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Communication relative à des commissions mixtes paritaires

M. le président. J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi et du projet de loi organique portant application de l’article 11 de la Constitution sont parvenues à l’adoption d’un texte commun.

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Article 4 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites
Articles additionnels après l'article 4

Avenir et justice du système de retraites

Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 4.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites
Article 4 bis (nouveau)

Articles additionnels après l'article 4

M. le président. L'amendement n° 134, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 245-16 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au I, le taux : « 4,5 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;

2° À l’avant-dernier alinéa du II, le taux : « 2,75 % » est remplacé par le taux : « 10,25 % ».

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Il nous est parfois reproché – trop souvent d’ailleurs ! – une attitude d’opposition systématique, que certains qualifient de « ringarde » ou d’arrière-garde. (Oh non ! et marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Desessard. Plutôt de jeune garde !

M. Michel Le Scouarnec. Il nous est souvent reproché de vouloir dépenser, dépenser encore et encore, sans tenir compte de l’état des comptes publics et de nos difficultés budgétaires.

Attendez la fin de mon intervention, mes chers collègues, et vous comprendrez que tout cela n’est pas vrai !

Comme mes collègues Laurence Cohen et Dominique Watrin l’ont démontré précédemment, nous avons aussi des propositions visant à augmenter les ressources de nos caisses, sans ponctionner les salariés et les retraités eux-mêmes. Nous avons bien compris que celles-ci ne sont pas toujours dans l’air du temps ou ne sont pas « tendance », comme le dit une certaine presse.

Pourtant, nous pensons qu’elles méritent sans doute que nous essayions de les mettre en œuvre. L’une d’entre elles, qui figure dans l’amendement que je défends en l’instant, consiste à relever de 4,5 % à 12 % et de 2,75 % à 10,25 % le taux du prélèvement sur les revenus de capitaux mobiliers et les plus-values, gains ou profits. Cela ne serait que justice.

Ainsi, nous contribuerions à réduire le fossé existant entre les plus riches et les millions de personnes pauvres ou modestes.

Depuis des années, hormis la brève parenthèse ouverte en août 2012 avec les décisions du collectif budgétaire, nous sommes revenus à la litanie de la compétitivité et de la baisse des charges, vieilles lunes du grand patronat, qui, de tout temps, a souhaité revenir sur les acquis sociaux, au nom d’une économie aujourd'hui mondialisée, dont la règle est la déréglementation généralisée.

M. Philippe Bas. C’est le programme du Front national ! (Huées sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Quand même, monsieur Bas !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Un peu de respect !

M. Michel Le Scouarnec. Laissez-moi terminer, monsieur Bas ! Je suis étonné que vous m’interrompiez, car je ne vous coupe jamais la parole !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai ! D’ailleurs, monsieur Bas, vous demandez toujours qu’on vous écoute ! Vous pourriez faire de même par courtoisie !

M. Michel Le Scouarnec. Je n’interviens jamais ! Je respecte tous les intervenants !

M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Michel Le Scouarnec. Pourtant, depuis des années, les « allégements de charges des entreprises », comme ils disent, n’ont pas entraîné une augmentation des salaires ni une création massive de postes de travail.

En revanche, la part du capital redistribué aux actionnaires n’a cessé d’augmenter. Je le dis malheureusement, une oreille attentive… Excusez-moi, je suis un peu perdu dans mon discours, car j’ai été perturbé ! C’est un coup bas ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et sur plusieurs travées de l'UMP. – M. Philippe Bas applaudit également.) La vieille recette du grand patronat, voulais-je dire, a malheureusement trouvé dans ce gouvernement une oreille attentive, que je résumerai en ces termes : « Ne touchez à rien, allégez, compensez. » Mais entendrez-vous, madame la ministre, les arguments avancés par ceux qui disent le contraire ?

Nous pensons, pour notre part, que notre économie et, plus largement, notre société souffrent du rapport inégal existant dans la répartition des fruits de la richesse produite entre le capital et le travail.

