M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vive le libéralisme !

M. Aymeri de Montesquiou. Le levier sur lequel vous devez absolument agir est le coût du travail, en abaissant les charges et la fiscalité. Aujourd’hui, le coût du travail en France est supérieur de 3 points à celui de l’Allemagne, de 8 points à celui de l’Italie et de 13 points à celui du Royaume-Uni.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Merci Sarkozy !

M. Aymeri de Montesquiou. La France a donné son accord pour augmenter la durée de travail des fonctionnaires européens. Par volonté d’harmonisation, allez-vous amorcer, monsieur le ministre, une évolution comparable au niveau national ?

La réforme des retraites en préparation doit impérativement s’aligner sur celle des pays de l’Union européenne pour une convergence européenne. Comment peut-on avancer à contre-courant et en dépit du bon sens ? J’ai cru comprendre des propos du Président Hollande que l’âge du départ en retraite resterait fixé à soixante-deux ans. Ai-je bien compris ?

Enfin, et surtout, le chômage, en particulier celui des jeunes, très fort dans toute l’Europe – 23,9 % en moyenne et 25,7 % en France –, est extrêmement inquiétant. La lutte contre le chômage, avec les mesures visant à créer des emplois, est une priorité d’action du Conseil européen. Quelles seront vos propositions en la matière ? Êtes-vous prêt à écouter celles de nos partenaires ?

Notre jeunesse quitte la France comme jamais auparavant,…

M. Richard Yung. Bavardage !

M. Aymeri de Montesquiou. … ce qui est très alarmant. Si vous n’écoutez pas les parlementaires de l’opposition, écoutez au moins les aspirations de notre jeunesse, afin que notre pays ne se vide pas de sa force vitale !

M. Jean Bizet. Très juste !

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, faites que votre Europe soit la nôtre, « un engagement, une espérance et un combat » ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis un an, une nouvelle Europe se profile : l’Europe de la croissance.

M. Jean Bizet. On n’a rien vu !

M. Jean-Claude Requier. C’est grâce aux efforts de la France que les Vingt-sept ont changé de cap lors du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, en adoptant le pacte européen pour la croissance et l’emploi. C’était il y a presque un an !

Après « l’ère de l’austérité », l’Europe a fait le choix d’une voie plus prospère. Bien sûr, cette nouvelle dynamique européenne n’est pas toujours simple à mettre en œuvre. Les relations quelque peu tumultueuses entre la France et la Commission européenne ces dernières semaines, notamment ces derniers jours, en sont une illustration. Il faut convaincre, encore et toujours, la Commission européenne et nos partenaires. Dernier épisode en date : la communication de M. Barroso.

Vendredi dernier, les vingt-sept ministres du commerce des États membres étaient au diapason lorsqu’ils ont adopté, certes après douze heures de discussions, le mandat de la Commission européenne pour les négociations de cet accord et ont choisi de suivre la position défendue par la France, en excluant la culture du champ de ces négociations. Avant-hier, une certaine cacophonie est apparue à la suite des déclarations de M. Barroso, qui a qualifié les défenseurs de l’exception culturelle de « réactionnaires ». La tension était donc à son comble en plein G8 et à quelques jours du prochain Conseil européen. Cependant, il ne faut pas laisser quelques déclarations, aussi maladroites et inappropriées soient-elles, gâcher les avancées qui sont à portée de main des États européens.

Au-delà des mots, chacun doit prendre la mesure des difficultés auxquelles notre pays est confronté, comme beaucoup d’autres, et dont la sortie de crise ne peut être que commune. Le Conseil européen des 27 et 28 juin clôturera le semestre européen, avec l’adoption des recommandations par pays de la Commission européenne.

Soyons honnêtes et lucides, mes chers collègues : que pouvons-nous réellement contester dans les grandes lignes de ce que recommande la Commission européenne pour notre pays ? Une réforme des retraites dont chacun, quelle que soit son appartenance politique, connaît l’impérieuse nécessité ? Une réforme du marché du travail, à un moment où le chômage bat des records ? Comment pourrons-nous nous en sortir si nous ne menons pas des réformes structurelles courageuses ?

