compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin

vice-président

Secrétaires :

M. François Fortassin,

M. Jean-François Humbert.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Demande de priorité (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014
Troisième partie

Financement de la sécurité sociale pour 2014

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014
Article 12 ter (nouveau) (priorité)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2014 (projet n°117, rapport n° 126, avis n° 127).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’examen des dispositions de la troisième partie du projet de loi, relatives aux recettes et à l’équilibre financier de la sécurité sociale pour l’exercice 2014.

TROISIÈME PARTIE

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2014

Section 1

Dispositions relatives aux recettes des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement

M. le président. Je rappelle que, à la demande de la commission des affaires sociales, l’article 12 ter est appelé en priorité.

Troisième partie
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014
Articles additionnels avant l'article 8

Article 12 ter (nouveau) (priorité)

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L’article L. 912-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 912-1. – I. – Les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l’article L. 911-1 peuvent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, prévoir l’institution de garanties collectives présentant un degré élevé de solidarité et comprenant à ce titre des prestations autres que celles versées en contrepartie d’une cotisation, pouvant notamment prendre la forme d’une prise en charge gratuite de la cotisation pour certains salariés, d’une politique de prévention ou de prestations d’action sociale.

« Dans ce cas, les accords peuvent organiser la couverture des risques concernés en recommandant un ou plusieurs organismes mentionnés à l’article 1er de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques ou une ou plusieurs institutions mentionnées à l’article L. 370-1 du code des assurances, sous réserve du respect des conditions définies au II du présent article.

« II. – La recommandation mentionnée au I doit être précédée d’une procédure de mise en concurrence des organismes ou institutions concernés, dans des conditions de transparence, d’impartialité et d’égalité de traitement entre les candidats et selon des modalités prévues par décret.

« Le ou les organismes ou institutions ne peuvent refuser l’adhésion d’une entreprise relevant du champ d’application de l’accord. Ils sont tenus d’appliquer un tarif unique et d’offrir des garanties identiques pour toutes les entreprises et pour tous les salariés concernés.

« III. – Les accords mentionnés au I comportent une clause fixant dans quelles conditions et selon quelle périodicité, qui ne peut excéder cinq ans, les modalités d’organisation de la recommandation sont réexaminées. La procédure prévue au premier alinéa du II est applicable à ce réexamen.

« IV. – Les accords mentionnés au I peuvent prévoir que certaines des prestations nécessitant la prise en compte d’éléments relatifs à la situation des salariés ou sans lien direct avec le contrat de travail les liant à leur employeur sont financées et gérées de façon mutualisée, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, pour l’ensemble des entreprises entrant dans leur champ d’application. » ;

2° Le dernier alinéa de l’article L. 137-15 est complété par les mots : « , sous réserve de l’application du 2° de l’article L. 137-16 » ;



3° Après le deuxième alinéa de l’article L. 137-16, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :



« Par dérogation, respectivement, au deuxième alinéa du présent article et au dernier alinéa de l’article L. 137-15, lorsque l’entreprise est couverte par un accord professionnel ou interprofessionnel comportant une clause de recommandation, dans les conditions prévues à l’article L. 912-1, mais choisit de souscrire un contrat auprès d’un autre assureur que le ou les organismes assureurs recommandés, les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de prévoyance sont assujetties au forfait social :



« 1° Au taux mentionné au premier alinéa du présent article, pour les entreprises d’au moins dix salariés ;



« 2° Au taux mentionné au deuxième alinéa, pour les entreprises de moins de dix salariés. »



II. – Le 1° du I entre en vigueur au 1er janvier 2014. Les 2° et 3° du I entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2015, pour les sommes et les contributions versées à compter de cette même date.

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, sur l'article.

M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà revenus à cette « clause de désignation » dont nous avions beaucoup parlé au printemps dernier.

Je dirai de cet article qu’il relève d’une démarche « à la Tartuffe » puisque, à travers lui, sous couvert de respecter la décision du Conseil constitutionnel sur la loi relative à la sécurisation de l’emploi, décision qui mettait en avant le principe de libre concurrence, le Gouvernement met en place une « clause de recommandation » par branche pour les adhésions obligatoires aux complémentaires santé et fait rentrer dans le droit chemin les entrepreneurs qui ne respecteraient pas cette clause en surtaxant à 8 % les contrats des entreprises de dix salariés et à 14 % celles de plus de dix salariés.

Quelle hypocrisie !

En vérité, cet article appelle de nombreuses critiques.

Sur la forme, on se demande ce qu’il vient faire dans le volet « recettes » d’un PLFSS, alors que, comme le Gouvernement l’a lui-même reconnu, cette surtaxation se veut incitative et n’a pas pour objectif de contribuer à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Du reste, cet article concerne non pas le régime de base de la sécurité sociale, mais des régimes complémentaires.

Il s’agit donc, ni plus ni moins, d’un cavalier, introduit par le Gouvernement sous la pression de certaines organisations syndicales. Nous avons eu l’occasion ce matin en commission de rejeter des amendements présentés sur le même fondement de recettes annexes.

Sur le fond, il s’agit d’une rupture de l’égalité des contribuables devant l’impôt, d’une atteinte à la liberté d’entreprendre et, surtout, d’une dénaturation de la liberté contractuelle.

En d’autres termes, bien qu’il fasse droit, en apparence, au principe de libre concurrence, cet article, s’il était adopté, subirait manifestement, lui aussi, la censure du Conseil constitutionnel.

J’ajoute qu’aucune motivation d’intérêt général ne justifie cet article.

Au contraire, l’argument avancé par le Gouvernement – limiter la mutualisation à des accords de branche – diminue l’efficacité du dispositif compte tenu de l’échantillon plus restreint de personnes concernées.

Cet article n’a donc aucune justification technique.

Il faudrait, au contraire, prendre en compte les mutualisations intergénérationnelles, interprofessionnelles et géographiques, qui sont à la base du fonctionnement de tout assureur santé, et laisser la libre concurrence s’instaurer. C’est cet acte de solidarité, en dehors des accords de branche, que les professionnels de l’assurance doivent mettre en œuvre, comme ils savent parfaitement le faire.

Sous prétexte de mettre en place les conditions d’une meilleure mutualisation, cet article opère en fait un retour larvé au régime des corporations !

En réalité, cette recommandation forcée aura pour résultat de faire financer indirectement les grandes entreprises par les petites, alors que les salariés de chacune de celles-ci, par définition moins nombreux, représentent évidemment une masse de consommation de soins moins importante.

En effet, si cet article est adopté, 90 % des contrats seront attribués aux instituts de prévoyance, au détriment des assureurs et des mutuelles, privant immédiatement d’emploi des milliers de personnes. Nous avons d’ailleurs vu hier devant les portes du Sénat une manifestation de salariés inquiets.

Dans ces conditions, on comprend mieux ce qui explique véritablement le retour d’une telle clause devant le législateur : c’est le lobbying des syndicats, tant salariés que patronaux, qui siègent à parité dans les institutions de prévoyance et qui veulent continuer à se partager une manne financière.

Il s’agit, par le biais des mutuelles, d’une étatisation larvée de la politique de santé !

Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, qui sont de forme, de fond et aussi d’ordre constitutionnel, le groupe UMP présentera un amendement visant à la suppression de cet article totalement indéfendable.

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, sur l'article.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons donc reprendre nos débats sur cette affaire de clause de recommandation et de clause de désignation.

En l’espèce, le groupe UDI-UC a toujours défendu le strict respect du texte de l’ANI – accord national interprofessionnel – du 11 janvier 2013.

