M. Jean-Jacques Mirassou. Ce faisant, vous prenez le risque de prendre du retard, non pas tellement par rapport au texte, mais vis-à-vis de ceux que vous prétendez défendre en vous arc-boutant sur une position qui est parfaitement déplacée.

Lors de la discussion générale, j’ai eu l’occasion de mettre en garde notre assemblée contre le risque de laisser passer l’opportunité qui nous est offerte. En effet, l’adoption de l’article 63, dans la rédaction qui nous est maintenant proposée, permettrait au Sénat de faire connaître la plus-value qu’il peut apporter à un texte, singulièrement lorsqu’il est question de défendre les territoires. À défaut, vous ne pourrez pas vous exonérer de susciter des arrière-pensées chez certains, qui imagineront que vous souhaitez la politique du pire pour, rétrospectivement, avoir raison par rapport à l’ensemble des personnes dont vous croyez porter le mandat, sans doute à tort.

Cela étant, pour ce qui nous concerne, nous estimons que le présent texte garantit la liberté d’administration des communes, particulièrement celle des communes rurales, sans pour autant occulter l’avenir. Le débat au sujet d’un PLUI, même si la minorité de blocage empêche d’aboutir, permet d’engager la dynamique. Il a également le mérite de faire participer à la discussion des personnes qui, a priori, la contestaient. À cet égard, la méthode sera éminemment pédagogique.

En outre, je le répète, une palanquée de garanties qui n’existait pas quinze jours plus tôt sera ajoutée pour l’avenir.

Pour ce qui nous concerne, nous voterons donc cet article tel qu’il est actuellement rédigé, avec détermination, objectivité et enthousiasme ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Claude Lenoir. N’en faites pas trop !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, sur l'article.

M. Daniel Dubois. Si j’ai déposé un amendement de suppression de l’article 63, je précise d’emblée que je ne suis pas hostile au PLUI en tant que tel.

M. Jean-Vincent Placé. Pourquoi en demandez-vous la suppression ?

M. Daniel Dubois. Monsieur Placé, je vous prie de bien vouloir me laisser parler !

Encore faut-il que nous ayons les moyens de mettre en œuvre un tel document.

À ce titre, je prendrai un exemple assez précis, celui de la communauté de communes au sein de laquelle je suis élu. Elle compte 8 000 habitants répartis en vingt communes. Quatre d’entre elles sont dotées d’un PLU. Les autres n’ont pas de document d’urbanisme. Ainsi, j’ai demandé au représentant de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, ou DREAL, et au sous-préfet de mon arrondissement de venir avec moi convaincre les différents élus de l’intérêt que pouvait représenter le PLUI.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est bien au corps préfectoral de convaincre les élus !

M. Daniel Dubois. Nous avons débattu. Nous avons dit aux maires : « Si vous ne voulez pas de ce dispositif, élaborez au moins une carte communale pour les toutes petites communes ! »

Je l’affirme ici publiquement, et en toute sérénité : aujourd’hui, quand une commune rurale de 200 ou 300 habitants commande une carte communale qui, au bas mot, va lui coûter 15 000 euros, on se contente de lui proposer un recensement des dents creuses présentes sur son territoire. Quand bien même ces cas intéresseraient le maire, il pourrait très bien les énumérer lui-même, sans avoir à dépenser une telle somme.

De plus, le représentant de la DREAL annonce tout simplement au président de l’intercommunalité que, si un PLUI est élaboré, les PLU grenello-compatibles existants seront dépouillés d’un certain nombre de terrains à bâtir. En effet, des ordres ont été donnés, on le constate à travers plusieurs articles du présent texte : il faut réduire la capacité de construction au sein des territoires ruraux.

M. Claude Dilain, rapporteur. C’est faux !

M. Daniel Dubois. Certains maires viennent de dépenser 15 000 ou 20 000 euros pour adapter leur PLU au Grenelle. Comment pourraient-ils accepter trois mois, six mois ou un an plus tard, de perdre la moitié de leurs terrains constructibles pour passer au PLUI ? C’est une situation ubuesque !

Madame la ministre, vous courez tous les lièvres à la fois. Comme le précédent gouvernement, vous défendez la volonté technocratique parisienne !

M. Alain Fouché. Il y a un peu de cela…

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est grossier ! Ce n’est pas une ficelle, c’est une corde !

