M. Bruno Sido. J’en conclus, à regret, que, si le ministre chargé de ces questions change régulièrement de titre, son entourage – administration ou cabinet – est toujours le même et que la pression qui pèse sur lui est telle qu’il tient finalement toujours le même discours. Ce n’est pas normal et, de mon point de vue, ce n’est pas ainsi que l’on fait de la politique ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, protéger les enfants rencontrant des difficultés éducatives ou exposés à des violences et les accompagner jusqu’à leur vie d’adulte responsable relève d’un exercice particulièrement complexe et représente, à mes yeux, la plus lourde des responsabilités confiées à nos collectivités.

Mme Catherine Troendle. Ça, c’est vrai !

Mme Michelle Meunier. Aussi, avec l’expérience qui est la mienne, je souhaite vous faire part des doutes qui m’animent face à cette proposition de loi déposée par notre collègue Christophe Béchu….

Mmes Catherine Procaccia et Catherine Troendle. Et par Mme Deroche !

Mme Michelle Meunier. … et par notre collègue Catherine Deroche.

Je m’interroge sur la méthode qui consiste à revoir trop souvent et par à-coups des points relatifs à la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, au risque de perdre le sens global du texte, notamment en ce qui concerne l’accompagnement éducatif. Ainsi, l’année dernière, nous avons revu les règles de transmission entre conseils généraux des informations préoccupantes lorsqu’une famille relevant de l’ASE déménage en dehors du département où elle résidait jusque-là.

Aujourd’hui, vous proposez de redéfinir les règles d’attribution des allocations familiales et de l’allocation de rentrée scolaire, afin que ces dernières soient délivrées à l’organisme qui assume les charges effectives de l’enfant. Or, comme cela a été dit, cette mesure est déjà intégrée à la loi du 5 mars 2007, qui laissait au juge le soin de modifier ou non l’attribution des prestations familiales.

Plutôt que d’apporter des retouches à la loi, il me paraîtrait plus pertinent d’engager une évaluation globale de sa mise en œuvre, six ans après son adoption. En effet, tout se tient et changer un élément peut modifier notablement l’équilibre général du texte.

Consensuelle, la loi réformant la protection de l’enfance a reçu un bon accueil de la part des professionnels comme des élus concernés. Il nous faut maintenant regarder de plus près les modalités de son application, les bonnes pratiques développées ici et là et, bien évidemment, les insuffisances nécessitant des ajustements.

Chers collègues, vous justifiez cette proposition de loi par le fait que les juges ne modifient que rarement l’attribution des allocations familiales, qui restent très majoritairement versées aux parents, et vous souhaitez en systématiser la rétrocession en faveur du département, qui assure la prise en charge effective de l’enfant. Or, dans mon département de la Loire-Atlantique, sur les 2 000 enfants ayant fait l’objet d’une mesure de placement en 2011, le conseil général a perçu les allocations familiales pour 461 enfants, soit 23 % d’entre eux. Ce n’est pas rien ! Mais, je vous l’accorde, madame la rapporteur, la Loire-Atlantique constitue peut-être une exception à la règle.

Je m’interroge également sur les objectifs poursuivis par les auteurs de la proposition de loi.

À mon sens, leur dessein – à peine masqué – est de verser des recettes supplémentaires aux conseils généraux.

M. Bruno Sido. Ce n’est pas un crime !

Mme Michelle Meunier. Je reviendrai sur ce point.

Ce qui me gêne, c’est que l’on entretient une fois de plus l’idée qu’il y aurait des abus de la part de certaines familles, qui profiteraient de cet argent pour s’acheter bien autre chose que ce qui est nécessaire pour pourvoir aux soins d’un enfant. (Mme Catherine Procaccia s’exclame.)

Il y a quelques mois, notre assemblée a supprimé la menace coercitive que représentait le retrait des prestations familiales en cas d’absentéisme scolaire.

Mme Françoise Férat. Suppression regrettable !

