M. Roland Courteau. Ça, c’est exact !

M. Aymeri de Montesquiou. Sans doute l’information et le contrôle du Parlement sur ce compte d’affectation spéciale seront-ils plus efficaces, mais je m’interroge sur la latitude des élus ruraux pour exercer leur maîtrise d’ouvrage du secteur électrique dans leurs collectivités. Je suis dubitatif sur la création d’un compte d’affectation spéciale…

M. Roland Courteau. Nous aussi !

M. Aymeri de Montesquiou. … dont les ressources attendues pourraient être affectées à d’autres finalités, comme ce fut le cas pour le compte d’affectation spéciale destiné à recueillir le produit des amendes.

Pouvez-vous garantir, monsieur le ministre, la pérennité de ce dispositif et la sanctuarisation de ces ressources ?

Je suis convaincu qu’accroître la charge fiscale pesant sur la production est une mesure très risquée, et même dangereuse, alors que nous craignons une croissance nulle, voire une récession en 2012. La compétitivité doit être l’aiguillon de notre politique économique et fiscale. À l’inverse, celle-ci ne doit pas être guidée par la recherche de recettes peu substantielles. Ce n’est pas en pénalisant nos champions nationaux que nous parviendrons à rassurer les marchés et à faire baisser le chômage ! Je rappelle que notre déficit commercial atteint 75 milliards d’euros…

En ce qui concerne la réduction de la dépense, le compte n’y est pas. Le Premier ministre a annoncé, le 7 novembre dernier, un effort sans précédent en la matière, qui serait ventilé jusqu’en 2016. S’agit-il, là encore, de cacher la poussière sous le tapis et de remettre à l’été 2012 les véritables décisions ? La part de notre dépense publique dans le PIB est supérieure à 54 % ! Je me rappelle encore une époque où l’on considérait que, passé 40%, on entrait dans un système soviétique...

Le stoïcien Épictète nous enseigne que « notre salut et notre perte sont en nous-mêmes ». Soyons stoïques, mais soyons aussi entreprenants et optimistes : stimulons l’initiative privée en encourageant la compétitivité. La croissance économique durable viendra de tous ceux qui contribuent au PNB : les entreprises, les artisans, les agriculteurs, les salariés ou les professions indépendantes. Nous devons tout faire pour supprimer les entraves inutiles qui, trop souvent, freinent leur travail.

Nous sommes en pleine guerre économique. Sur un champ de bataille mondialisé, les États-Unis, la Chine, l’Union européenne et les pays émergents luttent pour conquérir des parts de marché. L’une des armes dont nous pourrions disposer dans cette guerre, c’est la TVA « anti-délocalisations ».

Quels sont nos atouts pour défendre notre industrie ? La haute technologie, la qualité industrielle, la spécificité de notre industrie agroalimentaire et le luxe, mais pour le reste...

Le coût comparé de l’heure entre le Pakistan et la France est de 1 à 50. Les salaires et les charges sont la cause de cet écart. Il est évidemment exclu d’aligner nos salaires sur ceux du Pakistan. Nous reste alors la possibilité de baisser les charges et de faire porter celles-ci sur la consommation. Le Gouvernement et les entreprises peuvent et doivent absolument trouver un accord pour que ce transfert soit à somme nulle pour le consommateur.

Soyons conscients qu’il n’y a pas plusieurs remèdes pour guérir de ce « haut mal » qu’est la dette. La règle d’or, si elle ne guérit pas, permet d’arrêter la propagation de la maladie.

M. Albéric de Montgolfier. Très bien ! Il faut la voter !

M. Aymeri de Montesquiou. La règle d’or est une façon de contraindre tout gouvernement, de droite ou de gauche, à respecter une discipline budgétaire qu’aucun, jusqu’à aujourd’hui, n’a eu le courage de mettre en œuvre. (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

Pourquoi refuser le dialogue entre les protagonistes ? La règle d’or proposée par le Gouvernement est, bien sûr, perfectible ; l’opposition peut présenter des amendements, l’améliorer.

M. Éric Doligé. Elle ne peut pas !

M. Aymeri de Montesquiou. L’Allemagne et l’Espagne, dirigées par des gouvernements se réclamant de politiques différentes, ont réussi sur ce point à faire l’union nationale.

