M. Claude Dilain, rapporteur. Heureusement !

M. Michel Bécot. … que celle-ci existe ou non – à mon avis, elle doit déjà exister ! –, vous ne contribuez pas vraiment, monsieur le ministre, à lever les doutes sur le choix des critères permettant d’identifier les quartiers prioritaires.

Une autre disposition nous semble relever d’une volonté de simplification : la suppression de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, dont les activités seront transférées à l’État au plus tard le 1er janvier 2015.

Viennent ensuite les contrats de ville, prévus à l’article 5. Il semble que le cadre dans lequel ils s’inscrivent soit pertinent, parce que complémentaire des quartiers prioritaires. Simplement, l’articulation entre ces contrats et le pacte financier et fiscal de solidarité visant à réduire les disparités de charges et de recettes entre les communes, prévu à l’article 9, ne me paraît pas très claire.

On se demande, notamment, en quoi ce pacte différera de la dotation de solidarité communautaire prévue en cas d’absence de pacte financier et fiscal de solidarité. Peut-être le ministre pourra-t-il nous apporter des précisions sur l’utilisation de ce pacte ?

Une autre précision s’impose : quelle est la valeur ajoutée de la convention intercommunale prévue à l’article 5 ter, qui doit traiter des enjeux en matière de logement et d’hébergement, par rapport aux contrats de ville ? Là encore, les termes du projet de loi me semblent évasifs.

Dans la continuité de ces dispositions, l’article 8 traite du pilotage intercommunal de la politique de la ville. Or je ne sais pas comment doit se comprendre la lecture concomitante des articles 5 et 8.

En effet, l’article 5 dispose que ces contrats de ville seront pilotés à l’échelle de l’intercommunalité. D’accord ! Mais alors, pourquoi intégrer, à l’article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales, la politique de la ville dans la liste des sujets parmi lesquels les communautés de communes doivent exercer au moins une compétence puisque, de facto, par les contrats de ville, elles seront compétentes en la matière ?

M. Claude Dilain, rapporteur. C’est le contraire !

M. François Lamy, ministre délégué. Il faut qu’elles soient compétentes pour signer des contrats !

M. Michel Bécot. Vous me répondrez sur ces questions, monsieur le ministre…

Pour conclure, je considère qu’un débat peut être engagé sur la question de savoir s’il est pertinent que les contrats de ville relèvent de la compétence intercommunale. Cette interrogation est d’autant plus légitime que le texte lui-même prévoit un régime dérogatoire pour les contrats de ville d’Île-de-France, et peut-être pour toutes les autres métropoles.

Un mot, enfin, sur la mise en place du conseil citoyen, qui doit associer les habitants à l’élaboration et à la mise en œuvre des contrats de ville.

Nous invitons à la prudence quant à une association excessive des habitants qui, de fait – et nous les comprenons ! –, ne sont pas toujours enthousiastes avant les réhabilitations ; ce sont pourtant les mêmes qui manifesteront un niveau de satisfaction très élevé, une fois ces réhabilitations achevées.

Aussi, malgré les motifs de satisfaction que je viens d’exposer, le groupe UMP s’oriente vers l’abstention.

M. François Lamy, ministre délégué. J’en suis marri !

M. Michel Bécot. Deux éléments nous empêchent en effet de voter ce texte qui nous semble, pourtant, apporter parfois de bonnes réponses.

Nous voyons un premier obstacle dans la définition des quartiers prioritaires : il nous sera impossible d’apporter une quelconque caution à un texte dont l’un des éléments principaux nous est inconnu.

M. Claude Dilain, rapporteur. La liste !

M. Michel Bécot. Le second obstacle tient au bavardage incessant qui jalonne votre projet loi, notamment à l’article 1er, s’agissant des outils et des objectifs de la politique de la ville ou de l’association excessive des habitants via des structures qui se superposent.

Pour ces raisons, et malgré le constat de véritables efforts de simplification, le groupe UMP envisage une abstention, mais une abstention que nous souhaitons constructive, car nous croyons encore que ce texte peut être amélioré. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en décembre 2012, nous avions débattu ici même des principes qui devaient guider une réforme efficace de la politique de la ville et tiré les premiers enseignements de la concertation que vous aviez lancée, monsieur le ministre. Nous voilà donc aujourd’hui, un an plus tard, devant le fruit de la réflexion engagée avec tous les acteurs de la politique de la ville. Nous ne pouvons que nous féliciter de la tenue de cette nécessaire concertation et des propositions qui en ont découlé.