Mme Michelle Meunier. La proposition de loi présentée aujourd’hui me semble être de la même veine. Elle entretient la suspicion à l’égard des familles précaires et pauvres, qui, ne l’oublions pas, constituent la plus grande part des familles dont les enfants sont placés.

Cela a été dit, la protection de l’enfance recouvre des réalités diverses et très complexes. Elle nécessite une approche individualisée, une approche sur mesure, chaque situation étant particulière et évolutive. Le travail des professionnels de la justice et des services sociaux est trop souvent méconnu, et les difficultés des familles sont ignorées. Alors méfions-nous des caricatures !

Sauf maltraitance grave, abus sexuel ou délaissement caractérisé, un placement intervient souvent après l’échec des mesures d'accompagnement à domicile, particulièrement encouragées par la loi de 2007. Dans la plupart des cas, les placements sont alors vécus douloureusement par les familles.

C’est ainsi que les familles concernées sont souvent connues des services sociaux.

M. Bruno Sido. Pas toujours !

Mme Michelle Meunier. Lors d'une demande de placement judiciaire, le juge dispose donc de rapports de professionnels lui permettant d'étayer ses décisions.

Je ne suis pas surprise que, en Loire-Atlantique, plus des trois quarts des placements d’enfants ne donnent pas lieu à un versement de prestations sociales au département. En effet, les difficultés de ces familles sont importantes et la crise économique est encore plus sévère à leur égard. Il n'est d'ailleurs pas rare que, malgré une décision judiciaire de participation financière des familles, le conseil général doive procéder à une remise gracieuse de dette tant leur situation financière s'est dégradée.

Le maintien de ces prestations se justifie bien souvent par des retours temporaires – plus ou moins réguliers – des enfants dans leurs familles. En effet, nous le savons, rares sont les enfants dont les liens avec leurs familles sont totalement inexistants.

J'ajouterai que la période me paraît particulièrement défavorable pour s'engager dans une voie qui ne manquera pas d'être interprétée comme une envie de punir les familles les plus vulnérables.

Mme Michelle Meunier. Par ailleurs, à la demande de la ministre de la famille ici présente, un autre espace de dialogue est actuellement ouvert sur des questions plus générales posées dans le cadre de la réforme des prestations familiales. C’est ainsi que je vous propose de laisser le Haut Conseil de la famille élaborer ses propositions et d'y intégrer la question des familles ayant des enfants placés. (Exclamations sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE.)

M. Alain Bertrand. Assez de ces conseils !

M. Bruno Sido. À quoi sert le Parlement ? Quel déni de démocratie !

Mme Michelle Meunier. Enfin, je m'interroge sur l'intérêt d'une telle proposition de loi au regard des sommes en jeu pour les départements.

J'en reviens ainsi à l’exemple de mon département, qui se situe dans une moyenne haute en termes de nombre de placements. Actuellement, au titre des 2 000 enfants placés en 2011, la participation des parents au placement des enfants s'élève à 133 710 euros et le versement des allocations familiales représente 423 778 euros, soit 0,4 % des dépenses liées au placement.

Si l’on procède à un calcul de ce que représenterait en moyenne le versement des prestations familiales au conseil général de Loire-Atlantique, on obtient 2 % du budget total. À l’évidence, ce n’est pas un argument financier qui peut nous convaincre.

Mes chers collègues, vous venez d’entendre mes doutes et, au-delà, mon désaccord avec cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. J’ai entendu évoquer le bon sens et l’éthique. À cet égard, permettez-moi de citer le dalaï-lama.

M. Bruno Sido. Voilà autre chose…

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Eh oui, je pense aussi par moi-même et je n’ai pas besoin d’un entourage, monsieur Sido !

Le fait que nos actes puissent paraître bons ne garantit pas qu’ils soient éthiques, dit le dalaï-lama.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Disons-le clairement : je ne suis pas sûre que nous ne soyons pas ici en présence d’une loi de confort.

M. Bruno Sido. Oh là là !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pour appuyer mon propos, je vais vous citer quelques chiffres : selon la CNAF, à la fin de l’année 2011, sur 78 500 enfants concernés, 43 % des allocations familiales étaient versées aux services de l’ASE – pourtant, des liens affectifs étaient maintenus avec la famille pour 80 % des enfants – et 57 % à la famille sur décision du juge.

M. Bruno Sido. Et alors ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. À ce titre, les sommes versées chaque année aux départements ont été approximativement estimées à 2,6 millions d'euros.

Pour combien d’euros faites-vous cette loi ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas pour l’argent !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pour répondre à certaines voix que j’ai entendues, sachez que j’ai été maire d’arrondissement plus de onze ans et que j’ai exercé un mandat de conseillère générale.

Mme Catherine Procaccia. Conseillère générale à Paris, ce n’est pas la même chose que sur le terrain !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Parce que vous pensez qu’on n’est pas une élue de terrain à Paris ? Je ne vous permets pas de me faire ce type de remarque ! Je suis appelée aujourd’hui à exercer des fonctions ministérielles et j’ai refusé de cumuler.

M. Jean-Pierre Raffarin. Ce n’est pas le sujet !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Respectez le parcours de chacun, ce que je suis et ce que je vous dis. Tout n’est pas autorisé !

Une loi ne vaut que si elle concerne l’intérêt général. Il y a suffisamment de textes législatifs qui permettent d’effectuer des contrôles et d’affecter ou non les allocations familiales aux familles ou aux départements.

Chaque placement est un cas particulier. Tous les enfants d’une même famille ne sont pas systématiquement placés d’emblée. On doit faire du « sur mesure ». Or vous voulez une loi qui généralise une solution.

M. Bruno Sido. Pas du tout !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le remède que vous proposez est pire que le mal. Vous adressez ainsi un signal très néfaste à des familles qui sont déjà en situation difficile et qui sont stigmatisées.

Vous qui défendez aujourd'hui l’allocation de rentrée scolaire avec tant d’ardeur, que n’avons-nous entendu sur vos travées lorsque son montant a été réévalué.

M. André Reichardt. Ce n’est pas le sujet !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Si, cela relève du même état d’esprit : la revalorisation allait être affectée non pas au bien-être de l’enfant, mais à la consommation d’écrans plats, de jeux vidéo, etc.

M. Christophe Béchu. C’est invraisemblable : ce n’est pas le sujet !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. J’insiste donc sur le signal que vous être en train d’envoyer à des familles dont la précarité implique certaines difficultés. Je veux bien entendre qu’il existe des cas de maltraitance dans des familles aisées, mais, si l’on regarde les chiffres de l’ASE, on voit bien que c’est dans les milieux les plus défavorisés que les placements sont les plus fréquents. Pourquoi stigmatiser davantage ces familles ?

M. André Reichardt. Ce n’est pas possible d’entendre ça !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pensez-vous que c’est ainsi que vous les aiderez ? Sans oublier que le gain financier sera dérisoire. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)

M. le président. Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative au versement des allocations familiales et de l'allocation de rentrée scolaire au service d'aide à l'enfance lorsque l'enfant a été confié à ce service par décision du juge
Article 2

Article 1er

Le quatrième alinéa de l’article L. 521-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° La dernière phrase est ainsi modifiée :

a) (Supprimé)

b) Après les mots : « président du conseil général », sont insérés les mots : « au vu d’un rapport établi par le service d’aide sociale à l’enfance, » ;

c) Après le mot : « maintenir », est inséré le mot : « partiellement » ;

(nouveau) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« Le montant de ce versement ne peut excéder 35 % de la part des allocations familiales dues pour cet enfant. »

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Daudigny, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Avant les mots :

Le montant

insérer les mots :

à compter du quatrième mois suivant la décision du juge,

La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Cet amendement vise à instaurer une période d’observation de trois mois afin de répondre à deux objectifs : d’une part, éviter la concomitance entre le choc du retrait de l’enfant et ses conséquences financières et, d’autre part, permettre au juge, dans un certain nombre de cas susceptibles de déboucher sur un retour rapide de l’enfant dans la famille, d’attribuer à cette dernière pendant trois mois une part des allocations familiales comprise entre 1 % et 99 % de leur montant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, rapporteur. La commission a émis un avis favorable à l’unanimité. En effet, cet amendement permet de ménager entre les deux décisions un laps de temps que l’on pourrait qualifier de « zone tampon ».

