M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Je n’interviendrai pas sur le fond, car le débat sur les retraites n’est pas le lieu pour revenir sur des règles issues de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, laquelle a fait l’objet dans cette assemblée d’un débat dense au mois de juin dernier, Claude Jeannerot s’en souvient. (M. Claude Jeannerot opine.)

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Notre discussion au sujet de l’ANI a montré que les temps partiels généralisés avaient des conséquences extrêmement néfastes pour les salariés. On ne peut pas écrire une loi, puis en rédiger une autre quand on sait pertinemment que cette dernière ne pourra pas s’appliquer en raison du contenu de l’ANI.

L’Assemblée nationale a introduit des éléments positifs, comme la prise en compte de périodes éventuelles de privation involontaire d’emploi, totale ou partielle, pour parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes – c’est une petite amélioration. Pourquoi ne sommes-nous pas capables au Sénat d’adopter des amendements permettant aux femmes d’atteindre l’égalité professionnelle, avec des conséquences plus positives en termes de conditions de travail et de salaire ? Je trouve donc tout à fait dommageable que nous en restions d’une certaine manière à des déclarations d’intention, même si toutes et tous nous y souscrivons.

Le problème est que nous nous heurtons à certaines mesures qui ont été prises dans le cadre de l’ANI. Et, comme je l’avais déjà dit lors de l’examen de la loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, je déplore que le Gouvernement – même si la ministre présente au banc n’était pas la même – nous fasse, lui, la même réponse, en disant : « nous ne pouvons rien faire de ce côté, parce qu’il y a l’ANI » ! Or on sait que les temps partiels ouvrent une trappe à bas salaires pour les femmes et que cela a des conséquences négatives.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Je comprends bien les intentions très louables des auteurs de cet amendement, mais il est à redouter, s’il était adopté, qu’il n’ait des effets exactement inverses à ceux qui sont recherchés.

La loi relative à la sécurisation de l’emploi, à laquelle je n’ai évidemment aucune part et que je ne suis donc pas le mieux à même de défendre, a permis à une personne qui a un emploi à temps partiel d’occuper en même temps un autre emploi à temps partiel. Cette disposition visait à mon sens à faciliter l’activité d’un certain nombre de personnes pour lesquelles le choix n’est pas entre un temps plein dans une même entreprise et un temps partiel mais entre deux temps partiels ou un seul temps partiel.

M. Gérard Longuet. C’est exact !

M. Philippe Bas. On peut supposer malgré tout que les femmes – et les hommes – qui se trouvent dans cette situation préféreront tout de même avoir deux temps partiels qu’un seul, même si, dans l’absolu, leur préférence irait à un seul temps plein, si j’ose dire. Mais l’idéal n’est pas toujours atteignable compte tenu de la situation actuelle de l’emploi (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) et, d’une certaine façon, « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ».

Mme Cécile Cukierman. Et c’est au pied du mur qu’on voit le mieux le mur !

M. Philippe Bas. Il est donc préférable, dans un objectif qui est lui-même social, de permettre à des personnes de ne pas être privées de leur deuxième emploi et, ce faisant, de pouvoir augmenter leurs droits à la retraite.

Sans vouloir m’immiscer dans un débat entre les groupes de la majorité parlementaire,…

M. Gérard Longuet. Feu la majorité parlementaire !

M. Philippe Bas. … je me sens quand même la responsabilité d’y participer, en vous disant que, si votre amendement était adopté, il marquerait une régression sociale.

M. Michel Bécot. Exactement !

Mme Cécile Cukierman. Nous n’avons pas la même conception du progrès social !

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Cet amendement, dont l’adoption entraînerait effectivement une régression sociale, méconnaît les réalités du terrain. En particulier dans le monde rural, que je représente comme sénateur de la Meuse, les femmes – plus que les hommes, c’est vrai – sont amenées à cumuler des temps partiels qui constituent de véritables services au bénéfice de la communauté. Je pense en particulier aux conductrices de cars de ramassage scolaire qui rendent un véritable service. Cette activité qui, par définition, s’exerce à temps partiel est compatible avec d’autres tâches qui sont rémunératrices et qui permettent de revitaliser des secteurs que l’emploi industriel a, hélas ! désertés depuis longtemps.

J’ajoute qu’au moment même où, d’une façon un peu imprudente, mal calculée, voire bricolée, le ministre de l’éducation nationale multiplie les temps partiels en demandant aux collectivités locales de recruter des animateurs de toute nature pour prendre en charge les enfants quarante-cinq minutes par jour, quatre jours par semaine, il serait quand même invraisemblable de demander aux élus locaux de multiplier les temps partiels et de priver ceux qui occupent ces emplois d’un maximum d’avantages en termes de retraite.

Au nom de la cohérence de la politique de la gauche, je souhaite que le parti communiste renonce à cet amendement et soutienne le Gouvernement.

Mme Cécile Cukierman. Le groupe CRC n’est pas le parti communiste, on vous l’a déjà dit hier !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

M. Philippe Bas. Il n’est pas retiré ?

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Afin de satisfaire aux objectifs mentionnés au présent article, il est mis fin aux mesures générales d’exonérations des cotisations sociales.

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Les objectifs fixés dans l’article 1er sont louables. Pour autant, nous ne sommes pas dupes. Nous aurions préféré que le Gouvernement, plutôt que de poser des grands principes dans un article, témoigne de son attachement à notre régime de retraite par répartition en prenant les mesures qui s’imposent pour assurer, dans la justice et la solidarité, son équilibre comme son avenir, à défaut de quoi ces principes risquent de ne jamais être concrétisés.

En 2010 déjà, l’article 1er A de la loi portant réforme des retraites rappelait l’attachement de la nation aux mécanismes de retraite par répartition en disposant que « les assurés doivent pouvoir bénéficier d’un traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leur sexe, leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils relèvent. »

Trois ans après son adoption, force est de constater que la situation des femmes à la retraite ne s’est pas améliorée, pas plus d’ailleurs que celle des salariées. Pis, les articles suivants ont prévu des dispositions permettant aux employeurs de déroger à leurs obligations légales en matière d’égalité salariale.

Je me souviens également que ce même article prévoyait explicitement que « le système de retraite par répartition poursuit les objectifs de maintien d’un niveau de vie satisfaisant ». Pourtant, là encore, personne ne peut dire, sans travestir la réalité, que la situation des retraités s’est améliorée. L’allongement de la durée de cotisation a conduit à d’importantes décotes, qui grèvent le niveau de vie des retraités, et le nombre de salariés âgés de cinquante-cinq ans qui ont été licenciés ou contraints d’accepter une rupture conventionnelle n’a cessé de croître.

Comme aujourd’hui, les objectifs étaient louables et ambitieux. Mais, pour être atteints, il leur manquait ce qui fait encore défaut aujourd’hui, à savoir les outils pour y parvenir. Comment prétendre, par exemple, améliorer le niveau de vie des retraités qui auront subi tout au long de leur carrière des périodes de chômage et de précarité si l’on ne renforce pas les dispositifs redistributifs ou que l’on ne modifie pas, en les assouplissant, les conditions exigées pour cotiser un trimestre ?

Garantir les droits existants, voire les renforcer, suppose de trouver les financements adéquats. Pour ce faire, conformément aux principes de financement de notre protection sociale, qui repose sur les cotisations sociales, nous proposons que l’article 1er ait pour objectif de réduire jusqu’à leur suppression les exonérations générales de cotisations sociales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer les mesures d’exonération de cotisations sociales, comme Mme Demessine l’a dit dans son propos.

Je ferai le même commentaire que précédemment : l’article 1er a trait aux objectifs du système de retraites, non aux moyens permettant de les satisfaire. La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. J’émets également un avis défavorable.

La question du financement de notre protection sociale peut tout à fait être posée ; elle l’est dans le cadre du Haut Conseil du financement de la protection sociale. Avec cette réforme des retraites, nous nous inscrivons dans une démarche d’ensemble, et nous avons fait des propositions de financement pour l’avenir de nos régimes de retraite.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.