Le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui est certes, au vu des contraintes budgétaires, entouré d’incertitudes quant à son financement, mais il repose sur trois axes fondamentaux sur lesquels on peut s’accorder.

Notre travail en commission a constitué une autre étape, intéressante, qui a permis d’enrichir le texte de nouvelles avancées. Je tiens à saluer la qualité du travail et l’investissement personnel du rapporteur, Claude Dilain, ainsi que son écoute, toujours attentive.

M. Claude Dilain, rapporteur. Merci, ma chère collègue !

Mme Valérie Létard. Comme toujours, il reste encore des marges d’amélioration, qui feront l’objet de la dernière partie de mon propos.

Le projet de loi s’articule autour de trois axes fondamentaux auxquels nous souscrivons.

Premier axe : un effort réel de simplification pour venir à bout d’un empilement de zonages qui a abouti, au fil du temps, au saupoudrage des crédits et a nui à l’efficacité de la politique de la ville dans son volet humain. Avec 751 zones urbaines sensibles et 2 493 quartiers ciblés par des contrats urbains de cohésion sociale, il fallait revoir notre géographie prioritaire !

Monsieur le ministre, vous avez fait le choix, à l’article 4, de retenir, pour la détermination des nouveaux « quartiers prioritaires », un seul critère, celui du revenu des habitants, qui permet de mesurer l’écart de développement économique et social du quartier par rapport au territoire national et à l’unité urbaine dans laquelle il se situe.

Nous verrons dans les mois qui viennent les résultats concrets de ce choix. Pour ma part, comme je l’avais exprimé à cette tribune, j’étais plus réservée, estimant qu’une pondération de critères déterminés au niveau local permettait de mieux « coller » aux réalités des territoires, en tout cas d’intégrer des spécificités que l’on ne peut pas toujours distinguer à l’échelle nationale. Mais j’entends l’argument de l’objectif nécessaire de simplification.

Deuxième axe : le projet de loi consacre l’intercommunalité comme chef de file de la politique de la ville. L’article 5 définit le rôle central des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation du contrat de ville, en lien et en collaboration avec les communes concernées. Il s’agit là d’une avancée très positive qui permettra d’améliorer notablement la cohérence d’action sur les territoires.

J’ai bien entendu les inquiétudes des maires, exprimées en commission par certains de mes collègues, mais, élue locale moi-même et présidente d’une intercommunalité, je voudrais les rassurer.

Pour mener une politique aussi sensible et complexe, le partenariat entre les deux niveaux de collectivités est incontournable. En revanche, l’échelle intercommunale, en particulier s’agissant de petites communes pauvres situées en géographie prioritaire, permet d’apporter une solidarité horizontale et une mutualisation de l’ingénierie dont le niveau communal, à lui seul, serait bien en peine de se doter. Nous l’avons appliqué dans ma circonscription : des territoires miniers de 5 000 habitants n’auraient jamais pu bénéficier d’une rénovation urbaine et d’une politique de la ville si l’agglomération ne l’avait pas accompagnée à ce stade.

Le troisième axe, qui fait l’objet du titre Ier bis, est la poursuite du programme national de renouvellement urbain et de l’annonce d’un nouvel effort budgétaire destiné à poursuivre la requalification des quartiers dégradés.

Un des reproches couramment faits à la politique de rénovation urbaine lancée par Jean-Louis Borloo porte non pas sur l’échec de celle-ci – bien au contraire, chacun convient que l’ANRU a permis de réaliser ce qu’aucun autre dispositif n’avait rendu possible ! –, mais sur sa mauvaise articulation avec les politiques d’accompagnement des populations et les contrats urbains de cohésion sociale. La mise en place d’un contrat unique a vocation à remédier à cette difficulté.

Il faut le rappeler, l’un ne va pas sans l’autre. La rénovation des immeubles et la meilleure inscription de ces quartiers dans leur environnement sont le préalable nécessaire à un changement de perception, dont les premiers bénéficiaires sont les habitants du quartier eux-mêmes, comme en témoignent les enquêtes de satisfaction mentionnées dans le rapport de la Cour des comptes de juillet 2012.

