M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.

Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les quatre premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 213 est présenté par Mme Schillinger, MM. Ries et Delebarre, Mme Génisson, M. Kerdraon, Mmes Printz et Meunier, MM. J.C. Leroy, Carvounas, Vandierendonck, D. Bailly et Percheron, Mmes Bataille, Duriez, Claireaux et les membres du groupe socialiste et apparentés.

L'amendement n° 256 rectifié est présenté par MM. Reichardt, Bockel et Grignon, Mme Keller, MM. Legendre et Lorrain, Mmes Sittler, Troendle et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 304 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 364 rectifié bis est présenté par MM. Husson, Bernard-Reymond, Masson et Türk.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Remplacer le montant :

50 €

par le montant :

200 €

La parole est à Mme Catherine Génisson, pour présenter l'amendement n° 213.

Mme Catherine Génisson. Nous avons déjà eu l’occasion de débattre longuement de la nécessité de défendre la santé des jeunes, en particulier en évoquant la question des boissons alcoolisées. Nous abordons maintenant le sujet des boissons énergisantes.

Compte tenu des risques qu'elles pouvaient présenter pour la santé, les boissons contenant de la taurine n’ont été autorisées que très récemment en France. Nous savons qu’elles sont majoritairement consommées par les jeunes et qu’elles ne sont pas consommées seules : elles sont en général associées à d'autres produits et peuvent avoir des effets tout à fait délétères.

L'Assemblée nationale a souhaité taxer fortement ces boissons : le taux de la contribution est fixé à 50 euros par hectolitre. Eu égard aux enjeux de santé publique, il est important de se montrer particulièrement dissuasif vis-à-vis de la consommation de ces boissons. Dès lors, nous proposons de faire passer ce tarif à 200 euros l’hectolitre.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour présenter l'amendement n° 256 rectifié.

M. André Reichardt. Dans le prolongement de l’article 23 augmentant les droits sur la bière, l’article 23 bis prévoit de mettre en place une taxe spécifique sur les boissons énergisantes contenant un seuil minimal de 220 milligrammes de caféine pour 1 000 millilitres ou un seuil minimal de 420 milligrammes de taurine pour 1 000 millilitres.

Compte tenu du sort qu’ont connu tout à l'heure nos amendements tendant à réduire les droits d'accises sur la bière, je me suis interrogé sur l'opportunité de maintenir cet amendement… Si j'ai décidé de le défendre malgré tout, c’est parce que ma collègue Corinne Bouchoux et moi-même avons été rapporteurs de la mission d’information sur l'hyperalcoolisation des jeunes et que je n'oublie pas ce que m'ont dit à cette occasion un certain nombre de représentants d'associations de jeunes.

À n'en pas douter, les boissons énergisantes favorisent ces phénomènes d'hyperalcoolisation. Le plus souvent, les jeunes mélangent à de l'alcool fort – je ne reviens pas sur la vodka, surtout après ce qui m'a été répondu – ces produits qui en masquent le goût et, selon les termes mêmes de nos interlocuteurs, « font tenir plus longtemps ». Bien entendu, cela pousse les jeunes à consommer davantage d'alcool, pour « s'écrouler encore plus rapidement ». Ils traduisent d’ailleurs binge drinking par « biture express ».

Il est nécessaire et presque de salubrité publique de se saisir de ce problème.

Depuis la mi-2008, la surveillance des boissons énergisantes par l'Institut de veille sanitaire, l’InVS, devenu depuis l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l'ANSES, a permis de signaler trente cas d'ordre cardiologique, dont deux cas mortels récents, des crises d'épilepsie ou psychiatriques, faisant souvent suite à une consommation d'alcool éminemment « boostée », toujours selon le terme employé par ces jeunes.

Environ 40 millions de litres de ces boissons énergisantes sont consommés chaque année dans notre pays et leur taxation est actuellement similaire à celle d'un soda. Que vont alors dire nos éminents collègues qui veulent déjà taxer les sodas ?

