Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Par cet amendement, notre collègue Dominique Watrin et le groupe CRC demandent un contrôle annuel par l’inspection du travail de l’application des accords ou plans d’action relatifs aux contrats de génération.

Le contrôle des accords ou plans d’action relatifs aux contrats de génération est particulièrement strict puisqu’ils doivent être soumis à la DIRECCTE, qui vérifie leur conformité aux dispositions législatives.

De plus, chaque année, un document d’évaluation sur la mise en œuvre de l’accord collectif et du plan d’action doit lui être transmis. Si ce n’est pas fait, l’entreprise est redevable d’une pénalité.

Dans ces conditions, mieux vaut regarder, avant d’aller plus loin, comment les entreprises mettent en œuvre ce dispositif nouveau, voté il y a moins d’un an.

J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est, bien entendu, tout aussi soucieux que vous de voir l’accord et le plan d’action en faveur de l’emploi des salariés âgés recevoir application.

Le code du travail prévoit déjà que l’entreprise transmet chaque année un document d’évaluation de l’accord ou du plan d’action relatif aux contrats de génération. Ce rapport est transmis au directeur régional des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi. Je le rappelle, ce dernier peut adresser à l’entreprise des observations portant sur la mise en œuvre de l’accord ou du plan d’action.

En outre, les délégués syndicaux et le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel en reçoivent copie. Ainsi, un contrôle annuel de la mise en œuvre et de l’application des accords et plans d’action est déjà assuré dans le droit et il le sera également dans les faits.

Telles sont les raisons qui motivent l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement n° 169.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Si l’on veut bien m’autoriser cette pointe d’humour, je dirai que, vu le succès des contrats de génération, ce contrôle ne devrait guère demander du travail aux inspecteurs du travail et à l’entreprise !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Comme ma science n’est pas universelle, j’ai, pour ma part, une question à poser : à partir de quand est-on « âgé » au sens des contrats de génération ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Dans le cadre du contrat de génération, on est considéré comme « âgé » à cinquante-cinq ans quand on est au chômage et à cinquante-sept ans lorsqu’on est salarié.

M. Jean Desessard. Vous avez réponse à tout, madame la rapporteur ! (Sourires.)

Mme la présidente. C’était un test...

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Que j’ai réussi ! (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 169.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 170, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 5121-14 du code du travail, le taux : « 1 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Alors que le poids de la réforme qui nous est soumise repose sur les salariés, le groupe CRC n’a eu de cesse de chercher, par tous les moyens, à proposer un financement solidaire et durable pour les retraites.

Parmi les principaux défis posés par le vieillissement de la population et la longévité accrue figurent non seulement celui des retraites, mais aussi celui de l’emploi des salariés âgés. En la matière, il ne suffit pas de promouvoir les bonnes pratiques : non accompagnée de sanctions, toute préconisation semble inefficace. L’expérience le prouve, puisque, vous en conviendrez, mes chers collègues, ce n’est pas la première fois que nous nous penchons sur ce sujet.

L’amendement no 170 tend donc à augmenter la pénalité imputée aux entreprises de plus de cinquante salariés qui ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action en faveur de l’emploi des salariés âgés.

Ce dispositif permettra d’inciter plus efficacement les entreprises à améliorer l’emploi des personnes âgées de plus de cinquante ans, et, par voie de conséquence, de contribuer à un meilleur taux d’emploi de ces dernières, conformément à l’objectif fixé dans le présent projet de loi de rejoindre la moyenne des taux d’emploi des seniors des pays de l’Union européenne.

Cette pénalité, aujourd’hui établie à 1 % des rémunérations ou gains versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par un accord ou un plan d’action, serait ainsi portée à 10 %.

Certes, notre proposition ne permettra pas, à elle seule, de combler le déficit de la sécurité sociale. Mais, face aux injustices constatées– nous incriminons, une fois encore, celle qui consiste à compenser intégralement l’augmentation de cotisation des employeurs sans contrepartie –, notre amendement vise à mieux répartir l’effort tout en favorisant l’emploi des seniors.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Par votre amendement, vous proposez, ma chère collègue, d’augmenter la pénalité dont sont redevables les entreprises n’ayant pas conclu d’accord ou établi de plan d’action relatif au contrat de génération.