À ce titre, il faut se féliciter de l’annonce d’un nouveau PNRU pour la période 2014-2024, même si l’effort qu’y consacrera l’État, soit 5 milliards d’euros, sera somme toute bien modeste par rapport à celui qui aura été consenti dans le premier programme, doté de plus de 12 milliards d’euros de subventions publiques, pour un total de près de 45 milliards d’investissements. Nous reconnaissons qu’il s’agit là d’une politique nouvelle, et la validons. Mais il ne faut pas en rester là, car le travail à réaliser est encore énorme.

Comme l’ont dit certains de nos collègues, il n’eût pas fallu maintenir le suspense jusqu’à l’été quant à la future géographie prioritaire de la rénovation urbaine. Ce n’est d’ailleurs un secret pour personne, monsieur le ministre, car ce débat a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale. Il se poursuivra ici, mais il est vrai qu’il est difficile de débattre de ce sujet sans savoir, et c’est l’une des difficultés que nous rencontrons, comment il va se traduire concrètement.

Notre travail en commission a permis d’apporter d’utiles précisions au texte issu de l’Assemblée nationale. C’est le cas, notamment, à l’article 1er, de l’introduction de la notion de « coconstruction » avec les habitants et les acteurs du quartier. Je sais que notre rapporteur y est très attaché. Je partage son objectif, car il y a longtemps que, dans ma communauté d’agglomération, comme dans nombre de territoires, nous cherchons à favoriser les initiatives des habitants ainsi que leur participation et leur formation au travers des ateliers d’urbanisme et des fonds de participation des habitants.

Je suis en revanche plus dubitative sur la rédaction de l’article 5 bis, mais j’y reviendrai.

Je me félicite également que la commission ait accepté mon amendement visant à promouvoir les politiques de prévention et d’éducation à la santé. Les actions dans ce domaine sont essentielles, notamment dans une région comme la mienne, le Nord - Pas-de-Calais, où la situation sanitaire reste très préoccupante ; vous le savez, monsieur Delebarre.

De même, à l’article 2, il était important de préciser la portée des opérations d’aménagement urbain mises en œuvre au titre du PNRU, en y mentionnant la création et la réhabilitation des espaces publics et la possibilité de créations d’espaces d’activité économique. En effet, bien souvent, il s’agit non pas seulement de réhabiliter des activités économiques, mais bien aussi d’en favoriser la création. On ne pouvait donc se contenter de vouloir améliorer la situation existante.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est vrai !

Mme Valérie Létard. L’article 1er bis A nouveau ouvre également un chantier essentiel, puisqu’il prévoit la remise d’un rapport explicitant les conditions du remplacement de la dotation de développement urbain à compter du 1er janvier 2015 par une nouvelle dotation budgétaire intitulée « dotation politique de la ville ».

Il faut noter qu’une fois de plus le Parlement est appelé à se prononcer sur une politique sans que les contours financiers de celle-ci soient clairement déterminés. Monsieur le ministre, peut-être accepterez-vous de lever un coin du voile sur les moyens qui seront affectés à cette nouvelle politique de la ville, à tout le moins de nous assurer qu’ils resteront à même hauteur...

M. François Lamy, ministre délégué. Il n’y a pas de voile !

Mme Valérie Létard. Enfin, vous me permettez d’aborder maintenant les points du texte sur lesquels je porte un regard plus interrogateur.

Les conditions de mise en œuvre du contrat de ville, ses signataires, l’articulation entre l’échelon intercommunal et les communes, toutes ces questions mériteraient d’être précisées.

Tout d’abord, de même que le texte pose le principe louable de la coconstruction du contrat avec les habitants, il me semble tout aussi essentiel, voire plus encore, d’appliquer également ce principe aux signataires du contrat. En effet, le contrat de ville doit être coconstruit sur le fondement d’un projet de territoire partagé et conduit dans le cadre d’une gouvernance collégiale. C’est le facteur clé du succès de la mise en cohérence de toutes les politiques publiques sur ces quartiers.

De la même façon, sur la mise en œuvre des actions du contrat de ville, l’article 5 mériterait, à mon sens, d’être plus clair. En effet, si la commune reste le territoire d’action privilégié dans la proximité, il n’en est pas moins nécessaire que l’intercommunalité puisse agir « conjointement » pour des actions concernant les quartiers prioritaires, mais aussi sur des publics prioritaires.

