M. le président. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il n’y aura pas de suspense : la totalité des membres du groupe écologiste voteront cette première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2014, notamment parce qu’il comporte des mesures sociales et fiscales en faveur des foyers les plus défavorisés extrêmement importantes à nos yeux.

Nous la voterons aussi parce que la seconde délibération permet de revenir sur l’adoption de l’amendement rétablissant la défiscalisation des heures supplémentaires à laquelle nous étions opposés. Bien sûr, nous aurions aimé que certains des autres amendements qui avaient nos faveurs soient retenus, y compris – même s’il s’agit d’une mesure très symbolique – celui portant sur la question des passeports. En l’espèce, le débat reste ouvert…

Nous la voterons enfin parce que, bien que ne participant plus au Gouvernement et donc, d’une certaine manière, ne faisant plus partie de la majorité gouvernementale, nous restons ancrés dans la majorité présidentielle. Nous pensons que les choses doivent évoluer. Nous sommes un parti minoritaire au sein d’une majorité qui connaît des difficultés, ne nous le cachons pas. Or nous ne tenons pas à ajouter une pierre au fardeau que cette dernière porte actuellement.

En outre, par nature, nous votons toujours la première partie d’une loi de finances, afin de pouvoir discuter de la deuxième partie. Certes, si cette discussion n’a pas lieu, nous nous épargnerons certains des débats houleux que j’ai évoqués dans la discussion générale. J’en veux pour exemple certaines décisions prises dans le cadre des investissements d’avenir. On peut me donner toutes les explications possibles d’un point de vue comptable ou technique, je considère, sans pour autant juger de la qualité ou de la sincérité du budget de la défense, que les personnes ayant organisé les transferts du ministère de l’écologie vers le ministère de la défense ont commis une maladresse absolument inouïe. Je crois d’ailleurs que notre groupe aurait été beaucoup plus divisé sur ce sujet que sur la première partie du projet de loi de finances rectificative.

En tout état de cause, le débat doit continuer et, dans ce cadre, je veux rappeler au Gouvernement qu’il a des partenaires à sa disposition. Il est essentiel que nous débattions véritablement. La transition écologique et énergétique qui s’engage ne pourra se faire sans nous, à moins qu’il ne s’agisse d’une transition au rabais, auquel cas il est inutile que nous tentions de dialoguer ensemble.

De même que la compétitivité est évoquée à propos de chaque projet de loi, de même les dimensions relatives au développement durable, à l’économie, à l’écologie dans la perspective d’une transformation de notre société doivent être présentes dans chacune de nos actions.

Sur les questions du bonus-malus et du diesel, il faut avancer, indépendamment de la forme que pourraient prendre les décisions en la matière. Il faut en discuter ! On ne peut pas continuer à nous expliquer, de loi de finances en loi de finances, que des études sont nécessaires, que la question mérite débat. Non ! Les faits sont établis ! Engageons simplement le dialogue, donnons-nous des perspectives intelligentes, même si, bien sûr, le contexte politique est difficile !

Nous ne sommes pas les derniers à défendre l’idée que des efforts s’imposent en matière économique. Nous ne sommes favorables ni à la surconsommation ni au surendettement – ce n’est pas dans les gènes de la pensée écologiste –, mais il faut que nous soyons justes socialement et, surtout, visionnaires !

Soyons visionnaires pour permettre la transformation écologique de la société et laisser les révolutions technologiques actuelles se dérouler ! Tout doit être mis en cohérence et les politiques fiscales, financières, budgétaires doivent tenir compte de cet horizon.

Je le répète, nous soutenons la volonté qui s’est exprimée lors de la discussion de cette première partie du projet de loi de finances rectificative et, par conséquent, nous la voterons. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Nous sommes tous préoccupés, peut-être à des degrés divers, par la situation économique et financière catastrophique de notre pays. Pour notre part, en tout cas, l’inquiétude est très grande.

L’examen de ce projet de loi de finances rectificative nous a permis d’évoquer précisément la situation financière et, à ce titre, je voudrais revenir sur deux, au moins, des trois objectifs assignés à la politique gouvernementale.

Je commencerai par le dernier, à savoir l’inversion des courbes des déficits et de la dette. Pardonnez-moi, monsieur Caffet, mais, pour l’instant, je ne vois rien venir !

M. Jean-Pierre Caffet. Vous avez augmenté la dette de 600 milliards d’euros ! Cessez de nous faire la leçon !

M. Vincent Delahaye. Ce projet de loi de finances rectificative aggrave le déficit de 1,4 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale. Le Gouvernement annonce désormais un déficit s’élevant à 83,9 milliards d’euros contre 74,9 milliards d’euros l’année dernière, comme nous le verrons la semaine prochaine lors de l’examen du projet de loi de règlement. Il s’agit non pas d’une diminution, mais d’une augmentation du déficit, sans parler de la dette qui, comme vous le savez tous, mes chers collègues, a dépassé les 2 000 milliards d’euros, alors qu’elle n’atteignait que 1 750 milliards d’euros en mai 2012.

