M. Alain Anziani. Il n’y a pas eu le moindre début d’explication ! Au nom de quel motif impérieux doit-il être examiné selon la procédure accélérée ? Nous n’y voyons que des inconvénients !

Par exemple, la réforme du droit des copropriétés ou la suppression du mandat exclusif des agences immobilières sont sans doute d’heureuses initiatives. Mais l’absence de concertation a été telle que les professions concernées ne comprennent toujours pas le sens des dispositions prévues.

Autre exemple : l’ajout d’un échelon régional aux unions d’associations familiales. Peut-être est-ce une bonne chose, mais, en l’état, cette innovation est contestée à l’échelon départemental.

Cette précipitation vaut pour les amendements. Jean-Pierre Michel l’a dit tout à l’heure, l’article 94 A pose le principe d’immunité des responsables de la MIVILUDES. Auteur d’un rapport sur ce sujet, je suis totalement favorable à un tel principe. Mais la question reste posée de savoir ce que cette immunité vient faire dans un tel texte !

Troisième défaut majeur : l’ambiguïté. Ce texte est ambigu parce que, là où il devrait simplement améliorer la loi, il introduit des novations qui ont un sens politique.

C’est le cas, par exemple, en matière de droit du travail. L’article 46 rend moins fréquente l’actualisation du document unique d’évaluation des risques professionnels dans les très petites entreprises. Comme le souligne Mme Procaccia dans son avis, « c’est un bien mauvais signal envoyé aux chefs d’entreprise alors que la prévention est plus que jamais primordiale ».

Un autre exemple d’ambiguïté, qui a été relevé par Martial Bourquin, concerne le Grenelle 2 de l’environnement. Cette loi a posé, après de longs débats, le principe de la transparence environnementale et sociale des entreprises. Et voilà que, dix-huit mois plus tard, l’article 10 du présent texte le remet en cause en prévoyant d’exonérer les filiales de toute publication de cette nature. Les citoyens et les associations auront désormais beaucoup plus de mal à accéder aux informations, surtout si la société mère réside à l’étranger.

Je pourrais multiplier les exemples. Ainsi, l’article 72 bis, va modifier le poids maximal autorisé pour les poids lourds. Sous son apparente technicité, il ouvre un débat de fond : quels types de transports voulons-nous dans ce pays ? Ce débat mériterait d’avoir toute sa place et de ne pas être expédié au détour d’un tel texte.

Il en va de même pour la dépénalisation du droit des affaires. Est-ce que cela relève de la simplification ? Sans doute pas ! Est-ce que cela doit donner lieu à un débat spécifique ? Certainement ! Alors, il faut avoir le courage de l’organiser, de façon que chacun puisse s’exprimer.

En conclusion, je dirai que, pour notre groupe, il ne s’agit évidemment pas, contrairement à ce que j’ai pu entendre, de fuir la discussion et de laisser tous les pouvoirs à l’Assemblée nationale. Notre position est déterminée par des considérations de principe, qui peuvent se résumer dans cette question que je formule une fois encore : comment fait-on une bonne loi ? Certainement pas avec des textes de cette nature ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, M. le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous entendons tous nos concitoyens se plaindre de ce que les lois sont trop complexes, parfois illisibles, et qu’il y en a trop. Ce constat est certes basique, mais tellement vrai !

Et pourtant, nous sommes les premiers à déposer et à défendre des amendements visant à régler des situations dont nous font part les Français, qu’ils soient représentants associatifs, chefs d’entreprise, salariés, artisans ou professions libérales, afin de simplifier leur vie quotidienne, professionnelle ou personnelle. Il est donc peut-être de notre devoir, et c’est un questionnement permanent pour moi, d’éviter de légiférer sur l’exception, pour revenir à une législation globale qui rendra nos lois plus lisibles et compréhensibles.

