M. Philippe Richert, ministre. Enfin, certains voudraient redéfinir les conditions dans lesquelles le Président de la République peut présenter ses vœux à tel ou tel corps de la République. Franchement, je pense que cela relève de l’initiative du Président de la République, et il me semble important qu’il conserve cette liberté sans que l’on s’en prenne à ses choix.

S’il y a des reproches à faire, faisons-les ! Si des propositions alternatives doivent être formulées, qu’elles le soient ! Le moment venu, les Français trancheront. En revanche, reprocher systématiquement au Président de la République son manque de transparence alors que c’est lui qui a ouvert les portes de l’Élysée à tous les contrôles, j’estime que c’est – permettez-moi l’expression – y aller un peu fort ! Si d’autres avaient fait ce qu’il a fait, nous serions sans doute allés beaucoup plus loin…

M. Ronan Kerdraon. On ne veut pas aller plus loin avec lui !

M. Philippe Richert, ministre. … et un certain nombre de reproches formulés aujourd'hui n’auraient plus lieu d’être.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Monsieur le ministre, je ne peux vous laisser – vous comprendrez pourquoi – critiquer à ce point le général de Gaulle. (Rires sur les travées du groupe socialiste.) En effet, c’est lui qui a souhaité que le budget de l’Élysée reste ce qu’il était du temps de René Coty et que l’on ne puisse pas l’augmenter à discrétion. Tous les autres présidents ont fait avec.

Il est vrai que le président Sarkozy a introduit de la transparence dans les comptes de l’Élysée. Toutefois, la transparence, c’est comme la vertu, cela ne se ménage pas. Vous l’avez ou vous la perdez, mais vous ne pouvez demeurer dans l’entre-deux.

M. Michel Delebarre. Quelle culture !

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La transparence est totale ou elle n’est pas. C’est une bonne chose d’avoir introduit de la transparence concernant le budget de l’Élysée, mais ce serait mieux d’en faire de même s'agissant des comptes de campagne. Nous aurions une véritable transparence si les dispositions que nous proposons étaient adoptées.

Je voudrais maintenant faire une petite correction, si vous le permettez, monsieur le ministre. Tout à l'heure, vous avez employé le terme « arrogance » à mon sujet ; ce mot m’a beaucoup touché, j’ai été sensible à votre argument, qui m’a donné quelques raisons de vous répondre un peu plus souvent que je n’avais envie de le faire dans le cadre de ce débat.

Vous avez affirmé que Michel Delebarre comparait les 3,7 millions d'euros d’économies réalisées grâce à ce projet de loi aux 220 millions d'euros de dépenses électorales. Soyons précis : ces 220 millions d'euros ne correspondent pas aux dépenses de campagne mais aux dépenses engagées par l’État à l’occasion de l’élection présidentielle, auxquelles s’ajoutent les dépenses non remboursées. Sommes-nous bien d’accord, monsieur le ministre ? Je voulais vérifier ce point, sans un soupçon d’arrogance… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des motions.

Exception d’irrecevabilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle
Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par M. Masson, d'une motion n° 13.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, relatif au remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle (n° 305, 2011-2012).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la motion.

M. Jean Louis Masson. Je voudrais tout d'abord achever le propos que j’ai entamé lors de la discussion générale. (Rires.) C’est pour cette raison que j’ai déposé trois motions de procédure !

Lorsqu’on m’a fort aimablement prié de m’interrompre, j’étais en train de rappeler que, à l’automne 2007, le Président de la République avait demandé au Premier ministre de normaliser le système des parrainages. On peut légitimement se demander pourquoi M. Fillon n’a rien fait. Le Président de la République a ensuite institué un comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par Édouard Balladur, qui devait proposer un certain nombre de réformes, parmi lesquelles celle du système des parrainages.

