compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Patrick Courtois

vice-président

Secrétaires :

M. Alain Dufaut,

Mme Odette Herviaux.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral
Article 1er

Élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modification du calendrier électoral

Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modifiant le calendrier électoral (projet n° 166 rectifié, texte de la commission n° 252, rapport n° 250).

Nous passons à la discussion des articles.

Titre Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AU CONSEIL DÉPARTEMENTAL

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral
Rappel au règlement

Article 1er

Dans l’ensemble des dispositions législatives en vigueur :

1° Les mots : « conseil général » et « conseils généraux » sont remplacés respectivement par les mots : « conseil départemental » et « conseils départementaux » ;

2° Les mots : « conseiller général » et « conseillers généraux » sont remplacés respectivement par les mots : « conseiller départemental » et « conseillers départementaux ».

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l'article.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis de très nombreuses années, le groupe CRC, dès qu’un texte de loi traitant des élections locales est examiné par notre assemblée, dépose un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er afin de demander que le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales, départementales et régionales soit accordé aux étrangers ressortissants de l’Union européenne et aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant régulièrement en France depuis au moins cinq ans.

Nous ne le ferons pas cette fois : le Sénat s’est en effet prononcé voilà quelques mois en adoptant une proposition de loi allant dans ce sens, ce dont nous nous félicitons.

Cependant, monsieur le ministre, nous voulons une nouvelle fois rappeler au Gouvernement notre engagement fort en faveur de cette proposition, que beaucoup ont portée et soutenue.

Nous soulignerons donc que le droit de vote local des ressortissants d’un État non membre de l’Union européenne fait partie des soixante engagements du candidat devenu Président de la République et qu’il faudra bien qu’il soit, comme les autres, respecté. Le Président de la République sait qu’une loi en ce sens serait adoptée majoritairement par le Parlement. D’ores et déjà, le Sénat ne se déjugeant pas, il est assuré du soutien de la Haute Assemblée, et nous sommes persuadés qu’une large majorité lui serait également acquise à l’Assemblée nationale.

Aussi, nous demandons solennellement au Gouvernement de prendre l’initiative de présenter un tel projet de loi au Parlement. Ceux qui refuseront son adoption prendront alors leurs responsabilités, mais, au moins, une majorité de parlementaires pourra exprimer son soutien à cette réforme qu’attendent nos concitoyens depuis plus de trente ans.

Il est temps de passer aux actes et de soumettre à la représentation nationale un projet de loi en ce sens. L’acte politique serait alors posé.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, sur l'article.

M. Éric Doligé. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous entrons ce matin dans le vif du sujet avec la discussion des articles, et je souhaiterais formuler un certain nombre de remarques préliminaires.

Je voudrais tout d’abord préciser à M. le ministre, qui connaît notre appartenance politique mais peut-être pas la commission dans laquelle nous siégeons, que je ne suis pas membre de la commission des lois…

M. Michel Delebarre, rapporteur de la commission des lois. Nul n’est parfait !

M. Éric Doligé. Néanmoins, la question du conseiller territorial, ou départemental, m’intéresse, et je me permettrai donc de m’exprimer sur le sujet.

L’article 1er prévoit un simple changement de dénomination, ce qui est significatif. La majorité semble avoir du mal à faire le deuil du conseiller territorial, puisque l’expression était hier encore largement employée. Pour notre part, nous en prenons notre parti, la majorité ayant l’intention d’adopter la dénomination « conseiller départemental », et nos discussions porteront sur nos différences d’analyse.

Je rappelle que la création du conseiller territorial a été adoptée par le Parlement, même si tout le monde n’était pas d’accord, et qu’un certain nombre de parlementaires n’avaient pas changé d’opinion entre le début et la fin de la discussion.

Cette réforme fut proposée au nom de la transparence, de la simplification et de la clarification, tout comme le texte que vous nous présentez aujourd'hui : comme quoi, chacun peut avoir des analyses assez différentes sur des sujets proches !

Jusqu’à présent, lorsque le maire avait besoin de défendre un dossier d’investissement, il avait deux interlocuteurs : le conseiller régional et le conseiller général du canton. Avec le conseiller territorial, il ne devait plus disposer que d’un seul interlocuteur, mais, avec ce nouveau texte, il en aura trois : deux conseillers départementaux et un conseiller régional, ce qui va à l’évidence dans le sens de la clarification et de la transparence…

J’en viens au sujet qui me préoccupe le plus.

