M. Jean Desessard. Cet amendement vise à faire figurer les conventions de stage dans le registre unique du personnel. Cela permettrait, grâce aux données ainsi collectées, de lutter plus efficacement contre le travail dissimulé.

Monsieur Cardoux, je parle ici non pas des collégiens, des élèves de troisième qui effectuent des stages dans les entreprises,…

Mme Isabelle Debré. Je l'espère !

M. Jean Desessard. … mais d'étudiants de troisième, de quatrième ou de cinquième année, prêts à entrer dans la vie active. Trop souvent, on leur suggère de faire un stage de longue durée avant de prétendre à un véritable emploi. À une autre époque, un jeune diplômé était considéré comme apte à occuper un poste.

M. Gérard Longuet. C’était avant les 35 heures et la hausse des charges !

M. Jean Desessard. Repousser ainsi l'entrée dans la vie professionnelle est insupportable. J’ai bien compris qu’une proposition de loi nous sera bientôt soumise, qui traitera de ce sujet : j’y serai très attentif.

En tout cas, le fait que certaines entreprises recourent à des stagiaires pour occuper des postes qui, dans d’autres, sont confiés à des salariés constitue une distorsion de concurrence. Pour instaurer la transparence, nous demandons l’inscription des conventions de stage au registre unique du personnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Les dispositions présentées relèvent non pas d'un texte relatif aux retraites, mais du droit du travail. Cet amendement constitue donc un cavalier. L'avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 341 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Didier Guillaume.)

PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Dans la discussion des articles du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l’avenir et la justice du système des retraites, nous poursuivons l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 16 bis.

L'amendement n° 200, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 16 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un rapport du Gouvernement est transmis au Parlement, avant le 15 juillet 2014, portant sur les conditions d’une meilleure prise en compte pour la constitution de droits à la retraite de la période spécifique d’insertion professionnelle des jeunes, notamment sur la possibilité de prendre en compte les premiers trimestres de chômage non indemnisés en début de carrière, où se succèdent de manière discontinue des périodes de travail précaire et des périodes de chômage non indemnisées.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Comme l’a rappelé Mme Touraine devant l’Assemblée nationale, « actuellement, la réglementation prévoit que seule la première période de chômage non indemnisé est prise en compte dans la retraite, dans la limite de six trimestres. La difficulté vient de ce que ce délai s’interrompt en cas de reprise d’un emploi, ce qui, à une époque où les carrières sont souvent hachées, est évidemment un obstacle. »

Nous partageons ce constat, à l’heure où les jeunes occupent une position particulière sur le marché du travail par rapport aux autres actifs : taux de chômage élevé, part très importante des emplois de courte durée, phénomènes de « déclassement », salaires faibles compte tenu du niveau de diplôme. Ainsi, la période d’insertion des jeunes sur le marché du travail est marquée par une alternance de temps de chômage et d’emplois précaires.

Par ailleurs, la durée médiane du premier emploi est d’environ onze mois, d’après l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE. Selon une étude du Trésor, en 2009, 48,8 % des 15-24 ans en emploi étaient employés sous contrat temporaire, contre 9 % des 25-49 ans.

L’ensemble des difficultés rencontrées par les jeunes dans leur processus d’insertion sur le marché du travail se répercutent forcément sur leur future retraite.

Dans une optique d’information, nous avons repris cet amendement, initialement déposé par la députée Carrey-Conte, qui vise à demander au Gouvernement la remise d’un rapport sur les modalités de prise en considération des spécificités de l’emploi des jeunes, notamment la possibilité de prendre en compte les premiers trimestres de chômage non indemnisés de manière discontinue, afin de permettre au mieux la constitution de droits en dépit d’un début de carrière heurté.

Mme Touraine s’est engagée, à l’Assemblée nationale, en échange du retrait de cet amendement, à publier prochainement un décret visant à prendre en compte ces difficultés pour éviter qu’une alternance entre chômage non indemnisé et emploi n’aboutisse à réduire les droits validés.

Nous souhaitons ici affirmer cet engagement. Le recours à un décret reste aléatoire dans la mesure où la disposition peut s’appliquer de manière différée. Nous en avons eu, hélas ! de fâcheux exemples par le passé, notamment lors de la réforme des retraites de 2010, sous un précédent gouvernement.

