M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La loi organique ne prive pas le Parlement de ses prérogatives : nous continuerons à voter les projets de loi de finances dans les mêmes conditions.

Reste que nous devrons respecter nos engagements européens en matière de finances publiques : le TSCG ayant été ratifié, il faut le transposer en droit interne. Or, si l’on ne profite pas du présent projet de loi pour procéder à cette transposition, il faudra un autre projet de loi organique. Ce ne serait donc que partie remise.

Comme nous l’avons vu lors de l’examen du projet de loi autorisant la ratification du TSCG, la règle du solde structurel n’est pas procyclique. Il n’est donc pas aberrant de s’en doter au moment où nous avons besoin de sortir de la crise. En outre, le texte prévoit désormais l’association du Parlement à la procédure mise en œuvre en cas de circonstances exceptionnelles. Par cet apport, le Sénat a justement veillé à renforcer le rôle du Parlement.

S’agissant des collectivités locales, elles ne sont pas privées de leur liberté par les règles que nous élaborons. Il est vrai que nos engagements européens portent sur l’ensemble des administrations publiques, et donc aussi sur les collectivités locales, mais ce n’est pas nouveau. Depuis le pacte de stabilité, les collectivités sont déjà prises en considération dans l’appréciation globale des comptes.

Enfin, contrairement à ce que vient d’indiquer M. Bocquet, le Haut Conseil des finances publiques ne sera pas un aréopage de sages. Comme je l’ai précisé en présentant mon rapport, ce sera un organisme technique, qui ne devra émettre que des avis strictement délimités et prévus par la loi organique.

Pour toutes ces raisons, la commission vous invite, mes chers collègues, à rejeter la motion tendant à opposer la question préalable.

M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget. Si nous pouvons avoir des désaccords, évitons au moins les malentendus : le Haut Conseil des finances publiques n’est pas l’équivalent, pour les lois de finances, de ce qu’est le Conseil constitutionnel pour les autres lois.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Conseil constitutionnel prend des décisions qui s’imposent au Gouvernement et au Parlement, alors que le Haut Conseil ne rendra que des avis qui ne contraindront en rien le Gouvernement dans ses choix et qui ne pourront imposer au Parlement de voter telle ou telle disposition ou d’écarter telle ou telle mesure.

Le parallèle entre le Conseil constitutionnel et le Haut Conseil des finances publiques me paraît donc abusif, au regard des articles du projet de loi organique qui créent cette instance, en précisent le rôle et en déterminent le fonctionnement.

Enfin, si le Gouvernement a choisi la procédure de la loi organique plutôt que l’inscription dans le texte fondamental, c’est pour une raison de fond : le respect de la souveraineté nationale, c’est-à-dire la liberté du pouvoir exécutif et la souveraineté du Parlement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère avoir levé le malentendu et, par là même, permis que le Sénat ne vote pas la motion tendant à opposer la question préalable.

Mme Éliane Assassi. Le malentendu n’est pas levé !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je voterai contre cette motion, pour deux raisons.

Premièrement, nombre d’amendements ont été déposés, et plusieurs d’entre eux nous permettront de clarifier des points importants, à condition toutefois que nous puissions les examiner… Surtout, outre la frustration qu’elle risquerait de faire naître chez les auteurs de ces amendements, l’adoption de la motion ne permettrait pas à notre assemblée législative d’aller au bout de ses responsabilités.

Deuxièmement – que M. le ministre me pardonne cette petite malice –, l’examen du texte nous permettra de mieux comprendre comment le Gouvernement parvient à gérer une ambiguïté sur le sujet, selon qu’il cherche à ne pas froisser certaines composantes de sa majorité ou qu’il s’adresse à nos partenaires européens. L’adoption de la motion nous priverait du plaisir d’entendre le ministre exercer son talent, ce qui serait vraiment cruel. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, pour explication de vote.

M. Alain Bertrand. Nous allons très majoritairement voter contre la motion tendant à opposer la question préalable, mais pratiquement pour les mêmes raisons qui ont conduit M. Bocquet, Mme Beaufils et M. Foucaud à présenter cette motion.