M. Aymeri de Montesquiou. Les forces politiques doivent savoir oublier les querelles picrocholines face à l’ampleur des enjeux et faire primer l’intérêt du pays, objectif infiniment plus important qu’une carrière politique.

M. Aymeri de Montesquiou. L’œuvre passée de Gerhard Schröder plane sur tous les exécutifs politiques. Dix ans après une politique économique et sociale difficile, il apparaît comme l’homme qui a permis à son pays de tenir un rang envié pour la solidité de son économie et son consensus social.

Les solutions proposées par le futur président ne pouvant différer beaucoup de celles qu’aurait mises en œuvre son rival malheureux, commençons dès maintenant !

Il faut avoir à l’esprit que les agences de notation nous surveillent. On peut s’interroger : sont-elles de connivence avec les banques, puisque les intérêts touchés par celles-ci dépendent de la notation des pays ? Il y a un mois, une agence plaçait la France sous surveillance négative, puis se ravisait, prétendant avoir commis une erreur. Des spéculateurs se sont-ils enrichis ? Y aura-t-il des sanctions ? Le risque est avéré, c’est pour nous tous une évidence. Nous savons tous qu’une dégradation de notre notation entraînera une hausse des intérêts de nos emprunts et donc de nos coûts de production.

Notre rapporteur générale l’a très justement rappelé, en cas de perte du triple A, le financement de notre dette deviendra très tendu et la crise européenne est structurellement « auto-réalisatrice ». Un accord sur cette règle d’or ne serait-il pas un signal positif très fort ? Il serait facile de présenter cet accord comme ne faisant ni vainqueur ni vaincu, mais comme participant à la défense commune de l’intérêt national. Nous devons, toutes tendances confondues, marquer d’un geste sûr et fort notre volonté intangible de revenir dans le giron des critères de Maastricht en 2013, préalable au retour à l’équilibre budgétaire à moyen terme. (M. Claude Haut s’exclame.)

Je conclurai avec la leçon d’optimisme d’un ressortissant d’un pays émergent, Han Seung-soo, ancien Premier ministre sud-coréen, qui souligne que le terme « crise » a deux sens en chinois : danger et chance à saisir. Monsieur le ministre, j’invite le Gouvernement à saisir cette chance en suivant l’exemple de Gerhard Schröder. Les électeurs ne croient plus aux promesses de Merlin l’enchanteur. Ils sont conscients de ce que les prochaines années seront ardues et que, pour les rendre plus acceptables pour tous, un effort immédiat est nécessaire. Les Français sont prêts à l’effort, ils le savent inéluctable. Ils attendent du Gouvernement courage et justice sociale.

Le groupe UCR votera le projet de loi de finances rectificative. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans une pâle copie du célèbre éloge du Sénat par Gambetta, qui saluait, en 1876, la participation de tous les maires de France, pour la première fois, à l’élection des sénateurs, les nouveaux conventionnels que sont Mme Aubry et M. Hollande, dans un même souffle pressé, nous assuraient sur le perron de l’auguste maison, enfin prise d’assaut ce dimanche 25 septembre 2011, que la République allait être refondée. (Sourires sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On sent de la rancœur !

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis. Exactement !

M. Francis Delattre. En cette date historique qui allait les conduire inévitablement au pouvoir, la Chambre haute devait servir ce dessein et se transformer immédiatement en laboratoire des idées et projets du futur pouvoir socialiste.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est ce que l’on a compris !

M. Francis Delattre. Dans l’euphorie, ils avaient déjà oublié que Gambetta préconisait en outre un Sénat modérateur des pouvoirs publics et des pulsions, mais aussi un Sénat des Républiques qui veulent persister et durer, madame le rapporteur générale.

Nous, très modestement, saluons aujourd’hui un gouvernement qui travaille, qui a réduit de 36 % le déficit budgétaire. En 2011, il présente des dépenses de l’État qui, hors dettes et pensions, baissent en valeur pour la première fois depuis 1945.

Aussi, dans ce singulier exercice qui a vu la gauche détricoter le budget présenté par le Gouvernement – que nous soutenons – et voté par l’Assemblée nationale, la vraie question pour vous, chers collègues socialistes, est de savoir si cela vous donne vraiment un sursaut de crédibilité auprès de l’opinion publique.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cela a l’air de marcher, pour l’instant !

M. Francis Delattre. Amender est un droit imprescriptible de chaque parlementaire, mais démolir les budgets présentés par un gouvernement légitime n’est pas sans risque. (M. Claude Haut s’exclame.) La République qui veut durer doit respecter la volonté populaire jusqu’aux échéances électorales suivantes.

Prélever fiscalement 30 milliards d’euros supplémentaires, dont 20 milliards d’euros sur les entreprises,…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Mais où sont-ils allés chercher ça ?

M. Francis Delattre. … augmenter ou créer une soixantaine de taxes nouvelles, supprimer vingt-deux missions sur trente-deux ressortit à de la démolition, et les 617 millions d’euros de recettes nouvelles pour les collectivités territoriales relèvent, à l’évidence, du clientélisme le plus basique.

M. François Patriat. Allez donc le leur expliquer !

M. Francis Delattre. Naturellement, l’Assemblée nationale, en vertu de ses pouvoirs constitutionnels, tranchera en dernier ressort et rétablira le budget 2012 tout comme le présent collectif pour 2011 en l’état de ses votes initiaux, mais tout cela ne sera pas, au passage, sans lourdes conséquences sur l’influence et la plus-value du Sénat.

M. Francis Delattre. Le jusqu’auboutisme partisan qui a prévalu ces dernières semaines a pour effet immédiat d’écarter le Sénat de toute discussion sérieuse dans les commissions mixtes paritaires.

Les amendements manifestement utiles à l’amélioration d’un certain nombre de mesures et défendus sur toutes les travées, à défaut de rejoindre le droit positif, connaîtront la postérité dans les mémoires des étudiants…

Chers collègues socialistes, la crédibilité que vous recherchez à travers ces démonstrations budgétaires virtuelles, peut-être la trouveriez-vous plus facilement en tenant aux Français un langage de vérité.

Sur ce thème, ce n’est pas faire une injure aux socialistes d’aujourd’hui que de citer Pierre Mendès France : « L’élément fondamental du système démocratique, c’est la vérité. » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Dire la vérité est un devoir pour l’homme politique !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ça, il fallait l’entendre !

M. Jean-Pierre Caffet. Laissez-nous vivre !

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis. Pour soutenir leur politique, ils font parler les morts !

M. Francis Delattre. En revanche, le mensonge, l’hypocrisie, la tricherie sont incompatibles avec la notion de démocratie. Là où vous nous annoncez une fiscalité plus juste, nous ne relevons, pour l’essentiel, que de la confusion et des mensonges.

Vous mentez en présentant la loi TEPA comme l’instrument servant les riches, alors que 50 % des réductions fiscales instituées par cette loi portent sur des heures supplémentaires qui profitent à des salariés gagnant moins de 1 500 euros par mois. (Mme Marie-France Beaufils s’exclame.)

Vous mentez en insinuant que la réforme relative aux successions profite surtout aux grandes fortunes, alors que seules les successions en ligne directe pour chaque part d’un montant maximum de 159 000 euros sont exonérées, c’est-à-dire les plus modestes. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Oh !

M. Francis Delattre. Mme Aubry et le site internet du parti socialiste, que vous connaissez bien, madame Bricq, mentent quand ils disent que le chef de l’État a distribué 75 milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux riches,…

M. Yves Daudigny. C’est pourtant vrai !

M. Francis Delattre. … à tel point que vous, madame le rapporteur général, vous avez dû rectifier ces chiffres en disant qu’il ne s’agissait en réalité que de 49,8 milliards d’euros.

M. Claude Haut. C’est déjà pas mal !

M. Francis Delattre. Cette information est parue dans le quotidien Le Parisien du 9 décembre dernier.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Au moins, vous lisez Le Parisien, c’est bien !

M. Francis Delattre. Dans ces 49,8 milliards d’euros, mes chers collègues, que relève-t-on ? Pour les riches, il faut intégrer non seulement la loi TEPA, dont je viens de parler, mais aussi la baisse de la TVA dans les restaurants. Est-ce à dire que, si l’un d’entre vous est allé manger dans un restaurant, il a profité de la loi et il est donc forcément un nouveau riche ?

M. Roland Courteau. Ce n’est pas ça qui pèse le plus !

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis. Où a-t-il vu que le prix des restaurants avait baissé ?

