M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, ayant reconnu le bien-fondé de vos considérations ainsi que de celles de M. le rapporteur, qui sont d’ailleurs retranscrites dans l’alinéa 30 de l’article 1er, j’ai rectifié mon amendement afin d’en tenir compte.

Vous organisez parfaitement la transparence et la concurrence en amont pour l’entreprise, c’est-à-dire au niveau de la branche. Je souscris pleinement à cette rédaction, même si elle est un peu différente de celle que préconise l’avis de l’Autorité de la concurrence.

En revanche, à la fin de cet avis, une recommandation bien distincte mérite que l’on s’y attarde. En effet, elle concerne l’entreprise. Car c’est bien elle qui, en définitive, va payer.

Notre amendement reprend uniquement cette recommandation, selon laquelle « les accords […] ne peuvent emporter ni la recommandation ni la désignation d’un organisme unique ».

Cette mesure permettrait une stimulation, au niveau de la branche, entre deux organismes et la possibilité pour l’employeur de choisir. Ainsi, la concurrence serait parfaite.

En outre, vous ne serez pas confrontés à des avis contradictoires, non plus qu’à un éventuel recours devant le Conseil d’État, voire plus haut…

Monsieur le ministre, je vous mets en garde. La représentation nationale est à l’écoute de tous, notamment des partenaires sociaux, organisations patronales ou de salariés, et des opérateurs, qu’ils soient mutualistes, de prévoyance ou assureurs, et, comme mes collègues Jean-Noël Cardoux et Nicolas Alfonsi, j’ai le souci d’élaborer une loi qui soit la plus pratique mais aussi la plus transparente possible.

J’espère que nous trouverons un accord sur cette rédaction.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Alfonsin, pour présenter l’amendement n° 561 rectifié.

M. Nicolas Alfonsi. Cet amendement vise à prendre en compte l’avis que l’Autorité de la concurrence a rendu le 29 mars dernier sur effets de la généralisation de la couverture complémentaire collective sur le libre jeu de la concurrence.

Dans cet avis, l’Autorité considère notamment que la désignation constitue la modalité la moins favorable au dynamisme de la concurrence et que la liberté de l’employeur dans le choix de l’organisme d’assurance doit être privilégiée.

En effet, la désignation n’est pas neutre et les organismes désignés sont, de fait, placés dans une position prédominante.

Aussi, il est nécessaire, dans un souci d’une plus grande mise en concurrence, que la désignation ne puisse pas viser un seul opérateur. Il est important que les entreprises puissent avoir le choix. Les clauses de recommandation ou de désignation doivent donc nécessairement proposer plusieurs organismes.

J’ajoute que, au moment où tout le monde invoque le principe de libre concurrence, plus fondamental que le droit social, il serait opportun de le mettre en pratique.

Mme la présidente. L'amendement n° 271, présenté par MM. Vanlerenberghe, Marseille et Amoudry, Mmes Dini et Jouanno, M. Roche et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 30

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les entreprises disposant à la date de signature de l’accord de branche, ou au terme d’une période transitoire de dix-huit mois après cette date, d’une couverture au moins équivalente à celle que l’accord prévoit, ne peuvent être contraintes de rejoindre l’organisme désigné.

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. L’objet de cet amendement est d’interdire la pratique des migrations obligatoires d’une complémentaire santé à une autre pour les entreprises déjà couvertes et dont l’accord de branche aura désigné un autre organisme.

Il me paraît judicieux d’introduire cette disposition pour respecter la libre concurrence et éviter les conflits d’intérêts.

Mme la présidente. L'amendement n° 631 rectifié bis, présenté par Mmes Procaccia, Troendle et Bruguière, MM. Savary et Dulait, Mme Deroche, MM. Cardoux, Husson et Pinton, Mme Giudicelli, MM. Buffet, Gilles et Cambon, Mme Debré et M. Milon, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 30

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les entreprises disposant à la date de signature de l’accord de branche, ou au terme d’une période transitoire de dix-huit mois après cette date, d’une couverture offrant des garanties plus importantes à celles que l’accord prévoit, ne peuvent être contraintes de rejoindre l’organisme désigné.

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. Madame la présidente, je retire cet amendement au profit de celui que vient de présenter M. Vanlerenberghe et qui en est très proche.