L’adoption de cet amendement par la majorité de gauche traduirait un engagement en faveur de l’avenir des jeunes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Comme vous l’avez rappelé, madame Cohen, cet amendement a été défendu à l’Assemblée nationale, puis retiré après que Mme la ministre des affaires sociales et de la santé eut pris des engagements sur le maintien des droits à validation de trimestres pour les jeunes en situation de chômage non indemnisé. Nous souhaitons connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Mme Touraine s’est en effet engagée à mettre en place par décret cette possibilité de maintien des droits à validation de trimestres pour les jeunes en situation de chômage non indemnisé, même en cas de reprise d’un emploi.

Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Madame Cohen, l'amendement n° 200 est-il maintenu ?

Mme Laurence Cohen. Puisqu’il s’agit d’un engagement ferme, je retire l’amendement. Nous insistons vraiment pour que cet engagement soit tenu, car, je le répète, la mise en œuvre des mesures prises par décret est parfois différée.

M. le président. L’amendement n° 200 est retiré.

Articles additionnels après l’article 16 bis
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Article 17

Article 16 ter (nouveau)

Un rapport du Gouvernement est transmis au Parlement, avant le 15 juillet 2015, sur les modalités d’une ouverture pour les étudiants post-baccalauréat de droits à la retraite au titre des études. – (Adopté.)

Article 16 ter (nouveau)
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Article 18

Article 17

I. – La section 2 du chapitre III du titre IV du livre II de la sixième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Cotisations dues au titre de l’emploi des apprentis » ;

2° L’article L. 6243-2 est ainsi modifié :

a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « I. – À l’exception des cotisations d’assurance vieillesse et veuvage de base, l’assiette des cotisations et contributions sociales dues… (le reste sans changement). » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

– au début, est ajoutée la mention : « II. – » ;

– les mots : « l’État prend en charge » sont remplacés par les mots : « l’employeur est exonéré de » ;

c) Au troisième alinéa, les mots : « l’État prend en charge uniquement les » sont remplacés par les mots : « l’employeur est exonéré uniquement des » ;

3° L’article L. 6243-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :



« Le fonds mentionné à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale prend à sa charge, dans des conditions fixées par décret, le versement d’un complément de cotisations d’assurance vieillesse afin de valider auprès des régimes de base un nombre de trimestres correspondant à la durée du contrat d’apprentissage. »



II. – Après le 10° de l’article L. 135-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 11° ainsi rédigé :



« 11° Les sommes correspondant à la prise en charge mentionnée au dernier alinéa de l’article L. 6243-3 du code du travail. »

M. le président. L'amendement n° 418, présenté par Mme Demontès, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

et les mots : « et les cotisations » sont remplacés par les mots : « et des cotisations »

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Au début du III de l'article 48 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, les mots : « Le deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « Le premier alinéa du II ».

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.

Mme Isabelle Pasquet. Les conditions dans lesquelles sont calculés les droits à retraite des apprentis, en l’état actuel du droit, ne sont pas acceptables. Alors que certains prétendent faire de l’apprentissage une voie noble, en insistant sur la valeur travail, on leur impose des conditions d’acquisition de trimestres très défavorables. En effet, ils cotisent selon une assiette forfaitaire ne leur permettant pas de valider une durée d’assurance vieillesse égale à celle de leur contrat.

La situation n’est pas anodine puisque, comme le rappelait déjà la Cour des comptes en 2009, « les apprentis de moins de 17 ans lors des deux premières années de leur contrat d’apprentissage ne valident respectivement que deux puis trois trimestres. Ceux âgés de 18 à 20 ans pendant les deux premières années de leur contrat ne valident que trois trimestres. »

Cela s’explique sans doute par le fait que l’assiette des cotisations sociales est, dès le début, amputée de 11 % du SMIC, mais aussi par celui que ces cotisations sont calculées exclusivement sur la base de la partie professionnelle de l’activité, à savoir le temps pendant lequel les apprentis sont présents dans l’entreprise, ce qui les prive mécaniquement de la possibilité de valider quatre trimestres en un an. Cette situation est bien évidemment injuste et se conjugue à une faible rémunération.

