M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.

Mme Éliane Assassi. On pourrait croire a priori que cet article 4 n’a pas d’incidences financières très importantes et que son adoption serait moins grave que celle de l’article 2, dont l’objet est d’allonger la durée de cotisations et de réduire durablement les pensions.

Il n’en demeure pas moins que l’article 4 est sans doute l’un des plus emblématiques du présent texte.

En effet, à l’affut de toutes les économies et refusant toujours de mettre le capital réellement à contribution, vous avez choisi de « faire les fonds de tiroirs » – pardonnez-moi l’expression –, pour ne pas dire « les fonds de poches », de nos concitoyens.

Quel est, au juste, l’objet de cet article 4 ? Il s’agit de repousser de six mois, du 1er avril au 1er octobre, la revalorisation des pensions. Ce faisant, l’ensemble des dépenses contraintes vont augmenter, celles qui sont liées à la fourniture de gaz et d’électricité, les dépenses de transport, d’alimentation, les mutuelles, les assurances logement et les loyers.

Vous gelez temporairement les pensions. Ainsi, pendant six mois, vous ferez supporter aux retraités une diminution de leur pouvoir d’achat. Ce signal est vraiment dramatique ! Il tend à faire croire que les retraités seraient, en quelque sorte, des nantis qui pourraient pour se voir imposer une telle mesure.

Or les retraités ont subi l’année dernière, pour la première fois, une taxe sur leur retraite destinée à financer la sécurité sociale, et certains d’entre eux devront également faire face, là encore pour la première fois, à l’imposition sur le revenu ainsi qu’à la suppression des droits connexes liés à leur statut fiscal passé.

Le cumul de cette politique fiscale et de cette mesure conduit inévitablement à désespérer nos concitoyennes et nos concitoyens et à les éloigner durablement de l’espoir qu’avait suscité la victoire de la gauche à la dernière élection présidentielle.

Madame la ministre, s’il n’y a pas aujourd’hui des millions de manifestants dans la rue pour se mobiliser contre votre réforme, rien ne serait plus faux que de penser qu’ils sont d’accord avec votre proposition. La situation est plus grave que vous ne pouvez le penser ! Aujourd’hui, dans notre pays, la colère et l’angoisse l’emportent, qui peuvent conduire là où, vous comme moi, nous espérons ne jamais aller.

Au-delà, c’est bien la capacité des retraités à épargner, à soutenir leurs enfants et petits-enfants afin qu’ils puissent bien se nourrir et se soigner correctement, qui est réduite. Les experts ont évalué à 0,9 % la baisse du pouvoir d’achat qu’engendrera cette mesure, laquelle, vous ne pouvez l’ignorer, va s’inscrire dans le temps. En effet, demain, les pensions, si elles restent évaluées sur la seule base du taux d’inflation, seront réévaluées à partir d’une pension minorée dont la revalorisation n’a été que partielle.

En définitive, cette mesure d’apparence technique s’apparentera à un véritable boulet financier à la charge des retraités.

Il suffit pour s’en convaincre de prendre connaissance de l’étude d’impact jointe au projet de loi. Si cette mesure génère 800 millions d’euros d’économie cette année, elle rapportera en 2014 la somme non symbolique de 2,4 milliards d’euros. C’est donc très légitimement que les retraités sont inquiets pour l’avenir.

Il n’en demeure pas moins que nous espérions du premier gouvernement de gauche depuis dix ans qu’il prenne des mesures tout autres, plus conformes à votre engagement de campagne de relever la France dans la justice.

Avec cette mesure, le pouvoir d’achat des retraités sera en berne, rendant encore un peu plus difficile le redressement économique de notre pays. Quant à la justice, dans cet article, où est-elle ?

Tout naturellement, nous voterons donc contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, sur l’article.

M. Georges Labazée. Je souhaite attirer l’attention de l’hémicycle sur la situation de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, ou CNRACL, régime de retraite regroupant les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, géré par la Caisse des dépôts et consignations.

La CNRACL contribue depuis 1974 à la solidarité entre régimes par le biais de la compensation généralisée et a été soumise, entre 1986 et 2012, à la compensation entre régimes spéciaux, aussi appelée « surcompensation ».

