M. Roger Karoutchi. C’est vrai !

M. Jean-Claude Gaudin. … si j’ai bien entendu ce que les maires sont venus me dire ce matin au Sénat ou ce que d’autres criaient, moins aimablement, à l’extérieur. Les maires continueront à exercer leurs compétences pleines et entières.

Pour ce qui concerne les compétences intercommunales, l’organisation administrative de la métropole devra absolument tenir compte des territoires.

Il est utile de faire référence au « pacte de gouvernance » établi entre les communes de la communauté urbaine de Marseille-Provence-Métropole lors de sa création, en 2000, puisqu’aujourd’hui certains maires éprouvent des craintes pour l’autonomie communale.

Une représentation équitable des territoires est essentielle pour le bon fonctionnement démocratique du conseil de la métropole. La loi de 2010 n’aurait pas permis d’atteindre cet objectif, s’agissant de la représentation des communes les plus peuplées du département. C’est pourquoi la proposition de compléter la composition de l’assemblée métropolitaine, en la portant à 238 membres, me semble de nature à satisfaire les communes, y compris Aix-en-Provence et Marseille, nettement sous-représentées.

Je note, de façon positive, que le Gouvernement reconnaît la légitimité de cette demande. C’est en tous cas ce que M. le Premier ministre m’a indiqué et il me semble, madame la ministre, que vous l’avez confirmé. Tous les maires doivent faire partie du conseil de la métropole.

Il y a une question beaucoup plus importante que celle de savoir comment et avec qui construire la métropole : la métropole, pour quoi faire ? C’est là que l’on aborde le vrai sujet, le véritable enjeu, celui de la définition d’un projet métropolitain qui soit de nature à permettre à l’agglomération et à tout son territoire de rentrer dans le développement économique et social du xxie siècle, au bénéfice de toute la population concernée.

Le corollaire évident, indispensable, incontournable de cette démarche d’élaboration du « projet de métropole » est bien entendu l’implication forte de l’État. Sans l’État, ce projet serait vide de sens !

L’enjeu est évidemment national, comme dans le cas du Grand Paris, et l’engagement financier de l’État devrait être à la mesure et en proportion des moyens engagés au titre de la mise en œuvre du Grand Paris. (Mlle Sophie Joissains applaudit.)

Dans cette perspective, il m’apparaît que le tableau de compétences de la métropole doit être à la fois vérifié, précisé et complété.

Le tourisme doit rester, me semble-t-il, de compétence communale, en articulation avec les échelons départemental et régional, comme cela se pratique déjà partout avec succès.

Par ailleurs, il faut clairement établir que la compétence pluviale – Dieu sait combien la France a connu d’inondations au cours des derniers mois, et pas uniquement dans le Sud ! – doit être assurée au niveau métropolitain.

M. Jean-Claude Gaudin. En effet, la pluie ne connaît pas la carte des 119 communes du département ou des 92 communes de la métropole !

De même, la voirie, sous toutes ses modalités, doit être une compétence entièrement métropolitaine.

Enfin, il est pour le territoire d’Aix-Marseille-Métropole un enjeu stratégique qui doit relever de la nouvelle institution : je veux parler du grand port maritime de Marseille. Je présenterai un amendement sur ce point.

Je sais quelle est la position d’un éminent collègue sur le sujet. Mais le port autonome de Marseille n’est en réalité nullement autonome ! Au conseil d’administration, les fonctionnaires représentant l’État sont majoritaires ! Pourquoi alors nous incombe-t-il d’assurer entièrement la sécurité du port ? J’y reviendrai dans un instant.

M. Vincent Eblé. C’est fini !

M. Jean-Claude Gaudin. Me reste-t-il encore un peu de temps, monsieur le président ? (Rires.)

M. le président. Disons une minute, s’il s’agit d’une sardine ! (Sourires.)

M. Jean-Claude Gaudin. Je conclurai en évoquant un dernier sujet d’importance, le bataillon des marins-pompiers de Marseille, dont les 1 400 hommes et femmes assurent, outre la protection des 24 000 hectares de la ville de Marseille – soit la superficie du quadrilatère formé par Roissy, Orly, le bois de Vincennes et le bois de Boulogne –, la sécurité des ports Est et Ouest et celle de l’aéroport international Marseille-Provence. Ce bataillon coûte 100 millions d’euros par an, dont 70 millions d’euros à la seule charge de la ville de Marseille. Il faudra bien un jour trouver une solution pour l’aider à porter ce fardeau financier. Je ne sais pas si le magnifique président de la commission des finances invoquera l’article 40… (Rires. – M. Jacques Mézard applaudit.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il n’est pas là !