M. Bruno Sido. Très bien !

Mme Catherine Deroche, rapporteur. En revanche, en cas de maltraitance ou d’absence de dialogue avec la famille, le juge garde la possibilité de ne pas autoriser le versement des allocations familiales. La période d’observation de trois mois ne sera donc pas applicable en pareil cas.

Par ailleurs, je viens de vous entendre, madame la ministre, donner des chiffres assez précis. J’aurais aimé en disposer lorsque nous avons procédé à nos auditions, d’autant que nous en avions formulé, à plusieurs reprises, la demande auprès de votre service, demande toujours demeurée sans réponse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Bruno Sido. Ce n’est pas normal !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Défavorable.

M. Bruno Sido. Pourquoi ?

M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.

M. Christophe Béchu. Tout n’est pas autorisé, venez-vous de dire, madame la ministre.

M. Bruno Sido. Elle a raison !

M. Christophe Béchu. Or je ne comprends pas la violence et l’agressivité avec lesquelles vous m’avez répondu. Dans un débat où vous-même estimez qu’il faut se garder de stigmatiser qui que ce soit, pourquoi pensez-vous que tous ceux qui ont cet après-midi une opinion différente de la vôtre ont une volonté de stigmatisation ? Je ne peux pas croire que vous pensiez que la majorité du groupe socialiste soit dans cette optique – quelque idée que vous vous fassiez du groupe UMP.

La connaissance du terrain, des situations délicates et compliquées n’est ici le monopole de personne.

M. Christophe Béchu. Dans les responsabilités qui sont les miennes, avec des choix de vie différents des vôtres à beaucoup d’égards, je n’accepte pas que l’on mette en cause la sincérité d’un combat aux côtés des plus fragiles.

J’ai eu la souffrance de découvrir la protection de l’enfance par son versant le moins reluisant. Il y a presque dix ans, dans mon département, dans le cadre d’un procès pour pédophilie hors norme, soixante-six adultes ont été poursuivis pour des faits abjects dont quarante-quatre enfants – dont le plus jeune avait six mois au moment des faits – ont été les victimes.

M. Bruno Sido. Quelle honte !

M. Christophe Béchu. Cette première découverte d’une réalité compliquée, qui n’appelle aucun commentaire sur ces travées, m’a conduit à découvrir et à approfondir un champ dans lequel, quelle que soit notre opinion politique, nous pouvons tous considérer que la réflexion publique manque cruellement.

Le handicap, avec l’attribution de la prestation de compensation du handicap, les maisons départementales des personnes handicapées, à travers les associations de défense et de soutien, on en parle ! Le vieillissement, on sait tous qu’on y passera et chacun s’y intéresse ! Pour le RSA aussi, des colloques ont lieu régulièrement et des associations travaillent sur la question de l’exclusion.

Mais l’aide sociale à l’enfance est l’oubliée des politiques sociales.

M. Christophe Béchu. C’est l’oubliée en termes de pensée, de perspective et de débat. La conséquence en est que, lorsque l’on aborde un certain nombre de points, on a le sentiment que le simple fait d’en parler est stigmatisant. Or tel n’est pas le cas !

Vous avez cité des associations. Dans mon département, toutes les associations avec lesquelles je me suis entretenu, y compris l’antenne locale d’ATD Quart Monde, soutiennent le dispositif.

C’est en en restant à des généralités, en caricaturant les choses sans les expliquer, qu’on conduit à la stigmatisation. S’il n’y a pas de consensus républicain sur des questions de bon sens comme celle-ci, je crains que le bon sens ne devienne le pseudo-apanage de partis extrémistes, en particulier de celui dont on a vu la progression dans un département proche de la région parisienne le week-end dernier.

La justice sociale doit être un élément fondateur de nos politiques sociales avec la recherche d’un équilibre entre le bon sens et la nécessité de préserver les familles les plus fragiles. Tel est le sens de l’amendement de M. Daudigny, ce qui explique le soutien que nous lui apportons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Nous sommes le législateur. Nous assumons les conséquences de choix que nous faisons au regard de préoccupations d’intérêt général. C’est pourquoi je voudrais exprimer un léger sentiment de gène par rapport à la prise de position des associations sur le sujet que nous abordons.

S’il est tout à fait légitime de manifester du respect aux associations dans leur diversité, je crains que la position du Gouvernement n’ait été inspirée, non pas – comme l’a dit l’un de nos collègues – par la continuité des cabinets ou de l’administration, mais simplement par la préoccupation de ne pas recevoir de critiques médiatiques de la part d’un groupe d’associations et d’une en particulier.

Les médias sont libres et les associations aussi. Toutefois, nous sommes quelques-uns à penser que le travail de législateur ne se résume pas à éviter les « pépins » médiatiques. (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. Je comptais prendre la parole pour une explication de vote sur l’ensemble du texte, mais je saisis la perche que M. Richard m’a tendue.

Madame la ministre, vous avez dit respecter les parcours de chacun. Justement, je m’exprime ici en tant que législateur, mais également, monsieur Richard, en tant que responsable depuis plus de vingt ans dans une association de lutte contre la maltraitance des enfants.

Nous n’avons pas de leçons à recevoir, madame la ministre, et j’ai été extrêmement choquée par le ton avec lequel vous avez répondu à nos collègues. Vous nous avez stigmatisés ! Vous n’avez pas la même façon de penser que certains ici, mais nous devons tous nous respecter.

Plusieurs remarques me viennent à l’esprit.

Pourquoi le Président de la République posait-il un regard extrêmement bienveillant sur cette proposition de loi au mois d’octobre dernier : réagissait-il encore, à l’époque, comme un président de conseil général ? Que s’est-il passé depuis pour que le Président de la République change d’avis ? Vous connaissez peut-être la réponse, madame la ministre.

Par ailleurs, en tant que responsable associative depuis plus de vingt ans, je suis confrontée tous les jours à des situations de maltraitance. Ces dernières se produisent généralement dans les milieux les moins favorisés, vous avez raison de le souligner, encore que nous soyons amenés à connaître des situations terribles dans tous les milieux.

M. Bruno Sido. Absolument.

Mme Isabelle Debré. Et j’ai malheureusement pu constater partout que certains infligeaient à leurs enfants des traitements qu’un animal ne ferait pas subir à ses petits.

Vous me répondrez que nous stigmatisons, que nous pénalisons : non, madame la ministre ! Nous essayons au contraire d’accompagner, de responsabiliser. Jamais nous ne laissons, en France, des gens sur le bord du chemin.

Pour autant, vous avez raison, monsieur Richard, il se peut que certaines associations ne soient pas d’accord avec ce texte. J’ai interrogé les associations avec lesquelles nous avons l’habitude de travailler et je n’ai pas recueilli de réactions négatives, bien au contraire. Il est tout à fait normal que l’allocation de rentrée scolaire soit perçue par la personne qui s’occupe de l’enfant, qui l’accompagne dans son parcours scolaire ; en aucun cas elle ne doit revenir à la famille qui ne s’occupe plus de son enfant !

Quant aux allocations familiales, la proposition de loi de nos collègues Catherine Deroche et Christophe Béchu prévoit d’en conserver une partie à la famille.

Aussi, madame la ministre, bien que militant depuis de très nombreuses années dans une association connue et reconnue de vos services, je voterai pour cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Bruno Sido. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.

M. Christian Favier. Madame la ministre, je partage votre volonté de ne pas stigmatiser les familles dont les enfants sont confiés à l’aide sociale de l’enfance, mais je ne pense pas que tel soit l’objet de cette proposition de loi. En effet, nous ne raisonnons pas en termes de sanction, mais, au contraire, en termes de reconnaissance du service public départemental, qui est amené, dans des conditions précises fixées par le juge, à se substituer à la famille en matière d’éducation.