Mon collègue Domeizel a évoqué la situation de la CNRACL lors de son intervention dans la discussion générale, lundi dernier. Qui est mieux placé que lui pour alerter sur ce sujet ?

M. Alain Néri. Personne !

M. Georges Labazée. C’est pourquoi j’entends le soutenir et vous redire, madame la ministre, que le système de la compensation généralisée est à bout de souffle.

Depuis 1974, ont ainsi été reversés par la Caisse pour financer les régimes en difficulté 65 milliards d’euros, dont 25 milliards ces dix dernières années, En 2012, la CNRACL a encore été ponctionnée de 1,2 milliard d’euros.

Cette situation était financièrement supportable tant que la Caisse pouvait puiser dons son excédent structurel, aujourd’hui éteint.

Pourquoi la situation du régime s’est-elle autant dégradée ? On a assisté en effet depuis plusieurs années à une dégradation financière continue, liée, d’une part, au blocage de la valeur du point d’indice de la fonction publique depuis plusieurs années et, d’autre part, à la diminution des effectifs des fonctions publiques hospitalière et territoriale.

Il faudra également résoudre le problème du manque de trésorerie. Pour honorer le versement des pensions, la Caisse doit depuis deux ans emprunter tous les mois, et ce parce que, malgré la fonte de ses excédents, elle contribue toujours à la solidarité entre les régimes de retraite. Bien évidemment, ce nécessaire recours à l’emprunt, pour combler le défaut de trésorerie, n’est pas gratuit. Les frais financiers engendrés s’élèvent à plusieurs millions d’euros par an.

Madame la ministre, des solutions budgétaires existent pour remédier à cette situation.

Premièrement, le versement des pensions deux jours plus tard et l’appel des cotisations cinq jours plus tôt, ce qui permettrait d’éviter le défaut de trésorerie pendant sept jours qui implique le recours à l’emprunt.

Deuxièmement, pourquoi ne pas également intégrer les contractuels, CDD et CDI, au régime, afin d’augmenter le nombre de cotisants ?

Vous aurez compris ma démarche, madame la ministre, il s’agit véritablement d’un appel au réexamen du dispositif de solidarité entre caisses de retraite, qui doit être un levier essentiel des réformes en cours et à venir.

La tâche n’est pas facile. Il ne s’agit pas de jouer des oppositions catégorielles, qui nourrissent les individualismes sans rechercher la convergence.

Il s’agit de mettre sur la table tous les aspects de la compensation généralisée : taux et assiette des cotisations, prise en compte des revenus réels, dangerosité, stress, pénibilité physique et psychique de certains métiers.

Pour ces raisons, je me suis permis d’intervenir sur l’article 4, qui crée un dispositif de pilotage annuel du système de retraites. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.

Mme Laurence Cohen. Élus de terrain, nous tenons des permanences, nous rencontrons les populations sur les marchés…

M. Alain Gournac. Nous aussi !

Mme Laurence Cohen. Ne vous sentez pas visés, c’est très bien si vous le faites aussi ! Il ne faut pas être toujours coupable dans la vie, même si vous avez beaucoup de raisons de l’être !

De plus, certaines de nos mairies gèrent des centres communaux d’action sociale. Aussi, nous savons, sans doute mieux que d’autres,…

Mme Laurence Cohen. … que les retraités, sous les effets des mauvais coups fiscaux portés par la droite – c’est pour cette raison que vous êtes coupables – sont de plus en plus nombreux à boucler difficilement leurs fins de mois.

Loin des images régulièrement véhiculées, la retraite est de plus en plus souvent associée à la notion de précarité.

Les chiffres sont malheureusement éloquents. Une étude menée en 2011, auprès de quarante délégations de la Croix-Rouge française, montre que les retraités représentent environ 15 % des personnes venant solliciter une aide alimentaire ou un soutien financier pour régler leur loyer, ou leur facture d’électricité et de gaz. « Un pourcentage qui, en deux ans, a plus que triplé », souligne Didier Piard,…

Mme Laurence Cohen. … le directeur de l’action sociale à la Croix-Rouge.

Plus récemment, le Secours populaire, dans son rapport annuel de 2012, met en avant que, désormais, 10 % des personnes qu’il accompagne socialement sont des retraités.