Face à cet enjeu de santé publique, il convient de taxer ces boissons énergisantes. C’est pourquoi je m'inscris dans la droite ligne de ce qui a été dit à l'instant par Mme Archimbaud et propose également d’augmenter la contribution spécifique sur les boissons énergisantes en la faisant passer de 50 euros à 200 euros par hectolitre, nonobstant le peu de succès que mon amendement sur la bière a pu rencontrer tout à l'heure.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 304 rectifié.

M. Jacques Mézard. Je défendrai simultanément les amendements nos 304 rectifié et 311 rectifié.

Je rappelle que, sur l'initiative de nos collègues députés Gérard Bapt et Jean-Marc Germain, l'Assemblée nationale a institué, avec l’avis favorable du Gouvernement, une contribution sur les boissons énergisantes.

Mme Bachelot s'était opposée à la commercialisation de ce type de boissons, qui contiennent notamment une forte concentration de taurine.

Mme Nathalie Goulet. Elle avait raison !

M. Jacques Mézard. Malheureusement, elle a dû se plier à l’autorisation de mise sur le marché délivrée au niveau européen. Ces boissons ont donc pu être commercialisées malgré la résistance – justifiée, selon nous – de la France.

Leur consommation progresse fortement, avec une augmentation de 16 % l’année dernière. Le mouvement tend même à s’accélérer. Ce sont non pas 40 millions de litres, comme cela vient d’être dit, mais 65 millions de litres qui sont consommés en France chaque année. Il s’agit pour l’essentiel de boissons de la marque Red Bull.

Or ces boissons énergisantes, qui contiennent une forte proportion de taurine, à laquelle s’ajoute parfois de la caféine, ont été mises sous surveillance par nos agences de sécurité sanitaire depuis qu’un lien de causalité a été établi entre leur consommation et plusieurs accidents arrivés à des jeunes ayant mélangé ces breuvages avec des boissons alcoolisées dans le cadre de soirées très arrosées. Cela vient d’être rappelé, il a pu s’agir d’accidents graves, parfois mortels.

Nous approuvons la démarche de nos collègues de l’Assemblée nationale. Pour une fois, on peut dire que santé rime réellement avec taxation ! La consommation de ces boissons énergisantes fait courir un risque suffisant pour qu’une alerte soit lancée et qu’une politique de dissuasion soit engagée par le biais de la taxation.

Nous proposons donc, comme les auteurs des deux précédents amendements, un tarif de 200 euros par hectolitre ; c’est d'ailleurs ce tarif qu’avait retenu M. Bapt dans la première version de son amendement.

L’amendement n° 311 rectifié est un amendement de repli : il prévoit un tarif de 100 euros par hectolitre.

Au-delà de la taxation, nous devrons évidemment nous préoccuper aussi de l’information et de l’éducation lors de l’examen du futur projet de loi de santé publique.

M. le président. L'amendement n° 364 rectifié bis, présenté par MM. Husson, Bernard-Reymond, Masson et Türk, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer le montant :

50 €

par le montant :

200 €

Cet amendement n'est pas soutenu.

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 214 est présenté par Mme Schillinger, MM. Ries et Delebarre, Mme Génisson, M. Kerdraon, Mmes Printz et Meunier, MM. J.C. Leroy, Carvounas, Vandierendonck, D. Bailly et Percheron, Mmes Bataille, Duriez, Claireaux et les membres du groupe socialiste et apparentés.

L'amendement n° 311 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Remplacer le montant :

50 €

par le montant :

100 €

La parole est à Mme Catherine Génisson, pour présenter l'amendement n° 214.

Mme Catherine Génisson. Il s'agit d’un amendement de repli, au cas où, par malheur, mon précédent amendement ne serait pas accepté.