Cette inaction prouve deux choses. D’une part, c’est de manière délibérée que l’on n’a rien fait, laissant subsister un système profondément antidémocratique qui permet tout un tas de turpitudes. D’autre part, les grands partis politiques – il faut noter le silence assourdissant du parti socialiste sur le sujet – tiennent absolument à conserver ce système dont ils profitent largement : ils en usent et abusent pour bloquer les petits candidats – en les empêchant de se présenter ou, du moins, en leur accrochant un boulet au pied, puisqu’ils sont contraints de chercher des signatures au lieu de faire campagne – ou les instrumentaliser – la gauche parraine parfois des candidats de droite, la droite en faisant de même pour des candidats de gauche, afin de diluer les voix.

Presque tous les candidats victimes de ce système – M. Dupont-Aignan ou Mme Boutin, M. Poutou ou d’autres candidats d’extrême gauche – l’ont dénoncé. Comme chacun d’entre vous, je suppose, j’ai reçu une lettre de Mme Le Pen datée du 25 janvier.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Jean-Jacques Hyest. Nous n’avons pas reçu cette lettre !

M. Jean Louis Masson. Je l’ai pourtant reçue via un courrier collectif. Je l’ai découverte il y a quelques instants, en arrivant à mon bureau.

J’estime que Mme Le Pen soulève un véritable problème. Elle écrit en effet : « Ils craignent à tort ou à raison » – elle parle des maires qui envisagent de parrainer sa candidature – « critiques, reproches et même représailles de la part notamment des collectivités territoriales avec lesquelles ils travaillent.

« Les Français sont légitimement choqués par cette situation. Ils n’admettent pas que l’instrumentalisation des présentations puisse conduire à empêcher la candidature d’un courant de pensée qui représente déjà plus de 20 % du corps électoral au premier tour.

M. Jean-Jacques Hyest. Nous n’en savons rien !

M. Jean Louis Masson. « Il est de plus en plus évident que les présentations ne sont plus utilisées pour filtrer les candidatures mais pour en empêcher certaines.

« Vous serez donc, le 31 janvier, placés face aux responsabilités. Vous cautionnez ce système antidémocratique qui entérine la confiscation du débat politique ou vous agissez en républicain et vous modifiez la loi. »

Je pense que, sur ce point, les propos de Marine Le Pen sont partagés par de nombreux autres petits candidats et j’estime qu’elle a tout à fait raison, car nous sommes exactement dans le même système qu’en Russie avec Poutine ou qu’en Égypte avec Moubarak.

En Russie, pour ce qui est de l’organisation des élections, tout est transparent et parfaitement démocratique sur le papier, mais, s’il laisse toujours participer aux élections divers candidats folkloriques et sans importance, le pouvoir, et notamment l’entourage de Poutine, s’acharne sur tout candidat dangereux qui pourrait lui faire de l’ombre.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas un exemple à donner !

Mme Nathalie Goulet. Quel rapport avec le texte ?

M. Jean Louis Masson. Eh bien, avec les parrainages, nous sommes dans le même système et l’on ne peut décemment pas…

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Parler comme cela !

M. Jean Louis Masson. … esquiver le débat.

Le présent projet de loi organique tombe donc vraiment bien, puisque, avec l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962, nous sommes en plein dans le sujet. « Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là » pour empêcher que le débat ne soit esquivé : au cours de cette nouvelle lecture comme lors de la première lecture, je tiens à défendre mon point de vue et j’entends dire ce que je pense de la situation actuelle.

Je répète ainsi qu’un système peut, en apparence, être démocratique, transparent et conforme à la Constitution, mais conduire, dans son application, à des déviances ; car, comme tous les juristes le confirmeront, ce ne sont pas seulement des textes qui font une Constitution, mais aussi la façon de les appliquer. Or, si la publicité des parrainages a rendu possibles des pressions, ces dernières ne découlent pas des textes mais apparaissent dans les faits.

C'est la raison pour laquelle il est à mon avis important que nous ayons un débat. Je crois d’ailleurs que ce débat aura également lieu à l’Assemblée nationale, car il y a, comme je l’ai découvert avec satisfaction, des députés qui partagent mon opinion.

J’en viens à ce qui fonde l’exception d’irrecevabilité.

La Constitution et les engagements internationaux pris par la France, notamment dans les conventions des Nations unies, imposent le respect des principes fondamentaux de la démocratie. Parmi ceux-ci, le respect du suffrage universel exige que le vote soit secret et exempt de toute pression directe ou indirecte.