Monsieur le président, je vois les minutes s’égrener sur l’afficheur de chronomètre… Qu’on ne s’étonne pas si je dépasse mon temps de parole ! Vous en connaissez la raison ! (Rires.)

Il ne suffit pas de constater la fracture sociale ; il faut agir pour la réduire.

Notre amendement vise modestement à corriger la tendance que je viens de décrire. Acceptez, madame la ministre, cette ressource supplémentaire, et allégez d’autant les ponctions prévues sur les pensions des retraités.

En cette période où vous en appelez à la solidarité, une partie de nos compatriotes s’exonèrent de leurs obligations, alors que d’autres n’ont pas le choix. La solidarité est consubstantielle à l’esprit qui a prévalu à l’instauration de notre système de retraite par répartition. Le législateur d’alors n’avait pas prévu que, désormais, la richesse des entreprises et de celles et ceux qui touchent des dividendes serait de moins en moins liée à la richesse produite et de plus en plus à la spéculation. Si celle-ci est innée au régime capitaliste, rien ne nous empêche de tenter d’en limiter les effets les plus injustes.

Aussi, nous vous demandons, mes chers collègues, d’inverser cette néfaste tendance, en écornant un peu les produits des plus-values et des gains réalisés sur les marchés financiers.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Michel Le Scouarnec. J’en viens à ma conclusion, monsieur le président.

Outre le caractère de justice sociale évident, l’efficacité économique d’une telle mesure serait de nature à nous sortir des ornières dans lesquelles s’enfonce notre société, qui vit une situation de crise infernale, laquelle brise l’espoir de notre jeunesse et de notre peuple. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste et de l'UMP.)

M. Philippe Bas. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission a malheureusement émis un avis défavorable sur cet amendement (Exclamations et marques d’ironie sur les travées de l'UMP.),…

M. Alain Gournac. Ce n’est pas gentil ! (Sourires.)

Mme Christiane Demontès, rapporteur. … visant à faire passer de 15,5 % à 23 % les contributions sociales sur les revenus du patrimoine, c'est-à-dire les revenus fonciers et les revenus de capitaux mobiliers notamment, par un relèvement du taux du prélèvement social de 4,5 % à 12 %.

L’adoption de cet amendement aurait pour effet de porter de 64,5 % à 72 % le taux marginal maximal d’imposition des revenus du patrimoine, contre 57 % pour les revenus d’activité, ce qui pourrait être considéré par le juge constitutionnel, au vu d’une jurisprudence récente rendue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, comme faisant peser une charge excessive sur une catégorie de contribuables en méconnaissance du principe d’égalité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 262, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa du I de l’article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La période de référence de six mois mentionnée au premier alinéa augmente de deux ans pendant 12,5 ans à compter du 1er janvier 2014. »

La parole est à Mme Catherine Procaccia. (M. Jackie Pierre applaudit.)

Mme Catherine Procaccia. Cet amendement traite d’un sujet récurrent, à savoir la période de référence de six mois retenue pour le calcul des retraites des fonctionnaires.

Vous le savez, madame la ministre, cet état de fait est devenu l’un des marqueurs du sentiment d’injustice des systèmes de retraite.

Dans un souci de justice et d’équité, nous proposons de mettre fin aux différences de calcul des droits à pension entre les secteurs privé et public. On le sait, dans l’administration, la règle des six derniers mois permet en général de bénéficier d’augmentations qui sont de nature à revaloriser les salaires. Le groupe UMP est parfaitement conscient que se pose le problème du calcul des primes pour les fonctionnaires (M. Gérard Longuet opine.), qui peut éventuellement justifier cette situation.

Toutefois, il serait préférable de régler cette question des primes dans les retraites, plutôt que de continuer à laisser coexister deux systèmes totalement différents,…

Mme Marie-France Beaufils. Que ne l’avez-vous fait lorsque vous étiez au Gouvernement !