M. Francis Delattre. De même, vous intégrez la réforme de la taxe professionnelle, dont j’entends sans cesse parler depuis que je suis arrivé dans cette assemblée. Pour combien de milliards d’euros ? On ne sait pas trop… Mais le premier volet de la réforme de la taxe professionnelle, cet impôt que François Mitterrand qualifiait d’idiot, c’est vous qui l’avez fait en enlevant de l’assiette la part « salaires ».

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui, en 1998 !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Dominique Strauss-Kahn était de mauvais conseil !

M. Francis Delattre. En retirant la part des investissements industriels, n’est-ce pas notre industrie, ne sont-ce pas nos emplois que nous essayons de défendre, par la lutte contre les délocalisations ? Et n’est-ce pas de la désinformation de prétendre qu’il s’agit là de cadeaux faits aux riches ?

C’est également sous le gouvernement de Pierre Bérégovoy – j’ai un peu de mémoire ! – que le déficit a doublé. Les déficits de ce pays ont crû par sauts successifs, et le plus grand a été fait en 1993, quand Michel Sapin était ministre de l’économie et des finances. Cela promet pour l’avenir !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Qu’on lui coupe la tête !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Parlez-nous de nous, pas des gens qui sont absents !

M. Éric Doligé. Nous pourrions aussi parler de Jack Lang ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Francis Delattre. Bien sûr, vous avez du mal à accepter un certain nombre de réalités, mais ce n’est pas fini ! Dès lors que vous nous dites que vous voulez faire la politique, nous allons en faire !

Certes, le poids de notre dette sera passé en cinq ans d’environ 60 % du PIB à 80 % du PIB, soit vingt points de plus !

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis. Les Français trancheront !

M. Francis Delattre. Mais, dans le même temps, la dette espagnole du socialiste Zapatero a augmenté de trente points,…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Parlez du sujet !

M. Francis Delattre. … celle des États-Unis de M. Obama de trente points et celle de la Grande-Bretagne de 34 %.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Obama, on n’y est pour rien !

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis. Et Poutine ?

M. Francis Delattre. L’explication de ce creusement de la dette partout dans le monde s’appelle la crise !

M. Claude Haut. Elle a bon dos la crise !

M. Francis Delattre. Vous nous infligez tous les jours votre logorrhée en prétendant que nous menons une politique de classe, alors que cette majorité que vous accusez d’être au service des riches a augmenté de 25 % le minimum vieillesse, instauré le revenu de solidarité active, consolidé l’allocation aux adultes handicapés,…

M. Claude Haut. Ce sont les collectivités qui paient !

M. Francis Delattre. … revalorisé l’allocation de rentrée scolaire, instauré une prime aux salariés pour les entreprises de plus de 50 personnes, développé le prêt à taux zéro, qui touche chaque année 380 000 jeunes ménages primo-accédants à la propriété, construit 120 000 logements sociaux en 2010, soit trois fois plus que sous le gouvernement Jospin,…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. De quoi parle-t-on ?

M. Francis Delattre. … revalorisé les territoires avec les plans de rénovation urbaine, qui concernent 500 quartiers en difficulté et 3 millions de foyers, sans oublier le plan « Espoir banlieues », qui accompagne le plan de rénovation urbaine.

M. Roland Courteau. Tout va donc très bien…

M. Francis Delattre. Il a permis d’investir 500 millions d’euros pour désenclaver les quartiers par le développement des transports et financer les écoles de la deuxième chance.

L’actuelle majorité défend encore aujourd’hui un plan contre la précarité des étudiants.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est aux Français qu’il va falloir dire tout cela, mais ils ne vous croient pas !

M. Francis Delattre. Le Gouvernement a, par ailleurs, augmenté la taxation réelle des plus hauts revenus à l’ISF, des plus grosses successions, des retraites chapeaux, et encadré pendant la crise les bonus des traders.

Mais, chers collègues, vos éternels discours sombrent plus encore dans l’hypocrisie quand vous versez des larmes de crocodile sur la pénibilité au travail, qui ne serait pas suffisamment prise en compte dans la réforme des retraites…

M. Roland Courteau. Parce que c’est vrai !

M. Francis Delattre. … alors que, pendant cinq ans, j’ai vu, comme d’autres, le gouvernement Jospin refuser d’engager la moindre discussion sur ce thème avec les partenaires sociaux.

Vous avez triché, et cela a eu des conséquences lourdes pour nos retraites, avec cette création du Fonds de réserve pour les retraites, une prétendue solution miracle !