Au cours des très longs débats que nous avons consacrés à la mise en place puis à la mise à mort, si j’ose dire, du conseiller territorial, l’un des principaux reproches qui nous ont été adressés concernait le fait de ne pas se prononcer sur ses compétences avant de changer le mode de scrutin, bref de ne pas connaître la règle du jeu. Ce fut un véritable leitmotiv, et il suffit de se reporter au compte rendu de nos débats pour s’en convaincre.

Chers collègues de l’actuelle majorité gouvernementale, je vous renvoie le compliment, si j’ose dire, puisque vous êtes en train de créer un environnement législatif extrêmement complexe. Outre l’acte III de la décentralisation, les nouvelles compétences des départements et des régions, un texte sur le cumul des mandats est évoqué. L’opposition aura des choses à dire, bien sûr, mais c’est la majorité qui en subira le plus les conséquences, chacun sachant qu’il y a davantage de « cumulards » à gauche qu’à droite en France. La majorité compte en effet plus d’élus, et elle souffrira donc plus que nous de ce texte ! (Rires sur les travées de l'UMP.)

Nous avons entendu dire que cinquante-huit députés, soit environ 10 %, seraient élus à la représentation proportionnelle. Le découpage des circonscriptions va donc être modifié, et nous ne savons pas, aujourd'hui, comment nous allons fonctionner. Je me permets par conséquent de souligner, monsieur le ministre, que le Parlement va probablement adopter de nouvelles règles concernant le conseiller départemental sans avoir connaissance de son environnement et des règles du jeu, ce qui nous pose un certain nombre de problèmes.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, les membres du groupe des non-inscrits n’ayant pas la possibilité de prendre la parole sur les motions, je profiterai de cette intervention sur l’article 1er pour dire ce que je pense du projet de loi.

Ce projet ressemble sur de nombreux points à la réforme qui nous avait été proposée lors de la précédente législature, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, en particulier pour tout ce qui concerne les communes et les intercommunalités, hormis des fluctuations de seuil. La différence, c’est que le conseiller territorial redevient le conseiller général. Cependant, ce qui fait le plus débat, actuellement, c’est le rééquilibrage démographique des cantons. Or le conseiller territorial conduisait aussi à ce rééquilibrage.

Je trouve assez extraordinaire que les élus de l’actuelle majorité, qui, lorsqu’ils étaient dans l’opposition, étaient défavorables aux dispositions proposées par le précédent gouvernement, soient aujourd’hui favorables à des dispositions similaires. De même, nombre d’élus de l’actuelle opposition qui trouvaient très bonnes les propositions de l’ancien gouvernement considèrent, aujourd’hui qu’ils n’appartiennent plus à la majorité, que quasiment les mêmes choses sont devenues très mauvaises. Tout cela parce que la couleur politique du Gouvernement a changé !

Pour ma part, je me prononce en fonction du contenu des dossiers, et sans arrière-pensées politiques.

J’étais très favorable aux propositions du précédent gouvernement concernant tant le mode de scrutin municipal, les désignations dans les intercommunalités que les dispositions relatives au conseiller territorial.

On nous propose aujourd’hui sensiblement la même chose. Le texte prévoit cependant l’abrogation du conseiller territorial, un nouveau découpage cantonal et l’introduction de binômes. Je pense que ces dispositions ne peuvent faire que du bien. Cela permettra de rénover un peu les conseils généraux, qui ronronnent. Un profond renouvellement de temps en temps est certainement profitable à la démocratie.

Telles sont les raisons pour lesquelles, indépendamment de toute préoccupation politicienne, je voterai ce projet de loi, qui me paraît tout à fait pertinent.

M. le président. L'amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Hyest, Retailleau, B. Fournier, Béchu, Bas, Cointat, Buffet, de Legge, Chauveau, Lefèvre, Doligé, Cornu et Carle, Mme Cayeux, MM. Doublet, D. Laurent, Gournac et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. La volonté d’appeler « conseils départementaux » les conseils généraux n’est pas nouvelle. Un tel changement a d’ailleurs déjà été voté, suivi d’un retour en arrière.

Le conseil général est certainement l’une des plus anciennes institutions de la République. Il s’appelle ainsi depuis l’origine.

Nous sommes bien entendu défavorables à ce texte et souhaitons le maintien du conseiller territorial. À partir de là, il ne sert à rien de changer le nom « conseil général ». La réforme du précédent gouvernement prévoyait un seul élu, siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional.