Comme nous l’avons dit lors de l’examen de l’amendement précédent, il nous semble trop tôt pour modifier le régime de ce contrat.

Par ailleurs, porter la pénalité de 1 % à 10 % de la masse salariale semble excessif. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 170.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Une pénalité n’a de sens que si elle peut être appliquée et avoir un véritable effet dissuasif.

Faire passer le taux de la pénalité en cause de 1 % à 10 %, c’est rendre cette dernière totalement inapplicable, ce qui n’est pas de nature à renforcer le dispositif. Aucune entreprise ne pourrait en effet régler une pénalité aussi forte, sans courir le risque d’être en cessation de paiement.

Je tiens à vous assurer, madame le sénateur, que le contrat de génération comprend aujourd’hui de véritables pénalités, dissuasives et proportionnées.

Votre proposition étant totalement irréaliste, le Gouvernement émet un avis défavorable sur votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, c’est un salarié âgé, cotisant depuis quarante-sept ans à des régimes de retraite, qui s’exprime devant vous (Sourires sur les travées de l'UMP.)...

M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. Vous ne faites pas votre âge ! (Sourires.)

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Vous n’exerciez pas des métiers trop pénibles...

M. Gérard Longuet. ... et qui, à la lecture de l’amendement déposé par nos collègues du groupe CRC, vous souhaite la bienvenue dans un monde de répression, de pénalités et de sanctions !

Mme Laurence Cohen. Et les licenciements, ce n’est pas violent ?

M. Gérard Longuet. Vous ne vous étonnerez pas si les employeurs ne cherchent pas à augmenter l’effectif de leurs salariés et si les investisseurs se tournent vers d’autres pays que le nôtre !

Mme le rapporteur l’a indiqué, une pénalité représentant 10 % de la masse salariale n’est pas réaliste. C’est un effet d’affichage !

M. Billout a cité tout à l’heure ce grand quotidien dont Jean Jaurès fut le directeur et dont Marcel Cachin assura la transmission au parti communiste. Certes, chers collègues du groupe CRC, vous pourrez dire dans L’Humanité que vous allez frapper fort. En réalité, si vous ne faisiez pas sourire par l’excès de vos propositions, vous risqueriez surtout de décourager...

M. Jean Desessard. Cela mériterait une réponse énergique ! (Sourires.)

Mme Laurence Cohen. C’est trop caricatural ... Dépensons notre énergie ailleurs !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 170.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 167, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un décret précise les conditions selon lesquelles, dans les entreprises de plus de 300 salariés, l’inspecteur du travail peut constater un recours abusif aux procédures de licenciement et de pré-retraite concernant les salariés de plus de cinquante-cinq ans. Après une telle constatation et au terme d’une procédure contradictoire avec le comité d’administration ou de surveillance, l’inspecteur du travail peut soumettre à une majoration de 10 % les cotisations dues par l’employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l’ensemble des salariés dans l’entreprise concernée, pour une période de douze à vingt-quatre mois.

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Encore un amendement qui ne va plaire à tout le monde ! Tant pis...

La finalité de la réforme dont nous débattons depuis plusieurs jours est, notamment, d’allonger la durée de cotisation, en vertu du principe selon lequel l’espérance de vie a augmenté, ce qui justifierait que l’on travaille plus longtemps.

Nous l’avons déjà dit, ce postulat repose sur un fait déjà biaisé, le taux d’emploi des seniors étant aujourd’hui relativement faible en France. En 2011, le taux d’emploi moyen des travailleurs âgés de cinquante-cinq à soixante-quatre ans était seulement de 41,5 % dans notre pays, contre 47,4 % dans l’Union européenne. L’objectif de cette dernière comme de la France était pourtant d’atteindre 50 % en 2010.