C’est notamment le résultat de la précarité grandissante, qui s’est traduite de plus en plus souvent par la multiplication des CDD et des temps partiels, ainsi que par des fins de carrières heurtées, comptant des périodes de chômage indemnisées ou non. Indiscutablement, les jeunes retraités d’aujourd’hui payent le prix de l’absence d’une véritable politique de l’emploi et de l’industrie, qui a pris la forme d’une inaction des pouvoirs publics face notamment aux licenciements spéculatifs.

De plus, les revalorisations des retraites menées depuis près d’une décennie n’ont été que partielles. Rien qu’en 2010, alors que l’INSEE estimait que l’inflation moyenne servant de référence au calcul du taux de revalorisation des pensions avait atteint 1,5 %, la revalorisation des pensions pour sa part n’a pas dépassé 0,9 %. Cette différence de 0,6 % s’est traduite, mécaniquement, par une perte notable de pouvoir d’achat, d’autant plus notable que cette sous-revalorisation n’a pas constitué un phénomène isolé.

Au final, ces évolutions, auxquelles participe l’article 4, conduisent à réduire le pouvoir d’achat des retraités, alors même que des solutions plus justes socialement et plus efficaces sont possibles.

Si cet article devait être maintenu au Sénat, comme à l’Assemblée nationale, l’application combinée des mesures prises par ce gouvernement comme par le précédent ferait subir aux retraités un gel des pensions pendant dix-huit mois. Durant cette période, les retraités vivront dans l’angoisse, et se priveront de beaucoup de choses, dont l’essentiel. Les femmes, une fois de plus, seront en première ligne, puisqu’une retraitée sur trois vit sous le seuil de pauvreté.

Voilà ce que vous proposez pour les retraités de notre pays, lesquels ont pourtant, par leur travail, contribué à développer l’économie de notre pays et à créer des richesses.

Ce que vous proposez n’est pas acceptable et le groupe CRC, vivement opposé à cette mesure, souhaite qu’il soit procédé sur l’article 4 à un vote par scrutin public, de telle sorte que chacune et chacun soit, devant nos concitoyens, responsable de ses votes.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l’article.

Mme Isabelle Pasquet. Le report de la revalorisation des pensions du 1er avril au 1er octobre traduit une nouvelle fois la volonté du Gouvernement d’inscrire cette réforme des retraites dans un cadre empreint de la même austérité que celle avec laquelle il rédige le budget de la sécurité sociale et celui de l’État.

Sous la pression des technocrates et des libéraux qui dirigent la Commission européenne, le Gouvernement a pris des engagements importants en matière de réduction des déficits publics.

En permettant cette année la réalisation de 800 millions d’économie et de plus de 2,5 milliards en 2014, sur le compte des retraités, vous avez, madame la ministre, indiscutablement trouvé un outil efficace pour réduire la dette sociale. Je devrais plutôt dire « retrouvé », puisqu’une mesure identique a déjà été prise dans le passé, par le gouvernement de M. Fillon, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Ce choix ne manquera pas de réjouir M. Barroso, même si, de notre côté, nous nous inquiétons plutôt des effets de cette mesure sur les retraités.

Je note également que, en plus de convenir au dogme européen de la réduction des déficits sociaux et publics, il est conforme à ses exigences en matière de compétitivité, car ces économies sont réalisées par le biais d’une ponction sur les retraités, alors que ni les revenus financiers ni les entreprises ne sont soumis à contribution. D’ailleurs, d’une certaine manière, l’article 4 s’apparente à un impôt temporaire, prélevé à la source, ce qui nous éloigne encore un peu plus de la promesse du Président de la République d’une pause fiscale.

Que pour financer les régimes de retraites, il faille trouver des solutions permettant de dégager des ressources est une chose que nous pouvons entendre. Les dix ans de droite au pouvoir ont en effet conduit à un appauvrissement considérable de notre système de protection sociale.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Isabelle Pasquet. Mais que, pour ce faire, vous vous placiez dans la continuité des mesures adoptées en 2010, nous ne pouvons ni l’entendre ni l’admettre, tout simplement parce que les femmes et les hommes qui ont contribué à la victoire de la gauche au second tour n’ont pas voté pour que vous soumettiez les retraités à l’impôt, et que vous réduisiez, même temporairement, leur pouvoir d’achat.