J’ai été quelque peu surpris, pour ne pas dire choqué, que vous n’ayez pas eu un mot de reconnaissance pour ces travailleurs sociaux qui agissent souvent dans des conditions difficiles,…

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Christian Favier. … assumant des responsabilités à l’égard des enfants, mais en lien avec les familles, afin de favoriser le retour au sein de celles-ci.

Or ce dont les collectivités locales ont besoin aujourd'hui, c’est d’une aide accrue en faveur de ces services, au moment où leur budget a été mis à mal. Pour notre part, ce ne sont pas les moyens financiers liés aux allocations familiales que nous recherchons – le problème n’est pas là –, mais la reconnaissance du rôle joué par les départements et leurs services pour accueillir ces enfants dans des conditions satisfaisantes et leur assurer l’éducation qui leur manque. En effet, je ne confonds pas les prestations familiales et les prestations sociales.

S’il faut reconnaître que les familles concernées sont bien souvent en situation difficile, ce n’est pas par les allocations familiales que l’on règle leurs difficultés sociales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) C’est évidemment grâce à d’autres mesures, notamment le relèvement des minima sociaux et la bataille pour l’emploi, qu’elles pourront résoudre leurs problèmes.

Ne confondons pas ces différents aspects : c'est la raison pour laquelle, pour ma part, je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Mme Aline Archimbaud. Après avoir écouté attentivement l’ensemble des interventions, notre groupe maintient sa position. En effet, ce débat n’a apporté aucun argument nouveau de nature à nous convaincre du bien-fondé de ce texte.

En l’état, cette proposition de loi aurait pour effet de sanctionner financièrement les personnes qui sont aujourd'hui les plus en difficulté dans notre pays. Surtout, ces mesures s’appliqueraient de manière automatique, sans souplesse ni possibilité d’évaluation des situations humaines au cas par cas. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. Avez-vous lu la proposition de loi ?

Mme Aline Archimbaud. C'est pourquoi nous maintenons notre opposition à cette proposition de loi.

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous en sommes simplement parvenus aux explications de vote sur l'amendement n° 2 rectifié. Les explications de vote sur l’ensemble de la proposition de loi viendront ultérieurement.

La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

M. Gérard Roche. Je formulerai simplement deux remarques, monsieur le président.

La première, madame la ministre, concerne le ton que vous avez employé, et je rejoins ici le point de vue de Christophe Béchu. Vous avez bien sûr le droit de ne pas penser la même chose que nous. Toutefois, nous travaillons tous – vous en tant que ministre, nous en tant que présidents de conseils généraux et élus – pour la protection de l’enfance, et votre ton n’était pas de mise par rapport aux propos que nous avons tenus, sans aucune agressivité. Je m’étais permis une réflexion que j’avais voulue plutôt sympathique, et votre réponse m’a semblé très dure.

Je voudrais ensuite revenir, pour appuyer le propos de Christian Favier, sur ceux qui sont présents tous les jours, à l’échelon du département, sur le front social. Les travailleurs sociaux de l’ASE occupent les postes les plus difficiles,…

M. Christophe Béchu. C’est vrai !

M. Gérard Roche. … puisqu’ils suivent les cas de maltraitance signalés le plus souvent par l’éducation nationale ou le juge.

Nous manquons de moyens, alors que nous devrions conforter nos équipes, qui sont exténuées. La défense de l’aide sociale à l’enfance passe par celle des travailleurs sociaux, et non par l’écoute des associations, quel que soit par ailleurs leur mérite.

J’aurais donc aimé entendre de votre part, madame la ministre, un mot de reconnaissance pour le travail qu’ils réalisent sur le front social ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le débat est intéressant !

Je ne doute pas un seul instant que les sénatrices et sénateurs présents aient suffisamment d’esprit et d’humour pour apprécier ce que vous qualifiez d’agressivité et que j’appelle, pour ma part, conviction. J’ai exprimé mon point de vue avec la spontanéité et peut-être la fougue d’une novice. En tout cas, je respecte absolument vos convictions.