Si nous proposons le présent amendement, c’est parce que nous avons constaté que des employeurs se servaient des ruptures conventionnelles, notamment, pour se séparer à bon compte et aux frais de l’assurance chômage des seniors. Le détournement de ce dispositif concernerait surtout les grandes entreprises, en particulier celles de plus de 250 salariés, dans lesquelles 17,4 % des séparations à l’amiable touchent les salariés âgés de plus de cinquante-huit ans, soit treize points de plus que dans les entreprises de moins de 50 salariés.

L’assurance chômage note une « surreprésentation des 55-60 ans », laissant fort à penser qu’une grande majorité des personnes concernées ont été poussées vers la sortie. Cette situation est en contradiction avec l’article L. 1133-2 du code du travail, qui transpose la directive 2000/78/CE et dispose : « Les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d’assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d’emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés. »

Par cet amendement, nous souhaitons que l’inspecteur du travail puisse constater les abus, lorsqu’il y en a, et proposer une sanction.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Le maintien dans l’emploi des salariés âgés est essentiel pour l’amélioration du marché du travail, et le contrat de génération va y contribuer.

La proposition que vous faites, monsieur Billout, ne me semble pas appropriée et manque de cohérence.

En effet, l’inspecteur du travail n’a pas à porter de jugement sur la politique de gestion des ressources humaines de l’entreprise, mais doit s’assurer que le droit du travail est respecté. Il ne peut donc infliger lui-même des sanctions financières. Par ailleurs, les cotisations sociales ne relèvent pas de son champ de compétences.

En revanche, je le rappelle, les salariés qui estiment avoir été licenciés à cause de leur âge ont des recours possibles et peuvent, bien évidemment, saisir les prudhommes.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pour abonder dans le sens de Mme le rapporteur, j’ajoute que la loi relative à la sécurisation de l’emploi du 14 juin dernier a créé une procédure de validation ou d’homologation des plans de sauvegarde de l’emploi par l’administration, laquelle veille d’ores et déjà, dans ce cadre, à ce que les mesures prévues ne soient pas discriminatoires à l’égard des salariés âgés de plus de cinquante-cinq ans.

J’émets donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 167.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 11
Dossier législatif : projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites
Article 11 (interruption de la discussion)

Article 11

L’article L. 351-15 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le 1° est complété par les mots : « diminué de deux années, sans pouvoir être inférieur à 60 ans » ;

2° Après le mot : « équivalentes », la fin du 2° est ainsi rédigée : « fixées par décret en Conseil d’État. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, sur l’article.

Mme Isabelle Pasquet. L’article 11 du présent projet de loi modifie les règles relatives à la retraite progressive, afin de rendre le dispositif plus clair, plus facile d’accès pour les salariés éventuellement intéressés et, d’une certaine manière, plus protecteur.

Si nous avons bien compris la mesure qui nous est proposée, un salarié pourrait décider, dès l’âge de soixante ans, de réduire son activité professionnelle. Il pourrait alors prétendre au bénéfice tout à la fois de la partie de sa pension de retraite correspondant à la réduction de son activité et du maintien de son salaire au prorata du temps travaillé.

Notre collègue député Michel Issindou précisait dans son rapport que la retraite progressive permettait « la transition entre vie active et retraite sans induire de baisse du niveau de vie. »

Cette affirmation, madame la ministre, madame le rapporteur, nous incite à vous demander de plus amples explications.

Tout d’abord, les gains qui seront perçus par le salarié au titre de la retraite seront calculés sur la base des trimestres effectivement réalisés, soit 150 trimestres au minimum.

Les salariés qui parviennent à ce seuil sans atteindre le plancher de cotisations percevront-ils une part de retraite amputée des décotes applicables, dans le régime général, à tout retraité partant à la retraite sans avoir le nombre de trimestres cotisés nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein ?

C’est une chose de dire que le salarié qui réduit son activité de 40 % percevra 40 % de la retraite à taux plein ; c’en est une autre de dire qu’il percevra 40 % de sa retraite avec application des décotes ! Si tel est le cas, le cumul des salaires provenant de son activité et de sa pension de retraite sera bien évidemment inférieur aux revenus qu’il aurait perçus en cas de maintien total de son activité.