Selon Henri Sterdyniak, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, ou OFCE, cette mesure, aux apparences techniques, n’est ni plus ni moins qu’une perte de pouvoir d’achat : « En 2014, par exemple, avec une inflation à 1,2 %, les retraités vont donc passer six mois supplémentaires sans bénéficier de la revalorisation qu’ils auraient eue sans la réforme. C’est 0,6 % de perte de leur pouvoir d’achat. »

La situation sera d’autant plus grave que l’inflation sera grande. Un grand quotidien, Libération, a fait le calcul : en cas d’inflation égale à 2 %, « un retraité avec une pension de 1 200 euros par mois touchera ainsi 144 euros de moins que ce qu’il aurait gagné sans la réforme ». Cette perte se cumulera chaque année, puisque les retraités verront toujours leurs retraites revalorisées avec six mois de retard.

En outre, il nous faut souligner que l’adoption de cette mesure d’austérité, comme bien d’autres d’ailleurs, aura pour effet de réduire considérablement la consommation et, par conséquent, de plomber littéralement notre économie.

La primauté que vous avez donnée à la réduction de la dette publique et sociale se fait au détriment de la consommation, nous privant de fait d’une relance économique durable.

À cet instant, je me souviens qu’en 2009, alors que le Sénat examinait l’article 79 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, notre collègue Raymonde Le Texier, intervenant au nom du groupe socialiste, avec sa collègue Patricia Schillinger, soutenait cette argumentation et proposait même une indexation semestrielle, afin que ce mécanisme, indispensable pour les petits retraités, corresponde le plus exactement possible aux conséquences de l’inflation.

L’article 4 est à mille lieues de cette proposition et des attentes des retraités, raisons pour lesquelles nous voterons contre cette mesure.

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.

L'amendement n° 260 est présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 327 rectifié est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 359 est présenté par M. Vanlerenberghe, Mme Dini, MM. Roche et Amoudry, Mme Jouanno, M. Marseille et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L'amendement n° 376 rectifié est présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 397 est présenté par M. Barbier.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Gérard Longuet, pour présenter l’amendement n° 260.

M. Gérard Longuet. L’amendement n° 260 présenté par le groupe de l’UMP ne sera pas pour vous, madame le ministre, une surprise. Nous ne pouvons pas accepter l’idée que la réforme des retraites – ou plus exactement l’absence de réforme des retraites que nous dénonçons depuis lundi dernier – se traduise par un effort demandé principalement aux seuls retraités.

Nous avons apporté la démonstration que le rétablissement, trop partiel, des comptes pour 2020 pèse à près de 70 % sur les retraités. Parmi les dispositions pesant sur les retraités, deux sont essentielles.

La première mesure concerne les retraités ayant eu la chance d’avoir trois enfants ou plus, qui les ont éduqués, et qui ont ainsi contribué à l’équilibre des régimes par répartition, tant il est vrai que ce type de régime ne fonctionne que s’il y a de nouvelles générations riches et abondantes.

La seconde mesure, c’est celle que nous examinons en cet instant, dont la mesquinerie est flagrante. Décaler la revalorisation d’avril à octobre, c’est tout à fait le type de dispositions proposées par des services à court d’imagination,…

M. Gérard Longuet. … pour un ministre qui refuse d’attaquer l’essentiel du chantier.

Qui va payer cette réforme ?

M. Gérard Longuet. Des retraités qui, pour l’essentiel – nous pourrions l’établir statistiquement tout au long du débat – ont mené leur vie professionnelle dans des conditions profondément différentes de celles que les salariés connaissent aujourd’hui. Pour une bonne part, sans doute pour la majorité d’entre eux, ils ont travaillé au-delà des soixante ans et, souvent, au-delà des soixante-deux ans, qui constituent la nouvelle borne. Par ailleurs, ils ont connu la durée de travail des Trente Glorieuses, qui dépassait largement les quarante heures.

