M. Michel Delebarre, rapporteur. … et que le texte qui est présenté au Sénat cet après-midi n’apportait aucune modification en la matière.

Par conséquent, les amendements qui viennent d’être présentés n’ont pas d’autre objet que de me permettre de déclarer qu’ils en sont dépourvus ! (Nouveaux sourires.)

Je le répète donc, mes chers collègues : il n’y a pas de risques ! Qu’on ne me croie pas, je m’y résigne, tout en le regrettant, mais Mme la ministre elle-même est montée à la tribune pour le répéter avec force au nom du Gouvernement !

Je me tourne vers M. Labbé. Je m’incline, vous avez retiré votre amendement, convaincu par les arguments que nous avons présentés. Cela ne vous a pas empêché de le défendre et de faire écho aux préoccupations dont on vous a fait part sur le sujet. En tout cas, je n’aurai qu’un mot à dire aux auteurs des amendements restant en discussion : écoutez M. Labbé ! C’est la voix du salut ! Et c’est moi qui vous le dis… (Sourires.)

M. Robert del Picchia. Mais ils vont l’écouter !

M. Yvon Collin. C’est la voix de la sagesse !

M. Michel Delebarre, rapporteur. Non, du salut, et elle porte beaucoup plus loin ! (Nouveaux sourires.)

Je demande donc le retrait de ces amendements : suivez M. Labbé, mes chers collègues !

Pour étayer ma demande, je reprendrai tout de même l’un de mes arguments. Richard Yung l’a dit en présentant sa démarche, notre objectif est de faire reculer la contrefaçon et de défendre la production nationale contre ceux qui, à l’heure actuelle, font n’importe quoi à faibles coûts et sans courir de grands risques.

Si le texte issu des travaux du Sénat devait ne pas respecter cette ligne de conduite, notre démarche en serait affaiblie, et les observateurs auraient beau jeu de proclamer que les sénateurs ne savent pas ce qu’ils veulent, eux qui, partis de la défense de la production industrielle nationale s’égarent en chemin sur l’agriculture !

Je fais des efforts, mais cette assemblée est tout de même compliquée à suivre, je tiens à le dire !

Vos préoccupations sont donc prises en considération, chers collègues, et le projet de loi pour l’avenir de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt, qui vient d’être déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale et qui arrivera bientôt au Sénat, nous offrira l’occasion d’aborder ces questions avec précision.

La virginité de ce texte mérite d’être respectée ! (Exclamations amusées.)

Mme Hélène Lipietz. Que c’est beau !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Bricq, ministre. Je voudrais remercier à mon tour le groupe écologiste, singulièrement M. Labbé, qui, après avoir reconnu que son amendement était un cavalier législatif, l’a opportunément retiré.

Quant aux six autres amendements restant en discussion, je ne peux que me répéter, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je vous ai dit quelle était la philosophie de ce texte, prenant même la précaution de préciser que l’amendement de Mme Bonnefoy rappelait, notamment sur les semences de ferme, le droit existant (Mme Nicole Bonnefoy approuve.), qui est issu d’une législation toute récente.

Je vous ai dit que ce débat pourrait être poursuivi et même approfondi lors de l’examen du projet de loi pour l’avenir de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt que viendra défendre ici Stéphane Le Foll.

Je vous ai dit, concernant la production de semences de ferme, que nous appliquions des dispositions spécifiques, révisées par la loi du 8 décembre 2011, qui a mis en conformité le code de la propriété intellectuelle avec les dispositions internationales existantes. Nous reviendrons sur ces points avec l’amendement déposé par Mme Bonnefoy.

M. le rapporteur ne veut pas dévier de l’objectif principal du présent texte. (M. le rapporteur approuve.) Pour autant, je l’ai dit également dans mon explication liminaire, je ne nie pas que c’est un réel sujet, mais, encore une fois, ce débat, vous l’aurez, vous n’en serez pas frustrés, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

M. Michel Delebarre, rapporteur. Bien sûr !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’intervenir à la suite du débat que nous avons eu en commission ce matin.

Je salue tout d’abord le travail considérable accompli par notre ancien collègue Laurent Béteille et par notre collègue Richard Yung sur cette proposition de loi. J’ajoute que nous nous sommes battus en faveur de l’inscription de ce texte à l’ordre du jour du Sénat, et je remercie Mme la ministre de son engagement pour qu’il en soit ainsi également à l’Assemblée nationale, afin que cette proposition de loi traduise à la fois la volonté du Gouvernement et le souhait du Parlement.

