M. Gérard Longuet. Pas du tout !

Mme Marisol Touraine, ministre. … à savoir le niveau et la durée de cotisations ou l’âge légal de départ à la retraite. Au fond, les mécanismes qui nous permettent de financer nos régimes de retraite restent les mêmes, seule change l’organisation du régime de retraite. C’est écrit noir sur blanc dans le rapport du Conseil d’orientation des retraites de 2010, entièrement consacré à ce système, et je me contente de le reprendre à mon compte !

Je constate la constance de M. Vanlerenberghe et de son groupe – il ne s’agit nullement d’un reproche – pour défendre ce système. Il me semble toutefois que certains ont tendance à invoquer le régime par points ou en comptes notionnels comme on le ferait d’une pensée magique et à croire qu’il suffirait de mettre en place un tel système pour que disparaissent, de manière subite, l’ensemble des difficultés.

M. Gilbert Barbier. Il n’a jamais dit ça !

Mme Marisol Touraine, ministre. Lui, non, mais certains donnent le sentiment qu’il suffirait d’appuyer sur le bouton « régime notionnel », « réforme suédoise » ou autre pour que les difficultés financières cessent. Tel ne serait évidemment pas le cas !

Comme je le disais hier soir, dans un système par points ou en comptes notionnels, des choix doivent être effectués pour fixer l’âge de départ à la retraite, la durée de cotisations, le niveau des pensions ou celui des cotisations des salariés comme des entreprises. Tous ces paramètres doivent évidemment faire l’objet d’arbitrages et de décisions politiques.

L’idée d’une espèce d’ajustement automatique s’est éteinte avec le système suédois, qui avait évidemment fait surgir de grandes attentes. Avec la crise, le niveau des pensions en Suède a diminué de façon extrêmement forte, à tel point que le dispositif d’ajustement automatique a été interrompu et que le gouvernement suédois a repris la main sur l’évolution des régimes de retraite.

Tout ce qui avait fondé le régime suédois, l’idée selon laquelle, par le biais d’un système de comptes notionnels, on allait pouvoir ajuster automatiquement le niveau des retraites à la hausse en période de croissance ou à la baisse en période de crise a fait long feu. Même en Suède, pays de la concertation, du dialogue social, de la participation des différents partis politiques et des différentes centrales syndicales à la décision, la baisse des pensions n’a pas été acceptée par tout le monde et le gouvernement a dû intervenir.

Voilà pourquoi je suis défavorable aux amendements nos 358 et 381 rectifié, même si, je le répète, je reconnais la constance de celles et ceux qui défendent ce système. Quant aux autres amendements, j’émets un avis défavorable pour les mêmes raisons que celles énoncées par Mme la rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote sur l’amendement n° 358.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. J’ai bien entendu les arguments de Mme la rapporteur et de Mme la ministre ; je ne m’attendais d’ailleurs pas à une réponse différente de leur part.

Je rappelle tout de même à Mme Demontès que l’on peut lire, page 132 du rapport d’information qu’elle a conjointement rédigé avec M. Leclerc : « C’est pourquoi la mission propose la mise en place à terme d’un régime de base par points qui devrait revêtir le caractère le plus universel possible. »

M. Gérard Longuet. C’est écrit !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Il ne s’agissait donc pas d’une option, mais bien d’une proposition ! (Mme la rapporteur fait un signe de dénégation.) Je tiens le rapport à votre disposition, madame Demontès.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Je le connais, je vous remercie !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Mme la ministre a évoqué le rapport du COR. Je l’ai bien lu, il est un peu long – 300 pages –, mais il présente l’avantage de répondre à toutes les questions, notamment à celles qui souhaitent savoir si le système par points, ou en comptes notionnels, peut être équivalent au système par répartition en termes de degré de solidarité. Dans sa conclusion, on peut ainsi lire : « L’examen des modalités de remplacement du calcul actuel des pensions personnelles par les régimes de retraite de base par un régime en points ou par un régime en comptes notionnels montre qu’un tel changement est techniquement possible et permet notamment d’intégrer des dispositifs de solidarité. »

Les auteurs du rapport ajoutent : « Le passage d’un régime en annuités à un régime en points ou en comptes notionnels n’est pas principalement une question d’ordre technique. Il nécessite au préalable des choix politiques ». Nous y voilà ! Je suis persuadé que si vous n’avez pas retenu ce système juste et équitable, madame la ministre, alors qu’un certain nombre de syndicats, toujours plus nombreux, y sont favorables, c’est parce que d’autres syndicats, tout aussi nombreux, s’y sont opposés. Il était donc préférable, disons-le tout net,…

M. Gérard Longuet. De ne rien faire, comme d’habitude !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. … d’acheter la paix sociale en ne changeant rien. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) C’est malheureusement ce qui est advenu avec votre projet de loi, et c’est ce que nous essayons de combattre. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher, pour explication de vote.