Mme Catherine Procaccia. … qui ne font que heurter les salariés du privé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. L’amendement n° 262 vise à porter progressivement aux vingt-cinq dernières années, au lieu des six derniers mois, la période de référence retenue pour le calcul des pensions dans la fonction publique. C’est une obsession de votre part ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est certain !

Un sénateur du groupe UMP. Ce n’est pas une obsession, c’est une réalité !

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Depuis que nous faisons partie de la majorité, vous n’avez cessé de le demander, alors que vous ne l’avez jamais fait ! (Mme Catherine Génisson applaudit.)

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Tout à fait !

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Je vous le rappelle, l’âge légal et la durée d’assurance sont déjà identiques dans la fonction publique et le privé, et les taux de cotisation le seront d’ici à 2020.

M. Philippe Bas. Grâce à nous !

Mme Christiane Demontès, rapporteur. La période de référence retenue pour le calcul de la pension reste différente mais, comme vous l’avez souligné, les primes et les indemnités ne sont pas prises en compte dans le calcul des retraites des fonctionnaires, alors que la totalité des rémunérations est prise en considération dans le privé, au titre de la retraite de base et de la retraite complémentaire.

La commission Moreau a montré, à l’instar d’autres commissions avant elle, que les taux de remplacement du revenu d’activité entre la fonction publique et les salariés du privé sont proches : concernant, par exemple, la génération née en 1942, le taux de remplacement médian est de 74,5 % dans le privé et de 75 % pour les fonctionnaires civils.

En conséquence, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, j’ai eu l’occasion d’aborder précédemment cette question lors de notre débat. Celle-ci est un sujet de crispation inutile. L’ensemble des études dont nous disposons montrent que les taux de remplacement sont très proches. Au fond, ce qui est important, c’est non pas la règle de calcul, mais la situation qui en résulte.

Or, avec des règles de calcul différentes, il s’avère que les taux de remplacement sont proches.

Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas ressenti comme tel !

M. Philippe Bas. Pas pour tous !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est ce qu’a récemment démontré la commission Moreau.

Voilà pourquoi le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Madame la ministre, votre réponse est tout de même bien superficielle.

Vous avez cité le rapport de Mme Moreau, dont la commission était d’ailleurs entièrement composée de hauts fonctionnaires compétents (M. Alain Gournac rit.), et non pas, à ma connaissance, de salariés du secteur privé. Aussi serait-il intéressant d’entrer dans le détail.

En effet, s’il n’y a pas de problème, disons-le très clairement et, ensemble, par un travail d’approfondissement, en jouant cartes sur table, faisons tomber ce qui serait, de votre point de vue, une vieille lune. D’ailleurs, l’idée qu’il s’agit d’une vieille lune me satisfait pleinement. Encore faut-il en avoir la preuve et la démonstration complète !

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Oui, nous l’avons !

M. Gérard Longuet. Au travers de cet amendement – nous en défendrons ultérieurement d’autres qui relèvent du même esprit –, nous revenons sur une idée simple : au moment où l’on réfléchit sur le long terme des retraites pour les régimes obligatoires de salariés qui dépendent d’un employeur, que cet employeur soit l’État ou une entreprise privée – une situation évidemment distincte des personnes qui sont leur propre employeur et qui assume un risque économique –, rapprochons les salariés qui ont un employeur et efforçons-nous d’établir ensemble la démonstration que les régimes sont identiques.

Or vous ne parvenez pas à être crus en dehors de vos troupes les plus fidèles. Pourquoi ? Parce que, comme l’a évoqué hier Philippe Bas au cours de la discussion, la situation des fonctionnaires est très variable selon l’importance relative des primes accordées par le ministère. C’est un facteur considérable.