Ce qui fait l’urgence de cette loi, mes chers collègues, c’est que nos industries sont pillées !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Oui, l’industrie mécanique, l’industrie électronique, l’industrie textile, tout le secteur de la mode, celui des produits de luxe, mais aussi l’industrie du médicament, et je pourrais continuer la liste, toutes nos industries sont littéralement pillées !

Oui, notre savoir-faire est volé par les acteurs d’un véritable banditisme international qui, sans aucun respect pour nos travailleurs, pour nos cadres, pour nos chercheurs, sévissent aujourd’hui dans le monde, un monde finalement sans règles.

Contre un tel pillage, nous voulons nous défendre et défendre ce qui n’est que justice : lorsque quelqu’un vole, pille et s’en prend à nos salariés, il doit être sanctionné autrement qu’avec des pénalités symboliques ou si faibles qu’il peut s’en moquer éperdument. Songez que certains provisionnent même ces éventuelles pénalités dans leur bilan comptable !

Nous voulons donc instaurer de véritables pénalités pour mettre un frein à la contrefaçon et pour défendre les intérêts de nos salariés.

Je souhaite de tout cœur – et je parle ici devant Mme Nicole Bonnefoy, qui s’est aussi beaucoup investie dans ce combat –, que ce soit le message envoyé par notre assemblée : le Sénat défend les intérêts industriels de la France.

M. Michel Delebarre, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Madame la ministre du commerce extérieur, vous qui parcourez le monde inlassablement pour défendre les produits français, notre savoir-faire, notre rayonnement et notre économie, je pense que vous avez besoin de ce message-là de la part du Sénat et, plus largement, du Parlement.

Mais je m’adresse maintenant à tous les auteurs d’amendements, qui appartiennent à un grand nombre de groupes : mes chers collègues, un engagement ferme est pris – M. Michel Delebarre l’a dit, avec sa faconde et son humour, et Mme la ministre l’a confirmé avec solennité à la tribune – et nous allons vous donner un gage en adoptant l’amendement de Mme Bonnefoy, dont je rappelle qu’il conforte la législation existante aux termes de laquelle la semence de ferme existe et ne peut pas être frappée au titre de la contrefaçon.

Nous nous engageons donc tous à ce que la législation existante soit respectée, garantie, maintenue. C’est clair !

Par la suite, s’il y a des projets de loi sur l’agriculture, et il y en aura, le débat pourra avoir lieu de manière approfondie sur le sujet des semences. Je connais personnellement des agriculteurs qui ont développé des semences pour leur plus grand profit. C’est donc un vrai sujet. Mais, pour l’heure, en retirant ces amendements, vous nous permettrez de revenir au sujet et, ce faisant, de nous battre tous pour les salariés, les cadres, les chercheurs, les dirigeants, les innovateurs de l’industrie française. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe RDSE et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du CRC.)

M. le président. Monsieur Collin, l'amendement n° 18 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Yvon Collin. Tout d’abord, je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’amendements d’obstruction…

M. Michel Delebarre, rapporteur. Non, certes !

M. Yvon Collin. ... qui viseraient à empêcher ou à retarder l’adoption de ce texte. Simplement, nous sommes porteurs, on l’a bien compris, d’un certain nombre de messages.

Et, parce que nous ne nous lassons pas de l’humour de notre collègue Michel Delebarre, parce que nous avons pris plaisir à le voir se battre, et avec quelle conviction, non pas contre nos amendements, mais pour ce texte, au nom de l’intérêt général, nous n’avons pas résisté à la tentation de l’entendre à nouveau. (Sourires.)

Madame la ministre, vos propos nous ont également rassurés. Enfin, Jean-Pierre Sueur a mis en quelque sorte la cerise sur le gâteau et a achevé de nous convaincre.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je vous remercie, mon cher collègue.

M. Yvon Collin. Ces trois engagements vous lient, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, et nous sommes effectivement convaincus que nous aurons satisfaction rapidement sur le point qui nous intéresse aujourd’hui.

C’est donc sans amertume et sans état d’âme que je retire mon amendement, monsieur le président. (Marques de satisfaction au banc des commissions.)

M. le président. L'amendement n° 18 rectifié bis est retiré.

Monsieur Fournier, qu’en est-il de l’amendement n° 1 rectifié ter ?

M. Bernard Fournier. Compte tenu des arguments qui ont été développés par Mme la ministre, par M. le président de la commission des lois et par M. le rapporteur, avec beaucoup d’humour, je retire cet amendement, et ce d’autant plus volontiers que, comme vous le rappeliez, nous allons bientôt entamer l’examen d’un projet de loi sur l’agriculture qui finira de nous conforter sur ce qui nous tient à cœur.

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié ter est retiré.

Monsieur Guerriau, maintenez-vous l’amendement n° 4 rectifié bis ?

M. Joël Guerriau. Dans cette ambiance fort sympathique, un constat s’impose : nous sommes tous d’accord sur le fait que cette proposition de loi a du sens ; nous devons l’approuver et nous ne la remettons aucunement en cause.

Pour autant, une inquiétude a été exprimée, et les propos qui ont été tenus par chacun d’entre nous montrent combien nous sommes conscients que cette inquiétude est fondée. Le débat qui s’ouvre entre nous doit nous permettre de la lever.

Quel est le problème ? Nos agriculteurs redoutent de devoir demain payer pour une semence qu’ils auront eux-mêmes produite, et tout cela pour ne pas être accusés de contrefaçon. On pourrait multiplier les exemples.

Néanmoins, les réponses qui viennent de nous être apportées semblent satisfaisantes, et témoignent en tout cas du très fort intérêt dont fait l’objet cette question. La sagesse comme, je le crois, la confiance qui règnent au Sénat nous conduisent naturellement à retirer cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 4 rectifié bis est retiré.

Monsieur Le Cam, les amendements nos 10 rectifié, 11 rectifié et 13 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Robert del Picchia. Allez, un effort ! (Sourires.)

M. Gérard Le Cam. Ce n’était pas prévu, mais je vais faire un effort : je ne maintiens que l’amendement n° 10 rectifié et je retire les deux autres, ainsi que, je le dis par avance, monsieur le président, l’amendement n° 12 rectifié.

M. le président. Les amendements nos 11 rectifié et 13 rectifié sont retirés.

Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que la commission ainsi que le Gouvernement ont demandé le retrait de cet amendement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 66 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 310
Pour l’adoption 20
Contre 290

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 12 rectifié, présenté par Mme Cukierman, M. Le Cam, Mme Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 623-25 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation, la détention en vue de l’utilisation ou de la mise dans le commerce d’un produit contrefaisant n’engagent la responsabilité de leur auteur que s’il est prouvé que les faits ont été commis en connaissance de cause. »

Cet amendement a été précédemment retiré.

L'amendement n° 22 rectifié, présenté par M. Labbé, Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Avant le chapitre Ier

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La rémunération de la sélection des végétaux et des animaux destinée à l'alimentation et à l'agriculture n'est pas soumise au code de la propriété intellectuelle et fait l'objet de dispositions spécifiques.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Je retire également cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 22 rectifié est retiré.

CHAPITRE IER

Spécialisation des juridictions civiles en matière de propriété intellectuelle

Articles additionnels avant le chapitre Ier
Dossier législatif : proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon
Article 2

Article 1er

Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 615-17, les mots : « aux brevets d’invention » sont remplacés par les mots : « au présent titre » ;

2° Les articles L. 615-18 et L. 615-19 sont abrogés ;

2° bis (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 623-31, après le mot : « instance », sont insérés les mots : « , déterminés par voie réglementaire, » ;

3° (Supprimé)

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.

M. Roland Courteau. Cette proposition de loi, présentée par Richard Yung, prévoit des améliorations nécessaires et attendues. Elle marquera des avancées notables dans le combat que nous menons au quotidien pour l’économie et pour l’emploi de notre pays.

Ne l’oublions pas, la contrefaçon est un fléau qui représente 10 % du commerce mondial. Rien qu’en France, en 2012, les douanes ont saisi 4,6 millions d’articles pour une valeur de 287 millions d’euros.

Quand nous parlons de contrefaçon, nous pensons tous aux marques de luxe. Pourquoi ne pas acheter la copie d’un sac ou d’une paire de lunettes de marque, donc à moindres frais ? L’idée est tentante. Mais force est de constater que cette pratique va bien au-delà et se révèle bien plus dangereuse aussi.

Si la contrefaçon a des conséquences économiques dramatiques, qui se chiffrent au minimum à 250 milliards d’euros dans le monde, et conduit à la perte de 35 000 emplois par an en France, elle met également en jeu des réseaux mafieux, qui voient en elle un trafic moins dangereux et plus rentable que la drogue ou la prostitution, par exemple.

Par ailleurs, la contrefaçon se diversifie désormais tant par les produits contrefaits, qui mettent en danger notre sûreté sanitaire – je pense aux médicaments, aux cosmétiques ou au tabac –, que par les modes de distribution. Internet, notamment, offre une protection bien moindre aux consommateurs.