Le Président de la République a souhaité très clairement une société de confiance, confiance envers les Français comme envers toutes nos entreprises. Bien sûr, cette confiance n’exclut pas le contrôle. Toutefois, la complexification croissante du droit ne contribue qu’à l’insécurité juridique, qui nous pénalise tous. Un vaste mouvement de simplification de notre droit, auquel notre commission des lois a largement contribué, a ainsi été engagé depuis le début de la législature.

En janvier 2009, Jean-Luc Warsmann remettait au Premier ministre un rapport relatif à la politique de simplification et à l’élaboration d’une stratégie pour une norme de meilleure qualité. Puis, le Parlement a adopté deux lois répondant à ces objectifs.

La loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures comporte cinq volets : elle oblige à prononcer l’abrogation des actes réglementaires illégaux ou sans objet ; elle propose des mesures de simplification pour les particuliers, les entreprises et les collectivités locales ; elle abroge diverses dispositions devenues sans intérêt.

La loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit améliore la qualité des normes et des relations des citoyens avec les administrations, et adopte des dispositions de simplification relatives au statut des groupements d’intérêt public ; elle traite aussi d’urbanisme, de défaut d’adoption des textes d’application prévus par certaines dispositions législatives, de droit pénal, du droit électoral applicable aux Français établis hors de France, du domaine sanitaire, social et médico-social ; elle habilite également le Gouvernement à modifier des dispositions législatives.

Le Gouvernement, et le groupe UMP l’en remercie, a proposé quatre-vingts mesures tendant à renforcer l’appui territorial aux PME, mais aussi à simplifier leur environnement administratif. Il est en effet important pour la cohésion de nos territoires de rapprocher deux mondes qui se connaissent mal, celui de l’entreprise et celui de l’administration. Le retour de la confiance commence là.

Parallèlement, le Président de la République avait confié, en janvier 2011, à Jean-Luc Warsmann une nouvelle mission, dont l’objectif était de « proposer des mesures de simplification, ambitieuses et concrètes, pour desserrer les contraintes excessives qui pèsent sur les entreprises, en particuliers les PME, mais aussi sur les artisans, les agriculteurs et les professions libérales ». Le Président ajoutait : « Ces propositions devront avoir pour objectif de rendre notre cadre juridique plus propice à l’initiative économique et à la création de richesses et d’emplois. »

Au terme d’un important travail d’analyse et de concertation, impliquant de nombreuses auditions, Jean-Luc Warsmann a remis, le 6 juillet dernier, son rapport sur la simplification du droit au service de la croissance et de l’emploi, qui préconise deux cent quatre-vingts mesures concrètes, d’ordre réglementaire, législatif ou européen.

Ce rapport a servi de base à la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, qui a été adoptée par l’Assemblée nationale et dont nous sommes aujourd’hui saisis.

Vous l’aurez compris, cette proposition de loi est tout à fait digne que nous nous y intéressions en tant que parlementaires. Notre devoir se situe bien à ce niveau, et non dans le tréfonds de guerres politiciennes abortives, telles que celle que vous proposerez de déclarer, monsieur le rapporteur, en défendant tout à l’heure une question préalable que nous savons d’avance arithmétiquement adoptée.

La nouvelle majorité de la commission des lois, comme elle l’explique dans un communiqué, a en effet contesté la méthode consistant à inscrire dans un texte un grand nombre de dispositions extrêmement diverses. Elle déplore également que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée sur ce texte, alors que, selon elle, ce n’était aucunement justifié.

Eh bien, vous avez tout faux, mes chers collègues !

Le principe même d’un texte de simplification n’est-il pas de balayer notre arsenal législatif afin d’en extraire ce qui est inutile et de le rendre cohérent ? N’est-il pas urgent de le faire alors même que les Français expriment leur incompréhension face à certains points de notre droit ? Et n’est-ce pas ce que vous réclamez, mes chers collègues ? Dès lors, votre démarche apparaît incompréhensible : vous semblez raisonner à l’envers du bon sens !