Mme Michelle Demessine. D’une certaine manière, cet amendement constitue un amendement d’appel. Il vous appelle, madame la ministre, à prendre les mesures qui s’imposent pour garantir l’avenir des retraites dans la justice et la solidarité. Il vous appelle à vous doter des outils qui permettraient d’assurer le financement de la sécurité sociale. Pour cela, nous vous proposons de nous fixer comme objectif de réduire jusqu’à leur suppression totale les exonérations générales de cotisations. En effet, on ne peut tout à la fois dire qu’on est contraint d’allonger la durée de cotisation des salariés pour faire face aux déficits de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, et, dans le même temps, approuver, année après année, des lois de financement qui actent à chaque fois la disparition d’une partie des ressources de la sécurité sociale. Car si la majorité des exonérations sont compensées, elles ne le sont pas intégralement !

Les allégements de cotisations sociales sur les bas salaires, mis en place à partir de 1993 et modifiés à plusieurs reprises depuis cette date, concernent aujourd’hui environ dix millions de salariés et diminuent substantiellement le coût du travail entre le SMIC et 1,6 SMIC. Pour autant, cette réduction du coût du travail n’est pas nécessairement légitime, et les économies réalisées sont plus que rarement investies dans l’outil productif. Elles participent par contre à accroître considérablement les marges, dividendes et plus-values que se partagent les actionnaires. Qui plus est, parce que les exonérations générales sont concentrées sur les bas salaires, elles agissent comme de véritables trappes à précarité, incitant en réalité les employeurs à imposer des salaires de misère.

Tout cela n’est pas sans conséquence sur la capacité des ménages non seulement à épargner, mais aussi à consommer. Dès lors, avec une consommation en berne, comment pouvoir prétendre relancer une politique d’emploi capable de lutter contre le chômage ?

La lutte contre le chômage et la précarité est en outre un levier pour renforcer le financement de la sécurité sociale dans la mesure où la création d’emplois entraîne mécaniquement la perception de 1,3 milliard d’euros de ressources supplémentaires.

À l’inverse, en mettant fin aux exonérations de cotisations sociales, l’État pourrait récupérer près de 25 milliards d’euros qui servent aujourd’hui à leur compensation, dont la moitié au moins pourrait être fléchée en direction d’une politique de l’emploi qui soit efficace et cohérente.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Nous, écologistes, sommes opposés à l’exonération de cotisations sociales. Lorsqu’on en discute avec nos partenaires au sein du Gouvernement, ceux-ci nous disent que ces exonérations sont créatrices d’emplois. Il faudrait quand même évaluer précisément quels sont les secteurs qui font des créations d’emplois !

Lorsque l’État récupère 25 milliards ou 30 milliards d’euros de cotisations, il peut créer directement des emplois dans la santé, dans la culture, dans l’éducation. Il saurait le faire avec une telle somme, sinon c’est à désespérer !

En plus, cette exonération de cotisations sociales est un mauvais signal, le groupe CRC l’a dit : on abaisse le niveau des salaires puisqu’on a tendance à embaucher faiblement. On laisse aussi penser qu’on peut toujours bénéficier d’exonérations, que c’est normal, alors que la règle est tout de même d’acquitter des cotisations.

Si des aides peuvent être obtenues pour l’installation d’une entreprise ou pour certains secteurs impliqués dans la transition énergétique,…

Un sénateur du groupe UMP. L’écotaxe !

M. Jean Desessard. … il s’agit d’un effort particulier et non d’une exonération inconditionnelle.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste votera l’amendement.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites
Discussion générale

4

Libération de quatre otages français

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, je souhaiterais vous faire part d’une heureuse nouvelle : le Président de la République vient d’annoncer que quatre otages français enlevés au Niger ont été libérés. (Applaudissements.)

5

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites
Article 1er (début)

Avenir et justice du système de retraites

Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

Nous poursuivons, au sein de l’article 1er, les explications de vote sur l’amendement n° 39.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er (suite)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Monsieur le président, c’est avec une immense joie que nous accueillons la nouvelle que vous venez de nous annoncer. Nous avons hâte que nos compatriotes, que nous espérons en bonne santé, soient rapatriés sur le sol national et retrouvent leurs familles.

J’en viens à l’amendement n° 39.

Je me souviens des premiers pas de la politique d’allégement de charges. C’était en 1993, sous le gouvernement d’Édouard Balladur. (Eh oui ! sur plusieurs travées du groupe CRC.) Les mesures décidées portaient sur l’allégement des cotisations familiales. Elles ont été amplifiées et élargies par des dispositions prises par le gouvernement d’Alain Juppé avec la création de la ristourne dégressive lissée – pardon pour cette horrible expression –, qui permettait de ramener à zéro au niveau du SMIC le montant des charges destinées au financement de la sécurité sociale.

Cette politique est celle qui a porté le plus de fruits en matière d’emplois des personnes non qualifiées. Ainsi, d’après l’INSEE, elle a permis la préservation ou la création de 490 000 emplois en 2000.

En 1997, le gouvernement auquel appartenait Michelle Demessine – elle devrait s’en souvenir ! – a décidé le passage aux 35 heures payées 39, ce qui revenait à une augmentation du salaire horaire de 11,4 %. Naturellement, les entreprises se sont trouvées étranglées par ces dispositions (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), qui ont eu pour effet de renchérir considérablement le coût du travail, de provoquer de nombreuses difficultés en matière d’embauche...

Mme Catherine Génisson. Mais non ! Environ 350 000 emplois ont été créés !

M. Philippe Bas. ... et de contribuer très nettement à la reprise du chômage à partir de 2001, tendance heureusement corrigée par la politique mise en œuvre par la suite.

Je rappelle que cette correction n’a pas permis de diminuer les charges : elle a simplement réduit le surcoût de 11,4 % de l’emploi de la main-d’œuvre salariée de notre pays.

Mme Catherine Génisson. Pourquoi ne pas avoir supprimé les 35 heures alors ?

M. Philippe Bas. Si l’on décidait aujourd’hui d’abandonner cette politique de baisse des charges généralisée, c’est-à-dire cette politique d’atténuation de l’aggravation des charges salariales causées par les 35 heures,…

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Ce sont des cotisations et non des charges, vous le savez !

M. Philippe Bas. ... il faudrait aussitôt reposer la question des 35 heures payées 39 et expliquer aux Français que, désormais, ils devront de nouveau travailler 39 heures, mais payées 35.

La disparition de l’avantage créé par le gouvernement de François Fillon – la défiscalisation des heures supplémentaires – a entraîné une très forte perte de pouvoir d’achat pour de nombreux Français.

Mme Cécile Cukierman. Continuez ! On n’est plus à ça près !

M. Philippe Bas. Celle-ci serait encore aggravée par la baisse du salaire horaire qu’il faudrait engager pour compenser la diminution des exonérations de charges sociales décidée par le gouvernement auquel appartenait Michelle Demessine, dont je m’étonne qu’elle présente aujourd’hui un tel amendement.

Mme Cécile Cukierman. On ne défend pas les mêmes gens !

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. L’intervention de mon collègue Philippe Bas rend mon intervention inutile et redondante, mais la pédagogie est l’art de la répétition... (Sourires sur les travées de l'UMP. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.)

En matière de prise en charge des cotisations par la collectivité en lieu et place des entreprises, Philippe Bas a rappelé avec pertinence l’enrichissement de la croissance en emplois voulue en 1993, sous le gouvernement Balladur, puis sous le gouvernement Juppé. Il faut également mettre au crédit de notre majorité la convergence des SMIC, qui a été un facteur important sous l’autorité de Jean-Pierre Raffarin.

Madame Demessine, j’ai eu le bonheur – personnel – de présider la région Lorraine. Comme vous le savez, cette région frontalière a subi la reconversion de la sidérurgie, du textile, des mines de charbon, ce qui a très largement débouché sur la création d’emplois industriels européens, principalement allemands.