C’est à ces salariés, qui se sont montrés actifs à la fois par leur engagement professionnel et par leur engagement familial – à cette époque, la démographie française était largement positive – que le Gouvernement demande aujourd’hui, par une subtilité de trésorerie, de contribuer d’une manière importante à la réduction des déficits à l’horizon de 2020. En effet, selon le rapport de Mme Demontès, cette seule mesure représenterait 2,6 milliards sur les 7,6 milliards d’euros que vous mobilisez pour cette échéance.

Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article, par solidarité avec les retraités qui ont été les acteurs du redressement et du renouveau de l’économie française durant les Trente Glorieuses ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 327 rectifié.

M. Jean Desessard. Mes chers collègues, par un étonnant hasard, je m’exprimerai aujourd’hui, pour la première fois, à l’aide d’un micro situé à la droite de la présidence de séance ! (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

M. Michel Bécot. Bienvenue !

M. Jean Desessard. Pour autant, sachez que l’amendement que je vais présenter est de gauche ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Et même plus que de gauche !

Mme Muguette Dini. D’extrême gauche !

Mme Éliane Assassi. Cet amendement n’est pas d’extrême gauche !

Mme Muguette Dini. Mais M. Desessard, lui, l’est ! (Sourires.)

M. Gérard Longuet. Les formules de gauche sont souvent maladroites…

M. Jean Desessard. En tout cas, cet amendement est assez proche des positions que les membres du groupe CRC ont défendues en prenant la parole sur cet article, qu’il tend à supprimer.

Le 1er avril de chaque année, les pensions sont revalorisées en fonction de l’inflation, afin que le pouvoir d’achat des retraités ne s’érode pas du simple fait de l’augmentation tendancielle des prix.

Cet article reporte ladite revalorisation de six mois, en la fixant désormais au 1er octobre de chaque année. On en attend une économie de 800 millions d’euros dès 2014 et de 1,9 milliard d’euros en 2020.

Cette mesure est profondément injuste.

MM. Pierre Martin et Alain Gournac. Oui !

M. Jean Desessard. Elle est fondée sur un raisonnement froidement comptable.

M. Alain Gournac. Effectivement !

M. Jean Desessard. Les chasseurs d’économies préfèrent toujours manger dans des assiettes larges, et le véritable malheur des pauvres est précisément d’être nombreux !

Ne nous méprenons pas. Cette mesure exclut certes les bénéficiaires de l’ASPA, l’allocation de solidarité aux personnes âgées, mais, parmi les 1 600 000 retraités vivant sous le seuil de pauvreté, seuls 600 000 bénéficient de cette allocation. Avec cette disposition, les 1 000 000 personnes restantes qui se situent sous le seuil de pauvreté seront donc frappées dans les mêmes proportions que les retraités percevant plusieurs milliers d’euros par mois, et alors même que les entreprises ne sont pas concernées par cette réforme. Ce n’est pas acceptable !

MM. Pierre Martin et Alain Gournac. Non, ça ne l’est pas !

M. Jean Desessard. Nous l’avons déjà dit à propos de l’article 2 : l’allongement de la durée de cotisation est un moyen détourné de réduire le montant des pensions. En effet, avec l’entrée de plus en plus tardive dans la vie active, le chômage croissant parmi les plus de cinquante ans, les carrières à trous de plus en plus nombreuses, réunir les annuités nécessaires pour liquider une pension à taux plein est en passe de devenir une gageure.

De surcroît, est-il légitime de retirer ainsi une centaine d’euros par an à des retraités qui, après une vie de labeur, perçoivent une pension mensuelle de 1 000 euros ? Parallèlement, après les 20 milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, on trouve encore les moyens de ne pas faire contribuer les entreprises à cette réforme, dans la mesure où les hausses de cotisations sont, pour elles, intégralement compensées !

Parce que cette disposition est politiquement injustifiable et socialement injuste, les écologistes appellent à sa suppression. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe CRC.)

M. François Trucy. C’était bien un amendement de droite !

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l'amendement n° 359.