En effet, nous sommes soucieux de la relance, de la croissance ; nous voulons répondre aux citoyens sur les questions d’emploi, de bas salaires. Si nous parvenons, en prévoyant et en organisant les dépenses, à mieux maîtriser les finances publiques, nous accroîtrons pour notre pays les chances de rebond, de relance et donc de création d’emplois.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. Le groupe écologiste votera également contre cette motion.

L’objectif d’une question préalable est de refuser de délibérer d’un texte dans sa globalité, avant même que le débat n’ait lieu sur les détails et que ne soient votés les amendements visant à le modifier. Or, comme l’a signalé le président de la commission des finances, le grand nombre d’amendements qui ont été déposés méritent d’être examinés, notamment pour améliorer le projet de loi organique et le fonctionnement des institutions qui seront mises en place.

Que ferons-nous si le projet de loi organique n’est pas adopté ? Nous devrons soit examiner une autre loi, qui, peu ou prou, comportera les mêmes exigences et aura les mêmes aspects, soit procéder directement à une révision constitutionnelle, ce qui, je crois, n’est pas dans l’intention des auteurs de cette motion. En outre, en l’absence de loi, nous serons condamnés par la Cour de justice de l’Union européenne à des sommes considérables pour non-transposition dans le droit français.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Exactement !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est plein de bon sens !

Mme Éliane Assassi. Vous ne trouvez pas, quand même, qu’il y a un problème de cohérence ?

M. André Gattolin. Le débat sur le TSCG a eu lieu. Au sein de mon groupe, certains ont voté pour, d’autres ont voté contre. Aujourd’hui, travaillons sur la suite et faisons de notre mieux pour que la loi organique soit la plus juste et la plus équilibrée possible. C’est pourquoi nous ferons des propositions pour améliorer la représentativité et surtout le pluralisme du Haut Conseil.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?….

Je mets aux voix la motion n° 75, tendant à opposer la question préalable, dont l’adoption entraînerait le rejet du projet de loi organique.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 11 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 344
Majorité absolue des suffrages exprimés 173
Pour l’adoption 22
Contre 322

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

La motion tendant à opposer la question préalable ayant été repoussée, nous passons à la discussion des articles.

Chapitre Ier

DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

Article 1er

(Non modifié)

Dans le respect de l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques prévu à l’article 34 de la Constitution, la loi de programmation des finances publiques fixe l’objectif à moyen terme des administrations publiques mentionné à l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé le 2 mars 2012, à Bruxelles.

Elle détermine, en vue de la réalisation de cet objectif à moyen terme et conformément aux stipulations du traité mentionné au premier alinéa, les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels successifs des comptes des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale, avec l’indication des calculs permettant le passage des uns aux autres, ainsi que l’évolution de la dette publique. Le solde structurel est le solde corrigé des variations conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires.

La loi de programmation des finances publiques détermine l’effort structurel au titre de chacun des exercices de la période de programmation. L’effort structurel est défini comme l’incidence des mesures nouvelles sur les recettes et la contribution des dépenses à l’évolution du solde structurel.

La loi de programmation des finances publiques présente la décomposition des soldes effectifs annuels par sous-secteur des administrations publiques.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l’article.

M. Pierre-Yves Collombat. Comme l’on s’en doutait et comme l’énonce clairement son article 1er, ce projet de loi organique est la suite du TSCG, déjà ratifié. Je ne l’ai pas voté, et ce ne sont pas les derniers chiffres du chômage, ni les dernières prévisions en matière de croissance, ni les nouvelles qui nous parviennent de Grèce, d’Espagne ou d’Italie qui risquent de me faire changer d’avis.

Un autre aspect, que ce texte implique, ne risque pas non plus de me faire changer d’avis, je veux parler de l’extension des restrictions budgétaires aux collectivités locales, dont personne n’ignore le rôle essentiel en matière d’investissement public. Quand le BTP se mettra à licencier massivement, vous viendrez expliquer que seules les entreprises capables d’exporter, les entreprises compétitives, méritent de vivre !