M. Jean Bizet. C’est juste !

M. Jean-Claude Requier. Notre pays a déjà engagé un certain nombre de réformes favorables à la compétitivité et à l’emploi, des réformes que soutiennent les radicaux de gauche. Il est indispensable de poursuivre sur cette voie, en appliquant notamment les recommandations de l’excellent rapport Gallois et en augmentant le rythme, aussi bien que l’ampleur, des réformes.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il y a encore du travail !

M. Jean-Claude Requier. Ce n’est nullement la Commission européenne qui nous impose ces réformes ; il est de notre responsabilité de les mener de front, par égard pour nos concitoyens et pour les générations futures.

Lors du prochain Conseil européen, les chefs d’État et de gouvernement poursuivront l’évaluation des mesures du pacte européen pour la croissance et l’emploi. François Hollande et José Manuel Barroso ont reconnu le 15 mai dernier « des difficultés de mise en œuvre » de ce pacte. Il est certain que les retombées se font attendre.

Les fonds structurels à hauteur de 1,2 milliard d’euros qui devaient bénéficier aux régions françaises, sur les 55 milliards d’euros réalloués dans le cadre du pacte, commencent tout juste à affluer. De même, les effets de la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement, à hauteur de 10 milliards d’euros, peinent à se faire sentir. Pourtant, le montant des projets français soutenus par la BEI pourrait passer de 4 milliards d’euros par an pour la dernière décennie à 7 milliards d’euros les prochaines années. Ce pacte aura donc des effets bien concrets non seulement pour les entreprises, les collectivités territoriales, mais aussi les hôpitaux et les universités françaises, qui pourront désormais bénéficier du soutien de la BEI.

Lors du débat préalable au Conseil européen de mars dernier, votre prédécesseur nous avait annoncé, monsieur le ministre, que « la France bénéficiera de la mobilisation de près de 11 milliards d’euros d’argent européen au titre du plan de croissance dans les mois à venir, ce qui, par effet de levier, devrait permettre d’avoir un impact global de près de 24 milliards d’euros ». Nous nous en réjouissons.

Cependant, si les réallocations de fonds structurels et la recapitalisation de la BEI commencent à devenir des réalités, le plus grand flou règne quant au troisième volet du Pacte, c’est-à-dire les obligations de projets.

Où en sont ces 5 milliards d’euros de project bonds, dont 400 millions d’euros devaient être investis en France, dans le domaine des transports, de l’énergie ou des télécommunications ? Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner plus de détails sur leur répartition ?

Si le Pacte européen pour la croissance et l’emploi constitue un tournant majeur dans l’orientation des politiques européennes, il est bien évidemment insuffisant à lui seul pour garantir les emplois et la croissance de demain. Il n’est qu’une première étape sur un chemin qui doit être poursuivi avec force et conviction. Le budget européen pour les années 2014 à 2020 doit mettre véritablement l’accent sur la croissance et l’emploi. La France plaide à juste titre pour le « déboursement accéléré » de 6 milliards d’euros sur deux ans en faveur de l’emploi des jeunes.

La lutte contre le chômage des jeunes sera d’ailleurs aussi au menu du prochain Conseil européen. Elle doit constituer une priorité absolue, non seulement en France, où le Gouvernement et sa majorité déploient tous leurs efforts en ce sens, mais aussi au niveau européen. La « garantie pour la jeunesse » proposée par l’Union européenne, aux termes de laquelle chaque jeune se voit proposer un emploi, un complément de formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant sa sortie de l’enseignement ou la perte de son emploi constitue une initiative importante.

M. Jacques Mézard. C’est vrai !

M. Jean-Claude Requier. Enfin, les chefs d’État et de gouvernement aborderont de nouveau, la semaine prochaine, l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, ainsi que la mise en place de l’union bancaire. S’agissant de cette dernière, lancée en octobre 2012, il faut souligner la rupture majeure que cette construction représente. La première étape de cette union, à savoir la mise en place d’une supervision bancaire européenne sous l’égide de la BCE, en coordination avec les superviseurs nationaux, est en bonne voie. Quant aux deux autres étapes, c’est-à-dire la mise en place d’un mécanisme de résolution unique des crises et la garantie européenne des dépôts, pouvez-vous nous dire où nous en sommes exactement, monsieur le ministre ?