Pour l’instant, ces courbes ne se sont donc pas inversées. Elles sont loin d’être stabilisées et continuent malheureusement à progresser. Cette situation nous inquiète tout particulièrement !

Que nous propose-t-on dans ce projet de loi de finances rectificative pour 2014 ? Je me cantonne ici, bien sûr, au seul texte sur lequel nous nous prononçons ce soir. Sans doute trouverons-nous plus de mesures dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, mais, pour l’instant, ces deux textes ne sont pas fusionnés.

Pour ma part, je pensais trouver dans le présent projet de loi plus de mesures en faveur de la compétitivité de nos entreprises, puisque c’est là une priorité également marquée. En fait, le texte formalise un cadeau électoral du Premier ministre et comprend des articles ajoutés par l’Assemblée nationale, notamment cette mesure faisant progresser la taxe de séjour dans des proportions démentielles. On s’est peut-être dit que le secteur du tourisme ne fonctionnait pas si mal en France et que l’on pouvait lui asséner un petit coup !

Vraiment, mes chers collègues, je me pose des questions sur la stratégie globale du Gouvernement. Il faut aller beaucoup plus loin en matière d’aide aux entreprises et à la création d’emplois, car ce sont bien les entreprises qui sont en capacité de créer des emplois. Malheureusement, ce projet de loi de finances rectificative ne s’engage pas vraiment dans cette direction. Je dirai même qu’il suit une direction opposée, dès lors qu’il prolonge d’un an la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés. Instaurée en 2011, celle-ci sera supprimée à la fin de 2016 : voilà de l’exceptionnel qui dure ! Malheureusement, notre amendement visant à réduire l’impôt sur les sociétés dès cette année n’a pas été adopté et nous le déplorons.

Nous voterons contre cette première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2014, même si nous aurions aimé, comme chaque fois, discuter de sa deuxième partie…

M. Jean-Pierre Caffet. Comme d’habitude !

M. Vincent Delahaye. Nous estimons que les efforts de réduction des dépenses sont nettement insuffisants et qu’ils ne sont pas répartis de manière juste ni équitable entre les différents niveaux, comme je l’ai déjà souligné.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les leçons, ça suffit !

M. Vincent Delahaye. Il faut aller bien au-delà. Pour cela, nous avons besoin de réformes de structure, et non d’une petite boîte à outils pour bricoleur du dimanche. Malheureusement, nous ne voyons pas venir les réformes de fond nécessaires, et la carte des régions proposée la semaine dernière ne mérite certainement pas ce qualificatif. Tout le monde est capable de redessiner une carte des régions ; aller au-delà est nettement plus difficile !

Il est grand temps que la France trouve ou retrouve une méthode de réforme un peu plus consensuelle. D’une certaine manière, nous pourrions presque nous accorder sur le diagnostic, mais nous devrions nous attacher à adopter un fonctionnement digne d’une démocratie adulte, comme les pays nordiques savent le faire, de façon à aller vraiment au fond des problèmes. Voilà ce dont nous avons besoin aujourd’hui. Malheureusement, nous n’avons pas du tout l’impression que ce projet de loi de finances rectificative nous engage dans cette direction. Dès lors, il est clair que nous ne voterons pas cette première partie !

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Par principe, je vote toujours la première partie des projets de loi de finances, afin de pouvoir discuter les amendements que nous avons préparés sur les articles de la deuxième partie.

Cependant, depuis des semaines, on nous propose en permanence des dépenses nouvelles, ce qui va à l’encontre des objectifs fixés, à savoir la maîtrise de la dépense publique. Nous entendons dire au Gouvernement qu’il ne peut pas mettre en œuvre des politiques contradictoires avec, d’un côté, un prélèvement de 11 milliards d’euros sur les dotations des collectivités territoriales et, de l’autre, des décisions contribuant quotidiennement à accroître la dépense, les charges, les normes et les contraintes.

C’est pourquoi, pour ma part, je ne voterai pas cette première partie.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais avant tout remercier nos collaborateurs du secrétariat de la commission des finances, qui ont l’habitude, comme c’était déjà le cas sous d’autres gouvernements, de traiter ces questions au quotidien, au fur et à mesure de l’examen des textes. Ils sont l’infrastructure indispensable à nos travaux.

De la même manière, je tiens à remercier le service de la séance, les services des comptes rendus, les présidents qui se sont succédé au plateau et, enfin, M. le rapporteur général, qui s’est montré, comme d’ordinaire, tout à fait pédagogue dans ses présentations et a restitué avec exactitude et avec soin les positions de la commission des finances, y compris lorsqu’il ne les approuvait pas sur le fond. Il l’a fait avec beaucoup de courtoisie et d’élégance.

Je voudrais également remercier les membres des groupes qui ont fait vivre cette discussion, chacun avec son tempérament comme il se doit.