Nous devons au contraire sortir de ces postures dogmatiques et nous montrer enfin pragmatiques ! C’est pourquoi le groupe UMP soutient l’idée essentielle de ce texte.

Oui, monsieur Michel, la nature de ce texte est très composite ! Mais en quoi cela peut-il nuire à la clarté des débats parlementaires ?

Nous partageons, pour partie, l’analyse du président Sueur, qui rappelait récemment : « Nous avons souvent dit notre désaccord avec les lois “ fourre-tout ” ». En revanche, je m’inscris en faux contre ses propos suivants. Ce n’est pas en votant une question préalable que nous mettrons fin au caractère hétéroclite de certains textes. Il eût été plus judicieux, selon nous, de travailler sur le texte adopté par l’Assemblée nationale, de déterminer ce qui relevait réellement de l’essentiel pour les Français dans la période que nous affrontons. Nous aurions ainsi gardé un certain nombre de dispositions et supprimé les autres.

Comme le président Hyest le faisait remarquer en commission des lois, « lors des précédentes propositions de loi Warsmann, nous avions supprimé des cavaliers ou des mesures qui modifiaient toute une législation, au gré de la navette ».

Nous pouvons reconnaître que cette loi de simplification comporte de bonnes choses, et rejeter les novations et les cavaliers ; nous l’avons déjà fait précédemment. Nous pouvons aussi nous appuyer sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Nous pouvons amender tout ce qui simplifie réellement le droit et supprimer tout ce qui n’a rien à faire dans cette loi.

Ne sommes-nous pas élus pour légiférer? Oui, monsieur le président Sueur, comme vous le dites, « il est essentiel pour la démocratie que l’objet de chaque loi soit clairement énoncé, qu’elle donne lieu à un débat explicite et approfondi sur chaque sujet, ce que ce type de loi-omnibus ne permet pas ». Mais selon une méthode plus intelligible que la vôtre !

D’autant que la question préalable présente un inconvénient majeur : lorsque celle-ci aura été votée, l’Assemblée nationale reprendra, non amendées, les dispositions qu’elle a précédemment adoptées. Ainsi, nous n’aurons en rien progressé, et c’est fort dommage. Si le Sénat débattait de ces mesures, en validait certaines et en rejetait d’autres, il aurait beaucoup plus de poids et, surtout, il accomplirait sa mission législative !

Il n’est pas de texte de simplification qui ne soit hétéroclite ; c’est une donnée de départ. Si on la refuse a priori, on ne simplifie jamais ! On ne va pas examiner 153 projets de loi – puisque tel est le nombre d’articles contenus dans le texte adopté par l’Assemblée nationale – modifiant chacun un article d’une loi ou d’un code ! Le Sénat ne saurait, en tant qu’institution de la République, refuser a priori de débattre d’un texte.

Devons-nous conclure que vous avez décidé de dépouiller le Sénat de son rôle institutionnel et constitutionnel ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pas du tout !

M. Antoine Lefèvre. J’en reviendrai donc au fond, qui nous intéresse beaucoup plus que des manœuvres procédurières.

Pour encourager l’activité des entrepreneurs, le Gouvernement, comme nous l’a annoncé le Premier ministre le 14 novembre dernier, a mis en place une série de mesures de simplification.

Il y avait un certain nombre de progrès à accomplir, notamment dans le domaine de la commande publique. C’est pourquoi a été signé un décret portant à 15 000 euros le seuil de dispense de formalités dans le cadre des marchés publics, qui est aujourd’hui de 4 000 euros. Cette mesure entraînera, pour les collectivités territoriales, une diminution des formalités administratives, et épargnera aux entreprises de devoir établir, comme c’est trop souvent le cas, des devis concernant des travaux de faible montant qui n’aboutissent pas, la plupart du temps, à l’obtention du marché.