L’Allemagne, qui, dans un premier temps, exigeait une révision des traités, laquelle aurait été longue et fastidieuse, pour passer à la deuxième étape, celle de la résolution, semble avoir entendu raison, à en croire la contribution franco-allemande signée le 30 mai dernier. Monsieur le ministre, la voie vers l’accomplissement de l’union bancaire est-elle donc véritablement dégagée ?

Rappelons que la mise en place de l’union bancaire est un préalable indispensable pour permettre la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité, le MES, qui constitue une avancée essentielle pour briser le cercle vicieux des crises bancaires qui alimentent les crises de dette publique.

M. Jacques Mézard. Excellent !

M. Jean-Claude Requier. Les radicaux de gauche l’ont toujours affirmé, mais cela devient de plus en plus évident : notre avenir réside dans l’approfondissement économique et politique de l’Union européenne.

C’est en coordonnant plus étroitement nos politiques économiques, budgétaires, sociales et en étant unis et solidaires que nous sortirons par le haut de la crise et que nous pourrons garantir aux citoyens européens des emplois, des infrastructures de qualité, une garantie de leurs droits et, in fine, une vie meilleure. N’était-ce pas l’objectif initial de la construction européenne ? N’est-il pas temps de renouer avec les principes fondateurs de l’Europe ?

Comme il s’agit de la direction prise par le Président de la République, les radicaux de gauche et la majorité des membres du groupe RDSE lui apportent leur soutien. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, le Conseil européen du 28 juin prochain doit clore le fameux « semestre européen » visant à coordonner l’élaboration des politiques économiques des États membres. Il est donc logique que nos interventions se soient largement étendues sur ces aspects un peu arides, au risque parfois d’oublier ce qui devrait constituer un des points essentiels de nos interrogations.

En effet, nous fêtons cette année un anniversaire symbolique : la notion de « citoyenneté européenne » a été consacrée voilà vingt ans dans l’article 20 du Traité sur le fonctionnement de l’Union. Cependant, nous avons échoué jusque-là dans la tâche qui s’impose à nous en ces circonstances, à savoir réfléchir au sens et à la portée de cette notion.

La citoyenneté européenne, telle qu’elle est définie aujourd’hui, n’est pas sans poser problème, car on pourrait presque la qualifier d’« apolitique », à rebours de l’acception classique du terme. À l’image de l’Union elle-même, elle est surtout synonyme de droits économiques et administratifs, ou en tout cas perçus comme tels.

Certes, elle permet de participer aux élections européennes, et même aux élections locales, mais ce droit-là ne suffit pas à exprimer toute la citoyenneté, quand rien, ou presque, n’est fait pour prendre en compte les débats et les aspirations qui traversent en permanence nos sociétés.

Par ailleurs, compte tenu du fonctionnement actuel de l’Union, il faut admettre que son application reste encore très imparfaite. Le citoyen européen est un citoyen qui s’ignore et l’espace public communautaire en est toujours à un stade embryonnaire.

Il en résulte que l’émergence de projets clairement définis, articulés autour de hiérarchies de valeurs concurrentes et librement débattues – ce que l’on appelle le débat public – se révèle bien difficile à mettre en œuvre au niveau européen.

Certaines décisions récentes illustrent, à mon sens, cette difficulté.

Beaucoup, en France, se sont félicités de la déclaration des ministres du commerce extérieur, vendredi dernier, s’agissant du mandat qui a été donné à la Commission européenne pour négocier un traité de libre-échange avec les États-Unis. Celui-ci préserve en effet, pour l’instant, notre « exception culturelle », en particulier le cinéma.

De son côté, le président de la Commission européenne taxe la position française dans ce dossier de « réactionnaire », en feignant d’oublier que c’est également celle du Parlement européen, adoptée à une très large majorité. Or M. Barroso est tout de même censé écouter cette institution avec attention.