M. Jean-Jacques Hyest. Cela n’a rien à voir !

M. Jean Louis Masson. Or, le filtrage des candidatures par le biais de parrainages rendus publics permet d’exercer des menaces, du chantage ou des représailles à l’encontre des parrains potentiels. Cette atteinte grave à la liberté de candidature vicie donc manifestement l’expression du suffrage universel.

La publicité des parrainages, prévue par l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962, article qui fait précisément l’objet du présent projet de loi organique, n’est ainsi pas conforme à l’esprit de la Constitution ; voter le projet de loi organique revient donc à entériner indirectement un statu quo contraire aux principes constitutionnels garantis, notamment, par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, reprise dans le Préambule.

Je souhaite maintenant revenir, en partie, sur l’argumentaire que j’avais développé en première lecture…

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Nous l’avons tous en tête !

M. Jean Louis Masson. …et rappeler, mes chers collègues, que, si je vais accorder mon parrainage pour les élections présidentielles à Nicolas Dupont-Aignan, ce n’est pas par convergence idéologique, mais simplement dans le souci de soutenir un « petit » candidat : le système des parrainages me paraît scandaleux du point de vue démocratique et je souhaite donc aider les « petits » candidats victimes de l’hégémonie des deux partis dominants.

Le vrai problème est que les parrainages sont instrumentalisés par ces deux grands partis afin d’empêcher des candidatures concurrentes ou, au moins, de leur imposer un handicap disproportionné.

Depuis que les parrainages sont rendus publics, on assiste à des dérives totalement inacceptables. Par des chantages aux subventions, des menaces à l’intérieur des partis politiques et parfois même par des violences physiques émanant de contradicteurs forcenés,…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il ne faut tout de même pas exagérer !

M. Jean Louis Masson. …on essaye de contraindre les maires, soit à ne signer pour personne, soit à signer pour les deux partis dominants.

Mme Nathalie Goulet. On ne peut pas !

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. C’est impossible !

M. Jean Louis Masson. Par contre, lorsque la signature s’oriente vers des courants politiques représentatifs faisant de l’ombre aux deux partis dominant, alors là, tous les coups sont permis !

Le Figaro du 21 décembre 2011 rapporte ainsi que Mme Aubry, avec l’aval de M. Hollande, a fixé ce qu’elle appelle « la feuille de route ». Cette feuille est lourde de menace puisqu’elle indique qu’il faut obligatoirement « qu’aucun parrainage d’élu socialiste et républicain ne manque à notre candidat ».

À l’UMP, ce n’est pas mieux, car des pressions tout aussi regrettables sont exercées.

Lors des présidentielles de 2002 et de 2007, le Conseil constitutionnel a déploré de multiples cas de pressions pour dissuader les maires de parrainer tel ou tel candidat. Des représailles a posteriori ont aussi eu lieu à l’encontre de maires ayant accordé leur parrainage : chasseurs à l’encontre des parrains d’un candidat écologiste, chantage aux subventions départementales selon l’orientation politique des parrainages, exactions diverses contre les parrains des candidats d’extrême droite ou d’extrême gauche...

Ces pratiques ont, hélas, tendance à se reproduire, comme les exemples que j’avais déjà cités en première lecture l’illustrent. C’est inacceptable, car il s’agit d’une atteinte intolérable à la liberté des élus.

Ainsi, dans le canton dont je suis le conseiller général, deux maires avaient par le passé signé en faveur du Front national. L’un a subi des menaces physiques et sa maison a fait l’objet de dégradations…

M. Charles Revet. Par qui ?

M. Jean Louis Masson. Il a été tellement ébranlé qu’il en a fait un accident cardiaque.

Quant à l’autre, c’est M. Jean-Marie Bauer, maire d’Ennery, que je me permets de citer puisqu’il s’est lui-même exprimé dans la presse locale, en l’espèce Le Républicain Lorrain du 3 janvier 2012, qui lui consacre un article dans lequel il annonce : « Je ne parraine plus personne ! » et explique que ce n’est pas parce qu’il ne souhaite plus le faire, mais parce qu’il a été l’objet de pressions, de menaces et de chantages inacceptables.