Je voudrais rappeler ici que, en 2010, la droite avait proposé de réduire les droits des apprentis en ramenant l’assiette mensuelle forfaitaire de leurs cotisations à 151,67 fois le montant horaire du SMIC, contre 169 fois celui-ci initialement. Cette manipulation a tout de même permis d’économiser 72 millions d’euros…

Dans ce contexte, force est de constater que l’adoption de cette mesure constitue une amélioration par rapport au droit existant, même si nous demeurons persuadés que la réforme d’ampleur que nous devons mettre en œuvre doit porter sur l’assujettissement à cotisations de toutes les périodes, et non pas seulement de celles qui sont effectivement travaillées.

Compte tenu de cette réserve, le groupe CRC s’abstiendra sur l’article 17 ainsi amendé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 418.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.

(L'article 17 est adopté.)

Article 17
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Articles additionnels après l'article 18

Article 18

I. – L’article L. 135-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Le 4° est complété par un g ainsi rédigé :

« g) Des périodes mentionnées au 8° du même article L. 351-3 ; »

2° À l’avant-dernier alinéa, les références : « e et f » sont remplacées par les références : « e, f et g ».

II. – L’article L. 351-3 du code de la sécurité sociale est complété par un 8° ainsi rédigé :

« 8° Les périodes de stage mentionnées à l’article L. 6342-3 du code du travail. »

III. – Les I et II sont applicables aux périodes de stage postérieures au 31 décembre 2014. – (Adopté.)

Article 18
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Article 19

Articles additionnels après l'article 18

M. le président. L'amendement n° 190 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’impact financier et le bénéfice pour les assurés d’un retour à la prise en compte des dix meilleures années de salaire dans le calcul de la pension des salariés du secteur privé et étudiant les pistes de financement de cette mesure, notamment la modulation des cotisations sociales patronales en fonction des choix de gestion des entreprises et de la part des salaires dans la valeur ajoutée, la mise à contribution des revenus financiers des entreprises, la résorption des inégalités professionnelles et notamment salariales entre les femmes et les hommes dans la décennie suivant la remise du rapport, la réduction du recours au temps partiel, et l’assujettissement de tous les compléments de salaire aux cotisations sociales à la même hauteur que les salaires.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Au travers de cet amendement, nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant l’impact financier et le bénéfice, pour les assurés, d’un retour à la prise en compte des dix meilleures années de salaire pour le calcul de la pension de retraite des salariés du secteur privé.

Dans cette perspective, nous souhaitons que ce rapport permette d’étudier d’autres pistes de financement ignorées jusqu’à présent par le présent projet de loi, à savoir la modulation des cotisations sociales patronales en fonction des choix de gestion des entreprises et de la part des salaires dans la valeur ajoutée, la mise à contribution des revenus financiers des entreprises, la résorption des inégalités professionnelles, notamment salariales, entre les femmes et les hommes dans la décennie à venir – elle pourrait rapporter, rappelons-le, jusqu’à 10 milliards d’euros d’ici à 2020 –, la réduction du recours au temps partiel, enfin l’assujettissement aux cotisations sociales, à la même hauteur que les salaires, de tous les compléments de salaire.

La liste de ces pistes, que vous avez malheureusement écartées, montre une fois de plus que d’autres solutions que l’allongement de la durée de cotisation existent.

Pourquoi proposons-nous la remise d’un tel rapport ? Le passage des dix aux vingt-cinq meilleures années de carrière pour déterminer le salaire moyen pris en compte au titre du calcul de la pension décidé lors de la réforme Balladur de 1993 a eu un effet considérable sur le niveau des pensions. Selon une étude de 2006 publiée dans la revue Population de l’Institut national d’études démographiques, l’INED, pour les personnes nées entre 1965 et 1974, qui subiront pleinement les conséquences de cette réforme, la réduction de la pension moyenne sera de 9 % pour les hommes et de 13 % pour les femmes.

En effet, ce mode de calcul pénalise plus fortement les carrières courtes, et donc celles des femmes, du fait d’interruptions et de réductions d’activité liées notamment à la maternité. Pour les carrières courtes, retenir un plus grand nombre d’années oblige à « piocher » davantage parmi celles ayant été plus faiblement rémunérées, à cause par exemple de périodes de travail à temps partiel ou de chômage.