Nous proposons de supprimer l’article 1er. Mais une adoption de ce dernier n’aurait de toute façon aucune incidence si votre réforme devait ne pas être votée par la Haute Assemblée. Toutefois, si jamais le conseiller départemental voyait le jour – pas au Sénat, mais peut-être à l’Assemblée nationale –, je n’aurais pas d’opposition particulière au changement de nom qui nous est proposé. Je rappelle cependant qu’on parle non pas de « conseil communal », mais de « conseil municipal ». Vous changez de nom juste pour le plaisir !

M. Yann Gaillard. Cela nous rajeunit !

M. Jean-Jacques Hyest. On change tout, même les institutions les plus universelles. Quel progrès ! C’est cela la modernité… (M. Bruno Retailleau applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Delebarre, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.

M. Philippe Kaltenbach. Le texte dont nous débattons va sûrement susciter nombre de réflexions et de débats concernant les modes de scrutin ; mais je pensais au moins qu’un consensus était possible au sein du Sénat sur le nom de l’assemblée départementale.

Je rappelle qu’il s’agit là d’une revendication ancienne des départements. C’est à l’unanimité, lors de leur congrès de Deauville en 1999, qu’ils ont demandé que la dénomination « conseil général » soit transformée en « conseil départemental », en vue d’une meilleure lisibilité pour nos concitoyens.

Permettez-moi de faire un bref rappel historique sur l’assemblée départementale, au sein de laquelle je n’ai jamais eu l’honneur de siéger. La dénomination « conseil général » semble dater de la Révolution, époque à laquelle on parlait de conseil général de départements, de conseil général de communes, de conseil général de districts. Le mot « général » est ensuite passé à la trappe, sauf pour les départements, au motif que le conseil général était la plus haute assemblée locale.

Depuis, les régions ont été créées en 1982, avec des conseillers régionaux élus au suffrage universel direct.

On voit bien que les termes « conseil général » ne correspondent plus à la réalité, qu’ils ne sont pas lisibles pour nos citoyens. Donner un nom qui reflète la réalité n’aurait rien de révolutionnaire. Cela renforcerait le département et lui donnerait une plus grande lisibilité.

Je m’étonne tout de même que l’opposition cherche à engager une polémique (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Jacques Hyest. On a pris des leçons chez vous !

M. Philippe Kaltenbach. … sur un point qui fait l’objet d’un large consensus au sein de l’Association des départements de France.

Les règles de l’élection des conseillers départementaux vont être beaucoup modifiées. Profitons-en également pour changer la dénomination « conseil général » et donner ainsi une plus grande lisibilité à cette assemblée. Les départements, je le répète, en sortiront renforcés.

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.

M. Philippe Adnot. Je ne peux pas laisser dire qu’il y avait unanimité à Deauville : j’y étais et je n’étais pas d’accord !

Je soutiens mon collègue Jean-Jacques Hyest pour la raison suivante : si une multitude d’appellations comprennent les termes « conseiller départemental » – conseiller départemental de l’éducation nationale, conseiller départemental de la jeunesse et des sports, par exemple –, la dénomination « conseiller général » est en revanche une appellation unique, connue de tous.

Je ne vais pas me battre sur cette question, mais je pense très sincèrement que la modification proposée sera source de confusion. Si un tel changement était adopté, il faudrait alors interdire à un certain nombre d’organisations, notamment de l’État, d’utiliser l’appellation « conseiller départemental ».

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. Sur ce point, je partage modérément le point de vue de mon collègue Philippe Adnot, dont l’argument pourrait être utilisé aussi pour les conseillers régionaux : il existe en effet aussi des conseillers régionaux de l’éducation nationale, par exemple.

M. Jean Louis Masson. Si, il y en a !

Pour ma part, j’ai toujours été favorable à l’appellation « conseiller départemental », comme d’ailleurs – il faut le reconnaître – de très nombreux élus de droite. Ce n’est pas parce que la proposition de changement émane d’un gouvernement de gauche qu’il faut être contre !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois s’est prononcée en faveur du conseil départemental.

Cet amendement, qui vise à changer le nom du conseil général, a une certaine histoire dans notre parlement. Le même amendement avait été présenté voilà vingt ans. Et je sais le motif pour lequel, en plus des raisons excellemment rappelées par notre ami Philippe Kaltenbach, il avait suscité des réticences. Elles tiennent au fait que, sous le régime de Vichy, le conseil général avait été dénommé « conseil départemental ». Un certain nombre de nos collègues, il y a vingt ans, craignaient donc de raviver le souvenir de cet épisode naturellement très triste de l’histoire de notre pays.

Très franchement, je ne pense pas que cette connotation soit présente aujourd’hui dans l’esprit de nos concitoyens.

En revanche, il est tout à fait clair qu’un certain nombre de nos concitoyens confondent un peu les choses. Ainsi, il m’est arrivé récemment d’entendre un maire être félicité pour des travaux dans un collège, puis dans un lycée. Lorsqu’il explique que c’est au conseil général ou au conseil régional que l’on doit ces travaux, les gens s’étonnent. Manifestement, ils ne connaissent pas très bien ces instances.

On dit parfois que le Sénat a des tendances conservatrices. Vous savez bien, mes chers collègues, que cela ne correspond nullement à la réalité. Pour ma part, je pense que, 222 ans après la création des départements – c’est un délai raisonnable… –, le conseil du département pourrait être appelé « conseil départemental ». On a déjà suffisamment attendu.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de regretter les conditions dans lesquelles nous allons examiner ce texte. Alors que nous sommes déjà jeudi matin, nous entamons seulement l’examen de l’article 1er. Le Gouvernement souhaitant absolument que l’examen de ce projet de loi soit achevé cette semaine, cela signifie que, une fois de plus, alors que plus de 300 amendements ont été déposés sur un texte important, nous allons devoir débattre à la schlague – permettez-moi cette expression – et que nous terminerons à la va-vite dans la nuit de vendredi à samedi, ce qui n’est pas satisfaisant.

J’ai écouté hier les vœux du Président de la République à la télévision – tous les parlementaires ne sont plus aujourd’hui invités à l’Élysée à cette occasion… Il a souhaité que le Parlement travaille dans de meilleures conditions. À cet égard, nous aimerions des actes, et pas seulement des paroles.

J’en viens maintenant à l’amendement n° 3 rectifié bis visant à supprimer l’article 1er. Les membres du groupe de l'UDI-UC ne voteront pas cet amendement et se prononceront en faveur de l’article. Je n’aurai pas de nombreuses occasions de le dire au cours des débats, la modification prévue par cet article ne nous choque pas. Elle constitue même une clarification : c’est l’un des rares points positifs du texte, même s’il n’est pas enthousiasmant. On sait très bien que, aujourd’hui, le conseiller général est un peu mystérieux pour nos concitoyens. L’appellation « conseiller départemental » aura au moins le mérite d’être plus lisible, plus claire.

J’ajoute, même si je sais que beaucoup ne seront pas d’accord avec moi et même si ce n’est pas à la mode de le dire, que, personnellement, je regrette l’abrogation du conseiller territorial. (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.) Le conseiller territorial avait au moins l’avantage d’être un premier pas, certes timide, vers une clarification du rôle des uns et des autres.

Je n’ai pas voté la loi de réforme des collectivités locales. En revanche, j’ai voté en faveur de la création du conseiller territorial, car je pensais que le fait qu’un même élu siége au département et à la région permettait une plus grande cohérence des politiques menées dans ces deux assemblées.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Hervé Maurey. Comme un grand nombre d’entre vous, j’ai été conseiller général. Il est vrai que, lorsqu’on est conseiller général ou conseiller régional, on ne sait absolument pas ce qui se passe dans l’autre assemblée. On met parfois en œuvre des politiques redondantes, voire divergentes.

La création du conseiller territorial me paraissait donc aller dans le bon sens, même si cela n’était pas suffisant. Je suis de ceux qui pensent qu’une clarification des compétences est nécessaire pour que nos citoyens, et même les élus, s’y retrouvent. Aujourd’hui, nous n’avons aucune lisibilité de ce que font les uns et les autres.

Je regrette également, même si le même reproche avait été à juste titre adressé au précédent gouvernement, que l’on mette encore une fois la charrue devant les bœufs : on modifie le mode de scrutin d’une assemblée dont on ne connaît pas encore les compétences qu’elle aura demain.

La majorité gouvernementale fait aujourd’hui – et c’est une habitude chez elle – ce qu’elle reprochait à l’ancien gouvernement et à sa majorité d’alors de faire lorsqu’elle-même était dans l’opposition : elle reprochait à l’ancienne majorité et à l’ancien gouvernement de proposer des textes saucissonnés, et, aujourd’hui, elle fait exactement la même chose !