Cela étant, nous devons reconnaître que, dans certains cas, la clause de désignation s’impose. En effet, la négociation collective et la gestion d’un régime de prévoyance de branche ont pu emprunter des formes très diverses. Les partenaires sociaux pouvaient soit sélectionner un contrat assuré par un ou plusieurs organismes assureurs déterminés, soit décider de la création, par la voie conventionnelle, d’un organisme assureur déterminé dont l’objet exclusif était de couvrir les salariés et anciens salariés de la branche.

Les partenaires sociaux ont eu recours à cette seconde possibilité lorsque les particularités d’une branche professionnelle les ont conduits à développer une politique sociale particulièrement affirmée en raison, surtout, de conditions de travail difficiles ou spécifiques.

Ce type d’organisme, dédié à une branche professionnelle et n’intervenant pas sur d’autres marchés, doit pouvoir continuer à exister.

Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos : le secteur du bâtiment et des travaux publics – BTP –, d'une part, celui des particuliers employeurs, d'autre part.

Le secteur du BTP a, depuis l’immédiat après-guerre, développé une tradition de relations paritaires fortes. Cette tradition a permis la conclusion par l’ensemble des partenaires sociaux de plusieurs accords de branche, qui, notamment de 1947 à 1968, ont créé un régime de complémentaires retraite, santé et prévoyance particulièrement performant, ainsi que les organismes chargés de les gérer. Il s’agit, depuis 1993, du groupe paritaire professionnel de protection sociale à but non lucratif : PRO BTP.

En l’état actuel du droit, toutes les entreprises du secteur du BTP sont tenues d’adhérer à PRO BTP, qui offre à leurs salariés les garanties prévues par des accords de branche étendus par arrêtés ministériels.

La création de ce dispositif répondait à trois préoccupations.

Premièrement, il s’agissait de mutualiser des risques qui, individuellement, pour certaines entreprises du secteur, notamment les plus petites, auraient été trop lourds à supporter ou à faire assurer.

Deuxièmement, le souci était de développer une politique d’action sociale forte.

Troisièmement, il fallait éviter les coûts de transaction qu’impliquait le recours à une entité extérieure à la branche.

Ainsi voulue par toute la profession, cette institution de prévoyance professionnelle a permis la mise en place d’une véritable solidarité professionnelle entre tous les salariés et une mutualisation du risque pour tout le secteur du BTP.

La suppression du droit pour les partenaires sociaux de disposer, dans une branche, d’un organisme assureur dédié, auquel les entreprises sont tenues d’adhérer pour la prévoyance dans le BTP, remet en cause la solidarité professionnelle de ce secteur. Ce sont les petites entreprises qui seront perdantes, les plus grosses ayant la capacité financière de négocier des contrats à fortes garanties auprès d’autres organismes.

En ce qui concerne les branches professionnelles des salariés du particulier employeur et des assistants maternels du particulier employeur, on retrouve cette même démarche de solidarité et de mutualisation du risque.

Les partenaires sociaux ont créé l’IRCEM en 1973, groupe de protection sociale dédié aux salariés à domicile. L’IRCEM assure et gère la retraite complémentaire et les régimes de prévoyance collective négociés par les partenaires sociaux.

Le dispositif repose sur un appel indirect des cotisations via l’URSSAF, ce qui permet la mutualisation. En effet, un salarié à domicile ou une assistante maternelle ont très souvent plusieurs employeurs.

Si ce système de désignation de l’IRCEM est remis en cause, les particuliers employeurs seront dans l’incapacité d’effectuer un choix individuel en matière de couverture prévoyance et les salariés de ce secteur risquent de ne plus être couverts en cas d’incapacité et d’invalidité.

Au passage, je me demande comment le CESU va gérer les différentes mutuelles des particuliers employeurs !

J’ai déposé un amendement n° 80, qui vise à prendre en compte la situation spécifique des deux secteurs que je viens d’évoquer ou de ceux qui présentent de semblables spécificités, tel le secteur du transport. Il est essentiel de préserver ces entités qui sont nées d’accords de branches professionnelles et qui incarnent le régime de prévoyance des salariés de ces branches.