En 1992, avant que Daimler-Benz ne choisisse la Lorraine comme lieu de production de la Smart, l’un des industriels allemands à qui je demandais pourquoi diable il choisissait la France où la fiscalité était lourde et les charges restaient élevées, ce dernier m’a répondu que, globalement, dans le secteur de l’industrie, le coût salarial français était inférieur de 20 % au coût salarial allemand chargé, à production comparable. Dix ans après, en 2002, après l’impact des 35 heures et, aujourd’hui, après l’impact positif des réformes Schröder-Merkel, les coûts salariaux dans l’industrie sont plus importants en France qu’en Allemagne.

Si vous voulez revenir sur ces exonérations, décidez une bonne fois pour toutes la fin des emplois industriels dans les secteurs exposés à la concurrence dans notre pays et, de proche en proche, dans tous les secteurs industriels ! Si telle est votre conception de la solidarité envers les salariés qui sont les moins formés et, par conséquent, dont le niveau d’engagement est le plus faible, vous leur rendriez un bien mauvais service.

Sinon, comme le soulignait fort opportunément Philippe Bas, allez au bout de votre logique et revenez à la durée annuelle moyenne des grands pays industriels qui est plutôt au-delà de 1 600 heures par an. C’est cette différence qui explique l’engagement de l’État.

Si l’État socialiste, avec les lois Aubry, a préféré financer le non-travail, c’est son choix.

Mme Cécile Cukierman. C’est scandaleux !

Mme Catherine Génisson. C’est un amortisseur social !

M. Gérard Longuet. Je reconnais que nous n’avons pas eu le courage de revenir sur cette mesure, mais je pense que nous devrons collectivement trouver une solution. Il n’est pas vrai que l’on pourra reprendre le chemin de l’emploi sans s’attaquer au problème de la compétitivité du travail industriel français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. En fait, monsieur le président, je souhaite réagir à l’annonce que vous avez faite il y a quelques minutes.

Au nom de tous mes collègues, je tiens à saluer cette réussite de la politique de notre gouvernement…

Mme Catherine Tasca. … et à adresser nos vœux les plus chaleureux aux otages qui vont enfin retrouver le sol de leur patrie et à leurs familles, qui ont tant souffert dans l’attente. Je veux remercier le Président de la République et tous les services de l’État qui ont contribué à cette libération.

Nous savons que, dans ces circonstances, l’impatience voire l’incompréhension dominent parfois. Nous avons aujourd'hui la preuve que notre gouvernement a été d’une grande constance et d’une grande efficacité, et nous lui exprimons notre gratitude. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Je m’associe aux propos qui viennent d’être tenus sur la libération des otages. C’est surtout à eux, qui ont vécu des moments très difficiles, et à leurs familles que vont nos pensées en cet instant.

M. Francis Delattre. Voilà ! Très bien !

Mme Marie-France Beaufils. J’espère que nous les verrons très rapidement sur notre sol pour leur exprimer tout notre soutien.

Je souhaite réagir à l’intervention de M. Longuet. S’il y a bien un groupe, ici, qui n’a pas besoin de leçon de solidarité, en particulier envers le monde salarié, c’est le nôtre ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Bas. C’est toujours de la solidarité sur le compte d’autrui ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Marie-France Beaufils. Ce compte d’autrui dont vous parlez, c’est surtout celui des actionnaires des grandes entreprises que vous soutenez, vous !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Eh oui, ils se nourrissent sur le dos des salariés !

Mme Marie-France Beaufils. Ce n’est pas notre cas. Nous n’avons ni les mêmes soutiens ni les mêmes amis. Au moins n’y a-t-il pas d’ambiguïté possible quand on aborde la question des retraites.

Je reviens sur la question des allégements de cotisations sociales. Aujourd’hui, ce qui pèse sur les entreprises, contrairement à ce que vous ne cessez d’asséner comme une vérité, ce n’est pas la part consacrée aux salaires et aux cotisations sociales, c’est la rémunération des actionnaires.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exactement ! C’est la part du capital !