M. Daniel Dubois. C’est peut-être grossier, monsieur Mirassou, mais la réalité l’est tout autant ! Vous souhaitez transformer les territoires ruraux en réserves d’Indiens ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Nous avons tous nos tuniques rouges !

M. Daniel Dubois. C’est une réalité !

Quel paradoxe extraordinaire, chers collègues de la majorité, pour vous qui, avec la loi Deferre, avez lancé l’acte I de la décentralisation et placé l’urbanisme au cœur des compétences des communes, en affirmant qu’il fallait avant tout confier cette attribution aux collectivités !

Depuis un certain nombre d’années, nous assistons à une recentralisation rampante, qui ne dit pas son nom. À ce titre, je souscris aux propos de nos collègues communistes : le seul but visé, c’est la suppression des communes.

M. Daniel Dubois. C’est exactement votre objectif !

À cet égard apparaît un autre paradoxe : nous allons passer d’un PLUI obligatoire à un PLUI impossible. C’est formidable ! Et vous êtes contents de vous ! Pourtant, le schéma de cohérence territoriale – ou SCOT – d’Amiens a été signé aujourd’hui même. Après débat, après concertation et une fois convaincues, cinq communes y appartenant ont accepté de passer au PLU intercommunal.

Or, aujourd’hui, parce que les élections sénatoriales ont lieu dans onze mois,…

M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas du tout le genre de manœuvres en question !

M. Daniel Dubois. … vous rendez les PLUI impossibles ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste – Mmes Catherine Procaccia et Dorothée Cayeux applaudissent.) C’est le pire des maux pour les territoires ruraux ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu, sur l'article.

M. Gérard Cornu. Avant tout, je souligne à l’intention de M. Mirassou qu’il ne faut pas jeter l’opprobre sur un groupe politique particulier.

M. Jean-Jacques Mirassou. Il y en a plusieurs !

M. Gérard Cornu. En effet, les interventions de différents orateurs le prouvent – à condition de les écouter –, ce sujet transcende largement les clivages politiques.

M. Roger Karoutchi. C’est vrai !

M. Gérard Cornu. D’une part, certains veulent établir un PLUI sur la base du volontariat.

M. Gérard Cornu. De l’autre, certains veulent élaborer ce document sur la base de la contrainte. Chacun a de bonnes raisons pour lui. Mais le clivage n’en est pas moins celui-ci : soit le volontariat, soit la contrainte. Pour notre part, au sein du groupe UMP, nous sommes très majoritairement en faveur du volontariat !

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Gérard Cornu. De fait, le PLU est un document technique qui concerne chaque commune. Je l’affirme à mon tour, il ne s’agit pas de déposséder les maires de leur principale compétence.

Les élections municipales approchent. On le sait déjà, dans bien des petites communes rurales, il sera difficile de recruter des candidats, et plus difficile encore de recruter des maires ! Comment dire à ces maires potentiels : désormais, vous n’aurez plus rien à faire,…

M. Gérard Cornu. … c’est l’intercommunalité qui s’occupera de tout ! Vous aurez le droit de célébrer les mariages, de tenir le registre d’état civil, d’entretenir les chemins vicinaux, et encore. Vous ne servirez pour ainsi dire plus à rien !

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. C’est un peu démagogique !

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. Juste un peu…

M. Gérard Cornu. Comment voulez-vous encourager ainsi des candidatures ?

Messieurs les rapporteurs, vous justifiez le PLUI en invoquant la question des moyens.

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Oui !

M. Claude Dilain, rapporteur. C’est une question d’ingénierie !

M. Gérard Cornu. À vos yeux, c’est à l’échelle intercommunale que l’on peut le plus aisément rassembler les capacités d’ingénierie, indispensables à l’élaboration d’un PLU de qualité. Mais de qui se moque-t-on ?

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. De personne !

M. Gérard Cornu. Ce n’est absolument pas une question de moyens ! Mme Cayeux l’a déjà souligné au sujet de Beauvais, rien n’empêche l’intercommunalité d’aider les petites communes à concevoir les plans locaux d’urbanisme !

M. Claude Dilain, rapporteur. Les coûts seraient plus lourds en définitive !

M. Gérard Cornu. Toutefois, la responsabilité finale doit revenir au maire et non au président de l’intercommunalité, qui serait sinon tout-puissant. C’est tout à fait logique.

Pis, s’y ajoute une question de fond. La vie des habitants s’organise désormais à une échelle qui dépasse largement la frontière des communes, pour ce qui concerne le logement, les services publics, les équipements collectifs, les commerces et les transports, j’en conviens.

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. C’est vrai !

M. Gérard Cornu. Mais la question de fond est déjà résolue grâce aux SCOT ! Il existe déjà des plans de déplacements urbains, les PDU, des programmes locaux de l’habitat, les PLH. Il existe des documents d’aménagement commercial, les DAC, que vous voulez supprimer alors qu’ils permettaient de résoudre les problèmes du commerce. Bref, le SCOT était le document de référence,…

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Combien y en avait-il ? À peine 20 % !

M. Gérard Cornu. … et le PLU devait être compatible avec celui-ci.

M. Gérard Cornu. Ainsi, vous imposez un PLUI car vous considérez que le SCOT n’est pas encore suffisant. C’est une contradiction complète !

Les arguments invoqués quant aux moyens et quant au fond ne sont pas recevables.

Après le PLUI, on peut imaginer n’importe quoi : prévoir l’élection du président de l’intercommunalité au suffrage universel, dans la mesure où celui-ci sera doté de larges pouvoirs ; imposer, au titre du PLH, 25 % de logements sociaux dans toutes les communes de l’intercommunalité… C’est sans fin ! Si vous voulez rattacher toutes les compétences aux EPCI, autant le dire tout de suite et supprimer les communes !

Monsieur Mirassou, je le répète, ce débat dépasse largement les clivages politiques. Qui plus est, il est capital pour le Sénat, qui représente les collectivités territoriales. Je n’entends sans doute pas les mêmes échos que vous, mais je peux vous affirmer que les maires actuels sont vent debout contre le PLUI !

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas vrai !

M. Daniel Raoul. C’est même faux !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, sur l'article.

M. Philippe Dallier. Tout ayant presque été dit, je vais pouvoir abréger mon propos !

Voilà quelques instants, M. Mirassou a accusé les membres de mon groupe d’avoir trois semaines de retard. Je vais donc repartir un peu en arrière… (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Chers collègues de la majorité, qu’avez-vous constaté lors de l’adoption de la mesure en cause ? Une levée de boucliers généralisée !

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Si !

M. Philippe Dallier. Il faut faire preuve d’un tant soit peu d’honnêteté intellectuelle !

Vous êtes comme tout le monde et comme tous les élus : les élections municipales approchent, les élections sénatoriales suivront au mois de septembre 2014, et il sera extrêmement difficile de faire campagne et d’expliquer aux grands électeurs que l’on va leur imposer le PLUI. Aussi, vous faites machine arrière.

Le comble réside dans la démonstration de M. Collombat, qui nous dit : « Adoptons la proposition de la commission puisque, au total, elle rend quasiment caduc le projet de PLUI. »

M. Philippe Dallier. Dans ce cas, poussons la logique à son terme, restons-en à la liberté et au choix des communes.

M. Philippe Dallier. On a le sentiment que vous ne cherchez guère qu’à sauver la face ! Vous êtes allés trop loin, vous n’osez pas rebrousser chemin, mais vous affirmez qu’avec un tel droit de veto, la mesure adoptée devient inopérante.

Monsieur Mirassou, nous voilà revenus à la date d’aujourd’hui. J’ai remis les pendules à l’heure, passez-moi l’expression. On observe, en la matière, un véritable calcul politique.

Quant au bon niveau d’élaboration de ce type de document, il constitue un véritable débat politique, au bon sens du terme. Comme sur un autre sujet, évoqué ce matin, je regrette que nous ne puissions en débattre pour le Grand Paris : en effet, à l’issue de l’examen du projet de loi relatif aux métropoles, nous nous sommes quittés sans savoir réellement ce qui serait fait.

La réflexion n’en reste pas moins la même : quelle est l’échelle territoriale pertinente pour élaborer un document de cette nature ? À ce titre, le lien entre le projet politique des élus et la décision prise, lors de l’adoption du plan local d’urbanisme, me semble fondamental. Un réel problème apparaît : aux élections municipales, les candidats présentent des projets à l’échelle de la commune, puis des élus se rassemblent et peuvent, à des majorités qui seront ce qu’elles seront, adopter des orientations assez éloignées des questions débattues localement !

C’est un véritable problème de démocratie locale. Ce débat devra bien finir par être tranché. La déconnexion entre les élections directes et les décisions prises qui est de plus en plus forte et de plus en plus lourde de conséquences est un véritable sujet de réflexion.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jarlier, sur l'article.