Michel Rocard, Premier ministre, avait fait ce pronostic : une réforme des retraites peut faire sauter trois, quatre ou cinq gouvernements. Il avait raison !

Bien entendu, lorsque Lionel Jospin est arrivé aux affaires, il n’a pas plus voulu toucher au régime des retraites. Toutefois, sous la pression des réalités, on a inventé le Fonds de réserve pour les retraites, alimenté par le produit des ventes des privatisations. Car le gouvernement Jospin est celui qui a le plus privatisé !

M. Georges Labazée. Et les autoroutes, c’est qui ?

M. Francis Delattre. Or ce fonds n’a bénéficié que de 10 % environ du produit des privatisations.

Cette négligence qui a privé ce fonds de ressources suffisantes, au point qu’il ne représente plus que 13,8 % du budget de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, nous oblige aujourd'hui à emprunter sur les marchés internationaux pour servir des retraites correctes.

M. Jean-Pierre Caffet. Le Fonds de réserve, c’est vous qui l’avez siphonné ! C’est du délire total !

M. Francis Delattre. Alors, ne nous dites donc pas que vous n’y êtes absolument pour rien ! Au cours de ces trente dernières années, vous avez gouverné pendant quinze ans ; vous portez donc, en la matière, une responsabilité au moins égale à celle tous les autres gouvernements !

Vous trichez toujours en laissant croire que vous remettrez l’âge de la retraite à 60 ans, alors même que l’Italie vient de le porter à 67 ans. Le parti socialiste est, en Europe, le seul parti de gauche à oser promettre la retraite à 60 ans !

Laisser émerger de fausses espérances sur un tel sujet contribue à déconsidérer l’action politique.

Et, dans le même registre, que dire des 60 000 postes d’enseignants que vous promettez de créer ? Mais vous vous gardez bien de nous dire comment vous allez les financer !

Au travers de ces exercices contre-budgétaires fictifs, vous souhaitez avant tout communiquer ; en témoigne le nombre de communiqués de presse que vous publiez. Mais, en réalité, vous êtes surtout dans le déni. Le Sénat n’aurait jamais dû être le théâtre de telles manipulations de l’opinion.

Quand vous promettez l’enchantement, mentez-vous par omission ou déjà par défaut ? Où sont donc les mesures réellement novatrices dont le Sénat devait avoir la primeur ? Où est le prétendu big bang ?

Mme Michèle André. Qui gouverne ?

M. Francis Delattre. En réalité, votre apathie lors de l’examen des missions portant sur l’industrie, sur l’énergie et sur la recherche a révélé votre incapacité à clarifier vos positions sur les sujets les plus porteurs d’avenir.

Notre enceinte a échappé aux sordides négociations auxquelles se sont livrés le parti socialiste et les Verts pour échanger de bonnes circonscriptions législatives contre d’utiles centrales nucléaires. Le Sénat aurait pu être le lieu d’un débat fécond sur notre indépendance énergétique.

M. Roland Courteau. Et si vous nous parliez du projet de loi de finances rectificative ?...

M. Francis Delattre. Mon cher collègue Jean-Vincent Placé,…

M. Jean-Vincent Placé. La gauche vous écoute !

M. Francis Delattre. … les Verts n’ont quasiment pas déposé d’amendements sur ces questions, ce qui démontre que vous êtes bien plus préoccupés par la lutte des places que par la fonte des glaces !

Pourtant, le modèle allemand que vous préconisez, avec le retour des centrales à combustible fossile – avec du charbon que nous n’avons pas et du gaz dont les tuyaux sont contrôlés par M. Poutine,…

M. Jean-Pierre Caffet. Et le gaz de schiste ?

M. Francis Delattre. … le tout à un coût majoré de 50 % au minimum pour les consommateurs ! – aurait pu faire l’objet d’un débat qui aurait intéressé la Haute Assemblée ! Voilà où sont les vrais enjeux !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce n’est pas le sujet ! Il s’agit d’un projet de loi de finances rectificative !

M. Francis Delattre. Enfin, que penser des déclarations ambiguës sur l’amitié franco-allemande faites hier par quelques séides irresponsables ?

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis. Hors sujet !

M. Francis Delattre. Aujourd'hui, François Hollande indique même que, s’il est élu, il reniera les engagements de la France auprès de ses vingt-six partenaires européens !