M. Gérard Larcher. Vous évoquez le débat qui s’est tenu ici même à l’automne 2010, madame le rapporteur. Je rappelle que ce débat n’était pas le fruit d’un amendement à la passiflore visant à calmer une quelconque tension.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il s’agissait d’un amendement du Gouvernement !

M. Gérard Larcher. La tension venait d’ailleurs !

Ce sujet, la MECSS l’a traité, comme vient de le rappeler M. Vanlerenberghe, ainsi que le septième rapport du COR de janvier 2010. Il ne s’agissait pas de balayer la question d’un revers de main, mais d’apporter soutenabilité, visibilité et durabilité à l’évolution de notre système de retraites.

M. Gérard Longuet. Exactement !

M. Gérard Larcher. Jean-Pierre Raffarin le disait il y a un instant, si le sujet revient en discussion tous les trois ou cinq ans, aucune pédagogie citoyenne n’est possible. Or un système de retraites est un des marqueurs du modèle social. À nous d’assurer aux générations à venir la soutenabilité et la durabilité du système.

Pourquoi se donner jusqu’en 2017 pour étudier ce que l’on ne veut décidément pas étudier au prétexte que la Suède aurait rencontré des difficultés ? Bien sûr qu’elle en a rencontrées ! Vous croyez qu’on n’en rencontre pas ? Et pensez-vous qu’avec de simples mesures sur les cotisations nous allons traiter le sujet au fond ? Au contraire, nous nous interdisons d’examiner un système qui nous apporterait la visibilité, la soutenabilité et la durabilité que j’évoquais.

Madame la ministre, vous avez parlé de la pénibilité en répondant à Jean-Pierre Raffarin. C’était bien dans le texte de 2003 ! Je le sais d’autant mieux que j’ai été le ministre chargé de mettre au point l’impossible à l’époque, c’est-à-dire le dispositif sur la pénibilité.

Le système par points ou en comptes notionnels faciliterait l’approche d’une quantification de la pénibilité, qui est une réalité. Ne nous fermons pas une porte qui pourrait nous conduire à résoudre une partie des difficultés que j’ai ressenties, y compris dans le dialogue social. Au-delà des clivages, s’interdire d’aborder la question des comptes notionnels ou de la retraite par points est une faute envers les générations futures. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Gérard Larcher, avec beaucoup de brio, a défendu ce qui sera la position unanime du groupe UMP : nous voulons réformer le système. À tout prendre, le système le plus accessible, le plus immédiatement envisageable, le plus pertinent réside assurément dans l’introduction en France de la mécanique de la répartition par points.

Madame la ministre, je pense que vous n’avez pas fait l’effort d’entrer dans la logique de la retraite par points, car votre seule intention était d’apporter des réponses de très court terme reposant sur des prélèvements supplémentaires assumés pour l’essentiel par les retraités d’aujourd’hui,…

M. Gérard Longuet. … par les salariés et, dans une moindre mesure, par les entreprises. Vous n’avez pas voulu entrer dans une réforme de fond comme de très nombreux partenaires sociaux attachés à la pérennité du régime de retraite par répartition vous le proposaient.

Quel est l’apport – ce sera le seul objet de mon intervention – d’un système de retraites par points ? L’attribution de points aux retraités apporte la responsabilité individuelle et la responsabilité collective. En effet, ce paramètre nouveau qu’est la valeur du point, collectivement débattue et fixée chaque année, permet d’offrir une information claire à chaque titulaire de compte sur les droits qu’il a accumulés. Il s’agit d’un phénomène considérable !

Aujourd’hui, comme l’a souligné Mme Demontès dans son rapport, le régime de retraite dépend de plusieurs facteurs tout à fait pertinents : démographie, activité, productivité, durée de cotisation, bornes d’âge. Toutefois, la retraite par points introduit ce qui manque dans notre système et qui permet de répondre à l’épreuve de la vérité économique de chaque instant : que peut-on donner sans endetter les générations à venir ? C’est là que réside la force du système de retraites par points dans sa rencontre historique avec le régime par répartition.