Même si notre droit réprime déjà durement les atteintes à la propriété intellectuelle, il était plus que temps d’adapter notre législation à ces nouvelles pratiques et de donner aux autorités, en particulier aux tribunaux et aux services des douanes, les moyens juridiques de lutter efficacement contre la contrefaçon.

Traduire dans notre législation les recommandations du rapport d’information de 2011 et harmoniser les règles applicables aux droits de la propriété intellectuelle : voilà ce qui est attendu de nous !

Le problème ne pouvait rester plus longtemps sans réponse. Il appelait une réaction forte du législateur, et je me félicite que le Sénat se soit saisi du sujet et que sa démarche recueille le soutien du Gouvernement.

L’article 1er, et je m’en réjouis, vise à préciser le rôle et à renforcer la spécialisation des tribunaux en matière de propriété intellectuelle. La clarification de la compétence des TGI était primordiale afin de rendre leur action plus efficace et plus lisible.

De plus, le texte initial de notre collègue Richard Yung prévoyait d’attribuer au TGI de Paris une compétence exclusive en matière d’indications géographiques, en particulier en ce qui concerne les appellations d’origine protégée et les indications géographiques protégées.

Je rejoins ici la commission, qui a préféré que cette compétence relève des TGI désignés par voie réglementaire et non pas uniquement de la compétence du TGI de Paris.

Ainsi, nous renforcerons la spécialisation et la formation des magistrats, ce qui est, à mon sens, préférable dans cette situation à la spécialisation des juridictions.

De surcroît, je trouve important que nous insistions sur le caractère éminemment local de ce type d’affaires, qui doivent être traitées par les TGI locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° L’article L. 331-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions qui précédent n’affectent pas la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur les litiges concernant les personnes publiques. » ;

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. La nouvelle rédaction de l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle résultant de l’article 196 de la loi du 17 mai 2011 pourrait, selon certains auteurs, entraîner la compétence judiciaire. Je pense, notamment, à une chronique de Christophe Caron, parue au JCP, Édition générale 2011.

La solution n’est pas certaine, dans un sens ou dans l’autre, même si le tribunal administratif de Paris a, et lui seul, tranché.

Rémi Rouquette, dans la partie Contrats spéciaux du Droit des marchés publics, publié au Moniteur, explique, lui, que la compétence exclusive du TGI pour les actions civiles ne vise justement pas les actions administratives.

Il est possible, aussi, que la compétence du juge judiciaire ne soit fondée que lorsque l’administration est défenderesse à une action extracontractuelle, comme semble le penser Mme Malvina Mairesse dans son article « Contrats publics et propriété intellectuelle : la fin du dualisme juridictionnel ? » publié dans la revue Contrats publics, en 2013.

C’est donc pour préserver la séparation des pouvoirs dans un domaine où l’État est parfois victime d’abus de droit que je présente cet amendement, qui vise à réaffirmer la position du Conseil d’État : la protection du droit d’auteur peut relever des juridictions administratives selon les critères de droit commun, à la seule exception de la compétence exclusive, prévue par le code de la propriété intellectuelle, du président du TGI pour les mesures conservatoires.

Il convient de préciser ce point, qui fait débat au sein non seulement de la doctrine, mais aussi des juridictions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Delebarre, rapporteur. Ah, madame Lipietz, si je me laissais aller… (Exclamations amusées.), je risquerais de vous suivre dans vos interprétations ! Mais ce ne sont que des interprétations !

L’amendement n° 25 paraît affirmer un principe qui ressort de l’évidence juridique avérée : le juge administratif est compétent pour statuer sur les litiges qui concernent les personnes publiques.

On peut s’interroger sur la portée juridique réelle d’une telle disposition, ainsi insérée dans le code de la propriété intellectuelle.

À mes yeux, la jurisprudence est assez convergente sur le point de savoir quelles sont les juridictions compétentes en matière de propriété intellectuelle, singulièrement en matière de droit d’auteur comme en l’espèce, lorsque sont en cause des personnes publiques : ce sont les juridictions judiciaires.

Le principe de bonne administration de la justice peut justifier l’attribution de l’ensemble d’un contentieux à un ordre de juridiction, concernant les personnes publiques. C’est ce qui se produit avec notre texte.

La commission souhaite donc le retrait de cet amendement. À défaut, je devrai me résoudre, presque à regret, à émettre un avis défavorable, ma chère collègue.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Bricq, ministre. Bon sang ne saurait mentir, madame Lipietz, et votre profession d’avocate vous invite à vous pencher sur la doctrine et sur le débat qui peut l’agiter.

L’amendement que vous présentez vise à maintenir la compétence de la juridiction administrative pour les litiges concernant les personnes publiques en matière de droit d’auteur.