On peut ainsi citer la prévention des violences intrafamiliales ou des dispositifs de réussite éducative : ces problématiques dépassent la stricte géographie prioritaire et doivent donc pouvoir être traitées dans le cadre du contrat de ville. Les communes nous l’ont demandé dans le passé. Si, demain, nous changeons nos groupements d’intérêt public à l’échelle des communautés d’agglomération, par exemple, afin d’accompagner la réussite éducative, les communes seront-elles en mesure de les porter seules ? Je n’en suis pas sûre du tout. Il faut faire attention à cet aspect.

Les crédits de droit commun renforcés et les crédits spécifiques « politique de la ville » doivent donc pouvoir, sur certains objectifs clairement identifiés, accompagner ces populations prioritaires en s’affranchissant du strict périmètre des quartiers. Cette dimension relative aux « populations prioritaires » étant absente du texte, monsieur le ministre, nous proposerons de l’y introduire.

Toujours à l’article 5, qui traite du contrat de ville, la commission des affaires économiques a été sensible à mes arguments en faveur de la suppression du mécanisme de sanction introduit au paragraphe V de l’article par le rapporteur de l'Assemblée nationale. Vous nous avez rassurés, monsieur le ministre, en déclarant que vous nous suivriez et ne reviendriez pas sur cette suppression.

Certes, l'article 40 a été invoqué sur un autre de mes amendements tendant à proposer un mécanisme de bonification, tant il est vrai que nous préférons l’incitation à la sanction. Cela étant, c’était surtout pour nous l’occasion de réaffirmer, monsieur le ministre, que les départements et les régions doivent absolument être des partenaires cosignataires et des soutiens financiers des politiques qui seront déployées par les collectivités territoriales.

Mme Valérie Létard. D’ailleurs, un amendement de nos collègues socialistes va dans ce sens.

Mme Valérie Létard. Sur l’articulation entre l’intercommunalité et les communes, la rédaction actuelle de l’article 8 n’est pas satisfaisante, car elle ne prend pas suffisamment en compte certaines situations dans la répartition des rôles et des actions entre communes et intercommunalités. Cet article va en effet bien au-delà de la notion de « soutien à la mise en œuvre des actions des communes ». Le texte devrait donc privilégier les programmes d’actions tels qu’ils sont définis dans le contrat de ville, qui offrent une plus grande ouverture et permettent le soutien à des actions de portée intercommunale. C’est cette proposition que je vous soumettrai en vous présentant l'amendement n° 33.

Permettez-moi d’évoquer rapidement la mise en place des coordinations citoyennes, lesquelles se trouvent au cœur de nos préoccupations, car nous agissons bien pour nos concitoyens habitant les quartiers sensibles. Là encore, il me semble que nous devrions faire preuve de davantage de souplesse et surtout laisser à chaque territoire la possibilité, dans le cadre du contrat de ville, d’organiser à l’échelle jugée pertinente, et selon des modalités à définir dans le contrat, l’association nécessaire des habitants, des représentants des associations et des acteurs économiques à la démarche des contrats de ville, et ce afin de bien prendre en compte la réalité de chaque territoire, dans sa spécificité.

En cette période de vœux, permettez-moi, monsieur le ministre, de terminer par quelques souhaits. (Sourires.)

D’abord, que votre volonté de simplification ne soit pas affaiblie par une concertation, certes indispensable, mais qui, si elle est trop « formatée », risque de se révéler inadaptée à la diversité des situations.

Ensuite, que les moyens du droit commun et des dispositifs en sifflet permettent aux quartiers qui ne seront plus éligibles une transition en douceur vers la sortie de la géographie prioritaire. Il s’agit là d’une demande récurrente de nos élus locaux.

Enfin, que les politiques de peuplement et la mixité sociale soient solidement inscrites au cœur de la nouvelle politique de la ville et de la rénovation urbaine. C’est bien cette volonté qui nous anime collectivement sur toutes les travées depuis des années et qui doit perdurer ; elle seule permettra à ces quartiers de redevenir des quartiers de ville à part entière.

Monsieur le ministre, notre groupe aborde ce débat dans un esprit très constructif. Sans surprise, son vote final dépendra des avancées qu’il aura pu obtenir sur les questions que je viens de soulever. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je dois d’abord vous dire combien nous sommes satisfaits d’évoquer enfin, dans cet hémicycle, la politique de la ville autrement que par la continuelle stigmatisation des banlieues et l’amalgame permanent entre pauvreté et délinquance qu’opérait le gouvernement précédent, prônant la politique du kärcher et du couvre-feu...

