M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, sur l'article.

M. Thani Mohamed Soilihi. J’interviens au nom de notre collègue Jacques Cornano, qui a dû s’absenter.

La réforme des chambres de commerce et d’industrie, initiée par la loi du 23 juillet 2010, a notamment eu pour objectif de permettre au réseau des CCI d’assurer une gestion plus économe de son fonctionnement en procédant à la mutualisation à l’échelle régionale d’un certain nombre de missions opérationnelles et de fonctions supports, auparavant réalisées à l’échelon départemental. Or les CCI des départements d’outre-mer, situées dans des régions monodépartementales, se trouvent dans l’impossibilité de mettre en œuvre de telles mutualisations.

La réforme de la taxe professionnelle a conduit à faire sortir, par les différents mécanismes de plancher, de plafonnement de la valeur ajoutée et de dégrèvements, un certain nombre de PME et TPE de la CVAE et donc de la TACVAE. Ainsi, les CCI des DOM accusent une diminution substantielle de leurs ressources fiscales affectées, compte tenu de la particularité de leur tissu économique principalement composé de TPE et de PME.

L’article 34 du présent projet de loi prévoit un prélèvement au profit du budget général de 170 millions d’euros sur les ressources affectées en 2014 au fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie régionales, alimenté par la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Si les CCI des DOM sont tout à fait disposées à apporter leur contribution aux mesures de modération fiscale, l’application d’une nouvelle baisse, estimée à 20 %, de leurs recettes fiscales, les mettrait en très sérieuse difficulté, car elles ne peuvent, je le répète, bénéficier de l’impact d’économie de la réforme de juillet 2010 et perdent, dans le même temps, la gestion des ports et des aéroports.

Pour ces raisons, je souhaiterais que soit adopté l’amendement n° I-243 de mon collègue Georges Patient, dont le dispositif n’induit aucun coût supplémentaire pour le budget de l’État, le prélèvement de 170 millions d’euros étant supporté par les vingt-deux autres CCIR de métropole.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° I-380 est présenté par M. de Montgolfier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° I-465 est présenté par MM. Zocchetto, Merceron, Delahaye, Maurey et Guerriau, Mme Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour présenter l’amendement n° I-380.

M. Albéric de Montgolfier. L’article 34 instaure un prélèvement exceptionnel sur les recettes des chambres de commerce et d’industrie.

Si un effort doit être fourni, il doit porter d’abord sur le budget de l’État, non sur celui d’organismes ayant une mission particulièrement importante en cette période de graves difficultés économiques. C’est la raison pour laquelle les auteurs de cet amendement proposent de supprimer l’article 34, qui risque d’affaiblir les CCI dans l’accomplissement de leurs missions.

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° I-465.

M. Vincent Delahaye. Le présent amendement a en quelque sorte déjà été présenté lorsque j’ai défendu le rôle incontournable des chambres de métiers et de l’artisanat en matière d’accompagnement économique.

Le cadre législatif est différent, mais la problématique est la même : l’article 34 prévoit un prélèvement exceptionnel sur les ressources de ces chambres. Nous avions eu un débat de même nature l’an dernier, à propos du Centre national du cinéma et de l’image animée.

À la différence du CNC, qui demeure dans une situation financière assez confortable, les chambres de métiers me semblent davantage fragilisées par la situation économique générale, tant dans leurs ressources que dans l’accomplissement de leurs missions. Dans un tel contexte, peut-être faudrait-il, monsieur le ministre, songer à un moratoire sur ce prélèvement.

Tel est le sens de cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission est défavorable à ces deux amendements identiques. Je rappelle que si l’article 34 prévoit effectivement un prélèvement de 170 millions d’euros, soit 12 % du montant des recettes fiscales affectées au réseau des CCI, il prévoit aussi le reversement de 100 millions d’euros aux entreprises.

Ce montant de 100 millions d’euros est issu du produit de la taxe, qui excédera le plafond instauré à l’article 31, dont nous avons déjà amplement débattu. En supprimant l’article 34, vous supprimeriez ce reversement aux entreprises, ce qui serait un peu surprenant venant de votre part…

J’ajoute que le principe de réduction et de contrôle du montant des taxes affectées aux opérateurs et établissements publics administratifs, à l’instar des CCI, est vertueux. La majorité précédente l’avait déjà instauré en 2010, lors de la réforme des réseaux consulaires.