M. Jean-Claude Gaudin. Je terminerai par cette remarque : en votant le projet du Gouvernement, amendé suivant mes demandes, nous pouvons passer de la métropole inachevée à la métropole affirmée.

Nous avons été capables de fusionner en peu de temps trois universités. Les collectivités participent, au côté de l’État, à la réalisation du chantier Euroméditerranée. Enfin, dans le cadre de Marseille capitale européenne de la culture en 2013, pratiquement toutes les communes, y compris celles dont les maires manifestaient ce matin, sont associées pour imprimer un élan culturel extraordinaire.

Chacun sait que j’ai le plus grand respect pour le Saint-Esprit, mais j’aimerais tout de même que nous comptions sur nos propres efforts pour progresser et surmonter les blocages ! Je salue, à cet égard, la qualité du travail accompli par la commission des lois, sous l’égide de son président et de son rapporteur. Un peu d’espoir, un peu de confiance ! Nous parlerons plus tard, monsieur Collombat, du statut de l’élu. Si nous le faisions dans le contexte actuel, les télévisions ne nous rateraient pas ! (Rires et applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. C’est peu dire, mesdames les ministres, que votre texte était attendu, parfois de pied ferme ! Il a été largement et diversement commenté, souvent de manière assez contradictoire, ce qui diminue quelque peu la pertinence des critiques formulées.

Si ce texte suscite autant de difficultés, mes chers collègues, c’est que la France est désormais diverse et que l’on peut très facilement opposer les territoires entre eux. Je crois pourtant qu’il faut rechercher ce qui, au-delà de la diversité des territoires, peut faire l’unité de notre pays, l’unité n’étant pas l’uniformité.

Permettez-moi de vous exposer, en quelques mots, ma vision de notre pays.

Sur les cartes de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR, apparaît d’abord une France rurale s’étendant des Ardennes au Sud-Ouest, en passant par le Massif central. Elle compte souvent très peu de villes, et c’est donc le département qui forme l’armature de ces territoires.

Il y a ensuite la France des villes moyennes, au nombre d’un peu plus d’une centaine, qui maillent le territoire national. C’est dans ces villes moyennes que l’on trouve les premiers services aux entreprises, les premières antennes universitaires, parfois des spécialités dans tel ou tel domaine de l’économie. Il faut les renforcer, leur donner les moyens de mener des politiques d’aménagement et de développement, car leur dynamisme rejaillit sur tout le territoire qui les environne. En effet, c’est bien souvent autour d’elles que s’organisent les territoires ruraux. Mes chers collègues, n’opposons pas le rural et l’urbain : l’INSEE nous apprend que 95 % de la population vit aujourd’hui dans des territoires sous influence urbaine, que la ville qui exerce cette influence soit grande ou petite.

Il y a aussi un certain nombre de grandes villes dont l’aire d’influence est régionale et que, pour ma part, j’appelais « métropoles d’intérêt national ».

Ces villes regroupent un ou plusieurs pôles de compétitivité, des universités, des grandes écoles. Elles sont au cœur de systèmes urbains plus complexes, ceux que nous avons essayé de prendre en compte dans la notion de pôle métropolitain. Elles portent la dynamique économique et, en même temps, parce qu’elles sont des lieux d’attraction, connaissent souvent des difficultés sociales, des problèmes de paupérisation, voire de ghettoïsation, dans certains de leurs quartiers ou dans certaines communes.

Il faut permettre à ces grandes villes de faire un bond en avant, et c’est ce que permettra l’instauration des métropoles de droit commun prévue dans le présent projet de loi.

Enfin, il y a trois ou quatre grandes métropoles qui peuvent essayer de se comparer – nous sommes tout de même loin du compte – aux grandes métropoles européennes.

Reste le cas spécifique de l’Île-de-France, qui est évidemment d’une importance décisive.