Mme Marie-France Beaufils. Il n’est qu’à regarder la valeur ajoutée créée dans les entreprises.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Eh oui !

Mme Marie-France Beaufils. Au cours des vingt dernières années, la masse consacrée aux salaires et aux cotisations sociales a progressé de moins de 1 %, quand la part consacrée à la rémunération des actionnaires a progressé de plus de 25 %.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est ça, le coût du travail !

Mme Marie-France Beaufils. Voilà la réalité que vous ne voulez pas regarder en face et à laquelle nous voulons nous attaquer !

Aujourd'hui, nous estimons que seule cette démarche permettrait d’apporter au monde du travail une réponse d’une autre qualité que celle qui est proposée actuellement. Pour nous, la solidarité, ce n’est pas de continuer à faire pression pour diminuer la part consacrée aux salaires. Cette politique se traduit à la fois par une baisse des cotisations sociales et par la venue sur notre territoire de salariés embauchés par des sociétés low cost, pour le dire vite, qui viennent travailler à bas coût. Or certains soutiennent aujourd’hui que c’est l’immigration qui pèse sur le monde salarié. Là encore, ce n’est pas la réalité ! La construction européenne devrait favoriser l’harmonisation sociale et fiscale.

Ce sont tous ces sujets que l’on aborde quand il est question des retraites. C'est la raison pour laquelle notre amendement a toute sa place ici. Je le voterai donc avec conviction. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 21, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’impact financier d’une disposition législative visant à assurer à tout retraité le service d’une pension au moins égale au salaire minimum interprofessionnel de croissance quels que soient sa situation, son activité professionnelle passée ou les revenus qu’il a tirés de cette activité. Ce rapport fait état des mesures de financement envisageables pour parvenir à cet objectif minimal, en étudiant notamment le rendement de mesures telles que la modulation des cotisations sociales patronales d’assurance vieillesse en fonction des choix de gestion des entreprises, la contribution des revenus financiers des sociétés financières et non financières à hauteur des cotisations patronales d’assurance vieillesse, la résorption des inégalités professionnelles et notamment salariales entre les femmes et les hommes dans la décennie suivant la remise du rapport, la réduction du recours au temps partiel, et l’assujettissement de tous les compléments de salaire aux cotisations sociales à la même hauteur que les salaires.

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Il s’agit d’inscrire dans la loi la nécessité de réaliser un rapport sur l’impact financier qu’aurait une mesure que nous revendiquons depuis longtemps : assurer que le montant des pensions de retraite soit au moins égal au salaire minimum interprofessionnel de croissance, le SMIC. Cela, ce n’est pas de la régression sociale, pas plus que ne l’est le passage aux 35 heures ! Nous croyons au progrès social comme moteur de l’économie. Nous voulons tirer vers le haut.

Nous demandons ce rapport, car il nous est interdit de proposer une disposition législative permettant l’application immédiate de cette mesure. En effet, en nous empêchant de défendre tout amendement dont l’adoption aurait pour effet d’augmenter les dépenses de l’État, l’article 40 de la Constitution ampute largement le pouvoir d’initiative réellement accordé aux parlementaires. Je le regrette d’autant plus que, vous pouvez le constater, nous avons des propositions permettant de financer cette disposition, afin que, justement, elle n’impacte pas les finances de l’État. Je referme immédiatement cette parenthèse, mais il me semble que nous devrions un jour aborder la question de l’article 40, qui constitue une négation de la représentation parlementaire et de sa capacité à élaborer la loi, alors que c’est pourtant son rôle principal.

En 2010, selon l’INSEE, le montant brut moyen de la pension de retraite s’élevait à 1 216 euros, contre 1 343,77 euros pour le SMIC mensuel brut sur une base de travail de 35 heures. Le montant brut moyen des pensions en France est donc inférieur au SMIC, alors même que cette moyenne cache de grandes disparités dans le montant de pensions de retraite ; je pense en particulier à celle des femmes, mais également à celle des agriculteurs.