La commission des finances a déposé un amendement n° I-16 rectifié, qui tend à ce qu’une trajectoire triennale des ressources fiscales des CCI soit clairement définie, ce qui permettra d’apporter prévisibilité et sécurité sur une période de trois ans. Pourquoi ne pas vous y rallier ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Gouvernement souhaite le retrait de ces deux amendements identiques, au profit de celui de la commission.

M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.

M. Albéric de Montgolfier. J’ai un peu de mal à comprendre : la version du projet de loi de finances transmise par l’Assemblée nationale prévoit déjà qu’« une trajectoire financière triennale est définie en 2014 entre l’État et le réseau des chambres de commerce et d’industrie pour la période 2015-2017. »

Pourquoi se rallier à un amendement dont le dispositif existe déjà ?

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. En plus du rôle de développement économique souligné par Albéric de Montgolfier, les CCI jouent un rôle important en matière d’aménagement du territoire, aux côtés des collectivités.

Par ailleurs, elles financent largement les grandes écoles de commerce, dont les droits d’inscription sont relativement élevés. Ne mettons pas en péril ces écoles, qui offrent des débouchés professionnels à nos enfants, en les privant des subventions des CCI ! Cela ne pourrait qu’aboutir à une augmentation des frais de scolarité, à l’encontre de l’objectif de mixité sociale.

La prévisibilité sur trois ans permettrait effectivement aux CCI de mieux s’organiser. Nous sentons bien que la prise de conscience locale a lieu, mais que la régionalisation vers laquelle il faut tendre peine à s’instaurer. Or ce n’est pas en imposant des contraintes budgétaires que nous y parviendrons.

Mieux vaut, en plus de la voie triennale, engager des discussions permettant d’aboutir à une rationalisation des coûts profitable non seulement aux entreprises elles-mêmes, mais aussi aux partenariats avec les collectivités.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le dispositif que nous mettons en place dans le cadre des chambres de commerce et d’industrie n’est pas une punition. Nous disons simplement aux réseaux consulaires, qui disposent d’une trésorerie de 1,8 milliard d’euros, que la situation dans laquelle nous nous trouvons nous impose de procéder à des économies en dépenses significatives, ainsi qu’à une diminution du plafond des taxes affectées. L’argent public est rare, et tous les opérateurs de l’État doivent contribuer à l’effort.

Je vous rappelle tout de même qu’une très grande partie de ces opérateurs ont vu leurs dépenses de fonctionnement augmenter de 15 % durant le précédent quinquennat. Or, dans le projet de loi de finances que le Gouvernement vous présente, le budget des opérateurs diminue de 4 %.

Vous souhaitiez des économies en dépenses et vous doutiez qu’elles existent, je vous indique où elles se trouvent !

Par ailleurs, comme il ne s’agit pas d’une punition, je le répète, nous devons donner aux chambres de commerce de la visibilité sur la trajectoire dans laquelle nous nous engageons. Nous souhaitons en effet que les chambres de commerce et d’industrie s’inscrivent dans une dynamique d’économies les conduisant à se réorganiser et donc à effectuer moins de prélèvements sur les entreprises de leur ressort territorial. Tout cela est donc cohérent.

Une trajectoire financière triennale a d’abord été proposée. L’amendement déposé par M. le rapporteur général tend, quant à lui, à concentrer le dispositif, pour en faire une trajectoire triennale fiscale. À mon sens, cette solution permettra une gestion plus fine.

Vous le voyez, il n’y a pas de lieu de s’inquiéter : vous souhaitez des économies en dépenses, nous les faisons. Vous souhaitez que les entreprises paient moins de taxes : notre action doit conduire les chambres à opérer moins de prélèvements sur les entreprises. Vous souhaitez que le système soit lisible dans le temps : nous vous en offrons l’occasion.

Pour toutes ces raisons, vous devez pouvoir voter ce dispositif.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Ces deux amendements tendent à soutenir les chambres de métiers et de l’artisanat ainsi que les CCI territoriales, qui sont importantes pour la défense du monde rural.

Les entreprises souffrent beaucoup. Les chambres consulaires jouent donc un rôle essentiel pour aider les petites entreprises, notamment dans le secteur du commerce et de l’artisanat.