De plus, afin d’améliorer les relations entre l’administration et ses fournisseurs, le Gouvernement a compris, et nous l’en félicitons, qu’il fallait inviter les acheteurs publics à ne plus exiger des entreprises la fourniture d’informations qui ont déjà été transmises dans le cadre d’une précédente consultation. Il ne sert en effet à rien que les entreprises qui répondent à des marchés publics transmettent de multiples fois au cours de la même année leur dossier de présentation, comme si les acheteurs publics ne les connaissaient pas.

Il s’agit d’inciter les acheteurs publics à désigner un interlocuteur unique, jouant un rôle de médiation dans la résolution des difficultés qui pourraient apparaître lors de l’exécution du marché. Les entreprises sauront donc à qui s’adresser en cas de problème.

« Pour aller chercher la croissance », il faut penser à agir à tous les niveaux. Il était donc urgent de faciliter, entre autres, la vie des entreprises au quotidien.

C’est pourquoi le groupe UMP trouve totalement dommageable que vous refusiez de discuter de ce texte.

Vous l’avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, « ce nouveau texte ressemble un peu moins que les précédents à un assemblage hétéroclite de cavaliers législatifs en déshérence, avec un ensemble de dispositions qui concernent en gros l’entreprise, qu’elles touchent au droit des sociétés, au droit du travail, au droit de la sécurité sociale ou à certains droits sectoriels ».

Ces sujets ne seraient-ils pas suffisamment importants à vos yeux pour mériter un débat au sein de notre Haute Assemblée ? Ces dispositions ne seraient-elles pas attendues par nos concitoyens au point qu’il soit urgent que nous légiférions ?

En cette période de crise – car nous ne pouvons nous offrir le luxe de l’oublier ! –, nous devons agir. La crise financière de 2008, puis la crise des dettes souveraines, et aujourd’hui ce qu’on pourrait appeler la « crise de l’Europe », se sont succédé et ont profondément touché nos économies. C’est pourquoi nous devons être plus compétitifs et plus créatifs ; à cet égard, le texte qui nous est soumis trouve toute sa justification.

Vous vous trompez lorsque vous dites que cette proposition de loi a été transformée par l’Assemblée nationale en « pavillon de complaisance pour des marchandises de toute nature ». Peut-on reprocher au législateur de se pencher sur les questions de la vie statutaire et sociale des entreprises, du soutien au développement des entreprises, de la lutte contre la fraude, du droit dans le secteur agricole, du droit des transports et du tourisme, du droit du logement, de l’aménagement et de la construction ?

Je crois surtout que vous avez peur d’affronter ces sujets et d’affirmer que beaucoup des mesures proposées vont dans le bon sens, celui de la simplification, de la lisibilité et de la compréhension pour nos concitoyens.

J’ai moi-même déposé des amendements sur ce texte, considérant que celui-ci sert aussi de véhicule législatif pour des propositions de bon sens visant soit à combler un vide juridique, soit à corriger des points de droit problématiques à l’usage. Mes propositions visent plus particulièrement le monde agricole, cher à nombre d’entre nous !

Je profite de cette tribune pour vous les exposer, monsieur le secrétaire d’État, puisque, si la question préalable est adoptée, mes collègues de la nouvelle majorité m’auront privé de la possibilité de les défendre.

L’une de mes propositions vise à perfectionner le cadre juridique de l’aide ponctuelle et bénévole apportée par les exploitants agricoles aux collectivités territoriales.

En effet, outre le soutien ponctuel et bénévole qu’ils apportent à leurs concitoyens, par exemple pour le déneigement et le salage des voies communales, ces agriculteurs contribuent également au bon déroulement d’un certain nombre d’activités festives, culturelles ou sportives.

Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est clair !

