M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Non ! C’est une erreur d’évaluation !

Mme Marie-France Beaufils. C’est pourtant bien le chiffre qui a été indiqué en séance publique… (M. le président de la commission des finances s’étonne.) S’il y a une erreur, elle sera rectifiée.

Quoi qu’il en soit, je tenais à rappeler que nous ne sommes pas dépourvus de propositions ; nous en avons fait.

À notre avis, ce n’est pas l’augmentation du taux réduit de TVA qui permettra de redresser la situation, compte tenu de l’état du pouvoir d’achat des Français !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous imaginez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques de suppression est défavorable.

Puisque personne sur ces travées ne l’a fait, permettez-moi de rappeler que l’effort national est partagé !

Pour ce qui concerne en particulier la mesure prévue à l’article 11, il s’agit d’aligner notre taux réduit de TVA sur celui qui est pratiqué par nos amis allemands.

Je ne veux pas reprendre les explications qui ont été données à de nombreuses reprises par Mme la ministre du budget, y compris dans cet hémicycle, mais je constate que chacun insiste aujourd’hui sur la nécessité stratégique d’une convergence entre la France et l’Allemagne.

La mesure que nous proposons va dans le sens de cette convergence : le Gouvernement ne peut donc évidemment pas accepter qu’on la remette en cause !

M. Michel Vergoz. La convergence, quand cela vous arrange !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ces amendements de suppression nous convient à un débat de stratégie fiscale ; je souhaite, en quelques mots, y apporter ma contribution.

Le relèvement du taux réduit de TVA est-il une mesure à caractère général ? Pour ma part, je pense que non et, me tournant vers notre excellente rapporteure générale, je précise qu’il s’agit d’une mesure de rabot, qui vise à réduire la dépense fiscale.

En matière de TVA, en effet, tout secteur qui bénéficie d’un taux inférieur au taux normal doit être assimilé au bénéficiaire d’un avantage fiscal, c’est-à-dire d’une dépense fiscale.

Je vous rappelle que c’est la situation de l’hôtellerie et de la restauration, mais aussi celle des services dans le bâtiment, qui ont été à l’origine du débat que, pendant plusieurs années, nous avons eu sur cette question – le secrétaire d’État chargé du commerce et du tourisme la connaît particulièrement bien…

Quelle était la position que je défendais alors ? Avant tout, ne pas déstabiliser ces deux secteurs qui, dans la crise de 2008 et 2009, auraient pu connaître un nombre beaucoup plus élevé de défaillances d’entreprises. L’abaissement du taux de TVA étant une manière de contribuer à leur financement, la remise en cause brutale du taux réduit de 5,5 % avec le relèvement du taux appliqué au niveau du taux normal aurait été économiquement très dommageable pour ces secteurs.

Mais, avec Jean Arthuis et bon nombre de collègues de différents groupes, nous estimions qu’il fallait aussi, dans le cadre de la lutte contre les dépenses fiscales, raboter, certes très modérément, cet avantage, en le réduisant de 10 %. Arithmétiquement, une telle réduction correspond au relèvement du taux de TVA de 5,5 à 7 %.

Le Gouvernement a repris cette idée à son compte en l’intégrant dans le deuxième plan Fillon.

Il s’agit non pas d’une hausse générale de la TVA, mais d’une mesure de réduction des dépenses fiscales : madame la rapporteure générale, c’est ma thèse et vous ne m’en ferez pas démordre !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La mesure proposée par le Gouvernement est en définitive très équilibrée, je dirai même très modérée.

On aurait pu, en effet, appliquer le relèvement du taux à l’ensemble des biens et services taxés à 5,5 % : le produit annuel supplémentaire aurait représenté 4,2 milliards d’euros.

On aurait aussi pu ne l’appliquer qu’à la restauration, et à ce qui en dépend, ainsi qu’au bâtiment : le supplément de recettes se serait alors élevé à 1 milliard d’euros environ.

Monsieur le secrétaire d’État, vous nous proposez d’appliquer le relèvement à l’ensemble des biens et services concernés par le taux réduit, à l’exception de ceux dont on peut estimer qu’ils sont de première nécessité : il s’agit, à mon avis, d’une solution équitable.