M. le président. L'amendement n° 311 rectifié a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission sur les cinq amendements restant en discussion ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les amendements nos 213, 256 rectifié et 304 rectifié visent à fixer le taux de la nouvelle taxe sur les boissons énergisantes à 200 euros par hectolitre au lieu des 50 euros actuellement prévus. Ce dernier tarif est déjà sept fois supérieur à celui de la taxe sur les boissons sucrées et plus de soixante fois supérieur au nouveau tarif que nous avons adopté aujourd'hui pour les bières. Je ne vais pas décrire à nouveau le tableau comparatif des tarifs de taxation des différentes boissons assujetties à des droits de consommation.

La commission des affaires sociales s’est interrogée sur la nécessité de fixer un taux à ce point exorbitant pour les boissons énergisantes. Elle a décidé de demander le retrait des amendements nos 213, 256 rectifié et 304 rectifié. Elle demande également le retrait des amendements de repli nos 214 et 311 rectifié. À défaut, elle émettra un avis défavorable sur ces cinq amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Il est indéniable que la consommation de boissons énergisantes est préoccupante dans la mesure où elle a un impact sur la santé : plusieurs études permettent de présumer qu’il existe un lien de causalité entre la consommation de ce type de boisson et certains accidents de santé.

Cependant, la taxation actuelle est déjà sept ou huit fois supérieure à celle qui frappe les boissons sucrées. Vous me répondrez qu’on pourrait augmenter la taxation des boissons sucrées, mais les enjeux de santé publique ne sont pas de même nature : les boissons sucrées ne présentent pas le même danger que les boissons énergisantes. Il nous semble que la différence de taxation est déjà assez significative.

Par ailleurs, j’attire votre attention sur le fait qu’une taxation plus forte pourrait exposer la France à un contentieux communautaire.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces cinq amendements.

M. le président. Madame Génisson, les amendements nos 213 et 214 sont-ils maintenus ?

Mme Catherine Génisson. Non, je les retire, monsieur le président.

Mme la ministre a annoncé qu’elle préparait un projet de loi de santé publique. Il faudra que, lors de son examen, nous revenions sur le problème des boissons énergisantes car, comme cela a été souligné par plusieurs d’entre nous, il existe un lien de causalité entre une consommation importante de ces boissons et certains accidents assez graves. Nous devrons donc réexaminer le sujet au regard des enjeux de santé publique.

M. le président. Les amendements nos 213 et 214 sont retirés.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 256 rectifié et 304 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte les amendements.)

M. le président. En conséquence, l’amendement no 311 rectifié n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 23 bis, modifié.

(L'article 23 bis est adopté.)

Article 23 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2013
Article 24

Articles additionnels après l'article 23 bis (suite)

M. le président. L'amendement n° 346, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 23 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au II de l’article 1613 bis du code général des impôts, le montant : « 11 euros » est remplacé par le montant : « 22 euros ».

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Apparus en Grande-Bretagne en 1995, les alcopops, plus connus en France sous le nom de « prémix », se sont largement répandus chez nous. Ces prémix sont des boissons issues du mélange d’une boisson alcoolisée et d’une boisson non alcoolisée, un soda le plus souvent. Il s’agit donc bien de boissons alcoolisées, mais dont le fort goût en alcool est masqué par des ajouts de sucre et d’arômes.

Ces nouveaux produits, à base de vodka, de rhum ou de whisky, très prisés par les jeunes lors de leurs soirées, ont un impact doublement négatif pour la santé : d’une part, le mélange d’alcool fort et d’un soft drink donne l’impression d’une boisson peu, voire non alcoolisée, ce qui pousse à la consommation à outrance ; d'autre part, les prémix sont généralement composés de boissons présentant un taux de sucre élevé et constituent donc un cocktail hautement néfaste pour la santé – ils sont notamment facteur d’obésité.

En outre, les prémix bénéficient le plus souvent d’un emballage accrocheur, séduisant, évoquant la fête, et d’un prix de vente très attractif. Il est clair que la stratégie marketing est directement centrée sur les adolescents et les jeunes adultes.