Nous le savons tous, à Bercy, les primes sont importantes. D’ailleurs, ce n’est pas complètement anormal. En effet, les salaires de la fonction publique doivent évidemment tenir compte des salaires du secteur privé pour éviter une très grande évaporation des fonctionnaires. C’est particulièrement vrai pour les fonctionnaires du ministère des finances dans la mesure où un certain nombre d’entre eux, par les responsabilités économiques qu’ils assument, notamment dans les services fiscaux, peuvent être tentés ou séduits par le privé. En tout cas, ils sont courtisés par des employeurs privés, qui recherchent la compétence de ces hauts fonctionnaires. L’État employeur parvient à garder ses hauts fonctionnaires en leur versant des primes, puisque le statut général lui interdit de leur accorder des avantages structurels. Cependant, ces primes disparaissent de l’assiette du calcul des retraites, et seule la prise en compte des six derniers mois leur permet d’avoir une retraite à peu près convenable.

En définitive, il y a peut-être une égalité de traitement, comme vous le soutenez, madame la ministre, mais l’État employeur est contraint, du fait de ses propres défaillances, à rémunérer ses fonctionnaires d’une manière hasardeuse, incertaine et trop peu transparente ; il en résulte qu’au moment de la retraite nos compatriotes salariés du secteur privé éprouvent un sentiment d’inégalité par rapport aux agents du secteur public.

En fait d’explications, madame la ministre, s’autoriser de la commission Moreau me paraît parfaitement insuffisant !

Pour ce qui nous concerne, nous comptons bien poursuivre ce débat en présentant d’autres amendements ayant le même objet que celui-ci. Nous y sommes d’autant plus déterminés qu’une disposition du projet de loi, que nous examinerons ultérieurement, semble créer une nouvelle différence à l’avantage des fonctionnaires ; j’espère qu’il ne s’agit que d’une impression.

Madame la ministre, qu’avez-vous à perdre à jouer cartes sur table ?

En vérité, l’État employeur, en s’arrangeant avec le statut général de la fonction publique pour tenir compte des réalités, place ses fonctionnaires dans la situation d’être mis en accusation.

Mme Catherine Génisson. C’est vous qui les accusez !

M. Gérard Longuet. Cette accusation ne devrait pas exister, mais elle résulte des habiletés de l’État employeur pour contourner le statut général de la fonction publique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Je ne crois pas que la question soulevée par cette série d’amendements soit de nature technique ; de mon point de vue, il s’agit d’un problème de cohésion sociale.

Que le taux de remplacement soit toujours le même pour un fonctionnaire et pour un salarié du privé, je ne le crois pas. Supposons toutefois que Mme la ministre, en s’appuyant sur le rapport du Conseil d’orientation des retraites, réussisse à nous en convaincre : dans ce cas, quel inconvénient y aurait-il à faire la clarté entre les régimes ?

M. Antoine Lefèvre. Très juste !

M. Philippe Bas. Partant, on détruirait ce venin toxique…

Mme Catherine Génisson. Que vous avivez !

M. Philippe Bas. … qui provoque des oppositions, parmi les Français, entre les salariés du secteur privé et les fonctionnaires des trois fonctions publiques.

Après tout, si le taux de remplacement est le même pour tous, il devrait être facile d’appliquer à tous les mêmes règles et les mêmes procédures, ce qui aurait l’énorme avantage de donner à chaque Français le sentiment de la justice.

Seulement, je vois bien qu’il y a des vaches sacrées. Hier, en dépit de l’opposition du Gouvernement et d’une partie de sa majorité, le Sénat a adopté le principe du passage à la retraite par points ; cet après-midi, la même opposition se présente parce qu’il est question des fonctionnaires. S’agirait-il d’une catégorie sanctuarisée, dont les règles d’emploi ne pourraient jamais être modernisées ?

Si l’État employeur rencontrait des difficultés pour recruter, je pourrais parfaitement admettre qu’il décide d’instaurer des avantages, afin de s’adjoindre la collaboration des meilleurs d’une génération ; tout employeur peut le faire et les grandes entreprises cotées en bourse n’hésitent pas à offrir des avantages sociaux qui rendent leur régime d’emploi attractif.

Toutefois, je n’entends pas dire que l’État rencontre actuellement de grandes difficultés pour recruter. Je constate, au contraire, que les jeunes gens qui se présentent aux différents concours administratifs sont parfois surqualifiés.

Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est certain !

M. Philippe Bas. Par conséquent, il n’y a aucune nécessité de protéger pour l’avenir des éléments de statut qui sont inutiles (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.) si l’on admet, comme Mme la ministre l’affirme, que le taux de remplacement du dernier salaire d’activité par la pension de retraite est le même pour les fonctionnaires et pour les salariés du secteur privé.

Pour ma part, j’estime qu’il y a une sorte d’excès, presque un abus, à raisonner en moyenne et par grandes masses. (M. Gérard Longuet opine.) En effet, les agents de la fonction publique qui ne perçoivent pas de primes importantes bénéficient bel et bien d’un taux de remplacement supérieur à celui des salariés du secteur privé. (M. Gérard Longuet opine de nouveau.)

En réalité, si l’on veut bien prendre le temps d’examiner la situation de manière approfondie et dans le détail, il apparaît que des mesures de justice doivent être prises ; elles ne rendront nullement plus difficiles les recrutements dans la fonction publique et elles amélioreront l’acceptabilité des règles du jeu.

Mes chers collègues, la période actuelle est bien douloureuse pour de très nombreuses familles françaises : le chômage s’envole, notamment depuis dix-huit mois, et atteint un taux sans précédent, supérieur à 13 % de la population active. Dans ce contexte, laisser perdurer le sentiment profond que des injustices existent dans la situation des Français vis-à-vis de la retraite est proprement insupportable : cela aggrave le discrédit de la parole politique et favorise la montée des extrêmes ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également. – M. Michel Vergoz s’exclame.)

M. Dominique Bailly. Hors sol ! Il n’y a pas que des hauts fonctionnaires !

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur Bas, vous avez parlé d’or : il y a un sentiment d’injustice. Seulement, qui l’alimente, sinon ceux qui, comme vous, affirment sans rien démontrer ? (Mme la présidente de la commission des affaires sociales opine.) Prétendre que les fonctionnaires ont une condition privilégiée, c’est facile !

Moi qui participe de temps à autre – pas aussi souvent que je le souhaiterais – aux réunions du Comité d’orientation des retraites, le COR, où siègent à la fois les syndicats patronaux, les syndicats d’ouvriers et les syndicats de fonctionnaires, je vous assure que Mme la rapporteur a bien décrit la situation et que les chiffres qu’elle nous a communiqués sont très justes : le taux de remplacement est équivalent dans la fonction publique et dans le secteur privé.

Chers collègues de l’opposition, si vous voulez consulter les documents du COR, vous les trouverez très facilement sur le site Internet de cet organisme.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Qu’ils les demandent à Mme Debré : elle en est membre !

Mme Marie-France Beaufils. Je crois qu’il faut cesser cette campagne injuste que vous menez depuis des années pour opposer les Français les uns aux autres !

Il est exact que de nombreux salariés du secteur privé n’ont pas une carrière complète, parce qu’elle est interrompue par des périodes de chômage très longues. Ceux-là sont durement frappés par les réformes de l’ancienne majorité, puisque le nombre des années prises en compte pour le calcul de la retraite a été augmenté.

Si ce problème se pose, ce n’est pas parce qu’on aurait fait un cas particulier de la fonction publique, mais en raison de la situation de l’emploi et de la façon dont les entreprises prennent en charge leurs salariés. (Mme la présidente de la commission des affaires sociales opine.) Aujourd’hui, le secteur privé ne respecte pas ses salariés et n’a pas le souci de prendre en compte leur situation !

Mes chers collègues, il faut poser les problèmes dans le bon sens. Sinon, on va tirer la fonction publique de plus en plus vers le bas, tandis que la situation du secteur privé, loin d’avoir été améliorée, aura été aggravée !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme Marie-France Beaufils. Par ailleurs, on a prétendu que les fonctionnaires des ministères auraient des traitements et des retraites très supérieurs à ceux des fonctionnaires territoriaux ; mais quelle part représentent-ils dans le total des fonctionnaires ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.) Monsieur Longuet, il faut être un peu plus rigoureux dans l’analyse : la grande masse des fonctionnaires est en catégorie C, avec des traitements proches du SMIC !