Qui plus est, dès lors que la condition d’âge pour bénéficier de ce dispositif est abaissée à soixante ans, les salariés qui opteront pour une retraite progressive ne risquent-ils pas d’être perdants lorsqu’ils prendront définitivement leur retraite à soixante-deux ans ?

Ainsi, tous les trimestres travaillés ne sont pas nécessairement cotisés. Si la réduction du temps de travail a pour effet de porter celui-ci en dessous du seuil de 150 heures, les trimestres travaillés durant la période de retraite progressive ne seront pas pris en compte et les droits à la retraite seront, au final, calculés sur une carrière amputée de ces trimestres.

En outre, les pensions perçues durant la période de cumul ne sont pas intégrées dans le calcul du salaire moyen annuel, ce qui peut réduire, là encore, le montant des pensions servies à soixante-deux ans. La preuve en est que les salariés qui optent pour la retraite progressive peuvent, s’ils le souhaitent, mais, surtout, s’ils le peuvent financièrement, surcotiser.

En réalité, si le dispositif est peu utilisé aujourd’hui – 2 409 personnes en 2012 –, c’est sans doute moins en raison de sa complexité que des effets induits en matière de niveau de vie et de pension. Or cette situation est injuste puisque, dans leur grande majorité, les salariés qui demandent à bénéficier d’une retraite progressive le font parce que l’exercice d’une activité à temps plein est devenu trop difficile.

Ce sont bien les salariés qui assument financièrement le coût d’une mesure, certes, volontaire, mais destinée à compenser une forme de pénibilité qui ne fait pas et ne fera pas partie des facteurs reconnus par la loi et ouvrant droit à un départ anticipé, sur le fondement des articles 5 à 10 du présent projet de loi.

Enfin, je regrette que, pour bénéficier de cette possibilité, les salariés doivent encore obtenir l’autorisation de leur employeur. Il serait du reste intéressant que Mme la ministre nous indique le nombre de demandes formulées et d’autorisations effectivement accordées.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l'article.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, faire évoluer notre système de retraites pour le défendre et pour en renforcer la justice, telle est la finalité de cette réforme. Il s’agit en particulier d’augmenter la durée de cotisation pour obtenir une pension à taux plein. Toutefois, pour que cette démarche soit exempte de toute hypocrisie, il faut que les assurés puissent effectivement cotiser jusqu’à l’obtention d’une retraite à taux plein.

Dans le contexte actuel du marché du travail, l’article 11 répond à cette préoccupation en rendant les conditions d’accès à une retraite progressive plus accessibles et plus flexibles.

Cela étant, je souligne l’intérêt que revêt ce dispositif pour un certain nombre de Français vivant en dehors de nos frontières et cotisant à la CNAV de manière volontaire, par l’intermédiaire de la Caisse des Français de l’étranger. En matière de droit du travail, ces ressortissants sont soumis au régime du pays de résidence, qui fixe parfois des âges de départ à la retraite plus précoces qu’en France. Dans ce cas, ils ne peuvent obtenir une retraite à taux plein. Il faut résoudre ce problème !

En outre, j’attire votre attention sur la situation des personnes recrutées localement travaillant dans les services publics français à l’étranger et cotisant à la Caisse des Français de l’étranger. Compte tenu des réductions d’effectifs et de la diminution du nombre d’équivalents temps plein dans nos administrations à l’étranger, ces personnels sont incités à partir à soixante ans, alors qu’ils ne jouissent pas encore d’une retraite à taux plein auprès de la CNAV.

Les démarches de cette nature s’apparentent à une mise à la retraite d’office. En France, elles sont, in fine, encadrées par l’article L. 1237-5 du code du travail, qui empêche de mettre un salarié à la retraite d’office avant l’âge de soixante-dix ans. Celles et ceux qui résident à l’étranger et qui cotisent volontairement à la CNAV ne sont pas protégés par ces dispositions. Par conséquent, les personnes recrutées localement et cotisant à la Caisse des Français de l’étranger sont susceptibles d’être mises à la retraite d’office à un âge qui ne leur permet pas de jouir d’une pension à taux plein.