Or la consommation d’alcool chez les jeunes est une réalité qu’il est impératif de prévenir, cela a déjà été amplement souligné. En 2002, 19 % des garçons français de 17 à 19 ans étaient des buveurs réguliers. L’alcool est la première cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 30 ans ; il provoque des accidents de la route, des suicides, des bagarres et autres violences, des rapports sexuels non protégés, etc.

On sait par ailleurs que la mise sur le marché de boissons à forte teneur en alcool se faisant passer pour des limonades peut freiner les actions de lutte contre l’alcool, notamment en accoutumant les plus jeunes à l’ivresse.

Cet amendement vise donc à doubler le montant de la taxe qui frappe les boissons titrant plus de 1,2 % de volume d’alcool mais résultant d’un mélange préalable de boissons alcooliques et de boissons ayant un titre alcoométrique n’excédant pas 1,2 % en volume. Le montant de cette taxe « prémix », actuellement perçue au tarif de 11 euros par décilitre d’alcool pur et due par les fabricants nationaux, les importateurs et les personnes qui procèdent à l’acquisition intracommunautaire des boissons concernées, serait donc porté à 22 euros, dans un souci de santé publique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le présent amendement vise à doubler les droits sur les prémix. Le taux de la taxe a été fixé au niveau actuel par la loi du 30 décembre 2009. Ce taux est donc applicable depuis bientôt trois ans. C’est à cette aune que l’on peut se demander si un doublement est opportun ou non. Après réflexion, la commission a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Archimbaud, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.

En effet, les prémix n’existent plus vraiment aujourd'hui. L’instauration d’une taxe d’un niveau d’emblée très élevé a permis de faire diminuer fortement la consommation de ces boissons. J’en veux pour preuve que le rendement de la taxe n’est plus que de quelques centaines de milliers d’euros. Autrement dit, les prémix sont en voie d’extinction, la consommation des jeunes se reportant vers d’autres types de produits, qui ne sont d'ailleurs pas plus recommandables.

Madame Archimbaud, nous avons déjà eu cette discussion à l’Assemblée nationale avec les députés membres de votre parti. Nous sommes d'accord pour dire que les prémix sont des boissons qu’on ne peut pas considérer comme saines, mais il se trouve qu’ils sont en voie de disparition sur le marché français. C'est la raison pour laquelle la mesure que vous proposez n’a pas de sens à nos yeux, y compris sur le plan financier.

M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 346 est-il maintenu ?

Mme Aline Archimbaud. Je ferai trois remarques.

Tout d'abord, je suis heureuse d’apprendre qu’une taxe peut être utile et avoir des effets très heureux. Cet argument renforce le bien-fondé de nos propositions tendant à taxer certains produits.

Ensuite, je n’oppose pas du tout la perspective d’une grande loi de santé publique en 2013, dont je me réjouis parce qu’elle est génératrice d’espoir pour notre pays, et les amendements que nous avons déposés sur ce PLFSS. Rien n’empêche d’adopter ces amendements en attendant le vote de cette grande loi, qui, de toute façon, n’entrera pas en vigueur avant un certain temps.

L’adoption de nos amendements permettrait d’envoyer des signaux dès aujourd'hui ; je le dis en réponse à Mme Procaccia. On nous dit souvent qu’il est trop tôt pour traiter les enjeux de prévention en matière de santé, mais je pense au contraire qu’il faut envoyer des signaux forts, car la situation est grave.

Enfin, madame la ministre, nous n’entendons peut-être pas exactement le terme « prémix » de la même façon. Selon ce que j’observe autour de moi – je suis sénatrice de Seine-Saint-Denis, mais ce n’est certainement pas le seul territoire concerné –, les boissons que j’appelle des « prémix » font encore des ravages ; je pense notamment aux accidents de voiture dont sont victimes des jeunes. Si la taxe a permis de réduire quasiment à néant la consommation de ce que vous entendez par « prémix », tant mieux, mais, moi, je continue de constater, au moins dans mon département, les dégâts causés par la consommation de ce que je persiste à considérer comme des « prémix ».