M. Pierre Jarlier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à mon sens, il est nécessaire de prendre un peu de recul. De fait, ces enjeux dépassent largement les prochaines échéances électorales. Je rappelle que, pour un projet d’urbanisme, on travaille à l’échelle de cinq, dix ou quinze ans.

M. Claude Dilain, rapporteur. Oui !

M. Pierre Jarlier. Il est important de conserver cette vision de long terme !

Par ailleurs, la législation évolue. Il y a treize ans, le Sénat a débattu du projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbain, ou SRU. Il s’agissait de passer d’une logique de foncier à une logique de projet. Sur la base de ce texte, un certain nombre de chantiers ont été menés. Puis, les intercommunalités se sont développées. Les approches territoriales de développement sont de plus en plus fortes. Enfin, étant donné que nos concitoyens organisent désormais leur existence à un niveau qui dépasse largement la commune, il n’est pas illogique d’envisager aujourd’hui l’urbanisme à une échelle intercommunale.

À cet égard, je tiens à rappeler la position de l’Association des maires de France. Elle est favorable à une approche intercommunale de l’urbanisme,…

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. Très bien !

M. Pierre Jarlier. … et s’oppose simplement à ce qu’elle soit imposée aux élus. C’est, du reste, le sens d’un amendement déposé au titre du présent article.

Toutefois, afin que le processus aboutisse, que les élus se l’approprient, que l’idée d’un urbanisme intercommunal se répande dans l’ensemble du pays – c’est aujourd’hui nécessaire –, plusieurs conditions doivent être remplies.

Tout d’abord, les élus doivent adhérer au projet. Monsieur Dallier, vous y avez fait référence. Or j’estime qu’une vision municipale d’un projet ne suffit pas. En matière de déplacements, d’habitat, de services, de grands équilibres écologiques, il faut évidemment envisager le développement local du point de vue territorial.

Ensuite, condition indispensable à mes yeux, les élus doivent participer à l'élaboration du PLUI. Nous débattrons de ce sujet car des progrès doivent encore être réalisés, malgré les nombreuses avancées que l’on peut déjà enregistrer.

En outre, compte tenu de la modification qu’a apportée la commission, il est important de faire évoluer les délais de réalisation, parce que nous ne sommes plus face à la logique qui prévalait à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale.

Enfin, il existe une dernière condition, également indispensable, selon moi, pour rassurer les élus et dont nous reparlerons à l’occasion de l’examen d’autres articles, dont l’article 73 : la nouvelle approche de l’urbanisme devra trouver un juste équilibre entre protection et développement des territoires. Nous sommes là face à un véritable problème. Comme M. Collombat, notamment, l’a indiqué tout à l'heure, nous devons veiller à pouvoir poursuivre le développement de nos communes, y compris dans le monde rural. À cet égard, l’urbanisme intercommunal est sans doute un bon moyen, et il faut le dire aux élus. Cette approche permettra effectivement de travailler ensemble au développement intégré et d’éviter les blocages.

Cela étant, le texte proposé par la commission m’agrée globalement, moyennant un certain nombre d’adaptations.

Pour conclure, soyons vigilants ! Si nous faisions l’erreur de supprimer l’article 63, l’Assemblée nationale se chargera de faire le travail à notre place, pour le compte des élus,… (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

M. Roger Karoutchi. Il ne faudrait pas que ce raisonnement devienne la règle !

M. Pierre Jarlier. … et l’image du Sénat en souffrirait beaucoup ! (Applaudissements sur travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, sur l’article.

M. Jean-Claude Frécon. Mes propos seront assez semblables à ceux de mon collègue Pierre Jarlier.

Depuis très longtemps, notre pays est fondé sur les communes, qui sont des lieux de vie. Or, depuis une trentaine d’années, celles-ci ont beaucoup évolué.

Par ailleurs, voilà trente ans, le législateur ne pouvait pas imaginer l’ampleur qu’a prise aujourd’hui la notion d'intercommunalité. Ne pas prendre en compte le phénomène intercommunal reviendrait à ignorer la réalité.

M. Gérard Cornu. Mais bien sûr !

M. Jean-Claude Frécon. La notion d’urbanisme a également évolué. Pour autant, faut-il imposer partout un PLUI ? Non, pas dans les territoires où l’idée n’est pas mûre !

