M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, sur l'article.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article prévoit la compensation, en 2013, des nouvelles charges résultant de la départementalisation, notamment celles du RSA, entré en vigueur le 1er janvier 2012, et dont le coût est estimé à 1 million d’euros en 2013. Il s’insère dans le processus que le Président de la République et son gouvernement ont engagé depuis plusieurs mois afin de consolider la départementalisation et respecter les engagements pris en faveur de Mayotte.

J’en veux pour preuve la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire et du salaire minimum interprofessionnel garanti, mais également l’abaissement du prix de la bouteille de gaz, le blocage des prix du carburant, la ratification de diverses ordonnances étendant et adaptant le droit applicable à Mayotte dans différents domaines, le texte sur la régulation économique, sur lequel je suis intervenu en qualité de rapporteur pour avis de la commission des lois, ou encore la prise en compte toute particulière du cas de Mayotte dans le dispositif des emplois d’avenir.

Sur ce dernier point, je regrette néanmoins que la demande que j’avais formulée lors de l’examen de ce texte, pour exclure, à titre dérogatoire, du champ d’application de cette participation minimale les collectivités de Mayotte en raison de leur situation financière très spécifique, n’ait pas été validée. En effet, comme vous le savez, mes chers collègues, les collectivités mahoraises ne disposent pas de fiscalité propre. Sans cadastre ni numérotation et dénomination des rues, la fiscalité locale au 1er janvier 2014 connaîtra des débuts plus que difficiles.

Le conseil général de Mayotte n’échappe pas à ces difficultés et accuse aujourd’hui un déficit s’élevant à 80 millions d’euros, dû en partie à la question de la compensation des compétences transférées.

L’évolution du statut européen de Mayotte, dont la transformation en région ultrapériphérique est intervenue le 12 juillet dernier, devrait lui permettre de disposer par ailleurs de financements européens et faire logiquement des progrès rapides et considérables en matière d’infrastructures, d’équipements collectifs et de développement économique et social. Mais j’insiste sur la nécessité de mettre en place, afin d’obtenir une utilisation optimale de ces moyens financiers, un accompagnement technique de gestion de ces fonds s’inscrivant dans une démarche générale d’élaboration d’un plan de développement à long terme.

À ces grandes difficultés que le département de Mayotte rencontre en matière d’ingénierie, s’ajoute le problème de l’immigration clandestine, qui fragilise totalement la société mahoraise, et fait déplorer chaque année des centaines de victimes. La problématique des mineurs étrangers isolés, notamment, dépasse largement la politique d’aide sociale à l’enfance relevant des conseils généraux ; elle s’inscrit totalement dans la politique d’immigration de l’État, à qui il revient d’assumer la prise en charge de ces enfants.

C’est la raison pour laquelle a été confiée à Alain Christnacht, conseiller d’État, la mission d’évaluer la situation globale des flux migratoires sur ce territoire, et de préconiser des solutions à long terme afin d’endiguer cette pression migratoire excessive. Je ne doute pas que ses conclusions prennent en compte le développement d’une politique de coopération régionale avec les Comores, mais, plus encore, la mise en place d’une politique de coopération policière.

Cet article 24, même s’il ne soulage que modestement le conseil général, va toutefois dans le bon sens.

M. le président. L'amendement n° I-110, présenté par M. Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

sont établies, conformément aux articles L. 1614-3 et L. 1614-3-1 du code général des collectivités territoriales, après évaluation contradictoire de la commission consultative des charges et après avis du Comité local préparatoire des travaux. Ces ressources

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. J’avais initialement déposé deux amendements, mais l’un n’a malheureusement pas passé le cap de la commission.

Il n’était pourtant pas dénué d’intérêt et prévoyait de prendre en compte, pour le calcul des charges transférées, les données du recensement effectué en septembre dernier. À Mayotte, le recensement s’effectue à un rythme quinquennal. En l’état actuel des choses, un recensement annuel serait difficile, notamment parce que la constitution des répertoires d’immeubles localisés nécessite de pouvoir disposer de données cadastrales fiables et d’un adressage complet et efficace des logements, ce qui, pour l’heure, est loin d’être le cas. Je me dois de le répéter pour être sûr d’être entendu...

J’insiste sur le fait que les chiffres issus du recensement de 2007 sont obsolètes, tant les évolutions démographiques sont importantes sur ce territoire. Selon l’INSEE, nous serions passés de 186 000 à 212 000 habitants aujourd’hui ! Or cette évolution n’a pas été prise en compte.

Je ne vous présenterai donc qu’un seul amendement, qui prévoit de saisir la commission consultative des charges et le comité local préparatoire des travaux afin de s’assurer que la compensation financière allouée par l’État en contrepartie des transferts de compétences n’est pas sous-estimée. Et elle le sera sans aucun doute si elle se fonde sur des chiffres qui ne correspondent plus à la réalité !

En effet, je le disais, le conseil général de Mayotte est en situation de déficit budgétaire, à hauteur de 80 millions d’euros. Ses difficultés s’expliquent par des causes multiples, au nombre desquelles se trouve cette question de la compensation des compétences transférées.

Son déficit est également lié aux charges indues qu’il assume depuis 2004, bien que relevant de l’État. L’article 65 de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte posait le principe d’une récupération progressive par l’État de l’ensemble de ces charges, l’achèvement devant intervenir au plus tard le 31 décembre 2004. Le montant cumulé de ces dépenses est aujourd’hui évalué par le conseil général à plus de 180 millions d’euros.

Même si je comprends parfaitement que les finances de l’État ne permettent pas de résoudre ce problème à court terme, il m’apparaît toutefois nécessaire d’envisager des solutions concrètes pour l’avenir afin d’y remédier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances comprend tout à fait les préoccupations exprimées par notre collègue Thani Mohamed Soilihi. Cela étant, il nous a semblé que sa demande était partiellement satisfaite.

Le premier amendement dont vous avez parlé, mon cher collègue, a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, comme, d’ailleurs, une soixantaine d’autres amendements déposés sur ce projet de loi de finances. Cette décision d’ordre technique et juridique est donc indépendante de la volonté des membres de la commission des finances. Voilà pourquoi nous n’examinons ce soir qu’un seul de ces deux amendements.

Quant à l’amendement n° I-110, il vise à introduire, à l’article 24 du projet de loi de finances, une obligation de consultation de la commission consultative sur l’évaluation des charges, la CCEC, et du comité local préparatoire aux travaux de cette CCEC, au sujet des compensations allouées au Département de Mayotte.

Il nous a semblé que cette exigence était déjà reconnue par les textes en vigueur. L’article L. 1711-3 du code général des collectivités territoriales prévoit en effet que l’évaluation des dépenses transférées au département et aux communes de Mayotte et la constatation des charges résultant des créations et extensions de compétences sont soumises, préalablement à la consultation de la CCEC, à l’avis du comité local préparatoire aux travaux de la CCEC. Par conséquent, ledit comité local sera obligatoirement saisi avant que la CCEC ne soit consultée.

En outre, l’évaluation préalable de l’article 24 du projet de loi de finances précise que le comité local et la CCEC seront consultés pour contrôler les modalités de calcul de la compensation et qu’ils « vérifieront l’adéquation entre les charges et les ressources transférées ».

Voilà des garanties qui, déjà inscrites dans la réglementation appropriée, nous assurent que le travail de consultation sera mené à bien, conformément à ce que vous souhaitez, mon cher collègue. Dans ces conditions, la commission vous demande de retirer votre amendement.

J’ai compris que, dans votre esprit, vos deux amendements étaient associés, que le second découlait en partie du premier, mais tous les amendements déclarés irrecevables au titre de l’article 40 subissent le même sort et je ne peux donc vous faire d’autre réponse que celle-ci.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à votre amendement, monsieur le sénateur, et vous invite à le retirer, car vous avez d’ores et déjà satisfaction.

En effet, l’article L. 1711-3 du code général des collectivités territoriales prévoit que la compensation de tout transfert ou création de compétences à Mayotte fait l’objet d’une consultation du comité local mahorais que cet article institue, ainsi que de la CCEC.

En outre, s'agissant en particulier du RSA, l’article 3 de l’ordonnance de 2011 portant extension et adaptation du RSA au Département de Mayotte prévoit également la consultation de ces deux instances chaque année jusqu’en 2015.

Enfin, je vous informe que le comité local mahorais se prononcera le 27 novembre – c'est-à-dire demain – sur les modalités de compensation par l’État des créations de compétences relatives au financement du RSA, du fonds de solidarité pour le logement et des formations sociales, et que la CCEC se prononcera sur ces mêmes dispositifs de compensation deux jours plus tard, soit le 29 novembre.

Vos exigences, parfaitement légitimes, étant satisfaites par le droit existant, je vous invite à retirer votre amendement, monsieur le sénateur.

M. le président. Monsieur Mohamed Soilihi, l'amendement n° I-110 est-il maintenu ?

M. Thani Mohamed Soilihi. Prenant acte des propos tant de M. le rapporteur général que de M. le ministre, je vais retirer mon amendement.

Toutefois, je profite de l’occasion pour rappeler que, dans le passé – un passé qui n’est pas si ancien –, il y a toujours eu une différence entre les textes et la pratique. Monsieur le ministre, je vous demande donc de veiller à ce que les dispositions prévues par les textes soient bien appliquées en pratique.

Je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I-110 est retiré.

Je mets aux voix l'article 24.

(L'article 24 est adopté.)

Article 24 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2013
Article 24 bis (nouveau) (priorité) (interruption de la discussion)

Article 24 bis (nouveau) (priorité)

I. – À la fin de l’avant-dernier alinéa du I du 1.4 de l’article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, les mots : « pendant le délai de reprise visé à l’article L. 174 du livre des procédures fiscales » sont remplacés par les mots : « jusqu’au 30 juin 2012 ».

II. – À la fin de la seconde phrase du III de l’article 1640 B du code général des impôts, les mots : « à ces contrôles, pendant le délai de reprise mentionné à l’article L. 174 du livre des procédures fiscales » sont remplacés par les mots : « aux contrôles effectués jusqu’au 30 juin 2012 ». – (Adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 24 bis (nouveau) (priorité) (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2013
Discussion générale

3

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 27 novembre 2012, à quatorze heures trente et le soir :

- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, adopté par l’Assemblée nationale (n° 147, 2012-2013).

Suite de l’examen des articles de la première partie.

Rapport de M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances (n° 148, 2012-2013).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART