M. Francis Delattre. Ou des commerçants !

M. Michel Le Scouarnec. Sans doute aussi.

En 2013, le montant mensuel du SMIC brut est de 1 430,22 euros sur une base de travail de 35 heures. C’est ce montant qu’il s’agit désormais d’assurer à tous les retraités.

En effet, les pensions de retraite sont une contrepartie de l’exercice d’activité professionnelle et des cotisations versées durant toute la vie active. Elles visent à assurer son existence matérielle et à l’indemniser pour le travail accompli. Dès lors, comment affirmer que le travail mérite une rémunération minimale et considérer que la pension de retraite, qui vient en remplacement et, en quelque sorte, en « récompense » du travail accompli, puisse lui être inférieure ?

C’est un non-sens d’autant plus dangereux qu’il affecte lourdement les conditions de vie des retraités et compromet leur capacité à assurer une existence décente après une vie entière de travail.

Avec ce projet de loi, la part de la vie consacrée au travail va encore s’accroître. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à faire établir un rapport sur l’impact financier de la généralisation du service d’une pension au moins égale au SMIC.

Encore une fois, je rappelle que l’article 1er de ce texte entend réaffirmer et clarifier les grands principes et objectifs du système de retraites. Il ne s’agit pas, à ce stade, d’assigner des objectifs quantifiés à ce dernier.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Vous ne serez certainement pas surpris d’apprendre, mes chers collègues, que notre groupe ne peut approuver cet amendement.

Bien évidemment, il ne s’agit que d’un rapport, dont l’impact concret serait quasiment nul. Néanmoins, il me paraît tout à fait excessif que notre assemblée puisse, par un vote politique, poser comme principe l’interdiction de servir des pensions inférieures au SMIC.

Certes, personne sur ces travées ne ferait l’affront aux personnes en difficulté d’affirmer qu’une petite pension de retraite permet de mener une vie décente. Toutefois, nous sommes bien obligés d’établir un lien entre la générosité qui nous anime sur toutes les travées et les réalités économiques et sociales, car une société ne peut fonder le développement de la solidarité que sur une économie dynamique et prospère. Tout acquis social supplémentaire doit reposer sur le progrès de l’économie !

Or, il faut bien constater que les dispositions qui ont été prises au cours des dix-huit derniers mois, notamment en matière fiscale, ont créé un véritable choc, qui tétanise les agents économiques,…

M. Jean Desessard. N’exagérons rien !

M. Philippe Bas. … retarde les investissements des entreprises, freine la consommation, stimule les comportements d’épargne face au risque de précarité, diminue les perspectives de progression du pouvoir d’achat et augmente, mois après mois, le nombre des chômeurs.

Ce n’est pas dans de telles circonstances économiques que notre société pourra se montrer plus généreuse à l’égard de ceux qui, pourtant, en auraient bien besoin.

C’est pourquoi je crois nécessaire, sur ce point, de venir au secours du Gouvernement. Il y a aujourd’hui un écart qui se creuse, sinon un divorce qui se prépare entre une gauche de gouvernement, qui ne veut pas renier la gauche de revendication, et une gauche de revendication insatiable (Exclamations sur les travées du groupe CRC.), qui considère que rien ne va suffisamment vite et qui méconnaît les réalités sur la base desquelles une politique gouvernementale devrait normalement être fondée.

Mme Cécile Cukierman. Où est-ce écrit ?

M. Philippe Bas. Cette difficulté à concilier, d’une part, le désir de satisfaire des revendications, et, d’autre part, le souci de respecter un minimum de contraintes explique l’avancée chaotique de la politique gouvernementale entre différents écueils, les allers-retours incessants, les reculs et les hésitations, qui nous font mieux comprendre pourquoi nos compatriotes sont à ce point déconcertés.

Madame la ministre, nous allons cette fois vous aider, car nous ne serons jamais des partisans de la politique du pire. Toutefois, nous comprenons aussi que les impatiences suscitées par le Président de la République pendant sa campagne continuent de s’exprimer, et qu’elles constituent pour vous une contrainte politique majeure.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et le président du pouvoir d’achat, c’était qui ?