Je peux comprendre les positions de M. le rapporteur général et de M. le ministre sur la trajectoire triennale, même si cette notion n’est pas aisée à interpréter. Les finances publiques sont en effet un domaine compliqué, très technique, qui requiert de la pédagogie. Nous sommes donc toujours extrêmement vigilants quand il s’agit de mesures qui pourraient pénaliser les chambres consulaires. C’est pourquoi je soutiendrai ces deux amendements, qui traduisent une inquiétude partagée.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-380 et I-465.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° I-243, présenté par MM. Patient, Cornano, J. Gillot, Desplan et Antiste, Mme Claireaux et MM. S. Larcher, Tuheiava, Mohamed Soilihi, Antoinette et Vergoz, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce prélèvement ne s’applique qu’aux chambres de commerce et d’industrie de région comprenant plus d’une chambre de commerce et d’industrie territoriale dans leur circonscription.

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement vise à exonérer les CCI des départements et régions d’outre-mer, qui ont la particularité d’avoir une circonscription régionale coïncidant avec la circonscription départementale, du prélèvement prévu à l’article 34.

Cette exonération, qui ne modifie pas le montant total du prélèvement, vise à atténuer l’impact de la diminution de la ressource affectée, afin de permettre aux CCI des départements et régions d’outre-mer de poursuivre, dans la mesure du possible, les efforts qu’ils déploient en vue de renforcer la compétitivité de leurs entreprises et l’attractivité de leurs territoires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement en faveur des DOM mérite attention.

Lorsque la réforme des CCI a été lancée en 2010, avec pour objectifs la mutualisation des services afin de réaliser des économies d’échelle, il apparaissait déjà évident que les CCI des DOM ne pourraient pas dégager de marges de manœuvre par la fusion de chambres ou de services. Il s’agit en effet de CCI régionales « monocamérales ».

En l’espèce, l’exonération du prélèvement porterait sur 3,7 millions d’euros, soit 2,2 % du prélèvement total, à répartir entre toutes les autres chambres. Aussi peut-on considérer que les motifs de cette demande d’exonération sont tout à fait recevables. C’est toutefois à la lumière de vos propres appréciations, monsieur le ministre, que la commission émettra un avis définitif, même si elle pensait s’en remettre à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, nous connaissons bien la situation des outre-mer, et nous sommes attentifs au contexte qui prévaut dans chaque territoire.

Comme vous le savez, la situation des chambres de commerce et d’industrie ultramarines est très variable selon les territoires. Certaines sont dans une situation saine, voire florissante – je pense par exemple à la chambre de commerce et d’industrie de La Réunion – et disposent d’un fonds de roulement suffisant pour absorber le prélèvement exceptionnel demandé. D’autres, au contraire, éprouvent des difficultés réelles. C’est notamment le cas, vous l’avez souligné, de la chambre de commerce et d’industrie de la Guyane. Ces difficultés sont liées non pas au prélèvement sur le fonds de roulement, mais à un contexte spécifique, qui résulte notamment de l’impact sur les ressources de la CCI de la réforme portuaire, qui n’est pas sans conséquence sur une chambre dont le financement était assuré, pour partie, par les excédents résultant de l’activité du port.

Pour autant, du fait de l’hétérogénéité des situations qui prévalent outre-mer, il n’y a pas de raison de mettre en place une règle d’exception, ou d’exemption, pour tout l’outre-mer, qui viendrait d’ailleurs peser injustement sur les CCI de métropole. Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement. En contrepartie, je m’engage, avec Mme Pinel et M. Lurel, à accompagner la CCI de Guyane, à laquelle nous sommes très attentifs, pour trouver, avec elle, une solution.

M. le président. Monsieur Mohamed Soilihi, l’amendement n° I-243 est-il maintenu ?

M. Thani Mohamed Soilihi. Je ne suis pas le premier signataire de cet amendement, mais je pense que, si M. Patient avait été présent, les propos de M. le ministre l’auraient convaincu de le retirer.

M. le président. L’amendement n° I-243 est retiré.

L’amendement n° I-16 rectifié, présenté par M. Marc, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Rédiger ainsi cet alinéa !

IV. - L’État et le réseau des chambres de commerce et d’industrie définissent, au cours de l’année 2014, la trajectoire triennale pour la période 2015-2017 des ressources fiscales prévues par l’article 1600 du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement, que nous venons d’évoquer, vise à préciser les dispositions introduites par l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement, qui tendent à la conclusion d’une trajectoire triennale des ressources financières du réseau consulaire, en fixant le périmètre de cet accord aux seules recettes fiscales résultant de la taxe pour frais de chambre de commerce et d’industrie, prévue par l’article 1600 du code général des impôts.

Sur les quelque 3,9 milliards d’euros de recettes globales des CCI, le montant de la taxe affectée représente moins de 1,3 milliard d’euros, soit le tiers. Pour le reste, les chambres de commerce et d’industrie bénéficient de recettes propres et de subventions versées par les collectivités territoriales et l’Union européenne.

Cet amendement tend donc à offrir une sécurisation supplémentaire à la trajectoire triennale, en laissant de côté les recettes autres que fiscales. Cette précision me semble donc bonifier le dispositif d’origine, promu par le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’Assemblée nationale a adopté une disposition visant à ce qu’une trajectoire financière triennale soit définie entre l’État et le réseau des chambres de commerce et d’industrie en 2014. J’ai déjà indiqué que nous étions favorables à ce que cette trajectoire soit « fiscale ». Cela permettra de mener un travail plus approfondi et offrira aux CCI toutes les garanties nécessaires. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Conclure une trajectoire sur trois ans me paraissait aller vers plus de rationalisation et de visibilité. Cependant, à lire le rapport de la commission des finances, on s’aperçoit que le budget des CCI provient à 35 % de la taxe pour frais de chambres ; c’est la part concernée par cet amendement. Pour le reste, le budget des CCI se répartit entre les ressources propres, pour 52 %, et les contributions publiques, pour 13 %.

Dès lors, si les CCI estiment avoir besoin de moyens supplémentaires pour mener à bien leurs actions et si elles ne peuvent plus jouer sur la taxe, fixée pour trois ans, elles pourront être tentées d’augmenter leurs ressources propres ou de se tourner vers les collectivités territoriales pour bénéficier de nouvelles subventions. Le gain, à l’échelle des finances publiques dans leur ensemble, serait nul.

Cette trajectoire triennale fiscale est donc une solution possible, même si ce n’est pas celle que nous avions prévue initialement. C’est pourquoi je m’abstiendrai sur cet amendement, même s’il promeut le contrat, le partenariat, et donc la concertation, car il tend, me semble-t-il, à brider les finances des CCI.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-16 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 34, modifié.

(L’article 34 est adopté.)

Article 34
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2014
Article 34 bis (nouveau) (interruption de la discussion)

Article 34 bis (nouveau)

Le second alinéa du B de l’article L. 311-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est supprimé.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Depuis 2009, les taxes dues par les personnes étrangères vivant en France, au titre de leur séjour, n’ont cessé d’augmenter, dans des proportions chaque année plus importantes. Aujourd’hui, la délivrance d’une première carte de séjour d’un an peut coûter jusqu’à 600 euros.

L’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, est financé à 80 % par les taxes payées par les personnes étrangères. Or ce n’est pas aux personnes qui viennent tout juste d’obtenir un titre de séjour de financer une agence du ministère de l’intérieur, censée mener une politique d’intégration en faveur des personnes en situation régulière.

Le plus scandaleux est que ces personnes sont contraintes de payer 50 euros, uniquement pour déposer un dossier en préfecture. Si la demande est refusée ou si la personne est expulsée, aucun remboursement, bien sûr, n’est envisagé. Rappelons-le pourtant, demander un titre de séjour pour une personne étrangère sans papier est un droit, mais c’est surtout une obligation. Or nous parlons de personnes connaissant des situations souvent précaires et fragiles, qui ne peuvent travailler tant qu’elles n’ont pas de titre de séjour, et qui rencontrent de nombreuses difficultés sociales et financières.

L’initiative du précédent gouvernement, à laquelle je viens de faire référence, a été contestée par une trentaine d’organisations en 2012. Après les élections de la même année, le Gouvernement s’est contenté de baisser cette taxe, qui est ainsi passée de 110 euros à 50 euros. Comme souvent en matière de politiques migratoires, la balance ne penche pas du côté des personnes concernées.

Le projet de loi de finances pour 2014 entérine cette logique de dissuasion des personnes en situation irrégulière, pour tenter de diminuer le nombre de dossiers à traiter en préfecture. Mais ce pari n’est pas le bon, mes chers collègues, puisqu’il impose de fait la clandestinité aux plus précaires, qui ne peuvent pas s’acquitter des fameux 50 euros. L’accès à l’administration doit rester gratuit. Tel est l’objet de notre amendement n° I-39.