M. André Gattolin. Pourtant, ce point ne méritait – passez-moi l’expression, mes chers collègues – ni cet excès d’honneur ni cette indignité. En effet, la culture ne se résume pas à l’exception culturelle ni au cinéma. Par ailleurs, elle ne constitue qu’une partie des enjeux de ces négociations, lesquelles porteront aussi sur l’accès aux marchés publics, l’usage des données privées, les règles sanitaires et environnementales, soit autant de problèmes qui sont considérables.

Dans le contexte actuel, il y a fort à parier que ce sont les États-Unis qui obtiendront le plus de concessions. L’espèce de « protection consulaire » accordée pour l’instant à l’« exception culturelle » semble ici, malgré tout, bien modeste, d’autant que, en réalité, elle servira surtout, au fur et à mesure que les négociations progresseront, à réduire les autres revendications que nous pourrions avoir sur tel ou tel sujet, y compris dans des domaines à la marge de l’exception culturelle.

Le tout se déroule en outre dans un secret presque absolu, car la Commission européenne n’est guère partageuse ! Ce même constat a déjà été fait avec les discussions engagées voilà quelques années avec le Canada sur le même sujet, qui ne sont toujours pas terminées. À l’issue de réunions censées informer les États membres sur l’avancée des travaux, il arrive que les représentants de la Commission européenne s’éclipsent pour éviter de répondre aux questions des représentants nationaux.

Quand on pense que ces discussions avec les États-Unis s’ouvrent à moins d’un an du renouvellement du Parlement européen, donc de la Commission, on se demande quelle est la légitimité de M. Barroso pour agir de la sorte et parler de cette manière.

L’avis de la société civile européenne n’a pas été sollicité dans le cadre de ces accords ; aucune procédure de concertation publique n’a été mise en place au préalable, contrairement à ce qui se fait pour la préparation des directives européennes. Il faut croire que le temps pressait vraiment !

Qu’est-ce qui a bien pu pousser nos gouvernements à autoriser aussi rapidement l’ouverture de ces négociations ?

Certes, le traité devra encore être ratifié par le Parlement européen et accepté par les États membres. Toutefois, ces derniers se prononceront à la majorité qualifiée, et non plus à l’unanimité. Il sera alors peut-être trop tard pour exprimer des regrets.

Le même genre d’inquiétude se retrouve au sujet d’autres domaines de l’action européenne.

Ainsi, le Conseil européen doit examiner les recommandations qui sont faites aux États membres pour orienter leurs politiques économiques et budgétaires.

Néanmoins, ces recommandations, si elles peuvent être justes sur certains points, oublient en très grande partie les mesures de lutte contre la pauvreté ou en faveur de la transition écologique de l’économie. Or ces dernières figurent parmi les principaux objectifs de la stratégie Horizon 2020, qui doit entrer en vigueur dans quelques mois ! En outre, la conception du semestre européen, entièrement axée sur la rigueur budgétaire, semble être à courte vue, alors que le FMI ou encore l’OCDE, peu suspects de laxisme, appellent à miser davantage sur la relance de l’économie, pour peu qu’elle se fasse réellement au niveau européen.

L’impression générale qui se dégage de ce tableau, c’est que, aujourd’hui, l’Union européenne a perdu sa capacité à faire des choix clairs et cohérents. Il manque une colonne vertébrale à ses politiques et, dans des domaines très précis, les marges de progression restent importantes en matière de citoyenneté européenne.

Prenons un dernier exemple : celui de la parité. Cette dernière est reconnue comme une valeur essentielle, notamment dans les traités.

Pourtant, certaines des institutions de l’Union, à commencer par les institutions économiques et monétaires, ne comptent que peu de femmes, sinon aucune, en leur sein. Ne dit-on pas que charité bien ordonnée commence par soi-même ? Comment la Commission ou le Conseil peuvent-ils exiger rigueur et exemplarité de la part des instances nationales, ou encore de la société, quand ils s’exonèrent eux-mêmes des principes qu’ils ont fixés, alors que leur légitimité ne découle d’aucune consultation populaire, ou alors de manière éloignée ?

Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, en prélude à ma conclusion, de citer William Faulkner : « La sagesse suprême est d’avoir des rêves assez grands pour ne pas les perdre de vue tandis qu’on les poursuit ».