Quoi qu'il en soit, c’est aussi notre devoir de parlementaires de lancer des alertes, d’envoyer des signaux à l’opinion publique, de pousser dans le bon sens. Je maintiens donc mon amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 346.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 341, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'article 23 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre III de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par une section ... ainsi rédigée :

« Section...

« Taxe sur l'aspartame

« Art... . I.- Il est institué une taxe spéciale sur l'aspartame, codé E951 dans la classification européenne des additifs alimentaires, effectivement destiné, en l'état ou après incorporation dans tous produits, à l'alimentation humaine.

« II. - Le taux de la taxe additionnelle est fixé par kilogramme à 30 € en 2013, 50 € en 2014, 70 € en 2015 et 90 € à partir de 2016. Ce tarif est relevé au 1er janvier de chaque année à compter du 1er janvier 2017. À cet effet, le taux de la taxe est révisé chaque année au mois de décembre, par arrêté du ministre chargé du budget publié au Journal officiel, en fonction de l'évolution prévisionnelle en moyenne annuelle pour l'année suivante des prix à la consommation de tous les ménages hors prix du tabac. Les évolutions prévisionnelles prises en compte sont celles qui figurent au rapport économique, social et financier annexé au dernier projet de loi de finances.

« III. - 1. La contribution est due à raison de l'aspartame alimentaire ou des produits alimentaires en incorporant par leurs fabricants établis en France, leurs importateurs et les personnes qui en réalisent en France des acquisitions intracommunautaires, sur toutes les quantités livrées ou incorporées à titre onéreux ou gratuit.

« 2. Sont également redevables de la contribution les personnes qui, dans le cadre de leur activité commerciale, incorporent, pour les produits destinés à l'alimentation de leurs clients, de l'aspartame.

« IV. - Pour les produits alimentaires, la taxation est effectuée selon la quantité d'aspartame entrant dans leur composition.

« V. - L'aspartame ou les produits alimentaires en incorporant exportés de France continentale et de Corse, qui font l'objet d'une livraison exonérée en vertu du I de l'article 262 ter ou d'une livraison dans un lieu situé dans un autre État membre de l'Union européenne en application de l'article 258 A, ne sont pas soumis à la taxe spéciale.

« VI. - La taxe spéciale est établie et recouvrée selon les modalités, ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires.

« Sont toutefois fixées par décret les mesures particulières et prescriptions d'ordre comptable notamment, nécessaires pour que la taxe spéciale ne frappe que l'aspartame effectivement destiné à l'alimentation humaine, pour qu'elle ne soit perçue qu'une seule fois, et pour qu'elle ne soit pas supportée en cas d'exportation, de livraison exonérée en vertu du I de l'article 262 ter ou de livraison dans un lieu situé dans un autre État membre de l'Union européenne en application de l'article 258 A.

« VII. - Le produit de cette taxe est affecté au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. »

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Présent dans des milliers de produits alimentaires de consommation courante, l’aspartame est l’édulcorant intense le plus utilisé au monde.

Dès sa découverte, dans les années soixante, aux États-Unis, des doutes sont apparus sur sa nocivité. Sa mise sur le marché par le laboratoire Searle a été d’emblée entachée de contestations importantes, des conflits d’intérêts ayant été évoqués.

En effet, l’autorisation de mise sur le marché a été délivrée en 1974, pour être brutalement retirée seulement un an après, en 1975, par la Food and Drug Administration, la FDA, qui ouvre alors une enquête pénale contre Searle pour falsification des tests de toxicité.

En 1983, l’autorisation de commercialisation est finalement rétablie par la FDA, dans des conditions opaques, avec, toujours, le soupçon de nombreux conflits d’intérêts.

M. Donald Rumsfeld, P-DG de l’entreprise en question, la vend à la compagnie Monsanto deux ans plus tard.

Il existe aujourd’hui de très fortes présomptions scientifiques que la consommation d’aspartame accroisse le risque de survenue de différents cancers. On peut citer, par exemple, l’étude italienne de l’Institut Ramazzini, centre de recherche en cancérologie.