De plus, il faut souligner que ce sont les effets de cette mesure de la réforme de 1993 qui ont le plus pesé sur l’écart de pensions entre les femmes et les hommes. Il paraît donc tout à fait légitime, surtout au regard des objectifs fixés et enrichis par nos débats lors de l’examen de l’article 1er du présent projet de loi, de demander le rapport visé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Les auteurs de cet amendement souhaitent la remise d’un rapport sur l’impact financier et les conséquences, pour les assurés, d’un calcul des pensions fondé sur les dix meilleures années de carrière. Le Conseil d’orientation des retraites me semble tout à fait à même d’étudier cette intéressante question. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Il est également défavorable. Le sujet est déjà très largement documenté et les mesures que nous proposons montrent que nous entendons mener une action concrète et positive en faveur des salariés faisant l’objet de votre préoccupation, madame Cohen.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 190 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 177 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Gonthier-Maurin et Cukierman, M. Watrin, Mmes David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les coûts pour les comptes sociaux et les conséquences pour les assurés, d’une disposition permettant aux salariés ayant connu une carrière professionnelle particulièrement morcelée de voir calculer leur salaire de référence sur cent trimestres en lieu et place des vingt-cinq dernières années.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Au travers de cet amendement, nous proposons que, dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Parlement soit informé du coût, pour les comptes sociaux, et des conséquences, pour les assurés, d’une disposition qui permettrait aux salariés ayant connu une carrière professionnelle particulièrement morcelée de voir calculer leur salaire de référence sur cent trimestres, au lieu des vingt-cinq meilleures années.

Cette information est essentielle au vu des discriminations dont sont victimes les femmes durant leur carrière professionnelle et qui se prolongent, voire s’amplifient, à l’heure du départ à la retraite.

Actuellement, les salaires des femmes sont, en moyenne, moins élevés que ceux des hommes. La règle de validation de trimestres de cotisation ne favorise pas les carrières précaires et mal rémunérées. Le mode de calcul du salaire de référence sur les vingt-cinq meilleures années profite surtout aux plus aisés et désavantage les salariés les plus modestes. Enfin, si les périodes de chômage sont validées, elles ne sont pas considérées comme cotisées.

La délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, ainsi que la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, ont formulé de nombreuses recommandations visant à corriger ces écarts, parmi lesquelles la détermination du salaire de référence par la moyenne des cent meilleurs trimestres plutôt que par la moyenne des vingt-cinq meilleures années. Une telle mesure serait de nature à mieux compenser les carrières morcelées et le travail à temps partiel, situations qui concernent particulièrement les femmes.

Compte tenu de l’incidence considérable de la précarisation sur le niveau des retraites, notamment pour les salariés peu qualifiés et les femmes, cette proposition mérite d’être étudiée, d’autant que l’adoption de ce projet de loi se traduira par une baisse significative des pensions.

M. le président. L'amendement n° 320 rectifié ter, présenté par Mmes Rossignol et Gonthier-Maurin, M. Courteau, Mmes Génisson, Printz et Sittler, M. C. Bourquin et Mmes Cartron, D. Michel, Bouchoux et Meunier, est ainsi libellé :

Après l’article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er mars 2015, un rapport étudiant les conséquences d’une modification de la détermination du salaire de référence pris en compte pour le calcul de la pension, pour les personnes ayant eu des carrières incomplètes, s’appuyant non pas sur les 25 meilleures années, mais sur les 100 meilleurs trimestres ou sur un nombre d’années proportionnel au nombre d’années de carrières réalisées.

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Je serai d’autant plus brève que le groupe CRC a eu la gentillesse de reprendre à son compte cette proposition de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes…

Il s’agit de demander au Gouvernement d’étudier l’impact financier d’un passage des vingt-cinq meilleures années aux cent meilleurs trimestres pour le calcul de la pension de retraite. Une telle modalité serait plus favorable aux salariés, dans la mesure où ces cent trimestres pourraient être répartis sur trente, trente-cinq ou quarante années, et permettrait de mieux retracer leur carrière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission?

Mme Christiane Demontès, rapporteur. La différence entre ces deux amendements tient simplement au délai qu’ils prévoient pour la remise du rapport demandé : dans les six mois suivant la promulgation de la loi pour l’amendement n° 177 rectifié, dans les dix-huit mois pour l’amendement n° 320 rectifié ter.