M. Antoine Lefèvre. La jurisprudence leur reconnaît alors le statut de collaborateur occasionnel du service public.

Mon amendement tend, tout d’abord, à consacrer dans le droit positif la prise en compte de cette contribution bénévole des agriculteurs à l’animation de nos territoires, ensuite, à faciliter les modalités de l’application réglementaire de la loi en écartant l’exigence d’un décret en Conseil d’État prévue par le droit en vigueur.

Cet amendement, qui a été cosigné par de très nombreux collègues, reprend les termes d’une proposition de loi que j’avais déposée en mai dernier, elle aussi largement cosignée ; c’est la preuve qu’il est attendu dans nos territoires.

Une autre de mes propositions concerne la contribution due au titre de la formation professionnelle continue par les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole.

Enfin, mon dernier amendement concerne le Fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA.

Lors du débat sur la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, en juillet 2010, l’engagement a été pris de rendre ces fonds opérationnels au début de 2011. Des soutiens publics seront mobilisés pour abonder ces fonds, avec un cofinancement à hauteur de 65 % par des crédits de l’Union européenne.

Le texte que nous tentons d’examiner est donc bien un véhicule législatif propice à l’inscription de ces amendements qui tendent à une plus grande clarté de notre droit, et donc de notre quotidien. Certes, il s’agit parfois de mesures très spécifiques, mais, comme l’a dit une de nos collègues, la vie est aussi faite de ces détails, et le débat permet justement à chacun d’en apprécier le bien-fondé.

J’en veux pour preuve le récent débat sur le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, à l’occasion duquel j’ai présenté un amendement reprenant les termes d’une proposition de loi que j’avais déposée en 2011. Alors même que le rapporteur avait tout d’abord émis un avis défavorable, le débat qui s’est engagé a permis d’emporter l’accord, non seulement du rapporteur, qui a modifié son avis initial, mais aussi du Gouvernement, et s’est conclu par un vote positif unanime des collègues présents, ce dont je les remercie. Voilà bien l’illustration de la nécessité du débat.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Bien sûr !

M. Antoine Lefèvre. C’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe UMP votera tout à l’heure, comme il l’a déjà fait en commission des lois, contre la motion que vous allez présenter, monsieur le rapporteur. Pour nous, en effet, l’avenir se construit aussi par la simplification et la lisibilité de nos normes. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à ce stade de notre discussion générale, nous avons entendu un florilège d’expressions de toute sorte visant à qualifier cette proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives : « loi fourre-tout », « train à trois classes », « voiture-balai ».

Cela me conduit à formuler trois observations, qui ont déjà été formulées à cette tribune. Aussi, je me propose d’être brève sur les deux premières et de développer la troisième au travers d’un exemple.

La critique portant sur le caractère « fourre-tout » de cette proposition de loi est juste, mais aucunement nouvelle. Lors de l’examen de la précédente loi de simplification, nous avons été nombreux – en particulier les rapporteurs, M. Saugey, M. Maurey, Mme Henneron, ainsi que le président Hyest – à déplorer ce type de textes.

Cette critique est juste, mais aussi fort hypocrite, car nous avons tous contribué à surcharger les précédents textes de simplification.

Cette critique est juste, mais la solution proposée est mauvaise et, ajouterai-je, inopportune.

Si je m’en tiens aux articles soumis à l’avis de notre commission des affaires sociales, cette proposition de loi s’avère être principalement un texte technique, qui s’attache à résoudre de nombreux problèmes quotidiens des Français et qui répond aux attentes de nos entreprises, de nos administrations publiques, de nos organismes sociaux.

En ces temps de crise, de crainte de l’avenir, de questionnement, nos concitoyens n’attendent pas de nous que nous nous plaignions des textes brouillons qui nous sont soumis. Ils nous demandent simplement d’y travailler, afin de répondre à leurs préoccupations.

Je trouve inconcevable que la commission des affaires sociales ne puisse améliorer, comme elle l’a toujours fait, un texte où figurent tant de dispositions relevant de son domaine de compétence !