Ce dernier régime, lorsqu’il est déficitaire, se tourne vers l’État, ce qui augmente d’autant l’endettement collectif qui sera supporté par les générations à venir. La retraite par points sanctionne de manière immédiate : il n’y a pas d’endettement possible, seulement une dévalorisation ou une revalorisation du point.

Vous nous dites que ce système marche à la hausse, pas à la baisse. Ce n’est pas vrai ! S’il est amené à fonctionner à la baisse, il peut être nécessaire, pour telle ou telle catégorie, d’apporter un soutien provisoire afin de passer l’obstacle. C’est ce que la Suède a fait.

Plus globalement, ce système permet de mettre en place une responsabilité individuelle et collective dont l’absence aujourd’hui inquiète nos compatriotes. Ils ne savent pas exactement où ils en sont. Certains ne se posent pas la question, ils ont tort ; d’autres exagèrent l’inquiétude, ils ont tort également. Mais, dans les deux cas, ils sont dans l’erreur, car il n’y a pas de mètre étalon, à l’image de celui du pavillon de Breteuil, pour les rassurer.

Avec la retraite par points, individuellement et collectivement, nous savons où nous en sommes, et nous pouvons mesurer les conséquences de notre choix ou de l’absence de choix. Si nous décidons de ne pas faire évaluer le point, il faut immédiatement jouer sur les autres paramètres. Mais ce système a une vertu que les autres – en tout cas le système de répartition actuel – n’ont pas, c’est qu’il empêche d’envoyer la facture aux générations à venir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Les systèmes par points ne sont pas la panacée qui permettra de résoudre les problèmes de déficit de financement des régimes de retraite. Personne ici ne le prétend ! C’est donc engager un faux débat que de récuser l’amendement dont nous discutons au motif qu’il n’apporterait pas de contribution à l’équilibre financier de ces régimes. On aura beau citer de nombreuses pages, tirées de rapports non moins nombreux, qui en attestent, sans pour autant le disqualifier.

Les systèmes de calcul des droits à la retraite fondés sur les régimes par points ont une vertu qui est de nature toute différente : ils apportent de la clarté, de la transparence, de la lisibilité. Cette vertu permet à chacun de comprendre ce à quoi il a droit, comme elle permet de comprendre que les droits que nous tenons des régimes de retraite vont nécessairement évoluer en fonction de la situation économique, du pouvoir d’achat et de la situation de l’emploi, de la même façon qu’ils varient avec la démographie. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

Le système de retraites par points a tout simplement pour ambition de mettre fin à l’opacité et de permettre aux Français, pour lesquels notre système de répartition est complexe, même s’il est juste, et même si nous croyons en lui sur toutes les travées de cet hémicycle, d’avoir sous les yeux des informations chiffrées qui rendent compte, d’un côté, de leur effort et, de l’autre, de l’évolution de la valeur du point.

Bien sûr, passer du système actuel au système de la retraite par points, c’est comme faire passer nos ordinateurs du 31 décembre 1999 au 1er janvier 2000 : il y a un risque de bogue ! Devons-nous pour autant nous décourager d’aller dans cette direction ? Nous avons parfaitement réussi le passage à l’an 2000 ; pourquoi serions-nous incapables de réussir le passage à la retraite par points si nous estimons que le gain en matière de clarification en vaut la peine ? Donnons-nous tout simplement le temps de la réflexion, aussi bien sur les aspects techniques que sur les enjeux politiques de la question.

Allons dans cette direction, cela permettra à nos compatriotes de mieux accepter le système. Beaucoup d’entre eux, quand on les interroge sur la retraite, répondent qu’ils ont acquis des droits, sans se rendre compte que tout l’argent prélevé chaque mois sur leurs rémunérations sert en réalité à payer les pensions de retraite d’aujourd’hui et qu’il n’est pas mis de côté pour leur propre retraite. Ils considèrent que c’est leur argent. Le système de la répartition consiste, je le rappelle, à faire en sorte que les actifs de demain paient leur propre retraite, de la même façon que les actifs d’aujourd’hui paient les pensions des retraités actuels.

Le système de retraites par points, je le crois, permet de faire la pédagogie de la répartition et de renforcer l’adhésion de tous les Français à notre système. C’est un avantage qu’il ne faut pas méconnaître. C’est la raison pour laquelle, en ce qui me concerne, et comme mes amis du groupe UMP et du groupe UDI-UC, je voterai l’amendement n° 358. J’espère que nous serons rejoints par nombre de nos collègues. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

M. Claude Domeizel. Mon propos portera sur les amendements nos 358 et 381 rectifié, qui tendent à mettre en place un système de retraites en comptes notionnels ou par points.