Ainsi conçue, l’augmentation du taux réduit rapportera à l’État 1,750 milliard d’euros de produit supplémentaire. Pas plus, pas moins non plus : c’est ce que j’appelle une mesure bien calibrée.

À présent, je me permets de m’adresser très amicalement à ceux de nos collègues qui siègent à la gauche de cet hémicycle : peuvent-ils prendre l’engagement devant nous, en quelque sorte les yeux dans les yeux, que, s’ils reviennent un jour aux affaires,…

M. Alain Néri. Un jour prochain !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. ... ils ne modifieront pas les taux de la TVA ?

M. Michel Vergoz. Nous modifierons ceux de l’ISF !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mes chers collègues, nous parlons présentement de la TVA.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous aimerions parler du reste aussi !

M. Michel Le Scouarnec. Nous ferons une grande réforme fiscale !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Chers collègues, ne revenez pas sur le passé pour détourner la conversation ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. François Marc. C’est trop facile !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je me suis simplement permis, à la loyale, de vous poser une question, et je la repose : si vous êtes aux responsabilités un jour, n’envisagerez-vous pas de faire évoluer les taux de la TVA ?

M. Alain Néri. Vous serez bientôt fixé !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je vous ai demandé, pour animer un peu notre débat, de répondre clairement à cette question. Alors, chers collègues ?... Pouvez-vous vous engager, sur tout ce que vous avez de plus sacré (Sourires.), à ne jamais envisager une augmentation des taux de la TVA ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ils ne peuvent pas le faire !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Les finances publiques étant ce qu’elles sont et le crédit de la France ce qu’il est (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.),…

M. Alain Néri. La faute à qui ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mes chers collègues, le crédit de la France est le nôtre : vous faites partie de la France, nous en faisons tous partie !

M. Roland Courteau. Qui sont les responsables, s’il y a des difficultés ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais nous sommes en difficulté ! Et ceux qui siègent du côté gauche de l’hémicycle le sont tout autant que ceux qui siègent du côté droit ! (Murmures continus sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Vous ne pouvez pas vous abstraire de cette réalité !

M. Alain Néri. Rappelez-vous ce que disait Philippe Séguin !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Permettez-moi, mes chers collègues, pour conclure cette brève intervention, de rappeler que, tout en étant chargés de la compétitivité de la France, nous aurons à chercher des moyens de financement stables et pérennes pour la sécurité sociale.

Dans ces conditions, et dans le cadre d’une réflexion sur la stratégie fiscale globale, il est tout de même assez légitime de s’interroger – nous sommes tous d’accord pour poser la question en ces termes – sur la place que doit avoir, dans notre stratégie, l’impôt sur la consommation, qui est le plus productif.

M. Alain Néri. Et le plus injuste, aussi !

M. David Assouline. Oui, le plus injuste !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à l’heure, j’ai entendu notre collègue François Marc raisonner comme si tous les Français qui acquittent la TVA étaient de condition modeste.

M. David Assouline. Ou moyenne !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ou moyenne, ou élevée, cher collègue, car, plus on a de revenus, plus on achète…

M. Alain Néri. C’est faux !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … et, plus on achète des biens et services inutiles pour le commun des mortels, plus on contribue au titre de la fiscalité proportionnelle… (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Vincent Eblé. Il faut qu’elle soit progressive !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Évitons donc, mes chers collègues, de nous opposer les uns aux autres des arguments que nous savons faux !

La TVA a beau être proportionnelle, il est clair que, en fonction du classement des produits et des services, elle frappe différemment les foyers fiscaux appartenant aux différentes strates de revenus.

Ce qui nous est proposé ici n’est pas une mesure générale : il s’agit de réduire des avantages fiscaux, c’est-à-dire des dépenses fiscales.

M. Michel Vergoz. C’est de la rhétorique !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pas du tout : c’est la réalité ! Et que l’on n’aille pas, dans cet hémicycle où siègent tant d’anciens excellents enseignants, dénigrer la rhétorique ! La rhétorique n’est-elle pas le fondement de l’argumentation et de la politique ? (Sourires.) Elle permet la présentation des arguments ; c’est bien pour cela, je crois, que nous sommes ici !