Veuillez accepter enfin mes remerciements, monsieur le secrétaire d’État au budget. J’y associe M. le ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, qui a pu effectuer un passage dans cet hémicycle. Celui-ci fut relativement bref, mais nous savons ce que sont les charges du ministre et nous le comprenons fort bien.

Vous qui nous avez accompagnés pendant la discussion de ces articles, vous auriez souhaité que notre travail commun se poursuive au-delà de cette première partie du projet de loi de finances rectificative. Il semble probable que le Sénat soit sur le point de prendre une décision semblable à celles qu’il a déjà prises sur l’ensemble des textes de loi du champ économique, social et financier depuis quelque temps déjà.

M. Daniel Raoul. C’est faux !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il ne faut pas en être surpris, monsieur le secrétaire d’État. Certes, des analyses différentes peuvent conduire à des votes identiques, mais ces votes reflètent la situation politique du Sénat et le fait que les différents groupes qui les expriment ne peuvent en aucun cas être solidaires de la politique mise en œuvre par ce gouvernement.

Je ne développerai pas ce point. Je me bornerai simplement à dire que l’écart entre les paroles et les actes est beaucoup trop grand à notre gré.

Certes, vous êtes des experts en communication, notamment le nouveau Premier ministre,…

M. Jean-Marc Todeschini. Vous avez la mémoire courte !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … mais cela ne suffit pas ! Pour façonner la réalité, il faudrait aller bien au-delà, parvenir à résoudre des contradictions redoutables et tourner le dos aux demi-mesures auxquelles vous vous limitez forcément, compte tenu de toutes sortes de facteurs objectifs.

Enfin, vous avez découvert au cours des dernières semaines et des derniers mois qu’il était absolument urgent et nécessaire de s’intéresser à quatre millions de nos concitoyens et de faire un effort de justice auquel, manifestement, vous n’aviez pas pensé lors de l’élaboration de la loi de finances initiale. Aujourd’hui, cela éclate aux yeux, mais, voilà quelques mois, ce n’était pas un souci majeur du Gouvernement.

Cela s’appelle de l’opportunisme ! Nous sommes loin d’une politique acharnée de réduction des déficits publics et de lutte pour la compétitivité de notre pays !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je serai très bref, mesdames, messieurs les sénateurs.

Concernant la taxe sur la consommation finale d’électricité, je ne doute pas que la rédaction de l’article 5 sexies pourra être améliorée pour mieux respecter le souhait consensuel, comme l’a démontré l’initiative du groupe RDSE au sein de cette assemblée, de rendre les communes de plus de 2 000 habitants affectataires de plein droit de cette taxe. Je souhaitais donc apporter des assurances sur ce point, et ce sans volonté aucune de négocier ou d’arracher un vote.

Pour le reste, je m’en tiendrai simplement aux traditionnels remerciements, puisque je crois comprendre, sans préjuger du vote, que nous nous approchons de la fin de l’examen de ce texte.

Je remercie donc l’ensemble des intervenants de leur courtoisie et de leur patience. Les débats ont parfois été passionnés, mais, pardonnez-moi de le dire, ils le sont souvent plus à l’Assemblée nationale, où ils sont également plus bruyants. Je me suis efforcé d’être précis et, avec l’examen du projet de loi de règlement, celui du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale et le débat d’orientation des finances publiques, nous aurons l’occasion de reprendre la discussion et de donner suite aux propos provocateurs que vient de tenir M. le président Philippe Marini.

Tout en remerciant la présidence et l’ensemble des services du Sénat, je vous laisse maintenant voter en toute sérénité, ce qui est, me semble-t-il, une des caractéristiques de cette assemblée.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, par un vote unique, les articles modifiés par les amendements soumis à seconde délibération, ainsi que l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2014.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 217 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 154
Contre 187

Le Sénat n’a pas adopté les articles modifiés par les amendements soumis à seconde délibération, ainsi que l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2014.

En conséquence, l’ensemble du projet de loi est considéré comme rejeté.

Explications de vote sur la seconde délibération et sur l'ensemble de la première partie (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2014
 

7

Décret complétant l’ordre du jour de la session extraordinaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date de ce jour complétant le décret du 17 juin 2014 portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du 1er juillet 2014.

Ce décret ajoute à l’ordre du jour de la présente session extraordinaire le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales à l’échelle internationale et de mettre en œuvre la loi relative au respect des obligations fiscales concernant les comptes étrangers, dite « loi FATCA ».

Acte est donné de cette communication.

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 9 juillet 2014, à quatorze heures trente et le soir :

1. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme ferroviaire (n° 650, 2013-2014) ;

Rapport de M. Michel Teston, fait au nom de la commission du développement durable (n° 681, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 682, 2013-2014) ;

Avis de M. François Patriat, fait au nom de la commission des finances (n° 652, 2013-2014).

2. Proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la nomination des dirigeants de la SNCF (n° 651, 2013-2014) ;

Rapport de M. Michel Teston, fait au nom de la commission du développement durable (n° 681, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 683, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinquante.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART