.

Mme Françoise Férat. L’article 1er A avait été adopté par notre commission sur l’initiative de notre collègue Ambroise Dupont. Il précise que la conservation et la mise en valeur du patrimoine culturel sont d’intérêt public. Si l’État est garant du respect, sur son territoire, des sites inscrits au rang de patrimoine mondial par l’UNESCO, il n’avait pas en revanche les moyens de faire respecter les obligations liées à cette qualification.

Pour y remédier, Ambroise Dupont évoquait, dans le cadre d’un rapport sénatorial, deux solutions, qui ont été adoptées.

L’impératif de protection du patrimoine mondial et de sa valeur universelle exceptionnelle peut justifier le recours par l’État à des procédures hors normes, et ce à plusieurs niveaux : dans le cadre de l’archéologie préventive ; lorsque la conservation d’un immeuble est menacée ; dans le cadre des directives territoriales d’aménagement et de développement durables, qui permettent de déterminer les objectifs et orientations de l’État dans différents domaines, sur des territoires présentant des enjeux nationaux ; dans le cadre d’un projet d’intérêt général défini par un article du code de l’urbanisme ; lorsque la carence de SCOT – schéma de cohérence territorial – ou un périmètre insuffisant nuit gravement à la cohérence des politiques publiques.

L’Assemblée nationale a adopté un amendement afin de prévoir que le préfet de département porte à la connaissance de la collectivité les contraintes liées au patrimoine mondial à l’occasion de l’élaboration d’un SCOT ou d’un PLU – plan local d’urbanisme.

Or c’est le préfet de région et non le préfet de département qui est le mieux placé pour intervenir dans cette procédure. En effet, certains sites du patrimoine mondial sont particulièrement étendus et nécessitent une coordination entre territoires, justifiant l’intervention du représentant de l’État au niveau régional. Je prendrai pour exemple le Val-de-Loire, qui s’étend sur 280 kilomètres.

Il ne faut pas oublier non plus que le préfet de région coordonne les décisions relatives aux monuments historiques. C’est lui notamment qui a compétence pour délivrer les autorisations de travaux, après instruction des DRAC.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai déposé un amendement dans ce sens. Je considère d’ailleurs, monsieur le président, qu’il est défendu. (MM. Jacques Legendre, Pierre Bordier et Jean-Pierre Chauveau applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.

M. David Assouline. Je voudrais, du moins, je l’espère, clore le débat. En effet, malgré mon rappel au règlement, malgré les interventions du groupe socialiste-EELV visant à brosser un cadre général pour la discussion qui va s’ouvrir, il y a encore des choses à réaffirmer sur la forme. J’aimerais que l’on y mette un terme pour en venir au fond.

Les délais d’examen de ce texte en deuxième lecture ont été très rapides car le groupe UCR voulait qu’il soit inscrit très vite à l’ordre du jour, en début de session. Si bien que la proposition de loi est arrivée très rapidement en commission où le cadre ne se prêtait pas à des discussions approfondies, des discussions qui permettent de détailler chaque point jusqu’à trouver les rédactions exactes, jusqu’à parvenir à des compromis acceptables par les uns et par les autres.

Le texte tel qu’il nous est arrivé exprimait une position. Et nous, les membres de la majorité sénatoriale avons affirmé une autre position de principe à laquelle nous tenons d’autant plus que, comme tous les intervenants l’ont dit, nous sommes échaudés par l’attitude de l’Assemblée nationale. Cette dernière, à laquelle le Sénat avait transmis un texte qui, sans nous satisfaire, était le fruit de discussions civilisées, l’a alourdi, aggravé et endommagé. Or nous ne voulions pas retomber dans un dialogue de sourds. Comme l’a bien démontré Mme Blandin, le souci commun de la commission était de proposer un certain nombre d’aménagements pour border le texte. Nous pensons en effet que la proposition de loi déposée par Mme Férat et M. Legendre manquait de cadrage et de bordures de nature à empêcher les dérives que vous dénoncez par ailleurs.

Il n’a pas été tenu compte de cette lacune en première lecture au Sénat. La situation a encore été aggravée par les discussions à l’Assemblée nationale. En commission, saisis de la rédaction issue de ses travaux et pressés par le temps, nous avons voulu commencer par affirmer des questions de principe. Nous tenions, en effet, à vous faire entendre un message, celui qu’un travail en finesse, un travail de fond peut aboutir à un consensus. L’enjeu, ce n’est pas de s’aligner sur quelques concessions à la marge, de l’ordre de la virgule ! L’enjeu, il est complètement autre, surtout depuis que la majorité sénatoriale a changé ! L’enjeu, c’est de vous faire entendre nos préoccupations, pour que vous les intégriez !

M. David Assouline. C’est, d’ailleurs, cette méthode que nous vous demandons de suivre dans le débat qui commence. M. Legendre n’a pas parlé de divergence de position entre la gauche et la droite. Il a dit – et je l’ai bien entendu – qu’il faudrait que le Sénat, dont le texte émane, soit entendu et que sa vision des choses s’impose à l’Assemblée nationale quand il lui sera transmis.

Après les débats, après la discussion des amendements, j’espère que M. Legendre portera vers l’Assemblée nationale, dans une éventuelle CMP, la position qui sera celle du Sénat, même si – et il faut vous y habituer, cela nous est arrivé de temps à autre dans le passé – le texte en question sera probablement l’expression d’une majorité de gauche.

Si vous faites des signes et acceptez de voter ce qui est acceptable, même lorsque cela provient des socialistes ou des communistes, vous aurez prouvé que l’on peut avancer. En tous les cas, telle est notre position, une position d’ouverture.

Et je veux rappeler que, dans le passé, chaque fois que vous examiniez une proposition de loi déposée par la gauche, vous ne cherchiez même pas à l’amender, vous ne cherchiez même pas à l’améliorer. Parce qu’elle était de gauche, vous la tapiez. Nous, nous ne sommes pas dans cette optique puisque nous allons amender cette proposition de loi pour, je l’espère, la rendre acceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié ter, présenté par Mme Férat, M. Legendre, Mme Morin-Desailly, M. Détraigne, Mme N. Goulet, M. Maurey, Mme Goy-Chavent, MM. Namy, Merceron, Tandonnet, Vanlerenberghe et Delahaye et Mme Létard, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

le département

par les mots :

la région 

Cet amendement a été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable. Cette modification ne nous a pas paru opportune. Tout en admettant que ses fondements sont intéressants, nous pensons néanmoins que les représentants de l’État dans les départements sont aptes à se concerter.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

L’interlocuteur des DRAC, c’est non pas le préfet de département, mais le préfet de région. C’est lui qui est chargé de porter à la connaissance des services des collectivités territoriales les éléments d’information concernant le patrimoine en général. C’est ainsi qu’il fournit les éléments de la carte archéologique au fur et à mesure de son élaboration et l’information relative aux monuments historiques au fur et à mesure de leur protection.

Il est logique qu’il coordonne également cette information pour les sites UNESCO dont le périmètre est, de surcroît, souvent très large.

Cette précision est, en réalité, de niveau réglementaire. Si elle doit être intégrée dans la loi, il faut qu’elle détermine des autorités pertinentes pour exercer cette compétence.

En ce qui me concerne, mes relations avec les DRAC passent par les préfets de région.

Il me paraît tout à fait normal d’émettre, au nom du Gouvernement, un avis favorable sur l’amendement n° 1 rectifié ter.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. M. le ministre a fort bien expliqué les motifs qui ont conduit au dépôt de cet amendement, lequel tend aussi à revenir à la rédaction initiale du texte.

Je veux profiter de cet instant pour exprimer une certaine consternation. Nous venons de découvrir la liasse des amendements. On nous en avait annoncé 81. (M. Vincent Eblé s’exclame.) Alors qu’il aurait été utile de tous les étudier en profondeur, nous n’avons pas pu le faire, faute de temps.

Et voilà que tout à coup, 41 amendements disparaissent ! (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.) Il n’en reste plus que 40 à examiner en séance !

Lors de son rappel au règlement, M. David Assouline nous a expliqué que, pour tenir le délai de quatre heures prévu pour le débat, on allait supprimer des amendements.

Mme Cécile Cukierman. Ne jouons pas la montre !

Mme Catherine Morin-Desailly. Mais ce tour de passe-passe nous semble un peu étrange ! (MM. Jean-Jacques Mirassou et David Assouline s’exclament.) Il est vrai que – et vous l’avez encore démontré tout à l’heure – vous avez l’art de la pirouette. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Ce que je veux signaler, c’est que je ne comprends pas. On nous propose un amendement visant à supprimer ce haut conseil qui vise à protéger le patrimoine monumental (M. David Assouline s’exclame.)… Mon cher collègue, laissez-moi parler ! Je vous ai écouté lorsque vous étiez à la tribune tout à l’heure ! On nous propose, disais-je, un tel amendement et, tout à coup, cet amendement de suppression disparaît !

Sans poursuivre la polémique, mais pour montrer quelle est la situation, je voulais simplement dire que c’est le premier texte examiné par la commission que nous étudions.

Il faudrait revenir à un travail méthodique.

M. David Assouline. Oh là là !

Mme Catherine Morin-Desailly. Le règlement du Sénat a été modifié voilà quelques années pour permettre à la commission d’effectuer ce travail de fond. Il n’est ni très logique, ni compréhensible pour les uns et les autres de voir des amendements apparaître et disparaître sans avoir le loisir d’en discuter !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je ne suis pas membre de la commission de la culture. Je siège à la commission des affaires étrangères. Mais j’aimerais que l’on m’explique pourquoi on préfère le département à la région.

En tant qu’élue, il me semble assez logique et cohérent de faire le lien entre ce sujet et la DRAC. D’ailleurs, l’évolution de la carte intercommunale, des bassins de vie et de tout ce dont nous allons débattre après minuit et avant quatre heures demain nous rapproche plutôt d’une compétence régionale.

Cela étant, je ne demande qu’à comprendre. Je voudrais simplement que l’on m’explique.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

M. Claude Domeizel. Je ne sais pas si je répondrai à la question qui vient d’être posée mais je serai bref, ne serait-ce que pour ne pas allonger le débat et nous permettre de terminer dans les délais, qu’il importe de respecter.

Nous sommes favorables au maintien du représentant de l’État dans le département, conformément à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. En effet, il nous paraît plus logique que ce soit le préfet du département qui soit saisi. Car il est tout de même le plus proche de toutes les questions concernant le département ! Et le préfet de département aura tout loisir de consulter le préfet de région à propos d’une question qui concerne plus particulièrement ce dernier. Je pense que, sur l’ensemble du territoire, les relations entre les uns et les autres sont assez bonnes pour qu’ils puissent, tout naturellement, se concerter.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A.

(L'article 1er A est adopté.)

Article 1er A
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
Article additionnel après l'article 1er

Article 1er

Le chapitre Ier du titre Ier du livre VI du même code est complété par des articles L. 611-2 à L. 611-4 ainsi rédigés :

« Art. L. 611-2. – Il est créé un Haut conseil du patrimoine monumental placé auprès du ministre chargé des monuments historiques, qui établit la liste des monuments classés ou inscrits transférables au sens de l’article 4 de la loi n° … du … relative au patrimoine monumental de l’État. Il tient compte des conditions imposées par les dons et legs. Le caractère non transférable d’un monument est apprécié notamment au regard de l’appartenance de celui-ci à la mémoire de la Nation, de sa notoriété et de son rayonnement, susceptibles d’en faire un élément du patrimoine européen ou universel, de l’importance des moyens financiers dont il a bénéficié, du caractère récent de son acquisition, de la nature du site, susceptible de justifier une gestion de long terme ou de l’application d’un principe de précaution imposée par des conditions de conservation particulièrement délicates. Il se prononce sur le caractère transférable des monuments qu’il a décidé d’examiner ou dont l’examen lui est soumis par le ministre chargé des monuments historiques et avant toute cession par l’État de l’un de ses monuments historiques classés ou inscrits. Les membres du Haut conseil du patrimoine monumental sont informés de tout projet de bail emphytéotique administratif d’une durée supérieure ou égale à trente ans qui concerne l’un de ses monuments historiques classés ou inscrits ; ils peuvent rendre un avis lorsqu’un tiers au moins d’entre eux le demande.

« En outre, le Haut conseil du patrimoine monumental :

« 1° Se prononce sur l’opportunité de transfert à titre gratuit aux collectivités territoriales ou à leurs groupements de monuments historiques classés ou inscrits appartenant à l’État ;

« 2° Identifie, parmi les monuments historiques appartenant à l’État, ceux susceptibles d’avoir une utilisation culturelle et formule, pour chacun d’eux, des prescriptions dans le respect des avis et des préconisations émis par la Commission nationale des monuments historiques ;

« 3° Se prononce sur l’opportunité du déclassement du domaine public soit d’un monument historique appartenant à l’État en vue de sa vente, soit d’un monument historique ayant fait l’objet d’un transfert à titre gratuit à une ou plusieurs collectivités territoriales en vue de sa revente ;

« 4° Veille à la protection des monuments d’intérêt historique appartenant à l’État situés en dehors du territoire français qu’il a identifiés et dont tout projet de vente est préalablement soumis à son examen ;

« 5° Peut demander à l’État d’engager une procédure de classement ou d’inscription au titre des monuments historiques en application des articles L. 621-1, L. 621-4 et L. 621-25. Il peut également donner son avis en cas de désaccord avec l’autorité administrative qui autoriserait un déplacement des objets mobiliers ou ensembles historiques mobiliers mentionnés à l’article L. 622-1-2.

« Art. L. 611-3. – Le Haut conseil du patrimoine monumental est constitué à parts égales de parlementaires, notamment de membres des commissions permanentes chargées de la culture, de représentants des collectivités territoriales, de représentants des administrations chargées de la gestion du domaine de l’État, des monuments historiques et des collectivités territoriales ainsi que de personnalités qualifiées choisies par le ministre chargé des monuments historiques pour leurs connaissances en histoire, en architecture et en histoire de l’art. Ses avis sont motivés, rendus publics et publiés au Journal officiel. Un décret en Conseil d’État détermine la composition et les modalités de fonctionnement du Haut conseil du patrimoine monumental.

« Art. L. 611-4 (nouveau). – Lorsqu’un monument historique est identifié comme susceptible d’avoir une utilisation culturelle, le Haut conseil du patrimoine monumental formule des prescriptions, notamment en matière de présentation au public et de diffusion de l’information relative au monument. Ces prescriptions s’imposent au propriétaire, à l’utilisateur ou au gestionnaire et à tout détenteur de droits réels sur le monument. Elles figurent dans les documents définissant les conditions d’utilisation, de gestion ou de transfert du monument, notamment dans le cadre des transferts décidés en application de la loi n° … du … relative au patrimoine monumental de l’État. »

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, sur l'article.

Mme Françoise Férat. L’article 1er crée le Haut conseil du patrimoine, le HCP. Il en définit les missions, ainsi que la composition.

Cette instance s’inscrit dans la logique des travaux de la commission Rémond, chargée en 2003, par le ministre de la culture, de définir les critères qui justifiaient qu’un monument reste la propriété de l’État et la liste des monuments qui pourraient être proposés aux collectivités territoriales pour un transfert de propriété.

Plusieurs éléments de l’article 1er font effectivement référence, explicitement ou non, à cette commission.

Un monument jugé non transférable par le Haut conseil implique donc le maintien de la propriété de l’État. Ainsi, lorsqu’il analysera un monument historique qui lui sera soumis ou qu’il décidera d’étudier de son propre chef, il rendra un avis clair sur la possibilité de céder ou non sa propriété.

Le texte issu de la commission avant la première lecture avait précisé que le Haut conseil se prononce avant toute vente par l’État de l’un de ses monuments.

Il a également été créé l’obligation d’information des membres du Haut conseil de tout projet de bail emphytéotiques d’une durée supérieure ou égale à trente ans. La composition du Haut conseil avait été modifiée pour intégrer des représentants des collectivités.

La méthode choisie est celle d’une définition progressive de la liste des monuments transférables de l’État. Ce dernier est propriétaire d’environ 1 700 monuments historiques. Il est illusoire d’envisager l’analyse en bloc par cette instance.

C’est pourquoi il est prévu une liste évolutive : l’opportunité de transfert à titre gratuit aux collectivités territoriales ; l’éventuelle utilisation culturelle d’un monument ; l’opportunité de déclassement du domaine public, en vue d’une revente, d’un monument ayant fait l’objet d’un transfert à titre gratuit à une ou plusieurs collectivités. Il s’agit là d’un « verrou ».

L’Assemblée nationale a réintroduit la liste détaillée des critères de la commission Rémond dans le code du patrimoine.

La commission de la culture avait fait le choix d’y faire référence sans les énumérer afin de ne pas lier à l’avance le Haut conseil, qui pourrait très bien définir de nouveaux critères – par exemple, à dimension sociale – pour demander le maintien de la propriété de l’État. Dans la rédaction actuelle du texte, il lui sera difficile de s’écarter des critères Rémond prévus pour des monuments culturels, et de définir sa propre jurisprudence.

C’est pourquoi j’ai déposé un amendement sur cet article. Je vous demande de bien vouloir considérer qu’il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, sur l'article.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 1er de cette proposition de loi est, en quelque sorte, son socle puisqu’il crée le Haut conseil du patrimoine.

Cette création a pour objet d’assurer un cadre pérenne au transfert des monuments historiques appartenant à l’État. Elle participe également plus largement à la mise en œuvre d’un principe de précaution culturelle applicable aux règles de domanialité publique. Cela permettra d’éviter un certain nombre de dérives auxquelles nous avons pu assister par le passé.

Cette instance s’inscrit dans la logique de la commission Rémond.

De plus, nous avions déjà retenu l’idée de cette création lors des travaux de l’un des rapports d’information de notre commission, celui qui portait sur le Centre des monuments nationaux.

Aussi, la suppression de cet article était-elle totalement surprenante et injustifiée. Je me réjouis que le groupe majoritaire, sans doute influencé par l’opposition sénatoriale, se soit ravisé.

Je tiens cependant à rappeler les missions confiées au Haut conseil du patrimoine pour en souligner l’importance.

Le Haut conseil sera appelé à se prononcer sur tout projet de transfert d’un monument historique à une collectivité territoriale, mais aussi sur tout projet de cession par l’État à une personne publique ou privée. Il devra identifier, parmi les monuments historiques appartenant à l’État, ceux qui ont une vocation culturelle, et fixer, le cas échéant, les prescriptions permettant de la respecter. Il aura à se prononcer sur l’opportunité du déclassement du domaine public d’un monument appartenant à l’État en vue de sa vente, ou d’un monument transféré préalablement à une collectivité territoriale et susceptible d’être revendu.

Le Haut conseil devra émettre un avis consultatif avant tout projet de cession par l’État de l’un de ses monuments historiques, inscrit ou classé. Il sera informé de tout projet de bail emphytéotique administratif d’une durée supérieure ou égale à trente ans.

Vous conviendrez de l’intérêt que représente la création d’une telle structure au service de la préservation de notre patrimoine monumental. Aussi notre groupe s’opposera-t-il à la réécriture de l’article 1er. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)

M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 6, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 2 à 8

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés : 

« Art. L. 611-2. – Il est créé un Haut conseil du patrimoine monumental chargé d’assurer l’inaliénabilité des monuments classés ou inscrits appartenant à l’État ou aux collectivités territoriales. 

« Il contrôle qu’ils ne fassent l’objet d’aucune procédure de déclassement ni d’un bail emphytéotique administratif au sens de l’article L. 2341-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

II. – Alinéa 10 

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Nous retirons notre amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 6 est retiré.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de soumettre à discussion commune les dix autres amendements.

L’amendement n° 39, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

I.- Alinéa 2, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

La liste établie par le Haut conseil du patrimoine monumental ne comporte ni les cathédrales, leurs cloîtres et leurs palais épiscopaux attenants, ni les abbayes-mères.

II.- En conséquence, au début de la deuxième phrase du même alinéa

remplacer le mot :

Il

par les mots :

Le Haut conseil du patrimoine monumental

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Cet amendement tend à préciser que la liste établie par le Haut conseil ne comporte « ni les cathédrales, leurs cloîtres et leurs palais épiscopaux attenants, ni les abbayes-mères ». Je vous renvoie également à la teneur de mon intervention au cours de la discussion générale : nous souhaitons que ces exclusions soient explicitement mentionnées.

M. le président. L’amendement n° 38, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

I.- Alinéa 2, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

La liste est établie par décret au plus tard un an après l’entrée en vigueur de la loi n ° … du … relative au patrimoine monumental et ouvre droit au transfert des monuments figurant sur la liste pour une durée d’un an à compter de sa publication.

II.- En conséquence, au début de la deuxième phrase du même alinéa

remplacer le mot :

Il

par les mots :

Le Haut conseil du patrimoine monumental

La parole est à M. Vincent Eblé.

M. Vincent Eblé. Cet amendement tend à introduire la notion de durée. Lors de la précédente vague de transferts, le délai avait été fixé à un an. Nous proposons donc de retenir une durée identique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 39, car le principe de précaution impose d’être exigeant et précis.

L’amendement n° 38 recueille également un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

En ce qui concerne l’amendement n° 39, il nous semble qu’indiquer par avance les catégories de monuments non transférables revient à définir en creux ceux dont le transfert bénéficierait d’un a priori favorable. (M. David Assouline fait un signe de dénégation.) En d’autres termes, cette démarche reviendrait à définir des monuments historiques « de première classe » et des monuments historiques « de deuxième classe ». Je ne crois absolument pas qu’une telle hiérarchie soit nécessaire, il me semble même qu’elle est fondamentalement dangereuse : notre patrimoine forme un tout, riche de sa diversité.

S’agissant de l’amendement n° 38, je rappelle que la liste des monuments transférables sera établie chaque année, au fil des travaux du Haut conseil, car ce dernier ne peut procéder en un an à l’instruction des dossiers des 1 700 monuments protégés. L’évolution des structures administratives présentes sur le territoire est donc l’un des éléments essentiels susceptible de peser sur le périmètre des transferts envisageables dans les années à venir. La contrainte qu’imposerait l’adoption de cet amendement, en instaurant un délai d’un an, ne pourrait donc être respectée, sauf à légiférer sur le seul parc actuel des monuments protégés.

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote sur l’amendement n° 39.

M. Jacques Legendre. Mes chers collègues, il arrive parfois que des miracles se produisent dans cet hémicycle en fin d’après-midi… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Sur le précédent « dérouleur » figurait un amendement de notre collègue Françoise Cartron tendant à supprimer le Haut conseil du patrimoine. Cet amendement a disparu ; il a été remplacé par deux amendements, l’un présenté par Mme Cukierman…

Mme Cécile Cukierman. Nous l’avons retiré !

M. Jacques Legendre. … et l’autre par le groupe socialiste-EELV, qui reconnaissent, au contraire, l’existence d’un Haut conseil du patrimoine.

M. Jean-Jacques Mirassou. Pas dans les mêmes conditions !

M. Jacques Legendre. Vous me permettrez de saluer cette évolution positive. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

J’ajouterai qu’il faut parfois se méfier de ce qui se cache derrière les mots. En effet, notre collègue Cécile Cukierman a retiré son amendement, mais la définition des missions du Haut conseil du patrimoine qui aurait résulté de son adoption me paraît curieuse (Mme Cécile Cukierman s’exclame.) et révèle quelles peuvent être les évolutions successives de la pensée (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.) : ce dernier était chargé non pas d’examiner quels pouvaient être les monuments susceptibles d’être confiés à une collectivité territoriale, mais de vérifier qu’en aucun on ne pourrait confier à une collectivité territoriale un monument historique appartenant actuellement à l’État. On peut alors se demander à quoi aurait servi ce Haut conseil !

Enfin, je me permets de signaler à nos collègues – mais peut-être M. le ministre pourra-t-il nous éclairer sur ce point – que, lorsque l’on indique que les cathédrales ne peuvent pas faire l’objet d’un transfert, une loi à laquelle la République est très attachée précise déjà que les cathédrales font effectivement partie du patrimoine de l’État. Je tenais à rappeler ce point pour montrer combien ces évolutions successives sont parfois bizarres.

Je crois qu’il vaut mieux affirmer clairement que le Haut conseil du patrimoine encadre les conditions dans lesquelles des monuments historiques peuvent être dévolus à des collectivités territoriales : c’est clair et c’est utile !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je suis très conscient de la qualité absolument remarquable des travaux qui ont conduit à l’élaboration de cette proposition de loi. J’exprime donc mon admiration pour le travail accompli par le président Legendre et Mme la sénatrice Françoise Férat.

Par ailleurs, la qualité du débat tel qu’il s’instaure et l’attention que la majorité sénatoriale porte à ces questions méritent également tout notre respect et toute notre estime.

Au-delà du chagrin légitime que certains peuvent ressentir en raison des aléas de la vie politique qui les privent en quelque sorte des résultats de leur travail, puisque celui-ci se trouve soumis à un nouvel examen et à de nouvelles critiques, je crois que nous pouvons nous réjouir de l’intérêt porté par la nouvelle majorité sénatoriale à ce texte et que nous pouvons prendre acte des décisions tendant à simplifier aujourd’hui le déroulement de la discussion.

Je vous propose donc de tourner la page de l’amertume et du chagrin…

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Frédéric Mitterrand, ministre. … et d’ouvrir davantage le débat ; cela n’enlève rien au profond respect que j’éprouve, en tant que ministre de la culture et de la communication, pour les personnalités éminentes qui ont travaillé précédemment sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mmes Nathalie Goulet et Françoise Férat ainsi que M. Robert Tropeano applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

M. Claude Domeizel. J’aimerais également clore définitivement la polémique : il y avait précédemment une majorité et une opposition, mais une majorité différente est sortie des élections.

Cette nouvelle majorité a tout à fait le droit de déposer à titre préventif des amendements de suppression et des amendements de repli : telle a toujours été notre position, je tiens à le dire au président Legendre. Nous avons finalement retiré nos amendements de suppression, mais sans que cela traduise en quoi que ce soit une évolution de notre part : au contraire, nous avons pris cette décision pour apporter notre contribution à la rédaction d’un texte aussi important.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. Afin de maintenir l’esprit constructif qui règne dans cet hémicycle, je suggère, dans un souci de lisibilité, de rectifier l’amendement n° 38 afin que l’amendement n° 39 puisse être retiré, en ajoutant après les mots « La liste est établie » les mots «, après avis du Haut conseil du patrimoine monumental, ».

M. le président. Madame Cartron, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par Mme la rapporteure ?

Mme Françoise Cartron. Oui, monsieur le président, je rectifie l’amendement n° 38 et je retire l’amendement n° 39.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 38 rectifié, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, et qui est ainsi libellé :

I.- Alinéa 2, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

La liste est établie, après avis du Haut conseil du patrimoine monumental, par décret au plus tard un an après l’entrée en vigueur de la loi n° … du … relative au patrimoine monumental et ouvre droit au transfert des monuments figurant sur la liste pour une durée d’un an à compter de sa publication.

II.- En conséquence, au début de la deuxième phrase du même alinéa

remplacer le mot :

Il

par les mots :

Le Haut conseil du patrimoine monumental

Dans ces conditions, l’amendement n° 39 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 38 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2 rectifié ter, présenté par Mme Férat, M. Legendre, Mme Morin-Desailly, M. Détraigne, Mme N. Goulet, M. Maurey, Mme Goy-Chavent, MM. Namy, Merceron, Tandonnet, Vanlerenberghe et Delahaye et Mme Létard, est ainsi libellé :

Alinéa 2, troisième phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le caractère transférable est apprécié au regard de critères définis par le Haut conseil du patrimoine monumental, qui incluent les critères retenus pour établir la liste annexée au décret n° 2005–836 du 20 juillet 2005, relatif aux conditions de transfert de la propriété de monuments historiques aux collectivités territoriales et pris en application de l’article 97 de la loi n° 2004–809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Cet amendement a été défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, car il nous paraît assez dangereux : dans la rédaction qui résulterait de son adoption, l’article 1er ne garantirait aucunement un cadre susceptible de protéger les monuments historiques dont il convient de rappeler l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable, car la référence aux critères de la commission Rémond lui paraît tout à fait opportune, ne serait-ce que pour ne pas remettre en question la liste établie sur la base de ses travaux en 2003–2004.

En revanche, il doit être bien clair que ces critères seront complétés par d’autres éléments d’appréciation qui se dégageront au fil des travaux du Haut conseil, en fonction des monuments très divers qu’il aura à examiner ainsi que des contraintes spécifiques que pose notamment leur conservation.

Il est important que chaque cas soit examiné de façon approfondie, sur un plan tant historique que technique, avant de déterminer si le monument peut être transféré. Cette démarche me semble tout à fait logique et conforme à l’esprit de protection que nous souhaitons tous voir prévaloir.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié ter.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 2, quatrième phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Il se prononce sur le caractère transférable de tous les monuments concernés par une demande de transfert ou de cession.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Il s’agit de renforcer le rôle du Haut conseil du patrimoine en prévoyant sa consultation systématique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je souhaite bien du plaisir aux membres du Haut conseil lorsqu’ils se trouveront confrontés à l’engorgement terrifiant qui s’annonce !

Il est important de garantir l’indépendance du Haut conseil en instaurant un double mode de saisine pour l’examen des monuments, auto-saisine ou saisine par le ministre de la culture, sans parler de la saisine obligatoire en cas de projet de vente.

Il s’agit également de lui permettre d’organiser ses travaux ponctuellement selon les besoins liés aux restructurations administratives ou, de façon plus méthodique, au long cours, pour l’établissement de la liste qui résultera de l’examen de l’ensemble du patrimoine monumental. Cet amendement lui retire cette faculté.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a précisé les textes votés en janvier pour soumettre au Haut conseil tout projet de cession, ce qui satisfait, me semble-t-il, votre préoccupation.

Le Gouvernement est donc défavorable à l’adoption d’un tel amendement, qui compliquerait considérablement des dispositions qui sont déjà assez lourdes à manier.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 8, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 2, dernière phrase

1° Remplacer les mots : 

sont informés de tout projet de bail emphytéotique administratif d’une durée supérieure ou égale à trente ans 

par les mots : 

doivent également se prononcer sur tout projet de bail emphytéotique administratif 

2° En conséquence, supprimer les mots : 

; ils peuvent rendre un avis lorsqu’un tiers au moins d’entre eux le demande

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Il s’agit non pas d’engorger le Haut conseil, mais de lui permettre de jouer véritablement son rôle.

Nous souhaitons, comme je l’ai dit dans la discussion générale, que la question du bail emphytéotique administratif puisse être soumise au Haut conseil du patrimoine.

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Alinéa 2, dernière phrase

I. – Remplacer les mots :

sont informés de

Par les mots :

se prononcent sur

II. – Supprimer les mots :

; ils peuvent rendre un avis lorsqu’un tiers au moins d’entre eux le demande

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 41 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 8 ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. L’information obligatoire du Haut conseil lui permet de se saisir des baux emphytéotiques qui pourraient être consentis sur des biens particulièrement délicats.

Les amendements qui portent sur ce sujet visent tous à faciliter la saisine du Haut conseil et à réduire la durée des baux qui lui seraient soumis, au point de lui présenter des baux qui n’ont plus rien d’emphytéotiques. Cela créera un encombrement – j’y reviens – qui le gênera dans ses autres missions. Imposer un examen systématique, c’est dissuader de prendre des mesures de protection ultérieures pour des biens actuellement non protégés.

Enfin, il convient de rappeler le caractère très récent de la disposition législative autorisant l’État et ses établissements publics à conclure des baux emphytéotiques, au contraire de ce qui était possible pour les collectivités territoriales.

J’ajoute que le principe du bail emphytéotique, et c’est en cela qu’il est préférable à une vente, est précisément de permettre d’encadrer les conditions d’utilisation du monument et de dénoncer le bail en cas de manquement.

Au titre de la législation sur les monuments historiques, le ministère de la culture est consulté sur les utilisations possibles des monuments en cas de bail de longue durée. Il est à même de préciser les conditions de conservation et les précautions d’utilisation à respecter.

Telles sont les raisons pour lesquelles cet amendement ne me paraît pas utile : l’avis est défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 43 rectifié, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les projets de baux emphytéotiques ne peuvent porter ni sur les cathédrales, leurs cloîtres et leurs palais épiscopaux attenants, ni sur les abbayes-mères, ni sur les monuments d’intérêt national ou fortement symboliques au regard de la Nation.

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Cet amendement de coordination avec un amendement précédent se justifie par son texte même.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. Avis favorable, conformément à l’amendement précédent qui stipulait les mêmes types de monuments.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Le sujet, les cathédrales et leurs annexes, ne me semble pas pertinent, madame Cartron, compte tenu de leur régime spécifique issu de la loi concernant la séparation des Églises et de l’État de 1905. Si la loi de 1907 prévoit expressément une clause, c’est bien celle d’affectation obligatoire au culte pour ces édifices. Ils resteront donc, sauf dans les cas de désaffection cultuelle, à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion.

Il n’y a pas de raison de se priver, pour les autres bâtiments religieux qui ne sont pas affectés à l’exercice du culte, d’un mode de gestion qui permet de les conserver dans le patrimoine de l’État.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.

Mme Françoise Férat. J’ai l’intention de voter cet amendement.

En effet, si le cas des cathédrales a été évoqué, il ne faut pas oublier celui des abbayes. Je pense notamment à l’abbaye de Fontevraud, mais des cas similaires pourraient se présenter.

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

M. Jacques Legendre. Cet amendement ne paraît effectivement pas utile s’agissant des cathédrales, qui ne peuvent pas être cédées, conformément à la loi concernant la séparation des Églises et de l’État.

S'agissant des abbayes, l’amendement évoque spécifiquement les abbayes-mères. À ma connaissance, Cîteaux et Clairvaux sont des abbayes-mères, mais pas Fontevraud. Y en a-t-il d’autres ?

Avant de déterminer ma position, j’aimerais que M. le ministre nous apporte quelques précisions sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur Legendre, je vous remercie de me faire passer un grand oral. (Rires.) Je pourrais vous dresser la liste complète des abbayes-mères, pères, oncles, tantes, enfants, orphelines, cousines, adoptées, recueillies, pacsées, mariées… bref, vous présenter une typologie de toutes les sortes d’abbayes, mais je ne le ferai pas ce soir. (Nouveaux rires.)

Je conçois que l’on puisse entrer dans une abbaye pour étudier cette question durant les quelques années qui viennent, mais je ne crois pas nécessaire, malheureusement, monsieur Legendre, d’aller plus loin ce soir dans la définition et la typologie des abbayes qui pourraient concerner la présente proposition de loi. Veuillez m’excuser de vous faire ainsi défaut.

M. François Rebsamen. C’est bien dit !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le Haut conseil du patrimoine monumental est guidé dans ses décisions par le principe d’inaliénabilité des monuments inscrits ou classés. La cession et le bail emphytéotique ne sont consentis qu’à titre exceptionnel et ne peuvent en aucun cas constituer un mode de gestion global et pérenne du patrimoine monumental de l’État comme des collectivités territoriales.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise à faire du bail emphytéotique une exception, un mode de gestion dérogatoire. Cela ira dans le sens de l’intérêt général et permettra d’éviter un engorgement trop important du Haut conseil. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je suis désolé d’avoir agacé Mme la sénatrice Cukierman en évoquant l’engorgement du Haut conseil…

L’avis du Gouvernement est défavorable. Il ne s’agit pas de faire de la cession et du bail emphytéotique le mode de gestion privilégié du patrimoine monumental de l’État ; il s’agit d’avoir à disposition les outils nécessaires à une gestion au plus près des bâtiments et de leur conservation, en lien avec les besoins de l’État et de ceux que les collectivités territoriales pourraient exprimer en souhaitant le transfert de tel ou tel monument.

Nous ne créons pas un système de priorité pour le bail emphytéotique : nous disons simplement que c’est une méthode extrêmement commode et qui est utilisée quand cela est possible, c’est tout !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 45, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 3° Se prononce sur l’opportunité de déclassement du domaine public de tout monument historique appartenant à l’État ;

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Son objet suffit à défendre cet amendement. J’indique dès à présent qu’il en ira de même en ce qui concerne l’amendement n° 51.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. La commission est favorable à l’amendement n° 45.

Je précise toutefois qu’il s’agit non plus, comme le précise son objet, d’un amendement de repli par rapport à une proposition de rédaction exhaustive de l’article, qui a été retirée, mais d’une proposition à part entière.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. La motivation de cet amendement me laisse quelque peu perplexe. Il ne s’agit pas de cautionner un déclassement en vue d’une revente. Il s’agit pour le Haut conseil d’évaluer si cette revente et ses motifs ne sont pas constitutifs d’un détournement de la loi pour des raisons financières.

Avec cet amendement visant à supprimer cette obligation pour les déclassements en vue de revente par les collectivités territoriales, un garde-fou important de la loi, qui n’avait jusqu’alors jamais été remis en cause, disparaîtrait. J’en suis vraiment surpris.

À l’inverse, on peut s’interroger sur la pertinence de la consultation du Haut conseil pour le déclassement de monuments de l’État dans la mesure où il aura déjà examiné le caractère transférable ou non d’un monument.

J’ajoute que le déclassement du domaine public dans le domaine privé d’un monument peut être opéré pour d’autres raisons que sa revente, mais simplement au vu de l’évolution de son utilisation, afin d’en faciliter au mieux la gestion.

Ce serait le cas, par exemple, si l’État décidait de transformer une caserne classée en logements locatifs. La question se pose : ainsi, à Metz, des casernes inoccupées s’étendent sur des kilomètres.

Le Gouvernement est donc très nettement défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Nous retirons l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 45 est retiré.

L'amendement n° 51, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Alinéa 10, première phrase

Remplacer les mots :

Lorsqu’un monument historique est identifié comme susceptible d’avoir une utilisation culturelle, le Haut conseil du patrimoine monumental formule des prescriptions

Par les mots :

Le Haut conseil du patrimoine monumental formule des prescriptions en vue de l’utilisation culturelle de tout monument historique

Cet amendement a été défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

La motivation de cet amendement est que tout monument historique doit avoir une utilisation culturelle. Je vais me permettre d’exprimer un point de vue différent.

Le ministère de la culture protège au titre des monuments historiques des biens d’une très grande diversité, et c’est cet éclectisme qui fait tout l’intérêt de la démarche.

Aussi, vouer les monuments historiques à un usage strictement culturel est, me semble-t-il, un contresens. Cela risque de freiner les mesures de protection, de faire éclore des projets culturels mal évalués et peu pertinents, mais aussi de limiter le contact du public avec ces monuments, car seuls y pénétreraient ceux qui fréquenteraient le lieu pour son activité culturelle.

Au contraire, ce que je souhaite, c’est que les monuments fassent partie de la vie de tout un chacun. Je souhaite ainsi que les enfants puissent avoir la chance d’aller dans une école protégée au titre des monuments historiques, qui leur serait présentée et expliquée comme telle, que les étudiants puissent étudier ou se loger dans de tels monuments, que les entreprises ou les administrations puissent y installer leurs bureaux lorsque c’est possible, et ce, évidemment, dans le respect des dispositions architecturales et décoratives ayant justifié la protection de l’immeuble concerné.

C’est un point très important. De nombreux monuments ont été sauvés parce qu’on leur a attribué une fonction qui n’était pas uniquement culturelle. Si on s’était limité à la seule fonction culturelle, on n’aurait pas pu leur attribuer une autre fonction et ces monuments seraient inéluctablement tombés en ruines. C’est ainsi que Villers-Cotterêts et d’autres lieux, tels Royaumont, ont pu être sauvés. Allez sur place et vous vous en rendrez compte. Que de monuments ont été ainsi sauvés, ne serait-ce que parce qu’il a été possible d’y loger des gens de telle ou telle catégorie sociale que l’on souhaitait aider !

Cet amendement va à l’encontre de l’objectif de la proposition de loi, qui est de permettre de protéger le patrimoine dont nous avons la charge, tel qu’il existe. Vouloir absolument qu’un monument historique ne puisse avoir qu’une fonction culturelle me semble être une grave erreur.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je suis tout à fait opposée à cet amendement pour les raisons que vient d’indiquer M. le ministre.

J’ajoute en outre qu’il va falloir animer les monuments historiques qui seront transférés. Or, les finances publiques, les finances des collectivités territoriales, ainsi que celles des associations sont dans un état de grande misère. À titre d’exemple, le pauvre département de l’Orne a décidé de ne faire que du culturel avec un certain nombre de monuments. Les collectivités locales, les intercommunalités se sont endettées, mais elles n’arrivent absolument pas à faire vivre ces monuments.

Prévoir que les monuments historiques ne peuvent accueillir que des activités culturelles ne permettra pas d’en faire un usage vivant.

Je ne suis pas une spécialiste de la culture, vous l’avez compris, mais je connais bien les territoires, et je pense que cet amendement est absolument contre-productif. Aussi, je ne le voterai pas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.

(L'amendement est adopté.)

M. Frédéric Mitterrand, ministre. C’est une erreur !

M. le président. L'amendement n° 48, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art L. 611-2-1. – Le Haut conseil du patrimoine monumental est saisi par le ministre en charge du domaine de l’État de tout projet de vente ou de bail emphytéotique d’une durée supérieure à trente ans concernant un bien immobilier à caractère historique, artistique ou patrimonial appartenant à l’État et situé hors du territoire français. Il se prononce sur le bien fondé du déclassement en appréciant les conditions d’utilisation prévues de l’immeuble cédé ou octroyé par bail. Son avis est transmis aux ministres compétents, dans les conditions prévues à l’article 4 de la loi n° … relative au patrimoine monumental de l’État.

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Cet amendement tend à donner compétence au Haut conseil du patrimoine monumental sur les projets de ventes et de baux emphytéotiques concernant les monuments de l’État situés à l’étranger.

Octroyer au Haut conseil une compétence globale sur les cessions par ventes ou baux de tous les monuments situés en France comme à l’étranger lui conférera une légitimité réelle et incontestable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Il ne faut pas céder au découragement… L’adoption de l’amendement n° 51, qui tend à prévoir qu’un monument historique ne peut avoir qu’une fonction culturelle, va rendre la loi quasiment inapplicable, vous le verrez, avec le temps et lors des autres lectures. Cet amendement a en quelque sorte torpillé le texte. Ce n’est pas bien. Je souhaite bien du courage à tous ceux qui souhaiteront affecter, dans leur circonscription ou dans les lieux où ils travaillent, des bâtiments à des activités autres que culturelles afin de les sauver.

J’en viens à l’amendement n° 48. Le Gouvernement émet un avis défavorable J’ai le souvenir d’un monument dont j’ai eu la charge, à savoir la Villa Médicis à Rome. Si elle bénéficiait d’une sorte de statut d’extraterritorialité, elle dépendait néanmoins totalement des législations romaine et italienne. Il n’est donc pas nécessaire d’étendre des dispositions qui, de toute façon, sont inapplicables dans les pays où se trouvent les monuments historiques.

Ce n’est pas parce que le Gouvernement est défavorable à cet amendement qu’il se désintéresse des monuments historiques situés à l’étranger. Simplement, c’est là une autre question, qui ne relève pas du texte que nous examinons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 2

Article additionnel après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 52, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 621–29–2 du code du patrimoine, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. … . – Les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques appartenant à l’État ou aux collectivités territoriales sont inaliénables et imprescriptibles au sens de l’article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques. »

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Cet amendement tend à réaffirmer le caractère inaliénable et imprescriptible des monuments historiques classés et inscrits de l’État et des collectivités territoriales.

Je considère que cet amendement est défendu, car nous avons déjà évoqué cette question.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. Compte tenu des enjeux liés à la protection du patrimoine monumental de notre pays et au regard de la politique immobilière mise en place par France Domaine, il est de notre devoir de réaffirmer sans ambiguïté ces principes, même s’ils sont difficiles à prononcer (Sourires.), qui sont valables aussi bien pour les monuments historiques de l’État que pour ceux des collectivités territoriales.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Je pense qu’il est tout à fait maladroit et inapplicable de vouloir créer un principe général dans ce domaine. Ce serait une manière d’empêcher toutes les cessions. Ce qui est important, c’est d’assurer la protection du bâtiment historique et non de prévoir son inaliénabilité, laquelle rend souvent le bien non transférable.

Ce qu’il faut, c’est pouvoir confier à la Haute autorité ou au Haut conseil un examen au cas par cas. C’est ainsi qu’une véritable politique peut se construire. Procéder autrement – par dogmatisme, il faut bien le dire – serait rendre la loi inapplicable, comme vous l’avez fait en votant l’amendement qui a déjà torpillé la proposition de loi.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Sur cet amendement également, je partage l’avis de M. le ministre.

L’objectif est bien de protéger le patrimoine. On ne peut pas pierre par pierre transférer à Doha ou à Pékin un château de la Loire, un monument ou une abbaye, qu’il s’agisse d’une abbaye-mère, fille ou tante, comme l’a dit voilà quelques instants M. le ministre. Les biens resteront en France, où ils seront entretenus – leur toiture sera réparée – et chauffés, ce qu’aucune collectivité ne peut plus faire dans notre pays.

Je ne vois donc pas l’intérêt de réaffirmer le caractère inaliénable et imprescriptible des monuments historiques. Les biens ne vont pas quitter demain matin le territoire national. Personne n’a envie aujourd'hui de déménager le patrimoine !

La proposition de loi qui nous est soumise prévoit, si j’ai bien compris un texte qui ne dépend pas de ma commission et qui porte sur un sujet que je ne connais pas du tout, de protéger le patrimoine. Il ne s’agit pas de le mettre sous cloche ! Nous avons tous dans nos collectivités des bâtiments que nous n’avons pas les moyens d’entretenir.

Ce soir, il y a le prix Pèlerin, qui récompense les associations ayant sauvé des monuments. Chacun essaie de sauvegarder son patrimoine avec des bouts de ficelle, à l’aide de subventions, de la réserve parlementaire, de fondations. De grâce, mes chers collègues, n’ajoutez pas la misère à la misère !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Les sujets que nous évoquons sont d’une très grande importance, à l’instar de l’amendement tendant à prévoir que les monuments historiques ne peuvent être affectés qu’à des activités culturelles. Je le répète : son adoption est, selon moi, vraiment une erreur.

Dans le domaine dont nous parlons, les choses fonctionnent ensemble. Je rappelle que l’excellente loi de 1913 protège les monuments historiques, et ce quel que soit leur propriétaire. Elle permet aux biens de changer de mains tout en restant protégés. Leur permettre de changer de mains, c’est ajouter une protection supplémentaire. Au lieu de les laisser tomber en ruines, on permet à quelqu’un de les reprendre et de les sauver. (M. Roland du Luart fait un signe d’approbation.)

M. Jacques Legendre. Bien sûr !

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Rendre un bien inaliénable, c’est empêcher son transfert et le mener à la ruine. C’est l’effet qu’aura également l’amendement n° 51.

La volonté absolue d’appliquer des principes acceptables moralement – l’affectation des monuments historiques à des activités exclusivement culturelles, le caractère inaliénable et imprescriptible des monuments historiques –mais totalement contre-productifs d’un point de vue pratique produit des résultats contraires aux objectifs que nous partageons en termes de défense du patrimoine.

J’attire votre attention sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs. Il ne faut pas que l’on commette des erreurs pareilles !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. J’ai bien entendu ce que vous venez de nous dire, monsieur le ministre : il est vrai que le changement de mains peut être une protection supplémentaire, mais ce n’est pas toujours le cas.

Ainsi, j’ai en mémoire le rachat par des compagnies japonaises – j’ai beaucoup d’admiration pour le Japon, ce que je vais dire ne concerne pas ce pays en tant que tel – d’un certain nombre de châteaux.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Elles ont été poursuivies !

M. David Assouline. Je ne vais pas les citer ici, mais elles ont pris le mobilier, tout ce que ces châteaux contenaient, car, pour elles, c’était cela qu’il fallait conserver. En revanche, elles ont laissé les châteaux tomber en décrépitude !

Vous avez raison, monsieur le ministre, de dire qu’un changement de mains peut être une protection supplémentaire, mais cela peut aussi être l’inverse. Nos travaux doivent nous prémunir contre les travers que vous dénoncez, mais également contre ceux que je viens de décrire.

Nous allons retirer cet amendement, monsieur le président, mais je tenais à ce que l’on ait à l’esprit ce que je viens de signaler.

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. Je serai bref car le temps presse.

Monsieur le ministre, je suis assez surpris par votre conception quelque peu restrictive de la notion de culture.

La culture, au sens large, irrigue toute la vie. Lorsque des bâtiments sont destinés à la culture, ils sont destinés à la vie. Je pense par exemple aux logements sociaux. Pour moi, la mixité sociale, c’est une politique culturelle.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je suis ravi de voir qu’avec vous la notion de culture s’étend sans cesse ! J’étais moi aussi sur le point, monsieur Rebsamen, de vous proposer que les logements étudiants deviennent culturels et d’inscrire parmi les critères définissant le domaine culturel tout un ensemble d’activités nouvelles ! (Sourires.) Je pense malgré tout que votre proposition revient à jouer un peu avec les mots et qu’elle pourrait conduire à prendre des risques dont nous pouvons nous dispenser.

M. le président. Madame Cartron, l’amendement n° 52 est-il maintenu ?

Mme Françoise Cartron. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 52 est retiré.

Article additionnel après l'article 1er
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Article 2 bis

Article 2

(Supprimé)

Article 2
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Article 3

Article 2 bis

I. – Après l’article L. 622-1 du code du patrimoine, sont insérés des articles L. 622-1-1 et L. 622-1-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 622-1-1. – Un ensemble ou une collection d’objets mobiliers dont la conservation dans son intégrité présente un intérêt public en raison de sa qualité historique, artistique, scientifique ou technique et de sa cohérence peut être classé au titre des monuments historiques comme ensemble historique mobilier par décision de l’autorité administrative. Cet ensemble ne peut être divisé ou dispersé sans autorisation de cette autorité.

« Les effets du classement s’appliquent à chaque élément de l’ensemble historique mobilier classé et subsistent pour cet élément s’il est dissocié de l’ensemble.

« Art. L. 622-1-2. – Lorsque des objets mobiliers classés ou un ensemble historique mobilier classé au titre des monuments historiques sont rattachés par des liens historiques ou artistiques à un immeuble classé au titre des monuments historiques et forment avec lui un ensemble cohérent de qualité dont la conservation dans son intégrité présente un intérêt public, ces objets mobiliers ou cet ensemble historique mobilier peuvent être grevés d’une servitude de maintien in situ par décision de l’autorité administrative. Leur déplacement est alors subordonné à une autorisation de cette autorité. En cas de désaccord avec celle-ci, le Haut conseil du patrimoine monumental peut se saisir et rendre un avis.

« La servitude peut être prononcée en même temps que la décision de classement ou postérieurement à celle-ci. »

II. – Après l’article L. 622-4 du même code, sont insérés des articles L. 622-4-1 et L. 622-4-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 622-4-1. – Un ensemble ou une collection d’objets mobiliers appartenant à un propriétaire autre que l’État peut être classé au titre des monuments historiques comme ensemble historique mobilier, avec le consentement du propriétaire, par décision de l’autorité administrative prise après avis de la Commission nationale des monuments historiques.

« À défaut de consentement du propriétaire, le classement d’office est prononcé par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale des monuments historiques.

« Le classement peut donner lieu au paiement d’une indemnité représentative du préjudice résultant pour le propriétaire privé de l’application de la servitude de classement d’office. La demande d’indemnité doit être produite dans les six mois à dater de la notification du décret de classement. À défaut d’accord amiable, l’indemnité est fixée par le tribunal d’instance.

« Art. L. 622-4-2. – La servitude de maintien in situ d’un objet mobilier classé ou d’un ensemble historique mobilier classé est prononcée, avec le consentement du propriétaire, par décision de l’autorité administrative prise après avis de la Commission nationale des monuments historiques.

« Elle peut être levée, sur demande du propriétaire, dans les mêmes conditions. »

III. – (Non modifié)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis.

(L'article 2 bis est adopté.)

Chapitre II

Centre des monuments nationaux

Article 2 bis
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Article 4

Article 3

Après le troisième alinéa de l’article L. 141-1 du code du patrimoine, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Afin de contribuer au développement culturel équilibré du territoire national par l’ouverture la plus large au public des monuments qui lui sont confiés, le Centre des monuments nationaux assure une juste répartition de ses moyens de fonctionnement entre ces monuments, dont la liste est établie par décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)

Chapitre III

Transferts de propriété des monuments historiques classés ou inscrits de l’État aux collectivités territoriales

Article 3
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Article 5

Article 4

Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent se porter candidats pour obtenir le transfert de propriété de monuments historiques classés ou inscrits en application du titre II du livre VI du code du patrimoine, figurant sur une liste établie par décret après évaluation de leur caractère transférable par le Haut conseil du patrimoine monumental mentionné à l’article L. 611-2 du même code.

Le transfert des immeubles peut s’accompagner du transfert des objets mobiliers qu’ils renferment, sans préjudice des dispositions particulières applicables auxdits objets.

Le transfert de propriété d’un monument historique ne peut concerner que l’intégralité de l’immeuble ou de l’ensemble domanial. Ce transfert ne peut se faire que dans le respect des conditions imposées par les dons et legs.

M. le président. La parole est à M. Pierre Bordier, sur l'article.

M. Pierre Bordier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite simplement rappeler l’importance de l’article 4 de la proposition de loi, qui insère un dispositif de sécurisation en définissant le caractère transférable des monuments historiques de l’État.

Dans son premier alinéa, il dispose que les monuments, afin de pouvoir faire l’objet d’une demande de transfert par les collectivités locales et leurs groupements, devront être jugés transférables par le Haut conseil du patrimoine monumental et inscrits sur une liste établie par décret.

Le deuxième alinéa énonce que le transfert des immeubles peut s’accompagner du transfert des biens meubles qu’ils renferment, sans toutefois que ce soit systématique.

Enfin, le transfert devra désormais concerner le monument dans son ensemble. Cette disposition permettra d’éviter à l’avenir le découpage des monuments dont une partie seulement est transférée. Un tel démantèlement entraîne des difficultés de gestion et aboutit à des situations illogiques, contraires à la mise en valeur des monuments en question.

L’article vise donc à mettre fin à ces situations de parcellement des transferts, ce qui me paraît indispensable à la conservation de notre patrimoine.

Le groupe UMP se réjouit par conséquent que la nouvelle majorité sénatoriale soit revenue sur sa demande de suppression de l’article. Il souhaite en revanche que celui-ci soit conservé dans sa rédaction initiale. (Mme Colette Mélot et M. Jacques Legendre applaudissent.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 17, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigés :

, dans un délai de dix-huit mois suivant l’inscription des monuments sur ladite liste. Tous les dix ans à compter de l’inscription des monuments historiques sur la liste établie par décret, après évaluation de leur caractère transférable par le Haut conseil du patrimoine monumental et dans le respect du délai de dix-huit mois, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent se porter de nouveau candidat pour le transfert des monuments historiques figurant sur la liste.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, je retire cet amendement dans un souci de clarté avec l’amendement n° 57.

M. le président. L’amendement n° 17 est retiré.

L'amendement n° 57, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

, dans un délai d'un an suivant la publication de ce décret

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. La commission émet un avis favorable, d’autant plus que cet amendement et l’amendement n° 17, bien que de rédactions différentes, visaient le même objectif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable. Il est important de ne pas rigidifier les procédures instituées par des délais qui ne permettraient pas une bonne gestion du monument. Cela pourrait compromettre, précisément, sa bonne conservation durant les périodes intermédiaires.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 58, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

Lorsque les objets mobiliers que renferme l’immeuble ont été classés conformément aux articles L. 622–1–1 et L. 622–4–1 du code du patrimoine, le transfert de l’immeuble s’accompagne du transfert de ces biens meubles.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Je serai très bref car cet amendement est en lien avec ce que j’ai précédemment évoqué. Il tend à affirmer l’indissociabilité des biens meubles avec le monument qui les renferme quand ce dernier est transféré.

Il me semble que cet objet suffit à défendre l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 59, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Compléter cet article par cinq alinéas ainsi rédigés :

Toute vente d’un monument historique appartenant à l’État situé sur le territoire national ou d’un bien immobilier du domaine public de l’État français situé hors du territoire français à une personne privée ou à une personne publique est soumise à l’avis du Haut conseil du patrimoine monumental. Il se prononce sur l’opportunité du déclassement et sur le bien fondé de la vente en appréciant les conditions de vente et d’utilisation prévue de l’immeuble cédé ainsi que les éventuels travaux prévus.

Après avis du Haut conseil du patrimoine monumental, le ministre chargé des monuments historiques transmet le dossier au ministre chargé du domaine de l’État qui l’instruit.

Après accord du ministre chargé du domaine de l’État, le ministre chargé des monuments historiques désigne la personne bénéficiaire.

L’acte de cession sur lequel figurent le prix de la cession ainsi que les éventuels indemnités, droits, taxes, salaires ou honoraires perçus et la destination envisagée de l’immeuble ainsi que les travaux prévus, est publié au Journal officiel.

La décision de vente est susceptible de recours devant la juridiction administrative. Le recours peut être formé par toute personne publique ou privée ayant intérêt à agir, dans un délai de deux mois suivant la publication au Journal officiel de l’acte de cession.

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Cet amendement vise à encadrer et contrôler les conditions de vente d’un monument appartenant à l’État français situé en France ou d’un bien situé sur le sol d’un État étranger, quelle que soit la personne bénéficiaire, afin d’éviter que le patrimoine national ne soit bradé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. La commission émet un avis favorable sur cet amendement. Il revêt certes un aspect quelque peu notarial (Mme Françoise Cartron sourit.) mais, en la matière, on n’est jamais trop prudent ! (Mme Nathalie Goulet opine.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur Assouline, mes collaborateurs me précisent que j’aurais dû développer mon argumentaire sur l’amendement n° 58, il aurait peut-être pu ne pas être adopté. Mais, je dois le dire, je n’avais pas envie d’engager avec vous une course-poursuite pour tenter de rattraper les cheminées Henri II envolées au Japon, même si l’argument que vous avez précédemment présenté sur les châteaux qui ont été « désossés » était tout à fait intéressant. Il est vrai que cette affaire avait beaucoup choqué, mais je tiens à rappeler que les personnes qui se sont prêtées à ces agissements délictueux ont été poursuivies, et que certaines d’entre elles, se trouvant sur le territoire national, ont même été arrêtées et condamnées.

En ce qui concerne l’amendement n° 59, dès lors que le monument a été évalué par le Haut conseil du patrimoine monumental comme ne justifiant pas son maintien dans le domaine de l’État, que par ailleurs il n’est pas susceptible d’une utilisation culturelle, le contrôle par le Haut conseil sur les utilisations futures d’un bien cédé apparaît dans ces conditions comme excessif et redondant par rapport à la surveillance des services de l’État. Il consiste à créer une procédure de cession spécifique pour les monuments historiques qui me semble inutile dans la mesure où les obligations liées à son caractère de monument historique protégé s’imposent à ses propriétaires successifs sur tout le territoire national. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, je vis un moment de grand bonheur parlementaire ! En effet, l’article 7 de la loi de finances rectificative pour 2009 a fait acheter la salle Pleyel par l’État pour 70 millions d’euros. Il me souvient d’ailleurs que tout le monde avait voté pour, sauf deux de mes collègues qui, par charité, ont voté en faveur de mon amendement.

Cette salle a d’abord fait l’objet d’un contrat de bail qui n’était même pas soumis aux Domaines, puis d’une vente acceptée par le rapporteur général de la commission des finances de l’époque, M. Marini, qui n’a jamais été aussi peu regardant sur les dépenses de l’État. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.). L’État a donc racheté la salle Pleyel dans des conditions tout à fait aberrantes. Il me paraît donc très intéressant que l’on encadre aujourd'hui aussi strictement les conditions de vente d’un monument historique. Si je regarde en arrière, je trouve tout à fait dommage que l’on ait dépensé tout cet argent public qui aurait pu servir à nos collectivités. Reportez-vous au débat sur la loi de finances rectificative et voyez ! L’amendement que j’avais déposé alors connaît aujourd'hui une victoire posthume ! (Mme Françoise Férat sourit.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 60, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Compléter cet article par cinq alinéas ainsi rédigés :

Tout projet de bail emphytéotique d’une durée supérieure ou égale à trente ans sur un monument historique ou un bien immobilier du domaine public de l’État français au profit d’une personne privée ou d’une personne publique est soumis à l’avis préalable du Haut conseil du patrimoine monumental. Il se prononce sur l’opportunité de l’octroi du bail en appréciant les conditions d’exercice et la durée du bail et l’utilisation prévue de l’immeuble pendant la durée du bail ainsi que les éventuels travaux prévus.

Après avis du Haut conseil du patrimoine monumental, le ministre chargé des monuments historiques transmet le dossier au ministre chargé du domaine de l’État qui l’instruit. 

Après accord du ministre chargé du domaine de l’État, le ministre chargé des monuments historiques désigne la personne bénéficiaire du bail emphytéotique.

L’acte d’octroi de bail sur lequel figurent les conditions auxquelles il a été accordé et la destination envisagée de l’immeuble ainsi que les travaux prévus, est publié au Journal officiel.

La décision d’octroi de bail emphytéotique d’une durée supérieur ou égale à trente ans est susceptible de recours devant la juridiction administrative. Le recours peut être formé par toute personne publique ou privée ayant intérêt à agir, dans un délai de deux mois suivant la publication au Journal officiel de l’acte d’octroi de bail.

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 60 est retiré.

Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
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Article 6

Article 5

Les monuments historiques dont la demande de transfert de propriété est accompagnée d’un projet culturel sont cédés aux collectivités territoriales ou à leurs groupements à titre gratuit. Leur transfert ne donne lieu au paiement d’aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraires. La collectivité territoriale ou le groupement de collectivités bénéficiaire a pour mission d’assurer la conservation du monument, d’en présenter les collections, d’en développer la fréquentation et d’en favoriser la connaissance.

Les autres monuments historiques sont cédés par l’État à titre onéreux dans les conditions applicables aux cessions du domaine de l’État.

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, sur l'article.

Mme Colette Mélot. Le transfert d’un monument historique de l’État à une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités peut répondre à deux logiques : soit la collectivité entend faire une utilisation culturelle du bien dont elle demande le transfert, soit elle n’appuie sa demande sur aucun dessein culturel.

L’article 5 prévoit une distinction entre ces deux situations et en tire les conséquences au niveau des relations financières entre l’État et la collectivité bénéficiaire du transfert. Dans le cas où la demande de transfert de la collectivité ou du groupement s’appuie sur un projet culturel, le transfert du monument par l’État s’effectuera à titre gratuit, à charge pour la collectivité d’assurer la conservation, la présentation au public du monument et de ses collections et d’en développer la fréquentation. En revanche, lorsque aucun projet culturel ne sera présenté au soutien de la demande de transfert, celui-ci sera réalisé à titre onéreux.

L’établissement d’une telle distinction me paraît tout à fait adéquat et utile. Cette disposition agira en effet comme une incitation forte pour les collectivités à développer des projets culturels qui mettront en valeur nos monuments historiques. J’ajoute que n’ayant pas le coût financier du transfert à supporter, les collectivités seront mieux à même d’engager des frais pour la préservation et la présentation au public de notre patrimoine monumental.

La suppression de l’article envisagée par Mme Cartron me semblait donc particulièrement irraisonnable. Elle ne répondait à aucune autre logique que celle, malheureusement politique, du plaisir de défaire ce que les collègues de la majorité précédente ont voulu construire. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)

M. David Assouline. Quelle violence !

Mme Colette Mélot. Car nous savons que c’est sur le terrain, dans la collectivité où se trouve le bien, que peuvent être initiés et développés les projets qui serviront au mieux le rayonnement du monument.

Aussi devons-nous inciter les collectivités locales à agir pour les monuments historiques dont elles ont la chance de disposer sur le territoire et à en faire des lieux de bouillonnement de culture, historique, artistique et pédagogique.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 62, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le transfert des monuments historiques classés ou inscrits aux collectivités territoriales et à leurs groupements est effectué à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d’aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraire. La demande de transfert est accompagnée de la présentation d’un projet culturel. La collectivité territoriale ou le groupement bénéficiaire a pour mission d’assurer la conservation du monument, d’en assurer l’accès au public, d’en présenter les collections, d’en développer la fréquentation et d’en favoriser la connaissance.

La vente d’un monument historique classé ou inscrit par une collectivité territoriale ou par un groupement de collectivités, préalablement transféré par l’État à cette collectivité ou à ce groupement, est interdite.

En cas de manquement d’une collectivité ou d’un groupement bénéficiaire à l’une des obligations liées au transfert, l’État peut demander la restitution du monument historique transféré.

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Cet amendement tend à rétablir une seule modalité de transfert des monuments aux collectivités, mis en place en 2004 : le transfert à titre gratuit.

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 1, première phrase

Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :

Les demandes de transfert de propriété de monuments historiques aux collectivités territoriales ou à leurs groupements sont accompagnées d’un projet culturel. Ces monuments historiques sont cédés à titre gratuit et ne peuvent être vendus.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. L’objectif de cet amendement est de s’assurer que le transfert des monuments historiques soit bien accompagné d’un projet culturel.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 21 est présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 64 est présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 21.

Mme Cécile Cukierman. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour présenter l'amendement n° 64.

Mme Françoise Cartron. Il est également défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 62, dont je signale qu’il consiste en une réécriture exhaustive de l’article.

La commission est également favorable aux amendements nos 19, 21 et 64.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. La lecture élargie du concept de culture faite par M. Rebsamen m’a rappelé le fameux canular téléphonique de Francis Blanche qui, se faisant passer pour le directeur d’un établissement pour jeunes délinquants, appelle la directrice d’une institution de jeunes filles pour organiser entre les pensionnaires des soirées récréatives et culturelles ! Je vous conseille vivement de l’écouter, car c’est un des canulars les plus drôles qu’il ait jamais faits !

Quoi qu’il en soit, depuis l’extension du principe des échanges culturels, je serais tenté d’aller dans votre direction. Mais deux précautions valant mieux qu’une, je reste tout de même défavorable aux quatre amendements qui viennent d’être présentés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote sur l’amendement n° 62.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, ayant écouté avec beaucoup d’attention les propos échangés depuis tout à l’heure, je voudrais évoquer un dossier que vous connaissez bien, celui de la prison Saint-Michel à Toulouse. En l’occurrence, l’affirmation selon laquelle « projet culturel » serait synonyme de cession par le biais de la gratuité est pour le moment loin d’être vérifiée.

En effet, et nous n’en avons pas encore parlé pour l’instant, vous et le gouvernement auquel vous appartenez avez l’intention de laisser flotter les rubans après avoir procédé à un classement partiel de la prison Saint-Michel – une partie classée est hors d’atteinte –, afin d’attiser mois après mois la convoitise des promoteurs sur une superficie relativement importante.

Décidément, vous allez devoir inscrire votre action dans une démarche un peu plus vertueuse. Nous débattons depuis une heure des garanties à prendre pour éviter que les collectivités territoriales ne revendent les biens ou ne spéculent, en exigeant qu’elles mettent en place un projet culturel. Mais il n’y a aucun engagement de la part du Gouvernement sur le devenir du patrimoine de l’État, ni, plus largement, sur les points qui ont été abordés aujourd'hui !

Voulez-vous ou non protéger notre pays contre la vente à la découpe de son patrimoine culturel ? Jusqu’à présent, nous n’avons pas du tout avancé sur ce dossier.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. La proposition de loi a précisément pour objet de créer un Haut conseil qui sera chargé de fournir les garanties nécessaires.

Au demeurant, on ne peut pas m’accuser de favoriser les ventes à la découpe. (M. Jean-Jacques Mirassou manifeste son scepticisme.) À ma connaissance, il n’y en a aucune depuis mon entrée en fonction. Et s’il y en avait eu, cela m’aurait vraiment échappé. Or j’y suis très attentif.

En tant que citoyen, mais aussi en tant que ministre, je partage les préoccupations que vous venez d’exprimer, monsieur Mirassou. Voilà pourquoi je soutiens un texte législatif qui crée un Haut conseil permettant d’éviter les dérives que vous pointez.

Bien évidemment, des cas de figure comme celui que vous évoquez se présenteront peut-être parfois. Il appartiendra alors au Haut conseil de trancher. Il est là pour cela.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé et les amendements nos 19, 21 et 64 n'ont plus d'objet.

Article 5
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Article 7

Article 6

La demande de transfert des collectivités territoriales ou de leurs groupements concerne les monuments historiques classés ou inscrits qui se trouvent sur leur territoire et sont jugés transférables conformément à l’article L. 611-2 du code du patrimoine. Elle est adressée au ministre chargé des monuments historiques.

À l’appui de leur demande, les collectivités territoriales ou leurs groupements communiquent un dossier précisant les conditions et le mode de gestion dans lesquels elles assureront la conservation et la mise en valeur de l’immeuble, leur capacité financière à assumer le transfert ainsi que le projet culturel associé.

Le ministre chargé des monuments historiques transmet le dossier au ministre chargé du domaine de l’État ainsi qu’au représentant de l’État dans la région. Ce dernier l’instruit et notifie la demande aux autres collectivités territoriales ou à leurs groupements dans le ressort desquels se trouve l’immeuble. Le ministre chargé des monuments historiques recueille l’avis du Haut conseil du patrimoine monumental. Celui-ci formule un avis au regard du projet présenté par la ou les collectivités territoriales candidates.

Après accord du ministre chargé du domaine de l’État, le ministre chargé des monuments historiques désigne la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités bénéficiaire du transfert en fonction des projets culturels présentés. Il peut décider de ne désigner aucun bénéficiaire au vu de l’importance du maintien du bien concerné dans le patrimoine de l’État, de l’intérêt des finances publiques ou de l’insuffisance du projet culturel présenté.

Les décisions de transfert d'un monument historique à une collectivité territoriale ou à un groupement de collectivités territoriales sont publiées au Journal officiel.

Les décisions de transfert sont susceptibles de recours devant la juridiction administrative. Les recours peuvent être formés par toute collectivité ou groupement de collectivités ou toute association ayant intérêt à agir, dans un délai de deux mois suivant la publication au Journal officiel de la désignation de la collectivité ou du groupement bénéficiaire. – (Adopté.)

Article 6
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Article 8

Article 7

Une convention conclue entre l’État et la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités bénéficiaire d’une cession à titre gratuit définit les conditions du transfert de propriété de l’immeuble ainsi que, le cas échéant, des objets mobiliers qui y sont déposés et dont elle rappelle la liste. Elle transfère les droits et obligations attachés aux biens en cause et ceux résultant des contrats en cours. Elle comporte une évaluation de son état sanitaire, indique les conditions de conservation de l’immeuble et des objets mobiliers qui y sont conservés, les travaux nécessaires, notamment pour satisfaire les différentes obligations de mise aux normes, et fournit les informations complètes relatives à l’ensemble des personnels travaillant pour le monument.

Lorsque le monument transféré n’a pas d’utilisation culturelle avant le transfert, la convention précise qui sont, parmi les personnels, ceux nécessaires à son fonctionnement futur et qui seront les seuls transférés.

Elle prévoit une évaluation chiffrée et un calendrier indicatif de l’aide de l’État pour un programme de travaux de restauration si l’état de conservation du monument le justifie.

La convention rappelle les prescriptions liées à l’utilisation culturelle du monument telles que définies à l’article 2. Elle présente également le projet culturel de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités sur la base duquel le transfert à titre gratuit a été décidé. Elle fixe la durée pendant laquelle la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités bénéficiaire s’engage à mettre en œuvre ce projet. Elle fixe notamment les conditions d'ouverture au public et de présentation des objets que renferme le monument.

La convention indique qu’à compter du transfert de propriété et pendant la durée mentionnée au quatrième alinéa, la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaire informe l'État avant tout projet de revente de l'immeuble. Celui-ci peut s'opposer à la cession et demander la résiliation de la convention selon des modalités fixées par cette dernière.

Elle indique que toute revente d’un monument acquis gratuitement est subordonnée à l’avis conforme du ministre chargé des monuments historiques et du Haut conseil du patrimoine monumental, conformément à l’article L. 2141-4 du code général de la propriété des personnes publiques.

Elle indique le tribunal administratif compétent pour connaître des litiges susceptibles de s’élever à l’occasion de son application.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, sur l'article.

Mme Françoise Férat. L’article 7 pose le principe de la convention qui doit lier les parties, c’est-à-dire l’État et la ou les collectivités, afin de définir les conditions de transfert.

J’attire l’attention de mes collègues membres de la majorité sénatoriale : il s’agit vraiment d’une modification que nous devons apporter au texte résultant des travaux de l’Assemblée nationale.

La convention devait préciser un certain nombre de points. Elle prenait ainsi en compte les observations des collectivités interrogées dans le cadre de la réflexion du groupe de travail sur le Centre des monuments nationaux. En effet, un questionnaire avait été envoyé à toutes les collectivités ayant bénéficié d’un transfert en application de la loi de 2004 et avait permis de constater le manque d’information dont certaines avaient pu souffrir, rendant parfois le transfert très lourd et complexe.

En commission, une de nos collègues a insisté hier sur le fait que nous avions transféré des charges supplémentaires aux collectivités locales. J’ai alors rappelé – je me permets de le faire de nouveau – qu’il s’agit d’une dévolution volontaire des collectivités locales.

L’enquête nous avait précisément permis de mesurer et d’apporter des précisions – c’est ce que nous voulons faire figurer dans le texte – sur toutes les informations relatives aux transferts, notamment en matière de personnels.

L’Assemblée nationale a apporté deux types de modifications, provoquant une rupture totale avec l’idée du transfert à titre gratuit, qui impliquait pour le Sénat un projet culturel à durée indéterminée. Si la commission de la culture du Sénat prévoyait plusieurs mesures de précaution en cas d’échec du projet culturel, elle n’en faisait pas un principe pour les transferts à titre gratuit.

Aucun seuil n’est prévu. Le préfet et la collectivité pourraient très bien arrêter un projet culturel d’une courte durée, rien ne l’interdisant en l’état et le ministère de la culture n’ayant aucun contrôle à ce niveau de définition de la convention.

Le garde-fou qui était prévu sur une durée indéterminée – il prévoit qu’en cas de revente du monument la collectivité doit prévenir l’État, ce dernier pouvant s’opposer à la cession – n’est valable que pendant la durée fixée par la convention.

Le retour à l’État n’est même pas nécessairement à titre gratuit dans ce cas, puisque les conditions de résiliation de la convention sont fixées par cette dernière.

Une telle disposition est extrêmement dangereuse pour l’avenir du patrimoine monumental de l’État. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à reprendre la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture, ainsi qu’un amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à dénoncer le fait que « la convention précise qui sont, parmi les personnels, ceux nécessaires » au « fonctionnement futur » d’un monument cédé.

Nous ne comprenons pas que cela puisse justifier la sélection et la réduction du personnel anciennement affecté au monument considéré.

La question du sort des fonctionnaires semble bien loin des préoccupations des rédacteurs de la loi. Or les syndicats ont pointé de nombreux dysfonctionnements concernant la gestion des personnels transférés, dénonçant le droit d’option, qui a malheureusement été synonyme de départ forcé.

Pour le personnel ayant choisi d’intégrer de nouvelles structures, cela a souvent abouti à des reculs en termes de droits individuels ou collectifs, à des remises en cause des acquis sociaux et du régime de temps de travail ou encore à des disparitions de certaines primes ou indemnités, voire à des blocages dans les promotions ou les évolutions de carrière.

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. En effet, si nous cédons des casernes, nous les céderons avec les soldats ; si nous cédons des tribunaux, nous les céderons avec les juges, les avocats et les greffiers ; et si, par malheur, nous devions céder le Sénat, nous le céderions avec les sénatrices et les sénateurs. (Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Jacques Legendre et Roland du Luart sourient.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous voulez mettre tout le monde au chômage !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 3 rectifié ter, présenté par Mme Férat, M. Legendre, Mme Morin-Desailly, M. Détraigne, Mme N. Goulet, M. Maurey, Mme Goy-Chavent, MM. Namy, Merceron, Tandonnet, Vanlerenberghe et Delahaye et Mme Létard, est ainsi libellé :

Alinéa 4

I. - Première phrase

Remplacer les mots :

telles que définies à l'article 2 

par les mots :

telles que définies à l'article L. 611–4 du code du patrimoine

II. - Troisième phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Cet amendement a été défendu. Mais j’insiste : il me semble indispensable que nous le votions tous ensemble, faute de quoi la proposition de loi n’aurait aucun sens.

M. le président. L'amendement n° 31 rectifié, présenté par MM. Mézard et Plancade, Mme Laborde et MM. Alfonsi, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Remplacer les mots :

à l'article 2

par les mots :

à l'article L. 611–4 du code du patrimoine

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement et l’amendement n° 32 rectifié s’inscrivent dans la même perspective que l’amendement n° 3 rectifié ter, déposé par Mme Férat.

Je considère donc que ces deux amendements sont défendus. D’ailleurs, ils n’auront plus d’objet en cas d’adoption de l’amendement n° 3 rectifié ter.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 32 rectifié est présenté par MM. Mézard et Plancade, Mme Laborde et MM. Alfonsi, Tropeano et Vendasi.

L'amendement n° 69 est présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4, troisième phrase

Supprimer cette phrase.

L'amendement n° 32 rectifié a été défendu.

La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 69.

M. David Assouline. Mme Férat s’oppose à une modification adoptée à l’Assemblée nationale et défend un amendement qui reprend les dispositions prévues dans les trois amendements suivants. Il pourrait donc y avoir des querelles de paternité. (Sourires.) Mais ce n’est pas l’objet de mon propos.

À mon sens, le Sénat doit faire bloc, afin que le texte voté par notre assemblée soit celui qui sera adopté à l’issue de l’ensemble du processus parlementaire.

Par conséquent, nous ne nous livrerons à aucune querelle de paternité et nous voterons l’amendement de Mme Férat, dont l’adoption aura pour effet de faire « tomber » les trois amendements suivants, y compris l’amendement n° 69.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. C’est un bel exercice.

Madame Férat, la commission avait, dans sa fougue, émis un avis défavorable sur votre amendement.

Je m’apprêtais à exposer à titre personnel mes considérations sur le bien-fondé de votre amendement, tant sur le fond que sur la forme, puisque la rédaction que vous proposez reprend celle des trois amendements qui suivent.

Par conséquent, c’est avec plaisir que j’en appelle, sans trahir la commission, à la sagesse de notre assemblée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Je suis très heureux de ce que j’entends.

D’ailleurs, je suis moi-même sur le chemin de Damas et, évoluant dans le bon sens, je m’associe au chant séraphique qui retentit dans cette enceinte. (Sourires.)

J’émets donc un avis favorable sur les amendements qui viennent d’être présentés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 31 rectifié, 32 rectifié et 69 n'ont plus d'objet.

Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 25, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 5 et 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement, qui est à nos yeux très important, vise à supprimer toute mention d’une revente dans la convention de cession d’un monument à une collectivité territoriale.

M. le président. L'amendement n° 70, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

La convention indique que, à compter du transfert, la collectivité ou le groupement bénéficiaire ne peut renoncer à l’exploitation culturelle sur la base de laquelle a été conclue la convention. En cas de manquement de la collectivité ou du groupement bénéficiaire à cette obligation, l’État peut demander la résiliation de la convention et la restitution du bien.

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 70 est retiré.

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 4 rectifié ter est présenté par Mme Férat, M. Legendre, Mme Morin-Desailly, M. Détraigne, Mme N. Goulet, M. Maurey, Mme Goy-Chavent, MM. Namy, Merceron, Tandonnet, Vanlerenberghe et Delahaye et Mme Létard.

L'amendement n° 33 rectifié est présenté par MM. Mézard et Plancade, Mme Laborde et MM. Alfonsi, Tropeano et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

La convention indique qu'avant toute revente d'un monument acquis gratuitement, la collectivité ou le groupement de collectivités bénéficiaire saisit le ministre chargé des monuments historiques et le ministre chargé du domaine de l'État qui peuvent, par décision conjointe, en demander la restitution à l'État à titre gratuit.

La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié ter.

Mme Françoise Férat. C’est un amendement de coordination avec l’amendement précédent. Nous proposons de supprimer la durée déterminée du projet culturel pour en revenir au système antérieur.

C’est une disposition importante. En effet, tout comme nombre d’entre vous, je suis une élue locale, et je vois mal comment mettre en place un vrai projet culturel sur une durée déterminée. Certains projets nécessitent plus de temps que d’autres. Certains ont besoin d’être évalués et, le cas échéant, modifiés dans les années qui suivent.

Nous devons donc en revenir au dispositif initialement envisagé.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 33 rectifié.

Mme Françoise Laborde. Je retire cet amendement. En effet, compte tenu des votes intervenus aujourd’hui, la rédaction proposée ne convient plus, puisque la revente ne sera pas autorisée.

M. le président. L'amendement n° 33 rectifié est retiré.

L'amendement n° 71, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

La convention mentionne l’interdiction de revente d’un monument acquis gratuitement par la collectivité ou par le groupement bénéficiaire.

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Je retire cet amendement pour les raisons qui ont été exprimées par Mme Laborde.

M. le président. L'amendement n° 71 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 25 ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Avis défavorable. C’est encore la question de l’inaliénabilité qui ressort. Or vous connaissez le point de vue du Gouvernement sur ce sujet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 4 rectifié ter n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
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Article 9

Article 8

I. – À compter du transfert de propriété, qui vaut transfert de service, les personnels de l’État exerçant leurs fonctions dans le monument transféré et dont la convention mentionnée à l’article 7 de la présente loi fixe la liste sont transférés dans les conditions prévues au titre V de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, sous réserve des dispositions prévues au deuxième alinéa.

Sont transférés aux collectivités territoriales ou aux groupements de collectivités bénéficiaires du transfert de propriété les emplois pourvus au 31 décembre de l’année précédant l’année du transfert du monument, sous réserve que leur nombre global ne soit pas inférieur à celui constaté au 31 décembre de l’antépénultième année précédant ce transfert.

Les charges relatives au fonctionnement du monument transféré supportées par l’État font l’objet d’une compensation correspondant à la moyenne des dépenses actualisées constatées sur une période de trois ans précédant le transfert du monument, diminuées du montant moyen sur la même période des éventuelles réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par les transferts, conformément à l’article 119 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée.

II. – (Non modifié) 

M. le président. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 8
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Article 10

Article 9

Le ministre chargé des monuments historiques suit la mise en œuvre des conventions de transfert à titre gratuit pour ce qui concerne le projet culturel, le programme de travaux de restauration et toute question relative à l’application du code du patrimoine.

Le ministre chargé du domaine de l’État assure une mission de conseil technique sur les incidences juridiques du transfert auprès de la collectivité ou du groupement de collectivités bénéficiaire pendant les trois années qui suivent le transfert effectif.

Le Gouvernement transmet tous les trois ans un bilan et une évaluation de l’application de la présente loi aux commissions permanentes compétentes du Parlement.

En cas d’évolution significative du projet culturel, des ressources humaines, des travaux ou du budget relatifs au monument transféré à titre gratuit, les collectivités territoriales ou les groupements de collectivités bénéficiaires transmettent au représentant de l’État dans la région un rapport pour l’en informer. Elles adressent en outre un bilan complet de l’évolution des données tous les trois ans au ministre chargé des monuments historiques et aux commissions permanentes compétentes du Parlement. – (Adopté.)

Article 9
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Article 12

Article 10

I. – Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un article L. 2141-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 2141-4. – Le déclassement du domaine public en vue de la revente des monuments historiques cédés gratuitement par l’État à une collectivité territoriale ou à un groupement de collectivités territoriales en application de la loi n° … du … relative au patrimoine monumental de l’État ne peut intervenir qu’après avis conforme du Haut conseil du patrimoine monumental en application de l’article L. 611-2 du code du patrimoine. Celui-ci se prononce au regard du projet de cession pour lequel le déclassement du domaine public est envisagé. L’acte de cession mentionne l’avis du Haut conseil du patrimoine monumental et sa motivation. »

II. – Le paragraphe 3 de la sous-section 1 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la troisième partie du même code est complété par un article L. 3211-14-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3211-14-1. – En cas de revente à titre onéreux d’un monument transféré à titre gratuit en application de la loi n° … du … relative au patrimoine monumental de l’État, réalisée dans les quinze années suivant l’acte de transfert, la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales bénéficiaire verse à l’État la somme correspondant à la différence entre le produit de la vente et les coûts d’investissement afférents aux biens cédés et supportés par la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités depuis le transfert à titre gratuit. »

III. – (Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 78, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le déclassement du domaine public en vue de la vente des monuments historiques ne peut intervenir qu’après avis conforme du Haut conseil du patrimoine monumental.

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Il convient de soumettre tout déclassement pour vente d’un monument historique appartenant au domaine public à l’avis conforme préalable du Haut conseil du patrimoine monumental, qu’il soit la propriété de l’État, d’une collectivité territoriale ou d’une personne publique et qu’il ait été acquis à titre gratuit ou à titre onéreux.

M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

1° Remplacer les mots :

Le déclassement

par les mots :

Tout déclassement

2° Après le mot :

historiques

insérer les mots :

appartenant à l’État ou

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Je retire cet amendement, ainsi que l’amendement n° 28, car l’adoption de l’amendement n° 78 les rendrait sans objet.

M. le président. Les amendements nos 27 et 28 sont retirés.

L'amendement n° 28, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Après les mots :

loi n° … du … relative au patrimoine monumental de l’État

Insérer les mots :

, ainsi que tout projet de bail emphytéotique administratif qui concerne un monument classé ou inscrit,

Cet amendement a été retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 78 ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. Avis favorable. Cet amendement vise à prévoir l’avis conforme du Haut conseil pour le déclassement. Je remercie Mme Cukierman d’avoir retiré les amendements nos 27 et 28, qui prévoyaient des rédactions partielles et alternatives.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 29, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 3211-14-1. - La revente à titre onéreux d’un monument transféré à titre gratuit et ayant été déclassé du domaine public en application de la loi n° … du … relative au patrimoine monumental de l’État ne peut être réalisée dans les vingt années suivant l’acte de transfert. »

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Cet amendement s’inscrit toujours dans la même logique. Il s’agit d’empêcher le plus possible la vente ou la revente, ou en tout cas de l’encadrer au maximum.

M. le président. L'amendement n° 30, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

transféré à titre gratuit

insérer les mots :

et ayant été déclassé du domaine public,

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Il est défendu.

M. le président. L'amendement n° 80, présenté par Mme Cartron, M. Eblé, Mme Lepage, M. Assouline et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer les mots :

dans les quinze années

M. Claude Domeizel. Il est retiré, monsieur le président !

M. le président. L'amendement n° 80 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 29 et 30 ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. La commission est favorable à l’amendement n° 29.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable, cette disposition étant tout simplement contraire à la libre administration des collectivités territoriales.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 30 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Chapitre IV

Dispositions diverses

Article 10
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Article 13

Article 12

Le transfert des monuments historiques effectué en application de la présente loi est subordonné à l’inscription en loi de finances des compensations prévues au dernier alinéa du I de l’article 8. – (Adopté.)

Article 12
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 13

Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application de la présente loi.

M. le président. L'amendement n° 5 rectifié ter, présenté par Mme Férat, M. Legendre, Mme Morin-Desailly, M. Détraigne, Mme N. Goulet, M. Maurey, Mme Goy-Chavent, MM. Namy, Merceron, Tandonnet, Vanlerenberghe et Delahaye et Mme Létard, est ainsi libellé :

Après le mot :

fixe

insérer les mots :

en tant que de besoin 

La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. La version du Sénat prévoyait un décret d’application « en tant que de besoin », ce qui impliquait que certaines dispositions pouvaient être d’application directe, notamment pour l’article 1er A sur le patrimoine mondial.

Or l’Assemblée nationale est revenue à une version prévoyant que tout doit être précisé par décret, ce qui paraît inutile et risqué pour l’efficacité de la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. Avis défavorable. Vous aurez compris que la commission préfère la règle à la facilité. Il nous semble dangereux de ne pas prévoir les meilleures conditions d’application de ce texte, notamment au regard du rôle des collectivités territoriales.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre. J’avais compris effectivement, madame Blandin, que vous préfériez la règle à la facilité. Je suis malheureusement toujours tenté par la facilité, semble-t-il. (Sourires.) J’émets donc un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Compte tenu de l’évolution des débats et du climat qui s’est progressivement installé dans l’hémicycle, le groupe socialiste-EELV, considérant qu’il est possible de concilier la facilité avec la règle, s’abstiendra lors du vote sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Pour les mêmes raisons, le groupe CRC s’abstiendra également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié.

(L'article 13 est adopté.)

M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble

Article 13
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de cette très courte discussion sur un sujet aussi important.

J’ai bien entendu, monsieur Domeizel, qu’il nous fallait faire table rase du passé. Cependant, permettez-moi d’avoir quelques regrets.

Je déplore, notamment, que nous n’ayons pas eu plus de temps pour aller au fond de notre réflexion et engager une véritable discussion sur les amendements, en développant des argumentaires. Bien sûr, ce texte comporte quelques avancées, mais il prévoit dans le même temps un bon nombre de dispositions très contraignantes. M. Assouline a évoqué la commission mixte paritaire. Nous prenons donc rendez-vous.

À ce stade, le groupe UCR s’abstiendra sur le texte.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Mme Férat vient d’exprimer quelques regrets. Or nous, nous avons essayé d’être positifs.

En première lecture, nous avons clairement regretté que des amendements que nous avions proposés et qui, selon nous, allaient dans le bon sens, aient été rejetés, voire balayés parfois d’un revers de main.

Mme Françoise Cartron. Lorsque ce texte nous est revenu de l’Assemblée nationale en deuxième lecture moins satisfaisant encore qu’à l’issue de la première lecture, nous avons éprouvé, il est vrai, une première réaction de rejet. Puis, nous inscrivant dans une démarche à la fois globale et positive, car nous pensons comme vous que le patrimoine monumental de l’État mérite d’être préservé, nous avons déposé des amendements de sécurité, d’encadrement et de préservation pour faire face à toutes les éventualités. En effet, les meilleures intentions ont parfois un effet désastreux.

Ces amendements ont été adoptés. Le groupe socialiste-EELV votera donc cette proposition de loi ainsi modifiée.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Je serai brève. Contrairement aux paroles d’une chanson que certains membres de mon groupe pourraient fredonner, du passé nous ne ferons pas table rase.

Au contraire, le texte tel qu’il a été amendé vise à préserver et à protéger le patrimoine de l’État, qui est l’une des traces de notre riche passé, comme cela a été rappelé tout au long de l’après-midi.

Le temps porte conseil. Il a permis aux uns et aux autres d’évoluer, d’échanger les arguments, de mûrir les amendements. Nous sommes ainsi parvenus à un texte apportant des garanties et permettant à l’ensemble de la nouvelle majorité sénatoriale de se retrouver.

Pour ma part, j’ai la conviction que les garanties ne sont pas toujours des contraintes. Elles sont aussi des atouts qui permettent à l’État de jouer pleinement son rôle, en lien avec les collectivités territoriales. Elles permettent également d’éviter certaines dérives qui ont pu être évoquées ici ou là et qui ont malheureusement trop souvent été constatées au cours des dernières années.

Le groupe CRC votera donc ce texte ainsi amendé, qui s’inscrit, bien évidemment, dans une tout autre logique que celui qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Notre position et nos amendements ont évolué au cours du débat, car nous avons beaucoup discuté avec nos collègues.

Nous sommes favorables à cette proposition de loi telle qu’elle a été revue et corrigée aujourd’hui. Nous suivrons attentivement la deuxième lecture de ce texte à l’Assemblée nationale et les travaux de la commission mixte paritaire, car de petites choses restent à régler à la marge. Quoi qu’il en soit, nous voterons aujourd’hui ce texte.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Monsieur le président, mes chers collègues, nous voulons préserver le patrimoine national avec l’action de l’État et le concours des collectivités et des personnes privées.

Le texte tel qu’il revenait de l’Assemblée nationale n’était pas, pour nous, entièrement satisfaisant. Nous souhaitions un travail de fond au Sénat, en commission, puis en séance publique, pour le rendre meilleur. Ce travail a été mené dans des conditions sur lesquelles je ne reviendrai pas.

Je constate simplement que le texte tel qu’il ressort de nos travaux en séance publique n’est pas non plus totalement satisfaisant.

Il comporte néanmoins un certain nombre d’avancées puisque, enfin, a été reconnu le rôle du Haut conseil du patrimoine et que les amendements de suppression qui avaient été préparés n’ont finalement pas été déposés. Nous en prenons acte. Nous devons garder notre liberté en vue de la poursuite du débat avec l’Assemblée nationale, et de la CMP.

En attendant, en ce qui me concerne, je m’abstiendrai.

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat, nous considérons, à l’inverse de nos collègues de l’UMP et de l’UCR, que ce texte a suffisamment évolué pour recueillir notre adhésion et nos suffrages.

Mais, en même temps, nous avons voulu témoigner d’un état d’esprit. Nous sommes en effet l’opposition au Gouvernement et nous aurions très bien pu nous dire, dès lors qu’en première lecture nous n’avions pas été écoutés et que l’Assemblée nationale avait encore aggravé la situation, qu’étant désormais majoritaires au Sénat nous n’allions pas faire dans le détail et que nous allions nous opposer à cette proposition de loi, d’autant que vous considérez visiblement que c’est notre seul rôle.

Nous avons voulu montrer l’exemple, montrer ce qu’est une majorité sénatoriale de gauche. Nous avons pris au sérieux le texte. Nous l’avons suffisamment amendé, non pour qu’il ressemble à celui que nous aurions nous-mêmes présenté, car il aurait été tout autre, mais pour le rendre acceptable et pour que le verre soit à moitié plein plutôt qu’à moitié vide.

Ainsi amendée, la proposition de loi devrait permettre, dans un certain nombre de domaines, de satisfaire les demandes des associations, par exemple sur le patrimoine mondial, et de garantir un meilleur encadrement pour lutter contre des dérives qui sont aujourd’hui permises.

Notre démarche est donc aussi un appel, car le fait d’avoir amendé le texte sans chercher à obtenir tout ce que nous voulions et d’accepter de le voter permettra à la proposition de loi de cheminer sans être de nouveau entièrement vidée de son sens quand elle reviendra devant l’Assemblée nationale.

Nous espérons que nos collègues de l’UMP et de l’UCR qui ne vont pas voter contre sauront aussi faire bloc au sein d’une éventuelle CMP sur ce qui nous a rassemblés dans l’hémicycle. J’ai constaté, chers collègues, que vous aviez voté un grand nombre d’articles modifiés ; vous avez donc fait bloc avec nous et je souhaite que vous persistiez dans cette attitude.

Monsieur le ministre, je veux, pour conclure, vous dire que, si nous avons voulu, parfois de façon très précise, renforcer l’encadrement, accentuer les règles, c’est pour de bonnes raisons.

De bonne foi, car peut-être n’avez vous pas tout vu ou tout su, vous nous avez tout à l’heure expliqué qu’il n’était pas possible de dépecer le patrimoine, de vendre des biens publics à la découpe, pour reprendre votre expression, sous votre ministère. Or permettez-moi de vous citer un cas qui justifie notre volonté de préciser les dispositions de la loi, en toute bonne foi, aussi.

Il s’agit du « logis Saint-Pierre », un bâtiment classé faisant partie d’un ensemble de dépendances de l’abbaye du Mont-Saint-Michel. Il n’était pas occupé directement par le Centre des monuments nationaux, le CMN, qui gère le site, ni affecté à l’usage direct du public, mais faisait l’objet d’un bail commercial permettant au CMN d’en tirer une recette.

À la demande de France Domaine – toujours les mêmes ! –, l’acte de déclassement a été prononcé en vue d’une cession, décision qui a été maintenue malgré la contestation de la présidente du CMN.

Cet exemple montre bien que la tentation peut être grande, au nom de la valorisation économique, de céder certaines parties d’un ensemble patrimonial, au risque d’en compromettre l’intégrité et de favoriser le dépeçage du domaine public.

Je pourrais citer d’autres exemples. Celui-ci, qui est particulièrement éloquent, retiendra, je l’espère, votre attention, si du moins le problème vous avait échappé.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon groupe s’apprête donc à voter cette proposition de loi, avec l’espoir que la navette se poursuive.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UCR.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 16 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 176
Majorité absolue des suffrages exprimés 89
Pour l’adoption 176

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce premier exercice a débuté sans doute dans la douleur avec la démission de notre rapporteure.

Construire la paix demande que plusieurs conditions soient réunies.

Il faut un contexte favorable : il ne l’était pas, avec la réforme des collectivités ; il ne l’était pas, avec la confiance rompue entre l’État et les collectivités.

Il faut du temps : nous en avons eu peu et nous avons dû délibérer sur des avis à marche accélérée, ce qui ne permettait pas d’entrer dans le fond des propositions.

Il faut aussi le respect de chacun : ce qui a mal commencé s’est tout de même bien terminé dans cet hémicycle. Les temps de parole ont été respectés, l’écoute a prévalu, et nous estimons satisfaisant le résultat obtenu, même si le ministre voit dans notre exigence radicale un risque que le mieux soit l’ennemi du bien. Mais nous avons encore d’autres étapes devant nous.

J’espère qu’en ce qui concerne la proposition de loi que nous allons examiner après celle-ci, le travail de notre commission fera l’objet d’un respect similaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur le président, madame la présidente, je tiens à souligner qu’il y a eu un grand nombre d’abstentions, qui n’ont pas été comptabilisées, en vertu de règles que je ne connais pas.

Le texte global manifestement progresse, comme Jacques Legendre l’a souligné, sur le concept lui-même. Je reste pourtant profondément attaché au travail qui a été fait par M. Legendre et par Mme Férat. Je rends hommage à l’un et à l’autre, avec une petite préférence – vous voudrez bien me le pardonner, monsieur Legendre ! – pour Mme Férat (Sourires.), car j’ai le sentiment qu’elle a porté cette proposition avec énormément de cœur et de compétence, ce qui explique aussi le chagrin qu’elle a pu éprouver. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.) Laissez-moi terminer ! J’ai suffisamment rendu hommage, comme il se devait, à la qualité du travail effectué par la majorité pour être autorisé à faire ce commentaire.

Beaucoup d’éléments ont fait consensus. Cela n’empêchera pas de continuer à discuter sur un certain nombre de points, car je pense que la majorité, un peu par dogmatisme, madame la présidente de la culture, a vidé le texte de loi de quelques-uns des éléments qui lui étaient essentiels pour atteindre le but que nous visons tous : la protection du patrimoine.

Sur le problème des ventes à la découpe, je précise que la création du Haut conseil du patrimoine monumental permettra d’éviter tout dérapage.

La question soulevée par M. Assouline concernant le Mont-Saint-Michel ne m’avait pas échappé. Là aussi, l’existence du Haut conseil est importante. Cela dit, il ne faut pas non plus totalement se braquer contre d’éventuelles affectations inattendues concernant tel ou tel élément du patrimoine, dès lors que le Haut conseil pourra les envisager et que le ministère de la culture et de la communication aura le dernier mot. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

M. le président. Monsieur le ministre, puisque vous avez évoqué le scrutin qui vient d’avoir lieu, je précise que, en énonçant le résultat, le président de séance doit donner les pour et les contre, mais que les abstentions, qui sont en l’occurrence au nombre de 169,…

M. Alain Gournac. C’est énorme !

M. le président. … ne figurent que dans l’analyse politique du scrutin.

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Monsieur le président, je vous remercie de cette précision.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État
 

8

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Exception d'irrecevabilité

Scolarité obligatoire à trois ans

Discussion et retrait d'une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans, présentée par Mme Françoise Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (proposition n° 447 [2010-2011], texte de la commission n° 63, rapport n° 62).

Irrecevabilité

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (début)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en application de l’article 40 de la Constitution (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il va y en avoir maintenant, des articles 40 !

M. Roland Courteau. Il n’y a pas de quoi être fier !

Mme Éliane Assassi. C’est un déni de démocratie !

M. Roland Courteau. C’est scandaleux !

M. Luc Chatel, ministre. … selon lequel « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique », le Gouvernement considère que la proposition de loi de Mme Françoise Cartron visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans n’est pas recevable et ne peut donc être soumise à discussion. (Très vives protestations sur les mêmes travées.)

M. Claude Domeizel. C’est une honte !

M. le président. Mes chers collègues, conformément à l’article 45 (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. Non, c’est l’article 40 de la Constitution !

M. le président. … de notre règlement, le Gouvernement a soulevé une exception d’irrecevabilité fondée sur l’article 40 de la Constitution.

La commission des finances n’est pas en état de faire connaître immédiatement ses conclusions, mais va se réunir dans quelques instants. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. François Rebsamen. Monsieur le président, je voudrais la parole pour un rappel au règlement !

M. David Assouline. Moi aussi !

M. Jean-Jacques Mirassou. Rappel au règlement !

M. Dominique de Legge. Je demande la parole pour un rappel au règlement !

M. Claude Domeizel. Je voudrais faire un rappel au règlement !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Rappel au règlement, monsieur le président !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, je demande également la parole pour un rappel au règlement !

Mme Françoise Cartron. Rappel au règlement !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement !

M. Michel Le Scouarnec. Rappel au règlement !

Rappels au règlement

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (suite)

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour un rappel au règlement.

M. François Rebsamen. Mon intervention se fonde sur l’article 36 du règlement du Sénat.

Monsieur le ministre, vous avez entendu les cris de stupéfaction (M. le ministre sourit.)…

M. Roland Courteau. Ce n’est pas drôle !

M. François Rebsamen. … de toutes celles et de tous ceux qui souhaitaient pouvoir discuter ce soir d’une proposition de loi relative aux enfants de notre pays.

Il s’agit, en effet, de débattre, sur la base d’une proposition de Mme Cartron, du principe d’une scolarisation obligatoire dès l’âge de trois ans.

Monsieur le ministre, avant de vous faire part de mon ressenti politique, permettez-moi de vous dire que, d’un point de vue juridique, vous agissez, me semble-t-il, avec précipitation, en faisant une appréciation incorrecte des pouvoirs que la Constitution a conférés à notre assemblée.

M. François Rebsamen. De plus, c’est, pour le Gouvernement, une mauvaise manière à l’endroit du Sénat, car l’ordre du jour de la Haute Assemblée a été réglé en présence du ministre chargé des relations avec le Parlement, et ce lors de deux conférences des présidents.

Il est donc assez surprenant d’apprendre quelques minutes avant le début de l’examen d’une proposition de loi comme celle-ci que le Gouvernement va invoquer l’article 40 non seulement pour déclarer que le texte est irrecevable, mais pour empêcher même qu’il soit mis en discussion.

Qu’avez-vous donc à craindre politiquement d’un tel débat sur un sujet qui concerne aujourd'hui des milliers et des milliers de familles ?

M. François Rebsamen. Par votre attitude, vous bafouez également les règles de fonctionnement de notre assemblée.

Mauvaise manière, disais-je. C’est en effet la première fois que le Gouvernement veut faire disparaître un texte, ni plus ni moins. Pourtant, depuis les dernières réformes constitutionnelles, nombreuses ont été les propositions de loi débattues dans cet hémicycle qui auraient pu tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution !

Monsieur le ministre, vous auriez pu attendre la fin de la discussion générale pour invoquer cet article : cela aurait permis aux Français d’être éclairés sur les positions des uns et des autres par rapport à cette proposition de scolarisation obligatoire des enfants dès l’âge de trois ans.

Cette mauvaise manière, je l’assimile à un véritable coup de force du Gouvernement, un coup de force contre l’institution sénatoriale, oui, contre la Haute Assemblée elle-même, car il s’agit d’une semaine sénatoriale d’initiative.

Hier encore, nous étions en réunion avec M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, et celui-ci n’a dit mot sur l’inscription à l’ordre du jour de ce texte.

Vous comprendrez donc la stupéfaction qui est la nôtre aujourd'hui, la colère qui peut justement animer celles et ceux qui ont travaillé, qui ont réfléchi, qui se sont réunis en commission dans la perspective d’avoir, avec le Gouvernement, un débat digne sur une proposition de loi qui honorait la démocratie. (M. Vincent Eblé applaudit.)

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. François Rebsamen. Monsieur le ministre, nous considérons que cette précipitation témoigne, au final, d’une grande inquiétude de votre part. (Oui ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Que craignez-vous donc ? C’est la question à laquelle vous devrez répondre.

Vous voulez donc nous interdire toute discussion générale. Je rappelle tout de même que, aux termes de l’article 47 quater du règlement, « lorsqu’une exception d’irrecevabilité est fondée sur les dispositions de l’article 40 ou sur l’une des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances » – ce qui n’est pas le cas en l’espèce –, « l’irrecevabilité est appréciée par la commission des finances ». (Oui ! sur les travées de l’UMP.)

Vous pouvez donc invoquer l’article 40, mais nous pouvons, nous, continuer à débattre tant que la commission des finances ne s’est pas réunie. En effet, c’est à elle, et à elle seule, qu’il revient d’apprécier la recevabilité de la proposition de loi au titre de l’article 40 de la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Roland Courteau. Exactement ! C’est un bon argument !

M. François Rebsamen. Enfin, je comprends votre malaise : le fait que le ministre de l’éducation nationale vienne dans cet hémicycle nous annoncer qu’il ne veut même pas débattre de ce texte montre le mépris dans lequel le Gouvernement tient la Haute Assemblée…

M. Roland Courteau. Depuis qu’elle est à gauche !

M. François Rebsamen. … et la manière dont le Gouvernement conçoit la relation entre l’exécutif et le législatif.

Monsieur le ministre, je considère, comme mes collègues ici présents, que ce que vous venez de faire n’est ni à votre honneur ni à l’honneur du Gouvernement. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que la commission des finances est convoquée pour dix-neuf heures quarante-cinq.

La parole est à Mme la présidente de la commission, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (suite)

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le ministre, la déclaration que vous venez de faire est assez stupéfiante. Géographiquement proche de vous ce soir dans l’hémicycle, j’ai également été stupéfaite de votre sourire.

M. Roland Courteau. C’est une honte !

M. Jean-Pierre Caffet. Une provocation !

Mme Françoise Cartron. La marque d’un mépris total !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Les conséquences de ce choix et de cette attitude pourraient être très graves.

Il s’agit pour vous de tenter de flouer complètement le travail de la commission, de ses cinquante-sept membres qui se sont penchés sur le texte, sur son contenu, sur ses conséquences, sur son coût et qui, croyez-le bien, ont largement soupesé ce que signifierait l’inscription dans la loi de la scolarisation réelle à laquelle tous les enfants auraient droit dès trois ans, qu’ils soient français ou, je le rappelle – vous l’oubliez trop souvent –, qu’ils résident simplement sur notre sol. (Murmures sur les travées de l’UMP.)

Vous flouez l’ordre du jour du Sénat, et vous le flouez doublement.

D’une part, vous devez savoir, monsieur le ministre, que, s’il s’agit d’une proposition de loi émanant du groupe socialiste-EELV, il s’agit également d’un espace-temps que j’ai repris, au nom de la commission de culture, de l’éducation et de la communication, en tant que présidente – c’est l’institution qui vous parle, monsieur le ministre – pour permettre que le texte puisse être correctement débattu, c’est-à-dire sans être floué par l’horloge.

Mme Françoise Laborde. Tout à fait !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. D’autre part, l’inscription à l’ordre du jour de ce texte avait été scellée lors de l’avant-dernière conférence des présidents,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je confirme : c’était le 26 octobre !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. … et réitérée à l’occasion de la dernière conférence. Nous avions alors réglé un ordre du jour, validé par ladite conférence, avec l’approbation du ministre, M. Patrick Ollier.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Je tiens à vous dire solennellement que l’utilisation de l’arme de l’article 40 est inédite et qu’il pourrait s’agir d’une arme de destruction massive pour la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Pour conclure, si vous deviez poursuivre dans cette destruction, nous ne pouvons imaginer que vous iriez jusqu’à empêcher les parlementaires de tous les groupes de s’exprimer dans la discussion générale, qui, hormis la ventilation de la salle, ne coûte rien ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. Dominique de Legge, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (suite)

M. Dominique de Legge. J’ai bien entendu tout ce qui vient d’être dit, mais j’invite tout un chacun à relire les trois articles du texte de loi.

M. David Assouline. Ne vous fatiguez pas !

M. Dominique de Legge. Je rappelle que l’article 1er a été introduit lors de l’examen du texte en commission, ce qui n’est pas neutre.

Cet article pose le principe suivant lequel « les enfants de deux ans inscrits dans les classes enfantines ou les écoles maternelles sont accueillis dans des conditions spécifiques adaptées à leur âge ». Chacun peut comprendre que les « conditions spécifiques », s’agissant des enfants de moins de trois ans, correspondent sans doute à un encadrement accru, et donc à davantage de personnel, soit, incontestablement, à une dépense nouvelle. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Chers collègues, vous nous avez parlé abondamment de démocratie, de respect. Je vous ai écoutés paisiblement, et j’espère que vous allez à votre tour m’écouter dans les mêmes conditions.

Aux termes de l’article 2 du texte, qui résulte lui aussi d’un ajout, « Les conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales de la présente proposition de loi sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement ».

M. Dominique de Legge. Sans entrer dans le fond du débat, je ne vois pas comment on peut affirmer que cette proposition de loi n’aura d’incidences ni financières ni budgétaires. Je cite le rapport, en sa page 10 : « En outre, budgétairement, l’impact sur l’État et les communes devrait rester marginal ». Peut-être cet impact restera-t-il marginal ; il n’en demeure pas moins qu’il existera bel et bien ; cela ressort très clairement des travaux de la commission.

C'est la raison pour laquelle l’article 40, mais la commission des finances se prononcera tout à l'heure, méritait en l’espèce d’être invoqué par le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Murmures sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Pierre Caffet. On s’en souviendra !

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à Mme Françoise Cartron, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (suite)

Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, balayer d’un revers de la main cette proposition de loi, quelques instants avant le début de son examen en séance publique, et nous interdire d’en discuter est proprement scandaleux ; je pèse mes mots.

Mme Françoise Cartron. En effet, cela témoigne d’une absence de respect pour la démocratie et les élus que nous sommes, d’une absence de respect pour la nouvelle majorité sénatoriale, porteuse de cette proposition de loi, une nouvelle majorité, faut-il vous le rappeler ? qui siège aujourd’hui sur ces travées par la volonté des citoyens. Nous ne nous sommes pas introduits ici par la force !

Dès lors, je m’interroge : dans quel pays sommes-nous ? Assurément, dans un pays où, arguant d’un vice de forme,…

M. Jean-Jacques Hyest. Vice de forme ? C’est la Constitution !

Mme Françoise Cartron. … un ministre de l’éducation, dont le devoir est, me semble-t-il, de s’intéresser à tous chaque jour, peut écarter la moindre discussion sur l’avenir des enfants, et en particulier des très jeunes enfants, avec un sourire ironique. (Murmures sur les travées de l’UMP.) Ce sourire ne fait qu’attester le mépris du Gouvernement pour ce que nous défendons.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, votre devoir est de défendre et de protéger les enfants de France, de tous âges et quels qu’ils soient.

Je le répète : qu’avez-vous à craindre de cette proposition de loi ? Qu’elle recueille, ici et ailleurs, un large assentiment ? Qu’elle soit votée et qu’elle rencontre demain dans notre pays un large écho de la part de parents qui, pour 98 % ou 99 % d’entre eux, vous le savez bien, plébiscitent déjà l’école maternelle ?

Qu’avez-vous à craindre de la part d’enfants à qui vous offrirez la possibilité de grandir, de se construire, d’acquérir des connaissances ? Je pense en particulier aux enfants de familles défavorisées qui n’ont pas tous la chance de bénéficier du bain culturel leur permettant d’acquérir les outils pour devenir, demain, des élèves qui réussissent et, après-demain, des citoyens bien intégrés ?

Je reçois donc votre sourire comme une insulte.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Oui, c’est une insulte !

M. Roland Courteau. Elle a raison !

Mme Christiane Kammermann. C’est insupportable !

Mme Françoise Cartron. C’est une insulte à tous les enfants, qui, si l’on vous en croit, ne mériteraient pas attention, et ce pour des questions d’argent, pour des questions de sous !

Dieu sait pourtant que, depuis cinq ans, ce gouvernement a su trouver l’argent nécessaire à la conduite de projets moins enthousiasmants et moins déterminants pour l’avenir de notre société !

Je ne me résoudrai jamais à ce que l’argent soit la variable d’ajustement de nos politiques éducatives et de nos ambitions.

Je ne me résoudrai jamais à ce que l’on abandonne les enfants les plus défavorisés à leur triste sort.

C’est que, monsieur le ministre, il y va de l’honneur de la République, il y va de notre honneur d’élus de porter des avancées aussi importante que cette proposition de loi tendant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, afin de permettre à la commission des finances de se réunir, nous allons suspendre la séance quelques instants. (Non ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ça continue ! C’est incroyable !

M. le président. Chers collègues, les commissaires n’ont pas le don d’ubiquité…

M. David Assouline. Terminons les rappels au règlement !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tous ne se sont pas exprimés !

M. David Assouline. Le rappel au règlement est de droit !

M. le président. Vous aurez tout le temps de vous exprimer après la suspension. (Protestations sur les mêmes travées.)

M. Jean-Pierre Sueur. Le rappel au règlement est de droit !

M. le président. Monsieur Sueur, ce n’est pas la première fois que la présidence accepte une suspension de séance lorsque la commission des finances doit se réunir.

Je vous propose de suspendre la séance pendant dix minutes.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Non, le rappel au règlement est de droit !

M. Roland Courteau. Vous n’allez pas changer les règles !

M. le président. Mes chers collègues, vous pourrez vous exprimer à l’issue de la suspension.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. Le rappel au règlement est de droit !

M. le président. Le rappel au règlement n’est pas de droit au sens où vous l’entendez, chers collègues.

M. le président. Je vais suspendre la séance pour dix minutes.

M. Roland Courteau. On les connaît, les dix minutes !

M. le président. Chers collègues, essayez d’être conciliants !

M. Jean-Pierre Sueur. La parole est accordée « sur-le- champ » pour un rappel au règlement ! C’est le règlement, monsieur le président !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tous les groupes politiques ont droit de prendre la parole pour un rappel au règlement !

M. le président. Je vais donc, avant la suspension, donner la parole à M. Domeizel, pour un rappel au règlement. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Dans ces conditions, je suspends la séance pour dix minutes.

M. Claude Domeizel. Non, il faut aller au bout de tous les rappels au règlement !

M. Jacques Chiron. Oui, pas de suspension avant !

M. François Rebsamen. Vous pouvez suspendre la séance, monsieur le président, nous, nous restons !

M. le président. Monsieur Rebsamen, tout à l’heure, nous sommes convenus d’une suspension de dix minutes pour la réunion de la commission des finances.

M. Roland Courteau. C’est une honte ! (M. le ministre se lève et quitte l’hémicycle.)

Mme Françoise Cartron. Le ministre s’en va !

M. Roland Courteau. La présidence est aux ordres du ministre !

Mme Françoise Cartron. C’est une honte !

M. Bertrand Auban. Tout cela va mal finir !

M. François Rebsamen. Monsieur le président, pour éviter ce qui pourrait devenir un grave incident de séance, et un grave incident dans la vie parlementaire,…

M. Roland Courteau. C’est déjà le cas !

M. François Rebsamen. … je crois nécessaire que vous laissiez s’exprimer les collègues qui en ont manifesté le souhait. Le ministre est parti, tant pis,…

Mme Françoise Laborde. Ce n’est pas correct !

M. Claude Domeizel. Qu’il revienne !

M. François Rebsamen. … mais je ne doute pas qu’il revienne.

Laissez donc les uns et les autres s’exprimer, monsieur le président. Cela laissera le temps au président de la commission des finances de gagner lui aussi l’hémicycle.

Un peu de sérénité serait profitable au débat. Mais, je dois le dire, le Gouvernement a mis le feu !

M. le président. Dans un souci de conciliation, et en attendant que la commission des finances soit prête à se prononcer, je vous propose, mes chers collègues, de poursuivre temporairement les rappels au règlement.

Mme Françoise Laborde. Il nous faut un ministre !

M. le président. M. le ministre voudra sans doute regagner l’hémicycle.

M. Jean-Pierre Sueur. L’article 36, alinéa 3, du règlement s’applique, monsieur le président !

Que dispose cet article ? « La parole est accordée sur-le-champ à tout sénateur qui la demande pour un rappel au règlement. »

L’expression « sur-le-champ » a un sens précis. Elle signifie immédiatement.

M. le président. J’en conviens, monsieur Sueur, mais ce même article 36, alinéa 3, dispose également que l’auteur de la demande « doit faire référence à une disposition précise du règlement ».

Si je devais respecter à la lettre l’ensemble de ces dispositions, les rappels au règlement pourraient prendre fin assez rapidement...

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Donnez au moins la parole aux orateurs qui en ont formulé la demande !

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. Et le ministre !

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On nous demande de taire notre colère. C’est le bouquet final !

M. Jean-Jacques Mirassou. Où est le ministre ?

Mme Françoise Cartron. Ce n’est pas possible !

Mme Françoise Laborde. Il nous faut un ministre au banc du Gouvernement !

M. le président. Mes chers collègues, M. le ministre a sans doute compris que la séance était suspendue, mais il ne saurait tarder. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Roland Courteau. Il faut aller le chercher ! (M. le ministre regagne l’hémicycle.)

M. le président. La parole est donc à M. David Assouline, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (suite)

M. David Assouline. Mon intervention se fonde sur les articles 32 et suivants du règlement, monsieur le président.

Monsieur le ministre, votre attitude est très grave. On aurait pu interpréter votre sourire comme étant l’expression de votre fierté d’avoir porté un bien mauvais coup à la gauche.

Je vous l’accorde, vous ne vous en êtes peut-être pas rendu compte, mais ce coup de force est un coup porté au Parlement, un coup porté aux droits du Parlement,…

M. David Assouline. … y compris à ces droits nouveaux qui devaient selon vous découler de la revalorisation du rôle du Parlement que votre gouvernement n’a cessé de brandir pour justifier la révision constitutionnelle.

C’est donc un coup aux droits de l’opposition et, plus généralement, aux droits des groupes. En effet, la révision constitutionnelle a instauré l’initiative parlementaire, alors que, auparavant, n’existait que l’initiative gouvernementale, et a permis la création de niches réservées aux groupes.

Aujourd’hui, vous portez un coup à une niche parlementaire socialiste, mais la même attitude, soyez-en sûrs, chers collègues, vaudra pour d’autres initiatives parlementaires.

M. David Assouline. Et je vais vous le prouver.

Bien que nous constituions aujourd'hui la majorité au Sénat,…

M. Jean-Jacques Hyest. Oui, mais il y a la Constitution !

M. David Assouline. … nous avons examiné cet après-midi une proposition de loi déposée par deux membres de l’UMP. Après l’avoir modifiée, nous l’avons in fine votée. Le délai qui était imparti pour son examen a été respecté. Ainsi, la discussion de ce texte a été menée à son terme et la navette parlementaire pourra se poursuivre. Nous aurions pu tout au contraire faire de l’obstruction, si nous avions adopté une attitude négative.

M. David Assouline. Et cette proposition de loi, relative au patrimoine monumental de l’État, qui a l’air de ne pas avoir un coût, en a bien un, ne serait-ce que du fait de la création du Haut Conseil du patrimoine monumental, qui exige des moyens, et des fonctionnaires.

M. David Assouline. Voilà un texte qui n’avait pas l’air de coûter, mais qui coûtera ! Pourtant, tout à l’heure, M. Mitterrand n’a pas invoqué l’article 40. Cet article est donc d’un usage discrétionnaire…

Nous savions que vous aviez difficilement avalé la victoire de la gauche au Sénat. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin sourit.) Vous avez mis une semaine à l’accepter. Nous pensions que cette réaction était dernière nous, mais il n’en est rien et vous venez de signifier, monsieur le ministre, au nom du Gouvernement, qu’un Sénat, quand il est de gauche,…

M. Claude Domeizel. N’est pas légitime !

M. David Assouline. … n’a plus le droit à la parole ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Je suis un assez jeune sénateur, mais je sais que nous qui avons supporté pendant des décennies, même lorsque la gauche était au Gouvernement, un Sénat éternellement à droite, un Sénat qui bloquait tout,…

M. Bertrand Auban. C’est fini !

M. David Assouline. … n’avons jamais, jamais, monsieur le ministre, invoqué l’article 40 contre des propositions de loi.

M. Jean-Jacques Hyest. Il n’y en avait pas, à l’époque !

M. David Assouline. Je trouve fort dommageable le comportement du Gouvernement. Pourquoi agit-il ainsi ? Sans doute pas parce que le sujet est anodin, mais parce que le Gouvernement ne peut pas assumer devant les Français son refus d’inscrire dans la loi la scolarité obligatoire des enfants âgés de trois ans, et ce bien que 99 % des enfants de cet âge soient actuellement scolarisés. C’est incohérent !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il veut s’attaquer au service public !

M. Jean-Marc Todeschini. Son projet pour l’école est catastrophique !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tout au privé, pour ceux qui ont les moyens !

Mme Françoise Cartron. Et les jardins d’éveil, ils ne coûtent rien ?

M. David Assouline. Alors, plutôt que d’être confronté à cette incohérence maintenant dévoilée, le Gouvernement choisit le coup de force.

M. Jean-Marc Todeschini. C’est la casse de l’école publique ! Il veut l’école pour les riches.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tout au privé, pour ceux qui ont les moyens !

M. David Assouline. Chers collègues qui n’êtes pas de gauche, c’est un coup porté au Sénat et donc à vos prérogatives, à votre rôle de parlementaires ! Je vous l’affirme, si la gauche est au pouvoir, elle ne se conduira jamais ainsi lorsque seront examinées des propositions de loi que vous aurez déposées. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.) Elle ne le fera jamais,…

M. Jean-Jacques Hyest. Ne dites pas « jamais » !

M. David Assouline. … parce qu’elle respectera les droits du Parlement.

Ne vous dites pas, monsieur Hyest : « ce n’est pas grave, c’est un coup porté à la gauche » !

M. Jean-Jacques Hyest. C’est le respect de la Constitution !

M. David Assouline. Dites-vous que des principes doivent être défendus dans cet hémicycle, que l’on soit de droite ou de gauche, notamment la crédibilité de cette assemblée, qui doit être renforcée, une assemblée qui ne doit pas être perpétuellement bafouée et amoindrie aux yeux de nos concitoyens.

Je le répète, ce n’est pas un petit coup porté à la gauche ; c’est bien plus grave ! Je veux espérer que la sagesse prévaudra contre la tentation du coup de force, au terme des intenses réflexions que je pressens ce soir, notamment au sein de la commission des finances. Quoi qu’il en soit, il y aura un avant et un après ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (suite)

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, votre démarche est entachée à la fois de duplicité et de cynisme. Ce soir, vous faites en quelque sorte le « sale boulot », d’autres orateurs l’ont déjà démontré.

Alors que la procédure vous laissait largement le temps de sortir ce que vous considérez comme l’arme de la dernière minute, autrement dit l’article 40, vous jouez selon une mise en scène qui, de toute évidence, vous satisfaisait.

Que pèse votre invocation de l’article 40 face à la véritable cause nationale, évoquée tout à l’heure par Françoise Cartron, qu’est la scolarisation des enfants dès l’âge de trois ans ? Cette scolarisation est nécessaire et revendiquée comme telle, je vous le rappelle, non seulement par les parents concernés, mais également par l’ensemble des élus locaux qui nous ont donné la majorité au Sénat voilà quelques jours. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Comptez sur nous pour faire la publicité la plus large de l’insulte que vous faites aux sénateurs de gauche !

Mme Françoise Cartron. C’est sûr !

M. Jean-Jacques Mirassou. Cette insulte est faite aussi à l’ensemble des élus locaux, profondément attachés à l’école, singulièrement pour les tranches d’âges évoquées. Vous foulez au pied aujourd'hui les droits de ces élus en leur refusant la possibilité de mieux accueillir encore tous ces enfants dont nous parlons ce soir.

En mélangeant les genres, en cassant la frontière qui existe entre le législatif et l’exécutif – on était en droit de se demander à un certain moment qui présidait quoi dans cette enceinte –, vous jouez un sale tour à la démocratie, nombre de mes collègues l’ont dit tout à l’heure.

Mais, je le répète, faites-nous confiance pour relayer l’événement auprès de l’immense majorité des élus de proximité qui nous ont donné leurs suffrages, et qui sont concernés, eux aussi.

Non, vraiment, cela ne va pas se passer ainsi !

Chers collègues de la majorité, il faudra vous habituer à l’idée qu’un changement de majorité a bien eu lieu au Sénat. Quand un tel changement se produit au profit de la gauche, forcément, les textes qui sont présentés, étudiés, ne sont pas de même nature que ceux qui étaient déposés avant. Que cela vous plaise ou vous déplaise, tout comme au Gouvernement, vous devrez vous y habituer, car cela risque de durer un moment… (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour un rappel au règlement.

M. Michel Le Scouarnec. Tout nouveau sénateur, je me réjouissais vivement que la nouvelle majorité de gauche de la Haute Assemblée ait pris l’initiative d’inscrire dès maintenant à l’ordre du jour une question primordiale, celle de la scolarisation en école maternelle. C’était sans compter la stratégie du Gouvernement visant à refuser le débat démocratique !

Je croyais que le Sénat était une chambre où l’on pouvait débattre tranquillement. Je vis donc un moment douloureux, car la situation que nous subissons ici est quelque peu scandaleuse, me semble-t-il.

Le groupe CRC, conscient des enjeux spécifiques et ô combien essentiels de la scolarisation des enfants de deux à six ans, avait engagé une réflexion sur ce thème, qui lui avait permis de déposer, dès mars 2011, une proposition de loi. Le constat partagé du rôle fondamental de l’école maternelle nous avait ainsi conduits, comme Mme Cartron, à vouloir rendre obligatoire l’école dès l’âge de trois ans.

Monsieur le ministre, l’école maternelle est malheureusement devenue une variable « privilégiée » de l’ajustement budgétaire dans votre ministère. Ainsi, à chaque rentrée scolaire, le curseur est déplacé, pour ne pas créer de nouveaux postes, d’autant que les moyens diminuent, alors que le nombre des élèves augmente. En tant que maires, nous sommes les uns et les autres confrontés à des situations difficiles à chaque rentrée.

Nous souhaitions protéger l’école maternelle en traduisant dans la loi ce qui, aujourd'hui, est une réalité : la quasi-totalité – 99 % – des enfants de trois à six ans sont scolarisés. Cette mesure aurait donc permis de reconnaître à leur juste valeur les apports fondamentaux de la maternelle au sein de notre système scolaire, sans affecter les finances de l’État.

L’école maternelle joue un rôle décisif dans la diminution de l’échec scolaire et dans la lutte contre les inégalités, particulièrement pour les enfants issus d’un milieu social défavorisé. Elle a un impact positif sur le niveau de compétences comme sur la probabilité de redoublement.

L’étude PISA 2009 montre ainsi que les élèves qui ont suivi un enseignement en maternelle réussissent mieux que les autres. Elle prouve également que cet avantage est plus marqué dans les systèmes d’éducation où l’enseignement préélémentaire et élémentaire dure longtemps. Pourtant, selon un rapport de la Cour des comptes de mai 2010, la France se situe, pour l’école maternelle, à un niveau de dépenses annuelles par élève inférieur de 5 % à celui de la moyenne des pays de l’OCDE.

La scolarisation des enfants de deux et trois ans est pour nous essentielle. En 2000, un enfant sur trois ayant entre deux et trois ans fréquentait l’école maternelle, contre un sur cinq seulement aujourd'hui. Monsieur le ministre, cette diminution est un choix politique de votre ministère. Les inspecteurs d’académie prennent de moins en moins en compte les demandes de scolarisation des enfants de deux et trois ans dans le calcul des effectifs, ce qui crée une pénurie de places organisée, et cela même dans les zones prioritaires, où se concentrent de grandes difficultés sociales et scolaires.

J’en veux pour preuve la situation de la Bretagne – élu du Morbihan, je la connais bien –, une région qui s’est toujours caractérisée par un taux très important de scolarisation des enfants de deux et trois ans, puisqu’il était de 60 % en 2007. Ce résultat a été permis, notamment, par une forte implication des collectivités locales, qui ont privilégié l’accueil en maternelle par rapport aux modes de garde de type « multi-accueil » ou en crèches, qui ont construit en conséquence des écoles maternelles et qui ont mis à disposition des personnels spécialisés, les ATSEM, ou agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles.

Malgré la demande des parents et des élus locaux, en 2011, le rectorat a décrété que les écoles auraient une capacité d’accueil maximale de 20 % de la classe d’âge de trois ans en moyenne, soit une division par trois en quatre ans pour la région Bretagne !

Afin que les deux-trois ans ne soient pas définitivement écartés de l’école maternelle, la législation sur cette dernière doit aborder la question de la préscolarisation, comme nous l’avions fait au travers de notre proposition de loi. Il faut maintenir la possibilité de scolariser à partir de deux ans tous les enfants qui y sont prêts et dont les familles en font la demande.

Nous, membres du groupe CRC et des autres groupes de gauche, nous voulons rendre ses lettres de noblesse à l’école maternelle et établir partout sur notre territoire les mêmes règles d’accès à ce que Philippe Meirieu a appelé « l’école première ». Ainsi, nous affirmons notre fidélité à la devise de notre République : « Liberté, égalité, fraternité. »

La belle chanson d’Yves Duteil, Prendre un enfant par la main, m’est venue à l’esprit ; je ne la fredonnerai pas, les circonstances ne s’y prêtant guère. En votant cette proposition de loi, nous aurions aidé les enfants à devenir grands et à se diriger d’un pas mieux assuré vers un futur plus beau et plus sûr. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (suite)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, c’est aussi en ma qualité de rapporteur de feu la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans que je tiens à vous exprimer mon indignation et ma colère.

Je considère que vous réalisez ce soir un coup de force inadmissible et que nous franchissons un cap terrible dans l’histoire du Parlement et du bicamérisme.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Deux conférences des présidents se sont réunies, en présence de M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, et à aucun moment il n’a été question d’une éventuelle invocation de l’article 40 de la Constitution.

Mon sentiment, monsieur le ministre, c’est que vous-même et la majorité présidentielle déniez à la nouvelle majorité de gauche du Sénat le droit de débattre de ses propositions de loi.

M. Jean-Jacques Mirassou. Et même d’exister !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous avons entendu naguère de grandes leçons sur la nécessité pour la majorité sénatoriale de se montrer responsable. Or vous commettez ce soir un déni de démocratie. C’est d’autant plus grave que le sujet en discussion est particulièrement important. Ainsi, au texte de Mme Cartron étaient venues se joindre deux autres propositions de loi déposées sur le même thème, l’une par mon groupe et l’autre par le groupe RDSE ; je salue d'ailleurs Mme Françoise Laborde.

Tout cela avait fait l’objet d’un rapport et mobilisé les administrateurs du Sénat. Des hommes et des femmes avaient été auditionnés. La commission avait travaillé : des représentants de tous les groupes, ici présents, avaient participé aux discussions, d'ailleurs avec passion, et cela nous avait mutuellement enrichis, je dois le dire.

Monsieur le ministre, nos concitoyens seront juges de votre refus de débattre d’un sujet qui les préoccupe au plus haut point. Au fond, cette attitude en dit long sur vos objectifs : nous le savons, le rôle de l’école maternelle est fondamental dans le recul des inégalités et de l’échec scolaires, et il influe positivement, cela a été prouvé, sur le cursus des élèves.

Chacun voit d'ailleurs la manœuvre ici : l’école maternelle non encore obligatoire fait les frais de la RGPP, cette terrible révision générale des politiques publiques. Monsieur le ministre, vous avez réussi le tour de force de supprimer des dizaines de milliers d’emplois dans ce secteur de la fonction publique depuis votre entrée au Gouvernement.

C’est un coup terrible qui est porté ce soir à la démocratie. Monsieur le ministre, votre attitude est stérile, elle ne vous honore pas. Elle est d’autant plus inadmissible que notre pays doit relever un véritable défi éducatif. Je constate que nous n’en prenons pas le chemin, et je le déplore. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Mes chers collègues, après avoir donné acte à Mme Gonthier-Maurin de son rappel au règlement, je vous prie de limiter vos interventions à ce qui relève strictement d’un rappel au règlement.

La parole est à M. Claude Domeizel, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Exception d'irrecevabilité

M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, regardez-moi : je veux vous parler les yeux dans les yeux. (M. le ministre se tourne vers l’orateur. – Exclamations sur les travées de lUMP.)

Premièrement, en venant déclarer ici que vous ne vouliez pas débattre de cette proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans, vous avez eu une attitude indigne d’un ministre de l’éducation nationale. Certes, vous pourrez démontrer que l’article 40 s’applique. Certes, il existe une solidarité gouvernementale. Toutefois, vous auriez pu au moins obtenir que cette annonce soit réalisée par un autre membre du Gouvernement…

M. Jean-Jacques Hyest. Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Claude Domeizel. … et pas par le ministre de l’éducation nationale.

Deuxièmement, j’ai entendu notre collègue Dominique de Legge nous expliquer que l’article 40 s’appliquait aux articles 1er et 2 de la proposition de loi. Soit, mais c’est à la commission des finances de nous le dire, et non à lui !

Troisièmement, j’ai une certaine ancienneté dans cette assemblée et je voudrais rappeler que, ici, une proposition de loi a toujours fait l’objet au moins d’une discussion générale, l’article 40 ne s’appliquant que lors de l’examen des articles.

D'ailleurs, je précise, monsieur le président, que j’interviens à cet instant au titre de l’article 24 de notre règlement, qui est relatif à l’irrecevabilité d’une proposition de loi et qui dispose : « Si elles [les propositions de loi] sont présentées par les sénateurs, elles ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence, soit la diminution d’une ressource publique non compensée par une autre ressource, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique. »

Or, dans un tel cas de figure, l’article 24 prévoit expressément, dans son quatrième alinéa, que c’est non pas la commission des finances, mais le bureau du Sénat qui doit trancher de la question : « Le bureau du Sénat ou certains de ses membres désignés par lui à cet effet sont juges de la recevabilité des propositions de loi ou de résolution. »

En outre, je constate, avec regret, que le Gouvernement n’applique pas les mêmes règles selon les propositions de loi qui sont examinées. Mes collègues ont déjà évoqué certains textes ; j’en citerai d’autres.

Monsieur le ministre, avez-vous eu la même attitude lorsqu’a été débattue la proposition de loi de M. Ciotti visant à lutter contre l’absentéisme scolaire, ou la proposition de loi, déposée par le même M. Ciotti, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants ?

M. Roland Courteau. Voilà des arguments qui portent !

M. Jean-Jacques Hyest. Cela ne coûtait rien !

M. Claude Domeizel. Et je n’ai cité que des textes concernant les enfants. Or, à l’époque, vous n’avez pas eu la même attitude. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Roland Courteau. Deux poids, deux mesures !

M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, je souhaite rappeler ici avec la plus grande vigueur que l’école de la République est fondée sur un triptyque : elle est obligatoire, laïque et gratuite.

L’enseignement élémentaire remplit ces trois conditions. Quant à l’école maternelle, elle est laïque et gratuite, mais elle n’est pas obligatoire. Pourtant, les enfants sont accueillis dans des bâtiments publics et les enseignants sont du secteur public ! Nous ne voyons donc pas pourquoi nous n’instaurerions pas l’obligation scolaire à partir de trois ans.

Je veux également souligner que les principales victimes de cette situation se trouvent en milieu rural.

M. Claude Dilain. Et dans les banlieues !

M. Claude Domeizel. Tout à fait, mon cher collègue. Toutefois, comme je représente, modestement, un département rural, je tenais à insister sur cet aspect.

Monsieur le ministre, vous auriez intérêt à téléphoner à qui de droit pour annoncer que vous êtes dans une situation intenable et qu’il vaut mieux discuter de cette proposition de loi. Menons au moins la discussion générale, puis vous invoquerez l’article 40 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais répondre à certaines interventions et réaffirmer la position du Gouvernement.

La proposition de loi de Mme Cartron, qui prévoit la scolarisation à trois ans et même, dans la version amendée par la commission, à deux ans (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Claude Domeizel. C’est faux !

M. David Assouline. Vous n’avez pas lu le texte !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est de la caricature !

M. Luc Chatel, ministre. Madame le sénateur, un amendement adopté en commission prévoit la scolarisation à deux ans.

Mme Françoise Cartron. Nous ne l’avons pas voté !

M. David Assouline. Il s’agit non pas d’une obligation de scolarisation à deux ans, mais d’une simple possibilité !

M. Luc Chatel, ministre. Je n’ai parlé d’obligation que pour les enfants de trois ans, monsieur Assouline. Un amendement a donc bel et bien été adopté qui introduit la possibilité d’une scolarisation dès l’âge de deux ans.

Cette proposition de loi, dans le texte qui est aujourd’hui présenté au Sénat, entraînerait la scolarisation de 700 000 à 750 000 élèves supplémentaires. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Jean-Marc Todeschini. Vous les avez déscolarisés !

M. Luc Chatel, ministre. Pour l’État, cela représenterait une charge de l’ordre de 1,3 milliard d'euros. (Exclamations sur les mêmes travées.)

Cette proposition de loi est donc tout simplement inconstitutionnelle : elle est contraire à l’article 40 de la Constitution, qui prohibe « la création ou l’aggravation d’une charge publique ». (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Au-delà, mesdames, messieurs les sénateurs – et j’y insiste d’autant plus que vous êtes les représentants des collectivités territoriales –,…

M. Claude Domeizel. Oui, en effet !

M. Roland Courteau. Justement !

M. Luc Chatel, ministre. … l’adoption de cette proposition de loi entraînerait une augmentation considérable des budgets des communes. (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. Luc Chatel, ministre. De fait, cela nécessiterait des efforts en matière d’aménagement, de construction de nouveaux locaux. Vous avez d'ailleurs évoqué un gage par la dotation globale de fonctionnement. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. Mes chers collègues, vous avez demandé à entendre M. le ministre ; je vous invite donc à l’écouter.

M. Claude Domeizel. Il est train d’aggraver son cas !

M. Luc Chatel, ministre. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a invoqué l’article 40.

Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, je voudrais vous répondre précisément, en commençant par le président du groupe socialiste-Europe Écologie Les Verts et la présidente de la commission de la culture.

Monsieur Rebsamen, madame Blandin, depuis quand le respect de la Constitution est-il un coup de force ? Je m’étonne, mesdames, messieurs les parlementaires, que des élus du peuple mettent ainsi en cause notre Constitution.

M. Luc Chatel, ministre. Je respecte le travail parlementaire ; j’ai été moi-même parlementaire et, depuis cinq ans que je suis membre du Gouvernement, j’ai montré que j’étais toujours dans une logique de débat avec le Parlement.

M. David Assouline. Pas ce soir !

M. Luc Chatel, ministre. Madame la présidente, avec tout le respect que je vous dois, j’ai été choqué par vos propos (Oh ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.) quand vous avez évoqué, s’agissant de l’article 40, une « arme de destruction massive pour la démocratie ».

Depuis quand, je vous le demande à nouveau, le respect de la Constitution, la loi des lois, la loi suprême, notre règle commune, au-delà de nos sensibilités respectives, est-il un « coup de force » ou une « arme de destruction massive pour la démocratie » ?

M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut pas interpréter la Constitution de manière sélective !

M. Luc Chatel, ministre. Mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, disposer de la majorité ne vous donne pas de blanc-seing pour violer la Constitution ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Vous avez évoqué, madame Blandin, la mauvaise manière faite au Sénat par le Gouvernement, et notamment sa précipitation. Mais le Gouvernement a respecté la Constitution ; il a également respecté le règlement du Sénat. Celui-ci dispose en effet que, jusqu’à l’ouverture de la séance publique, le Gouvernement peut invoquer l’article 40 de la Constitution.

M. David Assouline. Si cela continue comme ça, il n’y aura plus de débat au Sénat !

M. Luc Chatel, ministre. Madame Blandin, je n’ai nullement la volonté de « flouer » le travail de votre commission. Je sais que beaucoup de parlementaires ont travaillé au fond cette question de la scolarisation des enfants. D’autres débats nous permettront d’évoquer ensemble ce sujet.

Mais ajouter 1,3 milliard d'euros au déficit de nos finances publiques,…

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. C’est faux !

M. Luc Chatel, ministre. … reconnaissez que ce n’est pas un mince débat ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Jean-Marc Todeschini. Vous êtes déjà en campagne !

M. Luc Chatel, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, si j’ai souri tout à l'heure ce n’est pas par ironie, mais en réaction aux arguments utilisés.

J’ai entendu un responsable politique s’exprimer ainsi : « Je n’ignore rien des urgences : emploi, logement, santé, école, environnement, mais je n’empilerai pas les réponses convenues à coup de milliards dont nous cherchons encore le premier euro. Je ne serai pas un candidat prestidigitateur. »

M. Jean-Pierre Caffet. Il avait raison !

M. Luc Chatel, ministre. Le responsable politique qui a prononcé ces propos, c’est François Hollande, dont, si j’ai bien compris, vous soutenez la candidature à l’élection présidentielle ! (Applaudissements et exclamations ironiques sur les travées de lUMP. – C’est vrai ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Irrecevabilité (suite)

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (début)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances s’est réunie spécifiquement pour examiner la recevabilité financière de la proposition de loi.

La commission a estimé, à l’unanimité, que les paragraphes I et II de l’article 1er sont irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution.

M. le président. Cela étant, le reste de la proposition de loi subsiste et le dossier de séance doit être modifié en conséquence. Je vous propose donc que nous suspendions nos travaux, pour les reprendre à vingt-deux heures vingt.

M. Vincent Eblé. Monsieur le président, cela fait une demi-heure que Jean-Pierre Sueur demande la parole ! C’est scandaleux !

M. le président. Monsieur le sénateur, c’est à moi qu’il appartient de mener les débats. M. Sueur aura tout le loisir de s’exprimer lorsque la séance sera reprise. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Jean-Pierre Sueur. Je le confirme, j’ai demandé la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Aux termes de l’article 45, alinéa 4, du règlement du Sénat, l’irrecevabilité est admise de droit et sans débat si elle est affirmée par la commission des finances.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Monsieur le ministre, je ne répondrai pas à vos attaques personnelles ; je me concentre sur mon travail.

J’indique à nos collègues que la commission de la culture se réunira à vingt et une heures trente.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures vingt.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-deux heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (suite)

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je vous remercie sincèrement de me donner la parole pour un rappel au règlement, car j’ai été quelque peu contrarié de constater que précisément ce dernier n’était point appliqué.

Notre règlement prévoit en effet que « la parole est accordée sur-le-champ à tout orateur qui la demande pour un rappel au règlement ». « Sur-le-champ » ! Belle expression française, qui dit bien ce qu’elle veut dire, n’est-ce pas, madame Troendle ?...

Mme Catherine Troendle. La séance était suspendue !

M. Jean-Pierre Sueur. Ne voulant pas abuser d’un temps tellement précieux, je me référerai simplement au sous-titre que Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais a donné à l’une de ses pièces célèbres : La Précaution inutile

M. Pierre Martin. Oh là là !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, votre superbe lettre évoquant l’article 40 de la Constitution est arrivée quinze minutes avant le début du débat.

Alors que vous êtes ministre de l'éducation nationale – de l’« instruction publique », comme l’on disait jadis –, comment, très franchement, avez-vous pu défendre cette idée qu’en vertu de l’article 40 vous empêcheriez le débat parlementaire d’avoir lieu et Mme Cartron, comme tous mes collègues, de parler d’un sujet aussi important que celui du rôle de l’école maternelle dans notre pays ?

Le résultat a été le suivant : nous en avons parlé – j’ai compté – pendant une heure et dix-sept minutes, mais dans les pires conditions. Évidemment, nous étions en colère. Qui d’ailleurs ne l’aurait pas été ?

Et vous n’étiez pas dupe, monsieur le ministre, même dans les postures que vous avez prises, mais, quitte à aller au théâtre, autant que ce soit celui de Beaumarchais ! (Sourires.)

Dans cette affaire, monsieur le ministre, nous sommes de bonne foi, et nous avons été trompés.

Il est patent, vous êtes membre du Gouvernement et vous le savez, que le 26 octobre s’est tenue une conférence des présidents au cours de laquelle a été proposée par Mme la présidente de la commission de la culture l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans, proposition contre laquelle personne n’a formulé d’objection et qui a reçu l’accord du ministre chargé des relations avec le Parlement, M. Ollier.

M. Jean-Pierre Sueur. Si cette proposition de loi était si évidemment contraire à l’article 40, pourquoi M. Ollier ne s’en est-il pas avisé le 26 octobre ?

Au surplus, monsieur le ministre, hier, la conférence des présidents s’est de nouveau réunie, à la demande de nos collègues de l’UMP et de l’UCR. Au cours du débat sur notre ordre du jour, M. Ollier nous a demandé si nous ne craignions pas que la discussion de la proposition de loi relative à l’intercommunalité ne reprenne trop tard du fait, justement, de la discussion de la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans. Donc, hier, à dix-neuf heures, M. Ollier considérait encore qu’il fallait consacrer le temps nécessaire à débattre de cette dernière.

Il s’agit donc d’une manœuvre de dernière minute,…

M. Jean-Pierre Sueur. … une manœuvre dérisoire et inutile, car elle n’empêchera pas le débat d’avoir lieu,…

M. Jean-Pierre Sueur. … une manœuvre qui nous aura fait perdre une heure et dix-sept minutes, et qui donné lieu à un lamentable spectacle.

M. Roland Courteau. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Sueur. Aussi, monsieur le ministre de l’éducation nationale, au nom du beau titre qui est le vôtre et afin que nous ayons un débat de fond, je vous demande de vous consacrer à des œuvres intellectuelles et des débats de fond, plutôt que de vous livrer à des arguties et, de surcroît, de le faire alors même, et c’est encore une fois patent, que le Gouvernement a, pendant plusieurs semaines, défendu une position contraire à celle que vous avez adoptée pour la circonstance.

Le sujet mérite mieux. Le débat va avoir lieu maintenant et nous souhaitons, monsieur le président, qu’il se déroule dans la sérénité, comme celui qui suivra, ce à quoi nous coopérerons de tout notre cœur, mais en regrettant très profondément ce qui s’est passé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Monsieur Sueur, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Nous voudrions vous interroger, monsieur le ministre, car un sentiment d’incompréhension a parcouru les travées du Sénat.

Lorsque vous avez exprimé votre souhait de voir « activer » l’article 40 de la Constitution, vous avez fondé votre argumentation sur votre évaluation du surcoût qu’occasionnerait l’arrivée de 750 000 nouveaux petits.

D’abord, nous n’avons absolument pas les mêmes chiffres. Ensuite, vous avez mal lu puisque vous avez parlé des petits de deux ans, fustigeant le fait que leur scolarisation soit évoquée dans cette proposition de loi, alors que seule figure dans le texte la mention de leur accueil potentiel. Mais le propos n’est pas là.

Vous justifiez donc le recours à l’article 40 par l’arrivée potentielle de ces 750 000 petits et mettez en perspective un coût de 1,3 milliard d’euros.

À dix-neuf heures quarante-cinq, la commission des finances, qui a toute compétence pour procéder à une évaluation technique et économique de la réalité de ces coûts, s'est réunie. Elle a supprimé, dans notre texte, des dispositions déterminantes concernant les enfants de trois ans, tout en maintenant celles qui concernent les enfants âgés de deux ans…

M. Roland Courteau. C'est bizarre !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. En conséquence, monsieur le ministre, nous vous interrogeons, sans acrimonie : quelle est la bonne cible pour l’application de l'article 40 ? Est-ce celle de la commission des finances ou la vôtre ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Un ministre n’a pas à commenter une délibération de la commission des finances.

M. Luc Chatel, ministre. Celle-ci est absolument souveraine. Son président a souligné qu'elle avait pris à l'unanimité la décision d’opposer l’article 40 à certaines dispositions de la proposition de loi dont vous débattez ce soir. Je n'ai rien à ajouter.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (suite)

M. David Assouline. Monsieur le ministre, il va de soi que vous n'avez pas à commenter la décision de la commission des finances. Pour autant, vous êtes là pour éclairer le législateur. Il n’est pas dans votre intérêt que tout cela semble relever d’un arbitraire total : nous attendons que vous nous exposiez un raisonnement rationnel, fût-ce selon votre propre logique.

En effet, la commission des finances ne s’est pas autosaisie de ce texte : c’est vous-même qui avez demandé qu’elle se réunisse pour statuer sur la recevabilité de certaines dispositions au regard de l’article 40 de la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest. C'est le règlement !

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Rappel au règlement (suite)

M. David Assouline. Pour justifier votre décision d’invoquer l'article 40, vous avez affirmé que le texte, à vos yeux, tendait quasiment à rendre la scolarité obligatoire pour les enfants de deux ans et qu’une telle mesure coûterait 1,3 milliard d'euros. Ce sont vos propres mots, vous ne pouvez plus les retirer : ils figureront au compte rendu des débats et ils ont déjà été repris par l'Agence France-Presse.

Or la commission des finances a précisément maintenu les dispositions dont vous contestiez la recevabilité au titre de l’article 40, à savoir celles qui concernent la scolarisation des enfants de deux ans, mais a censuré le dispositif relatif à la scolarisation obligatoire des enfants de trois ans, qui constituait le cœur du texte.

Monsieur le ministre, peut-être y a-t-il simplement eu un défaut de communication. Cela pourrait se comprendre, car nous travaillons tous dans la précipitation, sans avoir le temps de tout lire, et de nombreux problèmes nous occupent. Pour autant, il convient de rester rationnels, de garder à nos débats une cohérence. Il ne faudrait pas donner à penser que, ce soir, nous avons fait n’importe quoi.

La commission des finances, qui n’a disposé que de quelques minutes pour prendre sa décision, ne pourrait-elle être réunie à nouveau afin le cas échéant de revoir sa position, à la lumière de l’argumentation que vous avez développée, monsieur le ministre ?

M. Roland du Luart. Non ! C'est contraire au règlement !

M. David Assouline. Cela nous permettrait ensuite de poursuivre la discussion de la proposition de loi dans des conditions plus normales.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Discussion générale

M. Jean-Jacques Hyest. Il faut tout de même respecter le règlement du Sénat et la Constitution.

Je rappelle que notre règlement prévoit que le Gouvernement doit soulever les exceptions d’irrecevabilité fondées sur l'article 40 en séance publique. Par conséquent, il ne revenait pas au ministre chargé des relations avec le Parlement, M. Ollier, de le faire en conférence des présidents.

Peut-être M. le ministre aurait-il pu prévenir de ses intentions ; c'est une autre question, mais il a donc agi conformément au règlement du Sénat en invoquant l’article 40 en séance publique.

Mes chers collègues, en cette matière, le Sénat a longtemps fait preuve d’une certaine souplesse, jusqu'au jour où le Conseil constitutionnel a indiqué que les amendements tombant sous le coup de l'article 40 de la Constitution ne devaient même pas être examinés en séance publique. Si l’on commence à discuter les décisions de la commission des finances, jusqu’où ira-t-on ?

À l'Assemblée nationale, où j’ai également siégé, l'article 40 de la Constitution était appliqué avec beaucoup de rigueur ! Lorsque j'étais dans l'opposition, il est arrivé que certains de mes amendements soient écartés de la discussion pour ce motif, ce qui était tout à fait normal.

Certains contestent le dispositif de l'article 40, notamment nos collègues du groupe CRC.

M. Jean-Jacques Hyest. En revanche, le groupe socialiste n’a jusqu'à présent jamais proposé de le modifier !

Cela nous renvoie au débat que nous avons eu sur la « règle d'or ». Rappelez-vous les difficultés que nous avons dû alors surmonter pour faire en sorte que l'on puisse tout de même discuter de dispositions financières hors débats budgétaires ! En effet, le dispositif initial était beaucoup plus contraignant que celui de l'article 40 !

Le ministre a le droit d’invoquer l'article 40. Dès lors que des dispositions ont été déclarées irrecevables à ce titre par la commission des finances, on n’en discute plus, même si elles constituent le cœur du texte ! Il faut respecter nos institutions, la Constitution et le règlement du Sénat : il y va de la démocratie.

Je relève d’ailleurs que certains s’attendaient tellement à ce qui s’est passé qu’ils avaient préparé leurs interventions par écrit !

M. Jean-Jacques Hyest. C'est tout de même extraordinaire ! L'étonnement n'était pas du côté que l’on croit !

En conclusion, je voudrais poser la question suivante : pourquoi nos collègues socialistes n’ont-ils pas déposé plus tôt le présent texte,…

Mme Françoise Cartron. Nous l’avons déposé il y a six mois !

M. Jean-Jacques Hyest. … par exemple lorsque la gauche était au pouvoir ? Ils auraient alors eu toute latitude pour faire voter par l’Assemblée nationale la scolarité obligatoire dès trois ans…

M. Jean-Jacques Hyest. Pourquoi une telle précipitation subitement ? Quoi qu’il en soit, une telle mesure coûte cher,…

M. Jean-Jacques Hyest. … et la commission des finances a estimé qu’elle était irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution ! Il serait peut-être bon maintenant d’avancer, car il me semble que la suite de l’examen d’une autre proposition de loi du groupe socialiste a été reportée à ce soir…

M. le président. Monsieur Assouline, monsieur Hyest, je vous donne acte de vos rappels au règlement.

Nous passons maintenant à la discussion générale.

Discussion générale

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Organisation des travaux

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous, sénatrices et sénateurs socialistes, avons souhaité que l’instauration de l’instruction obligatoire en France dès l’âge de trois ans soit l’une des premières dispositions examinées par la nouvelle assemblée sénatoriale. Cette mesure est soutenue, plus largement, par l’ensemble des formations de gauche.

Ainsi, cette année, trois propositions de loi portant sur l’instauration d’une obligation d’instruction dès le plus jeune âge ont été déposées au Sénat, respectivement par les socialistes et les Verts, par le groupe CRC, par les radicaux de gauche. À l’Assemblée nationale, la démarche est identique.

Je remercie Mme la présidente de la commission de la culture d’avoir retenu la présente proposition de loi et je salue l’implication et l’engagement de Mme la rapporteure, Brigitte Gonthier-Maurin.

En effet, le texte que j’ai l’honneur de présenter devant le Sénat relève de notre volonté commune de redonner toute son importance au plus jeune âge de la vie, à cette période cruciale de l’existence où se cristallisent et se sédimentent les inégalités sociales et scolaires.

Dans cette période de crise profonde qui malmène notre société, face aux restrictions budgétaires qui menacent l’équilibre de notre école de la République, il est nécessaire que nous, législateurs, reconnaissions l’école maternelle pour ce qu’elle est : une école à part entière, gratuite, ouverte à toutes et à tous.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Françoise Cartron. Par ailleurs, cette proposition de loi répond à une exigence plus grande encore : faire de la jeunesse une priorité, inscrire la génération qui vient au cœur de nos préoccupations, au cœur de notre projet pour la France.

Répondre à l’urgence du présent sans oublier de préparer l’avenir : telle est l’ambition sous-tendant le texte que j’ai déposé au nom du groupe socialiste ; telle doit être notre ambition à tous – élus de gauche, mais aussi plus largement, j'ose l'espérer, élus de tous bords qui croient en la force de l’école publique.

La loi Jules Ferry du 28 mars 1882 instaura l’obligation scolaire de six ans à treize ans. Progressivement, cette obligation fut étendue jusqu’à seize ans, mais, à ce jour, aucune avancée concernant les enfants de moins de six ans n’a été inscrite dans la loi.

Or, nous le savons, la scolarisation précoce dans une école maternelle a une influence déterminante sur le parcours de l’enfant, sur son épanouissement personnel.

M. Roland Courteau. C'est exact !

Mme Françoise Cartron. L’instauration de la scolarité obligatoire dès trois ans viendrait sanctuariser et renforcer un modèle qui participe de l’idéal républicain de l’égalité des chances.

Mes chers collègues, le texte que je vous présente ici vise non à obliger ou à contraindre, mais à protéger, à préserver et à conforter notre système public d’enseignement et tous les acteurs qui s’y investissent au quotidien : parents, enseignants, auxiliaires et emplois de vie scolaire, psychologues, médecins, etc. Ce texte a vocation à soutenir les élus locaux et le dynamisme de nos territoires ; surtout, il s’adresse à nos enfants, qu’il accompagnera dans les années à venir.

Sachant que 99 % des enfants sont déjà scolarisés à l’âge de trois ans, pourquoi en faire une obligation légale ?

Je souhaite tout d’abord revenir sur ce qui fait de l’école maternelle un lieu d’apprentissage aussi spécifique qu’indispensable.

Un enfant se construit dès le plus jeune âge. Il est nécessaire que, très tôt, il soit confronté à des stimulations de tous ordres, qui l’aideront à développer son intelligence, sa curiosité, son sens critique, son autonomie et sa maîtrise du langage.

Lieu de socialisation équilibrée, notre école maternelle excelle et est citée en référence dans le monde entier.

Face aux difficultés familiales, psychologiques ou sociales rencontrées dès la petite enfance, l’école constitue un lieu d’accompagnement et de réparation indispensable, parce qu’elle construit des parcours pédagogiques adaptés, en tenant compte des différences de rythmes et de maturité, parce qu’elle reconnaît la spécificité de chaque enfant. Elle offre ainsi un temps éducatif privilégié qu’il nous faut préserver.

Dans l’accomplissement de ses missions essentielles, elle répond au double impératif de progrès et de justice sociale, valeurs qui sont au cœur même de notre pacte républicain.

Les parents, les syndicats de l’enseignement, les professionnels de l’éducation ont tous relevé le lien positif existant entre la durée de fréquentation de l’école maternelle et la réussite des élèves à l’école élémentaire, non seulement sur le plan de l’acquisition des connaissances, mais également en termes d’épanouissement et d’autonomie.

L’école maternelle assure un temps d’apprentissage particulièrement bénéfique pour les élèves les moins favorisés, socialement ou culturellement, pour les élèves d’origine étrangère primo-arrivants et pour tous ceux qui rencontrent des difficultés dans l’apprentissage du français.

L’école maternelle, c’est l’école de la rencontre avec le langage, de la rencontre de l’autre, de la découverte du monde du sensible, de l’émotion, mais c’est aussi l’école de la confrontation avec le réel, qui permet à nos enfants de mieux comprendre leur environnement.

Dans une société qui fait le pari de la jeunesse, la sécurisation de l’école maternelle, dans sa structure et ses missions, est un impératif.

Or, depuis quelques années, la politique éducative menée par différents gouvernements est allée à l’encontre de cette ambition. Nous constatons avec inquiétude la chute, année après année, du nombre d’enfants admis à l’école avant trois ans. Alors que 35 % des enfants de deux à trois ans étaient préscolarisés en 2000, ce taux est tombé, aujourd’hui, à moins de 14 %. Dans des zones sensibles comme le département de la Seine-Saint-Denis, où les besoins sont le plus criants, il est inférieur à 5 %.

En conséquence d’une application aveugle de la révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP, des dizaines de milliers d’enfants ont été abandonnés dans un vide éducatif préjudiciable à leur avenir, mais aussi dans une précarité sanitaire que nous découvrons, avec effroi, au travers du retour de maladies que nous croyions définitivement éradiquées.

Mme Françoise Cartron. Là encore, l’école maternelle et ses médecins scolaires jouent un rôle irremplaçable.

De plus, les réductions drastiques du nombre de postes dans le premier degré n’ont pas non plus épargné la prise en charge des enfants de trois à cinq ans. Si le taux de scolarisation demeure proche de 100 %, c’est au prix d’une augmentation des effectifs par classe, amenant une dégradation des conditions d’accueil.

Craignons que, en raison de ces coupes budgétaires sévères, les écoles maternelles ne soient dans l’obligation, demain, d’écarter de plus en plus d’enfants.

M. Roland Courteau. C’est bien le risque !

Mme Françoise Cartron. Cela est d’autant plus à redouter que, en parallèle, tentent de se développer des structures privées et payantes, comme les jardins d’éveil. Celles-ci ne répondent ni aux mêmes exigences pédagogiques ni aux mêmes exigences de formation.

De fait, l’ambition éducative portée par l’enseignement préélémentaire en France est progressivement remise en cause.

Par ailleurs, j’entends trop souvent des justifications budgétaires au démantèlement de l’enseignement en maternelle, qui permettrait la réalisation d’économies rendues nécessaires par la crise que nous traversons. Attention, monsieur le ministre : n’ajoutons pas à la crise financière une crise éducative.

D’après des études récentes, la France est, parmi les pays comparables, celui où le nombre d’élèves par professeur est le plus important. Le sous-investissement est encore plus criant à l’école maternelle. Or, on le sait, c’est en investissant tôt dans la scolarité d’un enfant qu’on évite le mieux des échecs ou des réorientations qui coûtent cher à la société par la suite.

Mme Françoise Cartron. Enfin, je précise que l’incidence de ce texte sur les finances de l’État et celles des communes sera marginale, la quasi-totalité des enfants étant déjà accueillis à partir de trois ans.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé que la mise en œuvre de nos propositions entraînerait l’arrivée à l’école de 750 000 élèves supplémentaires. De deux choses l’une : soit vous vouliez en fait parler de la scolarisation des enfants de deux ans, soit le nombre d’enfants de trois ans non scolarisés est effectivement aussi élevé dans notre pays, et alors la situation est encore pire que nous ne l’imaginions ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Il y a bien un besoin d’école aujourd’hui, puisque des classes maternelles privées hors contrat, payantes bien sûr, se développent. Le coût est donc reporté sur les familles, déjà bien malmenées financièrement. Là encore, il y a danger !

Le 28 juin dernier, je vous interrogeais, monsieur le ministre, sur le désengagement de l’État de l’école maternelle. Vous m’aviez répondu en rappelant que l’école n’était obligatoire que de six à seize ans. Monsieur Chatel, vous aviez entièrement raison ! C’est précisément un des éléments qui ont motivé le dépôt de notre proposition de loi.

Ainsi, sur le plan symbolique, l’intégration de la maternelle dans la scolarité obligatoire permettra la reconnaissance définitive de son statut d’école à part entière, lieu privilégié où se développe l’enfant, dans le respect de sa personne, de ses besoins et de ses rythmes.

Sur le plan juridique, si cette proposition de loi est adoptée, cela imposera à l’État de déployer tous les moyens nécessaires à l’accueil et à l’instruction de l’ensemble des enfants de trois à cinq ans. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. Nous y voilà !

Mme Catherine Troendle. Où trouverez-vous tous ces crédits ?

Mme Françoise Cartron. Il s’agit d’accueillir à l’école les 1 % d’enfants de trois ans qui ne sont pas déjà scolarisés : je pense que notre pays peut consentir un tel effort.

M. Alain Gournac. Combien ?

Mme Françoise Cartron. C’est un choix politique ! Dès lors, il ne sera plus possible de considérer l’école maternelle comme une simple variable d’ajustement budgétaire.

Revenons d’ailleurs sur la question des moyens.

Une scolarité maternelle longue a des effets bénéfiques sur la suite du cursus de l’enfant, à condition de garantir la qualité de l’accueil. Bien sûr, cela nécessite un investissement, que l’État doit considérer non pas comme une charge, mais comme une chance.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Françoise Cartron. Voilà presque soixante ans, Pierre Mendès-France publiait un ouvrage intitulé : Gouverner, c’est choisir.

Mme Catherine Troendle. Absolument ! C’est ce que fait le Gouvernement !

Mme Françoise Cartron. C’est cela, la noblesse de la politique : choisir des priorités. La nôtre, c’est de donner à la jeunesse de notre pays les moyens de construire son avenir, et ce dès le plus jeune âge.

Oui, des moyens humains et matériels seront nécessaires, en priorité pour les niveaux d’enseignement préélémentaires et élémentaires.

Ainsi, nous nous engageons, au travers de ce texte, à développer une vraie formation initiale et continue des personnels enseignants. Aujourd’hui, le manque de formation pratique et l’absence de modules spécifiques en sciences du langage ou en psychologie sont constatés et déplorés par les acteurs de l’éducation.

M. Roland Courteau. Tout à fait !

Mme Françoise Cartron. Il est urgent de revenir sur la réforme ratée, gâchée dirais-je, de la mastérisation, en adaptant la formation pour la centrer sur le développement de l’enfant.

Nos enseignants méritent notre attention, notre estime et notre respect. Il y a urgence à leur témoigner notre confiance par des mesures concrètes.

Sur le plan pédagogique, l’occasion nous est donnée de réaffirmer la particularité de ce temps d’enseignement. L’école maternelle n’est pas le lieu d’une évaluation permanente, ni l’antichambre d’une compétition effrénée entre les enfants. Récemment, certaines initiatives malheureuses auraient pu laisser croire le contraire. En réalité, elle est un modèle éducatif qui ne se réduit pas à un mode d’accueil collectif comme les autres, ni à une classe de présélection pour l’enseignement élémentaire. Elle doit donc conserver sa pédagogie propre, de même qu’une certaine souplesse dans la prise en compte du rythme de vie de l’enfant ; cette liberté sera conservée.

En effet, d’un point de vue social, la proposition de loi rend obligatoire l’instruction. Elle ne remet nullement en cause la liberté de l’instruction et le libre choix des familles.

Mme Catherine Troendle. Ah bon ? Où est le libre choix des familles ?

Mme Françoise Cartron. Nous n’avons pas souhaité faire de la scolarisation dès deux ans un droit opposable. Nous réaffirmerons la possibilité de préscolariser les enfants, plus particulièrement ceux qui sont issus des zones sociales défavorisées, rurales ou urbaines, déjà prévue aujourd’hui dans le code de l’éducation.

Néanmoins, cette problématique nous apparaît indissociable d’une réflexion plus générale sur l’accueil de la petite enfance, qui constitue non seulement un facteur déterminant de l’égalité des chances, mais également un instrument au service de l’égalité entre les hommes et les femmes. La mise en place d’un véritable service public de la petite enfance s’impose.

Au cours d’une audition par notre commission, vous avez affirmé, monsieur le ministre, qu’en une période de crise comme celle que nous connaissons actuellement, un devoir d’ambition, une exigence d’éducation s’imposaient à nous. Cette proposition de loi porte une telle ambition, non seulement pour l’école, mais également pour les territoires, dont nous sommes les représentants et qui font notre fierté. Par leurs innovations, leurs politiques volontaristes, ils sont les moteurs du développement économique et notre meilleur rempart contre la crise.

Mais que constatons-nous aujourd’hui, ici au Sénat ? Après les tribunaux, les hôpitaux, les bureaux de poste, l’école est le nouveau souffre-douleur de la RGPP.

L’enseignement primaire, domaine privilégié d’intervention pour prévenir l’échec scolaire, est aujourd’hui sinistré. Combien de postes auront été supprimés à la fin du mandat présidentiel, au nom de la seule logique comptable : 80 000 ? Davantage encore ?

Dans cet exercice de divisions multiples, les territoires ruraux et les villes de banlieue ont payé le prix fort. Oubliée, la charte sur l’organisation des services publics en milieu rural signée en 2006, qui prévoyait que toute fermeture de classes devait être anticipée deux ans à l’avance ; ignorés, les cris d’alerte des maires des villes de banlieue, affolés par la détresse d’une grande partie de leur population ; abandonnés au nom du seul critère de la rentabilité, les enfants cumulant échec social et échec scolaire !

Dans ce contexte, nous avons appris que des maires qui ne veulent pas se résigner à la mort programmée de leur école embauchent et rémunèrent des enseignants, se substituant ainsi à l’éducation nationale défaillante. Ils le savent tous : l’école est un lieu structurant, un lieu vivant dans un village, un quartier ; un lieu irremplaçable d’apprentissage, d’échange, de prévention, de socialisation.

Si la majorité actuelle n’est pas seule responsable des errements de notre système éducatif, force est de constater qu’une grande part de cette responsabilité lui incombe. L’adoption de cette proposition de loi représenterait un sursaut salvateur, et pour vous, monsieur le ministre, peut-être un premier pas vers l’obtention d’un « triple A éducatif » !

Mme Françoise Cartron. En conclusion, en défendant cette proposition de loi, je pense en priorité à toutes ces familles qui s’inquiètent, craignant le déclassement et l’exclusion.

Je souhaite m’adresser aux enfants de notre République : c’est pour eux que nous voulons cette loi, eux qui porteront demain nos espoirs, qui défendront nos valeurs et nos convictions, qui parleront demain en notre nom à tous, en Europe et dans le monde !

En plus de vingt ans d’enseignement en zone d’éducation prioritaire, j’ai vu et accompagné tant d’enfants qui, plus tard, sont devenus des adultes accomplis, tant d’élèves qui ont su dépasser certains déterminismes sociaux, culturels ou religieux, pour devenir des professionnels reconnus, des citoyens responsables ! Quel bonheur ! Quelle fierté !

Jamais nous ne nous résoudrons à abandonner les plus fragiles, à sacrifier sur l’autel du réalisme budgétaire ou du cynisme nos ambitions éducatives et sociales.

Mme Catherine Troendle. Nous non plus !

Mme Françoise Cartron. Alors, vous voterez cette proposition de loi !

Mme Françoise Cartron. Aucun peuple ne peut vivre sans espérer un monde meilleur, sans assurer l’avenir de sa jeunesse. Je citerai, à cet instant, Léon Gambetta : « L’avenir n’est interdit à personne. »

L’égalité des chances n’est pas un vain mot. La démocratie de la réussite est une grande idée : elle est notre but ultime.

La majorité actuelle n’aura, hélas, pas réussi à créer les conditions de la réussite partagée pour tous. Elle aura trop souvent favorisé l’émergence d’un tamis éducatif, qui sélectionne les meilleurs et élimine les moins bons. Elle aura usé et abusé d’une rhétorique, celle de l’excellence, qui cache la multitude des exclus du système.

La préparation de l’avenir de nos enfants ne peut se résumer à une compétition féroce, à un classement permanent. C’est un projet, un parcours personnel à construire, accompagné par des adultes compétents au sein de notre école républicaine.

En 1955, Pierre Mendès-France affirmait que si la République est capable de comprendre la jeunesse, d’épouser son espérance, de la servir dans chacune de ses décisions, alors elle n’a rien à craindre des extrémistes, car elle sera toujours plus forte et plus vivante, portée par sa jeunesse, ardemment défendue, et chaque jour renouvelée par elle.

Mes chers collègues, servons ce soir cette grande ambition pour la France, cette grande ambition pour la génération nouvelle. Je ne vous invite pas à poursuivre des rêves ou des utopies ; non, il s’agit, dès ce soir, d’éclairer l’avenir de nos enfants. Alors, ensemble, rêvons le possible, et adoptons cette proposition de loi ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Pierre Sueur. Il eût été dommage d’être privés d’un tel discours !

M. Alain Gournac. Les sauveurs sont parmi nous ! Incroyable ! Pour qui vous prenez-vous ?

M. Roland Courteau. La droite a été ébranlée. Elle reste sans voix !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, les événements graves survenus tout à l’heure dans cet hémicycle, qui témoignent pour le moins d’un sérieux manque de franchise, me forcent à modifier la tonalité de mon intervention.

Depuis la loi Ferry du 28 mars 1882, l’obligation scolaire a été progressivement étendue en aval, de treize à seize ans. Mais, en amont, malgré le développement des écoles maternelles sur l’initiative de Pauline Kergomard, le début de l’instruction obligatoire est resté fixé à six ans.

Avant qu’elle ne soit vidée de sa substance par la manœuvre du Gouvernement, la proposition de loi n° 447 tendait à renverser la logique, afin de préserver l’acquis social majeur que constituent les écoles maternelles.

La même conviction animait le groupe CRC lorsqu’il a déposé une autre proposition de loi, visant à garantir le droit à la scolarisation dès l’âge de deux ans, comme celle du groupe du RDSE.

La conjonction de ces trois propositions de loi, distinctes mais convergentes, témoigne de l’importance que le nouveau Sénat attache aux premiers pas des élèves à l’école.

Au terme de ses travaux, et malgré l’intervention du Gouvernement, la commission de la culture et de l’éducation considère toujours que l’école maternelle peut et doit jouer un rôle clé dans la réduction des inégalités et la lutte contre l’échec scolaire. Ce point fait consensus parmi les parents, les enseignants et les chercheurs. Globalement, à condition de s’assurer de la qualité de l’accueil, une scolarité maternelle longue a des effets protecteurs à long terme sur la suite du cursus, notamment en prévenant les redoublements.

M. Roland Courteau. C’est très vrai !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. L’école maternelle constitue donc un instrument de sécurisation des parcours scolaires. Tous les travaux de recherche, notamment ceux des équipes d’Agnès Florin et de Bruno Suchaut, le démontrent. Le Gouvernement préfère ignorer les faits, comme il repousse le débat.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. L’école maternelle est bien un chaînon essentiel du système éducatif, mais elle est aujourd’hui fragilisée et menacée. Elle le sera encore plus demain, vos intentions, monsieur le ministre, étant transparentes depuis ce soir.

M. Roland Courteau. Dans un an, cela va changer !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. En effet, malgré l’importance fondamentale de l’école maternelle pour le développement des enfants et la facilitation de leur parcours scolaire, le Gouvernement a fait prévaloir une politique de réduction des coûts, qui s’est traduite par un net recul du taux de scolarisation.

Mme Catherine Troendle. Ah bon ? On vient de nous dire que la quasi-totalité des enfants de trois ans sont scolarisés !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. Nous sommes, statistiquement, revenus trente ans en arrière, à la situation qui prévalait avant les années quatre-vingt.

M. Alain Gournac. Mensonges !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. Gardez votre sang-froid, mes chers collègues !

Mme Catherine Troendle. Expliquez-vous !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. Le taux de préscolarisation dès deux ans est le plus affecté. Son recul, à 13,6 % sur le plan national, frappe durement des zones pourtant prioritaires, par exemple le département de la Seine-Saint-Denis.

Cependant, les réductions du nombre de postes dans le premier degré n’ont pas épargné la prise en charge des enfants âgés de trois à cinq ans. Si le taux de scolarisation demeure quasiment inchangé, cela est dû à une augmentation des effectifs par classe, qui a entraîné une dégradation des conditions d’accueil.

Il n’est pas dit que, à ce rythme, les écoles maternelles ne devront pas écarter, dans les années à venir, de plus en plus d’enfants, faute de places disponibles. Cette crainte se confirme après la tentative du Gouvernement de couper court à notre débat.

À cette pression budgétaire s’ajoutent les effets de la réforme de la formation des enseignants. De l’aveu général, monsieur le ministre, la mastérisation est inadaptée, parce qu’elle affaiblit la professionnalisation des futurs enseignants et complique leur entrée dans le métier. Quatre rapports successifs – Filâtre, Marois, Grosperrin et Jolion – convergent sur ce point. Si l’ensemble du système éducatif est concerné, c’est bien à l’école maternelle et parmi les très jeunes enfants que les dommages risquent d’être les plus importants. (M. Vincent Eblé applaudit.)

En outre, il ne faut pas négliger l’impact des attaques symboliques qui ont tendu à dévaloriser l’action des enseignants et à promouvoir des alternatives privées payantes, alors que celles-ci n’ont jamais démontré leur efficacité. Cette remise en cause a été durement ressentie par le corps enseignant. Elle contribue à la dégradation de la condition enseignante, analysée dès 2008 dans le rapport Pochard et illustrée de façon tragique dans l’actualité récente.

Face à ces attaques, la commission de la culture et de l’éducation a estimé qu’avancer à trois ans l’âge de l’instruction obligatoire constituait une mesure de sauvegarde essentielle. Ce devait être la première pierre du chantier de la refondation de l’école maternelle. Il nous aurait ensuite appartenu d’engager une réflexion sur la mission et la fonction de l’école maternelle, à partir de laquelle nous aurions travaillé à la remise à plat de la formation des enseignants.

Là où le code de l’éducation prévoyait la simple possibilité d’un accueil des enfants de moins de six ans, la proposition de loi visait à imposer à l’État de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires à l’accueil et à l’instruction de l’ensemble des enfants âgés de trois à cinq ans.

Sur le plan symbolique, l’intégration de l’école maternelle dans la scolarité obligatoire aurait dû permettre la reconnaissance définitive de son statut d’école à part entière. Elle aurait pu contribuer à affirmer son rôle fondamental, à la racine du système éducatif.

En outre, le passage d’une simple faculté, même si elle était exercée dans les faits, à une obligation aurait constitué un verrou utile : cela aurait contribué à bloquer toute velléité de réduction de la scolarisation en maternelle et aidé à freiner l’érosion des moyens humains et matériels consacrés à l’école maternelle. Monsieur le ministre, vous l’aviez bien compris : c’est pour cette raison que avez méprisé le travail des auteurs de la proposition de loi et celui de la commission de la culture. (M. le ministre fait un signe de dénégation.)

Après examen, le texte ne présentait pas de difficultés en termes de conformité aux conventions internationales ratifiées par la France, dans la mesure où seule l’instruction obligatoire était visée. La proposition de loi n’imposait pas, malgré son titre équivoque, la scolarisation obligatoire. Elle ne remettait donc aucunement en cause la liberté de l’instruction et le libre choix des familles.

La commission de la culture et de l’éducation souhaitait, et souhaite plus encore aujourd’hui, mettre en garde contre deux effets pervers potentiels.

Premièrement, il faut empêcher que la consolidation de la scolarisation à partir de trois ans ne serve de prétexte à une accélération du recul de la préscolarisation à deux ans. La commission demande, monsieur le ministre, que vous entendiez ce message.

Deuxièmement, il faut stopper la dérive à l’œuvre de l’école maternelle vers l’école élémentaire, à la fois dans les missions, l’organisation et les apprentissages. Cette tentation existe déjà, notamment en grande section. L’intégration de l’école maternelle dans la scolarité obligatoire ne devra, à aucun prix, renforcer un tel mouvement. Ce serait gommer la spécificité de cette école et empêcher son adaptation fine aux besoins d’enfants en pleine transition cognitive et psychoaffective.

Par ailleurs, pour consolider et préciser le texte de la proposition de loi, la commission avait adopté, sur mon initiative, un certain nombre d’amendements, qui ont été validés par la commission des finances ; je tiens à le souligner, car c’est grâce à leur adoption que nous avons encore un texte à discuter ce soir !

Ces amendements visaient trois objectifs.

Il s’agissait, d’abord, de garantir l’homogénéité et la cohérence de l’ensemble des dispositions du code de l’éducation mentionnant l’instruction obligatoire.

Il s’agissait, ensuite, de maintenir l’école maternelle hors du champ de contrôle de l’assiduité scolaire, afin de préserver une certaine souplesse dans l’organisation de la journée pour les enfants de trois ans et surtout, mes chers collègues, d’empêcher l’activation du mécanisme de suspension des allocations familiales prévu par la loi Ciotti du 28 septembre 2010.

Mme Éliane Assassi et M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. Il s’agissait, enfin, d’exiger une formation initiale et continue pour les personnels enseignants, prenant en compte la technicité particulière de leur tâche et les spécificités des enfants accueillis à l’école maternelle.

Le texte, je l’ai dit, a été vidé de sa substance après l’intervention du Gouvernement. La commission de la culture et de l’éducation, qui avait rendu un avis favorable, le déplore très vivement. Elle craint désormais que l’école maternelle ne soit bientôt la victime de graves restrictions budgétaires.

M. Claude Bérit-Débat. Tout à fait !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. Nous en reparlerons bien évidemment lors de l’examen du projet de loi de finances, monsieur le ministre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord revenir sur les rappels au règlement et les interventions préliminaires à la discussion générale de certains membres de la Haute Assemblée.

Vouloir faire respecter la Constitution ne signifie pas refuser le dialogue. Le Gouvernement n’a jamais eu l’intention d’empêcher le débat. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Roland Courteau. Vous ne manquez pas d’air !

M. Luc Chatel, ministre. En tant que représentant du Gouvernement, j’avais le devoir de faire respecter la Constitution, comme l’a très bien expliqué tout à l’heure M. Hyest. Il n’en demeure pas moins que le dialogue est essentiel, surtout quand il s’agit de l’école. Je pense avoir montré, depuis deux ans et demi que j’exerce les fonctions de ministre de l’éducation nationale, que j’étais prêt à parler de tous les sujets avec tous les parlementaires, quelle que soit leur sensibilité politique.

M. Jean-Marc Todeschini. M. le ministre va botter en touche !

M. Roland Courteau. Il essaie de se rattraper !

M. Luc Chatel, ministre. Dès lors, dialoguons sur le fond, dans le respect de nos institutions.

Madame Cartron, le texte que vous présentez aujourd’hui est la démonstration qu’une idée généreuse ne fait pas forcément une bonne proposition de loi.

Oui, l’école maternelle mérite toute notre attention, parce qu’elle est le lieu où l’enfant s’initie aux apprentissages, où il est incité à l’interaction avec les autres enfants de son âge, où il est éduqué aux exigences fondamentales de la vie en société et au respect de son entourage.

Nous considérons nous aussi, madame Cartron, que la maternelle est une véritable école. En particulier, elle est l’école du langage. Permettez-moi de vous dire que nous ne vous avons pas attendue pour lui accorder toute notre attention…

M. Roland Courteau. Ce n’est pas l’impression que l’on a dans les communes !

M. Luc Chatel, ministre. … et pour travailler à ce qu’elle permette à chaque enfant, madame le rapporteur, de s’engager d’un pas sûr et serein dans sa scolarité.

Puisque vous avez évoqué la question des moyens, madame Cartron, en parlant de « démantèlement », je vous ferai observer que le taux d’encadrement à l’école maternelle est exactement le même aujourd’hui qu’il y a dix ans : on compte, en moyenne, 25,6 enfants par classe. Je souligne en outre que le nombre d’enseignants en maternelle était de 110 000 en 2008, de 111 000 en 2009 et de 112 800 en 2010.

M. Luc Chatel, ministre. Eu égard aux contraintes qui pèsent aujourd’hui sur le budget de l’État, en particulier sur celui de l’éducation nationale, de tels chiffres prouvent l’engagement fort du Gouvernement auprès de notre école maternelle.

Je le redis, l’école maternelle est une véritable école, et non, comme certains voudraient le faire croire, un espace d’accueil.

C’est précisément dans le plus complet respect de cette mission éducative que nous avons voulu la réformer en 2008, en lui fixant de vrais programmes centrés sur l’appropriation de la langue par la nomination, la formulation de questions, le récit, l’appropriation progressive de la syntaxe élémentaire de notre langue, ainsi que sur la découverte de l’écrit par la reconnaissance et l’écriture de la plupart des lettres de notre alphabet, la mise en relation des sons et des lettres, la copie en écriture cursive de mots simples, à commencer par son prénom.

Par le biais de ces programmes, nous avons également voulu aider les enfants à appréhender leur corps et à découvrir le monde par l’adaptation de leurs déplacements à des environnements et à des contraintes variées, la reconnaissance des objets, le repérage des dangers ou l’utilisation des marqueurs de temps.

Ces programmes visent en outre à solliciter l’attention, la concentration, l’imagination des enfants, mais aussi, dès le plus jeune âge, à leur apprendre, par l’écoute, par l’identification du rôle des adultes, à respecter des règles pour être à même de respecter les autres.

Nous avons enfin voulu travailler à instaurer davantage de progressivité entre la grande section et le cours préparatoire. Les spécialistes du langage sont unanimes : tout commence à l’école maternelle, avant l’entrée au cours préparatoire, et l’apprentissage des mots est essentiel pour un bon apprentissage de la lecture.

C’est la raison pour laquelle, madame Cartron, nous avons décidé de créer un dispositif d’aide personnalisée de deux heures par semaine dès la maternelle, afin de remédier aux difficultés scolaires et de porter une attention particulière aux enfants qui rencontrent, dès cet âge, des problèmes.

Pour aider les enseignants dans la mise en œuvre de ces nouveaux programmes de maternelle, j’ai pris la décision, à la rentrée de 2009, de nommer 100 inspecteurs de l’éducation nationale – un par département – sur des postes nouveaux. Là encore, dans un contexte budgétaire contraint, nous avons fait des choix. Ces inspecteurs ont pour missions spécifiques de veiller à promouvoir une qualité particulière d’apprentissage adaptée aux enfants de trois à six ans et de contribuer, en grande section, à la prévention de l’illettrisme dans le cadre du plan que j’ai présenté en mars 2010. En effet, pour être pleinement efficace, pour lutter contre les premières des inégalités, il faut travailler au plus tôt à l’acquisition des fondamentaux de la langue.

On sait très bien que, entre un enfant qui, à l’entrée en cours préparatoire, maîtrise de 150 à 300 mots, parce qu’il vit dans un environnement familial défavorisé, où il est peu sollicité par la conversation familiale, et un autre qui connaît, au même stade, de 800 à 1 200 mots, il existe déjà un fossé qu’il sera quasiment impossible de combler dans la suite des apprentissages. Eh bien l’école de la République, mesdames, messieurs les sénateurs, doit remédier à cette inégalité ! Nous nous y consacrons avec volontarisme et méthode.

Cette action précoce passe par un apprentissage méthodique du vocabulaire, ainsi que par un apprentissage des textes par cœur, pour développer à la fois la concentration et la mémorisation.

C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à ces 100 inspecteurs de l’éducation nationale chargés de la maternelle de concentrer leur action sur la mise en œuvre de ce plan de prévention, afin d’instaurer une véritable égalité des chances partout sur notre territoire.

Dans ces conditions, il est totalement infondé et injuste de prétendre que nous remettrions en cause le rôle spécifique de la maternelle ! Cela ne correspond en effet ni aux convictions qui sont les miennes ni à l’action que mène le Gouvernement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je pense que personne n’est plus conscient que moi que le passage par l’école maternelle est une étape fondamentale dans l’éducation de nos enfants.

Par ailleurs, je suis tout aussi convaincu de la nécessité de disposer d’outils pour vérifier l’efficacité de notre action. C’est en ce sens, afin de garantir un meilleur contrôle sur l’acquisition des fondamentaux par les enfants, que j’ai récemment proposé aux enseignants de maternelle un nouvel outil destiné à les aider à dresser un bilan des forces et des faiblesses de chacun de leurs élèves.

M. Pierre-Yves Collombat. Pour les bilans, vous êtes fort !

M. Luc Chatel, ministre. Non obligatoire, strictement cantonné à la classe, ce dispositif permettra au professeur de repérer les fragilités, les difficultés des élèves qui connaissent des troubles des apprentissages et de les aider dès la grande section.

M. Pierre-Yves Collombat. N’importe quoi ! Repérer, vous savez faire, mais remédier, c’est autre chose ! Vous passez votre temps à évaluer sans que les actes suivent !

M. Luc Chatel, ministre. On ne peut pas à la fois nous reprocher, monsieur le sénateur, que 15 % des enfants quittent l’école primaire sans maîtriser les fondamentaux, notamment la lecture et l’écriture, et s’opposer à ce que nous nous attaquions aux problèmes dès le plus jeune âge, dès la maternelle, au moment où tout se joue ! Tous nos efforts tendent à faire de la maternelle une véritable école !

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Pierre-Yves Collombat. Vous passez les trois quarts du temps à évaluer !

M. Luc Chatel, ministre. Madame Cartron, vous affirmez, dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi –c’est d’ailleurs un point sur lequel je vous rejoins –, que notre école maternelle est un fleuron de notre système éducatif. Certains de vos collègues semblent en douter…

Cette conception de notre école maternelle comme une véritable école constitue bel et bien une spécificité française.

M. Luc Chatel, ministre. En effet, dans nombre de pays, d’Europe et d’ailleurs, il n’y a pas d’école avant l’âge de cinq ou six ans. Nous devons donc être fiers, mesdames, messieurs les sénateurs, d’apporter les compétences d’enseignants de haut niveau aux apprentissages premiers.

Je crois d’ailleurs que nous devons pleinement reconnaître ces compétences. Je serais, en ce sens, favorable à la création d’une certification attestant des compétences spécifiques que requiert l’enseignement en maternelle, car ce savoir-faire particulier devrait sans doute être davantage reconnu.

En ce qui concerne maintenant l’âge d’entrée à l’école maternelle, qui fait l’objet de cette proposition de loi, vous considérez manifestement que la scolarisation précoce est bénéfique pour chaque enfant.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. Ce n’est pas nous qui le disons !

M. Luc Chatel, ministre. Vous préconisez que les enfants soient scolarisés à deux ans. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. Mais non !

Mme Françoise Cartron. Non ! Ce n’est pas le sujet !

M. Luc Chatel, ministre. J’ai pourtant cru comprendre, en vous écoutant, que c’était bien le sujet !

M. Luc Chatel, ministre. Je m’étonne que, dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi, il ne soit fait mention d’aucune enquête probante démontrant qu’une scolarisation à deux ans est préférable à une scolarisation à trois ans.

Mme Françoise Cartron. C’est d’une scolarisation à trois ans qu’il est question dans la proposition de loi !

M. Luc Chatel, ministre. En revanche, je note que des études indiquent absolument le contraire, tels le rapport intitulé « L’École, outil de la liberté », que Mme Claire Brisset, Défenseure des enfants, a remis en 2003 ou l’enquête publiée en septembre 2007 par l’INSEE sous le titre « Information et vie quotidienne ». Ainsi, cette enquête signale que 56 % des adultes de la région Nord-Pas-de-Calais sont entrés à l’école avant trois ans, contre 47 % pour la moyenne nationale. Or on constate que c’est dans cette même région que les difficultés de maîtrise de l’écrit à l’âge adulte sont les plus importantes. Je pourrais également faire référence au rapport sur l’accueil des jeunes enfants remis par les sénateurs Papon et Martin en 2008.

Mais j’irai plus loin, en soulignant que des enquêtes comparatives ont été menées sur des groupes d’enfants scolarisés à deux ans et d’autres scolarisés à trois ans. Eh bien elles ont révélé que les avantages que les enfants précocement scolarisés avaient acquis s’estompaient en une année environ. Des enquêtes ont même montré qu’une scolarisation avant trois ans pouvait entraîner des phénomènes de régression en matière d’apprentissages, de processus psychologique, de renforcement des conduites agressives…

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Luc Chatel, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous encourage, vous qui êtes des femmes et des hommes de terrain, des élus locaux, à faire un test que je pratique régulièrement. Quand vous vous rendez dans une école maternelle ou dans une école primaire, demandez aux enseignants s’ils sont ou non favorables à la scolarisation à deux ans.

Mme Françoise Cartron. Nous proposons trois ans !

M. Luc Chatel, ministre. Vous verrez que vous obtiendrez des réponses extrêmement diverses !

Soyons clairs : l’école maternelle n’a pas les mêmes missions selon qu’elle accueille les enfants à deux ou à trois ans. Jusqu’à trois ans, mesdames, messieurs les sénateurs, parce que beaucoup d’enfants ne sont pas autonomes avant cet âge, c’est la socialisation qui doit prévaloir, cela de manière non obligatoire.

M. David Assouline. Nous sommes d’accord là-dessus !

M. Luc Chatel, ministre. C’est, du reste, tout le sens de notre action lorsque nous privilégions la scolarisation des enfants relevant de l’éducation prioritaire. Nous favorisons, à cet égard, les enfants issus des zones d’éducation prioritaire ou des zones de revitalisation rurale.

En revanche, à partir de trois ans, on peut parler véritablement de scolarisation.

M. David Assouline. Eh bien voilà !

Une sénatrice du groupe socialiste-EELV. Nous sommes d’accord !

M. Luc Chatel, ministre. En effet, c’est à partir de cet âge que les apprentissages deviennent possibles et qu’il faut engager de manière résolue une action éducative.

M. Luc Chatel, ministre. Vous avez évoqué un « démantèlement » de l’école maternelle.

Je vous réponds que l’accès à l’école maternelle est aujourd’hui un droit, que près de 100 % des enfants de trois ans la fréquentent,…

M. David Assouline. Alors pourquoi avez-vous invoqué l’article 40 ?

M. Luc Chatel, ministre. … et ce, dans la très grande majorité des cas, avec assiduité, sur la totalité du temps scolaire proposé. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. David Assouline. C’est hallucinant !

M. Luc Chatel, ministre. La dernière étude de la direction des études, de l’évaluation et des statistiques, qui a été publiée ce mois-ci, l’a d’ailleurs encore rappelé : si 72 % des enfants de deux ans accueillis à l’école maternelle en 2007 la fréquentaient à mi-temps, ils n’étaient plus que 27 % dans ce cas à trois ans. Vous ne pouvez donc soutenir que mon opposition à votre proposition de loi tient à une question de moyens, comme vous l’avez fait à plusieurs reprises. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Je vous réponds encore que, à la rentrée de 2010, plus de 2,5 millions d’enfants étaient scolarisés en maternelle, les effectifs ayant augmenté de 0,3 % dans l’enseignement public.

M. David Assouline. Alors pourquoi invoquez-vous l’article 40 ?

M. Luc Chatel, ministre. Je vous réponds, enfin, que l’école maternelle est la première des marches scolaires vers la réussite dans l’acquisition des fondamentaux et que je suis extrêmement attentif à l’efficacité de son action.

Je suis personnellement persuadé, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il faudra un jour que le passage par cette école fasse partie de la scolarisation obligatoire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. David Assouline. Alors il faut voter la proposition de loi !

M. Luc Chatel, ministre. Je suis surpris que vous soyez surpris ! J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet à plusieurs reprises. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Je suis tout autant convaincu qu’il nous faut réfléchir à toutes les implications d’une telle mesure pour les parents, avec lesquels nous devons construire une véritable et effective coéducation entre trois et six ans, ainsi que pour les collectivités locales, car une telle évolution entraînerait une augmentation importante des charges pesant sur les communes, surtout au titre de la scolarisation des enfants de deux ans. Vous le reconnaissez d’ailleurs vous-même, madame Cartron, dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi.

Mme Françoise Cartron. Ce n’est pas le sujet !

M. Luc Chatel, ministre. Cela tient à la construction d’écoles maternelles spécifiques et distinctes des autres niveaux de la scolarité ou à l’abondement du forfait d’internat pour l’enseignement privé. Je rappelle que les communes contribuent tout de même à hauteur de 50 % au fonctionnement des écoles.

On m’explique, à longueur de débats, que l’État se défausse sur le dos des communes. Je suis donc un peu surpris que la chambre représentant les collectivités territoriales discute aujourd’hui une proposition de loi dont l’adoption aurait pour conséquence de transférer de nouvelles charges aux communes ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Luc Chatel, ministre. Allons au bout de votre logique, madame le sénateur : qui dit scolarisation obligatoire dit obligation d’assiduité,…

M. Luc Chatel, ministre. … comme nous l’avons d’ailleurs réaffirmé récemment au travers de la loi dite « Ciotti » du 28 septembre 2010.

Il faudrait donc assumer de dire aux familles qu’elles ne sont pas les mieux à même de savoir quel rythme est préférable pour leur enfant de trois ans et qu’elles ne sont pas libres de décider, en conscience et en connaissance de cause, de l’emploi de la journée de leur enfant.

Mme Françoise Cartron. Elles le seront !

M. Luc Chatel, ministre. C’est un sujet que nous devons évoquer avec les représentants des familles et des parents d’élèves.

Il faudrait également assumer de contrôler auprès des familles qui, par exemple, ont décidé de ne pas scolariser leur enfant la manière dont elles les éduquent. Je vous laisse le soin d’imaginer les réactions de ces familles devant une telle contrainte !

Pour ma part, mesdames, messieurs les sénateurs, tant que nous n’aurons pas mené cette réflexion concertée avec les familles et les collectivités territoriales, j’aime mieux garantir aux parents de ces jeunes enfants une totale liberté de choix, et donc leur offrir la possibilité de les garder chez eux s’ils estiment que cela est préférable.

C’est aussi cela, la personnalisation : respecter les rythmes de l’enfant en bas âge ; c’est aussi cela, la coéducation : reconnaître le rôle et la compétence des familles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour rendre notre école plus efficace, il faut travailler, en amont, à ce que chaque élève qui rencontre des difficultés trouve une solution personnalisée. Il faut commencer dès la maternelle, où sont posées les bases de tous les savoirs et de tous les apprentissages qui suivront. Conscient de l’extrême importance de l’école maternelle, j’ai engagé une action résolue, avec la réforme de l’enseignement primaire, avec l’aide personnalisée, avec le plan pour le développement de la lecture et la lutte contre l’illettrisme, pour qu’elle soit le premier lieu où l’on remédie aux inégalités.

Si nous voulons aller plus loin, il nous faudra travailler dans un dialogue ouvert et approfondi avec toutes les parties prenantes : on ne saurait décider d’un tel changement au détour de l’examen d’un texte qui ignore cette réalité que 99 % des enfants sont déjà scolarisés à trois ans (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.),…

Mme Françoise Cartron. Enfin, vous le reconnaissez !

M. Luc Chatel, ministre. … qui ne fait qu’esquisser les enjeux, qui ne prend pas la mesure des implications de sa mise en œuvre pour les familles et les collectivités territoriales.

Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous appelle à rejeter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUCR.)

Organisation des travaux

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Discussion générale (début)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l’article 29 de notre règlement.

Nous souhaiterions obtenir des précisions sur l’organisation de nos travaux ; pour l’heure c’est la désorganisation qui règne… (Rires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Alain Gournac. C’est un vrai cirque !

Mme Catherine Troendle. Hier, la conférence des présidents a décidé que la discussion du présent texte serait suivie de celle d’une proposition de loi relative à l’intercommunalité qui est un texte d’une importance majeure.

Mme Catherine Troendle. Dans ces conditions, je souhaiterais savoir, monsieur le président, comment vous envisagez la poursuite de nos travaux.

M. le président. Madame la sénatrice, je suis l’ordre du jour tel qu’il a été fixé. Après avoir achevé l’examen de la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans, nous reprendrons celui du texte que vous venez d’évoquer.

Mme Catherine Procaccia. Jusqu’à quelle heure ?

Mme Catherine Troendle. Pour la proposition de loi actuellement en débat, il reste une heure de discussion générale, puis nous devrons examiner une motion et plusieurs amendements. Allons-nous donc siéger toute la nuit, jusqu’à demain matin ?

M. le président. Nous pouvons également siéger demain, le matin et l’après-midi…

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Je tiens à rappeler que nos travaux de ce jour ont commencé par l’examen d’une proposition de loi du groupe UMP relative à la protection de l’identité puis par celui d’une proposition de loi du groupe UCR relative au patrimoine monumental de l’État. Nous avons fait en sorte de respecter les créneaux horaires fixés par la conférence des présidents.

Si nous avions pu aborder la discussion de la présente proposition de loi dans des conditions normales, à dix-neuf heures, comme prévu, elle serait maintenant achevée et nous pourrions passer à la proposition de loi de M. Sueur. Les retards et la désorganisation que vous déplorez, madame Troendle, sont du fait du Gouvernement ! (M. le ministre proteste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est toujours la faute du Gouvernement ! (Sourires.)

M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans.

Discussion générale (suite)

Organisation des travaux
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
Discussion générale (fin)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Robert Tropeano.

M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir, au nom de mon groupe, sur le coup de force tenté par le Gouvernement tout à l’heure, afin d’éviter tout débat et toute discussion sur la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans.

Les membres du groupe du RDSE regrettent avant tout la méthode utilisée : invoquer in extremis l’article 40 de la Constitution contre des dispositions d’une proposition de loi inscrite depuis plusieurs semaines à l’ordre du jour du Sénat et ayant été soumise de surcroît à au moins deux reprises à la conférence des présidents n’est pas très sérieux et n’honore pas le Gouvernement.

M. Claude Domeizel. Très bien !

M. Robert Tropeano. Une telle attitude porte atteinte aux prérogatives du Sénat et à celles de ses groupes politiques. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour invoquer l’article 40 de la Constitution ? Comment ne pas y voir une volonté de durcir nos échanges et de remettre en cause la pratique et les usages de la Haute Assemblée ? Le récent changement de majorité sénatoriale, qui était tant attendu, expliquerait-il ce comportement de la part du Gouvernement ?

Même si cette proposition de loi est finalement très largement tronquée suite à l’application de l’article 40 de la Constitution, contrairement aux usages, le débat, quant à lui, ne doit pas l’être ; la discussion doit se poursuivre.

L’école de la République est un vecteur de liberté, par la formation et la transmission du savoir et des connaissances : elle participe ainsi à l’éducation et au développement des citoyens de demain, responsables et libres. Elle doit par ailleurs constituer un vecteur d’égalité. Pour ce faire, elle offre à tous les enfants les mêmes outils éducatifs et leur dispense les mêmes enseignements. Elle permet aux plus défavorisés d’exploiter au mieux leurs capacités et contribue ainsi à la promotion sociale. De moins en moins capable, malheureusement, de supprimer les inégalités sociales, elle ambitionne néanmoins de les atténuer.

Enfin, l’école est un espace de socialisation dans lequel sont promues les valeurs de solidarité et de fraternité. Une de ses missions fondamentales est bien d’enseigner aux jeunes générations le « vivre ensemble » et l’acceptation de l’autre, sans considération d’origine raciale, sociale, religieuse ou économique.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Robert Tropeano. Des études ont prouvé que, pour atteindre au mieux ces objectifs, il est essentiel que les enfants soient scolarisés avant l’âge de six ans. Les travaux du généticien Albert Jacquard ont notamment permis de démontrer l’intérêt d’une scolarisation des très jeunes enfants, la plasticité de leur cerveau assurant une assimilation des connaissances rapide et efficace. Cette première étape est donc bel et bien essentielle en vue d’une scolarité réussie.

Or, depuis l’adoption des lois de Jules Ferry rendant l’école gratuite et l’éducation obligatoire, l’âge de début de l’instruction obligatoire est resté fixé à six ans, comme le précise l’article L. 131-1 du code de l’éducation. Cet article, reprenant les termes de la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989, dite « loi Jospin », permet par ailleurs la scolarisation des enfants dès l’âge de trois ans en école maternelle, lorsque les parents en font la demande. On constate, depuis le début des années quatre-vingt-dix, que la quasi-totalité des enfants de trois à six ans sont scolarisés.

Il est désormais temps d’adapter ce cadre législatif et de mettre le droit en conformité avec la réalité. L’intégration de l’école maternelle dans la scolarité obligatoire permettra la reconnaissance définitive de son statut d’école à part entière. J’avais moi-même déposé, avec certains membres du groupe du RDSE, une proposition de loi visant notamment à rendre l’école obligatoire à partir de l’âge de trois ans : nous nous réjouissons donc que la proposition de loi de nos collègues socialistes portant sur le même thème ait été inscrite à l’ordre du jour du Sénat.

L’école maternelle est fréquemment citée comme l’un des points forts de notre système éducatif. La généralisation progressive de l’accueil des enfants de moins de six ans au cours des dernières décennies a incontestablement contribué aux progrès de celui-ci. Il est unanimement reconnu que l’école maternelle joue un rôle essentiel dans l’amorce des apprentissages, notamment ceux du langage et de la communication, dans la réduction des inégalités et dans la lutte contre l’échec scolaire.

Il est donc urgent de reconnaître par la loi l’importance de cette phase de la scolarité. Pour cela, il faut non seulement rendre l’école obligatoire à partir de l’âge de trois ans, mais aussi bien définir le rôle de l’école maternelle et aborder la question de la formation des maîtres, ainsi que celle des moyens de l’école. Un engagement financier supplémentaire sera nécessaire pour améliorer les conditions matérielles d’accueil. La diminution globale, ces dernières années, des moyens consacrés à l’éducation a pour conséquence une réduction progressive de l’offre en matière d’enseignement maternel, qui aboutira à l’aggravation des inégalités sociales en favorisant le développement de l’offre privée, accessible seulement à quelques-uns.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Robert Tropeano. Je me félicite du travail réalisé par la commission de la culture. Des articles additionnels sont venus réaffirmer le rôle de l’État et vont dans le sens de ce que nous avions préconisé au travers de notre proposition de loi.

Ainsi, l’article 1er A précise utilement que la prise en charge des très jeunes enfants doit être adaptée à leur âge. Pour cela, l’article 1er bis, prévoyant un temps de formation spécifique aux enjeux de la scolarisation des très jeunes enfants pour les enseignants de classes maternelles, rappelle à l’État son rôle en matière de formation continue des enseignants, rôle de plus en plus abandonné, notamment depuis la désastreuse réforme de la mastérisation.

Néanmoins, je ne peux m’empêcher de faire part de ma déception concernant la scolarisation des enfants encore plus jeunes, ceux âgés de deux à trois ans. J’avais proposé, comme d’autres, l’instauration d’un droit à la scolarisation des enfants à partir de deux ans, sur demande des parents. La faculté de scolariser les enfants de cet âge est déjà inscrite dans la loi, au dernier alinéa de l’article L. 113-1 du code de l’éducation. Mais, depuis dix ans, le nombre d’enfants de deux ans scolarisés n’a cessé de baisser.

Cette tendance s’inscrit clairement à contre-courant de l’évolution démographique. Le nombre de demandes de scolarisation ne cesse d’augmenter, notamment du fait du manque de places disponibles dans les autres structures habilitées à recevoir de jeunes enfants. C’est en particulier le cas dans les communes rurales qui n’ont pas les moyens d’ouvrir des crèches municipales. Je suis tout à fait conscient que l’école ne doit pas devenir une garderie. Cependant, je l’ai déjà dit, la preuve a été faite de la meilleure réussite des élèves scolarisés très jeunes.

Sans que l’accueil scolaire puisse résoudre à lui seul l’ensemble des difficultés quotidiennes des familles françaises, l’accès à l’école maternelle dès l’âge de deux ans doit donc obligatoirement être une option proposée, d’autant qu’il est positif pour le développement des enfants. L’école de la République doit les accueillir sans que puissent être opposées aux familles des considérations géographiques, économiques, culturelles ou d’effectifs.

Je regrette donc que l’amendement que nous avions déposé pour garantir ce droit à la scolarisation des enfants de deux à trois ans ait été rejeté, sur le fondement de l’article 40 de la Constitution.

M. le président. Il est temps de conclure, mon cher collègue !

M. Robert Tropeano. N’oublions pas que les disparités importantes en la matière, d’une académie à l’autre, ne relèvent pas uniquement de la prise en compte de considérations financières ou des éléments mentionnés à l’article L. 113-1 du code de l’éducation, mais sont aussi le résultat d’une politique insuffisamment volontariste.

Les arguments financiers sont d’autant moins pertinents que, à plusieurs reprises depuis 2008, la Cour des comptes elle-même a invité à redonner la priorité à l’école maternelle, sachant que le coût annuel de l’accueil d’un enfant dans un établissement tel qu’une crèche est en moyenne trois fois supérieur à celui de l’accueil d’un enfant en école maternelle.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Robert Tropeano. Monsieur le ministre, l’école maternelle doit doter tous les enfants des mêmes outils pour aborder l’apprentissage de la lecture, de l’écriture ou du calcul. C’est la raison pour laquelle nous sommes favorables à l’adoption de cette proposition de loi, qui va dans le bon sens, même si elle ne va pas encore assez loin ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.

M. Pierre Martin. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, élu local depuis plus de quarante ans,…

M. David Assouline. Vous avez droit à la retraite !

M. Pierre Martin. … enseignant de profession, le bon fonctionnement de l’école a toujours été au centre de mes préoccupations. Les travaux réalisés dernièrement en compagnie de ma collègue Monique Papon, consacrés au développement des enfants dès leur plus jeune âge, m’ont permis d’approcher et d’appréhender les réalités actuellement vécues par nos jeunes dans la société.

Une vraie question s’est rapidement posée lors de ces travaux : quand le jeune enfant est-il prêt pour une scolarisation précoce ? À cet instant, je voudrais citer un extrait de l’arrêté du 28 juillet 1882 fondant l’organisation pédagogique de l’école maternelle non obligatoire, gratuite et laïque :

« L’école maternelle n’est pas une école au sens ordinaire du mot : elle forme le passage de la famille à l’école, elle garde la douceur affectueuse et indulgente de la famille, en même temps qu’elle initie au travail et à la régularité de l’école. »

L’école maternelle n’est donc pas une « école » au sens ordinaire du mot, ce qui donne à penser qu’y envoyer ses enfants demeure un droit ouvert à la famille, et non une obligation. Au demeurant, de nombreuses écoles n’acceptent pas les enfants qui ne sont pas encore propres.

En outre, l’absence de contraintes et la souplesse d’accueil répondent bien aujourd’hui à la diversité des situations parentales et professionnelles.

Dans le cadre d’une école obligatoire, au vu des attentes des parents, le régime dérogatoire aurait immédiatement sa place, ce qui priverait de sa portée le principe de l’obligation posé. On en reviendrait alors à la situation actuelle.

Certes, l’État doit intervenir pour assurer la qualité d’instruction nécessaire à l’enfant pour sa progression personnelle, mais il appartient à la famille, me semble-t-il, de décider de ce qui est le mieux pour son enfant.

Mme Françoise Cartron. Tout à fait !

M. Pierre Martin. Cette question du respect du choix des familles doit demeurer centrale.

M. Pierre Martin. Peut-on se vouloir porteurs d’un idéal de liberté tout en souhaitant imposer par la contrainte la scolarisation à l’âge de trois ans ? Est-il imaginable d’imposer sans concertation, aux communes en particulier, une obligation de scolarisation à trois ans, avec les conséquences qui en découlent ? Comment les collectivités pourraient-elles faire face aux implications budgétaires de l’adoption de ce texte, puisque chacun sait que l’obligation fixe des cadres ?

Certes, aujourd’hui, la scolarisation à trois ans est un usage, mais la rendre obligatoire supposerait davantage de réflexion, d’échanges et de concertation, ainsi qu’une évaluation précise de l’incidence d’une telle mesure.

Au sein du processus d’évolution de l’être, la petite enfance mérite incontestablement une attention particulière. Elle devrait permettre d’organiser et d’assurer, harmonieusement et efficacement, les premières étapes de la scolarisation de l’enfant.

Soyons fiers de notre école maternelle, dont on loue, à juste titre, les qualités et les mérites en France et que l’on nous envie au-delà de nos frontières.

Mme Françoise Cartron. Nous en sommes fiers !

M. Pierre Martin. Laissons-lui son savoir-faire pour préparer de mieux en mieux l’entrée à l’école élémentaire obligatoire.

L’organisation de notre système scolaire doit être affaire de bon sens, puisque ces jeunes enfants ne sont pas tous identiques, ne vivent pas tous dans les mêmes conditions et ne sont pas tous aptes à apprendre et à comprendre les mêmes choses. Malgré cela, ils doivent tous, sans exception, avoir le droit d’apprendre et, un jour, de choisir leur vie librement sans souffrir de ces différences.

M. Jacques Legendre. Très bien !

M. Pierre Martin. Notre réflexion doit nous conduire à concevoir au mieux les différentes étapes de la petite enfance, de la naissance à la scolarisation à six ans.

Peut-être pourrions-nous alors nous retrouver sur certains sujets, par exemple la finalité qui doit être assignée à l’école maternelle, les programmes, la formation des enseignants, les améliorations qui pourraient être apportées à notre dispositif. Il me semble qu’une réflexion plus globale pourrait être engagée, et que ce n’est pas la simple obligation de scolarité à trois ans qui favorisera l’épanouissement de l’enfant.

Le sujet mérite d'ailleurs une réflexion approfondie. Un large partenariat, associant le secrétariat d’État à la famille, le ministère de l’éducation nationale, les parents, les enseignants et les élus des collectivités locales, permettrait à mon sens de déboucher sur des conclusions partagées par tous.

À ce jour, la scolarisation en école maternelle s’est accomplie en l’absence de toute obligation légale. Notre groupe estime qu’elle doit continuer à procéder d’un choix des familles. Aussi voterons-nous contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Pignard.

M. Jean-Jacques Pignard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le psychodrame que nous vivons depuis le début de cette soirée s’explique, à mon sens, par une confusion que les propos de Mme le rapporteur n’ont pas totalement dissipée.

À l’origine, la proposition de loi de Mme Cartron visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans était d’une rigoureuse simplicité : on pouvait être d’accord ou pas, mais ce texte avait au moins le mérite de la clarté.

M. Jean-Jacques Pignard. Ensuite, au fil des discussions en commission, sont venues se greffer sur la proposition de loi des dispositions relatives à l’accueil des enfants âgés de deux ans : certes, il n’a pas été dit qu’il s’agissait de le rendre obligatoire, mais certains attendus ont donné à entendre que ce pourrait être le cas. Finalement, on ne sait plus très bien quel est le sujet : l’obligation concerne-t-elle les enfants de trois ans ou ceux de deux ans ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. La commission n’a pas retenu la scolarisation obligatoire à deux ans !

M. Jean-Jacques Pignard. Pour la clarté du débat, je m’exprimerai d’abord sur la scolarisation obligatoire à trois ans, avant d’aborder l’accueil des enfants dès deux ans.

Depuis un mois, la nouvelle majorité sénatoriale ne s’est pas privée d’opposer la question préalable à des propositions de loi émanant d’autres travées, sous le prétexte qu’il s’agissait selon elle de textes d’affichage.

Je serais tenté de lui rendre la politesse ce soir en votant la motion tendant au renvoi à la commission, mais celle-ci a peu de chances d’être adoptée. Pourtant, à mon sens, s’il est un texte qui mérite d’être qualifié « d’affichage », c’est bien la proposition de loi qui nous est soumise !

Rendre obligatoire ce qui est déjà inscrit dans les faits, dans les mœurs, dans les esprits, relève non pas, comme on essaie de nous le faire croire, de la grande tradition républicaine des lois sur l’école,…

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Jean-Jacques Pignard. … mais tout simplement d’une stratégie électorale, à quelques mois d’échéances décisives. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Les grandes lois républicaines sur l’école ont changé la face de notre pays. Quand Jules Ferry introduisit l’obligation scolaire, les écoles communales existaient depuis cinquante déjà, depuis la loi Guizot, mais les parents n’y envoyaient pas leurs enfants, parce qu’ils préféraient les garder aux champs ou à l’atelier.

Aujourd’hui, les écoles maternelles existent depuis des décennies, mais 99 % des parents y envoient leurs enfants sans y être contraints.

Inscrire une obligation dans la loi parce que c’est une nécessité, comme à l’époque de Jules Ferry, n’est pas la même chose que le faire quand cela se borne à entériner la pratique.

M. Jean-Jacques Pignard. Il s’agit, dans un cas, d’un changement profond de la société, dans l’autre d’une mesure d’affichage électoral : il suffit, pour s’en convaincre, de relever que votre communiqué de presse fait référence à une « proposition de loi du groupe socialiste pour lutter contre le démantèlement de l’école maternelle orchestré par le Gouvernement » ! (Rires sur les travées de lUMP.) Vous comprendrez, chers collègues de la majorité sénatoriale, que le groupe de l’Union centriste et républicaine ne vous suive pas sur cette voie…

Je voudrais savoir en quoi consiste cette menace contre l’école maternelle. En effet, 99 % des parents y envoient leurs enfants parce qu’ils croient en elle : Mme le rapporteur admet elle-même qu’elle est reconnue comme l’une des meilleures du monde. Toutefois, ce n’est pas la situation actuelle qui est en cause, nous dit-on, mais celle qui résultera inéluctablement des choix du Gouvernement…

Alors, monsieur le ministre, nous centristes voudrions être certains que nous ne faisons pas fausse route en vous soutenant : avez-vous vraiment l’intention de démanteler l’école maternelle, de ne plus y accueillir les enfants de trois ans quels que soient leur origine sociale, leur âge, leur langue ? (M. Alain Gournac rit.) Si tel était le cas, évidemment, nous modifierions notre position ! (Sourires sur les travées de lUMP.) Mais, plus sérieusement, je n’en crois rien…

Certes, les défenseurs de la proposition de loi évoquent les jardins d’éveil, qui constituent selon eux une menace considérable. Revenons à la réalité ! Ces jardins d’éveil relèvent d’initiatives privées, si j’ose dire parcellaires. Ils ont leur place dans une société de liberté, mais je ne suis pas du tout convaincu qu’ils menacent l’existence de l’école publique. Cela étant, plus grande est la menace, plus grand est le sauveur ! On veut nous faire croire qu’il n’y a pas de fumée sans feu : pour ma part, je vois pourtant beaucoup de fumée, mais pas de feu ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. Christian Cambon. Très bon !

M. Jean-Jacques Pignard. J’en viens maintenant au problème de l’accueil des enfants âgés de deux ans et du devenir de l’école maternelle, qui ne pourra rester demain ce qu’elle était hier ou ce qu’elle est aujourd’hui.

La formation des enseignants ou l’accueil des enfants de deux ans sont bien entendu des questions essentielles, mais qui méritent un véritable débat et ne sauraient être l’objet d’une simple proposition de loi !

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Jean-Jacques Pignard. Oui, nous sommes d’accord pour engager ce débat ; non, nous ne sommes pas favorable à un texte de circonstance qui masque en fait une argumentation politique.

Rendre obligatoire ce qui va de soi… En commission, M. Assouline m’a dit, de manière très fleurie, que ce n’est pas parce que c’est une évidence qu’il ne faut pas l’inscrire dans la loi ! J’avoue que je préférais M. Assouline dans un autre registre, quand il proclamait qu’il est interdit d’interdire ; devenu sénateur, il estime qu’il est obligatoire d’obliger ! (Rires sur les travées de l’UMP.)

S’il faut inscrire l’évidence dans la loi, pourquoi ne pas y inscrire alors que le ciel est bleu quand il n’y a pas de nuages, l’herbe verte au début du printemps, les arbres rouges au cœur de l’automne… Que l’on me permette de faire du Sueur de temps en temps ! (Nouveaux rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Roland Courteau. Cela vole bas !

M. Jean-Jacques Pignard. Pour poursuivre dans ce registre, je dirais volontiers : « qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse » !

Chers collègues de la majorité sénatoriale, je vous le dis très simplement, avec un peu d’humour pour détendre l’ambiance électrique de ce soir : depuis votre victoire électorale, vous vivez, cela est normal, une sorte de nuit d’ivresse législative, ce qui vous conduit à déposer de très nombreux textes, les uns significatifs, les autres non, l’essentiel étant qu’ils donnent lieu à débat. Comme vous le reconnaissez vous-mêmes dans la presse, cela vous fournit une belle tribune. Faut-il, pour autant, grossir des incidents de séance comme celui que nous avons vécu tout à l’heure, certes regrettable ? Soyons sérieux : il est vrai que nous sommes en brumaire, mais nous ne nous trouvons pas à Saint-Cloud ; le Gouvernement n’a pas fait donner la garde, il s’est contenté de rappeler quelques règles constitutionnelles.

Ces nuits d’ivresse, printanières ou automnales, nous les avons tous connues, les uns et les autres, dans cet hémicycle. Elles n’ont qu’un temps et conduisent parfois à des réveils douloureux. Sachons tous raison garder : pour notre part, nous ne sommes pas contre l’école maternelle, mais nous sommes contre un texte qui, nous semble-t-il, n’a pas d’utilité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot.

M. Christian Cambon. Après M. Pignard, il faudra être excellent !

Mme Dominique Gillot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « une société n’a de valeur qu’en fonction des moyens qu’elle choisit de donner à ses enfants pour se construire », disait Jean Epstein.

C’est dans cet esprit que la commission de la culture, de l'éducation et de la communication présente cette proposition de loi, à forte portée symbolique en effet, déposée par Mme Cartron en avril dernier – avant donc que la gauche ne devienne majoritaire au Sénat, monsieur Pignard – et visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans.

Nous avons préparé ce texte avec sérieux, conviction et responsabilité, monsieur le ministre, et il eût été préférable que vous le lisiez attentivement, afin d’éviter les multiples contresens auxquels vous vous êtes livrés au cours de cette soirée.

Mme la rapporteure a exposé les objectifs de cette mesure, que vous avez voulu repousser, monsieur le ministre, avec un cynisme narquois, révélateur du peu d’estime que vous avez pour nos travaux et pour l’école publique.

Cette mesure, nous l’avons vu en commission, peut paraître ou symbolique – la quasi-totalité des enfants de trois ans est déjà scolarisée, ce qui témoigne d’une forte adhésion des familles –, ou prématurée, dans la mesure où nous sommes en effet nombreux à plaider, pour des raisons parfois différentes, monsieur Martin, en faveur d’une refondation globale du système d’éducation.

Mais il y a urgence, monsieur le ministre ! Nous assistons en effet à une fragilisation croissante des conditions d’accueil scolaire des jeunes enfants, quoi que vous en ayez dit voilà un instant, à la surprise de l’assemblée, en lisant un texte en miroir de ce que nous affirmons et appelons de nos vœux.

Nous constatons quels risques majeurs la révision générale des politiques publiques fait peser sur l’école maternelle, puisque, vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, l’école n’est pas obligatoire avant six ans.

Ainsi, chargés de trouver des moyens de réaliser des économies pour appliquer le schéma d’emploi 2011-2013 – je devrais plutôt parler de schéma de suppression de postes ! –, les recteurs et les inspecteurs d’académie font des choix stratégiques qui les amènent inexorablement à augmenter le nombre d’élèves par classe, à supprimer les RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté,…

Mme Dominique Gillot. … à réduire les moyens consacrés aux remplacements…

M. Roland Courteau. Très bien dit !

Mme Dominique Gillot. … et, enfin, à limiter la scolarisation précoce, en réduisant le nombre de postes affectés à l’école maternelle – celle-ci n’étant pas obligatoire –, cela en dépit du dynamisme de la démographie scolaire.

Les conséquences de cette politique sont l’effondrement de l’accueil des enfants de moins de trois ans, l’augmentation mécanique des effectifs par classe maternelle restée ouverte, la dégradation des conditions d’accueil des enfants et des conditions de travail des enseignants. Par suite, les parents se trouvent dissuadés d’inscrire leurs enfants à l’école maternelle, certains d’entre eux étant sensibles aux discours les encourageant à chercher une autre solution – jardin d’éveil ou autre mode de garde, quand il en existe.

Outre que ces solutions alternatives à l’école maternelle ne sont pas gratuites, elles n’ont pas les mêmes finalités, car l’école maternelle n’est ni un simple mode de garde gratuit ni une petite école élémentaire. L’école maternelle a sa vocation propre, ambitieuse ; elle respecte l’âge et les aptitudes des enfants qu’elle accueille, grâce au professionnalisme spécifique de ses maîtres. Ses finalités sont d’ordre cognitif et pédagogique, sous-tendues par une réflexion sur les bases éducatives que tout enfant doit acquérir pour grandir et pouvoir apprendre.

Tout enfant, monsieur le ministre, quels que soient ses origines, celles de sa famille, son milieu de vie, son environnement social et culturel, doit acquérir ces bases, des codes, des comportements ; tout enfant doit pouvoir découvrir ses aptitudes. Cela, c’est l’école publique, laïque, gratuite et obligatoire, fût-elle maternelle, qui sait et doit le faire.

Mais l’école de la République, dont vous rappelez, monsieur le ministre, qu’elle n’est pas obligatoire avant l’âge de six ans, est en danger s’agissant de l’accueil précoce des enfants. Elle est menacée par la volonté de réaliser des économies budgétaires du Gouvernement, qui désespère les acteurs de l’école publique – mais pas seulement eux – et a insulté les honorables parlementaires qui soutiennent cette proposition de loi à forte portée symbolique.

Il y a urgence à sanctuariser l’école maternelle en la rendant obligatoire dès l’âge de trois ans.

Cette obligation ne sera pas une contrainte pour les familles ni une entrave à leur liberté, puisqu’elles ont déjà massivement plébiscité la scolarisation dès l’âge de trois ans, voire plus tôt. Elle n’entraînera de dépenses supplémentaires ni pour l’État ni pour les collectivités locales, puisque 99 % des enfants de trois ans sont scolarisés, sauf en outre-mer, où l’on peine déjà, malheureusement, à scolariser les enfants de six ans, et ce dans la plus profonde indifférence des pouvoirs publics. (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Claude Dilain applaudissent.)

Cette obligation concernera essentiellement les pouvoirs publics, qui devront affecter des moyens à la scolarisation dès l’âge de trois ans, garantir une formation spécifique aux maîtres afin qu’ils puissent accueillir, dans les meilleures conditions d’épanouissement, de réussite éducative et de réussite scolaire ultérieure, les enfants de trois à six ans, au lieu de se borner à les soumettre à ce protocole d’évaluation structurée qui serait, selon vous, monsieur le ministre, l’alpha et l’oméga de la prévention de l’échec scolaire. Les enfants ne sont pas des produits devant être normés, ils sont des sujets à épanouir. (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Claude Dilain applaudissent.)

Les mutations profondes subies par notre société appellent des réponses nouvelles, pensées, efficaces en matière d’accueil et d’éveil des jeunes enfants, ainsi que d’accompagnement de la parentalité.

L’école ne peut pas tout, elle n’est pas responsable de tout, mais elle peut construire ou casser des repères.

Au-delà de la contrainte législative qu’elle prévoit pour imposer aux pouvoirs publics l’accueil des enfants dès l’âge de trois ans dans une école spécifique, cette proposition de loi comporte plusieurs enjeux, d’ordre éducatif bien sûr.

L’école maternelle a une triple fonction : l’accueil, la socialisation et l’instruction des jeunes enfants. Contrairement aux jardins d’enfants, où prévalent la garderie et la prise en charge tarifée, l’école maternelle a aussi et surtout une vocation éducative, intégrative, selon des objectifs communs à toutes les écoles, sur l’ensemble du territoire, que les équipes pédagogiques, formées à cet effet, se doivent d’atteindre en organisant leur pédagogie afin de tenir compte de la singularité des enfants accueillis.

L’école maternelle est un cadre pour l’émergence du sujet. L’enfant y apprend à maîtriser ses impulsions, à prendre sa place dans un collectif, à être patient et pugnace, partageur et coopératif, attentif et spontané.

La scolarisation précoce favorise la construction d’une architecture intellectuelle par la maîtrise du langage, le développement et l’expression d’une pensée abstraite, la compréhension et l’intégration des informations.

C’est à l’école maternelle que tous les enfants d’une même tranche d’âge peuvent entrer dans un bain de langue, qui leur donnera les clés de la communication et des apprentissages.

Des études le montrent : c’est en parlant avec le jeune enfant – pas simplement pour lui donner des consignes ou des ordres –, en ayant des conversations avec lui, plutôt que de le laisser à la garde de la télévision, que l’on construit ses capacités langagières, dont le niveau de développement présage de sa réussite scolaire future.

L’école maternelle permet à l’enfant d’apprendre la vie en collectivité. Pour que l’enfant devienne élève, il faut qu’il entretienne des relations à l’autre, à travers des pratiques et des usages où il n’est plus seul, qu’il adopte des codes, accepte des tâches et y prenne goût.

Aller à l’école, c’est acquérir des savoirs et des compétences, mais c’est aussi adhérer à une manière de se les approprier. Dès l’âge de trois ans, cela profite à tous les enfants, particulièrement à ceux dont la famille ne détient pas les normes de ce capital culturel et social qui fait la différence.

L’école maternelle donne le goût de l’école et le plaisir d’apprendre. Les chercheurs en éducation s’accordent à reconnaître les vertus du plaisir pris à fréquenter l’école au regard de la réussite scolaire. Déjà, Jules Ferry préconisait de rendre « l’école aimable et le travail attrayant ». En appuyant les apprentissages sur une pédagogie du jeu, l’école maternelle a un rôle déterminant pour faire naître ce plaisir d’apprendre et éviter que ne se développe, non pas l’ennui, mais cette douleur et cette souffrance qui entraînent le décrochage scolaire. Chaque année, 150 000 jeunes décrocheurs quittent le système scolaire sans qualification, notamment par dégoût de l’étude.

L’école maternelle est une clé pour l’acquisition des bonnes pratiques et des compétences. Elle n’est pas un lieu d’accueil comme un autre, où l’enfant attendrait de rejoindre, à six ans, la véritable école, après s’être soumis au protocole d’évaluation structuré que vous préparez, monsieur le ministre. La maternelle est l’école première, par conséquent rendons-la obligatoire dès l’âge de trois ans, afin d’offrir à tous les enfants les mêmes chances de réussite scolaire.

J’en viens aux enjeux sociaux et citoyens.

L’école maternelle est le creuset de la République : elle est un espace de transition entre la famille et l’école élémentaire ; elle fait rupture avec la communauté familiale et sociale pour amener l’enfant dans un ensemble plus large, celui de la République, où il se reconnaîtra partie prenante à une identité rassembleuse.

Pour Philippe Meirieu, « la découverte de l’altérité est au cœur du processus éducatif ». Découvrir qu’il existe des êtres qui viennent d’ailleurs, découvrir d’autres langues, d’autres histoires, c’est agrandir le cercle de sa pensée et apprivoiser l’autre.

La scolarisation précoce permet aussi d’encourager la citoyenneté des parents, qui viennent naturellement à l’école maternelle, qui y expérimentent leur utilité sociale par confrontation avec leurs pairs et peuvent ainsi ressentir positivement leur rôle.

À l’âge de tous les possibles pour leur enfant, ils sont disponibles pour des projets collectifs, facteurs d’engagement citoyen, de cohésion sociale. Ils découvrent, eux aussi, leurs us et coutumes réciproques. Ils peuvent acquérir, eux aussi, de bonnes pratiques, rencontrer des professionnels qui les accompagnent, en tant que de besoin, dans la parentalité.

L’école de la République est gratuite et donc accessible à tous, ce qui rend effectif le principe républicain de l’égalité. Elle permet aux enfants et à leurs parents, venus de tous horizons, de se rencontrer, de se connaître, de se comprendre, de se respecter, de pratiquer la fraternité.

La scolarisation précoce est un moyen efficace, utile et nécessaire pour réduire les inégalités. Des études montrent qu’elle permet d’atténuer les inégalités et coûte moins qu’elle ne rapporte en matière d’intégration sociale et de prospérité. L’école maternelle, gratuite, obligatoire, est la matrice qui permet de compenser les handicaps sociaux de tous les enfants.

Les jardins d’éveils, non gratuits, non obligatoires, contribuent, eux, à accroître les inégalités plutôt qu’à les réduire. (Protestations sur les travées de lUMP.) Et ne parlons pas des classes maternelles ouvertes hors contrat dans les écoles privées ! Garantir à tous l’accès à l’école maternelle est un enjeu en termes de mixité et d’égalité des chances.

L’école maternelle est aussi un rempart contre les difficultés extérieures. Toutes les analyses le montrent, les familles sont de plus en plus déstabilisées, les temps de vie de plus en plus morcelés, la vie quotidienne est perturbée par les difficultés économiques. Le contexte social et environnemental est de plus en plus rude, voire violent. L’enfant est ainsi de plus en plus exposé à une précarité affective ou matérielle. L’école maternelle, par sa structure, les repères spatiaux et temporels qu’elle fournit, son encadrement, peut représenter pour certains enfants le seul espace de stabilité.

L’école maternelle est le lieu privilégié d’articulation entre apprentissages cognitifs et « vivre ensemble ». Elle permet de concilier socialisation et scolarisation.

Pour le chercheur en sciences de l’éducation Pascal Guibert, « à l’école maternelle, la socialisation scolaire relève de l’apprendre ensemble comme à tous les niveaux de la scolarité ».

Scolariser, c’est ouvrir à la culture, à l’estime de soi, et permettre à des enfants très jeunes de se confronter à l’altérité ; c’est accéder à des valeurs, à des compétences et à des savoirs qui font sens collectivement, sont des sésames pour la citoyenneté et permettent une véritable prévention des violences réciproques ultérieures.

Malheureusement, l’exemple que vous donnez ce soir, monsieur le ministre, va bien à l’encontre de ces principes,…

Mme Catherine Troendle. Mais pas du tout !

Mme Dominique Gillot. … que vous devriez avoir à cœur de défendre, mais que vous avez bafoués cyniquement. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Christian Cambon. Scandaleux !

Mme Dominique Gillot. Votre manœuvre de dernière minute pour empêcher la discussion publique de notre proposition de loi est venue confirmer que votre funeste stratégie est de faire mourir l’école maternelle (M. Alain Gournac s’esclaffe.),…

M. Christian Cambon. Scandaleux !

Mme Dominique Gillot. … de l’asphyxier en lui retirant progressivement les moyens qui lui sont nécessaires.

Dans ce contexte, la sanctuarisation de l’école maternelle, par l’instauration de la scolarité obligatoire dès l’âge de trois ans, est totalement d’actualité. Instaurer une telle obligation n’a rien à voir avec une forme quelconque de collectivisme ou de contrainte.

M. Christian Cambon. C’est fini !

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !

Mme Dominique Gillot. C’est le moyen le plus sûr de résister aux dérives de l’individualisme, du pouvoir de l’argent, de la compétition et du tri, de former, dès le plus jeune âge, nos enfants au bien vivre ensemble, de leur offrir les conditions culturelles propices à l’établissement du lien social et aux apprentissages, dans le respect des singularités et de la réciprocité, de bâtir, dès le plus jeune âge, la « société des égaux » chère à Pierre Rosanvallon. Ce serait là le véritable progrès du XXIe siècle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe CRC, conscient des enjeux spécifiques et essentiels liés à la scolarisation des enfants âgés de deux à six ans, a engagé sur ce thème une réflexion qui lui a permis de déposer, dès le mois de mars dernier, une proposition de loi, suivie par celles de nos collègues du groupe socialiste et du RDSE.

Le constat partagé du rôle fondamental de l’école maternelle nous a ainsi conduits, comme Mme Cartron, à vouloir rendre l’école obligatoire dès trois ans. Une telle mesure permettrait de consacrer l’importance de cette institution scolaire et de pérenniser son existence face aux réductions drastiques des moyens et du nombre de postes d’enseignant résultant de l’application de la révision générale des politiques publiques.

L’école maternelle est, malheureusement, devenue une variable d’ajustement budgétaire privilégiée pour le Gouvernement. Ainsi, à chaque rentrée scolaire, le curseur du nombre d’élèves par classe est déplacé afin de ne pas avoir à créer de nouveaux postes ; les moyens diminuent alors que les effectifs augmentent, comme je le constate dans mon département du Morbihan, où une classe d’une petite commune rurale compte même trente-six élèves…

Parents et élus de toutes tendances se mobilisent à chaque rentrée de septembre. Nous souhaitons protéger l’école maternelle en inscrivant dans la loi ce qui, aujourd’hui, est déjà une réalité : la quasi-totalité des enfants de trois à six ans sont scolarisés en maternelle, même si certains d’entre eux restent accueillis en pôle « multi-accueil » ou en crèche jusqu’à quatre ans.

Une telle mesure permettrait de reconnaître à leur juste valeur les apports fondamentaux de la maternelle au sein de notre système scolaire, sans affecter les finances de l’État. L’école maternelle joue un rôle décisif dans la diminution de l’échec scolaire et dans la lutte contre les inégalités, particulièrement pour les enfants issus d’un milieu social défavorisé. Elle a une influence positive sur les niveaux de compétences ainsi que sur le taux de redoublement, ce qui pourrait peut-être représenter une source d’économies pour le budget de l’éducation nationale.

L’étude PISA de 2009 montre ainsi que les élèves qui ont fréquenté la maternelle réussissent mieux que les autres. Elle indique également que cet avantage est plus marqué dans les systèmes d’éducation où l’enseignement préélémentaire et élémentaire dure longtemps. Pourtant, selon un rapport de la Cour des comptes de mai 2010, le montant des dépenses annuelles par élève de maternelle est, en France, inférieur de 5 % à la moyenne des pays de l’OCDE.

La scolarisation des enfants de deux à trois ans est à nos yeux une question essentielle. En 2000, un enfant sur trois appartenant à cette tranche d’âge fréquentait l’école maternelle, contre un sur cinq seulement aujourd'hui ! Cette diminution résulte d’un choix politique du Gouvernement. Les inspecteurs d’académie prennent de moins en moins en compte les demandes de scolarisation d’enfants de deux à trois ans pour le calcul des effectifs des maternelles, ce qui a une incidence sur le nombre de postes d’enseignant, en particulier dans le contexte budgétaire actuel.

En Bretagne, le taux de scolarisation des enfants âgés de deux à trois ans est traditionnellement assez fort, puisqu’il s’élevait par exemple à 60 % en 2007. Or l’académie de Rennes est connue pour obtenir de bons résultats : c’est un début de preuve, monsieur le ministre, de l’intérêt de la scolarisation précoce des enfants.

Ce taux élevé de scolarisation des très jeunes enfants a notamment été permis par une forte implication des collectivités locales, qui ont privilégié l’accueil en maternelle par rapport aux structures de garde telles que les pôles « multi-accueil » ou les crèches, qui ont construit en conséquence des écoles maternelles et mis à disposition des personnels spécialisés. Parmi mes collègues maires, toutes tendances politiques confondues, je n’en connais pas un seul qui soit opposé à la création de classes de maternelle. Au contraire, nous nous battons tous ensemble pour maintenir nos classes et pour garder nos enseignants et nos agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles – les ATSEM. Dans le Morbihan, on compte un ATSEM par classe dans toutes les communes !

Malgré les demandes des parents et des élus locaux, le rectorat a décrété en 2011 que les écoles pourraient accueillir au maximum 20 % des enfants de deux à trois ans, soit une division par trois du taux de scolarisation de cette tranche d’âge par rapport à 2007. Cette régression très rapide et brutale a été douloureuse pour les enfants et leurs familles, mais aussi pour les élus qui luttent pour maintenir les écoles de leurs communes.

Afin d’empêcher que les enfants âgés de deux à trois ans ne soient définitivement écartés de l’école maternelle, la législation doit traiter de la question de la préscolarisation, comme nous entendions le faire au travers de notre proposition de loi. Il faut maintenir la possibilité de scolariser à partir de deux ans tous les enfants qui y sont prêts et dont les familles en font la demande.

Naturellement, la scolarisation des enfants de deux à trois ans ne peut se concevoir que dans de bonnes conditions d’accueil, en évitant par exemple la constitution de classes de trente élèves et plus, comme il arrive de temps en temps, même si la moyenne se situe plutôt entre vingt-cinq et vingt-six élèves par classe.

Même si le groupe CRC aurait souhaité que cette proposition de loi aille plus loin en matière de scolarisation des enfants de deux à trois ans, il la votera, car la scolarisation en maternelle doit absolument être valorisée. L’école maternelle construit en effet les bases de la réussite et de l’épanouissement de l’enfant.

Nous voulons rendre ses lettres de noblesse à l’école maternelle et établir partout sur notre territoire les mêmes règles d’accès à ce que Philippe Meirieu a appelé « l’école première ». Ainsi, nous affirmons notre fidélité à la devise de notre République : « liberté, égalité, fraternité ». L’avenir de notre pays est en jeu ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)

M. Claude Domeizel. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’école maternelle est souvent citée comme l’un des points forts de notre système éducatif, et il est incontestable que la généralisation progressive de l’accueil des jeunes enfants de trois ans a contribué à ses progrès.

En mettant à disposition des classes maternelles, l’État permet aux parents qui le souhaitent de scolariser tôt leurs enfants. Dans les faits, environ 99 % des enfants de trois ans sont scolarisés.

Mme Françoise Cartron. Nous sommes d’accord !

Mme Colette Mélot. Pourtant, rendre obligatoire cette scolarisation reviendrait à supprimer la flexibilité actuelle, ce qui n’est absolument pas souhaitable.

En effet, dans bien des cas, en petite section, cette scolarisation ne favorise pas les enfants. Beaucoup ne sont pas prêts à vivre en collectivité. Certains d’entre eux n’ont pas acquis le réflexe de propreté…

M. David Assouline. Ce n’est pas un réflexe, c’est un apprentissage !

Mme Colette Mélot. … ou n’ont pas atteint le stade de développement leur permettant de supporter le cadre scolaire.

Les parents doivent conserver la liberté de choisir. Concrètement, en petite section, la sieste peut se faire l’après-midi à l’école ou à la maison.

Mme Françoise Cartron. Naturellement !

Mme Colette Mélot. L’enfant peut fréquenter l’école à mi-temps, ce qui est plus facile pour débuter une scolarité.

Mme Colette Mélot. Il faut aussi se méfier des dérives : des parents peuvent choisir l’école comme mode de garde parce qu’il n’est pas onéreux. On peut le comprendre, mais cela est grave, car l’essentiel est l’intérêt de l’enfant.

En commission, un amendement prévoyant que « tout enfant peut être admis, à l’âge de deux ans, dans une école maternelle ou une classe enfantine le plus près de son domicile » a obtenu un avis favorable, ainsi que le souhaitait notre rapporteur.

Si la généralisation de la scolarisation à partir de trois ans peut être considérée comme un facteur d’efficacité de notre système éducatif, faut-il, pour autant, encourager la scolarisation à deux ans ?

M. David Assouline. Il faut la rendre possible !

Mme Colette Mélot. Certes, notre rapporteur nous a répété qu’il ne s’agissait nullement, par cette proposition de loi, de rendre l’école maternelle obligatoire à partir de deux ans. Toutefois, ce texte vise à inscrire dans le code de l’éducation une contrainte pour les collectivités, qui devront être en mesure d’accueillir les plus jeunes enfants. Cela entraînera, à l’évidence, des besoins en locaux et en personnel.

Je pense que l’encadrement des enfants de deux ans relève des structures d’accueil de la petite enfance, donc de la politique familiale, et non de l’éducation nationale.

Mme Colette Mélot. J’ai participé aux réunions du groupe de travail sur l’accueil des jeunes enfants. L’interrogation essentielle était la suivante : l’école s’adresse-t-elle aux enfants de deux ans ? Je rappellerai la citation de Françoise Dolto qui figure en tête du rapport de Monique Papon et de Pierre Martin : « Quand on dit deux ans et trois ans, c’est comme si on disait douze ans et vingt-cinq ans. À deux ans, de trois mois en trois mois, les enfants évoluent énormément ; leurs intérêts, leur mode de langage au sens large du terme sont en continuelle mutation. »

Tout d’abord, sur le plan de la maturité, l’enfant de deux ans n’est pas prêt à subir les contraintes d’un cadre scolaire. Il a ses propres rythmes et besoins qu’il est important de respecter : il doit faire la sieste, avoir des moments d’isolement et de calme, ou au contraire de mouvement. Même si certains de ces besoins sont pris en compte, la classe de très petite section fonctionne sur le modèle de la classe, avec ses contraintes et ses exigences : des locaux parfois peu adaptés, des effectifs nombreux, un manque de souplesse des horaires, des activités imposées, peu de jeux libres, de nombreux moments d’attente…

Il a en outre été indiqué au groupe de travail que le milieu scolaire ne favorisait pas l’acquisition du langage pour les tout-petits, qui ont besoin d’une relation privilégiée avec un adulte pour entrer dans ce champ d’apprentissage, préalable indispensable à une réussite scolaire ultérieure.

J’ajouterai à ce sujet que, selon les études disponibles, la scolarisation à deux ans influe peu sur le devenir des enfants. Les effets positifs de cette scolarisation précoce sont en fait limités et peu durables ; ils s’estompent au cours de la scolarité élémentaire.

M. Roland Courteau. C’est vous qui le dites !

Mme Colette Mélot. La relation entre obligation de scolarisation et résultats scolaires n’est pas réelle. En Finlande, l’école n’est obligatoire qu’à partir de sept ans. Or, ce pays se classe en tête des pays de l’OCDE dans les enquêtes PISA, comme nous le savons tous.

M. Christian Cambon. C’est vrai !

Mme Colette Mélot. En commission, j’ai entendu notre rapporteur dire qu’un enfant de deux ans n’était plus un bébé. Pourtant, à cet âge, il est très rarement propre, et je crois savoir que la pédiatrie considère l’enfant comme un nourrisson jusqu’à trente-six mois. C’est donc un handicap sérieux en milieu scolaire. D’ailleurs, il faut rappeler qu’actuellement les écoles maternelles n’acceptent pas l’enfant qui est encore en couches : sa scolarisation est alors reportée jusqu’à ce qu’il soit propre.

L’acquisition de la propreté peut alors se transformer en contrainte psychologique, ce qui peut être très grave pour l’enfant.

Notre rapport sur les jardins d’éveil concluait que « l’enfant de deux ans est en quelque sorte un individualiste auquel il faut laisser le temps d’évoluer, de mûrir pour être en capacité un peu plus tard de devenir élève ».

Je pense qu’il n’était pas inutile de le rappeler, alors que nous risquons de faire ce soir un pas vers la scolarisation à deux ans. L’enjeu est extrêmement important et mérite mieux qu’une décision hâtive prise au détour de l’examen d’une proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vais pas reprendre les arguments développés par les orateurs qui m’ont précédé. L’utilité de l’école maternelle pour l’épanouissement des enfants et leur préparation à l’école primaire est reconnue sur toutes les travées de cet hémicycle.

En revanche, il me paraît utile d’opérer une mise en perspective, en rappelant les origines profondes de l’école de la République.

La IIIe République a eu comme objectif prioritaire de préparer les futurs citoyens à un niveau d’instruction plus égalitaire, facteur d’émancipation individuelle, de liberté et de responsabilité. Atteindre cet objectif devait aussi – il faut le souligner – permettre d’affronter les nouvelles exigences imposées par l’industrialisation et une économie plus ouverte vers le monde extérieur.

Pour y parvenir, la loi du 28 mars 1882 a instauré « l’instruction primaire […] obligatoire pour les enfants des deux sexes, français ou étrangers, âgés de six ans à treize ans révolus ». Cette seconde borne d’âge a été portée à quatorze ans en 1936, puis à seize ans en 1959.

Dans cette perspective, encore fallait-il se doter d’une institution capable de relever cet immense défi, à savoir l’école de la République, qui, pour des raisons évidentes, se devait d’être laïque et gratuite.

Mais le législateur a admis que l’école de la République pouvait cohabiter avec des établissements privés, non soumis à cette contrainte de gratuité et de laïcité. La tolérance du législateur est même allée jusqu’à cet extrême compromis que fut – et qu’est toujours – l’enseignement au sein de la famille.

Obligatoire, laïque, gratuite : ces trois mots auraient toute leur place au fronton de nos écoles républicaines.

La mise en œuvre de cette obligation s’est traduite par des « maisons d’école », qui ont poussé comme des champignons dans toutes les communes et hameaux. Cependant, jusque dans les années vingt, bon nombre de parents ont bravé cette obligation ; on a longtemps continué à travailler jeune, et même à descendre au fond de la mine à l’âge de onze ou douze ans.

M. Claude Domeizel. Quant à la gratuité et à la laïcité, ces deux notions ont subi quelques soubresauts, parfois violents.

Je pense aux lois Barangé et Debré et, de manière plus personnelle, aux violents mouvements de la Grand’Combe, dans le Gard, de 1946 à 1948. Ces événements, oubliés de l’histoire de la laïcité et de la gratuité de l’école, ont opposé les tenants de l’école publique et ceux de l’école privée confessionnelle. Durant des mois, le calme dans cette commune a été précaire, malgré la présence de CRS et de gendarmes mobiles. J’en ai été le témoin.

Mais venons-en à l’école maternelle, qui, au fil du temps, s’est fortement implantée partout ou, plutôt, presque partout.

Les enfants de moins de six ans sont-ils traités de manière égalitaire ? Le taux de scolarisation des trois à six ans, proche de 100 %, ne doit pas masquer la réalité.

Monsieur le ministre, vous le savez, le milieu rural est profondément affecté à un double titre : les moins de cinq ans restent très souvent devant la porte de l’école ; l’âge d’admission constitue, en milieu rural plus qu’ailleurs, la variable d’ajustement pour les refus de création ou les fermetures de classes.

Certes, le code de l’éducation dispose que « les classes enfantines ou les écoles maternelles sont ouvertes, en milieu rural comme en milieu urbain, aux enfants qui n’ont pas atteint l’âge de la scolarité obligatoire ». Mais la réalité est tout autre.

Je suis loin d’ignorer les contraintes que représente pour les communes et les enseignants l’accueil des enfants âgés de trois à six ans, en particulier dans les classes uniques. Mais les familles sont en droit d’attendre le même traitement de la part des pouvoirs publics en zone rurale qu’en milieu urbain. En tant qu’élu d’un département rural, j’insiste particulièrement sur ce point. En cas de refus, les familles risquent de se décourager de vivre dans nos villages. Certes, elles peuvent inscrire leur enfant de moins de cinq ans dans un bourg voisin plus important, mais cela peut occasionner le transfert de toute une fratrie et accélérer ainsi la fermeture de l’école du village.

Pourquoi trois ans ? Tout simplement pour tenir compte des usages devenus bien ancrés, les textes législatifs et réglementaires faisant toujours référence à cet âge pour l’école maternelle.

Monsieur le ministre, vous avez très longuement évoqué l’accueil à deux ans. Permettez-moi de vous dire que je vous rejoins sur ce point. À titre personnel – cela n’engage que moi –, je pense que l’inscription entre deux et trois ans doit faire l’objet d’une dérogation afin de prendre en considération des situations particulières. C’est notamment le cas en milieu rural, où l’organisation pédagogique et les transports du domicile à l’école sont plus délicats.

Plus généralement, je voudrais que nous partagions ensemble plusieurs constats.

Premièrement, l’école maternelle fonctionne dans des locaux publics, avec des professeurs des écoles publics. C’est donc bien une école de la République.

Deuxièmement, l’école maternelle, qui accueille près de 100 % des enfants de trois à six ans, est efficiente.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Claude Domeizel. Je conclus, monsieur le président.

Troisièmement, l’école maternelle est gratuite et laïque. Mais elle n’est pas obligatoire. Comblons cette lacune ! Insérons dans la loi l’obligation scolaire à partir de trois ans. Au-delà du symbole, ce sera un acte républicain digne de nos prédécesseurs de la IIIe République, digne de Jules Ferry.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Claude Domeizel. Dès lors, au fronton de toutes nos écoles, qu’elles soient primaires ou maternelles, nous pourrons inscrire : « École de la République : obligatoire, laïque et gratuite. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion n° 7, tendant au renvoi à la commission.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Monsieur le président, Mme Cartron, l’auteure de la proposition de loi, souhaiterait faire une déclaration. (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. David Assouline. Écoutez-la, elle veut vous faire gagner du temps !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.

Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, après avoir assisté à l’ensemble de la discussion, mon sentiment est partagé. En effet, je vous ai entendu défendre magnifiquement notre école maternelle et reconnaître son rôle essentiel. Vous avez admis que 99 % des enfants âgés de trois ans y étaient scolarisés. Dans ces conditions, je ne comprends pas que vous ayez invoqué l’article 40 de la Constitution en affirmant que la proposition de loi créerait des charges supplémentaires impossibles à assumer pour l’État et les collectivités locales.

La proposition de loi que j’ai déposée vise à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans, et non à deux ans. Or c’est précisément cette dernière mesure qui vous a conduit à invoquer l’article 40 de la Constitution. Il s’agit là, me semble-t-il, d’un contresens.

Vous avez beaucoup insisté sur la nécessité de laisser le libre choix aux familles. La proposition de loi est fondée sur ce credo : elle vise à instaurer la scolarité obligatoire à partir de trois ans, la scolarité des enfants de deux ans relevant du libre choix des familles, sous réserve qu’il y ait des places disponibles.

M. Alain Gournac. C’est obligatoire, mais ce n’est pas obligatoire ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

Mme Françoise Cartron. Selon certains, notre proposition de loi ne ferait que confirmer ce qui existe déjà dans les faits. C’est une loi d’affichage, dites-vous.

M. Alain Gournac. Bien sûr !

Mme Françoise Cartron. Oui, nous affichons des principes et des valeurs !

M. Alain Gournac. Il n’y a que vous qui en avez !

Mme Françoise Cartron. Le fait que plus de 98 % des enfants âgés de trois ans soient scolarisés à l’école maternelle est, selon nous, un progrès. Il a fallu des années pour parvenir à un tel résultat !

Notre proposition de loi vise à consolider ce progrès et à empêcher tout retour en arrière dans les années à venir. Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, c’est une vraie chance pour les enfants de pouvoir être scolarisés à l’école maternelle.

Quoi qu’il en soit, après l’application de l’article 40 de la Constitution, je ne reconnais ni l’esprit ni le corps central du texte que j’avais déposé, c'est-à-dire la scolarité obligatoire à trois ans et le libre choix laissé aux familles pour les enfants âgés de deux ans.

La proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans ayant été dénaturée – je ne sais pas si c’était de bonne foi ou sciemment –, je ne vois pas bien de quoi nous pourrions débattre. Aussi, monsieur le président, j’ai décidé de la retirer.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. La commission prend acte du choix de l’auteure de la proposition de loi de retirer son texte en vertu de l’article 26 du règlement du Sénat. Ce gâchis est regrettable, y compris à l’égard du travail collectif qui a été accompli.

Nous avons parfois eu l’impression que vous n’aviez pas lu le texte, monsieur le ministre. (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Roland Courteau. Absolument !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Je prends simplement l’exemple de l’alinéa 4 de l’article 1er, qui visait à instaurer davantage de souplesse pour les familles. Nous avons eu le sentiment que vous insistiez sur une disposition qui n’était pas inscrite dans le texte.

En tant que présidente de commission, j’aurais mauvaise grâce à ne pas me plier à l’article 40, qui s’impose à tous, et j’y insiste. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne dispose-t-elle pas que nous sommes tous « égaux en droit » ? Mais c’est là que le bât blesse…

Vous faites un usage inédit de l’article 40. Cela reste pour moi la preuve manifeste d’une volonté exceptionnelle et inquiétante de déployer tous les moyens, fussent-ils de nature constitutionnelle, pour tuer une proposition de loi dont vous ne voulez pas. Nous serons donc très attentifs…

M. Alain Gournac. Nous aussi !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. … au coût des textes qui seront présentés par l’opposition sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. David Assouline. Il ne faudra pas qu’ils coûtent 1 euro !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. Je comprends la réaction de Mme Cartron et du groupe socialiste-EELV. En effet, l’irrecevabilité financière prévue à l’article 40 de la Constitution a eu pour effet de vider la proposition de loi de son contenu, faisant ainsi obstacle à l’adoption d’un texte qui aurait sécurisé l’existence de l’école maternelle.

Cette séance aura donc été celle d’une occasion manquée. C’est d’autant plus grave que les attentes de nos concitoyens sont grandes. (Exclamations sur les travées de lUMP.) J’en veux pour preuve les auditions que j’ai réalisées. Ainsi, Mme Bouysse, inspectrice générale de l’éducation nationale, nous disait combien, dans l’esprit des gens, l’école maternelle à trois ans était vécue comme une obligation de fait. (Mêmes mouvements.)

Mme Catherine Troendle. Alors pourquoi faire un texte ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. Il existe un consensus dans notre pays pour considérer l’école maternelle et une scolarisation précoce comme des instruments efficaces de lutte contre l’échec et les inégalités scolaires, qui sont d’ailleurs liés – il faut tout de même le dire – aux inégalités sociales.

Dans l’esprit de la commission, l’instauration de la scolarité obligatoire à trois ans n’était pas contradictoire avec l’exigence de souplesse du dispositif et le respect du rythme de l’enfant. Nous avions d’ailleurs adopté des amendements importants soulignant la nécessité de prévoir des conditions d’accueil adaptées, de maintenir l’école maternelle hors du champ de contrôle de l’assiduité scolaire et d’empêcher l’activation du mécanisme de suspension des allocations familiales instauré par la loi Ciotti. Nous avions également pointé la nécessité d’une formation initiale et continue des personnels reconnaissant la technicité particulière de la tâche de ces enseignants.

Il s’agissait donc, pour nous, de confirmer dans la loi les faits et d’activer un verrou, car, en raison de son caractère non obligatoire, l’école maternelle a d’abord fait les frais des restrictions budgétaires.

Monsieur le ministre, avec votre majorité, vous avez caricaturé à dessein notre position sur les enfants âgés de deux à trois ans, laissant à penser que nous voulions imposer un dispositif rigide et obligatoire. Or il s’agissait simplement de préserver une possibilité mise à mal par l’application de la RGPP, application qui commence d’ailleurs à avoir des conséquences pour les enfants plus âgés.

La majorité présidentielle poursuit le travail de sape du service public de l’éducation qui a été entamé il y a cinq ans. (Exclamations sur les travées de lUMP.) Cela prouve que vous êtes incapables d’envisager la question de l’école maternelle en dehors de l’aspect budgétaire.

M. Christian Cambon. Pas du tout !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. Mes chers collègues, il y a nécessité à légiférer sur la situation de l’école maternelle, car elle est bien la clef du recul de l’échec scolaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans est retirée.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans
 

9

Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité
Rappel au règlement (début)

Délégués des établissements publics de coopération intercommunale

Suite de la discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, à la demande du groupe socialiste-EELV, de la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l’application du dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité, présentée par M. Jean-Pierre Sueur (proposition n° 793 [2010-2011], texte de la commission n° 68, rapport n° 67).

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour un rappel au règlement.

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité
Rappel au règlement (suite)

M. Hervé Maurey. Si je considère cette proposition de loi comme plutôt bienvenue, ce sera d’ailleurs le sens de ma prise de parole sur l’article 1er, je trouve particulièrement malvenues les conditions dans lesquelles nous sommes conduits à l’examiner.

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi, président de la commission des lois. À qui la faute ?

M. Hervé Maurey. Qui dans cet hémicycle peut estimer qu’il est correct de commencer l’examen d’un texte, dont les auteurs soulignent toute l’importance, à presque une heure du matin, dans la nuit de jeudi à vendredi ?

Je rappelle à ceux qui l’ignoreraient que la plupart des parlementaires repartent dans leurs départements le jeudi. Un certain nombre d’entre eux ne sont donc pas présents cette nuit. Pour être là aujourd’hui, certains ont donc dû annuler des obligations ; d’autres, comme moi, sont retournés dans leur département et sont revenus à Paris dans la soirée uniquement pour participer à ces travaux.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous en sommes honorés !

M. Hervé Maurey. Nous avons été avertis seulement hier à dix-neuf heures de la tenue de cette séance, ce qui nous a laissé assez peu de temps pour nous organiser. Pourtant, il était prévisible que l’examen de ce texte, qui d’un article est passé à douze par la volonté de ses auteurs, prendrait du temps. Ce comportement n’est ni sérieux ni correct !

Je vous laisse imaginer ce que l’actuelle majorité aurait dit si cet ordre du jour tout à fait inconvenant lui avait été imposé par le Gouvernement ou par l’ancienne majorité.

M. Alain Gournac. Elle aurait hurlé !

M. Hervé Maurey. Je le dis encore une fois, les conditions dans lesquelles nous travaillons sont tout à fait malvenues. Si telle est la nouvelle gouvernance du nouveau président du Sénat, cela augure bien mal des prochaines années de travail de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à Mme Catherine Troendle, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité
Articles additionnels avant l'article 1er

Mme Catherine Troendle. Je m’associe pleinement aux propos de M. Maurey.

Hier, j’ai dénoncé le passage en force de ce texte de la plus haute importance relatif à l’intercommunalité. C’est en effet la conférence des présidents qui a eu lieu hier en fin d’après-midi qui a réglé l’ordre du jour de nos travaux de cette nuit. Au cours de cette réunion, nous avions d’ailleurs largement évoqué l’incertitude pesant sur la présence effective de M. le ministre lors de cette séance. Qu’il me soit donc permis de saluer M. Richert, qui est parmi nous malgré les contraintes de son emploi du temps liées à l’examen du projet de budget à l’Assemblée nationale.

Monsieur le président, comme je l’ai déjà souligné, le groupe de l’UMP pense que ce ne sont pas des heures pour légiférer. Nous ne serions pas crédibles aux yeux des Français s’ils nous voyaient examiner un texte aussi fondamental jusqu’à trois heures du matin.

Mes chers collègues, relisez l’excellente étude comparative de M. Gélard, qui montre qu’aucun parlement européen ne légifère au milieu de la nuit ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Christian Cambon. Ils n’ont pas M. Sueur !

M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, madame Troendle.

Mes chers collègues, je rappelle que la discussion générale a été close et qu’une motion déposée sur ce texte a été repoussée.

Nous en sommes donc parvenus à la discussion des articles.

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité
Article 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Favier, Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er,

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est abrogée.

La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Nous poursuivons ce soir un premier débat concernant quelques aspects de la réforme des collectivités territoriales.

Par cet amendement, nous ne cherchons pas faire de surenchère. Nous souhaitons réaffirmer, depuis le changement de majorité de la Haute Assemblée, notre objectif commun de voir la réforme du 16 décembre 2010 abrogée au plus vite. En effet, malgré les avancées positives contenues dans la proposition de loi déposée par Jean-Pierre Sueur, nous voulons affirmer avec force que ces modifications ne sont pour nous qu’une première étape avant l’abrogation de cette loi.

Notre amendement est à la disposition de la majorité si elle considère que l’heure est venue de prendre une telle décision. Pour notre part, nous y sommes prêts.

Si un autre temps, un autre rythme est retenu à partir du projet d’organisation d’états généraux des collectivités locales, nous nous y résoudrons, à condition que l’objectif commun soit bien réaffirmé, conformément aux engagements de Jean-Pierre Bel.

Ainsi, nous vous proposerons dans quelques jours de prendre une décision politique majeure et symbolique en adoptant notre proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial. À la différence du texte qui nous est soumis ce soir, nous proposerons non pas d’aménager la loi de 2010, mais de faire disparaître un pan très important de celle-ci.

Ce démantèlement en appellera beaucoup d’autres, car rien dans cette réforme des collectivités locales n’est positif à nos yeux. Celle-ci fixe des objectifs que nous ne saurions avaliser.

Si nous n’acceptons pas la disparition programmée de nos communes par une intégration contrainte, toujours plus poussée au sein d’intercommunalités mises en place à la hussarde, nous n’acceptons pas non plus la disparition programmée de la compétence générale pour les départements et les régions, la fin des financements croisés et le désengagement renforcé de l’intervention de l’État. Nous refusons également la mise en concurrence des territoires et la mise en cause des services publics locaux, conséquences directes de cette réforme.

Cependant, nous ne saurions nous satisfaire du statu quo ou d’un simple retour à la situation antérieure.

Oui, une autre réforme est aujourd’hui absolument indispensable, mais elle doit être fondée cette fois sur la libre administration des collectivités locales et le développement des coopérations volontaires afin de favoriser et de soutenir la mise en œuvre de projets de territoire répondant aux besoins et aux attentes de nos concitoyens !

Bien entendu, cette réforme institutionnelle ne saurait être mise en œuvre sans une autre réforme, concernant cette fois le financement des collectivités locales, en particulier le rétablissement de leur autonomie fiscale.

Nous connaissons, vous connaissez tous des inquiétudes dans ce domaine, ainsi que nous avons pu le constater durant toute la campagne des élections sénatoriales. L’immense majorité des élus locaux ne savent plus comment tenir les responsabilités qui sont les leurs face aux situations sociales fortement dégradées des populations et à l’avenir incertain des territoires.

Avec notre amendement, nous souhaitons marquer une rupture et ouvrir un autre chemin. Il est temps de tourner la page d’une mauvaise réforme contraire à une véritable décentralisation.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement soulève une question qui a donné lieu à un débat en commission. La copieuse discussion générale qui s’est déroulée hier a également permis à chacun de préciser ses positions.

Sans anticiper sur les débats qui seront ceux de la Haute Assemblée dans les mois à venir, il me semble que l’un des éléments de cohérence de la nouvelle majorité sénatoriale est sa volonté de remplacer la réforme territoriale du mois de décembre 2010. Beaucoup ici en ont pris formellement l’engagement. En cet instant, je puis affirmer que tel sera bien notre programme de travail, en particulier dans le cours et à l’issue des états généraux des élus locaux que le président Bel compte organiser dès les prochaines semaines.

De ce fait, le programme d’abrogation ou de remplacement des dispositions de cette réforme très critiquée est commencé.

Cela étant, si cet amendement était adopté ce soir, il nous priverait de la possibilité de réaliser les aménagements concrets et pratiques souhaités par vous-même, mon cher collègue, et par de nombreux autres sénateurs.

M. Jean-Jacques Hyest. On va le voter alors !

M. Alain Richard, rapporteur. Je tiens d’ailleurs à remercier Mme Troendle d’avoir souligné le caractère fondamental du texte que nous examinons.

Monsieur Favier, je pense que vous aurez à cœur de ne pas priver le Sénat de la possibilité de légiférer utilement, d’autant que nous partageons le même objectif politique. Il serait donc préférable que vous retiriez cet amendement et qu’il ait simplement valeur d’engagement collectif à poursuivre un travail de suppression qui se fera en plusieurs étapes : votre proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial, que nous examinerons dans quelques jours, puis le remplacement des dispositions critiquées de la loi du 16 décembre 2010.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. À l’occasion de cet amendement, qui vise à abroger la loi de réforme des collectivités territoriales, je souhaite faire quelques remarques qui me permettront, par la suite, d’être plus bref.

J’ai bien entendu l’auteur de l’amendement nous dire que l’objectif visé était le démantèlement de la réforme des collectivités et que cette proposition de loi n’était que la première étape avant son abrogation. Je reprends explicitement les termes qu’il a utilisés afin que l’on comprenne bien le sens de sa démarche.

Ma démarche, en revanche, comme je l’ai déjà expliqué, est tout autre. Je pense que seuls quelques ajustements ponctuels sont nécessaires, et la proposition de loi initiale déposée par M. Sueur allait dans ce sens.

Or, au cours de son examen en commission, le texte est passé de un à douze articles et son contenu a été complètement modifié. Dès lors, il s’agit non plus d’une proposition de loi visant à ajuster ponctuellement des points qui méritaient d’être explicités pour éviter les malentendus, mais d’une remise en cause fondamentale de tout ce qui a été fait. En quelques heures, on prétend repartir sur de nouvelles bases, comme si les 300 heures de débat parlementaire qui ont permis d’aboutir à la réforme des collectivités n’avaient pas existé. Le Gouvernement ne peut souscrire à une telle démarche.

Autant nous aurions été d’accord pour aménager un certain nombre de points – je les ai déjà cités, je ne les reprendrai pas une nouvelle fois –, autant il nous est difficile d’accepter le principe d’une suppression d’éléments fondamentaux permettant aujourd'hui à un grand nombre de départements d’élaborer un schéma qui peut être accepté par une très large majorité.

Comme je l’ai souligné hier, j’aurais souhaité qu’on dise clairement que, là où le schéma départemental recueille un large consensus, on gardera ce qui a été mis en place et que, là où les situations sont bloquées, on essaiera d’apporter des réponses. Nous n’en sommes pas là, et je le regrette. Je le redis une fois pour toutes : on aurait pu imaginer que cette proposition de loi puisse être approuvée, à condition qu’elle apporte effectivement satisfaction sur l’ensemble des points.

Je voudrais revenir sur le calendrier d’élaboration et d’application du schéma, question qui nous a beaucoup occupés hier. Il est évident que vous et moi n’avons pas eu la même lecture de la proposition de loi.

Permettez-moi de rappeler que la loi de réforme des collectivités territoriales a prévu l’adoption du schéma avant le 31 décembre 2011, chaque fois que cela est possible, puis une mise en œuvre selon trois étapes classiques : l’arrêté de projet de périmètre, la délibération des conseils municipaux et des conseils des établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, l’arrêté préfectoral définitif prononçant la fusion, la modification ou la dissolution.

Les derniers arrêtés doivent paraître au plus tard le 1er juin 2013. Le Gouvernement a précisé lors des débats que les premiers mois de 2013 seront un dernier recours. En règle générale, l’objectif est bien d’avoir terminé à la fin de 2012 pour répondre aux vœux très appuyés de l’AMF, l’Association des maires de France.

Disons-le clairement : la proposition de loi telle qu’elle est issue des travaux de la commission prévoit que le schéma sera définitivement adopté le 31 mars 2013. Selon moi, il faudra alors accomplir les procédures de mise en œuvre :…

M. Pierre-Yves Collombat. Elles sont déjà faites !

M. Philippe Richert, ministre. … arrêtés de projet de périmètre, délibérations, arrêtés définitifs. Cela nous amène à l’été, voire à l’automne de 2013.

Le processus nous rapproche des élections municipales, ce que l’AMF voulait absolument éviter, préoccupation qui avait été relayée ici, à l’époque, sur l’ensemble des travées, comme je l’ai dit hier soir, en citant assez longuement les propos des intervenants, notamment ceux de la gauche.

MM. Richard et Sueur nous ont dit hier que ce n’était pas ce qu’il fallait comprendre. Selon eux, sitôt le schéma adopté, le préfet prendra immédiatement les mesures d’application. Il n’aura pas à prendre d’arrêté de périmètre ni à consulter les conseils municipaux.

M. Philippe Richert, ministre. Il prendra directement les arrêtés définitifs. Ils considèrent en somme que la consultation des conseils municipaux sur le projet de schéma aura suffi. Autrement dit, la procédure d’élaboration du schéma absorbe la procédure de mise en œuvre.

M. Pierre-Yves Collombat. Vous avez tout compris !

M. Philippe Richert, ministre. Mais alors, ce n’est pas mieux !

D’abord, on se retrouve en pleine incertitude juridique.

Il ne suffit pas d’écrire, à l’alinéa 17 de l’article 5, que le schéma « est mis en œuvre par arrêtés préfectoraux ». Il faudrait déroger aux dispositions du code général des collectivités territoriales, dispositions nombreuses, constantes, traditionnelles, qui prévoient évidemment qu’il faut prendre un arrêté de projet, puis consulter les assemblées délibérantes avant de prononcer une dissolution, une fusion, une transformation ou une modification. (M. le rapporteur s’exclame.) Une dérogation aussi lourde par rapport à un point aussi fondamental et aussi constant de notre droit de l’intercommunalité nécessiterait des dispositions explicites.

On ne peut pas se permettre une incertitude juridique sur un point aussi fondamental.

Ensuite, avec votre interprétation, on perd toute souplesse dans la mise en œuvre du schéma.

M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas vrai !

M. Philippe Richert, ministre. Les préfets prendraient des décisions définitives d’office, automatiquement, obligatoirement, immédiatement, en prenant tous les arrêtés en une seule salve. Le préfet et la commission départementale de la coopération intercommunale, la CDCI, ne pourraient pas s’écarter du schéma. Il serait impossible de faire face aux évolutions des situations locales.

On sait bien pourtant que les positions peuvent être évolutives. On sait bien que, dans certains cas, l’intérêt général ou le bon sens commanderont de renoncer à un projet inscrit au schéma, ou de le modifier, ou de proposer un projet que le schéma ne prévoit pas. À supposer que le schéma aboutisse, ce qui est peu probable avec une procédure aussi lourde que celle qui est prévue, les acteurs locaux s’en trouveront complètement prisonniers.

Dans tous les cas, il sera impossible d’appliquer le schéma dès 2012, puisqu’il n’y aura pas de schéma en 2012. L’application en 2013, qui est l’exception dans la loi de réforme des collectivités territoriales, deviendra la règle aux termes de cette proposition.

En outre, on ne sait pas ce qui se passe en cas de désaccord.

Aux alinéas 14 et 15 de l’article 5, vous avez prévu que, si les communes ne donnent pas leur accord, la commission départementale de la coopération intercommunale tranche à la majorité des deux tiers. Si la CDCI n’adopte pas le schéma, c’est le préfet qui l’arrête.

Mais alors, le préfet arrête quel schéma ? Le projet de la CDCI ? Un schéma conforme à la volonté des communes ou celui que bon lui semble ? La proposition de loi ne le dit pas. Et que se passe-t-il si la CDCI adopte un schéma laissant subsister des discontinuités, des enclaves, des périmètres incohérents ? Le préfet doit-il l’exécuter ou rester immobile ? Là encore, rien n’est prévu. (M. le président de la commission des lois s’exclame.)

On voit bien que l’issue la plus probable sera malheureusement la situation de blocage.

Telles sont les observations que je voulais formuler. Elles constituent la base des réponses que j’apporterai à un certain nombre d’amendements et montrent précisément que cette proposition de loi va à l’inverse de l’objectif visé.

Je le répète, les dispositions que nous avons mises en place doivent respecter, chaque fois que cela est possible, la date du 31 décembre 2011. Il aurait été utile de le rappeler avant de s’attaquer aux détails.

On le voit bien, l’objectif est celui d’un démantèlement total de la loi de 2010. Cette proposition de loi en est la première étape, comme l’a dit l’auteur de l’amendement n° 7, auquel je ne peux être favorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Tout le monde ici souhaite que nous ayons une discussion ordonnée et rationnelle.

Mme Éliane Assassi. Exactement !

M. Alain Richard, rapporteur. Chacun a compris que le long exposé du ministre se fondait sur une interprétation, par ailleurs erronée, de l’article 5. Or, sauf erreur de ma part, nous sommes en train d’examiner un amendement de portée politique, portant article additionnel avant l’article 1er.

La méthode de travail retenue par le ministre en vaut d’autres. Nous sommes toutefois plusieurs sur ces travées à préférer la méthode normale consistant à privilégier un débat législatif serein. Il me semble donc que nous pourrons avoir cette discussion et relever un certain nombre d’erreurs de raisonnement (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.) – pardonnez-moi, monsieur le ministre – lorsque nous examinerons l’article 5.

En attendant, nous avons compris que vous n’étiez pas favorable à l’amendement de principe de nos collègues du groupe CRC. Je me suis permis, au terme d’un bref échange, de leur suggérer de ne pas le maintenir ce soir, mais d’en faire une étape vers d’autres débats qui auront lieu au cours des prochaines semaines. Il me semble que le Sénat pourrait en rester là et passer à un travail ordonné.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. Monsieur Favier, l’amendement n° 7 est-il maintenu ?

M. Christian Favier. Notre amendement a effectivement trait à une question de fond, à savoir l’appréciation que nous portons sur la réforme globale des collectivités territoriales. Je le confirme, le groupe CRC souhaite une remise en cause sur le fond de cette réforme.

Pour notre part, je le répète, nous souhaitons élaborer une nouvelle réforme qui respecte véritablement la décentralisation. Nous ne voulons pas d’une réforme comme celle qui a été votée – même si, il ne s’agit pas de le nier, le Sénat a consacré de très nombreuses heures à ce travail –, qui est recentralisatrice et contraire à l’intérêt des collectivités locales. Elle a d’ailleurs été massivement rejetée lors des récentes élections sénatoriales.

J’espère que la nouvelle majorité du Sénat pourra aboutir à un nouveau texte de loi.

Pour autant, nous ne sommes pas dans la politique du pire. Des améliorations sont proposées au travers de cette proposition de loi. Nous avons d’ailleurs contribué à ces avancées au sein de la commission des lois.

Compte tenu de l’engagement qui a été pris par le président Jean-Pierre Bel de l’organisation d’états généraux, et qui a été rappelé par M. le rapporteur, lesquels nous permettront effectivement de rediscuter de manière plus large du contenu de la réforme des collectivités territoriales, nous sommes d’accord pour retirer notre amendement. Nous resterons toutefois extrêmement vigilants et actifs sur lors des débats futurs, en particulier lorsqu’il sera prochainement question de la suppression du conseiller territorial. (Mme Éliane Assassi et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent.)

M. le président. L'amendement n° 7 est retiré.

L'amendement n° 10, présenté par M. Pointereau, est ainsi libellé :

I. – Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les projets de fusion de communautés de communes doivent être approuvés par les deux tiers des conseils municipaux des communes concernées représentant la moitié de la population, ou la moitié des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population.

À défaut, les projets sont reportés en 2014.

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Section…

Règle de majorité applicable aux fusions de communautés de communes

Cet amendement n'est pas soutenu.

Articles additionnels avant l'article 1er
Dossier législatif : proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité
Articles additionnels après l'article 1er

Article 1er

I (nouveau). – Le dernier alinéa de l’article L. 5211-41-2 et le IV de l’article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales sont supprimés.

II. – L’article 83 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le II est ainsi rédigé :

« II. – Jusqu’au prochain renouvellement général des conseils municipaux, la composition de l’organe délibérant et du bureau des établissements publics de coopération intercommunale créés antérieurement à la date de promulgation de la présente loi et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre issus de l’une des opérations prévues aux articles L. 5211-41 à L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales demeure régie par les dispositions du même code dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’article 9.

« Les délibérations des conseils municipaux se prononçant sur la composition de l’organe délibérant et du bureau sont prises au plus tard trois mois après l’adoption du schéma départemental de coopération intercommunale. Toutefois, ce délai est ramené à deux mois si le schéma est défini dans les conditions prévues au onzième alinéa du IV de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° … du … portant diverses dispositions relatives à l’intercommunalité.

« À défaut de délibération dans ces délais, la composition de l’organe délibérant et du bureau est fixée par arrêté du représentant de l’État dans le département lorsque les communes font partie du même département ou par arrêté conjoint des représentants de l’État dans les départements concernés, conformément aux dispositions des I à V de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales.

« Au plus tard six mois avant le 31 décembre de l’année précédant celle du prochain renouvellement général des conseils municipaux, il est procédé aux opérations prévues aux I à VI de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la présente loi. » ;

2° Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :

« II bis. – Jusqu’au prochain renouvellement général des conseils municipaux, la désignation de suppléants par les membres des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre demeure régie par les dispositions du code général des collectivités territoriales dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’article 9. » ;

3° Le V est ainsi rédigé :

« V. – En cas de création d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre après la date de promulgation de la présente loi, les conseils municipaux des communes intéressées disposent, à compter de la date de publication de l’arrêté, d’un délai de trois mois pour délibérer sur la composition de l’organe délibérant et du bureau selon les modalités prévues aux I à VI de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales. »

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.

M. Pierre-Yves Collombat. L’article 1er contient la disposition simple et pratique éloquemment défendue hier par l’auteur de cette proposition de loi ; je n’y reviendrai donc pas, compte tenu de l’heure avancée.

L’essentiel de ce texte, et cela n’a pas échappé à notre ministre des collectivités territoriales, est contenu dans les articles 5, 6 et 7. Ces dispositions représentent un progrès considérable par rapport au texte qu’elles visent à remplacer, s’agissant de l’achèvement de la carte de l’intercommunalité et des modalités de sa mise en œuvre. C’est d’ailleurs à mon sens la raison pour laquelle elles n’ont pas recueilli la sympathie entière de notre ministre. J’ajoute que ce n’est pas parce qu’on a discuté 300 heures que le produit est forcément satisfaisant !

M. Alain Gournac. Trois cents heures pour ne rien dire ?

M. Pierre-Yves Collombat. Malheureusement, et vous êtes en train d’en rajouter !

M. le président. Pas d’interpellation, s’il vous plaît !

M. Pierre-Yves Collombat. Ce texte, et l’on aura certainement le temps de l’examiner de près, constitue un progrès, j’oserais même dire une sorte de « révolution copernicienne » puisqu’il remet les collectivités à la place qu’elles n’auraient jamais dû quitter, à savoir au centre du projet intercommunal, occupé depuis la loi de décembre 2010 par les préfets.

Normalement, l’intercommunalité, c’est l’affaire des communes, ce que résumait parfaitement la loi Joxe du 6 février 1992, que je vous invite à méditer. Comme l’indique l’article L. 5210-1 du code des collectivités territoriales : « Le progrès de la coopération intercommunale se fonde sur la libre volonté des communes d’élaborer des projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité. » Sauf que, depuis la loi de décembre 2010, on fait tout le contraire !

Autrement dit, si la loi fixe les objectifs et les règles essentielles, elle laisse toute latitude aux collectivités pour les traduire en actes. Si l’État, à travers ses représentants, veille à l’application de la loi, apporte le concours de son expertise aux collectivités, il ne décide à leur place que si elles se montrent incapables de s’entendre ; c’est précisément ce que prévoit la proposition de loi.

Cela étant posé, et qui est essentiel, je dois constater que, sur un certain nombre de sujets, cette proposition de loi a des allures d’acte manqué, comme si la liberté laissée aux communes de s’associer et de décider de leur statut devait être limitée, encadrée, même en cas d’accord à la majorité qualifiée. Je pense à la limitation du nombre de délégués au conseil communautaire, à la limitation du nombre de vice-présidents et à la taille minimale pour les communautés de communes, sauf dérogation motivée accordée par le préfet dans la loi de décembre 2010 et par la CDCI à la majorité qualifiée dans le présent texte.

Je veux bien que la liberté conduise à des aberrations – on peut le constater ! –, mais la contrainte y mène tout autant ! C'est la raison pour laquelle j’ai déposé des amendements que je présenterai plus tard, mais dont je voulais, par cette intervention liminaire, souligner la cohérence.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l'article.

M. Hervé Maurey. Lorsque je me suis inscrit pour prendre la parole sur l’article 1er, j’étais loin d’imaginer que j’interviendrais dans la nuit de jeudi à vendredi à plus d’une heure du matin !

Cette proposition de loi nous paraît bienvenue dans la mesure où il est manifestement nécessaire de revoir un certain nombre de dispositions de la loi du 16 décembre 2010. Nous, sénateurs centristes, l’avions d’ailleurs indiqué au Premier ministre lors d’un déjeuner au mois d’avril dernier et confirmé dans un courrier.

Il nous paraît particulièrement nécessaire de modifier trois points de la loi.

Le premier porte sur le délai d’élaboration du schéma, de la proposition à l’acceptation. Je vous le dis très honnêtement, mes chers collègues, nous avions souligné ce point d’abord pour des raisons politiques, car il nous paraissait pour le moins inopportun de soumettre, pour concertation, un projet de schéma aux élus en pleine période électorale. Malheureusement, nous avons eu raison…

Au-delà de cet aspect politique, nous avions des raisons objectives, dont nous avons peu parlé pour l’instant dans ce débat, d’évoquer la révision du délai d’élaboration du schéma. En effet, dès lors que les services de l’État n’étaient pas en mesure de fournir au préfet et aux collectivités locales les simulations financières leur permettant d’apprécier l’intérêt ou l’opportunité des projets de regroupement, il fallait décaler le calendrier. Les schémas se font en effet à l’aveugle, ce qui est une pratique intéressante en œnologie mais pour le moins risquée lorsqu’il s’agit de collectivités locales.

Le deuxième point important à revoir est le seuil de 5 000 habitants. Dans certains départements, ce seuil est appliqué de manière très stricte, comme un véritable couperet, alors que, dans d’autres, il l’est avec beaucoup plus de souplesse, conformément d’ailleurs à ce qu’ont toujours indiqué les membres du Gouvernement, que ce soit Michel Mercier lors de l’examen du projet de loi ou Philippe Richert, interpellé à plusieurs reprises sur ce point. Ce seuil doit être vu comme un objectif et non comme un impératif.

Le troisième point est le rôle du préfet dans l’élaboration du schéma. Sans remettre tout en cause, il faut signaler que le texte comporte de nombreuses incohérences. Par exemple, comment justifier le fait que le préfet ne puisse pas tenir compte des avis exprimés par les collectivités locales pour modifier son projet avant de le présenter à la CDCI ? La seule chose qu’il peut faire, c’est demander à la CDCI de procéder à cette modification, sans être certain d’y parvenir, car la majorité requise, celle des deux tiers, est extrêmement contraignante.

Voilà les trois points sur lesquels nous avions appelé l’attention du Premier ministre. D’autres sujets nous ont bien évidemment interpellés, comme la question qui va être abordée à l’article 1er de la gouvernance des EPCI, laquelle mérite d’être prolongée jusqu’en 2014, celle du pouvoir de police du maire ou celle des « communes-îles ».

Aujourd'hui encore plus qu’il y a quelques mois, il nous paraît nécessaire d’adopter cette proposition de loi, et ce pour plusieurs raisons.

En premier lieu, le Premier ministre a souhaité laisser du temps pour la mise en place des schémas. Or, nous le savons bien, la loi indique très précisément que les schémas doivent être arrêtés au 31 décembre. À défaut, le préfet pourra émettre des propositions sans être dans l’obligation de les soumettre à la CDCI. La situation sera alors bien pire ! Ce point extrêmement important mérite d’être corrigé, sinon les paroles du Premier ministre resteraient lettre morte, ce qu’aucun de nous dans cet hémicycle ne souhaite, bien évidemment. (Sourires.)

En second lieu, le Gouvernement semble avoir renoncé à présenter le projet de loi n° 61. Ce texte aurait pourtant constitué un véhicule législatif permettant d’évoquer un certain nombre de sujets, dont celui que nous allons traiter à l’article 1er.

Les sénateurs centristes abordent donc ce débat non pas dans un esprit d’obstruction ou d’opposition, ni pour faire de la surenchère ou de la démagogie, mais avec la volonté d’améliorer le texte, dans l’intérêt des communes et des élus. Je regrette simplement, une fois encore, que nous soyons obligés de travailler dans des conditions qui ne sont vraiment pas satisfaisantes.

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, sur l'article.

M. Christian Cambon. Avant d’aborder l’article 1er, je voudrais souligner au nom du groupe de l’UMP que remettre en cause, par petits bouts, la loi de réforme des collectivités territoriales votée définitivement en décembre 2010, il y a donc à peine un an, n’est ni sérieux ni acceptable, tant les nombreuses heures passées à examiner ce texte ont permis d’aller aussi loin que possible dans la prise en compte de la portée des mesures et de toutes leurs conséquences.

Mme Nathalie Goulet. Vous avez surtout aidé à faire battre nos sénateurs !

M. Christian Cambon. C’est la logique d’un texte que nous avons voulu et voté, tout en introduisant, comme le rappelait le rapporteur de l’époque, Jean-Patrick Courtois, « de nombreuses modifications afin de mettre davantage l’accent sur la liberté des collectivités territoriales et d’accroître leur capacité à exercer leurs compétences pour renforcer la qualité du service public ».

Notre rapporteur soulignait alors fort justement que « nous adaptions le dispositif présenté par le Gouvernement aux réalités de la vie locale et à l’expérience concrète des élus de terrain, dans un double esprit de pragmatisme et de consensus ». C’est ainsi que nous avons « accordé davantage de liberté et d’autonomie aux communes dans le fonctionnement des structures intercommunales, y compris celui des futures métropoles instituées par le texte, apporté des garanties supplémentaires aux populations et aux collectivités dans les procédures de regroupement de départements et de régions, et clarifié les principes de répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales ».

Ce rappel général me semblait utile au regard de la pertinence du travail accompli, qui – ne nous le cachons pas – n’a pas forcément été apprécié à sa juste valeur par nombre d’élus locaux.

La proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur que nous examinons aujourd’hui comportait initialement un dispositif simple, qui, il faut le dire, a été profondément transformé par les travaux de la commission des lois.

L’article 1er en constitue un bon exemple.

Initialement, l’article unique de la proposition de loi reportait l’application des nouvelles règles de fixation du nombre et de la répartition des délégués des EPCI au prochain renouvellement général des conseils municipaux pour les EPCI à fiscalité propre étendus à une ou plusieurs communes, pour les EPCI à fiscalité propre issus de la fusion de plusieurs EPCI et pour les EPCI nés de la transformation d’un syndicat de communes en EPCI à fiscalité propre.

Modifié par le rapporteur, outre les dispositions que je viens de rappeler, il vise maintenant à donner au préfet la capacité de déterminer la composition du conseil communautaire et du bureau à défaut d’accord amiable, à permettre la désignation de suppléants d’ici au prochain renouvellement général et à prévoir une période transitoire de trois mois, postcréation de l’EPCI, pour déterminer la composition du conseil communautaire et du bureau.

Supposé remédier aux lacunes d’un dispositif de la loi de décembre 2010, ce texte crée, à notre sens, de nouvelles interrogations et de nouvelles incertitudes. La suppression des dispositions indiquant les modalités de composition des conseils communautaires à la suite d’une transformation ou d’une fusion d’EPCI à fiscalité propre laisse notamment un vide juridique. De plus, exiger que les conseils municipaux se prononcent sur la composition des conseils communautaires dans les trois mois suivants la publication du SDCI, le schéma départemental de coopération intercommunale, ne présente à nos yeux pas d’intérêt puisque, à cette période, aucune mesure inscrite dans le schéma n’aura encore été mise en œuvre.

Dans ces conditions, nous voterons l’amendement de suppression de l’article 1er que présentera notre collègue Jean-Jacques Hyest.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l'article.

M. Philippe Bas. Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous sommes tous soucieux de faciliter la vie de nos collectivités territoriales. C'est la raison pour laquelle il y a entre nous un large accord sur la nécessité, d’une part, d’éviter tout passage en force en matière de regroupements de communes et, d’autre part, de prendre le temps nécessaire pour permettre le bon aboutissement de ces regroupements.

Mais, ce soir, ce n’est pas de cela qu’il s’agit, me semble-t-il. La discussion qui vient de se dérouler nous a permis d’avoir une révélation : pour reprendre les termes de notre rapporteur, il existe une cohérence entre les intentions des auteurs de la proposition de loi et celles des auteurs de l’amendement, qui vient d’être retiré, tendant à abroger la loi de réforme des collectivités territoriales.

En effet, lorsqu’on regarde attentivement le texte, notamment les articles 5 et 6, qu’il nous faut évoquer, il est évident qu’il s’agit non pas d’adopter une autre méthode pour poursuivre le processus engagé, mais bien de remettre les compteurs à zéro en faisant table rase de onze mois de travail, lesquels ont donné lieu en France à des dizaines de milliers de réunions…

M. Pierre-Yves Collombat. De protestation !

M. Philippe Bas. … d’élus pour préparer des regroupements d’intercommunalités. Tout ce travail…

Mme Éliane Assassi. Des travaux forcés !

M. Philippe Bas. … prendra brutalement fin puisque l’article 5 tend à prévoir que le schéma territorial doit être élaboré conjointement par la commission départementale de la coopération intercommunale et par le préfet.

Or, sur le fondement de la loi du 16 décembre 2010, un premier avant-projet de schéma a été présenté dans tous les départements de France par les préfets. Ces textes deviendraient caducs si la présente proposition de loi était adoptée. (Non ! sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de lUCR.)

On nous a indiqué que le « desserrement » des délais ne conduirait pas au report du point d’aboutissement de la réforme. Mais cela est faux, comme M. le ministre l’a très bien expliqué tout à l’heure. Ne soyons pas dupes !

Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai l’excellent amendement que présentera M Hyest.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Au risque d’être importun, j’aimerais vous inviter une nouvelle fois, mes chers collègues, à avoir une discussion législative ordonnée. Nous aurons tout le temps de débattre des mérites de l’article 5, qui réorganise en disposition permanente, monsieur Bas, et non en disposition transitoire, le dispositif d’adoption du schéma.

Je voudrais faire observer à tous ceux qui se plaignent de l’heure à laquelle nous examinons ce texte que, si nous acceptions de travailler article par article, nous progresserions plus vite. Je suggère donc que nous engagions véritablement l’examen de l’article 1er, sur lequel M. Hyest a déposé un amendement de suppression, qui n’a rigoureusement rien à voir avec les interventions qui viennent d’avoir lieu.

M. Maurey, pour sa part, a très bien montré que le texte avait tenu compte des apports des parlementaires de toutes les sensibilités. Ce constat vaut aussi pour vous, mes chers collègues du groupe de l’UMP !

Je le répète, il serait préférable de travailler avec méthode, c’est-à-dire d’examiner un par un les dix articles totalement consensuels portant sur des adaptations souhaitées par tous et inspirées du terrain et de réserver la controverse aux articles 5 et 7, qui tendent à remédier aux inconvénients déjà constatés du dispositif actuel, dont M. Maurey vient de parler.

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Je remercie M. le professeur Richard de nous avoir indiqué de quelle manière nous devions délibérer. (M. Alain Gournac et Mme Catherine Troendle s’esclaffent.) Qu’aurait-il dit s’il avait participé à l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, au cours duquel les amis de son camp ont parlé de tout et de rien ? Alors, un peu de mesure !

M. Jean-Jacques Hyest. Ici, chacun est libre d’exprimer ses opinions.

Monsieur Richard, comme vous ne comprenez pas la position de M. le ministre, que je partage complètement – je crois avoir quelque peu participé au débat à l’époque (Sourires.) –, je constate que vous transformez complètement le schéma départemental de coopération intercommunale.

J’en viens à mon amendement.

Pour ma part, je préférerais que l’article 1er soit rédigé différemment. C’est pourquoi, dans un premier temps, j’avais déposé un amendement de suppression. Il faut dire que nous avons travaillé dans des conditions particulièrement difficiles : d’abord, nous n’avons eu connaissance du rapport que vendredi dernier, ensuite il y a eu le week-end de la Toussaint. Nous nous rendons disponibles, mais il ne faut pas exagérer ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) Dans un second temps, j’ai donc déposé un amendement tendant à proposer une rédaction plus simple.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Retirez votre amendement de suppression !

M. Jean-Jacques Hyest. Je le retire, en effet.

Mme Jacqueline Gourault. Très bien !

M. le président. L’amendement n° 36 est retiré.

M. Alain Richard, rapporteur. On progresse !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le II de l'article 83 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« II. - Jusqu’au prochain renouvellement général des conseils municipaux, la composition du bureau des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre issus d’une procédure de fusion, de transformation ou de transformation-extension par application des articles L. 5211-41-3 et L. 5211-41 du code général des collectivités territoriales ou des dispositions de l’article 60 de la présente loi, demeure régie par les dispositions du code général des collectivités territoriales dans leur rédaction antérieure à celle de l’article 9 de la présente loi.

« Au plus tard six mois avant le 31 décembre de l’année précédant celle du renouvellement général des conseils municipaux, il est procédé aux opérations prévues au VII de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales. »

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Comme je l’ai déjà indiqué, le fait que l’on ne procède pas à des aménagements avant le renouvellement des conseils municipaux pose problème et préoccupe les élus locaux. D'ailleurs, Jean-Pierre Sueur partage cette préoccupation ; c’est aussi le cas de Jacques Pélissard.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il y a convergence entre nous !

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur Sueur, nous sommes d’accord sur la finalité du texte et animés du même esprit, mais ma rédaction est plus simple et plus explicite que la vôtre. En effet, je ne comprends pas pourquoi cet article répète plusieurs fois la même chose.

Je ne comprends pas non plus où est la cohérence. Une première fois, il est question d’un délai de six mois ; une seconde fois, le texte évoque un délai de trois mois. Pour ma part, je m’en tiens au délai de six mois.

M. le président. L'amendement n° 60, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

issue de l'article 9

par les mots :

résultant de la présente loi

II. – Alinéa 5, seconde phrase

Remplacer la référence :

onzième alinéa du IV

par la référence :

sixième alinéa du IV bis

La parole est à M. le rapporteur pour présenter l’amendement n° 60 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 17 rectifié.

M. Alain Richard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

Pour la suite du débat, je pense utile de préciser que l’article 1er, dans sa version actuelle, répond plus complètement à la question de la poursuite des mandats en cours que le dispositif proposé par M Hyest. En effet, l’amendement n° 17 rectifié ne vise que la composition des bureaux, alors qu’il faut également statuer sur la composition de l’organe délibérant.

Si un point de la rédaction de cet article ne vous convient pas, mon cher collègue, il me semble préférable de déposer un amendement visant à le modifier spécifiquement. En effet, dans l’hypothèse où l’amendement n° 17 rectifié serait adopté, nous n’aurions plus de dispositions de nature à maintenir le mandat des conseils communautaires.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est juste !

M. Alain Richard, rapporteur. La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. J’ai déjà indiqué à de multiples occasions que la question de la composition des exécutifs, en cas de fusion d’intercommunalités avant 2014, méritait des précisions.

La date de mise en œuvre des regroupements a été différée pour permettre de conserver un délai suffisant entre le 1er juin 2013 et mars 2014, mois au cours duquel seront élus les conseillers territoriaux et renouvelés les conseils municipaux, et donc les instances dirigeantes des intercommunalités. Ce délai devait permettre à ces élections de se dérouler dans la sérénité et de n’être pas troublées par les regroupements opérés, qui peuvent, dans un certain nombre d’endroits, laisser des séquelles.

Or, à l’époque, nous n’avions pas vu qu’une disposition permettant de prolonger le mandat des membres de l’exécutif était nécessaire, afin d’éviter que, du fait de la fusion ou de la réorganisation des collectivités, certains d’entre eux ne soient « éjectés ».

M. Alain Richard, rapporteur. Absolument !

M. Philippe Richert, ministre. L’objet de la proposition de loi initiale était de remédier à cette situation. J’avais d’ailleurs indiqué clairement que cette démarche me semblait utile et que j’y souscrivais.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est logique !

M. Philippe Richert, ministre. Si la question de la composition des intercommunalités subsiste, le dispositif proposé par Jean-Jacques Hyest me paraît plus simple dans sa mise en œuvre et l’emporte en termes de clarification. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 17 rectifié et un avis défavorable sur l’amendement n° 60.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 2 (nouveau)

Articles additionnels après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Pointereau, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article 9 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« I. – La répartition des sièges dans les organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre assure la représentation des territoires en fonction du territoire et de la démographie sur la base d'accords locaux. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Section …

Modalités de détermination du nombre et de répartition des délégués communautaires

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 44, présenté par MM. Frécon et Camani, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa du III, les mots : « ou au VI » sont remplacés par les mots : «, au V, au VI ou au VI bis » ;

2° Après le VI, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« VI bis. – Par accord des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant la moitié de la population totale de celles-ci ou de la moitié des conseils municipaux des communes intéressées représentant les deux tiers de la population totale, les communes peuvent attribuer un siège supplémentaire à chaque commune membre, au-delà de l’effectif résultant de l’application des I à IV du présent article. » ;

3° À la première phrase du premier alinéa du VII, les mots : « et VI » sont remplacés par les mots : «, VI et VI bis ».

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 6 rectifié bis, présenté par MM. Collombat, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier et MM. Requier, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« L’établissement public de coopération intercommunale fixe librement le nombre de membres de son bureau, qui est composé du président, des vice-présidents et éventuellement d’un ou plusieurs autres membres.

« Le nombre de vice-présidents est limité, conformément au tableau ci-dessous :

« Population EPCI

Nombre de vice-présidents

Jusqu’ à 5000 h

8

De 5 000 à 19 999 h

9

De 20 000 à 39 999 h

11

De 40 000 à 59 999 h

13

De 60 000 à 99 999 h

15

De 100 000 à 149 999 h

17

De 150 000 à 199 999 h

19

De 200 000 à 249 999 h

21

De 250 000 à 299 999 h

23

De 300 000 à 500 000 h

25

Plus de 500 000

27

Plus de 1 million

30

2° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement tend à régler un problème que nous connaissons tous : l’application des dispositions, extrêmement drastiques, de la loi du 16 décembre 2010 concernant les bureaux des intercommunalités.

Tout le monde sait qu’un EPCI n’est pas du tout comme un conseil municipal et qu’il a besoin d’un consensus pour fonctionner. C’est au sein du bureau que celui-ci s’établit.

Or les dispositions actuelles sont très contraignantes puisque, si le nombre de vice-présidents est déterminé par l’organe délibérant, il ne peut être supérieur à 20 % de l’effectif total délibérant ni dépasser quinze vice-présidents. Dans ces conditions, un EPCI regroupant par exemple 20 000 habitants – c’est une taille respectable – ne peut pas avoir plus de quatre vice-présidents.

Mon amendement est simple : il vise à redonner aux collectivités la liberté de fixer contractuellement la composition de leur bureau. Le tableau qui lui est annexé permet au consensus de s’établir, tout en limitant l’inflation du nombre de vice-présidents.

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par Mlle Joissains, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre comprenant plus de trente communes, le nombre de vice-présidents correspond à celui des communes membres. »

Le sous-amendement n° 58, présenté par Mme Bruguière, est ainsi libellé :

Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :

Les crédits nécessaires seront pris dans le cadre de l'enveloppe budgétaire existante.

Cet amendement et ce sous-amendement ne sont pas soutenus.

L'amendement n° 23, présenté par MM. Hérisson, César, P. André, Laurent, Doublet, Houel, A. Dupont, Vestri, B. Fournier et J.P. Fournier et Mlle Joissains, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au troisième alinéa de l'article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, le mot : « quatre » est remplacé (deux fois) par le mot : « huit ».

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 6 rectifié bis ?

M. Alain Richard, rapporteur. Cet amendement vise à apporter une réponse à un problème que chacun d’entre nous connaît.

Progressivement, nous nous apercevons que des correctifs à la loi, limités et raisonnés, ne sont pas inutiles. On voit ainsi que le plafonnement du nombre de vice-présidents au lieu d’être alternatif est cumulatif. Par exemple, le nombre de vice-présidents dans les collectivités les moins peuplées est limité à quatre.

M. Alain Gournac. Relever le plafond coûterait de l’argent !

M. Alain Richard, rapporteur. Plusieurs de nos collègues sont pourtant intervenus pour le relever. Je pense à l’amendement n° 23, déposé notamment par M Hérisson, qui tend à prévoir un seuil minimum de huit vice-présidents, ou à l’amendement n° 22 de Mlle Joissains, qui procède du même esprit.

Tout en restant dans une proportion de l’ordre de 20 % des membres de l’organe délibérant, l’amendement de M. Collombat reprend le plafond de huit vice-présidents pour les communautés de moins de 5 000 habitants. Il prévoit en outre une augmentation progressive de leur nombre, en fonction de la population, sans que ce nombre puisse toutefois être supérieur à quinze pour les EPCI de moins de 100 000 habitants.

Estimant qu’il s’agit d’une bonne synthèse entre les différents amendements déposés sur ce sujet, la commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. La loi de 2010 a délibérément limité le nombre de postes de vice-présidents. Nous voulions éviter les effectifs pléthoriques et la multiplication des postes à responsabilité visant à satisfaire le plus de personnes possible…

M. Philippe Richert, ministre. … ainsi que les dérives financières qui en découlent.

M. Philippe Richert, ministre. Je suis sûr que certains dans cet hémicycle ont en mémoire la désignation de cinquante vice-présidents à seule fin d’obtenir un accord très large.

C’est la raison pour laquelle nous avions décidé, après de vrais débats – certains pensent qu’ils étaient vains, mais tel n’était pas le cas –, de fixer le nombre de vice-présidents au minimum à quatre et au maximum à quinze, ce dernier chiffre étant déjà très élevé.