Mme la présidente. L’amendement n° 631 rectifié bis est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Mes chers collègues, vous voudrez bien pardonner la longueur de mon intervention, mais il est temps que nous ayons une approche commune sur cette question très importante, qui est au cœur de l’article 1er.

Hormis les amendements du groupe CRC, qui sont d’une autre nature, la plupart des propositions visent à reprendre, d’une manière ou d’une autre, certaines préconisations de l’Autorité de la concurrence formulées, très opportunément, quelques jours avant l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale.

Je me suis attaché à me mettre à votre écoute pour comprendre le sens de votre démarche, chers collègues, et je voudrais d’emblée revenir sur cet avis de l’Autorité de la concurrence qui est votre cadre de référence. Si je comprends l’argumentation qui est à l’œuvre dans cet avis, je veux aussi en souligner l’ambiguïté.

Cet avis réaffirme le caractère licite de la clause de désignation, rappelant même que la Cour de justice de l’Union européenne comme les juridictions françaises l’ont approuvée. Cependant, l’Autorité de la concurrence estime que cette clause ne relève pas directement du droit de la concurrence.

Vos amendements tendent à supprimer totalement la possibilité pour les partenaires sociaux de recourir à la clause de désignation. Que faut-il en penser ?

À mon sens, une telle mesure serait très dommageable à la fois pour les salariés et pour les entreprises, car elle nous priverait d’un outil de mutualisation efficace, et j’espère parvenir à vous en convaincre.

L’amendement n° 628 rectifié tend à créer un organisme ad hoc à l’échelle de la branche pour organiser la procédure de recommandation et de désignation. Il vise, par ailleurs, comme les amendements nos 510 rectifié bis, 561 rectifié et 259 rectifié, à préciser que le choix ne peut pas porter sur un seul organisme.

M. Vanlerenberghe souhaite garantir la présence d’au moins deux organismes et M. Cardoux, la présence d’au moins trois.

Pour justifier ce seuil, monsieur Cardoux, vous indiquez qu’il s’agit de pouvoir désigner une mutuelle, une assurance et une institution de prévoyance.

M. Jean-Noël Cardoux. C’est sous-entendu !

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Le problème, cher collègue, c’est que c’est si bien sous-entendu que votre rédaction n’entraîne pas nécessairement cette interprétation !

Au reste, on ne voit pas pourquoi la branche ne pourrait pas plutôt choisir deux assurances et une mutuelle,…

Mme Catherine Génisson, rapporteur de la délégation aux droits des femmes. Ou trois mutuelles !

M. Claude Jeannerot, rapporteur. … ou toute autre combinaison.

Cette vision de la concurrence est relativement étrange, dans la mesure où elle s’appliquerait non à des acteurs économiques pris individuellement mais à des groupes composés d’acteurs eux-mêmes en concurrence. Il ne me semble pas que nous adoptions une telle approche dans d’autres secteurs de l’économie.

Monsieur Vanlerenberghe, vous avancez, vous, l’argument suivant : ne pas choisir un organisme unique permettrait d’améliorer la concurrence. Cela me paraît contestable.

Au-delà de l’avis de l’Autorité de la concurrence, approuver la mesure que vous nous proposez reviendrait avant tout à prendre une décision dommageable en termes de mutualisation et donc de coûts. (M. Jean-Marie Vanlerenberghe manifeste son désaccord.) Je vais vous le démontrer.

Dès lors que, pour les entreprises d’une branche, deux organismes pourront être recommandées, cela aura un impact négatif sur le tarif proposé puisque, par définition, la mutualisation sera moindre et que l’organisme retenu tiendra compte, dans sa prévision de coûts, du fait que le champ potentiel peut être divisé par deux. Les études de l’ADRES – association pour le développement de la recherche en économie et en statistique – le montrent clairement : les coûts administratifs et de gestion pèsent sensiblement sur l’équilibre des contrats.

Je vais vous donner un exemple concret : celui du bâtiment et des travaux publics. Ce secteur dispose d’un régime de prévoyance professionnelle, PRO BTP, qui est très apprécié et très favorable. J’en ai d’ailleurs été un temps le bénéficiaire. Si, désormais, on permettait à plusieurs organismes de faire des offres dans ce secteur, je suis certain que, par exemple, les actions de prévention, aujourd’hui importantes, seraient drastiquement réduites.

À mon sens, nous devons adopter une approche réaliste.

Cependant, je m’accorde avec vous sur un point : aujourd’hui, notre système pèche par l’absence de concurrence avant la désignation !

Je l’ai dit en commission, lorsque nous lançons, dans nos collectivités, des appels d’offres de marchés publics, nous faisons concourir plusieurs prestataires de manière équitable, mais, à l’arrivée, nous n’en désignons qu’un. Pourquoi, dans ce cas, y aurait-il nécessairement conflit d’intérêts ? Parlons franchement : il n’y a conflit d’intérêts que si l’appel d’offres n’est pas organisé dans les conditions requises de transparence, d’impartialité et d’égalité de traitement entre les candidats.

Or le projet de loi garantit précisément le respect de ces conditions concernant la désignation d’un opérateur ! Sans doute M. le ministre confirmera-t-il que nous les avons renforcées en plaçant les mutuelles, les assurances et les institutions de prévoyance sur un pied d’égalité, c'est-à-dire sur la même ligne de départ, notamment pour ce qui concerne les actions sociales collectives et les droits non contributifs.

À mon sens, nous devons laisser aux partenaires sociaux la liberté de gérer la prévoyance et les complémentaires de santé, dès lors que les conditions de mise en concurrence sont équitables, ce que le présent texte garantit.

Bien que j’aie défendu avec conviction cette position en commission, celle-ci a décidé, dans sa majorité, de donner un avis favorable sur l’amendement n° 628 rectifié, ce qui entraîne, par cohérence, un avis défavorable sur les amendements nos 509 rectifié ter, 655 rectifié quater, 259 rectifié, 510 rectifié bis et 561 rectifié, dont certains seront d’ailleurs satisfaits si le premier est adopté.

J’en arrive aux amendements nos 271 et 631 rectifié bis qui, comme M. Vanlerenberghe l’a indiqué, visent la clause de migration. De quoi s’agit-il ? Certains accords de branche prévoient que les entreprises doivent rejoindre l’organisme que l’accord désigne, même si elles disposent déjà d’une couverture complémentaire.

Là non plus, je ne vois pas pourquoi il faudrait priver les partenaires sociaux d’un outil qui est à leur disposition et qui est essentiel à la mutualisation. Je n’insiste pas sur l’intérêt que revêt cette mutualisation pour les salariés comme pour les entreprises.

Toutefois, pour conclure sur ce sujet, je ne résiste pas à la tentation de citer la Cour de justice de l’Union européenne, dont l’un des principaux rôles est précisément, vous le savez, de défendre la concurrence. Cette instance a reconnu la validité de la clause de migration et a même précisé, dans un arrêt de 2011 : « La suppression de la clause de migration nuirait à l’objectif de solidarité car elle pourrait aboutir à une impossibilité, pour l’organisme concerné, d’accomplir la mission d’intérêt économique général qui lui a été impartie. »

Comment, chers collègues, mieux défendre la désignation et la migration ?

Néanmoins, en raison d’une égalité de voix, la commission a émis un avis de sagesse sur les amendements nos 271 et 631 rectifié bis.

Qu’en est-il, à présent, des amendements du groupe CRC, nos 45, 46 et 47 ?

Il s’agit, via ces amendements, d’associer le comité d’entreprise ou les délégués du personnel au processus de mise en concurrence en cas de recommandation ou de désignation. Or cette mesure n’est tout simplement pas réalisable puisque les négociations se déroulent au niveau de la branche et non pas dans l’entreprise.

Par ailleurs, l’amendement n° 47 tend à garantir la consultation des partenaires sociaux nationaux qui sont déjà, par définition, les négociateurs de branche !

Je suis donc conduit à vous inviter, chers collègues du groupe CRC, à retirer ces amendements. À défaut la commission y sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. M. le rapporteur a été très complet. Qui plus est, nous avons déjà abordé ces différents sujets au début de nos débats. Aussi vais-je m’efforcer de résumer le plus possible la position du Gouvernement.

Tout d’abord, je me tournerai vers la partie gauche de l’hémicycle.

Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, vous êtes favorables au maintien de la plus grande liberté possible pour les branches, afin de permettre aux partenaires sociaux de négocier et donc d’aller jusqu’au terme de la mutualisation, à savoir le choix d’un seul organisme.

Les trois amendements que vous avez déposés sur ce point se fondent sur une préoccupation tout à fait compréhensible : vous souhaitez que, d’une manière ou d’une autre, les partenaires sociaux soient informés et associés à la désignation, que ce soit dans l’entreprise ou au niveau national, c'est-à-dire celui de la branche.