Par ailleurs, pour les femmes enceintes, il est d’ores et déjà démontré, notamment par une étude danoise faite sur une cohorte très importante de 60 000 sujets, que les femmes enceintes consommant des boissons gazeuses contenant de l’aspartame présentent un risque accru de naissances avant terme.

L’amendement que nous proposons tend à créer une taxe additionnelle sur l’aspartame, prévue pour augmenter chaque année jusqu’en 2016. Notre objectif est d’inciter les industriels à substituer à l’aspartame d’autres édulcorants, naturels ou de synthèse, sur lesquels ne pèsent pas d’interrogations sanitaires. Il en existe aujourd’hui déjà beaucoup.

À cette fin, il convient, comme pour l’huile de palme, de lui supprimer son avantage concurrentiel, lequel repose uniquement sur le fait que le coût des problèmes de santé qu’il occasionne, par exemple celui des naissances prématurées, est externalisé et supporté en aval par la collectivité.

Les recettes générées par l’adoption de cet amendement, environ 45 millions d’euros en 2013, permettront de financer des politiques de prévention en matière de nutrition, ainsi que des études indépendantes.

M. le président. Le sous-amendement n° 388, présenté par M. Daudigny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Amendement n° 341, alinéa 6, première et deuxième phrases

Rédiger ainsi ces deux phrases :

Le taux de la taxe additionnelle est fixé par kilogramme à 30 €. Ce tarif est relevé au 1er janvier de chaque année à compter du 1er janvier 2014.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Au travers de ce sous-amendement, il est proposé une simple modification de texte pour rendre l’amendement conforme au principe d’annualité budgétaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 341 ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement tend à créer une taxe spéciale sur l’aspartame, prévue pour augmenter jusqu’en 2016. Il a été souligné que cette démarche n’est pas complètement étrangère à celle qui nous a inspirés pour l’adoption de l’amendement sur l’huile de palme.

La logique de progression annuelle des taux posait des difficultés, qui ont justifié le dépôt du sous-amendement venant d’être présenté. La commission a souhaité connaître l’avis du Gouvernement, mais son attitude est plutôt bienveillante sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 341 et le sous-amendement n° 388 ?

Mme Marisol Touraine, ministre. L’avis est défavorable sur l’amendement et sur le sous-amendement. Le Gouvernement n’entend pas procéder à la taxation des produits contenant de l’aspartame.

Les études scientifiques dont nous disposons actuellement ne sont pas convergentes. Il est absolument nécessaire que l’ANSES, pour la France, et l’agence européenne approfondissent les investigations pour déterminer exactement quel est l’impact de l’aspartame et dans quelle composition ou utilisation il peut éventuellement présenter un danger.

L’étude danoise évoquée, publiée en 2010, ne permet pas de conclure de manière définitive. C’est d’ailleurs pourquoi des travaux ont été entrepris au niveau français et au niveau européen à partir de cette dernière.

Pour notre part, il nous paraît nécessaire d’encourager la capacité des personnes à se nourrir de façon équilibrée, sans avoir à recourir à des édulcorants de synthèse. Il s’agit d’ailleurs de l’un des objectifs du programme national nutrition-santé, actuellement en vigueur, et qui devra être prolongé l’année prochaine.

Compte tenu, par ailleurs, de l’importance que représente l’utilisation de cet édulcorant, non seulement pour l’agroalimentaire, mais aussi pour des produits divers, il ne nous semble pas opportun de procéder à cette taxation. J’ajoute, reprenant un argument déjà évoqué à plusieurs reprises aujourd’hui, qu’il n’est pas satisfaisant de multiplier les recettes sur des assiettes extrêmement étroites. Il est préférable d’avoir des stratégies plus globales et plus larges.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. L’amendement nos 341 prévoit une taxation de l’aspartame au motif que sa consommation présenterait des dangers pour la santé, tandis que l’amendement n° 344 proposait un étiquetage d’avertissement sanitaire concernant la consommation de cet édulcorant par la femme enceinte.