L’Île-de-France concentre 30 % du PIB français et Paris est, avec Londres, la seule ville d’Europe à même de peser sur la scène mondiale. L’Île-de-France représente donc un enjeu majeur non seulement pour les Franciliens, mais aussi pour tous les Français. Hélas, encore aujourd’hui, elle est un territoire terriblement fragmenté, entre la ville de Paris, bien sûr, 114 intercommunalités, plus de 1 200 communes, la région, sept conseils généraux en dehors de Paris. Ce foisonnement institutionnel nuit parfois à la dynamique économique, rend plus difficile l’investissement privé et paralyse, par exemple, la construction de logements. (M. le rapporteur et M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable acquiescent.)

C’est ce problème que la mutualisation de la compétence logement au sein de la métropole de Paris vise à traiter en priorité. C’est bien !

Toutefois, je pense que ce doit être là un point de départ, non un point d’arrivée. Là comme ailleurs, il nous faudra, dans les années qui viennent, progresser encore et aller vers plus d’intégration intercommunale. (MM. les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable approuvent.)

Cette progression vers une plus grande intégration, c’est le chemin qu’a parcouru la communauté urbaine de Lyon, qui fut, cela a été souligné, l’une des premières à avoir été créée par la loi, en 1966. À l’époque, la finalité était d’assurer des services urbains basiques : la distribution d’eau, la gestion des déchets, l’assainissement, en un temps où seules dix-huit communes sur cinquante-cinq étaient équipées du tout-à-l’égout.

Par la suite, la communauté urbaine n’a cessé de monter en charge, recevant les compétences urbanisme en 1983, transports en 1985, développement économique en 1990, logement en 1995. Plus récemment, elle est devenue compétente en matière de grands événements culturels, de très haut débit ou encore d’énergie.

Les communes de l’agglomération lyonnaise se sont habituées à travailler ensemble dans des champs de plus en plus nombreux, à soutenir ensemble la dynamique économique, à résoudre ensemble les problèmes de fracture spatiale que connaissaient des quartiers comme La Duchère ou des communes comme Vaulx-en-Velin et Vénissieux.

M. René Vandierendonck, rapporteur. Très bien !

M. Gérard Collomb. Souvenez-vous de la révolte des banlieues, mes chers collègues : cela se passait dans l’agglomération lyonnaise !

C’est parce que nous avons cette histoire que la nouvelle étape que nous allons franchir grâce à ce texte, avec la création d’une métropole fusionnant EPCI et conseil général sur le territoire du Grand Lyon, nous semble presque naturelle.

Créer cette métropole, c’est se donner les moyens de supporter la comparaison avec Barcelone, Manchester ou Milan. C’est aussi pouvoir dégager des marges de manœuvre pour mieux servir nos concitoyens. En effet, en réunissant les compétences d’aménagement du Grand Lyon – l’urbanisme, le logement, l’économie – et les compétences sociales du conseil général – la gestion du RSA, la politique de l’enfance, la politique en faveur des personnes âgées, la prise en compte du handicap –, nous allons pouvoir mieux articuler l’urbain et l’humain. Au fond, nous allons repousser les frontières de l’action publique.

C’est sur le fondement de cette expérience que je voudrais dire à mes amis marseillais que c’est dans la voie de l’intégration intercommunale que se trouve la clé du succès. Je sais les craintes que le projet de loi peut susciter parmi eux. Mais je sais aussi que, en 1966, la quasi-totalité des élus étaient contre la création de la communauté urbaine de Lyon, que pourtant personne ne regrette aujourd'hui. Que de chemin parcouru !

Chers amis marseillais, vous avez en main les clés de votre avenir. Votre territoire connaît des difficultés, mais il a aussi des atouts exceptionnels, que beaucoup peuvent vous envier. C’est pourquoi vous devez vous saisir de ce projet de loi pour en faire l’occasion d’un nouveau départ, pour commencer l’écriture d’une nouvelle page de votre histoire.

Madame la ministre, j’entends parfois dire que le présent projet de loi manque de souffle. Mais la difficulté à le rédiger atteste simplement que la France est devenue diverse, qu’il y a non pas une France, mais des France. Il n’est pas aisé de traduire cette complexité dans les textes. Il est fini le temps, quand s’établissait la République, où l’on pouvait organiser notre pays à partir d’un modèle unique. Il y a des France, et il ne faut surtout pas les opposer.