Catherine Procaccia, notre rapporteur pour avis, a bien défendu ce point de vue. Je m’attacherai donc à prendre, pour illustrer mon propos, un exemple significatif, celui de la déclaration sociale nominative. Il s’agit d’une véritable mesure de simplification qui est réclamée depuis plusieurs années tant par nos entreprises que par nos administrations publiques, et qui peut encore être encore améliorée à partir de la version du texte votée par les députés.

Le 28 octobre 2010, j’ai été conviée par l’Association pour la simplification et la dématérialisation des données sociales à une réunion de travail sur le thème de l’allégement de la charge administrative des entreprises, en particulier de leurs obligations sociales.

C’est un sujet sur lequel, je dois l’avouer, j’avais jusqu’alors peu travaillé. Cette invitation m’a permis de m’y intéresser très sérieusement.

L’enjeu est important : la simplification des procédures administratives est un puissant levier de compétitivité pour l’ensemble des entreprises françaises,…

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. C’est très juste !

Mme Muguette Dini. … car elle permet aux dirigeants de consacrer leur temps et leurs ressources à leur cœur de métier, à savoir le développement de leurs entreprises.

Si l’on ne tient compte que des déclarations sociales les plus courantes, les entreprises françaises effectuent plus de 70 millions de démarches de ce type par an. Le temps consacré par les employeurs à la réalisation des déclarations sociales autres que la déclaration unique d’embauche par voie électronique varie entre quinze heures par mois en moyenne pour une entreprise de un ou deux salariés et mille heures par mois pour une société employant plus de 2 000 salariés.

À tout moment de son existence, une entreprise doit se plier à un certain nombre de formalités obligatoires, car la plupart des événements ponctuant sa vie entraînent des obligations administratives et déclaratives d’ordre social. Ainsi, j’ai répertorié pas moins de dix-sept déclarations sociales obligatoires par personne et par an.

L’entreprise est aussi encore trop souvent un « guichet d’information » pour l’ensemble des administrations et organismes sociaux, alors que ces derniers devraient échanger directement les données déjà en leur possession.

Ces pratiques reportent sur l’entreprise un poids administratif insupportable et injuste, quand le développement des bases de données et des systèmes informatiques pourrait permettre un transfert efficace d’informations d’un organisme à un autre.

Il faut reconnaître que la déclaration unique d’embauche et les déclarations annuelles de données sociales ont permis de regrouper un nombre significatif de déclarations et de limiter le nombre de leurs destinataires. Cependant, il faut évidemment aller beaucoup loin et être plus ambitieux en matière de simplification des démarches administratives.

Tel est l'objet de l’article 30 de ce texte, au travers de la mise en œuvre de la déclaration sociale nominative.

Aujourd’hui, près de 3 000 données sont demandées en moyenne chaque année à une entreprise, à l’occasion de ses diverses déclarations.

La déclaration sociale nominative, qui serait mise en place grâce à ce texte, a pour objectif de transmettre de façon dématérialisée des données sociales depuis l’entreprise vers les organismes de protection sociale, en se substituant aux nombreuses déclarations sociales ou statistiques.

À terme, elle sera directement issue des logiciels de paie des entreprises pour être déposée sur un site unique, ce qui permettra de simplifier les démarches relatives aux déclarations sociales. En outre, les employeurs n’auront plus à fournir plusieurs fois les mêmes données à l’administration.

Cet énorme bond en avant peut être encore plus important. Une telle simplification de forme doit, en effet, s’accompagner du même mouvement pour le fond, par l’harmonisation des technologies, des assiettes, des indicateurs, des échéances.

Ce sont là des demandes de simplification dont nous sommes saisis régulièrement et que notre commission des affaires sociales aurait pu porter.