M. Philippe Bas. Nous essayons de desserrer l’étau qui pèse sur vous, mais nous ne pourrons pas toujours éviter certaines bêtises que l’on veut vous pousser à commettre.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous serez peut-être surpris, mais je ne m’associerai pas au vote de cet amendement proposé par le groupe communiste, républicain et citoyen. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

Les dispositions de cet amendement manquent à la fois de réalisme et de sérieux, permettez-moi de le dire, et elles s’apparentent surtout à une déclaration incantatoire, qui me rappelle la proposition d’un SMIC à 1 500 euros formulée, voilà quelque temps, par des responsables socialistes, ou plutôt par l’une d’entre elles.

Quelques années auparavant, j’avais même entendu des élus de la même sensibilité déclarer sur une grande chaîne de télévision qu’il fallait désormais rendre le chômage illégal.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Et le président du pouvoir d’achat, il est où ?

Mme Sylvie Goy-Chavent. Il n’est pas au pouvoir en ce moment !

M. Jean-François Husson. Il me semble que c’est aussi avec ce type de déclarations que l’on alimente le discrédit de la classe politique. (Protestations sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme Cécile Cukierman. Heureusement que la classe ouvrière s’est battue pour le droit à la retraite !

Mme Sylvie Goy-Chavent. Vous feriez mieux d’écouter, madame Cukierman !

M. Jean-François Husson. Vous pourrez demander une explication de vote si vous le souhaitez, chers collègues de la majorité. La sérénité des débats n’empêche pas la force de la conviction. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-François Husson. Ce texte constitue en quelque sorte un point zéro, puisqu’il s’agit de votre première réforme depuis vingt ans dans le domaine des retraites. Il pourrait dès lors être intéressant de disposer d’un rapport sur la mise en œuvre de cette loi, au moins dans les premiers temps.

Quant aux mesures de financement qui permettraient peut-être à chacun de disposer d’une meilleure retraite, je veux rappeler les trois piliers sur lesquels nous avons fondé nos propositions constructives : le régime par répartition, tout d’abord, auquel nous n’avons cessé de proclamer notre attachement, les régimes collectifs facultatifs, ensuite, qui devraient au moins être offerts aux salariés des entreprises, le régime de capitalisation individuelle, enfin.

Au risque de déplaire à certains, je réaffirme que la capitalisation est une bonne solution pour permettre aux entreprises et aux salariés de compléter leur retraite par un système garanti.

En effet, alors que le régime par répartition n’offre aucune garantie, puisqu’il repose sur un équilibre entre les retraités qui bénéficient et les actifs qui cotisent, le système assurantiel offre quant à lui la perspective d’une retraite à taux garanti au terme du contrat souscrit. Quoique vous en pensiez, mes chers collègues, il s’agit de la plus belle des sécurités, et nous la devons à toutes celles et tous ceux qui font cet effort en matière de prévoyance et de retraite.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. La droite ne cesse de se demander où est passée la majorité gouvernementale. Il est vrai que celle-ci s’est construite autour de partis politiques et de programmes différents. Toutefois, nous sommes conscients des divergences d’analyse qui peuvent exister entre nous sur certains points. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) Cessez donc de nous le répéter toutes les trois minutes !

M. Joël Labbé. C’est précisément ce qui fait la richesse de la majorité !

M. Jean Desessard. Oui, nous avons chacun, socialistes, communistes, écologistes et radicaux, nos convictions ! Voudriez-vous que nous gommions nos différences ?

Les communistes, pour leur part, ont choisi un soutien sans participation, si j’ai bien compris… (Rires sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Francis Delattre. Et vous une participation sans soutien, c’est encore plus fort ! (Mêmes mouvements.)

M. Jean Desessard. Nous représentons la gauche diverse ! Vous voulez une preuve de soutien de notre groupe ? Eh bien, figurez-vous que nous allons soutenir la position de Mme la rapporteur sur cet amendement ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Bas. Une fois n’est pas coutume !