Nous verrons bien quelles sont les stratégies fiscales des candidats. En l’occurrence, il ne s’agit pas de stratégie fiscale.

Pour ce qui est des amendements visant à supprimer l’article 11, je voterai naturellement contre. Leur adoption aurait néanmoins certaines conséquences dont je me réjouirais pour le bon déroulement de nos débats… (Rires.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En soutenant ces deux amendements, la gauche sénatoriale nous propose de renoncer à 1,8 milliard d’euros de recettes supplémentaires… Dans le contexte de crise que nous connaissons, si ce n’est pas de l’irresponsabilité, c’est une posture politicienne ! J’ose espérer qu’il s’agit de la dernière hypothèse.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. On vous a proposé d’autres recettes…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En tout cas, les arguments que vous avez avancés à l’appui de votre amendement de suppression sont, de mon point de vue, bien minces. Détricoter une fois encore les propositions du Gouvernement, ce n’est que posture politicienne !

M. Marc Daunis. Tout en nuances…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ici même, madame Bricq, le 22 novembre 2010, vous vilipendiez « ce Gouvernement, qui maintient avec acharnement le taux de TVA réduit dans la restauration »…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ah oui ! Ce sont 3 milliards d’euros gaspillés !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous n’étiez d’ailleurs pas la seule : les Verts aussi avaient déposé, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, un amendement tendant à exclure la restauration du champ du taux réduit de TVA – je crois que c’était une initiative de Desessard and Co(Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Caffet. Ne soyez pas méprisante !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Pardonnez-moi, mais comment voulez-vous que je parle autrement ? Vous dites bien, vous, Des Esgaulx and Co ! (Sourires.)

Je voudrais bien que ceux qui ont soutenu cet amendement nous expliquent aujourd’hui leur position…

Madame Bricq, pour en revenir à vous, vous regrettiez que le Gouvernement maintienne le taux réduit de 5,5 % dans la restauration « contre vents et marées, alors que nos finances publiques sont sérieusement mises à mal ». Visiblement, la marée semble avoir emporté vos convictions ! Ne devriez-vous pas, en effet, vous réjouir qu’un premier pas soit franchi dans le sens que vous préconisiez alors ?

Vous écrivez, dans l’objet de l’amendement n° 3, que « du point de vue de la cohérence et de la lisibilité de la politique fiscale, la création d’un deuxième taux réduit, supérieur de seulement 1,5 point au premier, n’obéit à aucune logique ». Mais raboter les niches fiscales, n’est-ce pas conduire une politique fiscale lisible ? Les socialistes seraient-ils opposés au coup de rabot sur les niches fiscales et sociales ?

La politique fiscale du Gouvernement est, elle, cohérente : elle repose avant tout sur la diminution des dépenses,…

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Non !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.… mais aussi sur l’augmentation des recettes, permise notamment par le rabot.

Voilà une stratégie plus cohérente que la surenchère de taxes proposée par la majorité sénatoriale ! Car ces taxes pèseront sur les ménages et les entreprises, au risque de casser notre faible croissance.

Madame Bricq, je veux vous placer devant vos contradictions.

On risque, dites-vous, de susciter des demandes catégorielles. Et l’on ne pourrait rien faire par crainte de ces demandes catégorielles ? Très franchement, c’est un argument que je ne comprends pas !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je vois vos amendements !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous avez aussi soutenu que la TVA, touchant la consommation, ferait peser un risque sur la croissance. Mais alors pourquoi avoir voulu supprimer l’exonération des heures supplémentaires ? Voilà une mesure qui frapperait directement le pouvoir d’achat et donc la consommation des ménages !

Non, vraiment, vous ne cessez de vous contredire et vous êtes décidément mal en point !

Le groupe UMP, qui soutient la position du Gouvernement, votera naturellement contre les deux amendements de suppression.