Je signale, mesdames, messieurs les sénateurs, que, si le Gouvernement l’avait souhaité, il aurait pu invoquer l’article 40 sur cet amendement…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission des finances s’est prononcée sur ce point, monsieur le ministre !

M. Philippe Richert, ministre. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement souhaite maintenir le nombre de vice-présidents arrêté en 2010. Passer de quatre à huit et de quinze à trente reviendrait à adresser un mauvais signal à nos concitoyens à un moment où nous devons être particulièrement exigeants. Si des ajustements doivent être recherchés, ce n’est certainement dans l’augmentation du nombre de postes.

M. Christian Cambon. Des postes, des voitures, des indemnités !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, même un EPCI de plus de un million d’habitants ne bénéficierait pas de cinquante postes de vice-présidents si le schéma que je propose était adopté.

J’en conviens, toute liberté que l’on accorde laisse la porte ouverte à des excès de libertés. Je dois être un peu plus libéral que vous puisque, pour ma part, je préfère cela à des excès de contraintes.

M. Alain Gournac. Des excès de voitures !

M. Pierre-Yves Collombat. Reste que je m’insurge contre cette campagne perpétuelle de dénigrement des élus, qui seraient des incapables, qui prendraient l’argent public, qui dépenseraient sans compter. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Philippe Richert, ministre. C’est inadmissible d’entendre ça !

M. Pierre-Yves Collombat. Dans le même temps, vous nous annoncez un statut de l’élu qui tarde à venir. La démocratie locale, comme toute démocratie, a un coût.

M. Alain Gournac. Cela double le coût !

M. Pierre-Yves Collombat. L’institution fonctionne bien, voilà le problème ! Ce ne sont pas quelques indemnités misérables qui ruinent nos concitoyens.

Mme Catherine Procaccia. Ils défendent bien leur portefeuille !

M. Alain Gournac. Une voiture de fonction !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est si vous ne faites pas votre travail que vous les ruinez.

Cette démagogie n’est pas recevable. Des excès que vous pourriez sanctionner existent par ailleurs. Commencez, par exemple, par prendre des dispositions contre les bonus ou un certain nombre de dévoiements de l’argent public ou semi-public.

M. Christian Cambon. Guérini, par exemple !

M. Pierre-Yves Collombat. Je défendrai constamment cette position : si l’on veut que la démocratie locale fonctionne bien, il faut donner aux élus les moyens adéquats. Encore faut-il que les élus exercent bien leurs missions, faute de quoi ils doivent être sanctionnés.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Je ne peux pas laisser passer de tels propos.

M. Alain Gournac. Ils sont honteux !

M. Philippe Richert, ministre. Vos mots ont probablement dépassé votre pensée, monsieur Collombat. En effet, je ne peux pas imaginer que l’on puisse traiter les parlementaires ou les membres du Gouvernement de la sorte.

M. Alain Gournac. On veut les matraquer !

M. Philippe Richert, ministre. Je connais les élus comme vous. J’en suis moi-même un.

M. Pierre-Yves Collombat. Eh bien alors !

M. Philippe Richert, ministre. Je n’ai donc pas de leçons à recevoir.

Permettez-moi de vous faire remarquer que la multiplication des postes, comme on a pu le constater sur le terrain, afin de satisfaire un certain nombre d’élus et d’obtenir leur vote n’est pas respectueuse de la démocratie.

M. Alain Gournac. C’est scandaleux !

M. Philippe Richert, ministre. À un moment donné, il faut mettre des bornes…

M. Philippe Richert, ministre. … de façon à éviter les dérapages. Regardez ce qui se passe dans le Sud, notamment ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Christian Cambon. Et voilà !

M. Claude Domeizel. Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Philippe Richert, ministre. Après un long débat, nous avons voté la limitation, bienvenue, du nombre de vice-présidents. Aujourd’hui, eu égard au contexte économique, nos concitoyens auraient du mal à comprendre que les élus ne perçoivent pas les difficultés que connaissent certains d’entre eux en fin de mois.

M. Pierre-Yves Collombat. C’est au moment de l’examen du budget que nous nous en occuperons !

M. Philippe Richert, ministre. Conserver une fourchette de quatre à quinze vice-présidents permet largement de répondre aux besoins existants, y compris dans les grandes intercommunalités. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Pierre-Yves Collombat. C’est dans les petites intercommunalités que le problème se pose !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. L’article 40 aurait pu être opposé à l’amendement n° 6 rectifié bis.

M. Philippe Richert, ministre. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La commission des finances a statué !

M. Jean-Jacques Hyest. C’est dommage, car la mesure proposée risque d’entraîner des dépenses supplémentaires.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. M. Marini a dit que l’article 40 ne s’appliquait pas !

M. Jean-Jacques Hyest. La commission des finances ayant eu beaucoup de travail, n’insistons pas.

Certains de nos collègues, y compris au sein de mon groupe, prônent un assouplissement. Or les collectivités locales ont toujours connu une limitation du nombre de vice-présidents, d’adjoints.

M. Alain Richard, rapporteur. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest. Si nous avons retenu une fourchette de quatre à quinze postes, c’est parce que c’est ce qui vaut pour les communes. Or les tâches d’un adjoint dans une commune sont parfois beaucoup plus prenantes que celles d’un vice-président dans une intercommunalité, qui n’a pas forcément à gérer au jour le jour, surtout s’il s’agit d’une intercommunalité de projet.

Personnellement, je comprends votre position, monsieur Collombat, mais quel est le risque demain ? Que l’on nous demande dix, puis douze vice-présidents. Et nous céderons !

Nos concitoyens…

M. Alain Gournac. En ont marre !

M. Jean-Jacques Hyest. … sont très attentifs à ces questions. Les armées mexicaines n’ont jamais servi le bon fonctionnement de la démocratie locale. Je pourrais donner de nombreux exemples dans lesquels la multiplication des postes correspond non pas à de réelles fonctions, mais à des prébendes.

MM. Christian Cambon et Alain Gournac. Des marchandages !

M. Jean-Jacques Hyest. Pour ma part, je souhaite l’éviter au maximum. Mieux vaut prévenir que corriger de trop nombreux abus, à l’instar de ceux qu’ont connus certaines collectivités.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas l’amendement n° 6 rectifié bis.

M. Philippe Bas. C’est sage !

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

M. Roland Courteau. Nous sommes quelques sénateurs dans cet hémicycle à être des élus du Sud. Nous n’avons pas du tout apprécié vos propos, monsieur le ministre. Par conséquent, je vous demande de vous expliquer ou de vous excuser.

M. Philippe Richert, ministre. Sachez, monsieur Courteau, que je ne vous mets nullement en cause !

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. L’article 2 que nous allons examiner dans quelques instants a trait indirectement à la question dont nous débattons. En effet, il vise à donner la possibilité d’augmenter le nombre de sièges prévu par le tableau en portant le taux à 25 %, ce qui augmente ipso facto le nombre de vice-présidents, qui correspond à 20 %, me semble-t-il, du nombre de conseillers communautaires.

M. Philippe Richert, ministre. Bien sûr !

M. Hervé Maurey. Par conséquent, l’article 2 assouplit d’ores et déjà les bornes.

Reconnaissons-le, un certain nombre d’abus existent. Ainsi, dans un département voisin de celui dont je suis l’élu, une communauté d’agglomération dispose de quarante vice-présidents, nombre manifestement excessif.

L’article 2 apporte un assouplissement bienvenu en augmentant à la fois le nombre de délégués et celui de vice-présidents. Il n’est donc pas utile d’aller au-delà.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Je suis obligé de vous détromper, monsieur Maurey. Est précisément visée la petite malfaçon de la loi de 2010 que j’ai mentionnée peut-être trop sobrement, d’où cette incompréhension.

Le texte applique le coefficient de 20 %, tout en prévoyant un plafond en valeur absolue de quinze.

M. Alain Richard, rapporteur. Lorsque les membres d’un conseil communautaire sont plus nombreux, ce pourcentage est inapplicable, la limite étant fixée à quinze postes.

M. Hervé Maurey. Justement, c’est favorable aux intercommunalités !

M. Jean-Jacques Hyest. C’est ce que nous avons demandé !

M. Alain Richard, rapporteur. Pour les intercommunalités comptant jusqu’à 100 000 habitants, nos positions convergent.

La raison qui a conduit la commission à retenir le tableau proposé par M. Collombat est que seules sont concernées par un nombre de vice-présidents supérieur à celui qui est actuellement prévu les agglomérations comprenant une population élevée et de nombreuses communes. Le nombre maximal retenu par notre collègue s’élève à trente et ne vise que les EPCI qui recouvrent un nombre d’habitants supérieur à un million. Reste que, dans ce dernier cas, je ne sais pas si la mesure sera applicable, puisque seraient visées des communautés urbaines ou des métropoles bénéficiant, si je ne me trompe, d’un barème plus élevé.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Si l’on devait assouplir la mesure limitant le nombre de vice-présidents, il serait pertinent de le faire, selon moi, en fonction non pas du nombre d’habitants, mais des compétences exercées par les intercommunalités.

M. Alain Gournac. Bien sûr !

M. Hervé Maurey. Je bats ma coulpe de ne pas avoir déposé un amendement en ce sens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.

L'amendement n° 24, présenté par MM. Lenoir, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase du troisième alinéa du III de l’article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales sont insérées deux phrases ainsi rédigées :

« Toutefois, lorsque cette restitution porte sur des compétences ni obligatoires, ni optionnelles, ce délai peut être porté à deux ans. Ces compétences ni obligatoires, ni optionnelles peuvent faire l’objet de restitution partielle. »

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement vise à faciliter la restitution partielle de compétence en matière de compétence facultative en cas de fusion d’EPCI dont l’un au moins est à fiscalité propre.

Il a un double objet.

D’une part, il tend à allonger le délai pendant lequel l’EPCI à fiscalité propre issu de la fusion peut exercer de manière différenciée les compétences facultatives sur son périmètre. Durant cette période, les communes pourront de manière précise définir la partie de la compétence facultative restant au niveau de l’EPCI à fiscalité et celle qui sera appelée à être restituées aux communes.

D’autre part, il vise à établir que la restitution de compétence peut s’opérer de manière partielle en matière de compétence facultative. Cette disposition s’inspire du transfert partiel de compétence prévu par l’article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales pour les compétences facultatives. La part résiduelle de la compétence doit s’appuyer sur une définition objective, ce qui n’est pas exclusif de la détermination d’une liste des établissements ou équipements concernés par le transfert de compétences, à l’instar de ce qui est exigé à l’occasion de la définition de l’intérêt communautaire.

Ainsi, en s’inspirant des transferts partiels de compétences prévus par l’article L. 5211-17 pour les compétences facultatives, cette disposition permettrait de faciliter la fusion d’EPCI à fiscalité dont le degré d’intégration serait différencié.

Par exemple, des communes appartenant à un EPCI à fiscalité propre exerçant la compétence « équipements scolaires » pourraient rejoindre un EPCI à fiscalité propre ne souhaitant pas reprendre la totalité de cette compétence. Une définition adaptée de la compétence facultative restant au sein de l’EPCI à fiscalité permettrait d’éviter, par exemple, la création d’un syndicat ad hoc.

Il s'agit donc ici d’assouplir le dispositif proposé, à la lumière de l’expérience, afin de faciliter le travail des EPCI.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. La commission a adopté cet amendement, et M. Hyest vient d’illustrer parfaitement l’esprit dans lequel nous avons travaillé.

Des améliorations peuvent être apportées au dispositif actuel. La question des syndicats recréés du fait de compétences qui n’entrent pas dans une fusion plus large devait être traitée. Dans une première version du texte, nous avions prévu un délai de trois mois pour la restitution aux communes des compétences qui ne seraient pas déléguées à une nouvelle communauté.

MM. Lenoir et Hyest ont raison de vouloir relever à deux ans ce délai pour la restitution des compétences, notamment quand des personnels sont attachés aux communes, car cette procédure peut prendre du temps et justifier des discussions entre municipalités. C'est pourquoi la commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Cet amendement de clarification est utile. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.

L'amendement n° 57, présenté par Mlle Joissains, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article L. 5217-4 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour la mise en œuvre de la compétence relative au plan local d'urbanisme, le conseil municipal est le seul compétent pour décider et voter sur les dispositions spécifiques concernant la commune qu'il représente. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Articles additionnels après l'article 1er
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Organisation des travaux

Article 2 (nouveau)

Après les mots : « ne peut excéder de plus de », la fin du deuxième alinéa du I de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée : « 25 % le nombre de sièges qui serait attribué en application des II à VI du présent article ».

M. le président. L'amendement n° 37, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 37 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 21 rectifié, présenté par Mlle Joissains, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'avant-dernière phrase du deuxième alinéa du I de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales est complétée par les mots : « , sauf pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération dont le nombre de communes est supérieur à trente et la population supérieure à 300 000 habitants, pour lesquelles ce pourcentage est porté à 20 % ».

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Collombat, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier et MM. Requier, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La dernière phrase du deuxième alinéa du I de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales est supprimée.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. L’objectif est ici très simple : il s'agit d’aller plus loin que la présente proposition de loi, modifiée par la commission, qui vise à porter à 25 % le nombre de délégués dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération.

Mes chers collègues, vous avez sans doute en tête le dispositif prévu : lorsqu’il y a accord, et pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération, il est possible de surseoir à l’application du tableau. Quand tel n’est pas le cas, et pour les autres types de collectivités, il n’existe aucune possibilité de dérogation.

Mon souhait est de laisser aux communes la possibilité de fixer le nombre de leurs représentants, non seulement pour des raisons de principe, sur lesquelles je ne reviendrai pas, mais aussi pour des motifs pratiques, appuyés sur des exemples concrets. À cet égard, je peux entrer dans le détail des calculs si vous le souhaitez.

Ainsi, dans des communautés qui comptent environ 20 000 habitants et qui sont composées d’une importante ville-centre et de douze, treize, quatorze ou quinze petites communes, ces dernières sont le plus souvent condamnées à n’avoir qu’un seul représentant. C’est parfois une nécessité, notamment quand les communes formant la communauté sont vraiment trop nombreuses. Toutefois, nous pourrions dans certains cas donner à ces municipalités la liberté d’avoir deux représentants, sans pour autant que les conseils communautaires des EPCI soient pléthoriques.

Là encore, je propose de miser sur l’intelligence des communes : celles-ci ne créeront pas des conseils communautaires qui seraient proprement ingérables parce que leurs membres seraient trop nombreux. Il me paraît tout à fait souhaitable de leur laisser la possibilité de s’entendre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. La commission s’est interrogée. Si elle a retenu un plafonnement du nombre de conseillers communautaires, même dans le cas d’un accord amiable entre communes, c’est pour une raison simple, qui procède de l’expérience : lorsque les communes se prononcent sur le barème de la représentation, elles le font une par une, séparément, au sein de chaque conseil municipal. Dans ce cas, personne ne se charge véritablement de l’équilibre et de la maniabilité, si j’ose dire, de la future instance délibérante.

Il nous a donc paru qu’il fallait maintenir un plafond, sinon la volonté, même bienveillante, de laisser les communes passer des accords risquerait d’aboutir, sans que personne l’ait vraiment décidé, à la constitution de conseils pléthoriques, ce que leurs propres membres regretteraient ensuite.

La logique de la commission est la suivante : nous le savons tous, la représentation des communes constitue une véritable source de frictions dans la mise en place des nouvelles communautés, du fait du caractère assez rigoureux du tableau législatif qui a été adopté et que la commission n’a pas remis en cause. Pour régler ce problème, il nous a donc paru équilibré et judicieux de prévoir la possibilité d’augmenter au maximum d’un quart, soit 25 %, le nombre des représentants. Si le tableau prévoit quarante sièges, l’EPCI peut en créer jusqu’à cinquante, de manière à faciliter les accords et à éviter que trop de communes ne soient représentées par un seul conseiller.

Par ailleurs, nous avons adopté, sur une large base, des dispositions plus favorables en ce qui concerne la suppléance.

Toutefois, nous avons préféré maintenir un plafond pour le nombre des représentants. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Chacun l’a compris, nous avons déjà doublé tout à l'heure les plafonds pour les vice-présidents. Le texte, tel qu’il nous est proposé ici, vise carrément à supprimer le plafonnement du nombre des délégués dans les intercommunalités.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous imaginez bien que, comme nous sommes déjà défavorables au texte de la proposition de loi issu des travaux de la commission, nous le sommes encore davantage à l’idée de M. Collombat. Celui-ci souhaite systématiquement augmenter les seuils, ou même carrément les supprimer, comme c’est le cas ici. Je ne pense pas que ce soit la voie à suivre.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Tout d'abord, je remarque que, actuellement, il n'existe pas de plafonnement.

Ensuite, j’observe que le nombre des représentants n’est pas fixé par les communes prises individuellement, mais au moment de la discussion des statuts. Nous savons, pour être ici un certain nombre à avoir participé à ces réunions, qu’il s'agit d’une sacrée partie de plaisir ! La nécessité de ne pas créer des conseils trop nombreux, qui, du coup, deviendraient ingérables, est donc bien prise en compte.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous trouvez anormal que des conseils d’EPCI soient trop importants. Toutefois, je vous ferai remarquer, car ce point me revient soudain en mémoire, que, aux termes de la loi de réforme des collectivités territoriales, la région de Provence-Alpes-Côte d’Azur comptera 226 conseillers territoriaux. Or cela vous paraît tout à fait normal et parfaitement gérable !

Je le maintiens : il faut laisser aux collectivités la possibilité de fixer le nombre de leurs représentants quand elles trouvent un accord, d’autant plus que le tableau est extrêmement défavorable aux petites collectivités ; je n’entrerai pas dans les détails, mais c’est une vérité.

Je le répète, là où un accord est possible, laissons les gens s’entendre entre eux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Cette question, elle aussi, a déjà été longuement discutée. M. Collombat avait déjà déposé des amendements similaires. Il est normal qu’il soit persévérant, mais je crois que nous avions trouvé un équilibre.

Pour ma part, je suis assez favorable au dispositif de l’article 2. En effet, nous le savons, une bonne représentation des communes facilite les ententes.

M. Alain Gournac. Chacun choisit de son côté !

M. Jean-Jacques Hyest. Pas forcément, mon cher collègue. Je connais une communauté qui compte vingt communes, dont certaines font 5 000 habitants et d’autres 100 seulement. Or son conseil compte autant de représentants qu’il y a de communes. Cette répartition s’est faite naturellement, par entente, et le système fonctionne.

Certes, nous devons laisser un peu de souplesse – en cas d’entente, bien sûr, sinon il faut appliquer un barème –, comme le prévoit d'ailleurs l’article 2. À la réflexion, et après avoir observé récemment de nombreuses constitutions de communautés, je trouve cette dernière disposition tout à fait pertinente. En effet, on affirme souvent que les schémas de cohérence territoriale ne fonctionnent pas, mais, dans certains départements, il n’en est rien.

Dans le département dont je suis l’élu, le problème vient de deux municipalités communistes – comme par hasard ! –, qui n’ont jamais voulu pratiquer l’intercommunalité. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Eh oui, c’est paradoxal, mais c’est ainsi ! On nous chante la coopération, et on choisit le chacun pour soi…

Je considère que le dispositif de l’article 2 est tout à fait raisonnable. Je voterai donc contre l’amendement n° 4 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Je tiens à rappeler que le dispositif précis que nous sommes en train de modifier a été adopté, si je ne m’abuse, à la quasi-unanimité des membres de cet hémicycle – seul le groupe CRC-SPG ne l’avait pas voté, me semble-t-il –, pour la simple raison que le groupe de l’UMP et le groupe socialiste défendaient des amendements identiques, et pour cause, puisque ces dispositions émanaient l’une et l’autre de la même source, à savoir l’Association des maires de France.

Je rappelle ces faits sous le contrôle de M. Hyest, qui a les vécus de manière beaucoup plus active que moi : nous sommes passés d’un dispositif proposé par le Gouvernement, qui était très strict et exigeait le respect absolu d’un tableau, à un mécanisme favorisant les accords et instituant une prime de 20 % de conseillers supplémentaires en cas d’entente. (M. Jean-Jacques Hyest acquiesce.) Alors que, à l’époque, tout le monde était favorable à ce dispositif, il est surprenant que, aujourd'hui, on veuille aller plus loin.

Monsieur Collombat, vous avez pris l’exemple de communautés de communes composées d’une ville-centre et de nombreuses petites communes. Je vis une telle situation dans la communauté de communes dont je suis le président. Or, au sein du conseil, un grand nombre de communes n’ont qu’un délégué, et ce mécanisme fonctionne très bien, à une seule condition : il faut que des suppléants soient prévus. C'est pourquoi, et cette remarque fera le lien avec les dispositions de l’article suivant, le groupe de l’UCR, dès la première lecture du projet de loi, dans le texte présenté alors, avait déposé un amendement visant à créer des suppléants aux conseillers communautaires. Pour la petite histoire, c’est finalement l’amendement de M. Charasse qui avait été retenu. D'ailleurs, il était plus restrictif que le nôtre, qui visait à instituer des suppléants quel que soit le nombre de conseillers communautaires.

Je le répète, ce mécanisme peut tout à fait fonctionner, à condition que des suppléants soient prévus. De ce point de vue, les dispositions de l’article 3 – pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, de les évoquer dès maintenant, mais cela m’évitera peut-être de reprendre la parole ensuite – vont dans le bon sens en renforçant les pouvoirs des suppléants.

Puisque j’évoque l’article 3, j’ajouterai qu’un élément me fait quelque peu sourire : dans la version du texte qui est proposée, on revient sur la parité qui avait été instaurée sur ce point dans la loi du 16 décembre 2010. Chers collègues de la majorité sénatoriale, je croyais que la gauche était plus vigilante que la droite et le centre sur ces questions, et voilà que vous supprimez la parité dans les règles de suppléance ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Toutefois, nous en reparlerons peut-être tout à l'heure.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Organisation des travaux

Article 2 (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité
Article 3 (nouveau)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, il est deux heures quinze du matin et nous n’en sommes qu’à l’article 2. J’aimerais donc obtenir des précisions sur le déroulement de nos travaux.

La discussion de cette proposition de loi a commencé hier, elle se continue aujourd’hui et je croyais avoir compris que nous devions poursuivre demain.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Éventuellement !

Mme Catherine Procaccia. En tout cas, il est impossible que nous terminions dans la nuit, ou bien il ne restera que cinq sénateurs dans l’hémicycle au moment du vote sur l’ensemble.

M. le président. Je pense que nous pouvons, je n’ose dire « raisonnablement », achever l’examen de la proposition de loi cette nuit. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. À quelle heure ?

M. le président. Nous devrions terminer vers quatre heures au plus tard.

M. Alain Gournac. M. Bel ne veut pas qu’on travaille la nuit !

Mme Catherine Troendle. C’est inadmissible ! Je demande une suspension de séance ! (Mmes Nathalie Goulet et Jacqueline Gourault protestent.)

M. le président. Est-ce raisonnable, ma chère collègue ?

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, je n’avais pas demandé la parole, mais puisque vous me la donnez – vous aurez d’ailleurs remarqué que je n’abuse pas de ce droit ce soir, mes chers collègues –, je tiens à dire que le débat se poursuit dans un excellent climat, caractérisé par une bonne écoute réciproque.

Mme Catherine Troendle. Nous sommes fatigués !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Madame Troendle, comme beaucoup d’entre nous, je siège depuis un certain nombre d’années dans cet hémicycle, et j’ai vu de très nombreux débats se terminer à une heure tardive.

M. Alain Gournac. Et à chaque fois, cela avait râlé !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pour ma part, j’ai eu grand plaisir à participer à de nombreux débats jusqu’à une heure avancée.

La conférence des présidents, dans sa sagesse, a prévu que la séance se poursuivrait durant la nuit.

Mme Catherine Troendle. Vous croyez que ces conditions de travail incitent les jeunes femmes à venir siéger ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. J’estime que notre débat se déroule dans un bon climat. Il me semble donc positif de le continuer à ce rythme.

Mme Catherine Troendle. C’est inadmissible ! Et demain ?

M. le président. Je rappelle que la séance de vendredi est éventuelle.

Mme Catherine Troendle. Je demande une suspension de séance !

M. le président. Elle n’est pas de droit, ma chère collègue.

Nous reprenons donc l’examen de la proposition de loi.

Organisation des travaux
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Article additionnel après l'article 3

Article 3 (nouveau)

Le second alinéa de l’article L. 5211-6 du même code est ainsi rédigé :

« Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, lorsqu’une commune ne dispose que d’un seul délégué, elle désigne dans les mêmes conditions un délégué suppléant qui participe avec voix délibérative aux réunions de l’organe délibérant en cas d’absence du délégué titulaire et dès lors que ce dernier en a avisé le président de l’établissement public. Les convocations aux réunions de l’organe délibérant, ainsi que les documents annexés à cette convocation, sont adressés au délégué suppléant. »

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, sur l'article.

Mme Catherine Troendle. Je le répète, nos conditions de travail, qui diffèrent de celles des autres parlements européens, n’encouragent pas les jeunes femmes à siéger au Sénat ou à l’Assemblée nationale. Plusieurs de nos collègues, notamment au sein du groupe de l’UMP, ont de jeunes enfants, qu’elles devront accompagner à l’école tout à l'heure.

M. Pierre-Yves Collombat. Le mari peut le faire !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pensez au partage des tâches !

Mme Catherine Troendle. Cette façon de faire est inadmissible et ne permet pas de légiférer de manière sereine. Elle ne favorise pas non plus la parité dans notre assemblée.

J’en viens à l’article 3.

Il est tout à fait normal que les communes puissent être représentées. C’est pourquoi lorsqu’une commune ne possède qu’un unique délégué, celui-ci doit pouvoir être remplacé.

La représentation nationale a adopté une position de compromis en admettant que l’élection des délégués au suffrage universel n’est pas incompatible avec la présence de suppléants. Cette présence paraît nécessaire à certains d’entre nous. En effet, dans les cas exceptionnels où le délégué titulaire d’une petite commune ne pourrait se rendre à une réunion importante pour sa commune, il faut qu’il puisse être remplacé par un suppléant représentant le conseil municipal.

Je rappelle que c’est déjà possible, grâce à la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales : « Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, lorsqu’une commune ne dispose que d’un seul délégué, elle désigne dans les mêmes conditions un délégué suppléant qui peut participer avec voix délibérative aux réunions de l’organe délibérant en cas d’absence du délégué titulaire et si celui-ci n’a pas donné procuration à un autre délégué. »

Je souhaite faire trois remarques.

La première est relative au texte même de l’article 3, qui exclut les communautés urbaines ainsi que les métropoles de demain. Comment se fait-il que celles-ci ne soient pas concernées ?

Ma deuxième remarque porte sur les difficultés pratiques que ferait naître l’adoption de cet article. Dans les grandes communautés, dont certaines comportent une majorité de communes n’ayant qu’un seul représentant, les organes délibérants deviendraient de véritables auberges espagnoles, selon l’expression que nous avions employée lors de l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Cela rendra la gestion des grandes agglomérations extrêmement difficile, puisque la composition de l’organe délibérant ne sera jamais la même.

Cette disposition va à l’encontre des objectifs de la réforme des collectivités territoriales, qui visait à conforter les élus locaux, notamment en dotant les élus des départements et des régions de compétences plus nombreuses, afin qu’ils soient plus légitimes et plus écoutés.

Dans la mesure où nos concitoyens perçoivent mal, voire pas du tout, l’ampleur et l’importance des politiques départementales et où l’on constate une méconnaissance du travail réalisé par les élus locaux, il faut introduire de la lisibilité et renforcer le lien qui unit nos concitoyens à leurs élus de proximité. Tel ne sera certainement pas la conséquence de l’adoption de cet article !

Enfin, ma troisième remarque est que cet article tend à supprimer le dispositif qui garantit aujourd’hui une représentation, avec voix délibérative, des communes déléguées au sein des conseils communautaires.

M. le président. L'amendement n° 38, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Pour être franc, cet article me surprend quelque peu. En effet, lors de l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, nous avions convenu que le suppléant pourrait siéger dès lors que le maire n’avait pas donné procuration à un autre délégué.

Ne parlons pas d’un système de « représentants à éclipses », ni d’un manque de continuité. À l’époque, nous étions tous d’accord sur ce point !

Il est normal que le maire qui ne peut pas se rendre à une délibération qui porte sur la commune qu’il représente envoie l’un de ses adjoints. Or on nous propose aujourd'hui de privilégier le suppléant par rapport au conseil communautaire. Je ne comprends pas cette évolution. Pourquoi revenir sur ce qui faisait consensus entre nous ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. Il s’agit d’un débat qui porte sur des points importants : quelle est la source de la légitimité des membres d’une instance communautaire, qui demeure intercommunale ?

Nous discutons d’un point relativement précis, à savoir l’ordre de suppléance de l’unique délégué d’une commune qui ne peut assister à une réunion de l’organe délibérant communautaire. La loi donne aujourd'hui la priorité aux collègues du conseiller municipal titulaire.

Il nous semble, à la lumière de notre expérience de terrain – nous avons tous entendu la même chose –, que la question de la représentation unique des communes constitue un frein à la réalisation de communautés élargies ou fusionnées.

L’intercommunalité est encore en construction et, je me permets de le répéter, c’est l’existence de situations problématiques ou conflictuelles qui explique l’inachèvement de la carte intercommunale ; nous le savons tous. Les fusions constitueront une étape difficile, car on va changer d’échelle.

C'est pourquoi, même si les arguments présentés par Mme Troendle et M. Hyest sont parfaitement recevables, la commission a estimé qu’il fallait donner la priorité non à la représentation par un collègue d’une commune voisine, comme c’est le cas actuellement, mais à la représentation par le suppléant.

La seule autre modification que nous avons introduite vise à garantir une certaine stabilité dans le travail de l’organe délibérant communautaire, en prévoyant que les suppléants recevront régulièrement la documentation relative à ce travail, même lorsqu’ils ne sont pas appelés à siéger.

M. Jean-Jacques Hyest. C’est déjà le cas !

M. Alain Richard, rapporteur. Certes, mais ce n’est pas inscrit dans la loi. Nous voulons instaurer cette garantie afin que le suppléant soit en mesure de participer utilement aux délibérations en représentant bien sa commune.

Il existe donc une divergence entre nous sur ce point. Toutefois, vous pouvez admettre que la commission s’est efforcée de faire du bon travail, dans une ambiance pluraliste, pour régler ce petit problème.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement de Jean-Jacques Hyest.

Le droit en vigueur prévoit non seulement l’existence d’un suppléant, mais aussi la possibilité pour le titulaire de lui déléguer son vote. Ainsi, l’article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales dispose : « Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, lorsqu’une commune ne dispose que d’un seul délégué, elle désigne dans les mêmes conditions un délégué suppléant qui peut participer avec voix délibérative aux réunions de l’organe délibérant en cas d’absence du délégué titulaire et si celui-ci n’a pas donné procuration à un autre délégué. »

Mme Catherine Troendle. C’est ce que j’ai dit !

M. Philippe Richert, ministre. Cela signifie que le droit en vigueur permet au suppléant de voter à la place du titulaire.

M. Philippe Richert, ministre. Je ne comprends pas pourquoi vous voulez interdire au titulaire d’attribuer sa délégation de vote à un autre membre de la communauté de communes. Le droit existant me semble bien plus intéressant, car il laisse le choix au titulaire.

Jean-Jacques Hyest propose simplement de s’en tenir au droit en vigueur, qui, me semble-t-il, répond déjà aux demandes qui ont été formulées.

Mme Catherine Troendle. Tout à fait !

M. Philippe Richert, ministre. Peut-être cela n’avait-il pas été suffisamment explicité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 59, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après les mots :

même code

insérer les mots :

, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Il s’agit d’une précision rédactionnelle : dans un souci de clarté, la commission a souhaité qu’il soit explicitement fait référence à la loi du 16 décembre 2010.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3 (nouveau)
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Article 4 (nouveau)

Article additionnel après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par MM. P. Leroy et Lecerf, Mme Sittler et MM. B. Fournier, Lefèvre, Billard, Chatillon, Dulait, J.P. Fournier, Huré, du Luart et Portelli, est ainsi rédigé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« La demande de retrait de l’établissement public de coopération intercommunale ne peut être effectuée qu’une fois par année civile. »

Cet amendement n’est pas soutenu.

M. Alain Richard, rapporteur. J’en reprends le texte, au nom de la commission, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 71, présenté par M. A. Richard, au nom de la commission, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 25.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

M. Alain Richard, rapporteur. Philippe Leroy et Jean-René Lecerf nous avaient convaincus de la pertinence de leur proposition, et, en leur absence, il me paraît judicieux de reprendre leur amendement non soutenu.

Si une commune fait une demande de retrait de la communauté de communes et que les autres communes laissent passer un délai de trois mois, ces dernières sont réputées avoir donné un avis favorable.

L’expérience pratique montre qu’il peut se produire, en cas de conflit, que des communes fassent des demandes de retrait répétées dans l’espoir qu’un jour, du simple fait de l’inattention des autres communes, le retrait soit adopté.

L’amendement n° 71 vise donc à limiter à une par année civile les demandes de retrait d’un EPCI de manière à éviter les situations de harcèlement, ce qui laisse largement aux communes la possibilité d’exercer leur liberté de demander la reconsidération de leur position au sein d’une communauté de communes en conflit. Formuler des demandes plus souvent serait au contraire, me semble-t-il, un abus de droit de leur part.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Todeschini. Personnellement, je suis totalement défavorable à cet amendement qui répond à des préoccupations purement locales sans aucun rapport avec la réforme.

M. Philippe Leroy, lorsqu’il était président du conseil général de Moselle, a imposé une communauté de communes sur quatre cantons, regroupant 128 communes, avec une gouvernance impossible de 150 personnes. La préfète de l’époque a été obligée d’accepter. Est arrivée la restructuration militaire, suivie de l’éclatement de la droite mosellane. Il s’agit purement et simplement d’un problème au sein de celle-ci ! (M. Hervé Maurey proteste.) Les communes de cette communauté de communes ne peuvent plus vivre ensemble et M. Leroy, qui avait déjà déposé une proposition de loi allant dans le même sens que cet amendement, « raccroche » maintenant celui-ci à la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui pour résoudre un problème local que la commission départementale de coopération intercommunale ne peut pas régler.

Nous avons mandaté en CDCI la sous-préfète de Château-Salins pour faire une expertise, et c’est bien là l’objet de cet amendement. Je peux vous assurer, mes chers collègues, que ce dernier n’a rien à voir avec la réforme ! Vous allez donner l’opportunité à M. Leroy d’empêcher le travail dont la sous-préfète a été chargée par la CDCI ! Je vous demande donc de ne pas voter ce texte de circonstance, car, en Moselle, nous ne savons plus quoi faire de cette intercommunalité !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Nous avons exactement le même cas dans l’Orne.

La demande réitérée par année civile pose un autre problème. Nous sommes dans le cadre de l’élaboration de la nouvelle carte de l’intercommunalité, et il faut de toute façon que la commune demandant son retrait puisse se rattacher à une autre intercommunalité. Le problème du retrait ne se pose pas du tout de la même façon depuis que nous sommes dans le cadre de la refonte de l’intercommunalité.

Cet amendement me paraît en conséquence très délicat à mettre en œuvre.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Nos deux collègues mentionnent là un aspect de la vie politique locale tout à fait concret, et leurs considérations doivent être respectées.

Je n’ai pas voulu développer le sujet pour ne pas compliquer le débat, mais la question est en fait plus large : monsieur le ministre, il n’existe pas de lieu d’arbitrage des conflits d’intercommunalité.

Personnellement, je réfléchis actuellement à une proposition de loi visant à donner ce rôle à la CDCI, car celle-ci est permanente et est composée d’une manière équilibrée. Ma modeste expérience personnelle de président d’une petite commission de conciliation en matière d’urbanisme – cela renvoie d’ailleurs à un texte de 1983, donc très ancien déjà, que j’avais moi-même rapporté – m’a en effet démontré que ce type d’instance pouvait régler certains problèmes.

À l’inverse, force est de constater que les membres du corps préfectoral ne sont pas toujours aux avant-postes pour régler les conflits internes des intercommunalités, ce qui n’a rien d’étonnant puisqu’il y a évidemment quelques coups à prendre. Or, aucune autre instance n’est chargée de régler ces conflits.

Pour autant, madame Goulet, monsieur Todeschini, la bonne solution, pour une commune confrontée à un problème d’intercommunalité, est-elle de réitérer une demande de retrait tous les deux mois ?

M. Alain Richard, rapporteur. Je ne suis effectivement pas sûr que ce soit le bon outil. Dans cette mesure, l’amendement dont nous débattons, qui avait convaincu la commission des lois, tout en n’interdisant pas qu’un problème soit exprimé au sein de l’intercommunalité, tend au moins à éviter qu’une commune n’utilise ce moyen de procédure pour tenter d’accélérer les choses en comptant sur un oubli pour les voir aboutir.

Cela étant dit, comme je constate que le sujet est controversé et que les auteurs de l’amendement initial ne sont pas là, je suis tout à fait d’accord pour que l’on diffère la discussion à une autre occasion, et je retire donc l’amendement n° 71.

M. le président. L’amendement n° 71 est retiré.

M. Alain Gournac. Un peu bizarre, tout ça…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Autrement dit, nous ne reprenons plus l’amendement de nos collègues ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Alain Gournac. Quelle salade !

M. Alain Richard, rapporteur. Nous, nous essayons de nous écouter les uns les autres !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est à ça que sert le débat !

M. Alain Richard, rapporteur. Eh oui, un débat ne se résume pas à des braillements !

Article additionnel après l'article 3
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Article 5 (nouveau) (début)

Article 4 (nouveau)

Le III de l’article L. 5210-1-1 du même code est ainsi modifié :

1° Après les mots : « peut être abaissé », la fin du 1° est ainsi rédigée : « par la commission départementale de la coopération intercommunale, par une délibération motivée, lorsqu’elle adopte la proposition finale, pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces ; »

2° Le 4° est ainsi rédigé :

« 4° La suppression des syndicats de communes et des syndicats mixtes ou la modification de leur périmètre quand les compétences qui leur ont été transférées peuvent être exercées par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont les périmètres et les compétences ont été définis ; »

3° Le 5° est supprimé.

M. le président. La parole est à M. Pierre Bordier, sur l'article.

M. Pierre Bordier. Cet article donne à la commission départementale de la coopération intercommunale la faculté de déroger au seuil de 5 000 habitants pour la création d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Je souhaiterais rappeler dans quel esprit nous avons voté et pourquoi nous l’avons fait.

Nous avons laissé les élus locaux depuis de nombreuses années dessiner la carte de l’intercommunalité. Nous constatons que, de cette situation, ont découlé de nombreux périmètres relativement fantaisistes.

Les intercommunalités n’ont pas toutes été créées sur des territoires forcément pertinents aujourd’hui puisqu’elles l’ont été sur des critères géographiques et/ou économiques susceptibles d’évoluer. Leurs périmètres peuvent dès lors ne plus être adaptés pour répondre à l’objectif d’élaboration de projets communs de développement dans un cadre de solidarité.

Nous faisons tous le constat que le maillage du territoire national par les collectivités locales est trop confus. Trop de périmètres ne correspondent à aucune réalité concrète et ne permettent pas de rationaliser la dépense publique, ce qui est l’un des objectifs de la réforme.

La loi que nous avons votée a fixé un cadre : le seuil minimal de population requis pour créer une structure intercommunale à fiscalité propre est désormais de 5 000 habitants.

Cependant, en l’état de ce que nous avons voté, il n’y a aucun caractère impératif à la création d’intercommunalités d’au moins 5 000 habitants ; il peut en effet être dérogé à cette règle dans deux cas : soit dans les zones de montagne, où seul un territoire immense permettrait d’atteindre le seuil, soit par dérogation du préfet pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces.

Pourquoi nous est-il proposé que la CDCI se substitue au rôle du préfet dans ce dernier cas ?

Nous avons constaté, je l’ai dit, qu’une liberté trop importante laissée aux élus sur ces questions conduisait à la mise en place de cartes de l’intercommunalité fantaisistes. Il n’y a pas lieu ici de stigmatiser les élus ; il s’agit de prendre en compte le fait que les différents atouts dont dispose chaque commune et les divers intérêts que les communes peuvent avoir à se regrouper ne permettent pas de réaliser des regroupements dynamiques pour l’avenir de nos territoires.

Qui mieux que le préfet, représentant de l’État et de l’intérêt général dans le département, peut décider de déroger à la règle des 5 000 habitants pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces ?

Seuls les préfets peuvent assumer ce rôle, et ils savent parfaitement prendre en compte la réalité géographique de leurs territoires pour dynamiser les regroupements.

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement se situe dans la suite de l’intervention de M. Bordier.

Je rappelle tout d’abord que nous concevons avant tout les communautés de communes – et le même esprit guidait d’ailleurs les lois précédentes – comme des bassins de vie ayant pour objectif le développement économique et l’aménagement du territoire, ce qui n’est pas envisageable en dessous d’un certain seuil que nous avons fixé à 5 000 habitants.

Évidemment, nous avons prévu des exceptions, notamment pour les vallées de montagne. Il est normal qu’il y ait des dérogations ; mais si l’on abaisse trop le seuil ou si l’on accepte systématiquement qu’il y soit dérogé, nous allons nous retrouver dans la même situation qu’aujourd'hui.

En effet, pourquoi est-on obligé de refaire la carte de l’intercommunalité alors que 92 % du territoire est déjà couvert ? C’est bien parce que certaines communautés de communes ont été bâties n’importe comment.

Pour ma part, je connais un cas tout simplement scandaleux : la constitution de trois communautés de communes sur un même canton parce que les communes qui bénéficient des ressources de l’aéroport de Roissy ne veulent pas les partager avec les autres !

Dans de tel cas, il faut bien que le préfet intervienne, car la CDCI suivra, mais elle ne proposera jamais. On entre d’ailleurs là dans le débat sur l’article 5. Peut-être certains sont-ils d’accord pour que l’on fasse de la CDCI non plus une instance d’avis mais une instance décisionnelle ; en tout cas, pour ma part, je ne crois absolument pas qu’une commission prendrait des décisions.

Il faudrait donc une autre structure. M. le rapporteur évoquait les commissions de concertation : concertation, d’accord, mais la commission ne décide pas ; elle propose, elle délibère, elle tente d’aplanir les désaccords.

Je peux dire que, avec le préfet, les choses se passent généralement bien, et qu’il en va ainsi dans beaucoup de départements. Si la décision est laissée à une commission, la carte de l’intercommunalité va continuer à être assez baroque et elle ne sera certainement efficace ni pour mieux mutualiser les moyens ni pour donner aux communautés de communes – le problème ne se pose pas pour les communautés d’agglomération et les communautés urbaines – un vrai pouvoir en matière de développement local.

Ce dernier aspect me paraît fondamental, et c’est pourquoi je ne peux pas être favorable à l’abaissement systématique du seuil en fonction de critères qui conviendraient à certains et pas à d’autres.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. Je souhaiterais que nous restions concentrés sur chaque sujet : n’anticipons pas la discussion de l’article 5.

M. Jean-Jacques Hyest. Bien obligé : ce sont les prolégomènes !

M. Alain Richard, rapporteur. Mon cher collègue, je m’efforce de vous donner un argument en respectant parfaitement votre raisonnement.

Honnêtement, sur cette affaire de taille des communautés de communes, les esprits ont évolué, comme nous le constatons dans nombre de départements. À ce propos d’ailleurs, si le Gouvernement nous faisait la faveur de nous transmettre une synthèse des rapports qu’il reçoit des préfets, cela nous aiderait à mieux apprécier encore l’état du débat.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce ne serait pas mal, en effet !

M. Alain Richard, rapporteur. Quoi qu’il en soit, nous voyons bien que l’idée d’élargir les périmètres progresse. De ce fait, nous sommes nombreux à ne pas partager l’approche un peu désabusée de M. Hyest sur les limites de la collégialité et le rôle que peuvent tenir les CDCI.

M. Jean-Jacques Hyest. J’ai siégé pendant dix ans dans une CDCI !

M. Alain Richard, rapporteur. Dans toute une série d’instances, à commencer par celle dans laquelle nous siégeons actuellement, la collégialité permet aussi d’arriver à des décisions.

Nous fixons un cadre strict, puisque le seuil de 5 000 habitants est maintenu, la possibilité d’y déroger étant aujourd'hui confiée à la CDCI statuant à la majorité des deux tiers et devant motiver sa décision.

Reconnaissez que nous essayons de légiférer pour la France entière : il y a une exception fondée sur un critère objectif, à savoir les zones de montagne, qui sont hors débat puisque classées comme telles, et une possibilité de dérogation tenant aux particularités géographiques.

Laissez-moi vous rendre attentifs au fait qu’il existe différentes particularités géographiques. On trouve ailleurs qu’en montagne des zones très peu peuplées à la population extrêmement dispersée. Nous sommes alors face à une contradiction dont tous les départements nous font part : seuil de population critique pour permettre la mutualisation versus extension géographique qui rompt la solidarité.

M. Jean-Jacques Hyest. On a déjà discuté de tout cela pendant des heures !

Mme Catherine Troendle. On l'a dit vingt fois !

M. Alain Richard, rapporteur. J'écoute avec la plus grande patience et le plus grand respect vos raisonnements ; je vous prie de faire de même lorsque j’expose un autre point de vue.

Ces particularités géographiques peuvent donner lieu à des dérogations. La CDCI statuant collégialement est aussi apte à prendre en compte ces spécificités que le représentant de l'État qui, par ailleurs, préside cette instance. Sa connaissance du terrain le lui permet.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je souhaite simplement ajouter quelques précisions à ce qu’a excellemment exposé le rapporteur à la suite des remarques formulées par Jean-Jacques Hyest.

Sur ce sujet, il faut faire preuve d’ouverture. Je ne crois pas que le préfet possède toujours la vérité.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il est vrai que le préfet est fondé à prendre un certain nombre de décisions. La loi précise ce qui relève de son autorité et ce qui ressortit à la compétence de la CDCI. Cette dernière est une assemblée d’élus.

Monsieur Hyest, j’ai cru devoir intervenir, car, si l’on poussait votre raisonnement jusqu’au bout, on pourrait aboutir à la conclusion que les assemblées d’élus n’ont pas légitimité à prendre des décisions. Ce serait absurde !

M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je sais que ce n'est pas ce que vous pensez.

M. Jean-Jacques Hyest. Ne demandez pas aux élus de faire des choses qui déplaisent à leurs copains !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous soulevez là un problème fondamental pour notre démocratie ! Considérer que les collégialités d'élus ne sont pas susceptibles de dégager l'intérêt général et n’ont d’autre cesse que de faire plaisir à leurs copains, pour reprendre votre expression, c’est remettre en cause les fondements mêmes de notre démocratie.

De quoi s'agit-il ? Des dérogations sont possibles, elles doivent être motivées. Dans sa rédaction actuelle, la loi accorde cette prérogative aux préfets. Or nous jugeons préférable qu’elle soit confiée à la collégialité de la CDCI. C'est un choix différent.

Je fais remarquer que, au cours des nombreux mois que nous avons consacrés à la discussion de ce texte, nous avons toujours arbitré dans un sens ou dans un autre. On sait le rôle éminent que joue le représentant de l'État ; on sait aussi que la collégialité des élus a une tâche à accomplir et a toute légitimité pour le faire. Par conséquent, la nouvelle disposition prévue à l'article 4 semble logique.

Gageons que les élus des CDCI feront preuve de sagesse. Ils refuseront les communautés de communes de quelques centaines d'habitants, car cela n’a pas de sens, sauf dans les zones de montagne. De même, ils pourront statuer dans le cas où, à 200 ou à 300 habitants près, on est au-dessus ou en dessous du seuil des 5 000 habitants et si des conditions particulières le justifient.

Il me paraît essentiel de ne pas jeter le discrédit sur la collégialité des élus en sous-entendant que, sur un sujet comme celui-là, ceux-ci seraient incapables de délibérer valablement dans le sens de l'intérêt général.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le rapporteur, vous avez raison : les esprits évoluent et les choses changent. Je n’ai eu de cesse de le répéter à cette tribune depuis que nous débattons de la réforme des collectivités territoriales. On me rétorque que je raconte n’importe quoi. Pourtant, cette réforme a bien modifié l'attitude et l'approche des élus.

Il nous reste maintenant deux mois pour continuer à travailler sereinement sur l'intercommunalité. C'est la raison pour laquelle je déplore ces débats permanents qui donnent le sentiment que tout sera remis à plat et qu'il faudra repartir de zéro. Accompagnons les élus pour que, partout où ça marche, on puisse mener ce projet à bien.

C'est dans ce seul but que j'agis ; je ne fais pas d’opposition systématique. Les mentalités ont changé, souvent beaucoup plus que l'on ne l'imagine. Bien sûr, les élus sont inquiets, ils s'interrogent et ils nous le font savoir ! Apportons-leur des réponses.

Sur ce sujet très particulier, comment cela se passe-t-il très concrètement ? Nous le savons par les préfets et les élus qui sont sur le terrain. Le principe de base est le suivant : le préfet élabore un projet de schéma qui est ensuite mis en débat. Par exemple, il aura prévu de maintenir ou de baisser légèrement le seuil de 5 000 habitants ;…

M. Alain Richard, rapporteur. Pas sur ce point-là ! Pas sur le seuil de 5 000 habitants !

M. Philippe Richert, ministre. ... la commission départementale en discute et, le cas échéant, se prononce par un vote sur cette proposition.

M. Alain Richard, rapporteur. Le préfet ne peut pas modifier le seuil !

M. Philippe Richert, ministre. Bien sûr que si !

Quand le préfet élabore un projet de schéma, il connaît le contour des intercommunalités et sait si l’on est au-dessus ou en dessous du seuil des 5 000 habitants. Les élus votent nécessairement sur ce point, puisqu'ils émettent leur avis sur ce projet.

Les préfets peuvent donc modifier le seuil. La loi les y autorise, mais elle les oblige également à tenir compte des préconisations et remarques des CDCI, puisqu’un vote à la majorité des deux tiers est prévu. Nous voulons que les préfets tiennent compte en amont de l’avis exprimé par les commissions départementales. Voilà la réalité ! Très franchement, c'est ainsi que cela se passe déjà et c'est ce que nous demandons.

M. Alain Richard, rapporteur. Ce n'est pas la loi !

M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le rapporteur, si j'ai bien compris, vous souhaitez que l’on aille au-delà de nos divergences politiques. Pour ma part, je décris une réalité.