Dans le même objectif, l’amendement n° I-40 tend à réduire le montant des taxes qui doivent être acquittées pour la délivrance, le renouvellement ou le duplicata d’un titre de séjour, en complétant les dispositions du A de l’article L. 311-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatives aux cas pour lesquels le montant est ramené à 55 euros et 70 euros. Cet amendement tend notamment à ajouter à ces dispositions les cartes de séjour « vie privée et familiale », délivrées en application des articles L. 313-11, L. 313-14 et L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Dans la même logique – je ne sais si nous pourrons en discuter ce soir –, l’amendement n° I-41 tend à réduire le montant total des taxes dues par les personnes étrangères vivant en France, au titre de leur séjour. Selon nous, il y va d’un principe fondamental : la gratuité de l’accès au droit et à l’administration.

Ne précarisons pas davantage ces personnes en les renvoyant dans des zones, dont nous n’avons d’ailleurs pas forcément connaissance, de non-dit, donc de non-droit. Il faut au contraire les protéger et les accompagner dans leurs démarches. Au demeurant, il restera à avoir un débat sur la conclusion de ces démarches. Mais commençons par ne pas en restreindre l’accès !

M. le président. L'amendement n° I-172, présenté par MM. Yung et Leconte et Mme Lepage, est ainsi libellé :

I. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – L’article L. 211-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... – La perte de recettes résultant pour l’Office français de l’immigration et de l’intégration du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

... – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. J’ajoute aux propos de notre collègue Cécile Cukierman qu’il est très difficile pour des personnes en situation de précarité d’obtenir un titre de séjour dont le coût est, comme c’est souvent le cas, supérieur à 500 euros. Une telle politique a été mise en place à partir de 2009, et un certain nombre de taxes ont augmenté dans le projet de loi de finances pour 2012. Or cela n’a pas eu les résultats escomptés en termes de progression des recettes de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. En effet, comme notre collègue l’a souligné, les montants étaient tellement dissuasifs que les demandes ont diminué.

Ce constat interpelle à deux titres : d’une part, quelle est l’efficacité fiscale de taxes dont le produit est inférieur aux recettes espérées ? D’autre part, peut-on vraiment mener une politique d’intégration ambitieuse en la faisant financer à 80 % par les personnes qui souhaitent être régularisées ?

Avec mes collègues Richard Yung et Claudine Lepage, nous avons déposé des amendements tendant à limiter les coûts de régularisation et taxes, au nom de l’efficacité fiscale et de la justice en matière d’immigration. C’est le sens de l’amendement n° I–172, qui vise à supprimer la taxe perçue en faveur de l’Office français pour l’immigration et l’intégration lors d’une demande de validation d’une attestation d’accueil.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. D’après les évaluations, la taxe en question devrait rapporter quelque 7,5 millions d’euros. Sa suppression mettrait donc en péril le budget de l’opérateur. De plus, elle est acquittée par l’hébergeant en France, et non par l’étranger. Elle ne vient donc pas s’ajouter aux autres taxes acquittées par le même contribuable.

La commission demande donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Monsieur Leconte, l'amendement n° I–172 est-il maintenu ?

M. Jean-Yves Leconte. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I–172 est retiré.

L'amendement n° I-341, présenté par MM. Yung et Leconte et Mme Lepage, est ainsi libellé :

I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...- Au deuxième alinéa de l’article L. 311-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le taux : « 55 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

... – La perte de recettes résultant pour l’Office français de l’immigration et de l’intégration du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

... – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement a le même objet que l’amendement précédent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Là encore, la commission sollicite le retrait de cet amendement, dont l’adoption déséquilibrerait le budget de l’OFII.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Monsieur Leconte, l'amendement n° I–341 est-il maintenu ?

M. Jean-Yves Leconte. Non, je le retire, monsieur le président. Je formule toutefois deux observations.

La première porte sur l’efficacité de la taxe. L’augmentation décidée en 2012 n’a pas eu les effets escomptés sur les recettes. Il n’est donc pas certain que nous aurions aujourd'hui des pertes de recettes en adoptant le taux que je propose.

M. Jean-Yves Leconte. La seconde observation concerne la politique de l’immigration et de l’intégration : faut-il la faire financer principalement par ceux qui sont les premiers concernés et qui sont, de surcroît, bien souvent en situation précaire ?