S’agissant de l’idéal européen, je crains que nous n’ayons manqué de sagesse au cours des dernières années. En cours de route, nous semblons avoir égaré les grands fondamentaux de ce qu’était le projet européen, à force de vouloir le découper en de multiples orientations, politiques ou stratégies sectorielles censées le rendre plus aisément applicable.

L’ordre du jour du Conseil européen à venir, uniquement technique, tristement financier et commercial, est le reflet de cette dérive à laquelle il faut mettre fin. De même, il faut cesser de se résigner devant l’apparente inéluctabilité de certaines décisions prises sans recul, comme si elles s’imposaient d’elles-mêmes.

Alors que s’ouvre bientôt la campagne des élections européennes, nous devons en appeler publiquement, dans chacun des États membres et au niveau transnational, à un droit d’inventaire sur les dix années écoulées, à un sursaut citoyen et à l’examen approfondi du mode de fonctionnement de l’Union. Cette discussion permettra peut-être de retrouver le goût de l’Europe et de donner aux citoyens de cette dernière leur juste place. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de la brièveté du temps de parole qui m’est accordé, je me concentrerai sur ce qui va se passer jeudi, vendredi et au début de la semaine prochaine concernant l’Union économique et monétaire.

Auparavant, je voudrais tout de même dire un mot à nos collègues de l’aile droite et libérale. Monsieur de Montesquiou,…

Mme Catherine Morin-Desailly. Il est au centre !

M. Richard Yung. … franchement, cette longue litanie d’arguments éculés, que vous allez piocher dans je ne sais quelles feuilles, est dramatique ! Comment voulez-vous que nos partenaires nous jugent quand on voit le pessimisme dont vous faites preuve, votre vision négative de notre pays et votre manque de confiance dans les entreprises, dans la force, dans la richesse de la France ? Personne ne peut vous croire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Aymeri de Montesquiou s’exclame.)

Mme Michèle André. Tout à fait !

M. Daniel Raoul. Excellent !

M. Richard Yung. M. Bizet était beaucoup plus modéré dans son propos.

M. Jean-Vincent Placé. C’est dire ! (Sourires sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. Richard Yung. Bien sûr, nous sommes sensibles au regard des autres. C’est normal ! Nous avons de nombreuses occasions d’échanger avec nos partenaires européens.

Hier, nous avons reçu M. Olli Rehn, commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, qui a rédigé, si j’ose dire, les recommandations faites à la France dans le cadre du semestre budgétaire. De ses déclarations ressortait, vous l’aurez noté comme moi, mes chers collègues, une appréciation positive portée par la Commission sur un certain nombre de points importants, tels que la baisse du coût du travail, l’accord sur la flexibilité de l’emploi, la réforme à venir des retraites et, évidemment, la baisse des déficits publics dont nous avons hérité après dix ans de gestion par l’ancienne majorité.

Certes, tout n’est pas parfait, mais il faut aussi voir dans le regard des autres la confiance qu’ils ont en nous. À mon sens, c’est ainsi que nous avancerons. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx ironise.)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il fallait le dire !

M. Richard Yung. Bien sûr qu’il fallait le dire ! Sinon, un député allemand qui assisterait à ce débat se dirait que ce pays est fini et n’a plus qu’à mettre la clef sous le paillasson !

M. Daniel Raoul. C’est l’aveu de leur bilan !

M. Richard Yung. Il faut que nous ayons confiance en nous-mêmes, si nous voulons que les autres croient en nous.

Pour ma part, je ne vais pas ressasser ces vieilles rengaines, qui circulent depuis si longtemps et que vous reprenez avec délectation, en vous félicitant que le crédit d’impôt recherche ait du mal à démarrer. Mieux vaudrait réfléchir à ce que nous pouvons faire pour l’aider à réussir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

J’en ai fini avec mon premier point, qui a absorbé près de la moitié de mon temps de parole.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Mais l’essentiel est dit !

M. Richard Yung. Nous avons bien progressé dans nos relations avec l’Allemagne. (Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Bizet. Voilà qui est nouveau !