M. Jean-Vincent Placé. Ce n’est plus le Sénat, c’est le café du commerce !

M. Francis Delattre. Pour notre part, nous sommes autant attachés à Charles de Gaulle et Konrad Adenauer scellant l’indispensable réconciliation sur les marches de la cathédrale de Reims qu’à Helmut Kohl et François Mitterrand s’inclinant sur nos morts à Verdun. C’est notre histoire, et elle fut tragique ! Aussi faisons-nous, en ce qui nous concerne, confiance à Angela Merkel et à Nicolas Sarkozy pour continuer d’avancer sur ce chemin, qui va bien au-delà du statut de la Banque centrale européenne et des eurobonds.

Or, en dénigrant systématiquement, comme vous le faites, les efforts de ces dirigeants pour sauver notre monnaie commune, vous vous écartez dangereusement de ce chemin. Ce n’est pas sur nos travées que vous trouverez des Munichois !

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis. Vous, vous êtes les sortants !

M. Francis Delattre. Notre pays est sur un chemin de crête difficile entre, d’un côté, le coût prohibitif d’une dette à circonvenir et, de l’autre, la nécessité de garder une croissance qui, seule, à terme, permettra de retrouver ce qui nous manque le plus : des emplois. Mais nous croyons en la capacité de ce gouvernement à faire les bons choix.

Face à la nécessaire réduction de la dette – tel était le principal objet du budget et du collectif budgétaire que Mme la ministre du budget a présenté à l’Assemblée nationale, et que nous soutenons –,…

M. Roland Courteau. Tiens, vous parlez du projet de loi de finances rectificative !

M. Francis Delattre. … nous nous opposons aux caricatures budgétaires d’un programme socialiste inabouti et dangereux par ses incohérences fiscales, qui ne vise en réalité qu’à séduire des clientèles électorales très diverses et à détériorer un peu plus encore la compétitivité de notre économie.

M. Roland Courteau. Seriez-vous en campagne ?

M. Francis Delattre. Mes chers collègues, j’en termine par ce constat incroyable, mais dressé en toute bonne foi. Le bouquet final, le voici : je vous mets au défi de trouver, dans le capharnaüm de vos amendements,…

M. Roland Courteau. Hors sujet !

M. Francis Delattre. … car il s’agit d’un ensemble fait, j’ose le dire, de bric et de broc, une authentique mesure visant à favoriser une plus grande justice sociale.

Mes chers collèges de la droite républicaine et du centre, il nous reviendra, à nous, au cours des prochains mois, de relever ce défi, à la Malraux, dans l’honneur d’un discours de vérité aux Français et la grandeur d’une France courageuse, opiniâtre et volontaire, dont le drapeau est acclamé par le peuple de Benghazi ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous en sommes au quatrième collectif budgétaire.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Oui, revenons au sujet !

M. François Marc. Pour la commission des finances, on le sait, le collectif est toujours, en fin d’année, un exercice difficile ; il l’est encore plus cette année…

M. Roland Courteau. Il faut le dire à M. Delattre ! Expliquez-lui ce qu’est un collectif !

M. François Marc. … dans la mesure où nous avons eu une semaine de moins que d’ordinaire pour examiner ce texte, un texte dont l'Assemblée nationale a considérablement accru le volume puisqu’il comporte maintenant plus de 70 articles.

Monsieur le président de la commission des finances, j’ai été surpris de vous entendre parler de tout, sauf de ce projet de loi de finances rectificative ! Vous avez parlé de l’Europe dans sa diversité, des accords de ces derniers jours.

M. Jean-Pierre Caffet. C’était de la diversion ! D’ailleurs, personne à droite n’a parlé de ce collectif !

M. François Marc. De même, j’ai été surpris de constater que Mme la ministre du budget s’est surtout attachée, lors de la présentation de ce texte, à critiquer les propositions de la gauche,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous avons bien le droit, nous aussi, de critiquer ! À critique, critique et demie !

M. François Marc. … évoquant un certain nombre de taxations. J’aurais souhaité qu’elle parle davantage des options politiques qu’elle a retenues dans ce texte.

Quant à la diatribe à laquelle nous avons eu droit à l’instant, elle nous a permis de nous entendre traiter de « menteurs », de « tricheurs », d’« hypocrites », de « Munichois », de « sordides négociateurs »… Je laisse à l’auteur la responsabilité de ses propos.