Au sein de l’entreprise, cette exigence sera évidemment satisfaite, mais dans un cas que ni vous ni moi ne souhaitons voir advenir, à savoir celui où la négociation ne sera menée qu’à ce seul niveau. Les partenaires sociaux seront alors, bien sûr, parfaitement informés ; ils seront peut-être même acteurs de la négociation !

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Eh oui !

M. Michel Sapin, ministre. La question ne se pose donc que si la négociation a lieu au niveau de la branche.

À cet égard, je souhaite simplement faire un constat, sur lequel nous nous accorderons sans doute : puisque les salariés sont représentés par leurs organisations syndicales au niveau de la branche, c’est à ce niveau que la négociation doit être menée ! On ne peut pas prévoir des mécanismes d’allers et retours continuels, ne serait-ce que d’une branche vers chacune des entreprises concernées. Je vous laisse imaginer la complexité de ce système ! De surcroît, ce dispositif serait contraire au principe même de la représentation de branche.

Or nous accordons tous une grande importance à ces négociations de branche, qui donnent plus de force et de capacité de négociation aux salariés vis-à-vis des employeurs.

Ainsi, même si ces amendements partent d’une bonne intention, ils recèlent une certaine contradiction.

Parallèlement, à l’échelle nationale, chaque syndicat aura sans nul doute à cœur de transmettre l’information, afin que, dans d’autres branches, ces négociations puissent bénéficier du contexte et des manières de procéder de tel ou tel secteur. Cependant, je ne vois pas à quel titre on pourrait contraindre les branches à se dessaisir pour aller informer le niveau national. Ce système ne fonctionnerait pas.

C’est la raison pour laquelle, eu égard au bon fonctionnement de la mécanique sociale, et compte tenu de l’importance que nous accordons tous aux organisations syndicales et à leurs capacités de négociation au niveau de la branche, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements. À défaut, il émettra un avis défavorable.

J’en viens aux autres amendements et me tourne maintenant vers l’autre côté de l’hémicycle.

Sur le sujet de la clause de désignation, je répéterai d’une manière aussi simple que possible ce que j’ai déjà dit hier. Les partenaires sociaux doivent avoir la plus grande liberté, pour pouvoir occuper tout le spectre de la négociation, depuis l’entreprise qui choisit seule, en toute transparence – je l’espère ! –, la meilleure garantie qu’elle peut souhaiter pour elle-même et pour ses salariés, jusqu’à la mutualisation la plus forte possible, obtenue lorsqu’un seul organisme contracte dans la branche considérée.

Certes, vos propositions ont évolué pour tenir compte des arguments que j’ai pu apporter, ce dont je vous remercie. Toutefois, d’une manière ou d’une autre, ces amendements conduisent à se priver d’au moins une solution : celle où l’on ne compterait qu’un seul organisme.

Je le répète : à mon sens, il convient de préserver la plus grande liberté possible pour les syndicats, afin qu’ils puissent couvrir tout le spectre, comme c’est le cas aujourd’hui.

Une partie de votre raisonnement se fonde sur l’avis de l’Autorité de la concurrence. Vous l’avez rappelé, cette institution ne considère pas le dispositif actuel comme illégal ou illicite. Aucune juridiction, aucun organisme n’estime du reste qu’il serait contraire à notre droit, à la Constitution ou à je ne sais quelle convention. Il est légal et licite. L’Autorité de la concurrence constate simplement, à travers de nombreux éléments d’appréciation, qu’elle est aujourd’hui en capacité de formuler quelques remarques concernant la transparence et la concurrence. En conséquence, elle s’appuie sur un certain nombre d’inconvénients que le dispositif présente aujourd’hui pour empêcher, demain, les partenaires sociaux d’utiliser la clause de désignation.

Pour ma part, je vous propose simplement d’inverser le raisonnement : supprimons ce qui, aujourd’hui, ne fonctionne pas, pour permettre à chacun des partenaires sociaux d’utiliser de manière efficace et transparente l’ensemble du dispositif.

L’Autorité de la concurrence considère en somme que le dispositif actuel est malade et qu’il faut s’en protéger demain, alors que, moi, je propose qu’on le soigne aujourd’hui afin d’assurer ensuite la plus grande liberté possible.

C’est, me semble-t-il, un raisonnement sur lequel nous devrions pouvoir nous rejoindre.