« There is no alternative », disaient Mme Thatcher et son héritier Tony Blair. « Il n’y a aucune solution de remplacement crédible, aucun plan B », lui répondent en écho libéraux de droite et de gauche de cette assemblée, « sauf à sortir de l’euro », ce qui serait, nous dit-on, une aventure incertaine…

L’euro est-il viable ? Selon l’entomologiste Mario Draghi, l’euro est un mystère de la nature. Comme le bourdon, il n’aurait pas dû voler. Pourtant, « il a volé plusieurs années ». Ayant aujourd’hui cessé de voler, la seule solution, selon le patron de la Banque centrale européenne, est de lui faire passer son « brevet d’abeille », c’est-à-dire d’aller évidemment vers une Europe beaucoup plus intégrée politiquement qu’elle ne l’est aujourd’hui. Le malheur, c’est que, l’heure venue de franchir le pas, les peuples refuseront d’échanger une zone euro libérale sous influence allemande avec scrupules contre une Europe libérale sous influence allemande sans scrupules, ou non contrainte d’en avoir. On réalisera alors que les demi-mesures dont on s’est contenté depuis 2007 n’étaient pas simplement insuffisantes : elles avaient rendu le mal incurable.

Au cours du débat sur le TSCG, j’ai entendu dire que la rigueur budgétaire n’était pas incompatible avec une politique de relance. C’est évidemment faux ! Il est également faux de dire, comme j’ai pu l’entendre aussi, que les crédits du plan européen équivalent à la moitié du plan Marshall. Si, hors inflation, les 13,3 milliards de dollars injectés en 1947 dans les seize pays cibles du plan Marshall représentent effectivement, en valeur absolue, un peu plus de 100 milliards de dollars aujourd’hui, les remèdes actuels, proportionnellement aux économies visées, n’ont strictement rien à voir ! Les 2,7 milliards de dollars reçus par la France entre 1948 et 1952 représentaient 13,5 % de son PNB de 1950. Notre pays, dans l’hypothèse la meilleure, recevra du plan de relance européen de 20 à 22 milliards d’euros, soit 1,2 % de son PIB de 2011, c’est-à-dire 11,25 fois moins.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et encore, vous êtes généreux !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est ma nature… (Sourires.)

Toutefois, comme je ne suis pas aussi généreux que je voudrais le laisser croire, je m’aperçois, quand je regarde de plus près, que, hors les fonds de tiroirs recyclés, soit à peu près la moitié des sommes, la relance n’est plus que de 0,6 % du PIB, soit 22,5 fois moins que le plan Marshall. On s’aperçoit aussi que 89 % des crédits Marshall étaient constitués de dons, ce qui ne sera pas le cas des prêts de la Banque européenne d’investissement. L’attitude des Américains d’alors équivaudrait au reversement par l’Allemagne de ses excédents intra-européens aux pays européens déficitaires – c’est une idée à soumettre à Mme Merkel ! –, le déséquilibre des échanges internes à la zone euro étant le cœur du problème, comme l’a rappelé cet après-midi Jean-Pierre Chevènement.

Le plan de relance européen est une feuille de vigne. Un plan de relance sérieux, c’est autre chose ! Pour vous donner une idée, l’ARRA, l’American Recovery and Reinvestment Act, initié par Barack Obama dès son arrivée au pouvoir, portait sur 5,7 % du PIB des États-Unis. Il intervenait après un plan Bush représentant 1 % du PIB et avant l’American Jobs Act, bloqué par le Congrès républicain et correspondant à un peu plus de 3 % du PIB du pays.

« […] les chiffres du chômage seront mauvais encore pendant plusieurs mois » – pronostiquait il y a quelques jours Michel Sapin – « le temps que notre politique fasse son effet, si elle doit faire son effet positif ». On sent comme un doute ! C’est d’ailleurs un doute que je partage bien plus que votre optimisme, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur les vertus de cette purge organique.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l’article.