M. Roland Courteau. C’est bien dit !

Mme Mireille Schurch. ... et affichant de fait un mépris incommensurable pour les classes populaires et leurs difficultés. (M. Philippe Dallier s’exclame.) Sous l’ère Sarkozy, les crédits de la politique de la ville ont ainsi diminué de moitié, traduisant clairement la rupture du pacte républicain fondé sur les notions d’égalité et de solidarité.

Nous prenons donc comme un progrès, dix ans après la marche pour l’égalité, la volonté de ce gouvernement d’engager une véritable concertation – je vous en remercie, monsieur le ministre – et de reposer les bases de la politique de la ville, respectueuse des hommes et des femmes qui y vivent. Il s’agit d’un enjeu essentiel pour la cohésion sociale et territoriale de notre pays.

En effet, nous ne pouvons accepter que, sur le territoire de la République, se créent des poches regroupant l’ensemble des handicaps – pauvreté, chômage, enclavement –, condamnant ainsi l’avenir de leurs habitants, soit pourtant plus de 6 millions de nos concitoyens.

Si donc nous prenons acte de cette volonté, nous restons cependant inquiets sur ses traductions concrètes dans le climat de rétraction globale de l’action publique. En effet, la politique de la ville ne peut prétendre à l’efficacité dans le cadre d’une politique « austéritaire » de droit commun, notamment en ce qui concerne les dotations aux collectivités, qui baisseront de 4,5 milliards d'euros sur trois ans.

En effet, alors que le projet de loi prévoit la mobilisation prioritaire des moyens de droit commun et leur meilleure articulation avec les dispositifs spécifiques, ce qui est une bonne chose, force est de reconnaître que ceux-ci sont en constante régression, notamment dans le cadre des politiques régaliennes de l’État. Ce sont les quartiers dits « sensibles » qui subissent encore le plus lourdement la rétraction de l’action publique, alors même que les inégalités territoriales et sociales s’accroissent.

Au fond, la politique de la ville ne peut trouver de traduction efficace et concrète si la priorité du Gouvernement n’est pas celle de l’emploi et du pouvoir d’achat, de l’intervention publique pour irriguer les territoires et permettre leur maillage par les services publics.

La politique de la ville est donc tributaire du cap gouvernemental, celui de l’austérité. Par conséquent, nous sommes inquiets.

Face à la pénurie des moyens, on se contente ainsi de concentrer les efforts et les moyens de l’État. On passerait ainsi de passer de 2 500 quartiers bénéficiant d’un CUCS à 1 300 quartiers prioritaires.

Seraient ainsi considérés comme prioritaires les quartiers où la moitié de la population perçoit moins de 60 % du revenu fiscal annuel médian, soit moins de 11 000 euros.

Si la pertinence d’un critère unique et d’un zonage unique semble faire consensus, la question résiduelle, mais ô combien sensible, est bien celle de la sortie du dispositif d’un certain nombre de quartiers et de communes. La définition de « territoire de veille » semble à ce titre particulièrement hypocrite, puisqu’en réalité, selon le dispositif même de ce projet de loi, ces territoires ne seront nullement accompagnés.

M. François Lamy, ministre délégué. Ce n’est pas vrai !

Mme Mireille Schurch. Nous en discuterons.

Ces territoires restent pourtant extrêmement fragiles. Nous craignons ainsi que des équilibres précaires ne soient rompus, mais vous nous rassurerez, monsieur le ministre.

À ce titre, nous souhaiterions connaître précisément la liste des collectivités qui relèveront demain de la politique de la ville. Il s’agit, à nos yeux, de la poursuite logique de la volonté de concertation et de transparence que vous avez affichée.

Dans le même esprit, les CUCS sont remplacés par des contrats de ville « à caractère unique et global » englobant l’ensemble des moyens dédiés à la politique de la ville. Leur portage serait confié de manière générale à l’échelon intercommunal.

Si nous ne pouvons pas contester, sur le principe, la pertinence de la dimension intercommunale du futur contrat de ville, permettant une meilleure prise en compte des enjeux de mixité et de déplacement, une telle démarche n’est envisageable que si les communes l’ont choisie via le transfert de compétences. Il faut alors respecter ce choix.