À cet égard, le décret destiné à préciser les dispositions de l’article 11 devra viser la situation des Français de l’étranger qui ont cotisé et qui sont employés par les services publics français. Ces derniers subissent des réductions d’effectifs qui se chiffrent en centaines d’emplois. Leurs agents doivent, eux aussi, pouvoir partir à la retraite de manière progressive. Ils ne doivent pas être contraints de percevoir des retraites partielles ! J’espère que le futur décret apportera cette garantie.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, sur l'article.

M. Gérard Longuet. L’article 11 est très intéressant, et la présentation que Mme le rapporteur y consacre dans son rapport éclaire d’un jour nouveau le souci naturel de viser la perfection, qui n’emporte néanmoins pas toujours l’adhésion de ceux qui pourraient en bénéficier.

En effet, l’idée d’une retraite progressive paraît séduisante, eu égard à la complexité ou, plus exactement, à la diversité des carrières actuelles. On entre dans la vie active à des âges de plus en plus variés, généralement en raison de l’allongement de la durée des études mais aussi – hélas ! – à cause de la multiplication des périodes de stage. Qui plus est, avec les expériences internationales, les jeunes ne commencent pas nécessairement leur carrière en France.

Arrivée la fin de la vie professionnelle, le calcul des pensions met au jour des insuffisances. À cet égard, comme Mme Demontès le souligne dans son rapport, la retraite progressive permet de concilier une activité moindre et une capacité de cotiser à taux plein pour divers trimestres.

Dans ce document, la commission souligne que la CNAV a transmis des chiffres assez modestes pour ce qui concerne ce dispositif : même s’il affiche une forte progression, le nombre de ses bénéficiaires est, quoi qu’il en soit, inférieur à 3 000.

Toutefois, la CNAV ne nous a pas communiqué un chiffre qui mériterait d’être connu : la proportion, parmi les bénéficiaires de cette retraite progressive, des actifs dépendant respectivement du régime salarial et du régime des indépendants. Je songe non seulement au régime agricole, mais aussi et surtout à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, la CNAVPL.

Mes chers collègues, comme vous le savez, la CNAVPL verse des retraites à des professionnels qui, en général, ont suivi des études longues, et qui, étant donné la nature de leurs fonctions, ont plus de possibilités de moduler leur activité en fin de carrière.

À ce titre, je souhaite obtenir l’éclairage de Mme le rapporteur quant à l’utilité de cette mesure : quel est, dans son esprit, le public visé par la retraite progressive ? À l’instar de notre collègue du groupe CRC, je relève que la complexité de ce dispositif est tout à fait remarquable ! J’ai tenté de suivre les explications de Mme Demontès, mais je ne suis pas certain d’avoir tout compris. Cette question me rappelle les moments les plus difficiles de mes permanences d’élu, lorsque des retraités polypensionnés m’expliquent qu’ils ne parviennent pas à faire valoir leurs droits. Je les comprends d’autant mieux que le système est d’une complexité effrayante !

M. Jean Desessard. C’est juste !

M. Jean-Yves Leconte. Il s’agit là d’un réel problème !

M. Gérard Longuet. Ajoutons à cela les conséquences de la globalisation, qui figure parmi mes préoccupations constantes.

M. Leconte a mentionné avec raison le cas des carrières internationales. Celles-ci sont appelées à se multiplier. Certaines sont géographiquement modestes : il s’agit des carrières transfrontalières. En métropole, elles concernent plusieurs dizaines voire sans doute plusieurs centaines de milliers de personnes, qui travaillent principalement en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne et en Suisse. Ces salariés se voient appliquer des règles spécifiques. S’y ajoutent les carrières s’étendant à l’Europe entière. Certains actifs commencent en effet leur vie professionnelle dans des pays plus attractifs que la France, comme la Grande-Bretagne.