Le rapporteur a reconnu une certaine légitimité à votre interrogation, mais la rédaction de l’article L.331-1 relatif aux droits d’auteurs et sur lequel porte votre amendement a été modifiée en 2011 afin d’être alignée sur celle qui est prévue en matière de dessins et modèles depuis 2008. Elle prévoit donc que seuls les tribunaux de grande instance sont compétents. Les mêmes dispositions sont prévues pour les marques.

Le Tribunal des conflits s’est prononcé sur la rédaction prévue pour les dessins et modèles par un arrêt du 2 mai 2011. Il a posé le principe d’une compétence exclusive des juridictions de l’ordre judiciaire dans les contentieux et la responsabilité des personnes morales de droit public.

L’interprétation du Tribunal des conflits doit donc prévaloir, et ce pour tous les droits de propriété intellectuelle, dès lors que la rédaction des textes est identique.

À ce titre, le tribunal administratif de Paris s’est déclaré incompétent en 2011 pour connaître des actes civils et des demandes relatives à la propriété littéraire et artistique.

Ainsi, il ne semble pas opportun de revenir sur la rédaction de l’article L.331-1 et sur la compétence exclusive des tribunaux de grande instance, qui est d’ailleurs nécessaire à l’harmonisation de la jurisprudence.

Donc, à l’instar de la commission, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement. Sinon, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, madame Lipietz ?

Mme Hélène Lipietz. Je le maintiens, car je voudrais qu’il puisse éventuellement être soumis à l’Assemblée nationale (M. Robert del Picchia s’exclame.) et parce que je ne suis toujours pas convaincue.

Je ferai remarquer que la décision du Tribunal des conflits date du mai 2 mai 2011 et que la modification de la loi date 17 mai 2011. Je veux donc pouvoir effectuer certaines vérifications, car la question est extrêmement technique.

Donc, je maintiens cet amendement, même si je sais que, malheureusement, je ne serai pas suivie.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Nicole Bricq, ministre. Je retire cet amendement au profit de l’amendement n° 31 de la commission, qui me paraît de meilleure facture.

M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.

L'amendement n° 31, présenté par M. Delebarre, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Au premier alinéa de l’article L. 615-17, après le mot : « compris », sont insérés les mots : « dans le cas prévu à l’article L. 611-7 ou » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Delebarre, rapporteur. Le présent amendement vise à rendre compatibles l’objectif du Gouvernement – veiller à la mise en place prochaine de la juridiction européenne unifiée du brevet – et le souci exprimé par la commission des lois dans son texte adopté en 2011 et confirmé avec la présente proposition de loi, à savoir clarifier le fait que la compétence exclusive du TGI de Paris en matière de brevets d’invention s’étend bien au cas où l’inventeur est un salarié.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 26, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° L'article L. 615-17 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions qui précédent n’affectent pas la compétence de la juridiction administrative pour statuer sur les litiges concernant les personnes publiques. » ;

La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Je crains que cet amendement ne suscite les mêmes avis que précédemment.

Il porte sur les saisies conservatoires dans les contentieux de marchés publics. Il pourrait y avoir une question préjudicielle, cela a déjà été reconnu, dès lors qu’est en cause l’exécution du livre VI du code de la propriété intellectuelle.

Toutefois, il reste permis de s’interroger sur l’hypothèse où la concession de brevets est incluse dans un marché public. Il est peu probable que le marché lui-même devienne de droit privé car, si la règle sur les brevets est spéciale, la règle sur les marchés l’est encore davantage.

Cependant, la doctrine est hésitante et va même parfois dans le sens de la compétence judiciaire, comme le notent, par exemple, Catherine Blaizot-Hazard ou encore Pierre Potier à l’AJDA 2008, page 352.

C’est la raison pour laquelle je propose de rendre le juge administratif compétent pour les questions préjudicielles, notamment les saisies, le fond pouvant relever du TGI.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Delebarre, rapporteur. Ah, madame Lipietz ! (Sourires.) L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Bricq, ministre. Madame Lipietz, votre pressentiment était bon : les mêmes causes produisant les mêmes effets, je vous demande de retirer votre amendement. Je salue votre opiniâtreté, mais les arguments que j’ai opposés tout à l’heure à votre amendement n° 25 valent pour celui-ci, comme ils vaudront, d’ailleurs pour l’amendement n° 28, que vous défendrez à l’article 4.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, madame Lipietz ?

Mme Hélène Lipietz. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

CHAPITRE II

Dispositions relatives à l’amélioration des dédommagements civils