M. Gérard Roche. À la suite de M. Desessard, qui a parlé avec des accents de ténor, je joins la voix du centre à cette symphonie du refus ! (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Cet amendement tend à supprimer l’article 4, qui reporte du 1er avril au 1er octobre la date de revalorisation des retraites en fonction de l’inflation. Il s’agit là d’une désindexation partielle des pensions qui n’ose pas dire son nom ! Cette absence de clarté vis-à-vis des assurés et de nos concitoyens n’est pas acceptable. Si l’on veut mettre en œuvre une réforme pesant principalement sur le niveau des pensions, il faut le dire. Or ce n’est pas du tout ce que fait le Gouvernement. Ce dernier affirme que l’effort est équitablement réparti entre actifs, employeurs et retraités.

Rien n’est plus inexact. En réalité, cette réforme pèsera pour l’essentiel sur les retraités. Dès que l’on tient compte des mesures déjà prises par les régimes complémentaires et de la future compensation des charges imposées aux entreprises, on constate que, d’ici à 2020, celles-ci ne contribueront qu’à hauteur de 10 % des efforts. Les salariés participeront quant à eux pour 30 % et les retraités pour 60 %.

L’article 4 est emblématique non seulement de l’inégale répartition de la charge mais aussi de l’absence de transparence qui l’accompagne. Sa suppression est donc une question de principe.

Bien sûr, on allègue que la contribution sera faible sur les petites retraites, qu’elle représentera, l’année prochaine, 9 euros par mois pendant six mois pour une retraite mensuelle de 1 000 euros. Mais lorsqu’on manque d’argent, 9 euros, cela compte ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 376 rectifié.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement va dans le même sens que les précédents. L’article 4 reporte de six mois, du 1er avril au 1er octobre, la revalorisation annuelle des pensions à compter de 2014. Avec cette mesure, les retraités devront patienter dix-huit mois consécutifs sans augmentation. C’est beaucoup, d’autant qu’il s’agit du second report en cinq ans et que cette mesure n’est pas temporaire.

Madame la ministre, vous avez déclaré que les petites retraites seraient préservées. Toutefois, ce sont bien elles que vous mettez à contribution ! Comme les précédents orateurs l’ont relevé, les bénéficiaires de l’ASPA ne seront pas concernés, mais ceux qui sont juste au-dessus du minimum vieillesse seront touchés de plein fouet ; or ils éprouvent des difficultés pour payer leur loyer, pour se soigner, ou tout simplement pour manger. La précarité des retraités est une réalité que nous ne pouvons ignorer.

Parce que ce gel des pensions va pénaliser les retraités les plus modestes, nous proposons de supprimer le présent article. (MM. Jean-Claude Requier et Jean Desessard applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 397.

M. Gilbert Barbier. Cet amendement vise, lui aussi, à supprimer l’article 4.

M. Alain Gournac. Oh là là !

M. Gilbert Barbier. Les précédents orateurs ont clairement détaillé les problèmes qu’une telle mesure entraînerait, notamment pour les retraités les plus modestes. En dépit des dispositions visant à préserver certains d’entre eux, ce sont bien eux qui seront touchés !

Il faut, bien entendu, élaborer des solutions de remplacement. À ce titre, je rappelle qu’en 2010 M. Vasselle, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales, proposait pour sa part d’augmenter la CSG. L’assiette de ce prélèvement, beaucoup plus large, permettrait de récolter l’argent nécessaire et éviterait ainsi de mettre en œuvre une mesure aussi extrême que le report de la revalorisation des retraites du 1er avril au 1er octobre.

D’autres solutions peuvent être mentionnées, comme celles que nos collègues du groupe CRC ont proposées. Toutefois, la CSG est, en la matière, l’instrument le plus approprié ! Je regrette que le Gouvernement refuse de l’entendre. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je ne surprendrai personne en annonçant que la commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

Le retour des régimes de retraite à l’équilibre exige des efforts équitablement répartis entre les employeurs, les actifs et les retraités. Le rapport Moreau le souligne et chacun en convient : malgré de grandes disparités entre eux, les retraités ont bénéficié, depuis quarante ans, d’une amélioration de leur niveau de vie, qui est aujourd’hui – en moyenne, bien sûr – très proche de celui des actifs. Il est donc légitime qu’ils concourent à l’effort de redressement.

Au reste, comme plusieurs orateurs l’ont déjà souligné, la mesure proposée via l’article 4 ne concernera ni le minimum vieillesse, l’ASPA, ni les pensions d’invalidité.