M. Jean Desessard. Vous parlez d’hésitations et d’aller-retour incessants.

M. Philippe Bas. D’atermoiements !

M. Jean Desessard. Je ne vous cache pas que nous aimerions parfois que les ministres consultent davantage les parlementaires écologistes. Néanmoins, je suis sûr que nos collègues socialistes pourraient exprimer le même souhait. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Et je suppose que les parlementaires de droite ont aussi ressenti la même chose par le passé !

Puisque vous parlez d’hésitations, monsieur Bas, deux moments historiques me viennent à l’esprit, le CPE, le contrat première embauche, et la loi DALO, c'est-à-dire relative au droit au logement opposable.

Nous avons combattu le contrat première embauche dans cet hémicycle. En face, vous étiez fermes, unis, vous faisiez bloc ! Puis, la mobilisation de la jeunesse est passée par là, le Président de la République vous a sommés de revenir en arrière et, ici même, le grand bloc que vous formiez a voté la fin du contrat premier embauche dans le silence.

M. Philippe Bas. C’était de la pudeur ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Desessard. Voilà un bel exemple de retour en arrière ! Je peux vous en citer un second. Lors de l’examen du projet de loi DALO, vous avez affirmé dans un premier temps qu’il n’était pas question d’accepter un tel texte. Puis, les « Don Quichotte » ont installé leur campement sur les berges du canal Saint-Martin, M. Borloo a imposé la loi DALO et vous avez approuvé comme un seul homme le contraire de ce que vous aviez voté trois semaines auparavant !

Les hésitations font aussi partie de la vie d’un gouvernement, qui se heurte à la réalité et connaît inévitablement des difficultés. Croyez-moi, chers collègues de l’opposition, en matière d’avancées qui se sont ensuite transformées en reculades, vous n’avez pas été en reste ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote.

M. Michel Le Scouarnec. Les auteurs de cet amendement se contentent de demander un rapport sur l’impact financier de la généralisation d’une pension de retraite minimale égale au SMIC.

J’ai entendu les discours de nos collègues de droite, qui pensent que ce n’est pas possible. Or je me souviens de mai 1968 : à l’époque, rien n’était possible non plus ! Puis, au bout de plusieurs semaines de grèves et de manifestations, les négociations de Grenelle se sont engagées et tout est devenu possible.

À en croire Paul Huvelin, président du Conseil national du patronat français, le CNPF, pour qui rien n’était possible, l’année 1969 aurait dû être une catastrophe sur le plan économique. Il a pourtant fini par signer les accords de Grenelle, et l’année 1969 fut excellente pour notre économie.

C’est le meilleur exemple dont je dispose pour illustrer le fait que le progrès social débouche en général sur le progrès économique. Ne soyons pas perpétuellement timorés !

Les auteurs de cet amendement proposent en outre des pistes de financement telles que la modulation des cotisations sociales patronales d’assurance vieillesse en fonction des choix de gestion effectués par l’entreprise, ou encore la contribution des revenus financiers des sociétés financières et non financières par un alignement sur les cotisations patronales d’assurance vieillesse.

En adoptant cet amendement, il s’agit simplement d’examiner les modalités de financement possibles d’un relèvement des pensions de retraite, participant à une amélioration des conditions de vie des retraités. Comment ne pas partager cet objectif ? Et dès lors, comment ne pas au moins étudier de possibles modalités de mises en œuvre ?

Le montant des pensions de retraite en France est préoccupant. En effet, il est inférieur au SMIC, je le répète, alors même que cette moyenne cache de fortes inégalités de pensions. Si la moyenne nationale des pensions s’élève à 1 216 euros et si le montant moyen de la pension de retraite des hommes est légèrement supérieur à 1 500 euros, les femmes ne perçoivent en moyenne qu’un peu moins de 900 euros.

En outre, il est inutile de préciser qu’au sein même de chacune de ces catégories – hommes et femmes – les disparités entre les pensions versées sont extrêmement fortes, si bien que les pensions inférieures au SMIC sont bien trop nombreuses.

En France, des dispositifs sont destinés à garantir un niveau minimal de ressources aux personnes âgées. Cependant, ils restent extrêmement bas. L’allocation de solidarité aux personnes âgées, par exemple, n’est accordée qu’aux personnes dont les ressources sont inférieures à 787,26 euros pour les personnes seules et 1 222,27 euros pour les couples. Ces sommes sont bien inférieures au SMIC.

En outre, tous les retraités, de la fonction publique comme du secteur privé, ayant validé tous leurs trimestres ou atteint l’âge d’annulation de la décote bénéficient d’une pension minimale.

Il s’agit du « minimum garanti » pour les anciens agents publics. Les salariés du secteur privé sont quant à eux éligibles au « minimum contributif ». Ce dernier est de 628,99 euros par mois et monte à 687,32 euros mensuels en cas de majoration. Si des majorations supplémentaires, pour enfants ou conjoint à charge, peuvent s’ajouter, le montant total de la pension de retraite ne pourra excéder 1 028 euros, en comptant le minimum contributif. Le montant de ce dernier ne permettra en aucun cas de porter le total des pensions au-delà de ce plafond, ce qui, même dans cette hypothèse, le laisse largement en deçà du SMIC. Notre amendement est donc particulièrement important.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’objet de notre amendement n’est pas de disserter sur l’art de gouverner. Il est de placer au cœur du débat la question du niveau des pensions, une fois le droit à la retraite obtenu. Nous avons choisi d’en débattre en introduisant à l’article 1er une demande de rapport, mais notre souhait est évidemment d’aller bien plus loin.

Chers collègues de droite, il semble que votre objectif consiste à culpabiliser les salariés, voire les retraités. Ils gagneraient trop, seraient des privilégiés, qui n’auraient pas le droit de percevoir le fruit de longues années de travail. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Visant notre groupe, vous avez évoqué des « slogans incantatoires ». Mais qui a scandé qu’il fallait travailler plus pour gagner plus ? N’était-ce pas là un slogan incantatoire ? Et pour quel bilan ? Les salariés ont certes travaillé plus, mais ils n’ont pas gagné plus ! En outre, vous avez vous-mêmes affirmé au cours de ce débat qu’il faudrait revenir au régime des 39 heures sans supplément de salaire. Vous revenez vous-mêmes sur vos slogans incantatoires ! (Protestations sur les travées de l'UMP. – M. Jean Desessard applaudit.)

Oui, nous souhaitons que le débat sur les retraites soit l’occasion de poser non seulement la question de la durée de cotisation, mais également celles du niveau des pensions et du taux de remplacement. En effet, il est inacceptable que, en France, alors que les richesses augmentent, les salariés et les retraités gagnent de moins en moins, année après année.

Mme Sylvie Goy-Chavent. Revenez au sujet !

Mme Cécile Cukierman. Nous ne nous satisfaisons pas de cette situation. Il ne s’agit pas de slogans, mais d’un véritable choix de société. Tel est l’objet du débat politique que nous avons ici. Vous avez vos arguments, vous défendez vos intérêts et celles et ceux que vous représentez.

M. Jean-François Husson. Nous représentons l’intérêt de la France !

Mme Cécile Cukierman. Dans le monde rural aussi des gens vivent mal, et vous n’êtes pas les seuls à les défendre, tandis que d’autres les attaqueraient. Les petites pensions des retraités et des veuves dans le monde rural sont désastreuses, et il nous faudra bien les augmenter.

Mme Catherine Troendle. Avec quel argent ?

Mme Cécile Cukierman. Des revenus peuvent être taxés. Les revenus financiers, notamment, doivent aujourd’hui être pris en compte et participer à notre effort national, sur les retraites mais aussi sur les salaires, car de ces derniers dépend bien sûr le niveau des pensions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 juin 2014, un rapport détaillant les mesures envisagées pour parvenir à la résorption définitive, à l’horizon 2018, des inégalités professionnelles et salariales entre femmes et hommes.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les inégalités de pension entre les hommes et les femmes résultent largement d’inégalités professionnelles, notamment salariales, touchant la carrière des femmes. Il est important de s’y arrêter tant l’émancipation des femmes passe par la possibilité, pour ces dernières, de s’assumer comme des acteurs économiques à part en entière, y compris à la retraite.

En effet, les écarts de salaires entre les femmes et les hommes restent élevés. Le différentiel est estimé à 27 % en moyenne, alors même que, depuis les années 1960, les femmes ont massivement investi le monde du travail. En 2009, quelque 80 % des femmes âgées de 25 à 49 ans occupaient un emploi. Pourtant, même si leur formation est égale à celle des hommes, elles sont davantage touchées par le chômage et par le temps partiel subi, qui est à 82 % féminin. Elles sont en outre surreprésentées dans les emplois peu ou pas qualifiés.

Par ailleurs, les écarts de salaires persistent, dont 6 % relèvent de la pure discrimination. Depuis le milieu des années 1990, leur résorption des écarts stagne, malgré l’adoption de la première grande loi relative à l’égalité professionnelle en 1972. Ce texte, créant un corpus législatif considérable, a notamment introduit dans le code du travail le principe de l’égalité de rémunération à travail de valeur égale.

En outre, deux outils spécifiques ont été créés : le rapport de situation comparée et l’obligation d’engager une négociation collective sur l’égalité professionnelle. Néanmoins, ce dispositif était dépourvu de contraintes réelles ou de sanctions en cas de non-respect. Comme l’a constaté la délégation aux droits des femmes du Sénat dans le rapport d’information de notre collègue Michèle Meunier, rédigé à l’occasion de l’examen de la proposition de loi dite « Campion » relative à l’égalité salariale – adopté au Sénat en février 2012, ce texte n’a toujours pas été discuté à l’Assemblée nationale ! – ce dispositif a donné peu de résultats.

Ainsi, en 2010, seules 2 000 entreprises déclarant un délégué syndical avaient signé un accord collectif abordant la question de l’égalité professionnelle.

La loi du 23 mars 2006 avait fixé aux entreprises la date butoir du 31 décembre 2010 pour supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Cet objectif a été supprimé en 2010 lors de la réforme des retraites. Il a été remplacé par un dispositif dit « de sanction financière ». Le gouvernement de François Fillon a ainsi fait le choix d’une logique non pas coercitive, via une amende exigible en une fois au moment du constat de l’infraction, mais incitative, et celle-ci s’est finalement révélée non contraignante, donc en recul par rapport aux ambitions affichées en 2006.

Mes chers collègues, nous devons désormais enclencher la vitesse supérieure et imposer une obligation de résultat rendant effective l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Nous demandons ainsi, par cet amendement, de fixer, comme ce fut le cas en 2006, un nouvel horizon, d’ici à 2018, pour que les inégalités professionnelles et salariales entre les hommes et les femmes soient définitivement résorbées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement vise à demander au Gouvernement un rapport sur les mesures prises contre les inégalités salariales entre les femmes et les hommes.

Malheureusement, une telle demande ne correspond pas à l’objet de l’article 1er de notre projet de loi sur les retraites. Madame Gonthier-Maurin, nous sommes nombreux, de ce côté de l’hémicycle, à partager vos préoccupations au regard des inégalités salariales, à travail égal, entre les femmes et les hommes. Cependant, le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites n’est pas le véhicule législatif adéquat pour y apporter des réponses.

Le projet de loi pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a été voté en première lecture au Sénat. C’est bien dans le cadre de ce texte que ce rapport doit être réalisé.

Pour des raisons de forme et non de fond, la commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet le même avis défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. S’agissant de l’égalité professionnelle, nous saluons le Gouvernement pour sa volonté de faire de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes une priorité de l’État et des partenaires sociaux.

Certes, des contrôles ont été lancés, des mises en demeure adressées et des pénalités décidées. Selon un bilan rendu public par la ministre des droits des femmes en septembre dernier, 402 mises en demeure avaient été adressées et quatre pénalités décidées au 15 juillet 2013. Selon ce même bilan, la politique menée aurait « permis une accélération très significative du nombre d’accords signés dans les entreprises ».