Je le répète, les deux piliers de ce projet de loi sont la liberté et la transparence.

Les partenaires sociaux auront ainsi la liberté d’utiliser tout dispositif de leur choix, jusqu’à la mutualisation totale, qui est à l’avantage des entreprises et des salariés, mais ils devront le faire dans le cadre de mécanismes qui assureront une transparence et une concurrence absolues, mécanismes qu’il m’appartiendra de fixer par décret, en coordination avec divers organismes et après avoir pris, bien entendu, l’avis de l’Autorité de la concurrence.

C’est là que réside la réforme qui mettra fin, je l’espère, à des situations que l’on peut effectivement considérer, aujourd’hui, comme anormales.

C’est pourquoi je ne peux qu’être défavorable à tous ces amendements, qui forment un dégradé, en termes non pas de qualité, bien sûr, mais de coloration…

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Un camaïeu !

M. Michel Sapin, ministre. Voilà ! Je suis donc défavorable à ce camaïeu d’amendements, précisément pour conserver au dispositif sa clarté : liberté pour tous les partenaires de négocier d’un côté ; transparence et concurrence aussi absolues que possible de l’autre.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 628 rectifié.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et l’avis du Gouvernement, défavorable.

M. Michel Sapin, ministre. Mais M. le rapporteur y est défavorable à titre personnel !

Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 192 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Majorité absolue des suffrages exprimés 174
Pour l’adoption 170
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 509 rectifié ter.

M. Jean Desessard. Cela vous surprendra peut-être, mais je ne suis pas insensible à l’amendement n° 509 rectifié ter !

C’est un peu paradoxal, parce que je comprends bien la construction de votre raisonnement, mais, ce qui nous dérange ici, c'est la possibilité pour une branche de désigner l’organisme. Vous nous avez expliqué cela en pédagogue, monsieur le ministre, et je vous en remercie : vous nous avez permis de mieux comprendre et peut-être même rendus plus intelligents ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Grâce à vos interventions lumineuses, nous nous mettons en effet à réfléchir ! (Nouveaux sourires.)

Vous nous dites que cette loi offre trois possibilités aux branches. Soit elles permettent aux entreprises de choisir elles-mêmes, soit elles recommandent, soit elles obligent, et c’est l’affiliation obligatoire par branche. C’est cette troisième option qui nous gêne.

Bien sûr, vous allez penser qu’après avoir passé la matinée à défendre des positions de gauche, je suis soudain en train de glisser de l’autre côté, mais, monsieur le ministre, c’est la crainte que des organisations par branche trop puissantes ne débouchent, paradoxalement, sur une véritable attaque contre la sécurité sociale.

La sécurité sociale, ou les organismes paritaires, n’ayant plus de moyens, ou ne se les donnant plus, les accords de branches vont être privilégiés. Les branches les plus riches pourront proposer un large panier de soins, mais, qu’adviendra-t-il dans les branches les moins riches, où se seront souvent les entreprises qui choisiront ?

Voilà en effet ce que pourrait cacher la possibilité d’une affiliation obligatoire par branche : la délégation aux branches qui en ont les moyens d’un certain nombre de prestations aujourd’hui fournies par la sécurité sociale.

C’est le premier point.

Le deuxième point qui nous dérange est la fin de la solidarité interbranche. Elle découle directement de ce que je viens de dire : si les affiliations sont organisées par branche, il n’y a plus de solidarité entre les branches.

Monsieur le ministre, vous avez magnifiquement démontré qu’une affiliation de branche permettait une mutualisation dans les entreprises entre les jeunes employés et les employés plus anciens, évitant ainsi une concurrence entre les catégories d’effectifs. Mais quid de la solidarité entre les branches, alors que l’on sait très bien que certaines branches ont davantage de moyens que d’autres ? De même, quid de la mutualisation avec les retraités, qui, eux, ne sont pas rattachés à une branche ? Votre dispositif risque de conduire à des mutuelles beaucoup plus chères pour l'ensemble des retraités.

Enfin, troisième point, nous, les Verts, nous sommes des adeptes du small is beautiful et, surtout, de la proximité. (Brouhaha.) Eh oui ! C’est même ce qui guide notre action. Nous sommes attachés à l’économie sociale et solidaire, et donc attentifs à l’avenir de tout le réseau des petites mutuelles, qui peuvent offrir des services adaptés aux différentes entreprises. De la même manière, nous souhaitons que le réseau des courtiers soit préservé. Or, si l’on commence à permettre aux branches de décider pour tout le monde, on empêchera le foisonnement des initiatives et on se privera d’une analyse de proximité.