Aujourd'hui, on tient compte de l'avis des élus, y compris celui qu'ils ont exprimé par le vote. Mais c'est le préfet qui prend la décision finale, c’est la seule différence. À mes yeux, cette démarche est la bonne : le préfet a été force de proposition, la commission débat, délibère et le préfet arrête en dernier ressort.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. À ce stade du débat, je tiens à rappeler les conditions dans lesquelles se sont élaborées les CDCI.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez avoir totalement oublié le nombre de relances nécessaires pour obtenir le décret d'application relatif à la composition et au fonctionnement de la commission départementale de la coopération intercommunale. Je ne crois pas me tromper en soulignant que l’extrême complexité des modes d’élaboration des commissions et la publication tardive du décret d'application ont eu comme conséquence que, dans la majorité des cas, les CDCI ont été élues sur la base d'une liste unique des maires ; le nombre de départements dans lesquels plusieurs listes ont été déposées est très faible.

Il faut faire confiance à l'intelligence territoriale ; c'est un sujet que nous connaissons bien dans cette assemblée. Le fait de redonner le pouvoir à la commission me semble très important, d’un point de vue psychologique, pour faire progresser ce dossier. En effet, dans le cadre du projet de schéma, tel qu'il a été élaboré depuis le 16 avril dernier, les préfets ont soit accordé, soit refusé des dérogations. Or cette faculté doit être confiée à la CDCI. En effet, ces décisions seront mieux comprises des élus si elles émanent de leurs pairs plutôt que de l'autorité administrative ; sinon, elles seront toujours entachées de suspicion.

Par conséquent, je suis extrêmement favorable à cet article. C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas l'amendement n° 39.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Je tiens à préciser que le décret d'application a été publié dans un délai d'environ un mois. C’est plutôt rapide, même si je sais que l’on peut toujours faire mieux !

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. M. le rapporteur a raison de dire que la question de principe du transfert des compétences du préfet à la commission départementale se posera surtout aux articles suivants.

La question se pose alors : à quoi sert l'article 4 ? S’il a pour objet de faciliter les dérogations, c'est à mon avis rendre un mauvais service aux communes et aux intercommunalités. Je ne pense pas que l'on puisse postuler que ce sera nécessairement le cas, car il faut bien voir que la commission départementale se caractérise plus pas sa diversité que par son homogénéité. Elle est constituée de collèges différents, et c'est d'ailleurs le préfet, qui joue un grand rôle dans la constitution de la CDCI, qui assure la répartition entre les collèges.

On peut se demander ce que la commission départementale pourrait faire d’un tel pouvoir, s’il lui était confié. Bien plus, d'où viendraient les éléments objectifs de sa décision, sinon du préfet qui, aujourd'hui, détient cette faculté de délivrer des dérogations ?

En quoi le changement prévu ici facilitera-t-il le développement de l'intercommunalité ? Si notre travail doit avoir un sens, c'est en fonction de la réponse que nous pouvons apporter à ce type de questions. En ce qui me concerne, je l’avoue, je ne peux qu'exprimer un sentiment de perplexité sur ce point.

Si l'idée est d'aller au-delà des dérogations permises pour les zones de montagne, l’article 4 est dépourvu d'objet. En effet, la rédaction actuelle du 1° du III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales prévoit bien que « ce seuil peut être abaissé [...] pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces ». Or c’est exactement la formulation retenue par la proposition de loi. Cela ne nous avance donc pas à grand-chose.

C'est la raison pour laquelle je voterai l'excellent amendement de M. Jean-Jacques Hyest.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l'avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 17 :

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 319
Majorité absolue des suffrages exprimés 160
Pour l’adoption 139
Contre 180

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Collombat, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier et MM. Requier, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Le 1° est abrogé ;

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. En préambule, je souhaite réaffirmer deux principes. Tout d’abord, la coopération intercommunale est l’affaire des communes, avant d’être celle des préfets. Par ailleurs, le schéma est essentiellement élaboré par la CDCI, et il est appliqué. Il ne peut donc y avoir des intercommunalités complètement aberrantes.

J’en viens maintenant à l’objet de mon amendement. Ce dernier vise à supprimer le seuil démographique de 5 000 habitants prévu pour la constitution d’EPCI à fiscalité propre. À cet égard, je rappelle – mais mes collègues s’en souviennent certainement – que, en 2010, lors de la première lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, une telle disposition avait été adoptée par la commission des lois, ce qui prouve qu’elle n’est pas complètement loufoque. En tout cas, je la reprends.

Je souhaite simplement m’attarder sur la seule objection me paraissant importante, soulevée notamment par le président Hyest et portant sur les compétences des communautés de communes et des communautés d’agglomération. Les textes précisent que ces intercommunalités ont « pour objet d’associer des communes au sein d’un espace de solidarité, en vue de l’élaboration d’un projet commun de développement et d’aménagement de l’espace ».

On m’objecte qu’une trop petite taille serait un obstacle à l’exercice efficient de toute compétence. Certes, mais, en l’absence d’espace de solidarité, rien non plus ne pourra être fait. (M. Jean-Jacques Hyest lève les bras au ciel.) Mais oui, mon cher collègue !

M. Jean-Jacques Hyest. Qu’est-ce qu’un espace de solidarité ?

M. Pierre-Yves Collombat. À mon sens, un tel espace peut exister, en montagne notamment, même si les communautés humaines sont distantes de plusieurs kilomètres.

M. Jean-Jacques Hyest. Quelle distance ? Dix kilomètres ? Vingt kilomètres ?

M. Pierre-Yves Collombat. Écoutez, mon cher collègue, je reviendrai sur ce point, qui me semble important. Mais là, le temps me manque.

M. le président. Mes chers collègues, si vous pouviez éviter les interruptions à cette heure tardive !

M. Pierre-Yves Collombat. Pour conclure, je dirai que la suppression de ce seuil, dans la mesure où la décision sur le schéma appartient in fine à la CDCI, qui, par principe, ne fera pas n’importe quoi, est une solution de sagesse. Je le répète, cette position avait été retenue par la commission des lois à l’occasion de la première lecture du projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, voté en 2010.

M. le président. L'amendement n° 12 rectifié bis, présenté par MM. Maurey et Deneux et Mmes Goy-Chavent et Morin-Desailly, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Après les mots : « peut être abaissé », la fin du 1° est ainsi rédigée : « à 4500 habitants par la commission départementale de la coopération intercommunale, par une délibération motivée, lorsqu'elle adopte la proposition finale, pour tenir compte des caractéristiques particulières de certains espaces ;

La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. La question du seuil a fait l’objet de débats importants, puisque, en première lecture du projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, le Sénat avait fixé le seuil à 3 000 habitants. Puis l’Assemblée nationale l’a relevé à 5 000 habitants. En deuxième lecture, le débat a repris, Nathalie Goulet ayant proposé à nouveau la suppression du seuil. C’est d’ailleurs à cette occasion que Michel Mercier, alors ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, avait bien insisté sur le fait que ce seuil était non pas impératif, mais indicatif.

Il importe de rappeler ce point, car certains préfets manient brutalement le couperet en contraignant à fusionner des communautés de communes qui comportent 4 800 ou 4 900 habitants ; tel fut notamment le cas dans mon département, l’Eure.

Le texte de la commission propose que la CDCI puisse déroger à ce seuil de 5 000 habitants, pour tenir compte de caractéristiques géographiques particulières de certains espaces.

Mon amendement vise à proposer une double modification. Tout d’abord, la décision ne doit pas seulement reposer sur un critère géographique, mais doit prendre aussi en compte les autres critères fixés par la loi elle-même, à savoir la cohérence spatiale, la notion de bassin de vie ou la solidarité financière. Par ailleurs, je suggère également, pour éviter des excès et qu’on ne se retrouve effectivement avec des communautés de communes beaucoup trop petites, que cette possibilité de déroger soit limitée à la fourchette 4 500/5 000 habitants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Richard, rapporteur. Nous sommes vraiment là dans les réalités de terrain, et l’on sent que les opinions sont tranchées et diverses.

La commission a été convaincue – et je crois que c’est le sentiment d’une majorité de sénateurs – de la nécessité de conserver le seuil de 5 000 habitants. Telle est la règle, même si des dérogations sont prévues.

Ensuite, la question est de savoir, en cas de dérogation, quel est le cadre de cette dernière.

Je me permets de revenir un instant sur les rôles respectifs des parties prenantes à l’élaboration du schéma, monsieur le ministre, puisque c’est, me semble-t-il, l’une des petites faiblesses du dispositif de l’article 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, tel qu’il est rédigé aujourd’hui.

Le projet qui doit être soumis au vote alternatif de la commission ne peut être que le schéma initial du préfet, schéma qui a été présenté aux conseils municipaux. Le préfet ne peut modifier son projet, toute modification devant résulter d’un vote aux deux tiers de la CDCI. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que tous les préfets aient compris la disposition de cette façon…

Je regrette, monsieur le ministre, mais il n’est pas possible, aujourd’hui, pour la CDCI, de changer le seuil de 5 000. Seul le préfet peut le faire. La loi est impérative et rigide sur ce point-là. Nous pensons qu’il vaudrait mieux confier cette possibilité de déroger à la CDCI.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 5 rectifié, car l’abolition de tout plancher démographique constituerait un retour en arrière par rapport à l’idée de mutualisation et de création de communautés ayant une capacité réelle à impulser le développement.

Il nous semble, par ailleurs, que l’amendement n° 12 rectifié bis, qui répond bien à l’idée de respect d’un seuil dimensionnel, risque de se heurter à des réalités de terrain. En effet, il peut y avoir des cas, notamment dans des zones très peu peuplées auxquelles je faisais allusion tout à l’heure – par exemple, dans la région Champagne-Ardenne ou dans le département de la Meuse, où l’on rencontre des situations de sous-densité de population impressionnantes – pour lesquels le critère qu’il souhaite retenir ne serait pas adapté.

Dans le cadre du dialogue qui doit obligatoirement se nouer entre les acteurs – je rappelle que c’est le préfet qui préside la CDCI, et qu’il n’y a donc pas de coupure entre les deux instances –, il faut retenir cette obligation de motiver la dérogation par une particularité géographique pertinente. Mais une fois retenu le principe de la dérogation au seuil de 5 000 habitants, le seuil doit pouvoir être abaissé jusqu’à 4 400, par exemple. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 12 rectifié bis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. M. le rapporteur a fait une bonne description des règles posées par la loi adoptée en décembre 2010. La discussion avait été longue sur ce sujet : si le seuil de 3 000 habitants avait été évoqué à un moment donné, c’est le seuil de 5 000 habitants qui avait finalement été retenu, avec une exception pour les zones de montagne. Comme l’avait dit Michel Mercier – Hervé Maurey l’a rappelé –, il s’agit non pas d’un impératif, mais d’un objectif.

Nous avons donc tous les éléments.

Comment le dispositif fonctionne-t-il exactement ? C’est très simple.

Dans un premier temps, le préfet prépare un schéma qui est une base de travail. Il a été expressément demandé à tous les préfets de créer les conditions d’un véritable travail de coproduction : le projet de schéma élaboré par le préfet est présenté à la CDCI et adressé pour avis notamment aux conseils municipaux. L’objectif est d’aboutir à un consensus très large, si possible bien au-delà de la majorité des deux tiers. Puis, en accord avec le préfet, la CDCI vote ce qui s’appliquera in fine. Ce sont donc bien les élus qui décident, y compris les seuils démographiques. Le préfet organise la concertation en amont, puis, une fois que les élus se sont exprimés, prend la décision, notifie et met en œuvre ce qui a été élaboré. Tel le processus de coproduction.

Je remercie M. le rapporteur d’avoir rappelé le droit en vigueur, et je me demande pourquoi on veut le modifier.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Il y a un point de détail sur lequel je veux revenir, puisqu’il a motivé le changement que nous avons souhaité apporter.

Si le préfet a imposé le seuil de 5 000 habitants dans son projet initial, il n’a plus la possibilité de le changer et la CDCI ne peut pas descendre en-dessous. C’est un point de rigidité du texte de 2010 qui vous a peut-être échappé. Le préfet n’a qu’un projet, qui ne peut être modifié que par un vote aux deux tiers de la CDCI. Or, le pouvoir de descendre en dessous du seuil de 5 000 habitants est remis au préfet seul. Il vous manque donc un maillon.

M. Philippe Richert, ministre. Mais non !

M. Alain Richard, rapporteur. Tout le monde a le droit de se tromper, mais il est préférable de le reconnaître.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Je ne peux pas laisser dire cela ! Je défends le texte ancien, celui que vous voulez changer à tout prix ! J’étais présent, en tant que sénateur, lorsqu’il a été voté.

Si le préfet élabore un schéma initial conforme au seuil de 5 000 habitants – c’est ce que la plupart des préfets ont prévu – et que, au cours du débat avec les élus de la CDCI, on en arrive à un schéma prévoyant un ou deux cas en dessous du seuil de 5 000 habitants, c’est la CDCI qui vote.

Et si la CDCI a proposé de passer au-dessous du seuil, c’est le préfet qui décide de permettre qu’il en soit effectivement ainsi : c’est tout !

Il n’y a donc, sur ce point, aucun problème au regard du respect de la réglementation, de la loi et de l’organisation.

Monsieur le rapporteur, si vous le souhaitez vraiment, nous pouvons continuer à nous donner des chiquenaudes ; c’est tellement amusant…

M. Alain Richard, rapporteur. Pas du tout, il s’agit d’une question de droit !

M. Philippe Richert, ministre. C’est bien pour cela que je vous donne des explications complémentaires et que je veux vous montrer comment le dispositif entre concrètement en application. Tout se passe dans le respect des dispositions qui ont été votées : la loi permet d’agir de la sorte, il est inutile de le nier, car telle est la réalité !

M. Alain Richard, rapporteur. Il suffit qu’une personne conteste la décision pour qu’elle gagne au tribunal !

M. Philippe Richert, ministre. Nous verrons bien…

M. Alain Richard, rapporteur. C’est tout vu !

M. Philippe Richert, ministre. Je le répète, tout se fait dans le simple respect des textes.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 5 rectifié.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, lors des lectures du texte que vous avez vous-même qualifié d’« ancien », ce qui me ravit totalement, j’ai lutté pour que le seuil de 5 000 habitants soit supprimé.

À l’usage, l’instauration d’un seuil a tout de même permis d’apporter quelques améliorations. À l’évidence, des petites communautés de communes, placées tout de même sous perfusion, ont fini par retrouver leurs bassins de vie naturels et par se reconstituer autour d’un certain nombre de pôles et de critères beaucoup plus concrets.

En même temps, il est d’autres communautés de communes qui, comptant 4 500 habitants, essayent désespérément de grossir et se livrent à un véritable mercato pour attirer les communes environnantes.

De mon point de vue, le dispositif adopté par la commission est bien plus équilibré et pertinent que celui qui nous est proposé par le texte « ancien ». Je voterai donc contre les amendements de suppression complète du seuil et pour l’article dans sa rédaction proposée par la commission.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Cette disposition a véritablement un caractère discriminatoire à l’égard des petites collectivités. Alors que l’on chipote sur leur liberté de s’associer, le texte autorise de parfaites aberrations pour des intercommunalités gigantesques, en principe réservées à des métropoles, c’est-à-dire des espaces urbains.

Je prendrai un exemple que d’aucuns ignorent peut-être et qui ravira certainement M. le ministre chargé des collectivités territoriales, tant ses préventions contre le Sud risquent d’en être augmentées !

Je veux parler de la métropole Nice-Côte d’Azur. S’étendant de la ville de Nice jusqu’au Mercantour, elle incorpore la communauté urbaine de Nice et des petites communautés de communes. En passant de communauté urbaine à métropole, son périmètre a crû de 456 kilomètres carrés à 1 452 kilomètres carrés, alors que sa population n’a augmenté que de 1,8 %.Voilà une réalité qui a été rendue possible par la loi.

Tandis que l’on se montre tatillon à l’égard des petites communes en se demandant ce qu’elles vont bien pouvoir faire, on ne semble pas s’offusquer de voir se constituer ainsi une métropole simplement dans un souci d’aménagement du territoire, alors que ce type d’intercommunalité est en principe réservé aux espaces urbains.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Monsieur le rapporteur, vous m’avez expliqué les raisons pour lesquelles il convenait de ne pas mettre de limites à la possibilité, pour la CDCI, de déroger au seuil de 5 000 habitants ; et je vous ai entendu.

En revanche, vous ne m’avez avancé aucun argument pour justifier votre opposition au fait de pouvoir intégrer d’autres critères que le critère purement géographique. Comme l’a rappelé tout à l’heure Jean-Jacques Hyest, ce dernier n’est pas forcément le seul.

Les critères dont je suggère la prise en compte ne sont pas subitement sortis de mon esprit à cette heure matinale. Je les tiens de la loi elle-même : à mon avis, les notions de bassin de vie ou de solidarité financière peuvent justifier, au moins autant que le critère géographique, une dérogation à ce seuil de 5 000 habitants.

Autrement dit, votre réponse m’a laissé sur ma faim !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié bis.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12 rectifié bis.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4.

(L’article 4 est adopté.)

Article 4 (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité
Article 5 (nouveau) (interruption de la discussion)

Article 5 (nouveau)

L’article L. 5210-1-1 du même code est ainsi modifié :

1° Le IV est ainsi rédigé :

« IV. – Le projet de schéma est élaboré en collaboration par la commission départementale de la coopération intercommunale et le représentant de l’État dans le département.

« Pour son élaboration, le représentant de l’État dans le département présente à la commission son analyse de la situation et ses recommandations pour atteindre les objectifs fixés au II.

« La commission recueille l’avis des présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre existants et des maires des communes qui y sont incluses, dans le délai de deux mois à compter de leur saisine ; elle entend, sur leur demande, les présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes intéressés. La commission départementale de la coopération intercommunale adopte le projet de schéma à la majorité de ses membres.

« Ce projet, pour chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre envisagé, dresse la liste des communes incluses dans le périmètre et définit la catégorie dont il relève. Il indique les compétences que pourrait exercer le nouvel établissement.

« Le projet est adressé pour avis aux conseils municipaux des communes et aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes concernés par les propositions de modification de la situation existante en matière de coopération intercommunale. Ils se prononcent dans un délai de trois mois à compter de la notification et transmettent un choix indicatif de compétences pour le nouvel établissement les concernant. À défaut de délibération dans ce délai, l’avis est réputé favorable.

« Lorsqu’une proposition intéresse des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale ou des syndicats mixtes appartenant à des départements différents, la commission départementale de la coopération intercommunale saisit pour avis conforme la commission départementale de la coopération intercommunale du ou des autres départements concernés, qui se prononce dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. À défaut d’avis rendu dans ce délai, l’avis est réputé favorable. Les modifications du schéma résultant, le cas échéant, de ces avis sont intégrées au projet préalablement à la consultation prévue à l’alinéa précédent. » ;

2° Après le IV, sont insérés un IV bis et un IV ter ainsi rédigés :

« IV bis. – À l’issue des consultations, la commission départementale de la coopération intercommunale adopte, dans le délai d’un mois, à la majorité des deux-tiers des suffrages exprimés, une proposition finale de schéma départemental qui fixe la liste des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et, pour chacun d’entre eux, énumère les communes incluses dans chaque projet de périmètre, définit la catégorie dont il relève et en détermine le siège. À défaut, la proposition finale est établie par le représentant de l’État dans le département.

« La proposition finale indique en outre les modifications pouvant en résulter pour les syndicats de communes et les syndicats mixtes par application des articles L. 5211-18, L. 5212-27 et L. 5212-33.

« Elle est notifiée au maire de chaque commune concernée afin de recueillir l’accord du conseil municipal. Pour chaque établissement public, cet accord doit être exprimé par deux tiers au moins des conseils municipaux des communes incluses dans le périmètre proposé représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou par la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population. À défaut de délibération d’un conseil municipal dans le délai de trois mois à compter de la notification, l’accord est réputé donné. La consultation prévue au présent alinéa n’est pas organisée lorsque la proposition finale conserve le périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre existant.

« L’accord donné dans les conditions prévues à l’alinéa précédent entraîne dans les périmètres concernés l’adoption définitive du schéma.

« Lorsqu’une proposition de périmètre issue de la proposition finale n’a pas recueilli la condition de majorité prévue au troisième alinéa du présent IV bis, la commission départementale de la coopération intercommunale entend les maires des communes, les présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et les présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes intéressés. La commission statue à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés sur la constitution des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre couvrant les aires géographiques dans lesquelles l’accord des communes concernées n’a pas été recueilli. Pour chaque établissement, elle fixe la liste des communes incluses dans le périmètre, définit la catégorie dont il relève et détermine son siège.

« À défaut d’adoption par la commission départementale de coopération intercommunale dans le délai de deux mois suivant l’achèvement de la procédure de consultation sur la proposition finale, le schéma définitif est arrêté par le représentant de l’État dans le département.

« Le schéma fait l’objet d’une insertion dans au moins une publication locale diffusée dans le département.

« Il est mis en œuvre par arrêtés préfectoraux.

« L’arrêté emporte retrait des communes incluses dans le périmètre des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres.

« IV ter. – Le schéma peut être révisé selon la même procédure pendant l’année qui suit celle du prochain renouvellement général des conseil municipaux. »

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l’article.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, mes chers collègues, avec les articles 5, 6 et 7, nous entrons au cœur de cette proposition de loi.

Le texte proposé par la commission des lois ne se limite pas, vous l’avez compris, à poser quelques rustines bien venues sur la loi de décembre 2010, à allumer des contre-feux en réponse à la bronca qu’elle a suscitée là où aurait dû s’exprimer un quasi-consensus, c’est-à-dire sur le volet de la réforme concernant l’achèvement de la carte de l’intercommunalité.

Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le ministre – peut-être avez-vous lu un peu trop rapidement le texte ? –, l’objectif initial n’est absolument pas remis en cause. Le calendrier sera même tenu, mais selon des modalités complètement différentes, en intégrant notamment, dès la réflexion sur le schéma, des opérations renvoyées à plus tard dans la loi de décembre 2010.

Pour reprendre l’expression que j’ai utilisée tout à l’heure, cette proposition de loi opère une sorte de « révolution copernicienne », parce qu’elle remet les collectivités à la place qu’elles n’auraient jamais dû quitter : je veux parler du centre du projet intercommunal, occupé, depuis décembre 2010, par les préfets.

Je prendrai quelques exemples pour illustrer mon propos.

Tout d’abord, le projet de schéma est un acte commun de la CDCI et du préfet. C’est inscrit dans la proposition de loi. À vous entendre, cela devrait se passer ainsi à l’heure actuelle : c’est parfois le cas, mais pas toujours !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mieux vaut donc le préciser !

M. Pierre-Yves Collombat. En tout cas, pour l’heure, cette disposition n’a aucun caractère obligatoire.

Ensuite, la CDCI ne se contente pas de censurer le schéma, elle l’adopte, ce qui est complètement différent. Le préfet n’a le dernier mot qu’à partir du moment où les élus sont incapables de se mettre d’accord. Quoi de plus normal ?

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Pierre-Yves Collombat. En outre, les syndicats et syndicats mixtes ne sont pas supprimés simplement pour faire du chiffre. Je sais bien que pareille intention n’est pas explicitée dans la loi, mais je peux vous dire que la réalité est tout autre. Dans mon département, par exemple, parmi les propositions formulées, il est inscrit noir sur blanc – je vous enverrai la photocopie si vous ne me croyez pas – : suppression de 50 % des syndicats ; voilà bien un objectif quantitatif !

Dans la proposition de loi, ce n’est plus du tout la même logique : les syndicats et les syndicats mixtes peuvent être supprimés quand les compétences qui leur ont été transférées peuvent être exercées par des EPCI à fiscalité propre dont les périmètres et les compétences ont été définis.

Par ailleurs, la discussion sur les périmètres n’est pas séparée de celle qui porte sur la nature des EPCI. Pour l’instant, on définit des périmètres sans rien préciser de leur futur contenu. J’ai moi-même entendu des propos du genre : « Nous avons en tête un périmètre couvrant une population de 550 000 habitants. Pour en faire quoi ? Une métropole ? Non, nous n’en savons rien ! »

Dans le texte, le schéma propose des types d’EPCI.

La réflexion sur la définition des compétences est purement indicative, la décision étant bien évidemment renvoyée aux collectivités intéressées, ce qui est, là aussi, tout à fait normal. En effet, le simple fait d’envisager la suppression de certains syndicats revient, d'ores et déjà, à poser la question des compétences.

Mme Jacqueline Gourault. C’est vrai !

M. Pierre-Yves Collombat. Vous le savez aussi bien que moi.

Surtout – et c’est la raison pour laquelle le texte est quelque peu compliqué –, la consultation et l’expression des collectivités sont présentes à chacune des étapes de l’élaboration – en deux temps – du schéma départemental.

Vous voulant rassurant, monsieur le ministre, vous nous promettez que les préfets n’arrêteront, le 31 décembre 2011, les schémas départementaux de coopération intercommunale que dans les territoires où le niveau de consensus sera considéré comme suffisant. Ailleurs, la discussion pourra se poursuivre, avec, au besoin, la mise en place d’une cellule censée aider les élus à progresser.

Se satisfaire d’une telle proposition ou simplement reculer la date de publication du schéma ne changera rien si les articles 37, 60 et 61 de la loi du 16 décembre 2010 ne sont pas supprimés.

Regardez-y d’un peu plus près : schéma ou pas schéma, en l’état actuel de la loi, le préfet doit passer à la création des EPCI qu’il entend réaliser, et supprimer tous les syndicats et syndicats mixtes jugés superfétatoires. Jusqu’au 1er juin 2013, pour obtenir l’accord des collectivités, la majorité qualifiée des deux tiers classiquement utilisée est remplacée par la majorité simple.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà le fond du débat. Pendant la période de transition, entre le 1er janvier 2012 et le 1er juin 2013, le préfet achève, en toute liberté, la carte telle qu’il l’entend. Par conséquent, le schéma, qu’il ait été arrêté ou non, ne change rien à l’affaire. C’est pour cela que ce texte remet les choses,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Dans le bon sens !

M. Pierre-Yves Collombat. … dans le sens qui aurait dû être le sien dès le départ : que l’intercommunalité soit l’affaire des collectivités, le dispositif n’étant encadré que là où c’est nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, sur l’article.

M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a souligné Pierre-Yves Collombat, avec cet article 5, nous en arrivons au cœur du dispositif proposé par M. le rapporteur.

La commission des lois a attribué un rôle déterminant à la CDCI : cette dernière serait compétente pour élaborer et adopter le schéma et verrait donc ses prérogatives largement renforcées par rapport à celles du préfet.

C’est une évolution très attendue par les élus, qui se sont fortement inquiétés de la mainmise du représentant de l’État sur l’évolution de l’intercommunalité dans notre pays.

La logique qui nous est soumise aujourd’hui est donc intéressante. Je partage pleinement le souci exprimé par la commission des lois de laisser la main aux élus sur des sujets dont ils assument la responsabilité sur le terrain.

En effet, force est de constater que le premier bilan de l’application des dispositions de la loi de décembre 2010 fait apparaître que les préfets ne sont pas toujours en phase avec les positions exprimées localement.

La rédaction actuelle du texte s’appuie donc pleinement sur la responsabilité des élus et sur leur vision du territoire en laissant toute sa place à la concertation. C’est une bonne chose.

Pour autant, la commission des lois prévoit aussi une clause de sauvegarde, en confiant au préfet le soin d’établir la proposition finale et d’arrêter le schéma en cas de blocages au sein de la CDCI.

Ce point est important, car l’achèvement de la carte intercommunale, et donc le rattachement des communes isolées en dehors de l’Île-de-France, doit bien rester une priorité selon le calendrier fixé dans la loi, comme le souhaitent toutes les associations d’élus.

Toutefois, il est permis de s’interroger sur les conséquences de fusions forcées mises en œuvre au terme d’un processus qui conduirait le préfet à imposer de nouvelles coopérations intercommunales contre le gré des élus et, qui plus est, à quelques mois seulement du renouvellement des conseils municipaux.

Ce qui a fait la force et la légitimité des intercommunalités, c’est la volonté des élus de se réunir autour d’un projet commun, dans un contexte consensuel. Il faut respecter cette démarche, qui doit primer sur tout « mariage imposé », car elle est le gage de la réussite et de l’efficacité de la coopération intercommunale.

En ce qui concerne la détermination des compétences, la saisine de la commission sur ce point va à l’encontre du but visé par l’esprit de ce texte.

Cela complique considérablement la démarche et pose le problème de subsidiarité de ces prérogatives, qui incombent d’abord – il faut le rappeler – aux communes, les seules à être maîtres de leurs délégations de compétences dans le cadre des accords intercommunaux.

M. Pierre Jarlier. Par ailleurs, l’harmonisation des compétences exercées peut, dans certains cas, constituer un frein à l’évolution des périmètres des EPCI et provoquer la création de nouveaux syndicats au moment où la loi suggère d’en supprimer le maximum. Cela ne va pas dans le sens d’une logique absolue.

Heureusement, l’adoption, tout à l’heure, de l’amendement n° 24, dont les premiers signataires sont Jean-Claude Lenoir et Jean-Jacques Hyest, devrait normalement permettre d’améliorer la situation.

Dans ce domaine aussi, une certaine souplesse s’impose pour adapter notre législation à la réalité du terrain.

Enfin, la préparation des schémas départementaux de coopération intercommunale a aussi mis en évidence les impacts financiers importants pour les EPCI dont nous ne mesurons pas toujours les conséquences, ni sur leurs moyens futurs, ni sur leur fiscalité.

Sans doute ce sujet méritera-t-il un débat à l’occasion de la discussion de notre prochaine loi de finances. Mais, d’ores et déjà, les élus doivent pouvoir compter sur l’État pour l’élaboration de simulations complètes qui ne se réduisent pas à un calcul de DGF très aléatoire dans cette période de gel des dotations.

Quoi qu’il en soit et sous réserve de l’adoption des amendements déposés par notre groupe, j’estime que le nouveau processus d’élaboration du schéma qui nous est proposé aujourd’hui va dans le sens d’une meilleure démocratie locale parce qu’il fait confiance aux élus. C’est la raison pour laquelle je le soutiendrai.

M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. Courteau, je dois vous dire que, compte tenu du rythme de la discussion, nous ne pourrons pas terminer l’examen de ce texte au cours de cette séance, que je vais probablement lever vers quatre heures.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pourtant on avance bien !

M. le président. Nous avons tenté d’achever la discussion du texte cette nuit, mais le rythme d’examen n’est pas suffisant. Peut-être parviendrons-nous à aller au bout de l’article 5 avant d’arrêter nos travaux.

La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.

M. Roland Courteau. Cet article, comme d’ailleurs l’ensemble de cette proposition de loi, est vivement attendu par les élus, lesquels sont très demandeurs d’un achèvement véritablement concerté de la carte intercommunale.

Il serait presque inutile de dire, tant nous l’avons répété ici même, que la procédure, telle que la loi actuelle la définit, fut très mal accueillie par les élus, quelle que fût d’ailleurs leur sensibilité politique. Dirigée par le préfet, elle ne donnait presque aucune possibilité à la CDCI d’infléchir les décisions.

Si, à l’origine, l’intercommunalité avait été soumise à des décisions imposées et non à un choix concerté, aujourd’hui, elle serait au point zéro. Car, comme le disait justement Jean-Pierre Sueur à plusieurs reprises voilà quelques mois, ce ne sont pas les préfets qui sont à l’origine du développement de la coopération intercommunale, c’est bien le mouvement des collectivités.

Je me réjouis des travaux de la commission. Il fallait, en effet, accroître, le pouvoir des élus en étendant les prérogatives de la CDCI et en donnant donc la primauté à cette dernière dans l’adoption du schéma d’intercommunalité.

Le rôle moteur qui est ainsi donné à la CDCI par la commission des lois sera, n’en doutez pas, particulièrement apprécié par les élus, et cela quelle que soit leur sensibilité politique. Plus de concertation, mes chers collègues, cela veut dire que l’on concilie concertation et efficacité. Cela veut dire que la CDCI va aussi jouer un rôle de négociateur.

En donnant la primauté à la CDCI pour l’élaboration du schéma départemental de coopération intercommunale, on va justement permettre aux communes de mieux maîtriser leur destin.

La démocratie locale en sortira gagnante. Il s’agit là d’une proposition qui va tout à fait dans le sens de l’histoire, c’est-à-dire celui de la décentralisation. Au choix imposé, nous préférons la concertation, qui est susceptible de déboucher sur une décision librement consentie.

De même, les dispositions de la loi actuelle étaient sources de menaces, de désorganisation en impulsant une suppression massive des syndicats spécialisés, alors que le débat sur les compétences des communautés susceptibles de reprendre les missions de ces syndicats n’était pas conclu.

Fort heureusement, la commission règle d’une certaine manière cette difficile question des syndicats en introduisant un premier échange sur les compétences dans l’adoption du schéma et en renvoyant à une étape suivante la reconfiguration des syndicats.

Enfin, je note avec satisfaction que, si le préfet transcrit, par arrêté, les contours et la catégorie d’établissement des nouvelles communautés, il n’a plus la faculté de proposer une création s’écartant du schéma adopté, comme la loi actuelle lui en donnait la possibilité, ce qui n’allait pas, convenons-en, dans le sens de la cohérence et de la transparence.

Mes chers collègues, les dispositions de cet article sont véritablement les bienvenues.

M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. Philippe Bas, je tiens à vous dire qu’on me demande d’essayer de prolonger la séance jusqu’à quatre heures et demie.

M. Alain Gournac. Non, cela suffit ! Monsieur le président, vous aviez pris un engagement ! C’était quatre heures ! Vous l’avez dit deux fois !

M. Jean-Jacques Hyest. De toute façon, cela ne changera rien !

Mme Catherine Troendle. On finira demain !

M. le président. Mon seul objectif, c’était d’essayer d’en finir ce soir.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On peut toujours essayer !

M. le président. Sinon, le débat reprendra demain à quatorze heures trente.

La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.

M. Philippe Bas. Il faut tout de même que le débat ait lieu !

J’ai écouté avec attention les précédents orateurs et je dois dire que je ne suis pas convaincu. On voudrait nous faire croire que l’enjeu du vote de l’article 5 est de se prononcer pour ou contre l’unilatéralisme autocratique des préfets, pour ou contre la capacité d’initiative des élus. Ne pas voter cet article serait un signe de défiance envers la capacité d’initiative des élus.

En réalité, les choses ne se présentent pas du tout ainsi ! Je crois que le texte de l’article 5 a pour effet d’étendre les décisions qui vont s’appliquer d’en haut aux élus de base.

Jusqu’à présent, le préfet n’avait qu’à discuter du périmètre. Avec le texte s’y ajoute un préalable, les compétences.

Et là, on marche sur la tête ! En effet, toute la logique du processus qui a été retenu et qui a été parfaitement compris par l’ensemble des maires et des délégués dans les intercommunalités veut que l’on détermine, dans un premier temps, avec qui on va discuter. Et pour discuter de quoi ? Mais des compétences, bien sûr ! Dès lors, s’il faut avoir déterminé quelles seront les compétences à mettre en commun avant de déterminer avec qui on doit en discuter, c’est le serpent qui se mord la queue !

M. Philippe Bas. Le dispositif qui nous est proposé est donc totalement dépourvu de logique parce qu’il signifie qu’en aval il n’y aurait plus rien à discuter, les compétences figurant déjà dans le schéma départemental !

Dans ces conditions, on ne passerait pas d’un préfet dirigiste à une commission souple, mais d’un préfet souple à une commission extrêmement dirigiste.

Or c’est exactement le contraire de ce que voudraient obtenir les orateurs qui se sont exprimés, lesquels veulent précisément qu’on laisse plus de latitude aux élus. Vous savez bien que, pour l’élu d’une commune rurale située bien loin du chef-lieu du département, que ce soit le préfet qui ait pris la décision ou une commission départementale dans laquelle il ne se sent nullement représenté compte tenu de la diversité des collèges qui participent à la désignation des membres de cette commission, cela ne change rien ! Pour lui, de toute façon, la décision viendra d’en haut ! Et ce qui viendra d’en haut, ce ne sera pas simplement le périmètre, mais le périmètre plus les compétences !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce n’est pas vrai !

M. Philippe Bas. Et cela n’est pas raisonnable !

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l’article.

M. Hervé Maurey. Nous attaquons, à cette heure de plus en plus matinale, le point dur de cette proposition de loi, l’article 5, celui qui, à titre personnel, me pose le plus de problèmes.

J’ai eu l’occasion de dire – et je le redis – que les conditions actuelles d’élaboration du schéma ne me semblaient pas pleinement satisfaisantes.

Je regrette qu’il n’y ait pas de concertation de la part des préfets avant qu’ils ne présentent leur projet : concertation avec la CDCI, concertation avec les syndicats ou les EPCI concernés…

Dans mon département, les présidents de SIVOS ont reçu un courrier les informant qu’après une large concertation il allait être procédé à une fusion. C’est intéressant, pour un président, d’apprendre qu’apparemment il y avait eu une large concertation et qu’au terme de cette concertation – qu’il ignorait ! –une fusion allait avoir lieu…

Outre ce problème de concertation, il y a un problème de délai, avec la date butoir du 31 décembre 2011 qu’il faut absolument décaler. Il y a un problème dans le fait que le préfet ne puisse pas modifier son projet, mais qu’il puisse, en revanche, déroger au schéma au cours de l’année 2012.

M. Roland Courteau. Cela commence à faire beaucoup !

M. Hervé Maurey. Il y a encore l’extrême lourdeur de la majorité des deux tiers des membres.

Bref, la procédure actuelle comporte quantité de points qui méritent d’être modifiés. Pour autant, je ne pense pas que le dispositif proposé améliore les choses.

Je ne vois pas comment une commission composée d’une quarantaine de membres pourrait arriver à élaborer un projet. En effet, dans une commission, il faut bien qu’il y ait un chef de file. Or là – et c’est en cela que vous n’êtes pas cohérents avec vous-mêmes ! – le président de la CDCI, c’est toujours le préfet. Pour aller dans le sens de votre logique, il aurait fallu que soit élu un président qui n’aurait pas été le préfet.

Comment tout cela va-t-il fonctionner ? Le président risque, en permanence, d’être mis en difficulté par les membres de la commission.

Je rappelle que, parmi cette quarantaine de membres, la plupart sont surtout de bons connaisseurs d’une partie du territoire départemental, celui dont ils sont les élus. Ne voyez dans mon propos aucune connotation péjorative ! Mais enfin, comment pourront-ils avoir une vision globale permettant d’élaborer un projet cohérent ? Dès lors que la majorité des deux tiers sera nécessaire, j’avoue ne pas bien saisir comment tout cela pourra fonctionner !

Par ailleurs, je souscris à ce qu’a dit M. Bas sur la question des compétences : en voulant les introduire dans les schémas, on renforce les contraintes venues d’en haut.

Dans ces conditions, il aurait été beaucoup plus sage, à mon avis, de se rallier à la position du président de l’AMF, dont je crois comprendre qu’elle est à peu près celle du ministre. N’oublions pas qu’un travail a été fait depuis le mois d’avril, peut-être plus ou moins bien fait, avec plus ou moins de tiraillements, mais il y a des milliers de délibérations prises par les conseils municipaux, par les EPCI, il y a eu des heures et des heures de réunions de commissions départementales de coopération intercommunale. Ne faisons pas comme si rien ne s’était passé, comme si on était au début de l’année 2011 ! Nous sommes à la fin de l’année 2011 ! Bien des choses ont été faites !

Dès lors, je le répète, il aurait été beaucoup plus sage d’adopter la position du président de l’AMF qui consiste à dire : là où il n’y a pas de problème, publions le schéma. Et c’est là que mon point de vue diverge légèrement de celui du Gouvernement : quand il y a problème, il ne faut pas renoncer au schéma. En effet, renoncer au schéma, cela laisse encore plus de pouvoirs au préfet, qui peut faire ce qu’il veut sans avis de la CDCI. Mais, quand il y a des problèmes, donnons-nous un peu plus de temps pour parvenir – dans six mois, dans un an – à disposer d’un schéma qui puisse convenir à la totalité du territoire.

Ce point de vue me semble partagé par beaucoup d’associations d’élus. En effet, en début de séance, j’ai reçu, comme d’autres, un courrier électronique émanant de l’ADCF pour attirer l’attention des parlementaires que nous sommes sur le fait qu’il ne fallait pas que la procédure législative gèle le travail en cours des CDCI.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Richard, rapporteur. Je voudrais, pour faciliter la conclusion de la discussion, essayer de bien cerner les éléments de différence.

La principale différence entre nous, monsieur le ministre, c’est la division en deux phases que vous avez choisie…

M. Jean-Jacques Hyest. C’est le Parlement qui choisit ! Ce n’est pas le ministre !

M. Alain Richard, rapporteur. En effet, mon cher collègue, vous avez tout à fait raison ! Mais le Parlement délibère à nouveau, et c’est le ministre qui défend le texte qui a été voté, ce qui est parfaitement dans son rôle.

J’essaie donc de clarifier les différences.

La difficulté, c’est le clivage qu’il y a entre l’adoption du schéma et la constitution des communautés.

Il nous semble que c’est un facteur de perte de confiance. Lorsque le schéma départemental est adopté, il doit être « la loi des parties », si j’ose dire. Le système que nous proposons repose donc, comme le précise l’alinéa 3, sur un dialogue entre le préfet et la CDCI – que le préfet préside, en effet, vous avez raison sur ce point, monsieur Maurey. Nous avons effectivement pour objectif que ces deux acteurs travaillent en symbiose : les préfets seront convaincants et ils seront réceptifs. Dans ce dispositif, l’obtention d’un accord et d’une synthèse est tout à fait réaliste.

En revanche, conserver la procédure actuelle qui dure plus d’une année et qui permet de s’éloigner du schéma, que l’on a eu du mal à établir, sans offrir aucune possibilité de recours devant la CDCI, ne me semble pas la bonne solution. Il faut changer ce système, et l’article 5 constitue la base législative de ce changement.

J’ajouterai deux observations, pour tenter de réduire nos divergences.

D’une part, il est parfaitement possible, soit de partir du résultat consensuel qui a été obtenu – puisque l’article 7 prévoit d’ouvrir cette option à la CDCI –, soit de rouvrir un processus de concertation sur les points qui font l’objet de divergences. Si l’on peut constater le consensus, notre proposition permet de passer tout de suite à la création des communautés. Les débats ne risquent donc pas de se trouver rallongés.

D’autre part, en ce qui concerne les compétences, il ne faut pas qu’il y ait maldonne. Il n’est pas prévu – sur ce point, le texte de la proposition de loi est, me semble-t-il, parfaitement clair et dépourvu d’ambiguïté – que le schéma départemental ou le vote des communes aient valeur d’engagement sur la définition des compétences. En revanche, dans la phase préparatoire, qui est nécessaire là où existent des divergences, il nous a paru judicieux – la paternité de cette idée revient d’ailleurs à Pierre-Yves Collombat, qui a beaucoup réfléchi sur ce sujet – qu’un premier échange de vues ait lieu sur les compétences. En effet, vous savez très bien que, dans les cas où des réticences s’expriment – excusez-moi si je rabâche, l’achèvement de la carte de l’intercommunalité a pour objet de régler toutes les situations de conflit et de désaccord qui ne l’ont pas été au cours des vingt dernières années ! – il est préférable que les communes intéressées s’expriment une première fois, sans s’engager, sur les compétences qu’elles souhaitent voir exercer par l’intercommunalité : ainsi, on pourra rapprocher les points de vue, d’une part, et faire en sorte que le périmètre, seul point sur lequel portera l’engagement, soit choisi après un dialogue entre les communes, d’autre part. Ce périmètre sera choisi selon les modalités de droit commun, sans discussion sur les compétences. En outre, ce premier dialogue sur les compétences – sans valeur d’engagement – permettra de faire des choix judicieux sur la suppression ou non des syndicats.

Tels sont les points sur lesquels nous sommes en désaccord : deux positions s’opposent, qui toutes deux ont leur légitimité. À la remarque de méthode parfaitement judicieuse formulée par M. Hyest, je répondrai qu’en effet il y a un changement. Mais reconnaissez que l’expérience des derniers mois a montré qu’un changement était souhaité…

M. Jean-Jacques Hyest. Pas partout !

Mme Catherine Troendle. Chez moi, tout s’est très bien passé !

M. Alain Richard, rapporteur. Il est donc légitime que le législateur adopte un dispositif juridique qui réponde à toutes les situations, et pas seulement aux situations où aucun problème ne se pose. Quand tout marche bien, on n’a guère besoin de la loi ! Celle-ci devient nécessaire quand les avis divergent. Or c’est ce qui se produit : nous pouvions le prévoir du fait, notamment, des délais. Les délais trop courts imposés à la phase de consultation de la CDCI résultent de l’exigence du texte actuel, qui distingue deux phases, alors que ce n’était pas nécessaire ; notre proposition consiste donc à regrouper en une seule phase la création des communautés, après un vote à la majorité qualifiée des communes – le principe de libre administration est donc respecté. Nous obtenons ainsi un résultat plus consensuel, sans engagement sur les compétences, mais après un dialogue. L’intercommunalité aura de meilleures chances de réussite et tel est bien notre objectif !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Nous arrivons donc à l’un des articles qui consacrent le désaccord entre nous. J’avais dit au début de cette séance de nuit…

M. Jean-Jacques Mirassou. À quatre heures, c’est déjà le matin !

M. Philippe Richert, ministre. En effet, et c’est la première fois, depuis vingt ans que je fréquente le Sénat, que je participe à une discussion aussi tardive sur un texte de ce genre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Je ne parle pas des textes financiers ! Je dois dire qu’il ne m’était encore jamais arrivé de siéger si tard…

Mme Éliane Assassi. Même pas pendant la discussion du CPE ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pendant la discussion de la loi Raffarin, nous avons siégé jusqu’à sept heures du matin !

M. Philippe Richert, ministre. C’est la première fois, à titre personnel, que je participe à une discussion sur un texte de cette nature à une heure aussi matinale. Mais nous sommes ici pour cela…

J’en reviens à la proposition de loi en discussion. Nous sommes en effet sur un véritable point de clivage. Depuis le début de la discussion, mon discours est exactement identique à celui que tiennent M. Maurey, le président de l’AMF et bien d’autres encore : là où le schéma départemental est réalisable dans l’état actuel du droit, pourquoi ne pas aller au terme du processus ? Je pense que, dans 50 % à 70 % des cas, en utilisant la procédure arrêtée en décembre 2010, les procédures engagées peuvent se poursuivre.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est prévu !

M. Philippe Richert, ministre. J’avais demandé que ce point soit clairement explicité, afin qu’il n’y ait pas de doute dans l’esprit des élus. La procédure actuellement en vigueur aurait certainement pu être complétée grâce à quelques amendements de précision faisant toute la clarté nécessaire. Mais nous sommes en train de tout remettre à plat…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mais non !

M. Philippe Richert, ministre. … et c’est exactement ce que je conteste dans votre façon de faire. Tel est le premier point de désaccord que j’avais mentionné au début de cette séance.

Le deuxième point sur lequel je suis en désaccord, c’est que la procédure que nous mettons en place introduit des complexités supplémentaires et raccourcit les délais en phase finale, ce qui ne va pas améliorer la qualité du débat ni la mise en œuvre de l’intercommunalité que nous appelons tous de nos vœux.

Par exemple, votre texte dit clairement que la CDCI va discuter des compétences de chaque intercommunalité…

M. Jean-Jacques Hyest. C’est incroyable !

M. Philippe Richert, ministre. C’est exactement ce que prévoit la proposition de loi ! Permettez-moi de vous rappeler votre texte : « Ce projet, pour chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre envisagé, dresse la liste des communes incluses dans le périmètre et définit la catégorie dont il relève. Il indique les compétences que pourrait exercer le nouvel établissement. »

M. Alain Richard, rapporteur. « Il indique » ! Il n’y a donc pas d’engagement !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est un document préparatoire !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est une hypothèse !

M. Philippe Richert, ministre. En 2010, nous avons défini un système fondé, dans un premier temps, sur le recensement des communes prêtes à s’associer : le préfet propose ensuite un périmètre, qui fait l’objet d’une discussion. Pendant un an et demi, les intercommunalités peuvent mettre en place l’ensemble de leurs compétences, décidant, par exemple, des compétences qui pourraient rester confiées à un syndicat ou définissant celles qui restent libres au sein de la nouvelle intercommunalité. Ce système offrait plus de flexibilité, à charge pour les élus de chaque intercommunalité de porter des projets.

Dans le système que vous proposez, tout remonte vers la commission départementale, qui prend de plus en plus d’importance et de poids. Le Gouvernement, lui, avait l’idée de laisser ce schéma départemental s’établir sur la base des projets d’intercommunalité qui se mettent en place. En outre, pendant cette période, des modifications pouvaient être apportées, parce que des idées nouvelles auraient émergé ou parce que des perspectives nouvelles se seraient offertes. Nous ouvrions donc la possibilité de modifier le schéma en conséquence.

Quand je compare le droit existant, c’est-à-dire le texte voté en décembre 2010, à votre proposition de loi, très franchement, je ne vois aucun progrès ! Si vous aviez commencé par dire clairement que, lorsque la procédure se déroule normalement, on la laisse s’achever, mais que, en cas de blocage avéré, on cherche une autre solution afin de pouvoir travailler, votre démarche aurait pu être admise.

J’espère que nous aurons l’occasion d’utiliser un autre véhicule législatif, car j’ai bien compris que certaines positions sont d’ores et déjà figées – je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi – en dépit des discussions dont on veut nous abreuver. En tout cas, je comprends que nous ne parviendrons plus à vous convaincre et je le regrette, parce que, sur le fond, l’objectif était de trouver un accord entre tous ceux qui ont foi en l’intercommunalité, celle-ci étant à mon sens la meilleure façon d’organiser l’administration et le pouvoir politique dans notre pays.

M. le président. Mes chers collègues, compte tenu de l’heure avancée, il me semble peu judicieux d’entamer maintenant l’examen des amendements portant sur l’article 5.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 5 (nouveau) (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité
Discussion générale

10

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 4 novembre 2011, à quatorze heures trente :

Suite de la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l’application du dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité (n° 793, 2010-2011).

Rapport de M. Alain Richard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (n° 67, 2011-2012).

Texte de la commission (n° 68, 2011-2012).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 4 novembre 2011, à trois heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART