PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

vice-président

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur Savary, vous avez pu renégocier votre emprunt, c’est fort bien ! Encore faudrait-il que tout le monde puisse le faire… Si l’on a créé ce fonds, c’est pour venir en aide aux collectivités qui ne sont pas en mesure de renégocier leurs emprunts.

Je voudrais évoquer la responsabilité des banques. Nous savons que la plupart d’entre elles – pour ne pas dire toutes ! – ont, à un moment ou à un autre, commercialisé des emprunts structurés.

M. Albéric de Montgolfier. Certaines plus que d’autres !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Certainement, mais cela signifie bien qu’elles y ont toutes eu recours…

Certaines se sont désengagées plus vite que d’autres, mais, au départ, même si ce fut dans des proportions différentes, elles ont pratiquement toutes engagé leur responsabilité.

Or nous sommes mis devant nos responsabilités par la Cour des comptes qui, dans son rapport d’octobre dernier sur les finances des collectivités locales, nous demande de résoudre urgemment la question des prêts et emprunts toxiques. Nous avons trouvé une solution qui – soyons honnêtes ! – est un compromis, car la validation législative ne plaît pas forcément aux collectivités locales, pas plus que la taxe.

Monsieur Doligé, vous avez évoqué le lobbying bancaire. J’ai rarement vu qu’il parvenait à obtenir la création d’une taxe bancaire…

M. Éric Doligé. Je parlais des établissements fautifs !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Laissez-moi parler ! Vous n’allez tout de même pas répondre à ma place.

Je me permettrai donc de contester la qualité de votre lobbyiste bancaire.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est vrai qu’on voit de tout !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous sommes parvenus à une solution de compromis. Elle permet incontestablement de répondre à l’interpellation de la Cour des comptes, qui nous enjoignait de trouver une solution fondée sur la solidarité et la mise à contribution du système bancaire.

Messieurs Doligé et Karoutchi, j’ai entendu vos remarques. Pour être très honnête, elles ne sont pas toutes illégitimes, et vous avez développé des arguments solides.

Néanmoins, il faut se placer du point de vue des pouvoirs publics. La Cour des comptes nous demande de résoudre ce problème qui restait pendant. Or nous ne sommes pas en situation – je le redis – d’élaborer une taxe qui vise uniquement les banques dont le niveau de l’encours des prêts toxiques justifie qu’elles soient taxées.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a préféré mettre en place un dispositif qui repose sur un équilibre. De votre point de vue, et je le comprends, cet équilibre est imparfait. Nous avons essayé de créer un dispositif qui allie solidarité et efficacité, afin de nous débarrasser d’un problème qui existe depuis longtemps et qui pèse sur bon nombre de collectivités locales.

Nous débattrons de nouveau sur ce fonds au moment de l’examen de l’article 60. En attendant, je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de rejeter l’amendement de M. de Montgolfier et d’adopter l’article 23 en l’état.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mes chers collègues, à ce point du débat, je voudrais vous avouer mon scepticisme. S’il n’y avait, d’un côté, que de bons gestionnaires et, de l’autre, que des mauvais, les choses seraient très simples. On incriminerait les mauvais et on essayerait d’éviter que les bons n’aient à payer pour ces derniers.

Néanmoins, dans bon nombre de situations, il est difficile de dire que nous avons affaire à un gestionnaire vraiment mauvais. Il peut être à moitié mauvais ou à moitié bon. Bref, dans la réalité, il y a toutes sortes de situations.

Il peut aussi arriver qu’un bon gestionnaire ait hérité d’un mauvais gestionnaire à la suite d’une alternance à la tête d’une collectivité.

M. Jacques Chiron. À Saint-Étienne, par exemple !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ne citons pas d’exemple particulier, mais ce sont des choses qui arrivent.

Je voudrais, en outre, attirer votre attention sur le fait que la responsabilité de l’État est, me semble-t-il, potentiellement engagée de différentes manières. Si une collectivité ne peut plus faire face à ses obligations, elle sera mise sous tutelle. L’octroi d’une subvention budgétaire est alors sans doute inévitable, comme l’attestent d’assez nombreux exemples dans le passé.

Par ailleurs, si les contentieux à l’égard des banques se multiplient, ils vont sans doute avoir pour conséquence d’accroître leur passif, ce qui peut mettre en péril la solvabilité de telle ou telle banque. Qui sera alors le garant en dernier ressort du système ? L’État ! Certes pas en totalité, mais il ne pourra sortir indemne de cette affaire…

C’est la raison pour laquelle cette question me conduit, mes chers collègues, à faire preuve d’un assez grand scepticisme.