« Je me souviens encore de ce jour d’avril 2002, lorsque toute la presse a publié mon nom au milieu de la liste des 500 maires ayant parrainé Jean-Marie Le Pen. Deux ou trois jours avant la clôture des parrainages, tous les médias parlaient de ses difficultés à obtenir les 500 signatures. J’ai été contacté par un représentant du Front national qui m’a détaillé la situation. Si j’ai répondu favorablement, c’est parce que j’estimais que, dans un pays démocratique, il aurait été anormal qu’un parti avec autant d’électeurs ne pût être représenté à l’élection présidentielle.

« On peut être pour ou contre Le Pen, mais il a quand même le droit d’être candidat. C’est la démocratie. Personne à Ennery ne sait pour qui je vote. Je voulais simplement permettre à un candidat de présenter ses idées aux Français, comme d’ailleurs je l’avais fait pour Dominique Voynet en 1995 !

« Mais, lorsque mon parrainage a été rendu public, certaines personnes sont venues m’insulter. Pendant plusieurs semaines, j’ai vécu un véritable cauchemar. À cause de cela, si, aujourd’hui, l’un des candidats me sollicitait le dernier jour pour obtenir un ultime parrainage, je refuserais. Mais ce serait un crève-cœur, car ce système des parrainages rendus publics est complètement antidémocratique ! Il faut absolument instaurer l’anonymat. »

Voilà une véritable tranche de vie, un exemple concret dont on ne peut nier la réalité ! D’habitude, on ne cite pas de nom, mais, je l’ai dit, M. Bauer s’étant lui-même exprimé dans la presse, je me suis permis de le faire ici.

Cet exemple prouve qu’il faut être d’une totale mauvaise foi pour prétendre que la publicité des parrainages n’est pas incompatible avec l’expression libre et démocratique du suffrage universel.

À juste titre, des milliers de maires et autres parrains potentiels déplorent le détournement de la procédure des parrainages. En effet, les partis politiques dominants et les médias font croire à l’opinion que le parrainage est un soutien politique. Or, le but des parrainages est uniquement d’éviter les candidatures marginales ou farfelues. On ne peut pas accepter que cela serve de prétexte pour éliminer des courants de pensée représentatifs en les empêchant d’avoir un candidat.

Pire, l’expérience de 2002 a prouvé que le système actuel des parrainages n’empêchait pas les candidatures marginales tout en risquant d’exclure des courants de pensée parmi les plus importants. Ainsi, malgré le filtre des parrainages, il y a eu seize candidats. Parmi eux, neuf ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça ne marche donc pas si mal que ça !

M. Jean Louis Masson. M. Gluckstein est arrivé bon dernier, avec seulement 0,47 % des suffrages, soit 132 686 voix sur 28 498 471. Bien que sa représentativité ait été quasiment nulle, il avait obtenu très rapidement les parrainages requis ; il en avait même beaucoup plus que nécessaire.

M. Le Pen est, lui, arrivé deuxième au premier tour, avec 4 804 713 voix, soit 16,86 % des suffrages exprimés et trente-six fois plus de voix que M. Gluckstein ! Malgré cette représentativité incontestable, il avait rencontré d’énormes difficultés pour rassembler les parrainages requis.

La liste totale des parrains ayant été publiée par le Conseil constitutionnel, on a pu constater qu’il n’avait recueilli que 537 signatures. À trente-sept signatures près, il n’aurait donc pu être candidat !

Est-ce cela la démocratie ? Est-ce normal qu’un candidat qui a vocation à être deuxième au premier tour…

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. « Vocation à être deuxième… » Vous en êtes sûr ?

M. Jean Louis Masson. …puisse faillir être empêché d’être candidat ? Pour ma part, je pense que c’est absolument anormal et, d’après les sondages qui viennent d’être publiés, il semble que 70 % des Français pensent la même chose !

Un sénateur du groupe socialiste. Ah bon ?