Toutefois, nous ne parlons ici que « d’accords », qui, je rappelle, sont censés être obligatoires depuis 1983 ! Le Gouvernement doit se saisir de nouveaux outils pour y parvenir. La proposition de loi sur l’égalité salariale adoptée au Sénat par la majorité sénatoriale de gauche rassemblée, en février 2012, en est un, madame la rapporteur.

J’en rappelle les deux principales mesures.

Premièrement, il s’agit de priver d’allégements et exonérations sur les cotisations sociales de la branche maladie, ainsi que des réductions d’impôts dont elle pourrait bénéficier, toute entreprise n’ayant pas conclu d’accord définissant et programmant les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunérations.

Deuxièmement, la proposition prévoit que l’absence de transmission du rapport de situation comparée et de l’avis à l’inspection du travail dans les quinze jours suivant la consultation exposera l’entreprise à une pénalité équivalente à 1 % de la masse salariale.

Voilà des exemples de mesures qui symboliseraient ce passage à la vitesse supérieure dont je parlais précédemment pour atteindre l’égalité salariale. Mes chers collègues, nous vous demandons de vous en saisir.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson. Chers collègues, nous partageons vos préoccupations en termes d’égalités professionnelle et salariale. Vous avez évoqué des mesures datant du début des années 1980. Malheureusement, nous avançons lentement dans ce domaine.

Cette situation ne manque pas de surprendre et de provoquer, au moins pour ce qui me concerne, un sentiment de malaise, voire d’exaspération. Nous continuons de ne pas comprendre pourquoi, pour une même fonction, alors que des qualifications identiques ont permis à une femme d’occuper un poste, hier réservé à un homme, celle-ci ne bénéficie pas de la même rémunération, ce qui est inacceptable.

Un certain nombre d’entreprises, grandes ou petites, ont instauré des dispositifs permettant de garantir que des salariés exerçant des fonctions identiques perçoivent une rémunération identique. Ces dispositifs rejoignent, d’une certaine manière, les chartes par lesquelles les entreprises s’engagent à mettre en place des bonnes pratiques en matière de diversité et de mixité sociale.

Sur ces sujets, nous devons être unanimes. J’entends bien qu’ils ne relèvent pas forcément d’un projet de loi sur les retraites : il s’agit plutôt d’égalité sociale et professionnelle. Néanmoins, nous sommes attachés, tout comme vous, à cette égalité. Nous ne pouvons qu’encourager tous les progrès qui pourront être réalisés en ce sens, quels que soient ceux qui exercent le pouvoir ou ont la capacité de faire avancer les choses.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Il faut savoir si la majorité est satisfaite, ou non, du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qui a récemment été adopté par le Sénat.

Chers collègues, si vous considérez que ce projet de loi est bon, vous devez espérer que les inégalités de rémunération à niveau de qualification égal vont disparaître. Les membres de la majorité qui ont déposé le présent amendement peuvent donc le retirer sans inquiétude.

En revanche, si vous considérez que ce projet de loi est mauvais, je me demande pourquoi vous l’avez voté. En ce qui nous concerne, nous voulons bien donner sa chance à chacune des dispositions de ce texte que nous n’avons pas voté, et nous estimons donc qu’il n’est pas indispensable d’en rajouter.

L’exigence d’une stricte égalité professionnelle à l’horizon de 2018 est une ambition qui nous paraît digne d’estime, mais elle sera sans doute difficile à atteindre avec les moyens que nous avons réunis jusqu’à présent.

Je comprends très bien que le groupe CRC ait envie de réexaminer le sujet, mais il aurait pu déposer des amendements sur le texte dont nous venons de discuter, afin de donner plus de crédit à l’objectif d’égalité professionnelle. Il y a là une sorte d’incohérence qui nous perturbe quelque peu. Nous avons du mal à comprendre la manière dont votre majorité avance sur des sujets aussi graves et difficiles. Nous pensons qu’il serait préférable que vous en débattiez entre vous plutôt que de déposer ce type d’amendement en séance, car votre démarche ne fait qu’illustrer les divergences entre les différentes composantes de votre majorité hétéroclite.