Je le répète, en prenant la parole sur cet article, je ne cherche qu’à comprendre ce que Mme la ministre attend de ces dispositions, et ce que les travaux de Mme le rapporteur lui laissent à penser de leur utilité. Une fois éclairés, mes collègues et moi-même pourrons nous déterminer quant au vote de cet article !

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article 11.

M. Gérard Longuet. Madame la présidente, je demande la parole pour explication de vote !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Jacky Le Menn, vice-président de la commission des affaires sociales. M. Longuet a-t-il seulement cessé de parler ?

M. Gérard Longuet. Je constate que je n’ai pas obtenu de réponse de la part du Gouvernement ! Je conçois que Mme le rapporteur, après avoir beaucoup travaillé en commission, soit un peu lasse de détailler ses travaux. Toutefois, je m’étonne du silence de Mme la ministre. Cet article a certes été adopté par l’Assemblée nationale, mais il procède d’une initiative du Gouvernement ! Que ce dernier ne veuille ou ne puisse nous répondre, voilà qui pose un réel problème quant au sens d’un débat législatif.

Mes chers collègues, permettez-moi de prendre un ton un peu plus grave : l’article 11 renferme des dispositions complexes d’une haute importance. En toute bonne foi, nous avons du mal à en maîtriser les tenants et les aboutissants. J’admets que cette discussion relève d’un travail de commission, mais il serait tout de même bon que nous puissions être éclairés sur ce sujet ! Faute de quoi, par prudence, nous nous abstiendrions.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. M. Desessard va répondre à la place du Gouvernement ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Desessard. Le cas échéant, j’y suis prêt ! (Nouveaux sourires.)

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Monsieur Desessard, vous vous tournez vers la droite !

M. Jean Desessard. Cela étant, j’aurais aimé que Mme la ministre nous fasse l’article sur l’article 11 ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Il est très difficile pour les membres de mon groupe de déterminer leur vote sans disposer des réponses nécessaires de la part du Gouvernement.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Le Gouvernement a été auditionné en commission !

M. Philippe Bas. Notre excellent collègue Gérard Longuet vient de poser plusieurs questions très pertinentes et, à mon sens, dénuées de toute extravagance. Il ne s’agit tout de même pas d’une demande excessive ! Nous souhaitons simplement être un peu éclairés.

En vérité, il est juste de souligner que le système de la retraite progressive relève d’une intuition très pertinente. De fait, il permet à celles et ceux qui approchent de l’heure où ils partiront totalement à la retraite de développer des activités prenant le relais de leurs fonctions professionnelles. On le sait, en France, le bénévolat est assumé, pour les deux tiers, par de jeunes et moins jeunes retraités. Ainsi, cette disposition est humainement très bonne, nul ne peut pas le contester.

De même, le principe de la retraite progressive est, au fond, à l’origine de ces fameux contrats de génération, qui ont tant de mal à décoller. Par ce biais, les seniors peuvent faire bénéficier l’ensemble de leur entreprise de leur expertise, en particulier les jeunes salariés qui viennent la rejoindre.

Il n’y a donc ni opposition idéologique ni clivage profond entre nous sur cette question. Notre requête ne tend en aucun cas à opposer un refus radical des mesures que traduit l’article 11 ! Il s’agit simplement de bien comprendre la situation En effet, sur ce sujet complexe, il faut se garder des positions trop tranchées.

Pour notre part, nous dressons ce constat : si, malgré tous les efforts accomplis en la matière par les gouvernements précédents – cette idée n’est tout de même pas l’innovation de l’année ! –, nous ne sommes pas parvenus à développer ce système, ce n’est peut-être pas tant du fait d’imperfections juridiques restant à corriger qu’en raison d’obstacles de fond, complexifiant l’application de ce dispositif dans la gestion des ressources humaines des entreprises.

En réalité, au lieu de vouloir résoudre systématiquement les problèmes par de nouvelles dispositions législatives ou réglementaires, mieux vaudrait accorder plus de confiance au dialogue social et aux accords de travail.