Mme Marie-France Beaufils. L’article 1er possède deux caractéristiques principales, notamment celle de lier étroitement la loi organique dont nous débattons à la mise en œuvre du traité de mars 2012, le premier alinéa étant explicite de ce point de vue puisqu’il fait de la loi organique l’outil qui permettra d’atteindre l’objectif à moyen terme défini par l’article 3 dudit traité.

Bien évidemment, nous ne pouvons que rappeler ici les principales données composant cet article pivot du traité budgétaire, qui porte notamment sur la situation générale des comptes publics des pays de la zone euro – qui doivent être en excédent ou en équilibre –, la définition de l’équilibre structurel et les politiques à mener pour y parvenir.

Sur le fond, mes chers collègues, sauf répétition de la crise financière de 2008, qui a emporté dans le gouffre de la faillite Lehman Brothers et a failli emporter la Société générale ou le Crédit agricole, nous serions donc tenus, dans les années à venir, de respecter un principe d’équilibre de nos comptes publics défini à partir d’un objet nouveau, à savoir le solde structurel de nos comptes publics.

Question immédiate, que soulèvent d’ailleurs les deux autres amendements déposés par nos collègues sur cet article : qu’est-ce que le solde structurel ? Or voilà qu’on nous en offre une définition limpide, du moins en apparence : le solde structurel, nous apprend-on au onzième alinéa de l’article 3 du TSCG, est le solde annuel des administrations publiques corrigé des variations conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires. Pourtant, nous avons compris, au moment de sa présentation en commission des finances, que ce solde était en réalité beaucoup plus complexe à calculer. De fait, il se définit par défaut, puisqu’il s’agit de la résultante d’une opération consistant à retrancher tel ou tel élément d’un tout appréciable d’un point de vue comptable, à savoir le solde général des comptes publics.

Nous pourrions donc imaginer ne voter que des mesures ponctuelles et temporaires, pour faire en sorte que leur imputation ne détériore pas profondément notre supposé « solde structurel »… Plus sérieusement, que prévoit cet article 1er, sinon que la politique économique et budgétaire qui sera menée dans les années à venir, les choix qui seront faits pour notre système de protection sociale, les missions que devront accomplir les collectivités territoriales seront fondés sur un objet, le solde structurel, sur lequel personne n’est d’accord. M. le rapporteur général nous a d’ailleurs précisé que les spécialistes de la Commission européenne sont en pleine phase de réflexion pour donner corps à ce qu’il conviendra d’appeler le « solde structurel ».

Ainsi la Commission européenne entend-elle poser une sorte de « modèle » valable pour les vingt-cinq pays européens et asseoir les objectifs assignés à chacun en fonction de ce modèle. De nombreux aspects différencient pourtant les économies des pays de l’euro. La Belgique et la Grèce, par exemple, n’ont rien de comparable, que ce soit en termes de territoire ou de politique menée.

Nous pouvons donc considérer qu’il sera difficile à la Commission européenne de parvenir à une définition acceptable par tous du « solde structurel », puisque celui-ci renvoie immanquablement à la fois à la qualité de l’appareil statistique national de chaque pays de la zone euro et à la notion, parfaitement discutable, de « PIB potentiel » et, par voie de conséquence, d’écarts de PIB.

On peut d’ailleurs douter de la fiabilité absolue des calculs quand on se souvient, notamment, qu’un produit chinois arrivé par conteneur sur les quais du port de Hambourg n’est pas un produit chinois quand il passe la frontière française pour être vendu chez nous, mais devient, par la grâce de la Deutsche Statistik, un produit allemand.