M. Gérard Longuet. C’est faux : la majorité des fonctionnaires sont en catégorie A ou B !

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Dans la fonction publique d’État ! Vous ne connaissez pas la réalité, monsieur Longuet !

Mme Marie-France Beaufils. En outre, le blocage du point de la fonction publique depuis quelque temps a aussi des conséquences sur le niveau des retraites versées aux fonctionnaires.

M. Dominique Bailly. Bien sûr !

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur Longuet, examinons la réalité telle qu’elle est et ne faisons pas de déclarations qui alimentent les phénomènes que vous avez dénoncés ; s’il y a des facteurs qui favorisent le Front national, ce sont des propos comme les vôtres ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur Longuet, nous ne pouvons évidemment pas souscrire à votre analyse.

La stratégie de l’actuelle opposition est bien connue : comme vous saviez que vos réformes ne passeraient pas en cas de front uni entre le secteur public et le secteur privé, vous avez commencé par remettre en cause les avantages du secteur privé, en faisant valoir que tout le monde n’était pas concerné ; ainsi M. Balladur en ce qui concerne la période de référence pour le calcul de la retraite. Vous avez fractionné ce front afin de pouvoir dire ensuite : il n’y a pas eu beaucoup de réactions quand on a attaqué le privé.

À la vérité, vous savez bien que, dans notre pays, quand on travaille dans le secteur privé, il est difficile de faire grève, de descendre dans la rue, de protester, alors que le monde de la fonction publique défend ses acquis, mais aussi ceux de tous. De fait, on dit souvent que les fonctionnaires font grève pour l’ensemble des Français : il suffit de voir l’adhésion que rencontrent leurs mouvements !

Après avoir fractionné le front et imposé des reculs au secteur privé, vous avez beau jeu de dire : le secteur public doit être aligné.

C’est parce que notre société refuse ce nivellement par le bas et que, jusqu’à présent, la fonction publique est apparue comme un verrou contre le dumping que vous attaquez le front pour diviser les salariés, comme vous avez divisé les Français. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Oui, vous avez divisé les Français, en fonction de leurs origines, de leur couleur et de leur religion ; en tout cas, c’est ainsi qu’ils l’ont perçu ! (Nouvelles protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Bas. C’est hors sujet !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. C’est vous qui êtes hors sujet !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas hors sujet, mon cher collègue,…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … parce qu’il s’agit de cohésion sociale, comme vous l’avez vous-même souligné !

À propos des comparaisons, il y a celles du COR, mais d’autres organismes en ont fait aussi. J’ai entendu sur France Info que si les fonctionnaires de l’État avaient des retraites supérieures à la moyenne, c’est parce qu’ils sont massivement des cadres de catégorie A ! En revanche, si l’on tient compte des fonctionnaires hospitaliers et territoriaux, dont la grande majorité touchent de petits traitements, très proches du SMIC et parfois même inférieurs, les retraites versées aux fonctionnaires sont inférieures en moyenne à l’ensemble des retraites. Mes chers collègues, il faut comparer ce qui est comparable !

Aujourd’hui, le COR a raison d’affirmer qu’il n’y a pas de distorsion d’ensemble.

Il est vrai, chers collègues de l’opposition, que votre propagande a une autre finalité : essayer de faire des jaloux et de monter les Français les uns contre les autres pour empêcher la redistribution des richesses entre le capital et le travail !

Sans compter que vous avez toujours été opposés au statut de la fonction publique : vous avez défendu des idées libérales consistant à individualiser les traitements et à fragiliser le statut en autorisant des contrats de mission. La réalité, c’est que vous voulez mettre à bas la fonction publique, le statut et l’État, ainsi que la cohésion des Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Philippe Bas rit.)