Or, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous nous proposez une motion empêchant l’examen d’un texte positif, qui aurait pu être encore amélioré par des amendements constructifs. Une fois de plus, vous nous contraignez à l’abandon de notre capacité législative. Aussi, comme l’a indiqué notre collègue Yves Détraigne, les membres du groupe UCR voteront, dans leur grande majorité, contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUCR et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite avant tout saluer le travail de précision que Mme Procaccia, rapporteur pour avis de notre commission des affaires sociales, a mené à l’occasion de l’examen de ce texte.

Pour autant, en commission, au nom de la majorité, j’ai plaidé le rejet de ce texte, et je veux m’en expliquer maintenant devant vous tous.

Quatre raisons éclairent notre position.

La première est une raison de forme, qui a déjà été évoquée ici : cette proposition de loi, inscrite à notre ordre du jour au début du mois de janvier, au cours d’une semaine réservée par priorité au Gouvernement, n’est, à l’évidence, que le faux nez d’un projet de loi. Selon nous, un tel stratagème ne contribue ni à la clarté ni à l’efficacité de la démarche législative.

Mme Nathalie Goulet. Et pour le génocide arménien ?

M. Claude Jeannerot. La deuxième raison de notre opposition tient au caractère fourre-tout de ce texte, maintes fois souligné, qui ne permet de garantir ni la lisibilité ni la sécurité juridique.

Rendez-vous compte, mes chers collègues : cette proposition de loi de M. Warsmann est en fait le sixième texte du genre. Elle succède à deux lois adoptées sous la législature précédente et aux lois Warsmann promulguées respectivement en 2007, en 2009 et le 17 mai 2011.

Parmi les textes fourre-tout, il faut citer également la loi de modernisation de l’économie ou le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, voté au Sénat à la fin du mois de décembre dernier.

Cela ne fait-il pas beaucoup pour une seule législature ?

Au-delà de cet aspect, ce texte modifie une vingtaine de codes et une série de lois non codifiées. C’est dire la complexité et la variété des thèmes qu’il aborde. La commission des lois, compétente au fond, a dû saisir pas moins de quatre commissions pour avis !

Le résultat de ces pratiques est que les lois deviennent illisibles pour nos concitoyens. « Droit ésotérique », « droit à l’état gazeux » ou « droit obscur » : telles sont, vous le savez, mes chers collègues, les critiques formulées contre notre législation par de nombreux observateurs.

Lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré a eu souvent l’occasion de souligner les dangers et les lacunes de nos méthodes législatives. Soyons attentifs aux différents rapports du Conseil d’État, qui déplorent ponctuellement la « logorrhée législative » ou les « risques d’insécurité juridique », ces deux caractéristiques étant en général indissociables.

Il est loin, et sans doute définitivement révolu, le temps où Rousseau affirmait que « tout homme qui ne sait pas par cœur les lois de son pays n’est pas un bon citoyen ». Toutefois, comment garantir aujourd'hui que les citoyens, à tout le moins, n’ignorent pas la loi ?

La troisième raison de notre rejet de cette proposition de loi tient aux risques d’incohérence qu’elle comporte.

Les textes de ce type enflent démesurément, sous un triple effet.

Tout d'abord, l’administration s’en sert comme véhicules législatifs pour vider ses fonds de tiroirs ; je pense, et il ne s'agit que d’un exemple parmi d’autres, à la disposition de l’article 37 qui vise à étendre la télétransmission aux petites entreprises et dont le Conseil d’État a souligné la nature réglementaire.

Ensuite, le Gouvernement les utilise pour revenir sur des arrêts de la Cour de cassation qui lui déplaisent.

Enfin, les lobbies en profitent pour y inscrire leurs préoccupations, car tel est bien le risque inhérent à de telles pratiques.

On demande aux parlementaires de sauter d’un sujet à l’autre – transport, fiscalité, droit du travail ou de la sécurité sociale, dépénalisation du droit des affaires – comme on passe du coq à l’âne.

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. C’est le quotidien des entreprises que de passer du coq à l’âne !