Je suis de ceux qui pensent, avec d’ailleurs tous les économistes et les géographes travaillant sur la question, qu’il n’y a pas de contradiction entre l’urbain et le rural, entre les petites villes et les grandes métropoles, entre la province et Paris. Il n’y a pas de contradiction, c’est pourquoi nous devons ensemble donner vie à ce texte.

Finalement, aujourd'hui, nous sommes confrontés à une alternative : l’immobilisme ou le changement. Ou bien nous resterons prisonniers de nos routines, de nos contradictions locales, de nos intérêts de court terme, et rien ne bougera, mais je crains alors pour l’avenir de notre pays, ou bien nous réussirons à mettre nos territoires en mouvement, et chacun devra évidemment le faire à sa manière !

Mes chers collègues, si nous savons saisir cette chance, je ne doute pas que les collectivités locales seront, demain, les vraies actrices du changement ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Gérard Longuet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille.

M. Hervé Marseille. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’intitulé du projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui, « modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles », est sans nul doute attrayant, mais le terme « modernisation », souvent synonyme d’amélioration et de progrès, prend ici un sens tout particulier. Personne ne s’est d’ailleurs laissé abuser, et rares sont ceux qui se satisfont de ce projet de loi. Les nombreuses heures consacrées à ce texte par la commission des lois, dont je salue le travail, en témoignent. Le très grand nombre d’amendements déposés atteste de l’insatisfaction générale.

Cette première scène de l’acte III de la décentralisation se présente comme une œuvre de modernisation, se traduisant en Île-de-France par la confiscation d’un grand nombre des pouvoirs des maires, notamment en matière d’urbanisme et de logement. Vous sachant attachés, mes chers collègues, tout comme nos concitoyens, à l’importante fonction de proximité du maire, je ne doute pas que vous porterez un regard critique sur le dispositif !

Sur le plan de la méthode, on peut regretter que la concertation avec les collectivités territoriales concernées ait été insuffisante. Peut-on, là aussi, parler de modernisation ?

De même, la création d’un étage supplémentaire de la machine administrative locale, au moment où la France se doit de la simplifier, représente-t-elle une modernisation ?

Il s’agit donc d’un projet de loi qui donne un nouveau sens à l’idée de modernisation : même après les améliorations apportées par notre commission des lois, le texte complexifie toujours un peu plus le millefeuille administratif et affaiblit substantiellement le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Par ailleurs, les parlementaires regrettent la méthode employée par le Gouvernement : en scindant les réformes entre plusieurs véhicules législatifs, il les prive d’une partie de leur pouvoir d’appréciation et ne leur permet pas d’articuler les dispositifs entre eux. Ce fut déjà le cas pour l’emploi, c’est maintenant le cas pour l’acte III de la décentralisation !

Mes chers collègues, en tant qu’élu francilien, vous me permettrez de m’attarder plus particulièrement sur le chapitre Ier du titre II, regroupant les dispositions spécifiques à l’Île-de-France.

Tout d’abord, l’article 12 vise à compléter le code général des collectivités territoriales en créant l’établissement public Grand Paris Métropole, qui serait composé de la ville de Paris et des EPCI à fiscalité propre. Par ailleurs, la région d’Île-de-France et les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, de la Seine-et-Marne, de l’Essonne, des Yvelines et du Val-d’Oise pourraient participer, avec voix consultative, aux travaux de Grand Paris Métropole.

Toutefois, malgré une lecture extrêmement attentive, je n’ai rien trouvé sur l’implication des communes et des maires. Nos villes sont donc les grandes oubliées de ce projet de loi, qui tend de plus à les dessaisir en partie de leur liberté d’administration !

En effet, la création de Grand Paris Métropole, à qui seraient transférées des attributions communales, réduira fortement les pouvoirs du maire et, par conséquent, sa capacité à gérer sa commune. Les maires et les conseillers municipaux sont pourtant les seuls élus légitimes dans ce dispositif.