Je note – M. Raffarin l’a fait remarquer et l’objet de l’amendement de M. Vanlerenberghe le rappelle – que la loi de 2010 prévoyait que « les conditions de mise en place d’un régime universel par points ou en comptes notionnels » feraient l’objet d’une réflexion nationale, très courageusement fixée au premier semestre de 2013…

M. Gérard Longuet. Après les législatives, c’est normal !

M. Claude Domeizel. C’était une manière de botter en touche, pour ne pas dire d’envoyer le ballon dans les tribunes !

Le système en comptes notionnels est astucieux et sympathique, mais sa mise en place ne serait pas exempte de difficultés.

M. Claude Domeizel. Chacun sait dans cet hémicycle comment fonctionne le système suédois : c’est un système par capitalisation fictive, dans lequel le salarié accumule un capital tout au long de sa carrière, qui est placé sur un compte. Tous les ans, une enveloppe orange lui est envoyée, contenant un relevé de sa situation. Lorsque le moment de partir à la retraite est venu, le capital est redistribué annuellement au retraité, en tenant compte de son âge de départ à la retraite et de son espérance de vie.

Si j’ai parlé de capitalisation fictive, c’est parce que l’argent n’a pas été mis dans une boîte, il n’a pas été placé ; c’est la constitution des droits qui permet de payer les pensions de retraite de l’instant. C’est là que le problème apparaît : finalement, le système par capitalisation fictive devient un régime par répartition. Il rencontre donc les mêmes difficultés que le nôtre !

M. Claude Domeizel. En cas de déséquilibre entre les retraites versées et les rentrées générées par la capitalisation fictive, deux solutions sont possibles : l’augmentation des cotisations ou la baisse des pensions.

M. Claude Domeizel. Or, en augmentant les cotisations, on constitue de nouveaux droits, dont il faudra s’acquitter trente ou quarante ans après ! Par conséquent, la seule solution est de diminuer les pensions. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait les Suédois.

Le système est peut-être plus lisible, mais il pose les mêmes problèmes que notre système par répartition.

J’en viens aux amendements eux-mêmes.

Nous sommes tout à fait opposés à l’amendement n° 358, qui fixe une date précise pour la mise en œuvre de la réforme systémique : le premier semestre de 2017. Nous n’avons pas le temps de mettre en place un tel système !

L’amendement n° 381 rectifié apparaît un peu plus souple, puisqu’il donne trois ans au Gouvernement pour présenter au Parlement les conditions d’une mise en place d’un régime universel. Mais, je le signale, cette « mise en place » s’apparente à un engagement à tenir ! À quoi sert-il de présenter au Parlement un rapport sur les conditions d’une mise en place d’un régime universel par points ou en comptes notionnels puisque cette possibilité a déjà été examinée par le Conseil d’orientation des retraites ?

M. Gilbert Barbier. C’est pour éviter l’article 40 !

M. Claude Domeizel. Peut-être, mon cher collègue, mais, pour nous, ce n’est pas recevable. C’est pourquoi nous voterons contre les amendements nos 358 et 381 rectifié.

Je termine en disant que, contrairement à ce qui a été dit, le passage d’un système à l’autre ne serait pas sans poser de problèmes : la superposition des deux systèmes entraînera, à tous les coups, des difficultés de trésorerie, qu’il sera difficile de surmonter.

M. Roland Courteau. Absolument !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Finalement, l’amendement n° 358 présente un double avantage : d’une part, il nous offre l’occasion de confronter nos points de vue, trahissant deux conceptions différentes, sur les moyens d’assurer la pérennité du système de retraites dans notre pays ; d’autre part, il définit clairement le système que les membres du groupe UDI-UC souhaitent mettre en œuvre et que, au fond, le projet de loi tend progressivement à appliquer.

Très logiquement, il est proposé de fixer un calendrier pour la mise en œuvre d’une réforme systémique, et non seulement paramétrique, du système de retraites, visant à aboutir, in fine, à un régime de retraite par points ou en comptes notionnels. Il faut le dire, une telle réforme constituerait un basculement complet de régime et tournerait le dos aux acquis du Conseil national de la Résistance.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. De mon point de vue, c’est une attaque contre la solidarité intergénérationnelle, laquelle fait la spécificité de notre régime actuel, au profit d’une logique reposant plus que jamais sur l’individu.