Les éléments évoqués dans l’exposé des motifs de ces deux amendements n’ont, à ma connaissance, aucun fondement scientifique. Ce projet de taxation vise donc à instaurer une taxe de rendement sans aucune justification, qui, par ailleurs, remet en cause l’avis et les travaux en cours des autorités sanitaires, comme l’a laissé entendre Mme la ministre.

L’aspartame figure parmi les additifs alimentaires les plus étudiés scientifiquement au monde. Aujourd’hui, son innocuité est établie. Sa sécurité, comme celle des autres édulcorants, est régulièrement évaluée et reconnue par les agences sanitaires : en France, par l’ANSES ; en Europe, par l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA ; au niveau international, par le comité mixte d’experts FAO/OMS sur les additifs alimentaires.

En 2011, la sécurité de l’aspartame a été de nouveau confirmée par les autorités sanitaires française et européenne, dans le cadre d’une réévaluation de tous les additifs alimentaires. L’agence européenne, l’EFSA, poursuit aujourd’hui une réévaluation complète de l’aspartame avec publication de son avis prévue pour mai 2013.

Concernant la question spécifique de la consommation d’aspartame par les femmes enceintes, l’ANSES a récemment entrepris une revue de toutes les données disponibles sur la question et a publié, en juin 2012, une note d’étape selon laquelle « les données disponibles ne permettent pas de conclure à un effet préjudiciable des édulcorants intenses pendant la grossesse, que ce soit sur la santé de la mère, les paramètres obstétricaux, ou la santé du nouveau-né ».

Le groupe de travail de l’ANSES poursuit aujourd’hui son évaluation des bénéfices et risques nutritionnels de la consommation des édulcorants intenses par la population générale.

Par ailleurs, les liens évoqués dans l’objet de l’amendement n° 341 entre la consommation d’aspartame et l’apparition de cancers n’ont jamais été établis. Les autorités de santé ont estimé que les études qui avaient essayé d’établir un lien possible n’avaient pas de fondements scientifiques suffisants. Cette conclusion ressort d’une publication de l’EFSA de février 2011, que vous pouvez retrouver sur le site Internet de cette agence.

Le projet de taxation de cet ingrédient est aussi contradictoire avec les objectifs de santé publique en matière de lutte contre les maladies chroniques, telles que l’obésité ou le diabète.

En effet, de nombreux travaux scientifiques ont démontré que les édulcorants intenses, l’aspartame en particulier, peuvent répondre à certaines problématiques de santé actuelles en aidant les diabétiques, en limitant les apports caloriques et en contribuant à une bonne hygiène bucco-dentaire.

L’aspartame contribue à réduire les apports en sucres et en calories des produits dans lesquels il est utilisé. La prévalence du surpoids et de l’obésité en France, nous en avons déjà parlé, s’élève aujourd’hui à 46,4 % des adultes de plus de 18 ans et représente un coût annuel estimé par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, à 10 milliards d’euros pour l’assurance maladie.

En France, quelque 3 millions de diabétiques sont astreints à un contrôle alimentaire strict, limitant la consommation de produits sucrés. Pour 2,5 millions d’entre eux, les édulcorants, dont l’aspartame, sont une aide précieuse dans la gestion de leur pathologie.

L’objectif de substitution d’autres catégories d’édulcorants de synthèse à l’usage de l’aspartame ne tient pas compte des possibilités d’utilisation des édulcorants par les industriels.

Les édulcorants ont en effet des propriétés organoleptiques et technologiques spécifiques, et sont utilisés de manière différenciée en fonction de la nature des produits.

Par exemple, il est aujourd’hui impossible de proposer des boissons ou des gommes à mâcher uniquement édulcorées à la stevia qui soient acceptables, pour l’instant, par les consommateurs.

Si l’objectif visé est celui qui a été obtenu pour certains produits, c’est-à-dire une chute de la consommation, est-ce pour qu’il y ait, en parallèle, une augmentation de la consommation de cannabis ?