Madame la ministre, la balle est dans votre camp : c’est à vous de trouver la solution pour que ces spécificités soient préservées.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues sénatrices et sénateurs (Exclamations amusées.),…

Mme Catherine Procaccia. Au moins, vous ne nous dites pas : « Camarades ! » (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Desessard. … Aline Archimbaud défendra tout à l'heure l’amendement de suppression de l’article 12 ter que nous aussi avons déposé.

Cet article, issu d’un amendement du Gouvernement déposé à l’Assemblée nationale, réintroduit, de fait, les clauses de désignation dont nous avons discuté lors de l’examen du projet de loi transposant l’ANI de janvier 2013.

Je souhaite m’attarder quelques instants sur un argument souvent évoqué pour justifier cette disposition : celui de la mutualisation. Il a en effet été argué à de multiples reprises, y compris par le Gouvernement, pendant la discussion du projet de loi en question, que la mutualisation des risques serait plus importante à l’échelle de la branche, ce qui justifierait la clause de désignation.

Rappelons d’abord que le simple fait de généraliser la complémentaire santé pour les salariés exclut de fait les autres. En effet, les salariés ne souscriront désormais plus de contrats individuels et les organismes d’assurance seront donc contraints de ne mutualiser leur portefeuille de contrats individuels que sur le reste de la population, qui présente statistiquement plus de risques.

Ces personnes, à savoir les inactifs, les chômeurs, les étudiants et les retraités, verront donc leurs cotisations augmenter s’ils décident de souscrire une complémentaire à titre individuel, alors même qu’ils n’ont par définition aucune entreprise pour prendre en charge une partie de leurs cotisations.

Intéressons-nous maintenant à l’effet des accords de branche. Le besoin de mutualisation en santé est très particulier et ne correspond pas aux besoins habituels connus en technique d’assurance, par exemple en matière de prévoyance : en l’espèce, le risque de décès ou celui d’invalidité, lourds à couvrir, présentent une faible occurrence, de l’ordre de 2 à 3 cas pour 1 000 personnes. En santé, ces mêmes 1 000 personnes couvertes engendreront 15 000, voire 20 000 événements de coût modéré à garantir annuellement – recours à des médecins à plusieurs reprises pendant l’année, dépenses de pharmacie, auxiliaires médicaux, etc. –, sans oublier les gros risques comme l’hospitalisation, fort heureusement beaucoup moins fréquents.

Le risque de santé est donc un risque de court terme, à montants limités et de forte fréquence. Il en résulte qu’il est aisément maîtrisable et ne nécessite que peu d’assurés pour être garanti : les actuaires estiment que le seuil à partir duquel le risque santé est mutualisé est de l’ordre de la centaine d’assurés.

C’est d’ailleurs aussi le raisonnement que tient l’administration fiscale. En effet, pour que les risques soient réellement garantis, les organismes d’assurance sont soumis à des règles prudentielles : il leur est imposé de constituer des provisions d’égalisation, c’est-à-dire des provisions faites pour assurer le bon paiement des engagements, qui sont fonction du nombre d’assurés. Le niveau des provisions demandées est, bien sûr, d’autant plus faible que les populations assurées sont importantes, c’est-à-dire que la mutualisation est jugée plus solide. Par exemple, la dernière tranche reconnue par l’administration pour un contrat prévoyance est fixée à 500 000 personnes.

Dans le domaine de la santé, en revanche, aucun seuil n’a été retenu. La qualité de la mutualisation en santé dépend non pas du nombre d’assurés, mais de leur profil. Les besoins de mutualisation en la matière ne sont que de deux ordres : d’ordre intergénérationnel – il s’agit d’assurer une solidarité entre les plus jeunes et les plus âgés – et d’ordre interprofessionnel – les risques ne doivent pas porter sur des populations homogènes, de sorte qu’ils soient répartis entre des groupes présentant des profils de consommation de soins différents.