Nous estimons, pour notre part, qu’il convient de soutenir le rôle majeur de proximité du maire et des élus municipaux. Pour cette raison, nous avons fait adopter en commission un amendement reconnaissant ce rôle. En effet, le rôle de proximité du maire est lié à la nature même de la politique de la ville, qui exige un véritable travail de dentellière alliant connaissance du tissu urbain et proximité avec les habitants.

Sur le fond, la volonté du Gouvernement de faire de l’intercommunalité le pivot de la politique de la ville s’insère dans la logique de textes comme le projet de loi sur les métropoles ou le projet de loi ALUR, lesquels visent à faire de l’intercommunalité l’échelon de toute politique d’aménagement et de logement. Nous estimons qu’une telle démarche porte directement atteinte à la démocratie locale, en dévitalisant les communes. C’est l’une de nos inquiétudes.

Attachés à l’exercice de la démocratie sous toutes ses formes, nous souscrivons pleinement à la participation accrue des habitants permise par ce projet de loi, sur le fondement de l’excellent rapport remis par Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache. Mais il ne suffit pas de créer les structures ; encore faut-il les faire vivre.

S’il est dit que l’État apporte son concours au fonctionnement du conseil citoyen, comme à la maison du projet, nous serons vigilants sur la traduction concrète de cet engagement, notamment sur le plan financier.

Renforcer la participation des habitants a également un autre corollaire à nos yeux, celui de mieux associer les élus municipaux, qu’il ne s’agit pas d’oublier.

Au fond, nous pouvons adhérer à un certain nombre de dispositions de ce projet de loi, mais il manque toujours l’essentiel : le financement. Sur la future « dotation ville » notamment, nous pouvons légitimement considérer que c’est uniquement la dénomination de la dotation de développement urbain qui changera.

Par ailleurs, en intervenant sur la solidarité financière entre les communes, le projet de loi ne traite de la question de la péréquation que sous sa dimension horizontale. Or la péréquation verticale est en panne. C’est pourtant la priorité à nos yeux. C’est bien l’absence de péréquation verticale qui a conduit ces dernières années à l’aggravation des inégalités entre les territoires.

Ce manque de financement se révèle également dans l’approche du prochain plan national de renouvellement urbain dont nous nous félicitons que le principe ait été retenu.

En effet, alors que le programme national de rénovation urbaine avait mobilisé 44 milliards d’euros, dont 12 milliards d'euros de l’ANRU, le nouveau plan s’appuiera seulement sur 5 milliards financés par l’ANRU. C’est deux fois moins !

Aborder ce deuxième plan nécessite au préalable de s’accorder sur le bilan du PNRU. Nous estimons ainsi qu’il y a eu trop de démolitions sans réflexion préalable sur le devenir de ces quartiers. On dénombre aujourd’hui plus de logements démolis – 145 200 – que de logements construits – 139 000 –. Il faudrait inverser cette tendance et nous défendrons un amendement en ce sens.

Trop de chantiers ont conduit finalement, de manière plus ou moins préméditée, à exclure les anciens habitants et à repousser les populations plus loin, dans les villes adjacentes ou des territoires peu peuplés, territoires qui connaissent aujourd’hui les mêmes problématiques d’isolement et de paupérisation.

C’est donc aux logiques spéculatives et de spécialisation des territoires qu’il faut s’atteler.

Enfin, on a trop longtemps oublié le facteur humain, c’est-à-dire, tout simplement, celles et ceux qui vivaient dans ces quartiers. Pour cette raison, nous proposons, dès l’article 1er de ce texte, de revenir sur la dimension intrinsèquement humaine de cette politique.

Il existe par ailleurs un problème structurel concernant le financement du plan de renouvellement urbain. En effet, celui-ci repose principalement sur l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, qui, depuis la loi de 2009, est majoritairement financée par le 1 %, aujourd’hui à hauteur de 800 millions d’euros par an. Pourtant, à nos yeux, l’ANRU devrait être principalement financée par l’État.

Parce que les enjeux sont immenses, que la souffrance est grande dans ces territoires trop longtemps méprisés par la République, nous attendons beaucoup de ces débats – nous avons déjà longuement examiné le texte en commission, monsieur le rapporteur, et nous vous en remercions –, notamment des engagements, des modifications législatives et des avancées significatives. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. M. le rapporteur applaudit également.)