M. Jean Louis Masson. J’estime donc qu’il faut, d’une part, rétablir le principe du secret des parrainages afin d’éviter toute pression ou représailles sur des parrains potentiels et, d’autre part, prévoir à titre alternatif que tout parti peut présenter un candidat s’il a obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés lors des précédentes élections législatives.

Par ailleurs, des sanctions pénales sont prévues à l’encontre des personnes qui exercent des pressions sur les électeurs afin de dénaturer l’expression du suffrage universel. La moindre des choses serait que de telles sanctions s’appliquent aussi à l’encontre de ceux qui, par des pressions ou des représailles, essayent d’empêcher le parrainage de tel ou tel candidat. Là aussi, c’est la sincérité du suffrage universel qui est en jeu.

Si je présente une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, mes chers collègues, c’est parce que nous avons l’occasion de sortir du statu quo avec le projet de loi organique qui nous est soumis.

Celui-ci modifie l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962, mais les modifications proposées sont tout à fait marginales. Il est donc regrettable que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée sur ce texte, tout en faisant semblant d’ignorer le vrai problème que pose cet article 3 susvisé, à savoir celui des parrainages. En effet, c’est aussi l’article 3 qui organise les parrainages pour l’élection présidentielle ; la moindre des choses était donc de réformer simultanément le système des parrainages. Malheureusement, l’UMP et le Parti socialiste s’entendent pour continuer à profiter d’un système profondément injuste et contreproductif.

Je dis donc que, oui, le Gouvernement a raison d’engager la procédure accélérée pour une réforme de l’article 3. Cependant, il n’y a aucune urgence à « bricoler » à la marge le remboursement des frais de campagne. La seule urgence légitime, c’est de modifier le système scélérat des parrainages.

Je conclus donc en rappelant les deux principes auxquels je suis attaché.

D’une part, la publication de la liste des parrainages des candidats aux élections présidentielles porte atteinte au secret d’une partie du processus électoral et, par contrecoup, à la liberté du vote : il ne sert à rien que le vote soit secret pour empêcher les pressions sur les électeurs si, dans le même temps, la publicité des parrainages permet des pressions pour écarter certaines candidatures.

D’autre part, il est totalement incohérent d’avoir des sanctions pénales dissuasives spécifiques à l’encontre des menaces ou pressions sur les électeurs si, dans le même temps, rien n’est prévu à l’encontre de ceux qui exercent des représailles ou du chantage pour empêcher d’éventuels candidats représentatifs d’obtenir leur parrainage.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité qui ressemble comme deux gouttes d'eau à celle qui a été déposée le 12 janvier dernier.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Je me suis déjà exprimé sur l’opportunité d’étendre le champ de ce projet de loi organique. Il s’agit d’appliquer à l’élection présidentielle les dispositions actuellement en vigueur pour les autres échéances électorales. À trois mois de l’élection présidentielle, il ne paraît pas souhaitable d’adopter des changements structurels qui portent à la fois sur les conditions de désignation qui prévalent pour être candidat et sur les conditions de financement. Par conséquent, ce texte se limite à modifier le taux de remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle pour l’aligner sur celui que fixe la loi de finances pour 2012.

Monsieur Masson, le sujet que vous abordez comme les thèmes qui ont été évoqués par M. le rapporteur méritent débat. Pour autant, il ne semble pas possible de changer de façon aussi fondamentale les conditions actuellement en vigueur à quelques semaines d’échéances électorales importantes. C'est la raison pour laquelle je ne puis recevoir les arguments que vous avancez ; le contexte ne le permet pas.

Par ailleurs, ce projet de loi organique, qu’il s’agisse de la rédaction issue des travaux de la commission des lois ou de la version initialement présentée par le Gouvernement, se réduit à des ajustements financiers et ne fait que modifier à la marge les conditions de remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle. Par conséquent, rien ne justifie cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette motion. Il en sera de même pour les deux motions suivantes.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 13, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi organique.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 95 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l’adoption 1
Contre 339

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle
Demande de renvoi à la commission (début)

M. le président. Je suis saisi, par M. Masson, d'une motion n°14.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, relatif au remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle (n° 305, 2011-2012).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la motion.