Ces deux mutualisations, et notamment la seconde, sont en réalité bien mieux garanties par une mutualisation transversale, interbranches, que par une mutualisation de branche, le plus souvent homogène. Il existe en effet un risque systémique à concentrer les risques de branche sur un même organisme assureur, par exemple dans le cas où surviendraient des pathologies de branche, telles celles liées à l’amiante, pathologies qu’il convient évidemment de prévenir.

En outre, la mutualisation par branche génère d’importantes inégalités, les branches étant plus ou moins riches.

Cette segmentation des risques et des revenus peut même être vue comme un détournement de la mutualisation, d’autant que les branches à hauts revenus ne sont généralement pas celles qui présentent les risques les plus élevés. Les hauts revenus ne payeront donc plus les risques supérieurs des plus pauvres.

Par conséquent, il me semble que l’argument d’une meilleure mutualisation est non seulement infondé, mais socialement dangereux.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 107 rectifié est présenté par MM. Milon et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mmes Procaccia et Debré, M. Dériot, Mme Deroche, M. Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Pinton, Paul et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 146 est présenté par MM. Marseille, Roche, Vanlerenberghe et Amoudry, Mmes Dini, Jouanno et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L'amendement n° 275 est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 304 rectifié est présenté par MM. Barbier, Mézard, Tropeano, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Vall et Vendasi.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l’amendement n° 107 rectifié.

M. Alain Milon. Notre collègue Jean-Noël Cardoux a expliqué pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 juin dernier, a considéré que « les clauses de désignation portent à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle, une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi de mutualisation des risques ».

Madame la ministre, le 22 octobre, à l’Assemblée nationale, vous avez déposé l’amendement visant à introduire ces clauses de recommandation après l’article 45, dans la quatrième partie du PLFSS, c'est-à-dire la partie relative aux dépenses. Le lendemain, le 23 octobre, vous avez fait rectifier l’amendement pour finalement l’insérer après l’article 12, dans la troisième partie de ce texte, relative aux recettes.

Vous avez ensuite justifié sa recevabilité en loi de financement de la sécurité sociale par le seul fait que l’un des paragraphes dudit amendement prévoit un malus fiscal pour les entreprises qui décideraient d’exercer leur liberté de choix. Puis vous avez justifié cette discrimination fiscale par votre volonté d’ « inciter les entreprises à adopter des contrats à forte valeur de solidarité ».

Vous attendez de cette mesure que les entreprises suivent massivement la recommandation des branches professionnelles. Ma question est donc très simple : à combien chiffrez-vous le rendement de cette mesure pour le budget de la sécurité sociale ?

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l'amendement n° 146.

M. Gérard Roche. Mme Dini a déjà exposé, au nom du groupe UDI-UC, les raisons qui nous conduisent à proposer la suppression l’article 12 ter, par lequel le Gouvernement entend réinstaurer la clause de désignation.

Pour mémoire, je rappelle que celle-ci avait été instaurée par l’article 1er de la loi de sécurisation de l’emploi, en contradiction totale avec la lettre même de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, que cette loi était pourtant censée transcrire fidèlement.

Une véritable bataille avait été menée au Sénat contre la clause de désignation. Je ne reviens pas sur toutes les raisons de fond qui justifient ce combat : reconfiguration forcée et oligopolistique de l’offre de complémentaire ; situation de conflit d’intérêts pour les partenaires sociaux, qui sont à la fois juges et parties ; méconnaissance du principe de libre concurrence ; pression à la hausse des prix au détriment des assurés et des entreprises ; augmentation des primes pour les non-salariés ; destruction d’emplois…

Lors de l’examen du projet de loi de sécurisation de l’emploi, le Sénat avait obtenu des garanties, mais celles-ci étaient largement insuffisantes puisque, comme cela était prévisible, le 13 juin 2013, le Conseil constitutionnel a censuré la clause de désignation, considérant qu’elle portait atteinte à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle.