M. Philippe Dallier. Eh bien voilà !

M. Jean-Claude Frécon. Et telle est la conclusion du très bon travail effectué par la commission des affaires économiques, je le dis d’autant plus volontiers que je n’en fais pas partie. Elle a pris en compte les réactions qui sont apparues à la suite de la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Dans nos départements, nous en avons tous entendu ! (Ah ! sur les travées de l’UMP.)

M. Gérard Cornu. Ah, quand même !

M. Jean-Claude Frécon. De très nombreux maires, qu’ils soient de droite, de gauche ou du centre, nous ont dit que cette version ne convenait pas parce qu’elle posait une obligation. (Mêmes mouvements.)

M. Alain Fouché. Mais la deuxième version n’est pas meilleure !

M. Jean-Claude Frécon. La commission des affaires économiques du Sénat a concocté un nouvel article 63, en retirant ce qui était mauvais. Ce n’est plus le même article que celui contre lequel une grande association d’élus ruraux, dont nous avons parmi nous de vénérables représentants (M. Pierre-Yves Collombat rit.), faisait signer une pétition voilà quelques semaines. Il a changé !

Par ce changement, on a notifié le caractère non obligatoire du transfert. Mais il faut engager la discussion. À défaut, l’atmosphère qui règne dans nos territoires ne serait pas prise en compte. Quoi qu’il en soit, même si elle n’aboutira pas forcément à un plan local d'urbanisme, la discussion aura lieu.

Comme l’a fort bien dit tout à l'heure notre collègue Pierre-Yves Collombat, la proposition de la commission des affaires économiques est bien meilleure non seulement que celle qui résulte des travaux de l’Assemblée nationale, mais aussi que la loi actuellement en vigueur.

M. Gérard Cornu. En quoi donc ?

M. Jean-Claude Frécon. Voilà pourquoi nous devons absolument essayer de raisonner hors de la dimension politicienne. Mes chers collègues, quel que soit le groupe politique auquel nous appartenons, nous voulons tous valoriser le travail du Sénat. Eh bien, nous avons aujourd’hui l’occasion d’affirmer que le Sénat est utile pour les territoires, pour la République tout entière ! Ayons l’audace de voter l’article 63 ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Vincent Placé. Quelle audace !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, sur l’article.

M. Dominique de Legge. À nos yeux, l’article 63 soulève deux problèmes.

Le premier touche à la méthode. Je m’étonne que ce soit au détour d’une loi portant sur le logement que l’on s’apprête à réformer le code des collectivités territoriales. (Mme la ministre marque son étonnement.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Avec un peu d’urbanisme également…

M. Claude Dilain, rapporteur. J’ai cru comprendre qu’il était un peu question d’urbanisme dans ce texte ! (Sourires.)

M. Dominique de Legge. Mme Lebranchu, en écho aux déclarations du Premier ministre et du Président de la République, nous avait annoncé une grande loi de décentralisation. Au lieu d’un texte, nous en avons trois ! Mais quid du texte qui devait traiter des rapports entre les communes et l’intercommunalité ?

Je m’étonne que l’on vide d’ores et déjà l’éventuel débat que nous devrions avoir sur ce thème de la question des compétences respectives et du droit des sols.

Sur le fond, je ne peux pas imaginer un seul instant que l’article 63 existe uniquement pour satisfaire un groupe politique qui soutient, tant bien que mal, le Gouvernement. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Le fait que le Gouvernement ait souscrit à cette rédaction de l’article 63 témoigne de la logique qu’il suit et que nous observons dans d’autres textes déjà votés comme dans un certain nombre de déclarations. Je pense, notamment, à celle du président de l’Assemblée des communautés de France dans laquelle il souhaitait fortement que le mode de scrutin retenu pour 2014 pour la désignation des représentants des communes aux EPCI ne constitue qu’une étape, avant, bien évidemment, une élection au suffrage universel des représentants des territoires à l’intercommunalité.

Cette logique, quelle est-elle ? Rogner petit à petit les compétences des communes au profit de l’intercommunalité.

Par ailleurs, à ceux qui soutiennent que l’avenir, c’est le plan local d'urbanisme intercommunal, je rétorque qu’il est tout à fait possible d’en concevoir aujourd’hui, et il en existe déjà !