Le Gouvernement aborde le sujet en créant un petit fonds. Il le fait sans connaître véritablement l’ampleur potentielle des dégâts, puisque je n’ai pas trouvé de réel chiffrage du risque. Peut-être cela vaut-il mieux, parce que les chiffres pourraient être tellement effrayants que nous serions tentés de nous occuper d’autre chose !

Je n’ai toujours pas compris si cet effort partagé de 100 millions d’euros par an allait réellement correspondre au besoin qui se concrétisera au fur et à mesure des années qui viennent. J’ai le sentiment que, même si nous mettons le doigt dans une mécanique qui peut s’avérer redoutable,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … ne rien faire et renvoyer les collectivités locales et les banques à leurs responsabilités respectives peut aussi entraîner des conséquences difficiles à assumer.

Mes chers collègues, après avoir entendu les arguments des uns et des autres, je m’abstiendrai sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je souhaiterais apporter deux précisions chiffrées.

D’abord, notre collègue Éric Doligé a évoqué un montant de 1,5 milliard d’euros. Ce chiffre n’a rien à voir avec la réalité ! Il s’agit d’un fonds abondé en 2014 de 50 millions d’euros par l’État et de 50 millions d’euros par les banques. Nous discutons du projet de loi de finances pour 2014. Ce qu’une loi de finances a fait, une autre peut le défaire ! Il n’est aucunement question de 1,5 milliard d’euros.

Ensuite, il ne s’agit pas de faire l’aumône, puisque 55 % du coût de l’indemnité de renégociation restera à la charge des collectivités. C’est donc bien un fonds de solidarité pour une part minoritaire de l’indemnité qu’il sera nécessaire de verser dans le cadre des renégociations.

J’ai entendu certains orateurs dire qu’il fallait que les fautifs assument ! Si c’est là votre vision des choses, soyez rassurés : ceux qui ont « fauté » vont effectivement être sollicités car ils vont devoir payer, je le redis, 55 % de la charge de la renégociation.

L’adoption de cet amendement entraînerait la suppression de ce dispositif. Les conséquences seraient lourdes. En effet, si ce système est, je l’ai dit, très imparfait, notamment sur la question des responsabilités, il permet à tout le moins d’envoyer un signal aux collectivités et aux élus qui les dirigent aujourd’hui, qui ne sont pas forcément ceux qui étaient hier aux responsabilités.

Nous voulons leur montrer la solidarité qui s’exprime aujourd’hui au travers de la discussion au Parlement. Le système bancaire, qui s’est laissé aller à des dérives – même si certaines banques ne peuvent être suspectées –, est sollicité pour abonder pour moitié ce fonds.

Ce dispositif est équilibré. Nous devons donc rejeter cet amendement de suppression de l’article.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le rapporteur général, nous n’avons pas la même mémoire des choses. M. Cazeneuve avait évoqué, me semble-t-il, un fonds abondé par l’État, à hauteur de 50 millions d’euros, et par les banques, pour le même montant, et ce pendant quinze ans. Les chiffres que vous avancez sont-ils les mêmes ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Parfaitement, mon cher collègue !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-379.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 83 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l’adoption 169
Contre 176

Le Sénat n’a pas adopté.

M. Charles Revet. C’est dommage !

M. le président. Je mets aux voix l’article 23.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n°84 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l’adoption 176
Contre 169

Le Sénat a adopté.

Article 23
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2014
Article 23 bis (nouveau)

Articles additionnels après l’article 23

M. le président. L'amendement n° I-110, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 3° du II de l'article 235 ter ZD est abrogé.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous éprouverez sans doute un léger sentiment de flash-back en abordant cet amendement qui nous ramène, il est vrai, quelques mois en arrière, quand, examinant le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, nous avions débattu longuement des activités dites de « tenue de marché » et de leur rôle sur l’économie réelle.

La taxe sur les transactions financières, dont la genèse fut longue et la naissance difficile, est née avec quelques handicaps, dans un contexte de forte résistance des acteurs financiers, qui trouveront toujours les arguments pour justifier le fait qu’il faut leur laisser le champ libre, car leur activité, nous expliquent-ils, est indispensable au financement de l’économie réelle. Permettez-moi ici d’en douter : la finance autocentrée n’a, à ce jour, jamais fait la preuve de son efficacité dans l’économie générale.

En effet, suivant une habitude assez largement ancrée dans notre pays, à peine le principe de la taxe était-il établi que des dispositions étaient prises pour en restreindre l’application. Ainsi, en examinant l’article 235 ter ZD du code général des impôts, on constate qu’ont immédiatement été définis rien moins que douze cas d’exonération, touchant notamment, « aux acquisitions réalisées dans le cadre d’activités de tenue de marché ». Je poursuis la citation : « Ces activités sont définies comme les activités d’une entreprise d’investissement ou d’un établissement de crédit ou d’une entité d’un pays étranger ou d’une entreprise locale membre d’une plate-forme de négociation ou d’un marché d’un pays étranger lorsque l’entreprise, l’entité ou l’établissement concerné procède en tant qu’intermédiaire se portant partie à des opérations sur un instrument financier, au sens de l’article L. 211-1 du même code :

« a) Soit à la communication simultanée de cours acheteurs et vendeurs fermes et compétitifs de taille comparable, avec pour résultat d’apporter de la liquidité au marché sur une base régulière et continue ;

« b) Soit, dans le cadre de son activité habituelle, à l’exécution des ordres donnés par des clients ou en réponse à des demandes d’achat ou de vente de leur part ;

« c) Soit à la couverture des positions associées à la réalisation des opérations mentionnées aux a et b ; ».

Avec de telles dispositions, je ne suis même pas certain que les opérations menées par les traders fassent l’objet d’une imposition !

Le résultat est connu : la taxe, qui devait dégager 1,6 milliard d’euros de rendement, dont 60 millions d’euros pour le compte spécial d’aide au développement, stagne aujourd’hui aux alentours de 700 millions d’euros. C’est une évidence, les milieux de la finance ont pris suffisamment d’importance et de poids – trop, à mon sens - pour influer sur certains choix politiques. Il est simplement regrettable que cela se produise.

Nous souhaitons donc, par cet amendement, procéder à une extension d’assiette de la taxe en retirant du champ des exonérations les opérations pour tenue de marché qui ne sont rien d’autre, le plus souvent, que des opérations pour compte propre. Cela musclera quelque peu le rendement de la taxe sur les transactions financières et la rendra, de fait, plus pertinente.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La taxe sur les transactions financières françaises, qui s’applique aux achats d’actions de grandes sociétés françaises, ne concerne pas, comme vous le soulignez, les opérations dites de « tenue de marché ». Dans ces opérations, la banque agit, en fait, en tant qu’intermédiaire dans le but non pas de répondre à la demande d’un client acquéreur, mais d’assurer la liquidité d’une action sur le marché. Dès lors, la transaction n’est pas effectuée dans un but spéculatif, mais seulement afin de garantir à l’entreprise concernée la liquidité et l’attractivité de son action sur les marchés.

L’exemption actuelle paraît donc parfaitement justifiée à la commission des finances au regard des objectifs de la taxe et, surtout, de la nécessité qu’il y a de préserver la capacité de financement des entreprises sur le marché.

C’est la raison pour laquelle je vous demande de retirer cet amendement, monsieur Bocquet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Même avis !

M. le président. Monsieur Bocquet, l’amendement est-il maintenu ?

M. Éric Bocquet. Je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets donc aux voix l’amendement n° I-110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° I-108, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 235 ter ZD bis du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le III est abrogé ;

2° À la première phrase du IV, le taux : « 0,01 % » est remplacé par le taux : « 0,2 % » ;

II. - Au IV de l'article 235 ter ZD ter du même code, le taux : « 0,01 % » est remplacé par le taux : « 0,2 % ».

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Cet amendement s’attaque à l’une des pratiques les plus discutables des établissements de crédit sur la grande toile des marchés financiers reliés par la cybernétique : la pratique de l’ordre répété à haute fréquence. Des économistes de plus en plus nombreux reconnaissent d’ailleurs aujourd’hui combien elle est contestable. Cette pratique représenterait, nous dit-on, 50 % des transactions financières de par le monde.

Notre législation, depuis la loi de finances rectificative de mars 2012, a introduit une taxe sur les opérations de ce type, à haute fréquence. Cette taxe avait, en quelque sorte, été portée par l’ancienne équipe gouvernementale qui tentait de faire amende honorable après les multiples cadeaux fiscaux qui avaient pu être distribués entre 2007 et 2012. Le rendement de cette taxe ne semble pas spectaculaire et, en six mois, il s’est élevé à 198 millions d’euros, victime d’une assiette plutôt mal conçue et d’un taux particulièrement faible.

Notre amendement porte non pas sur l’assiette, comme pour la taxe sur les transactions financières, mais sur le taux, en vue de rendre cette taxe bien plus opératoire et efficace.

La hausse proposée est certes sérieuse et significative, mais, dans l’état actuel des comptes publics, les marchés financiers peuvent, me semble-t-il, payer leur écot et contribuer ainsi aux efforts demandés à tous les Français.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement est en partie satisfait. L’existence de la taxe sur le trading à haute fréquence, même si son taux est très bas, suffit à ne plus rendre profitable ce type de transactions. On peut dès lors penser que cette taxe a atteint son but.

Quant à la taxe sur les CDS souverains à nu, elle n’était que temporaire, puisque ceux-ci sont désormais interdits par le droit européen.

Dans ces conditions, je sollicite, là encore, le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Vous proposez de fixer le taux de la taxe sur le trading à haute fréquence et de celle sur les contrats d’échanges sur défaut d’un État à 0,2 %, au lieu du taux actuellement applicable de 0,1 %, afin de renforcer la lutte contre la spéculation financière.

Vous souhaitez également supprimer l’exonération de taxe dont bénéficient les activités de tenue de marché, qui donnent lieu, comme vous le savez, à des opérations de haute fréquence.

Le Gouvernement partage totalement la volonté qui est celle des sénateurs de lutter contre la spéculation. Cependant, l’alignement de taux que vous proposez n’est pas, selon nous, nécessaire.

S’agissant des opérations de trading à haute fréquence, compte tenu des très faibles marges qu’elles dégagent et de la concurrence européenne dans ce secteur, le taux de 0,01 % a spécifiquement été fixé pour dissuader ces opérations, qui n’apportent pas au marché une liquidité stable et utile. Il ne semble donc pas nécessaire de multiplier ce taux par vingt.

En outre, les traders à haute fréquence qui n’ont pas une position nulle en fin de journée sont taxés sur les acquisitions d’actions au taux de 0,2 %.

Les deux taxes, sur le trading à haute fréquence et sur les acquisitions de titres, se combinent donc pour réduire certaines activités spéculatives.

Par ailleurs, les activités de tenue de marché effectuées dans le cadre d’opérations de haute fréquence ont pour objet d’apporter de la liquidité au marché et de limiter la volatilité des cours. Ces activités sont donc utiles et légitimes, ce qui requiert de les exonérer de la taxe.

Quant aux contrats d’échange sur défaut d’un État, je vous précise que l’Union européenne a interdit depuis le 1er janvier 2012 aux investisseurs d’acheter ces produits lorsqu’ils ne détiennent pas de titres de dette correspondants. Il n’est donc pas davantage nécessaire de modifier le taux de la taxe.

Par ailleurs, la France s’est fortement engagée à ce que les travaux communautaires visant à mettre en œuvre une taxe sur les transactions financières au niveau européen aboutissent rapidement au travers d’une coopération renforcée.

Dans ces conditions, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, je ne pourrai émettre un avis favorable.

M. le président. Monsieur Bocquet, l'amendement n° I-108 est-il maintenu ?

M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Je veux juste rappeler à mon collègue Éric Bocquet l’innovation que nous avons introduite à l’occasion du récent examen du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, innovation à laquelle, d'ailleurs, le Gouvernement s’était montré favorable.

Je ne rentrerai pas dans les détails, mais vous savez que le trading à haute fréquence se caractérise par l’envoi de très nombreux ordres d’achat que l’on annule immédiatement, ce qui sème le trouble. Pour limiter ces abus, nous avons introduit une pénalisation par ordre d’annulation d’opération.

Ce dispositif me semble assez complet pour limiter le trading à haute fréquence.

Dès lors, monsieur Bocquet, je ne suis pas sûr qu’il faille multiplier par vingt le taux de la taxe sur les opérations à haute fréquence.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-108.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-109, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 23

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le IV de l’article 235 ter ZE du code général des impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« ... – Cette taxe n’est pas déductible pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. À l’instar d’autres amendements que nous avons présentés par le passé, cet amendement vise à rendre la taxe de risque systémique à laquelle sont assujettis les établissements de crédit non déductible de l’impôt sur les sociétés.