Je ne partage pas l’avis exprimé par Mme la ministre sur l’égalité entre le système par répartition et le régime en comptes notionnels. Dans ce dernier, en effet, la retraite y est constituée à la carte, et les jeunes générations ne peuvent compter que sur elles-mêmes pour bénéficier de droits propres, qui sont, par ailleurs, soumis aux aléas de la vie et de la bourse.

Si chacun acquiert un capital virtuel de droits à retraite qui reflète les cotisations versées, ce capital varie directement en fonction de nombreux critères : l’espérance de vie de la génération de l’assuré, son âge au moment du départ à la retraite, l’évolution de la croissance du PIB, ainsi que les évolutions des supports sur lesquels ces comptes sont adossés. Ces comptes intègrent donc des mécanismes automatiques de retour à l’équilibre. Je voudrais dire à notre collègue Larcher que je n’y vois là aucune source de durabilité, de soutenabilité ou encore de lisibilité !

En somme, si l’évolution de l’assiette des cotisations est inférieure au taux d’actualisation retenu, le rendement du régime devient alors supérieur au taux qui rend soutenable financièrement le régime, ce qui conduit mécaniquement à une réduction des pensions. La seule variable d’ajustement admise, c’est donc le montant des retraites. D’ailleurs, Gérard Larcher l’a souligné, c’est ce qui s’est passé en Suède !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Caffet. À écouter certains, il y aurait le monde paradisiaque de la réforme systémique et le monde infernal de la réforme paramétrique. À y regarder de plus près, je ne suis pas sûr que les différences soient aussi prononcées et que l’enfer du régime par annuités s’oppose si franchement au paradis du régime par points ou en comptes notionnels.

Dans cette réforme, pour les régimes par annuités, c’est-à-dire les régimes de base, les déficits sont comblés à court terme par une augmentation des cotisations et par un report de la date d’indexation des pensions d’avril à octobre. Je passe sur la disposition fiscalisant les 10 % de majoration de montant de pension pour trois enfants et plus. À long terme, ils sont comblés par une réforme structurelle portant sur la durée de cotisation.

Dans le monde paradisiaque des régimes par points, on constate aussi un déficit. Comment est rééquilibré le régime ? Voyez l’accord de mars 2013 entre l’AGIRC et l’ARRCO : par l’augmentation des cotisations, donc la hausse de la valeur d’achat du point, et la désindexation des retraites puisque le taux de revalorisation pour 2013 est de 0,5 % pour l’ARRCO et de 0,8 % pour l’AGIRC, soit moins que l’inflation. Expliquez-moi la différence !

Je ne vois donc pas comment il pourrait y avoir d’un côté un monde infernal et de l’autre un monde paradisiaque, alors que les mesures qui ont été prises pour rééquilibrer les régimes sont rigoureusement les mêmes. En réalité, ces trois types de régimes – par annuités, par points et en comptes notionnels – sont des systèmes par répartition.

M. Jean-Pierre Caffet. Ce sont les cotisants qui payent les pensions des retraités. Pourquoi un régime serait-il plus robuste qu’un autre, sachant qu’ils fonctionnent tous sur la répartition ?

M. Gérard Longuet. Parce que le signal d’alarme est plus rapide !

M. Jean-Pierre Caffet. M. Larcher a évoqué trois critères : la visibilité, la soutenabilité et la durabilité.

Un régime par points est peut-être plus lisible pour le futur retraité qu’un régime par annuités, et encore ça se discute ! Quand on se réfère aux brochures d’information, on note que le taux de cotisation s’applique à un salaire de référence, qui est en fait la valeur d’achat du point. Mais vous n’obtenez pas le nombre de points en divisant la cotisation par la valeur d’achat du point. Il faut aussi tenir compte du taux d’appel, qui, à l’heure actuelle, est supérieur à 100 % ; il est de l’ordre de 125 %. Est-ce plus simple pour le salarié que de prévoir un prélèvement de 8 % sur le salaire brut ? Je n’en suis pas certain, mais admettons...

Pour la soutenabilité et la durabilité, il n’est incontestablement pas meilleur. Aucun régime par répartition n’est, par nature, plus capable qu’un autre de résister à un choc démographique ou à choc de croissance.