En tout état de cause, on ne peut pas définir le solde structurel par défaut, comme nous y invitent, faute de mieux, la Commission européenne et le texte du TSCG. Et on ne peut pas définir une politique budgétaire sur une donnée aussi discutable et discutée ! D’ailleurs, si nous nous demandions quel potentiel de croissance n’est pas utilisé chez nous, nous penserions à celui qui réside dans les mains et les têtes des cinq millions de chômeurs à temps plein ou à temps partiel que compte notre pays. Il vaut largement ce que nous aurions perdu à voir s’exiler quelques « pigeons », patrons de start-up revendues dès que les limites de leur rentabilité sont atteintes.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous ne voterons pas l’article 1er de ce texte.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 21, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La loi de programmation des finances publiques participe de l’objectif d’équilibre prévu à l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Comme nous l’avons indiqué au cours de la discussion générale, il n’est pas nécessairement stupide ou malvenu d’estimer nécessaire la promulgation d’une loi organique à partir de laquelle nous serions amenés à discuter de lois de programmation des finances publiques.

Il existe une première bonne raison motivant un tel choix : il s’agit, tout simplement, de l’expérience. Comme le rappelle en effet le rapport de la commission, les précédentes lois de programmation ont été aussi vite battues en brèche par les faits qu’elles ont été votées par les majorités parlementaires d’alors.

Lors de la discussion de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, dont nous avons vu qu’elle s’était en quelque sorte « perdue dans les sables » de la crise, mon ami et collègue Thierry Foucaud avait motivé le vote négatif de notre groupe en indiquant ceci : « Et nous devrons, si l’on suit ce texte à la lettre, discuter demain des mesures d’austérité complémentaires nécessaires à l’atteinte des objectifs fixés. Nous l’avions vu en 1994 avec la loi d’orientation, nous le verrons demain avec cette loi de programmation. Tout cela parce qu’il faut changer de logique économique et politique et que, selon nous, vous n’y êtes pas encore prêts. En l’attente, nous ne voterons évidemment pas ce projet de loi. »

Il ne me semble guère nécessaire d’ajouter quoi que ce soit à ce discours prononcé le 6 novembre 2008 tant les observations qu’il contenait demeurent pleinement justifiées aujourd’hui.

La seconde raison qui nous motive est le fait de penser que les lois de programmation doivent consister à viser un objectif simple et directement perceptible : celui de l’équilibre des comptes publics tel qu’il résulte de l’article 34, un équilibre qui se fonde sur l’affectation des ressources budgétaires et extrabudgétaires nécessaires pour répondre aux nécessités posées par la réponse aux besoins collectifs de la nation et de ses habitants.

Cet équilibre, selon nous, doit se fonder non pas sur l’hypothétique définition d’un solde structurel plus ou moins élevé selon qu’on sera pétri ou non de théorie keynésienne, économiste convaincu du bien-fondé de la main invisible du marché, penseur sourcilleux acquis aux thèses monétaristes ou persuadé des apports de l’école de la régulation, mais bel et bien sur la réponse aux besoins collectifs.

Pour rétablir nos comptes publics, il faut inciter à une allocation de l’argent vers l’emploi, l’activité, les salaires, l’innovation et la formation, et il convient aussi de donner sens à l’effort collectif de satisfaction des besoins.

Vous voulez une formule magique de redressement des comptes publics ? Nous en avons peut-être une : celle des trois B, pour des travailleurs « bien formés, bien payés, bien soignés ».

Nous devons tout faire pour l’éducation et la formation initiale et permanente – le gisement de matière grise des Françaises et des Français est sans doute plus inépuisable que n’importe quel gisement de gaz de schiste encore inexploré –, et nous ne faisons pas assez !

Nous devons tout faire pour que le pouvoir d’achat des salariés soit réellement relevé. De ce point de vue, quand l’État n’augmente pas lui-même la rémunération de ses propres agents, nous ne sommes pas loin du faux départ !

Nous devons également améliorer le niveau de couverture sanitaire de la population. Trop de nos compatriotes renoncent aujourd’hui à se soigner, et c’est là un obstacle de plus pour la société en général. A-t-on jamais pensé au fait que, pour les États-Unis, l’absence d’une véritable couverture maladie universelle a constitué un obstacle à la croissance économique de ce grand pays ?