À ce titre, l’exemple du logement est particulièrement marquant. L’article 13 crée le schéma régional de l’habitat et de l’hébergement en Île-de-France. Il prévoit notamment que « ce schéma fixe les objectifs globaux et, dans le respect des compétences conférées à Grand Paris Métropole, leurs déclinaisons territoriales en matière de construction et de rénovation de logements, de construction et d’amélioration des structures d’hébergement, de développement équilibré du parc de logements sociaux, de rénovation thermique des logements […]. »

Autrement dit, le maire, premier gestionnaire de la commune, se trouvera dessaisi de la politique d’urbanisme et de logement, pourtant si importante pour ses administrés. C’est en étant présent sur le terrain, au plus près des difficultés, qu’il est possible de diagnostiquer ces dernières et d’y remédier. Seuls les élus municipaux bénéficient de cette proximité qui permet d’agir avec efficacité.

Certes, on pourrait objecter que Grand Paris Métropole agira avec les représentants des EPCI, mais force est de constater que, aujourd'hui encore, les délégués communautaires des municipalités ne sont pas élus au suffrage direct. Or la gestion d’une politique aussi importante pour les populations que celle de l’urbanisme et du logement ne peut pas être déléguée à des personnes ne répondant pas de leur action devant les électeurs. Nous ne pouvons que déplorer une telle situation.

Encore faudrait-il que l’ensemble des communes soient membres d’un EPCI, ce qui n’est toujours pas le cas. Les rapprochements entre communes demandent du temps, et ce n’est pas l’affichage d’un objectif par un texte gouvernemental assorti d’un échéancier qui va créer les conditions nécessaires à la mise en place harmonieuse d’un partenariat stable, durable et productif.

Aussi défendrai-je, avec mon collègue Vincent Capo-Canellas, un amendement à l’article 12 prévoyant que le projet de Grand Paris Métropole sera envisagé uniquement après l’achèvement de la carte intercommunale en Île-de-France. Dans la même mesure, le seuil prévu de 200 000 habitants est trop contraignant. Son instauration pourrait aller à l’encontre de la mise en place d’un partenariat productif. Plusieurs amendements tendent donc à moduler ce seuil.

Mesdames les ministres, votre volonté de « moderniser » l’action publique est indéniable, mais les moyens vont manquer, en particulier en matière de logement. En effet, le dispositif du projet de loi est défini à moyens constants ; autrement dit, c’est le statu quo : pas de moyens supplémentaires, peu de logements supplémentaires !

Par ailleurs, il est important de remarquer un effet induit par la modernisation que vous préconisez : l’adjonction d’une nouvelle norme venant compléter un dispositif déjà particulièrement riche, et parfois même contradictoire. Sans être exhaustif, je mentionnerai le schéma directeur de la région d’Île-de-France, le plan de déplacements urbains, le schéma de cohérence territoriale, le plan départemental de l’habitat et, désormais, le schéma régional de l’habitat et de l’hébergement en Île-de-France. Bientôt, il faudra être agrégé de droit public pour être élu en Île-de-France ! (Sourires.)

À multiplier les normes sans les coordonner entre elles, on complexifie davantage encore le travail des gestionnaires et on accentue l’insécurité juridique : cela devient contreproductif. On construira moins de logements, sur la même période, qu’il aurait été possible d’en réaliser. C’est pourquoi nous vous présenterons un amendement tendant à assurer la prise en compte du SDRIF et des pôles de développement du Grand Paris dans l’élaboration du projet de schéma interdépartemental de coopération intercommunale de la petite couronne.

Enfin, où est la cohérence de ce texte, quelle vision d’ensemble traduit-il ? Quid de l’avenir des communes, des départements et de la région ? Le débat est reporté à plus tard…

À l’approche d’échéances électorales en vue desquelles nous devrons présenter des projets à nos électeurs, pouvez-vous nous dépeindre l’avenir que le Gouvernement envisage pour la région d’Île-de-France ? Cette dernière ne manquera pas d’être concurrencée par le Grand Paris Métropole, les territoires se recoupant largement. Paris est déjà une commune-département ; est-il envisagé de l’ériger en commune-département-région ?

Ce texte est, à l’évidence, insatisfaisant. Il l’est évidemment pour l’opposition, mais il l’est également, nous l’avons entendu, pour les représentants de la majorité. Ainsi, sur les 840 amendements déposés, près de 140 amendements émanent du groupe CRC et pas moins de 80 du groupe écologiste. C’est un signe manifeste d’insatisfaction.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Non ! D’intérêt pour le texte !

M. Hervé Marseille. Pourrez-vous enfin nous expliquer quel sera le mode de financement de la création de Grand Paris Métropole ? Quelles en seront les conséquences en termes de solidarité interdépartementale et de péréquation ? Renvoyer la réponse à cette question à la loi de finances nous paraît critiquable.

Vous le comprendrez, il nous sera difficile de nous engager dans ces conditions et d’apporter notre soutien au texte en l’état. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Déposer des amendements est normal ! Ce n’est pas un signe d’insatisfaction, c’est une marque d’intérêt pour le texte ! Si on est par principe hostile au fait de déposer des amendements, autant fermer le Parlement !

M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.

M. Gérard Larcher. Mesdames les ministres, M. Mercier le soulignait ce matin, vouloir engager la réforme des collectivités territoriales nécessite courage, abnégation et écoute de votre part, tant la commune et le département sont consubstantiels à la République, ainsi qu’à la vie quotidienne de nos concitoyens. Mon expérience m’a confirmé combien le sujet pouvait être politiquement sensible !

M. Gérard Collomb. C’est vrai !

M. Gérard Larcher. D’ailleurs, il transcende les clivages, comme le démontre ce débat.

Je souhaite vous faire part de quelques interrogations suscitées par le texte dont nous commençons l’examen aujourd'hui.

Une première interrogation porte sur un sujet qui nourrit l’inquiétude des élus locaux et nous renvoie aux propos sur l’exigence de lisibilité que M. le président de la commission des lois a tenus ce matin : celui de la variabilité de la législation concernant nos collectivités territoriales.

Depuis le 16 décembre 2010, nous en sommes déjà au troisième ou au quatrième texte venant modifier l’organisation territoriale ou son administration. D’autres modifications sont encore attendues, concernant la région, le département ou les communes. Cette instabilité est à terme insupportable pour les élus locaux.

Les schémas départementaux de coopération intercommunale ont été achevés en décembre 2012. La tâche n’était pas si simple dans un département comme le mien, qui, cher Edmond Hervé, n’avait pas l’expérience de la Bretagne et n’était qu’à moitié engagé dans le mouvement communautaire voilà moins de quatre ans. Or, moins de cinq mois plus tard, tout est déjà bouleversé. J’y reviendrai.

Une deuxième interrogation tient à la complexité sans cesse croissante du système. Par exemple, comment réhabiliter, dans le même texte, la clause de compétence générale et la notion de « chef de file », que j’avais d’ailleurs moi-même vainement tenté d’introduire en 1995 ? Le rapporteur du texte que j’étais avait alors obtenu un succès d’estime, sa proposition recueillant vingt-deux voix…

Une troisième interrogation est liée à la place qui sera faite aux communes dans l’organisation territoriale.

Monsieur le maire de Lyon, permettez-moi de souligner que la situation de l’Île-de-France n’est pas comparable à celle des autres régions : l’Île-de-France, c’est 11,8 millions d’habitants, dont 10 millions pour Paris Métropole. Il ne saurait y avoir de réponse unique, valable partout : les solutions doivent être différentes et adaptées aux territoires.

M. Roger Karoutchi. Bien sûr !

M. Gérard Larcher. Mesdames les ministres, dans votre projet de loi initial, l’institutionnel primait sur le fonctionnel. Heureusement, la commission des lois a modifié votre texte et a prévu une représentation des communes de moins de 50 000 habitants et des intercommunalités au sein de la conférence territoriale. Certaines intercommunalités comptent à la fois des communes faisant partie de l’unité urbaine et des communes extérieures à celle-ci, dotées de compétences différentes.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est tout le problème…

M. Gérard Larcher. Bref, c’est un casse-tête invraisemblable, qui contribue à paralyser l’action communale dans une période où nous avons besoin de dynamisme.

Une quatrième interrogation porte sur le sort des territoires ruraux situés dans les zones périurbaines, qui n’ont pas encore été évoquées. Je pense notamment ici aux départements de la grande couronne, la Seine-et-Marne, le Val-d’Oise, les Yvelines et l’Essonne. Aucune vraie représentation de ces collectivités n’était prévue dans le dispositif qui nous était proposé. Le texte donnait même le sentiment qu’une partie de mon département devrait plutôt se tourner vers la région Centre ou la Haute-Normandie, car apparemment nous n’intéressons personne au sein de la région d’Île-de-France, puisqu’il n’est pas question de nous doter de transports collectifs avant 2030 !