Au passage, nous tenons également à rendre grâce au président de la commission des finances, Philippe Marini, qui avait déjà défendu cette mesure l’an passé. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Merci, ma chère collègue !

M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

M. Alain Néri. L’amendement de suppression présenté par Nicole Bricq va dans le bon sens.

En effet, lorsque la TVA a été portée à 5,5 % pour le bâtiment, chacun a pu constater immédiatement l’amélioration de la situation dans ce secteur d’activité.

M. Francis Delattre. Vous n’êtes même pas à l’origine de cette mesure !

M. Alain Néri. Monsieur Delattre, vous pourrez prendre la parole tout à l’heure, pour le moment, c’est moi qui explique mon vote !

Grâce à cette mesure, les PME du bâtiment, grandes pourvoyeuses de main-d’œuvre, ont repris des couleurs et ont créé des emplois, notamment dans les zones rurales, qui en ont bien besoin.

Monsieur le secrétaire d’État, vous savez pertinemment ce qu’il va se passer si cet article n’est pas supprimé : vous allez encourager le travail au noir, qui avait en grande partie disparu grâce à cette baisse de la TVA. Ce faisant, les cotisations sociales vont diminuer, ce qui contribuera à accroître encore le déséquilibre de notre régime social.

En outre, vous savez fort bien que les travaux de rénovation de l’habitat ancien participent de l’aménagement du territoire. Ils permettent de revitaliser nos bourgs et épargnent également un certain nombre de dépenses à nos communes, qui peuvent s’appuyer sur les réseaux existants.

La TVA à 5,5 % a notamment permis le développement des opérations programmées d’amélioration de l’habitat, les OPAH, et donc la rénovation des bourgs. Et qui entreprend de rénover le bâti vieux ou dégradé ? Généralement des personnes de condition modeste.

Une fois de plus, vous allez pénaliser les moins aisés de nos concitoyens et accroître les charges qui pèsent sur les ménages.

On nous dit qu’il faut trouver 1,8 milliard d’euros. Nous avons la solution toute trouvée, madame Des Esgaulx. Je m’en explique.

Depuis trois ans, nous ne cessons de vous expliquer que le bouclier fiscal est une erreur, une stupidité, une sottise ! Vous avez enfin recouvré l’ouïe et décidé, au printemps dernier, de supprimer ce bouclier. Hélas !, dans le même temps, vous réformiez l’impôt sur la fortune. Quelle hypocrisie ! Les 800 millions d’euros attendus de la suppression du bouclier fiscal sont à comparer aux 2,8 milliards d’euros accordés en cadeau aux plus riches de nos concitoyens… Au total, vous aurez perdu 2 milliards d’euros !

Si donc vous voulez trouver ce 1,8 milliard d’euros, monsieur le secrétaire d’État, revenez sur votre réforme de l’ISF et appelez nos collègues à voter avec nous ces amendements de suppression. Ce serait une façon socialement et fiscalement juste mais aussi totalement démocratique de régler le problème ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, pour explication de vote.

M. Edmond Hervé. J’ai beaucoup apprécié l’intervention de M. Marini.

M. Jacky Le Menn. C’est inquiétant ! (Sourires.)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. N’ayez crainte, monsieur Marini ! (Nouveaux sourires.)

M. Edmond Hervé. M. le président de la commission des finances a très justement parlé de stratégie fiscale, de dialogue et de pédagogie. Qui pourrait ne pas être d’accord avec lui sur cette trilogie ?

Mais, si l’on veut débattre sincèrement de stratégie fiscale au nom de l’intérêt profond que l’on a pour le pays, encore faut-il mettre cartes sur table, et je pense ici au rapport du Conseil des prélèvements obligatoires intitulé Entreprises et « niches » fiscales et sociales, paru en octobre 2010.

Convenez, monsieur le président de la commission des finances, que les régulières variations du périmètre des dépenses fiscales et les déclassements qui sont décidés ne facilitent pas le dialogue et ne laissent pas d’interroger.

Depuis 2009, le Gouvernement s’interdit ainsi d’évaluer certaines dépenses fiscales. Cela peut à tout le moins nous inviter à en discuter entre nous.