Sortie par la porte, voilà que la clause de désignation revient par une petite fenêtre, au sein de ce PLFSS. Certes, il ne s’agit plus de santé, mais de prévoyance. Certes, il n’est plus expressément question de désignation, mais seulement de recommandation, ce qui est conforme à l’ANI. Cependant, il s’agit bien, en réalité, de créer à nouveau une véritable clause de désignation, et cela pour au moins deux raisons.

Premièrement, la branche pourra ne recommander qu’un seul opérateur, et l’on se doute que la plupart des entreprises, surtout les petites, suivront systématiquement la recommandation. En effet, les petites entreprises n’ont pas les moyens de mener une étude de marché pour la couverture prévoyance de leurs salariés ; elles ont autre chose à faire !

Deuxièmement, la recommandation se transformera d’autant plus en désignation que le choix d’un autre organisme assureur sera fiscalement sanctionné : le forfait social sur les cotisations de prévoyance passera de 8 % à 20 % pour les entreprises de plus de dix salariés, et de 0 % à 8 % pour les entreprises de moins de dix salariés. De même que l’article 1er de la loi de sécurisation de l’emploi avait été supprimé au Sénat, avant d’être finalement rétabli, puis censuré par le Conseil constitutionnel, l’article 12 ter du présent PLFSS doit aujourd'hui être supprimé.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 275.

Mme Aline Archimbaud. Dans l’accord national interprofessionnel tel qu’il avait été établi par les partenaires sociaux, la possibilité leur était laissée, au niveau de chaque branche professionnelle, de négocier nationalement avec un organisme d’assurance un contrat de complémentaire santé qui serait ensuite recommandé, c’est-à-dire proposé mais non imposé, aux entreprises de la branche.

Dans le texte du Gouvernement qui visait à transposer cet ANI, a ensuite été ajoutée une clause de désignation qui permet, au contraire, d’imposer le contrat négocié nationalement à toutes les entreprises de la branche.

Ainsi, dans le texte de transposition, trois possibilités étaient laissées à la branche : ne rien faire, recommander ou imposer. Lors de l’examen de ce texte, le Sénat s’était prononcé contre cette disposition, qui avait ensuite été rétablie par l’Assemblée nationale, avant d’être finalement censurée par le Conseil constitutionnel, lequel a, d’un même élan, également censuré des dispositions antérieures à l’ANI. Il était donc nécessaire que le législateur s’empare à nouveau de cette question.

Toutefois, nous nous interrogeons sur la manière dont on procède à ce nouvel examen.

D’abord, nous ne comprenons pas bien pourquoi cette disposition a été introduite par amendement plutôt que dans le texte initial. Il en résulte que, alors que le sujet est délicat, nous ne disposons pas d’une étude d’impact et que l’on est encore une fois fondé à s’interroger sur la constitutionnalité de ce que vous nous proposez. Si, dans cette nouvelle mouture, la désignation a disparu et que seule subsiste la recommandation, le non-respect de cette dernière entraîne une augmentation de douze points du forfait social, ce qui revient bien à faire de la recommandation une désignation.

Il y a, me semble-t-il, une certaine hypocrisie à prétendre que les entreprises conservent leur liberté de choix alors que l’on donne un prix à cette liberté.

Lors de l’examen du projet de loi transposant l’ANI, nous nous étions prononcés en défaveur des clauses de désignation. Or le dispositif que vous nous proposez maintenant est, à notre sens, pire encore puisque disparaît la possibilité de simplement recommander.

Par ailleurs, dans sa rédaction, l’article indique que les garanties collectives devront prévoir « un degré élevé de solidarité ». Si nous souscrivons évidemment à cette volonté, nous nous interrogeons sur le sens juridique de cette formule.

Pour toutes ces raisons, il nous semble que ce dispositif imprécis et potentiellement inconstitutionnel doit être retravaillé. C’est pourquoi nous vous invitons à le supprimer. (M. Jean Desessard applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 304 rectifié.