Cette sorte de « contribution solidaire généralisée » existant entre les banques de notre pays doit participer de leur effort citoyen dans la prévention des crises financières que leur comportement suscite souvent.

De plus, depuis 2008, nos compatriotes sont suffisamment attentifs à la situation économique et financière de notre pays pour souscrire à la nécessité de mettre l’ensemble des acteurs concernés à contribution au titre de la prévention et, peut-être, de la résolution des problèmes.

La taxe systémique, c’est l’instrument collectif que les établissements de crédit utiliseront, soit pour venir au secours d’un établissement en difficulté, soit pour résoudre la crise qui les touche tous. La non-déductibilité, pour l’établissement de l’impôt sur les sociétés, de leur apport à la caisse commune n’aura comme équivalent que la pleine efficacité de celle-ci quand elle sera sollicitée.

Mes chers collègues, monsieur le ministre, de nombreux observateurs de l’activité financière et économique s’accordent aujourd'hui pour dire que tous les ingrédients d’une nouvelle crise financière, d’une nouvelle bulle, sont réunis et que nous pourrions plonger, demain, dans une autre récession.

Les État auront-ils alors la capacité de juguler cette nouvelle crise mortifère ? Il est, selon nous, urgent d’agir !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La taxe de risque systémique vise à limiter la prise de risque par les établissements de crédit.

Des amendements ayant le même objet avaient été votés par le Sénat en 2011 et en 2012. Toutefois, en 2012, le rejet du projet de loi de finances ne nous avait pas permis de défendre cette disposition en commission mixte paritaire.

L’amendement tend à rendre cette taxe non déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

Or il convient de souligner que, depuis l’an passé, plusieurs initiatives ont été prises.

D’une part, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires a créé, au sein du fonds de garantie des dépôts, un fonds de résolution, qui devra être alimenté par les banques à hauteur de 10 milliards d’euros en dix ans, soit un milliard d’euros par an.

De plus, aux termes de l’article 23, que nous venons d’adopter, la taxe de risque systémique verra son taux augmenter, ce qui aura pour effet d’en accroître le produit de 50 millions d’euros, à la charge des banques.

Je comprends les intentions des auteurs de cet amendement ; j’avais d’ailleurs donné un avis favorable, l’an passé, à un amendement ayant le même objet. Néanmoins, au regard des évolutions que je viens de signaler et de l’effort important déjà demandé aux banques, dans un contexte d’accroissement des contraintes prudentielles, il serait contre-productif d’alourdir encore la charge pesant sur le secteur bancaire.

Dès lors, la commission des finances sollicite le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Gouvernement sollicite lui aussi le retrait de l’amendement.

Je veux en profiter pour énoncer les préoccupations du Gouvernement en ces matières.

Monsieur Bocquet, nous sommes absolument conscients que le désordre bancaire et financier constaté au milieu des années deux mille est la raison de la crise. La reconstitution de l’histoire conduit aujourd'hui à incriminer les États et à dénoncer les dettes souveraines comme la raison de son déclenchement. Or, j’y insiste, les dettes souveraines sont la conséquence, et non la cause de la crise ! C’est parce que les États ont été dans l’obligation de soutenir l’activité économique après que le système financier se fut déréglé que les dettes souveraines ont augmenté.

La France a joué un rôle majeur dans la mise en place d’un système de supervision bancaire, en particulier depuis le mois de mai 2012. Ce « Mécanisme de surveillance unique » et le « Mécanisme de résolution unique » des crises bancaires permettent la mutualisation des difficultés auxquelles le système financier peut être confronté. Ils constituent deux des trois piliers de l’Union bancaire, ce qui rend le système de supervision efficace.

En outre, la taxe de risque systémique, qui alimente un fonds de résolution, a été instituée et son taux a été relevé. Monsieur Bocquet, ce n’est pas en augmentant le taux de cette taxe, qui risque, par ailleurs, d’obérer la compétitivité de l’industrie bancaire – des activités, des emplois et des savoir-faire sont en jeu – que nous parviendrons à être plus efficaces dans la régulation de la finance, c’est en confortant l’Union bancaire !

C’est pourquoi je ne suis pas favorable à cet amendement.

M. le président. Monsieur Bocquet, l'amendement n° I-109 est-il maintenu ?

M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-109.

(L'amendement n'est pas adopté.)