M. Yvon Collin. C’est le bon sens !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Enfin, plusieurs amendements tendant à favoriser le dialogue social dans les chambres d’agriculture ont été adoptés.

La commission a cependant souhaité revenir sur d’autres modifications apportées par l’Assemblée nationale, par le biais de l’adoption, lors de sa réunion d’hier, de vingt-quatre amendements.

Ainsi, à l’article 1er, nous avons réaffirmé l’importance de la triple performance économique, sociale, environnementale, au cœur de l’agroécologie. L’Assemblée nationale avait supprimé cette référence, nous l’avons rétablie.

À l’article 8, nous avons supprimé la disposition nouvelle prévue par les députés obligeant l’interprofession forestière à créer des sections par produit, si les représentants de ce produit le demandent. Nous sommes donc revenus à la position que nous avions adoptée en première lecture, mais peut-être le débat permettra-t-il d’avancer sur cette question. Je sais que Mme Bourzai abordera ce sujet.

À l’article 10 bis A, je l’ai déjà dit, la commission a souhaité revenir, contre l’avis de son rapporteur, à la position qu’elle avait adoptée en première lecture, afin que seul le vin soit reconnu comme faisant partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager protégé de la France. Nous en reparlerons.

À l’article 12, nous avons supprimé la possibilité, pour les CDPENAF, d’examiner les PLU, les plans locaux d’urbanisme, des communes situées dans le périmètre de schémas de cohérence territoriale approuvés. Si l’on ajoute l’exigence d’un avis conforme de la CDPENAF, les élus ne serviront plus à rien ! C’est une question de pragmatisme et de bon sens.

Les députés avaient supprimé toutes les dispositions ajoutées par le Sénat pour assouplir les contraintes en matière de construction, d’agrandissement ou de changement de destination des bâtiments en zone rurale. La commission est revenue sur cette suppression, en adoptant un dispositif un peu plus restrictif que celui que nous avions voté en première lecture. Si l’on veut que des jeunes s’installent et prennent la suite de leurs parents, il faut les autoriser à construire leur maison d’habitation, dans la continuité du bâti existant, après avis de la mairie, dans le respect du PLU et du SCOT. Là encore, c’est une question de pragmatisme.

M. Jean-Claude Lenoir. Bien sûr ! C’est le bon sens !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je suis sûr que le Sénat s’orientera dans cette direction. À cet égard, nous avons rétabli l’excellent amendement de nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet, qui avait été supprimé par l’Assemblée nationale. Nous en débattrons, mais je suis favorable à son maintien.

J’ai entendu les propos que vous avez tenus sur le loup, madame la secrétaire d’État : force est de constater que, pour l’heure, nous ne sommes pas en phase avec le Gouvernement. Pour autant, c’est la première fois qu’une ministre de l’écologie va aussi loin sur ce sujet. Nous n’avons nullement l’intention d’éradiquer l’espèce. Il s’agit tout simplement de permettre aux éleveurs de faire leur travail. Je réaffirme à cette tribune que, entre l’éleveur et le loup, je choisirai toujours l’éleveur, et que, aujourd'hui, il y a incompatibilité entre le pastoralisme et le prédateur.

Madame la secrétaire d’État, faire de la politique, c’est avoir du courage. Avoir du courage, c’est parfois affronter des problèmes dont on pense qu’ils sont quasiment insolubles. Le premier homme à s’être attaqué à l’Everest ne savait pas s’il irait au bout ; le premier ministre qui affirmera, en conseil des ministres européens, qu’il faut remettre à plat la directive « Habitats » et revoir la convention de Berne, qui osera affronter la technocratie européenne sur ce sujet vraiment important aura fait preuve de courage. J’espère que M. Le Foll sera celui-là.

Nous avons aussi réaffirmé la mission de service public des laboratoires départementaux d’analyse.

À l’article 26, nous avons rétabli la création d’un comité national de l’innovation pédagogique disposant de ramifications en régions, afin de pouvoir mieux prendre connaissance de la réalité du terrain. Nous débattrons peut-être de ce sujet en commission mixte paritaire avec nos collègues députés, qui pour leur part se sont prononcés en faveur de l’instauration d’une structure purement parisienne.