M. Didier Guillaume. Non, ce n’est pas vrai !

M. Hervé Maurey. Nous commençons par examiner des projets de lois électoraux. Ensuite, nous discuterons de textes précisant les compétences, avant, enfin, d’en venir au non-cumul des mandats. Tout cela est saucissonné, à dessein je pense, afin que l’on ne puisse pas avoir une vision et une discussion globales. Je le regrette.

Je ne voterai pas l’amendement n° 3 rectifié bis. Je voterai en revanche l’article 1er. Ce sera sans doute, comme je l’ai déjà dit, l’un des seuls articles que nous pourrons voter.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur le sénateur, je n’aborderai pas le fond du sujet, car nous l’avons beaucoup fait depuis mardi soir, et nous aurons l’occasion d’y revenir au cours des prochaines heures. En revanche, je vous remercie de votre soutien sur l’article 1er.

Je tiens simplement à dire que je suis très respectueux du travail du Sénat, comme en témoigne ma présence, logique, au banc du Gouvernement, depuis mardi soir.

Si nous avons pris du retard – pardonnez-moi de vous le rappeler, monsieur le sénateur –, c’est parce que le Sénat a consacré, comme c’était normal, deux heures à la situation au Mali.

Je vous assure que, malgré les responsabilités qui sont les miennes en ces moments où des menaces lourdes pèsent sur notre pays et sur nos ressortissants, je serai là pour participer au débat et pour vous écouter.

Le Gouvernement respecte le travail du Parlement en général et les débats du Sénat en particulier.

Tout le monde connaît la position du Gouvernement et de la majorité sur cette réforme.

D’autres textes devront être examinés. Vous ne pouvez quand même pas supposer qu’une nouvelle étape de la décentralisation s’organise en quelques semaines ! Le cumul des mandats, au-delà du débat que cette perspective suscite au Sénat, fera aussi l’objet d’une très longue discussion.

Nous ne sommes qu’au début du quinquennat et de la législature. Nous traitons tous ces sujets les uns après les autres – quoi de plus normal ? –, dans un cadre défini voilà quelques mois par le Président de la République.

Alors, allons au fond des choses plutôt que de nous appesantir sur des problèmes de méthode. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Il est vrai que l’article 1er n’est pas fondamental, et que ce sont plutôt les articles 2 et 3 qui sont au cœur du débat portant sur le statut des élus du département.

Ce n’est pas vous que l’on remet en cause, monsieur le ministre. Nous déplorons surtout l’organisation de nos travaux. Ce reproche s’adresse tout autant à la conférence des présidents ! Je rappelle que l’examen du texte sur les collectivités territoriales, voté en 2010, et dont Jean-Patrick Courtois était le rapporteur, a duré trois semaines. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

Or, pour le présent texte, on nous demande de faire en deux jours – deux journées qui seront bien longues, hélas ! – ce que nous avions fait en trois semaines !

Il est bien sûr normal de débattre sur des sujets aussi importants.

S’il était indispensable d’organiser le débat sur l’engagement des forces armées au Mali hier après-midi, il aurait cependant fallu reporter d’autant l’examen du texte relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral, pour laisser au Sénat le temps de discuter de ce sujet important.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié bis.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 80 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Majorité absolue des suffrages exprimés 173
Pour l’adoption 132
Contre 213

Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Je mets aux voix l’article 1er.

(L’article 1er est adopté.)

Rappel au règlement

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, pour un rappel au règlement.

Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, mes chers collègues, mon rappel au règlement porte sur l’organisation des travaux du Sénat pour ce matin.

Je m’adresse tout particulièrement à M. le ministre. Force est de constater que la majorité gouvernementale n’est guère présente pour soutenir un texte de la plus haute importance pour lui comme pour le Gouvernement. Nous n’avons aucune envie de nous prononcer par scrutin public toute la matinée, car cela ne ferait qu’allonger encore la durée de nos débats.

Je souhaiterais donc que la situation puisse s’arranger au plus vite, sans quoi nous serions amenés à procéder à une demande de vérification du quorum, qui octroierait une heure à la majorité pour se remobiliser.

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’est pas question de faire s’éterniser les débats.

Ma chère collègue, le résultat du vote précédent vous a permis de constater l’existence d’une majorité, et même d’une large majorité, en faveur de la création du conseiller départemental, alors même qu’un scrutin public n’avait pas été demandé sur ce point ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)

M. Philippe Dallier. N’anticipez pas !