M. Roger Karoutchi. Mais bien sûr !

M. Dominique de Legge. Mes chers collègues, vous êtes en train d’inverser la charge de la preuve et de préempter le débat qui devrait avoir lieu sur les compétences communales et intercommunales, à la faveur d’un texte sur le logement. Dans cette affaire, vous avancez masqués ! Il serait plus courageux… (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Faites attention, vous dérivez !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Maintenant, vous allez nous donner des leçons !

M. Dominique de Legge. … de dire clairement les choses et d’admettre que vous n’êtes pas favorables, à moyen et à long terme, au fait que les communes maîtrisent le droit des sols ! À défaut de partager votre position, les 36 000 maires de France,…

M. Jean-Jacques Mirassou. On ne fréquente pas les mêmes !

M. Dominique de Legge. … vous sauraient gré d’être honnêtes et d’afficher vos intentions !

M. Jean-Jacques Mirassou. Honnêtes et courageux, c’est bien cela ?

M. Dominique de Legge. Mon cher collègue, vous le savez bien, et l’orateur précédent l’a rappelé, on ne peut se rendre dans une seule manifestation sans entendre les maires exprimer leur inquiétude et nous demander pour quelles raisons nous voulons inverser la charge de la preuve.

M. Jean-Jacques Mirassou. Parce que nous sommes courageux !

M. Dominique de Legge. Maintenez le droit des sols aux communes ! Aujourd’hui, vous décidez d’un transfert en catimini. Ce n’est pas courageux, et c’est la raison pour laquelle, comme nombre de mes collègues, je me refuse à voter l’article 63 en l’état !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, sur l’article.

M. Jean-Luc Fichet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, mon rapport ayant reçu un avis défavorable, je m’exprime non pas en qualité de rapporteur pour avis de la commission du développement durable, mais à titre personnel.

En menant les auditions nécessaires à la rédaction de ce rapport, j'ai rencontré un certain nombre de personnalités et de représentants des collectivités, notamment le président de l’Association des maires ruraux de France. Celui-ci, arrivé à l’audition en colère, a estimé révoltant et inacceptable que nous dépossédions les maires d’un outil absolument capital pour eux.

J’ai compris, au fil de la discussion, qu’il était hostile non pas au plan local d'urbanisme intercommunal – d’ailleurs il nous a expliqué que l’ensemble des maires approchaient cette question avec beaucoup de sérénité –, mais au mot « obligatoire » présent dans la première version du texte. Selon lui, les maires vivent très mal le fait que, dans les trois années suivant la publication de la future loi, le transfert doive s’opérer.

À la suite du courrier que je lui avais adressé, Mme la ministre a bien voulu me recevoir. Je lui ai alors fait part du sentiment des maires. La commission des affaires économiques et son rapporteur ont évolué et ont travaillé à une proposition, que j’ai moi-même soumise à ma propre commission, pour aboutir à un dispositif qui me paraît tout à fait recevable.

Les maires seraient vent debout dans les assemblées, mes chers collègues ?

M. Jean-Luc Fichet. Mais il faut tout simplement prendre le temps de leur expliquer !

M. Dominique de Legge. Et de les écouter !

M. Alain Fouché. On a beau leur expliquer, quand on leur retire des pouvoirs, ils ne sont pas contents !

M. Jean-Luc Fichet. Vous verrez alors que le calme reviendra. C’est ce que j’ai vécu devant l’assemblée générale de l’Association des maires du Finistère. Les élus étaient très interrogateurs au début de la réunion.

M. Jean-Jacques Mirassou. Il faut être bon pédagogue !

M. Jean-Luc Fichet. J’ai pris le temps de leur expliquer les évolutions auxquelles nous étions parvenus et de leur montrer que nous avions pris en compte leurs réflexions. Cette assemblée générale s’est fort bien terminée, et certains maires nous ont même félicités d’une évolution remarquable : ils ont constaté que ce texte tendait à favoriser le débat dans les intercommunalités et dans les communes, et qu’il leur appartenait ensuite de faire jouer ou non la minorité de blocage.

Selon moi, c’est un très bon texte qui nous est soumis. Le plan local d'urbanisme intercommunal est promis à un très bel avenir, car cette démarche sera dynamisée par l'ensemble des maires. Par conséquent, je voterai l’article 63.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, sur l’article.

M. Christian Favier. Mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur la situation particulière de l’Île-de-France. La métropole intégrée a été votée récemment.

M. Philippe Dallier. C’est une très bonne chose !

M. Roger Karoutchi. Je n’y suis absolument pour rien ! (Sourires.)