Enfin, nous avons complété les dispositions sur le renforcement du dialogue social dans les chambres d’agriculture votées par les députés. C’est un point important.

Au final, il reste peu de points de désaccord. Je ne doute pas que nous parviendrons à trouver des compromis au cours de cette deuxième lecture ou en commission mixte paritaire.

Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt est parvenu à un point d’équilibre et la plupart des amendements que je présenterai seront de pure coordination.

La future loi ne changera pas brutalement les pratiques agricoles ou tout ce qui a été fait depuis vingt ans, mais il est nécessaire d’évoluer. Notre appareil de formation est fort, mais nous devons aller plus loin dans la recherche, l’innovation, le développement des techniques nouvelles. Nous devons être les meilleurs au monde dans ces domaines !

Tout ne va pas bien dans notre agriculture, alors avançons ! Réfléchissons à la manière de mieux traiter nos sols, aux moyens de dépenser moins de foncier, accomplissons la transition vers l’agroécologie, ce nouvel horizon qui doit orienter nos efforts. Cela n’implique pas de balayer tout ce qui a été fait auparavant. Il s’agit tout simplement de concilier la compétitivité économique, le développement durable et la protection de l’environnement.

Permettez-moi de dire, en conclusion, un mot sur la politique agricole commune. Il y a six mois, personne, dans cet hémicycle, n’aurait imaginé que nous puissions l’emporter à ce point dans la négociation européenne sur la PAC ! Nous craignions tous ce qui allait advenir, mais, grâce à l’action du Président de la République et du ministre de l’agriculture, nous avons sauvé la « ferme France ». Il n’était pas possible d’aller plus loin !

Je rappelle que, dans l’Union européenne, la majorité est non pas social-démocrate, mais conservatrice. Le verdissement de la PAC a été décidé par une Commission à majorité conservatrice. C’est ainsi, monsieur Bizet ! Regardons les choses en face : personne ne s’attendait à ce que nous obtenions autant. Servons-nous donc de cette PAC ! Aujourd'hui, le budget agricole d’un pays ne se limite plus aux crédits inscrits en loi de finances : c’est la conjugaison du budget national et du budget européen. C’est en utilisant le deuxième pilier, en donnant aux régions la possibilité d’attribuer des fonds européens que nous avancerons !

C’est là une nouvelle donne. Je vous demande d’enrichir encore le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, afin de nous tourner vers la modernité, vers l’agroécologie : c’est indispensable pour améliorer notre compétitivité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du RDSE et de l’UDI-UC. – M. Jean Bizet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Leroy, rapporteur.

M. Philippe Leroy, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord m’associer aux vœux de bonne santé qui ont été adressés à M. le ministre. C’est un homme solide, et je ne doute pas qu’il s’agira d’un simple épisode, qui nous rappelle toutefois à tous la nécessité de se ménager.

Je remercie Daniel Raoul d’avoir su présider nos débats alors qu’il n’était pas, a priori, un homme de la terre : il s’est initié à ces questions avec une grande efficacité.

Enfin, je voudrais évidemment saluer la fougue et le talent remarquable de mon collègue rapporteur Didier Guillaume, grand connaisseur des affaires agricoles.

Je me contenterai, pour ma part, d’évoquer le tiers du territoire français occupé par la forêt.

Les forestiers ont depuis longtemps une longueur d’avance sur les spéculations des agriculteurs. La plurifonctionnalité de la forêt – fonction économique, fonction sociale et fonction environnementale – remonte en effet à la Renaissance. Les forestiers ont historiquement une vocation écologique.

Je voudrais retracer brièvement les points importants qui ont été abordés au cours des débats au Sénat et à l’Assemblée nationale. Mon appréciation sur les résultats de ces travaux est globalement positive, même s’il subsiste un ou deux motifs d’inquiétude.

Ainsi, la mise en place du Fonds stratégique de la forêt et du bois, prévue par M. Le Foll dès la loi de finances pour 2014 et officialisée dans ce projet de loi, me semble une bonne chose.

Au Sénat, nous avons souhaité, avec l’accord du ministre, transformer ce fonds stratégique, qui s’apparente pour le moment à une simple ligne budgétaire, en compte d’affectation spéciale, de façon à lui conférer la pérennité indispensable à l’effort forestier.