Mme Laurence Rossignol. Nous sommes un peu moins jusqu’au-boutistes !

Mme Christiane Demontès, rapporteur. Il me semble que le Conseil d’orientation des retraites pourrait s’emparer d’un tel sujet. Toutefois, si Mme Pasquet accepte de retirer son amendement au profit de celui de Mme la rapporteur de la délégation aux droits des femmes, j’émettrai un avis de sagesse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée. Les délais prévus restent peu différents. Ce sujet a déjà été examiné par le COR, et il le sera à nouveau. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Madame Pasquet, l'amendement n° 177 rectifié est-il maintenu ?

Mme Isabelle Pasquet. Je le retire, monsieur le président, au profit de l’amendement de Mme Rossignol, à qui je ferai observer que déposer deux fois un même amendement est une mesure de précaution : mieux vaut deux fois que pas du tout ! Je regrette que Mme Rossignol ait mal pris notre initiative, mais nous avons le même objectif et il me semble que c’est tout de même cela le plus important !

M. le président. L'amendement n° 177 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 320 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 180 rectifié est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 338 rectifié bis est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les six mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement et au comité de suivi des retraites dans le cadre de ses missions définies à l’article L. 114-4 du code de la sécurité sociale, un rapport évaluant l’impact sur le niveau de pension des femmes et des personnes ayant eu une carrière heurtée d’un salaire servant de base au calcul de la pension calculé sur les cent trimestres les plus avantageux pour l’assuré.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l’amendement n° 180 rectifié.

Mme Isabelle Pasquet. J’espère que les auteurs de l’amendement n° 338 rectifié bis ne se formaliseront pas que nous ayons déposé cet amendement…

À l’occasion de l’examen de l’article 1er du projet de loi, nous avons eu un échange nourri sur les inégalités de salaires et de pensions dont les femmes sont victimes.

Je ne reprendrai qu’un chiffre, montrant l’ampleur du problème : la différence de pension de retraite entre les femmes et les hommes est, en moyenne, de 42 %. Cette situation appelle des solutions urgentes pour compenser les effets négatifs cumulés des précédentes réformes, comme les mesures d’allongement des durées de cotisation adoptées en 1993, en 2003 et en 2010.

Bien entendu, certaines dispositions de ce projet de loi, comme la prise en compte des congés de maternité pour les carrières longues, l’abaissement de 200 à 150 heures rémunérées au SMIC du volume d’heures permettant de valider un trimestre ou la refondation projetée des droits familiaux, pourront sans doute améliorer, à la marge, la situation des femmes, mais cela ne sera pas de nature à remédier aux inégalités structurelles dont ces dernières sont victimes.

Je me souviens pourtant avoir entendu Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, affirmer qu’« il faut tenir compte de l’impact différencié de la réforme des retraites chez les hommes et les femmes. C’est mon obsession. » Nous pourrions être d’accord avec cette affirmation, pour autant qu’elle soit suivie d’effet ! Or, en réalité, en augmentant la durée de cotisation, le Gouvernement met en œuvre une réforme tout aussi insupportable et injuste pour les femmes que les précédentes.

Devant ce constat, partagé par l’immense majorité des associations féministes, nous avons proposé des pistes alternatives, telles que la mise en place d’une sur-cotisation des employeurs pour les emplois à temps partiel ou la suppression des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises qui ne respecteraient pas l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Ces mesures de financement, permettant d’envisager d’autres solutions que celle de l’allongement de la durée de cotisation, ont été écartées.

L’article 40 de la Constitution nous interdisant de présenter un amendement qui tendrait à modifier les conditions de calcul du montant des pensions, nous sommes contraints de nous limiter à demander la remise d’un rapport évaluant l’impact sur le niveau de pension des femmes et des personnes ayant eu une carrière heurtée de la prise en compte, pour déterminer le salaire servant de base au calcul de la pension, des cent trimestres les plus avantageux pour l’assuré.

Mais soyons clairs, madame la ministre, madame la rapporteur : au-delà de cet amendement, c’est bien sur le fond de notre proposition que nous souhaiterions vous entendre.