Je précise que ces dépenses fiscales sont « déclassées » en ce sens qu’elles ne relèvent pas officiellement du régime des dépenses fiscales. Or il faut tout de même savoir que les trois principales – régime des sociétés mères et filiales, régime d’intégration fiscale et taux réduit de TVA – ont coûté en 2009 la bagatelle de 61 milliards d’euros !

Alors, nous sommes d’accord, monsieur Marini, oui, nous sommes d’accord pour la stratégie, mais dans le cadre d’un dialogue fondé sur la transparence. Assurément, nous aurons l’occasion de nous revoir ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.

M. Francis Delattre. Vous allez avoir un peu de mal à parler des pauvres !

M. Jean-Pierre Caffet. Monsieur Delattre, monsieur Marini, il ne nous a pas échappé que la France est en crise.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je parie que la responsabilité en incombe au Président de la République !

M. Jean-Pierre Caffet. Il ne nous a pas échappé non plus que la source de la crise se trouvait outre-Atlantique.

En revanche, il vous a complètement échappé que cette crise avait très certainement été aggravée par la politique menée par le Gouvernement depuis quatre ans.

Car enfin, chers collègues, la droite est au pouvoir depuis maintenant dix ans. Après un quinquennat « blanc » – avec toute l’élégance qu’on lui connaît, Nicolas Sarkozy n’avait-il pas fait allusion aux Rois fainéants et prétendu que, pour sa part, il ne se livrerait pas à des travaux de serrurerie s’il était élu Président ? –,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vos citations sont très sélectives !

M. Jean-Pierre Caffet. … nous avons connu cinq ans d’aggravation de la crise.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il suffit sans doute de changer de Président pour que la crise s’évapore !

M. Jean-Pierre Caffet. Si nous nous trouvons dans cette situation, à qui la faute, sinon à ce gouvernement, qui a accumulé les déficits et la dette au-delà de l’entendement ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais bien sûr !…

M. Jean-Pierre Caffet. L’exécutif est resté absolument sourd à toutes nos propositions. Alain Néri a eu raison d’évoquer le bouclier fiscal : il a fallu presque quatre ans pour que le Président de la République se rende à l’évidence !

Et le Gouvernement voudrait aujourd’hui nous faire croire qu’il n’y a pas d’autres politiques possibles ?...

M. Michel Vergoz. Eh non ! Il n’y aurait pas d’alternatives, paraît-il !

M. Jean-Pierre Caffet. Chers collègues de l’UMP, il est de plus en plus insupportable de voir les ministres se succéder à ce banc pour nous expliquer, comme ils le font depuis maintenant des mois, qu’il n’y a aucune autre politique possible, que l’on ne peut rien changer, pas même la plus petite des dispositions de l’un des multiples projets de loi gouvernementaux.

Quant au Président de la République, il ne voit aucune autre solution que sa propre réélection, non pas parce que la politique qu’il mène est bonne, mais parce que sa qualité de chef d’État justifie sa candidature et invalide quasiment toutes les autres !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. N’a-t-il pas le droit de se représenter ?

M. Jean-Pierre Caffet. Il en a parfaitement le droit, monsieur Marini.

En revanche, ce discours permanent qui va même parfois jusqu’à l’insulte devient difficilement acceptable dans cette enceinte démocratique qu’est le Sénat.

Hier, M. Delattre nous a traités de menteurs et de tricheurs.

M. Francis Delattre. Je maintiens mes propos !

M. Jean-Pierre Caffet. Vous pourriez avoir un peu plus de respect pour ceux que vous considérez, et à juste titre, pour des adversaires politiques et pour les différentes positions qui s’expriment dans cette enceinte.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Commencez donc par respecter l’opposition sénatoriale !

M. Jean-Pierre Caffet. Acceptez de reconnaître qu’une autre politique est possible. Du reste, nous le verrons bien dans quelques mois ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et sur certaines travées du RDSE.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il faut aussi accepter la contradiction, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Caffet. Vous ne l’acceptez pas vous-même !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je voudrais faire le lien entre les travaux que je mène au sein de la commission de la culture et le présent débat.