M. Richard Yung. Ce n’était pas évident, et j’imagine que vous vous en félicitez comme moi, monsieur Bizet.

M. Jean Bizet. J’ai plutôt l’impression que nous avançons à reculons !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Le moins que l’on puisse dire est qu’alternent le chaud et le froid !

M. Richard Yung. Je ne dirai pas que la Chancelière allemande a changé de position sur tous les points, car ce serait faire preuve de cette tendance française à l’autoglorification qui est un de nos grands défauts.

M. Daniel Raoul. Qui le fut !

M. Richard Yung. Toutefois, je constate que nous construisons une position commune avec l’Allemagne dans la perspective du prochain Conseil européen, en particulier en ce qui concerne l’intégration économique de la zone euro.

Cette évolution me paraît fondamentale. Souvenez-vous : l’Allemagne avait été très réticente à aider la Grèce, et plus encore à adopter le programme d’assistance à Chypre ; dans certains cas, elle estimait qu’il fallait modifier les traités, dans d’autres, elle refusait d’y toucher, notamment en ce qui concerne la Banque centrale européenne. Nous constatons donc un progrès.

Nous progressons également sur l’union bancaire. C’est d’autant plus important que nous savons, comme l’a dit M. Dijsselbloem, président de l’Eurogroupe, que certaines banques européennes sont fragiles, pour ne pas dire plus. Il est donc très important qu’une supervision se mette en place. Or nous avons perdu plus d’une année, en raison d’un certain nombre de tergiversations ; je ne jetterai ici la pierre à personne.

En ce qui concerne le mécanisme de résolution bancaire, je voulais demander au Gouvernement de nous indiquer ce que lui inspire la principale proposition en discussion, à savoir une sorte de mutualisation des fonds de garantie bancaire de chaque pays. Chacun de ces fonds sera responsable en premier lieu, mais pourra emprunter aux autres quand ses capacités seront dépassées.

Un tel changement revêt une signification énorme ! Imaginons que le système bancaire d’un petit pays comme la Slovénie – je n’ai rien contre les Slovènes, rassurez-vous ! – se trouve en défaut et qu’il faille trouver trois ou quatre milliards d’euros pour recapitaliser ses banques ; admettons que ce pays dispose d’une capacité de deux milliards d’euros ; l’Allemagne, la France, l’Italie, entre autres, prêteront alors les deux milliards d’euros manquants à la Slovénie. Il s’agirait d’un formidable pas en avant, et je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur ce point.

Je souhaitais également interroger M. le ministre sur l’idée, maintes fois avancée mais jamais réalisée, d’accorder une capacité bancaire au mécanisme européen de stabilité, afin de lui permettre d’agir directement, sans passer par l’intermédiaire des États. En effet, aujourd’hui, le mécanisme européen de stabilité ne peut prêter qu’aux États souverains ; s’il avait la qualité d’établissement bancaire, il pourrait prêter directement aux établissements concernés.

Enfin, monsieur le ministre, nous sommes assez nombreux à être sensibles à la symbolique de la taxe sur les transactions financières, non pas en raison des recettes qu’elle rapportera, car celles-ci ne seront pas considérables, mais parce qu’elle constituera une ressource propre du budget communautaire. Nous souhaitons avancer dans cette direction, mais un certain nombre de problèmes se posent, notamment le fait que nous ne sommes que onze États volontaires, quand il faudrait être dix-sept ou vingt-sept. Je ne souhaite pas que la création de cette recette entraîne une réduction de la contribution des États, car ce serait un recul politique.

M. Richard Yung. En revanche, on pourrait imaginer d’alimenter avec cette taxe une dotation à la Banque européenne d’investissement destinée à financer des projets au sein des onze pays participants.

J’ai bien noté que nous assistions à un sérieux « rétropédalage » sur cette question, peut-être en raison de difficultés techniques de mise au point, notamment en ce qui concerne le champ d’application de la taxe. En effet, elle frappe les dettes souveraines des pays fragiles et augmente, en fait, leur taux de refinancement. J’ai aussi entendu que la France souhaitait étendre cette taxe aux opérations de change. Pourriez-vous nous apporter quelques éclaircissements sur ce point, monsieur le ministre ? Comme mon temps de parole est terminé, je conclurai donc mon propos sur cette question. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)