M. Jean Desessard. C’est évident !

M. Jean-Pierre Caffet. Cela étant, le compte notionnel est différent du régime par points, car, par construction, il se veut équilibré chaque année.

Je ne reviens pas sur ce qui a été dit au sujet de la Suède, mais on constate bien que, dès lors qu’il y a eu un choc de croissance et un ralentissement du produit des cotisations, il a fallu diminuer les pensions. L’accord ARRCO-AGIRC avec les partenaires sociaux est rigoureusement de même nature.

Je le répète, le régime par points est peut-être un peu plus visible – même si j’ai de forts doutes sur cette question –, mais le paradis systémique que l’on veut opposer à l’enfer paramétrique du régime d’annuités est très probablement une chimère et une construction de l’esprit.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 358.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UDI-UC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 32 :

Nombre de votants 348
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l’adoption 171
Contre 160

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

En conséquence, les amendements nos 381 rectifié, 34, 29, 249, 393, 38, 37 et 30 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 22, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – Afin de parvenir à la réalisation de l'objectif mentionné au sixième alinéa de cet article, notamment en matière d'égalité de pensions entre les femmes et les hommes, l’article L. 3123-14-2 du code du travail est abrogé.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Comme nous l’avons déjà dit dans la défense de nos précédents amendements, le cinquième alinéa du premier article de ce projet de loi prévoit que les assurés doivent pouvoir bénéficier d’un traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leur sexe, leurs activités professionnelles, etc. Cette ambition, qui pourrait paraître naturelle, pour ne pas dire minimale, montre toutefois combien ce traitement équitable est loin d’être respecté. Notons d’ailleurs qu’elle figurait déjà dans le projet de loi de 2010, et que nous sommes toujours loin d’atteindre l’égalité.

Si nous partageons l’objectif d’égalité mentionné dans cet article 1er, nous émettons des doutes sur sa possible réalisation, notamment au regard de l’article L. 3132-14-2 du code du travail, créé par la loi relative à la sécurisation de l’emploi. J’irai même plus loin en disant que cet objectif et l’article figurant dans l’accord national interprofessionnel, l’ANI, sont incompatibles, voire contradictoires. En effet, comment atteindre l’égalité si, parallèlement, on admet de déroger à la durée de travail hebdomadaire à temps partiel de vingt-quatre heures pour permettre de cumuler plusieurs temps partiels ? Car nous le savons tous ici, je citerai pour mémoire des extraits de l’intervention de notre collègue Claire-Lise Campion lors de la présentation de sa proposition de loi, « la précarité, grandissante en période de crise, touche majoritairement les femmes, qui occupent 60 % des contrats à durée déterminée et voient se multiplier les contrats de moins de quinze heures de travail par semaine. Le phénomène des “travailleurs pauvres” touche fréquemment les femmes, plus particulièrement celles qui élèvent seules leurs enfants. »

Ce n’est donc pas une lubie ou une posture du groupe CRC : les femmes sont bien les premières victimes de la crise que nous traversons. J’invite mes collègues, notamment sur les travées de droite, à écouter plus attentivement ce type d’intervention, car lorsqu’ils prennent la parole ils semblent ne pas connaître la situation des femmes…

C’est pourquoi nous avions dénoncé la précarité généralisée par l’ANI avec l’institutionnalisation des temps partiels comme mode d’organisation du travail, ce qui ne peut manquer d’avoir des conséquences sur les futures retraites. D’où notre insistance aujourd’hui à rappeler que cette disposition aggravera les inégalités entre les femmes et les hommes et que, si elle est maintenue, l’ambition figurant dans le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites ne pourra être malheureusement qualifiée que d’affichage ou de vaine promesse.

De même, il est logique, arithmétiquement parlant, que des salaires inégaux entre hommes et femmes engendrent des pensions inégales entre les deux catégories. Je ne redonnerai pas les chiffres qui ont été abondamment évoqués, mais il faut que nous en tirions tous les enseignements.

Je citerai Christiane Marty : « Le système de retraites a été conçu il y a soixante-dix ans sur le modèle de l’homme soutien de famille, travaillant à temps plein, sans interruption de carrière : le calcul de la pension a été basé sur une “norme” de carrière entière. Ce modèle n’est donc pas adapté à la carrière des femmes, ni plus généralement à l’évolution actuelle qui voit se multiplier les périodes d’interruption du fait du chômage et de la précarité croissante de l’emploi. »

Il faut tirer les enseignements de cette constatation. C’est tout le sens de notre amendement.