Bien sûr, si l’ensemble des prestations devaient passer par la mutuelle, cela relèverait de la sécurité sociale, mais, dès lors que l’on fait le choix d’une complémentaire, celle-ci doit être adaptée aux besoins de l’entreprise, notamment en termes de proximité.

Nous sommes donc un peu réticents face à cette possible obligation d’affiliation par branche.

En revanche, nous sommes tout à fait favorables au principe des recommandations par branche et au fait que, après analyse et présentation des avantages et inconvénients de plusieurs mutuelles, les éléments des contrats puissent être négociés à l’échelle de la branche, mais il faut que l’entreprise ait la liberté de choisir entre plusieurs projets.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Dois-je reprendre à la base ? Un élément de base qui manque peut-être à votre information, monsieur Desessard, est que, dans le débat entre partenaires sociaux, deux organismes patronaux sur trois étaient favorables au maintien de la clause de désignation. Quant aux organisations syndicales, signataires ou non de l’accord, elles y sont toutes favorables. Voilà pour planter le décor.

Un des organismes patronaux, le MEDEF, sous l’influence d’une de ses composantes qui a emporté la décision ― vous voyez sans doute de quelle branche il s’agit ―, a maintenu jusqu’à aujourd’hui une position défavorable au maintien de la clause de désignation.

Il faut bien garder en tête ce panorama global, dans lequel chacun peut d’ailleurs choisir de se placer où il l’entend…

Ensuite, la mutualisation peut ne pas être nécessaire, selon la composition de la branche, mais, dans certaines branches, particulièrement dans celles qui regroupent de très petites entreprises, elle s’impose.

Prenons encore un fois l’exemple de la branche de la coiffure, cher au rapporteur et à M. Hue. D’un salon à un autre, les situations, en termes de personnel, sont extrêmement différentes. Un salon de coiffure très récemment créé par un jeune et employant de très jeunes salariés n’a rien d’équivalent, en termes de risque, avec un salon de coiffure installé depuis plus longtemps, sur la place d’Argenton-sur-Creuse, et comprenant en son sein un patron et des salariés beaucoup plus âgés !

Dans cet exemple, la mutualisation est donc positive. Elle est d’ailleurs en vigueur, puisque cette branche est déjà couverte par un accord de mutualisation maximale, car c’était dans l’intérêt de chaque petite entreprise comme dans l’intérêt de chaque salarié.

L’intérêt des salariés comme des entreprises, vous le voyez donc, est que la possibilité de choisir soit conservée.

J’entends bien, cependant, au travers de vos arguments, qui ne sont pas les mêmes que ceux qui peuvent être avancés ailleurs, la question dite des mutuelles, mais à quoi celles-ci sont-elles attachées ?

Elles veulent pouvoir être présentes sur un marché – pardonnez-moi ce terme, monsieur Desessard, mais il s’agit bien d’un marché, même si, en tant que mutuelles, elles ne l’abordent pas de la même manière que d’autres –, sur lequel elles ne le sont pas suffisamment aujourd’hui.

Or, ce qui leur permettra d’y être présentes, ce sont la transparence et la concurrence. D’ailleurs, si elles se regroupent pour élargir leurs offres, elles gagneront. Notamment, comme elles n’ont pas d’actionnaires à rémunérer, elles pourront assurer une meilleure qualité et des prix inférieurs.

C’est peut-être une des qualités de l'économie sociale et solidaire à laquelle nous sommes nous aussi attachés !

La réponse à votre préoccupation, ou à la préoccupation de ceux qui l’ont exprimée auprès de vous, ce sont donc justement la transparence et la concurrence.

Cela permettra à tous les acteurs concernés de traiter éventuellement différemment ce marché, en apportant aux entreprises, notamment aux petites entreprises, et aux salariés des solutions conformes à leurs intérêts.

Voilà le raisonnement que je vous invite à adopter, monsieur Desessard : prenez donc en compte, d’un côté, le panorama politique syndical de départ et, de l’autre, mes arguments, qui répondront aux préoccupations de ceux qui vous en ont fait part.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 509 rectifié ter.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 193 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 171
Contre 164

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l’amendement n° 45 n’a plus d’objet.

La parole est à M. le ministre.