Elle doit être là, la voie de l’équilibre de nos comptes, pas ailleurs, et certainement pas dans un choc de compétitivité qui consisterait à conforter la rentabilité du capital au nom des risques de la concurrence internationale. Elle doit donc être affirmée comme valeur tutélaire et finalité de nos lois de programmation. Rien de plus, rien de moins ! Voilà tout le sens de cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 46, présenté par MM. Placé, Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Après les mots :

des calculs

insérer les mots :

et des hypothèses

La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Cet amendement vise à compléter l’article 1er, en spécifiant que la loi organique indique non seulement les calculs, mais encore les hypothèses à partir desquelles est déterminé le solde structurel.

Il s’agit de rappeler, comme le fait le rapporteur général à la page 62 de son rapport, que ce solde n’est pas une variable économique totalement objectivable et que sa détermination nécessite non pas seulement des calculs, mais bel et bien des hypothèses.

À l’article 1er, il est question du contenu de la loi de programmation, cependant que l’article 5 fait référence au contenu du rapport annexé à la loi de programmation. On pourrait très bien convenir que la loi fasse mention uniquement des soldes annuels et que les éléments ayant servi à déterminer ces soldes soient renvoyés au rapport annexé. Mais l’article 1er introduit dans la loi elle-même les « calculs » censés permettre d’établir le solde structurel. Nous considérons que c’est une erreur : le solde structurel nécessite non seulement des calculs, mais aussi des hypothèses, notamment sur le PIB potentiel et sur la réactivité des recettes et des dépenses à la croissance.

Aussi convient-il de mentionner les deux ou de n’en mentionner aucun. Le contraire serait une imposture intellectuelle qui donnerait, dans une loi organique, une importante dimension juridique à un concept variable, tout en laissant accroire qu’il est défini de manière déterministe. Ce n’est pas affaiblir la loi que d’être précis sur la portée des concepts auxquels elle recourt, bien au contraire.

M. le président. L’amendement n° 55, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 3, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et chaque fois que les informations seront disponibles, la décomposition en recettes, dépenses et soldes

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Les mouvements d’une année sur l’autre, tant en recettes qu’en dépenses, entre les différents sous-secteurs rendent nécessaire, au moins en exécution, une vue précise qui ne se limite pas aux soldes, mais qui englobe aussi les évolutions respectives des recettes et des dépenses, sauf à ignorer l’évolution des composantes de celles-ci.

J’ai bien noté que l’article 5 bis, introduit par l’Assemblée nationale, prévoit des dispositions de même nature – on peut donc penser que ma proposition n’est pas totalement stupide (Sourires.) –, mais cela n’exclut pas la nécessité d’inscrire dès l’article 1er, qui pose les principes, combien la décomposition des soldes en recettes et en dépenses constitue un élément déterminant de l’information permettant au Parlement de donner un consentement éclairé, lequel, vous le savez, est au cœur de notre démocratie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 21. Il se trouve que nous avons ratifié un traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance qui nous oblige à inscrire dans notre droit interne un objectif de moyen terme et une trajectoire de solde structurel, ce à quoi tend précisément l’article 1er. Aussi, si la rédaction proposée par le groupe CRC, qui vise à alléger le contenu des lois organiques, était retenue, nous serions alors en contradiction avec ce que nous avons voté.

L’amendement n° 46 vise à préciser le contenu des lois de programmation. De fait, pour réaliser des calculs, il est nécessaire de connaître les hypothèses. MM. Placé et Gattolin souhaitent qu’il ne puisse y avoir aucune ambiguïté sur les conditions dans lesquelles sera établie la trajectoire de solde structurel. Cela va dans le sens des préoccupations de la commission des finances, laquelle a donc émis un avis favorable.

Par l’amendement n° 55, Mme Goulet souhaite que la présentation de la trajectoire d’effort structurel précise la décomposition de l’effort « entre dépenses, recettes et soldes ». Je pense que M. le ministre ne manquera pas de lui indiquer que la loi de programmation ou son rapport annexé apportera ces précisions. Auquel cas, je l’inviterais à retirer son amendement.