Devons-nous absolument chercher tous les moyens possibles et imaginables de réduire notre dette ? Bien sûr, si nous sommes demain appelés aux responsabilités, nous sommes parfaitement disposés à nous acquitter de cette tâche au quotidien. Mais, aujourd’hui, est-ce vraiment la question fondamentale qui doit nous occuper ?

Nous avons la conviction que les questions de la dette et de la croissance sont liées. Si la croissance est cassée, si certains secteurs sont brisés par des mesures d’austérité, les rentrées fiscales diminueront et le rétablissement de nos finances publiques sera compromis. Personne ne peut nier cette réalité !

C’est d’ailleurs le bilan que l’on doit tirer de l’expérience grecque : malgré les plans de rigueur successifs, ce qui était gagné d’un côté était perdu de l’autre, et à la fin la Grèce avait toujours moins de capacité de se redresser.

Nous retrouvons, à l’occasion de la discussion d’une mesure fiscale il est vrai particulière, les termes d’un débat beaucoup plus fondamental.

Nous, socialistes, sommes convaincus d’une chose : à chaque fois que l’on cherche de l’argent, si l’on retient le facteur justice comme baromètre, comme critère de la politique menée, alors la croissance suit !

Avec la TVA, nous sommes au cœur du sujet. Si l’on ponctionne en premier les couches populaires et les classes moyennes, l’effet sur la consommation sera immédiat et de nombreux secteurs du commerce et de l’industrie seront fragilisés. Mais, de plus, ce sera injuste, parce que ceux qui ont le moins seront frappés en priorité. Or justice et croissance vont totalement de pair ! Mais il semblerait que ce gouvernement ne l’ait pas compris…

On prétend souvent que la culture n’est pas un bien de consommation. Je veux quand même parler ici du livre, un secteur au sujet duquel nous pouvons tous être interpellés.

Confrontée à la révolution numérique et à l’essor du livre numérique, toute la filière du livre, de la création à l’édition, des petites librairies aux grands distributeurs, est en danger.

Les membres de la commission de la culture ont récemment auditionné le PDG de la FNAC. J’ai eu la surprise de constater qu’il tenait le même discours qu’un petit libraire, toutes proportions gardées. La TVA à 5,5 % ne suffit déjà pas à protéger la filière contre la rapacité d’acteurs tels que Amazon, implantée au Luxembourg, qui ne paie qu’une TVA de 2 % et livre ses clients dans les trois jours. Il n’y a plus de concurrence possible, et ce site est en passe de dévorer tous ses concurrents.

Les petites librairies vont sombrer les premières, mais elles seront bientôt suivies par la FNAC, avec ses 14 000 employés et ses milliards d’euros de chiffre d’affaires. Oui, la FNAC est en difficulté, c’est son PDG qui nous le dit, parce qu’elle a perdu sur la musique et qu’elle est en train de perdre sur le livre. Alors, moi, j’entends ce que l’on me dit et je m’interroge.

Plus concrètement encore, et pour ne parler que d’une toute petite conséquence du relèvement du taux, faudra-t-il que la FNAC fasse remonter de toute la France les 8 millions de livres qu’elle a en stock pour changer les étiquettes? Apparemment, une parade a été trouvée ou du moins certains se remuent les méninges pour trouver la solution. Mais comment fera le petit libraire indépendant pour changer 5 000 étiquettes ? Il sera obligé de fermer boutique !

On va trouver un moyen, nous dit-on. Ce ne sera jamais que le « service après-vente » d’une mesure uniforme prise par définition sans considération pour les situations particulières.

À l’heure de la révolution numérique, qui percute de plein fouet le monde de la culture et de la création, c’est un mauvais coup que vous portez au secteur.

Nous qui sommes si prompts, et nous en sommes fiers, à brandir l’exception culturelle française de par le monde, profitons de l’occasion qui nous est donnée avec la discussion de ce projet de loi de finances rectificative pour revendiquer au moins la même exception culturelle, au nom de la création et de la culture, et supprimons cet article, en attendant d’autres amendements qui iront je pense dans le même sens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)