Cependant, aux termes de la Constitution, seule une loi de finances peut créer un compte d’affectation spéciale. En dépit des hésitations des uns et des autres, nous souhaitons donc que le Gouvernement inscrive cette création dans la prochaine loi de finances. Je sais que nous pouvons compter sur l’appui du ministre de l’agriculture, ainsi que sur le vôtre, madame la secrétaire d’État.

La forêt française a absolument besoin d’un tel fonds pour se renouveler et s’adapter au changement climatique. Ce renouvellement de la forêt entraînera d’ailleurs des récoltes supplémentaires, indispensables pour satisfaire les besoins de la filière bois-énergie et ceux de l’industrie du bois. En effet, des conflits d’usage importants sont apparus un peu partout en France, engendrant des difficultés pour les industries de panneaux de particules, dans l’Est, ou les grandes papeteries de Saint-Gaudens et de Tarascon, dans le Sud. Nous pourrons en partie lever ces difficultés par la relance des investissements forestiers et la création de ce compte d’affectation spéciale, qui donnera aux forestiers la possibilité de relancer une politique de plantation et de régénération favorable à nos intérêts, tant environnementaux qu’économiques.

Le regroupement de la petite propriété forestière constitue un autre point fondamental du texte.

La France compte 3,8 millions de propriétaires forestiers, dont 200 000 seulement possèdent plus de dix hectares. Au total, il existe donc, sur notre territoire, de 3 millions à 4 millions d’hectares de forêt privée très morcelée. Ce phénomène de morcellement, lié à la déprise agricole, se poursuit aujourd’hui. Nous perdons encore des terres agricoles, souvent dans des zones de montagne, au profit d’un boisement naturel et désordonné.

Ce sujet, qui intéresse des millions de petits propriétaires, doit être abordé avec beaucoup d’humilité.

On peut postuler que toutes les forêts publiques sont bien gérées, l’Office national des forêts étant un gestionnaire avisé, de même que toutes les forêts privées de plus de dix hectares, qui relèvent de plans simples de gestion. En revanche, la gestion des forêts privées de taille inférieure n’est pas maîtrisée.

Soyons modestes, toutefois : dans cette affaire, personne ne détient la vérité. En raison de la diversité des propriétaires et des régions, il est impossible d’appliquer un modèle unique, et aucune profession forestière ne peut prétendre au monopole du regroupement des petites forêts.

Le projet de loi s’attaque à ce problème, avec la création des groupements environnementaux de gestion forestière. C’est une très bonne idée, mais il faut savoir que, dans le petit monde de la forêt, chacun des acteurs – les experts, les coopératives, les centres régionaux de la propriété forestière – aspire à jouer un rôle plus important que les autres. Quant aux documents de gestion, ils sont variés, entre les plans simples de gestion, soutenus par les experts, et les codes de bonnes pratiques forestières.

Il faut laisser vivre cette diversité, celle des professions forestières comme celle des systèmes de gestion, pour que les petits propriétaires aient envie de se regrouper. Il s’agit non pas de leur imposer un modèle unique à travers toute la France, mais de leur proposer une variété de professionnels et de solutions permettant à chacun d’avancer.

Nous verrons dans dix ans, lorsque viendra le temps d’élaborer une nouvelle loi forestière, ce qu’il en sera de la petite propriété forestière morcelée. Dans l’immédiat, ce texte, tel qu’amélioré par l’Assemblée nationale et par quelques amendements que je présenterai au cours de cette deuxième lecture, devrait nous permettre de progresser avec humilité vers la résolution de ce problème du regroupement des petites propriétés forestières, ce qui entraînera une amélioration de la nature des forêts et une augmentation des récoltes. C’est la paix entre tous qu’il nous faut : 3 millions de propriétaires, c’est autant de solutions différentes !

Par ailleurs, le Sénat a largement contribué à trouver les termes d’un gentlemen’s agreement entre les forestiers et les chasseurs. Dieu que c’est compliqué ! Étant pour ma part à la fois forestier et chasseur, je suis parfois déchiré : j’aimerais pouvoir déjeuner avec les uns et les autres, réunis autour d’une même table ! Fait suffisamment rare pour ne pas être souligné, l’Assemblée nationale, inspirée par une forme de sagesse sénatoriale (Sourires.), n’a pas souhaité modifier les équilibres sylvo-cynégétiques qui avaient été trouvés au Sénat.

Mon vœu le plus cher est que la Haute Assemblée ne cherche pas à jouer le rôle de chambre des députés en deuxième lecture ! Je souhaite que nous conservions, sur ce sujet, le texte tel que nous l’avions adopté en première lecture. Il n’est certes pas miraculeux, mais au moins permettra-t-il d’avancer quelque peu et de remiser les couteaux au vestiaire.

M. Yvon Collin et M. Didier Guillaume, rapporteur. Très bien !

M. Philippe Leroy, rapporteur. Une autre question importante est celle des zones de montagne surboisées. J’aimerais que l’administration pense enfin à elles !

En France, certaines zones manquent de forêts : il faut absolument y empêcher le défrichement, quitte à multiplier par cinq ou six les compensations. En revanche, dans certaines zones de montagne, la forêt est si dense que le paysage se ferme. On me faisait remarquer tout à l’heure le caractère assez effrayant des images du tour de France traversant les Vosges : on ne voyait même plus les coureurs, on ne voyait que des sapins ! À certains endroits, le peloton s’engouffrait dans un tunnel noir. Comment voulez-vous que ces zones puissent conserver une population agricole et continuer à accueillir des touristes ? Elles deviennent purement forestières, purement sauvages, et il est urgent d’assouplir nos règles et de faire évoluer l’idéologie des forestiers en matière de défrichement, au moins pour ces zones surboisées.

À cet égard, l’Assemblée nationale a supprimé les dispositions qui avaient été adoptées par le Sénat ; je pense qu’il serait sage de les rétablir, pour protéger les zones de montagne où les taux de boisement dépassent 70 %.

Les députés nous ont aussi encouragés à prévoir, dans nos programmes régionaux de la forêt et du bois, des projets de desserte dans tous les massifs. Je crois qu’il ne faut pas aller au-delà. Les députés souhaiteraient que, chaque année, dans chaque département, on élabore un plan de desserte forestière. Il me semble que les problèmes liés à la ressource forestière et à son exploitation doivent se traiter par massif, sur une échelle de nombreuses années. On ne peut pas y revenir tous les ans. Dans cette perspective, le texte adopté par le Sénat en première lecture est sage et permettra d’éviter bien des conflits.

Quoi qu’il en soit, je crois que nous tenons le bon bout, même si nous reviendrons sans doute sur les sujets que je viens d’évoquer au cours du débat. Je souhaiterais à présent exprimer une légère inquiétude quant au problème des interprofessions.

Depuis la disparition du fonds forestier national, qui finançait, voilà dix ou quinze ans, les actions collectives des professions du bois, celles-ci se sont regroupées au plan national pour trouver les moyens de financement nécessaires.

Cela a été compliqué. On a créé une CVO, une contribution volontaire obligatoire ; les agriculteurs connaissent bien ce système. On a créé une taxe sur les produits industriels ; tout le monde l’a acceptée. On avait supprimé le fonds forestier national avec l’accord de tous les professionnels du bois, qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez. Ils sont revenus à des sentiments plus positifs en recréant, avec des moyens financiers nouveaux qu’ils prélèvent dans leurs propres caisses, deux interprofessions, l’une en amont et l’autre en aval. Ces interprofessions se mettent progressivement en place.

Environ 95 % des professionnels souhaitent conserver l’unité, afin de faciliter les actions collectives, notamment en matière de recherche et d’innovation, par exemple pour favoriser l’utilisation du bois dans le bâtiment. L’unité est utile à toutes les essences et à toutes les régions forestières. Seule une infime minorité d’irréductibles – en France, on est un peu gaulois – souhaiteraient créer des interprofessions par région ou par essence. Si nous ouvrons la porte à cette proposition, nous balkaniserons les actions collectives en matière de forêt et d’industrie du bois, ce qui sera préjudiciable à l’avenir.

Je me rallie donc totalement à l’amendement déposé en commission par Didier Guillaume à l’article 8. Oublier, à la faveur d’arguments trop régionaux, la nécessité de conserver en France, au moins pendant encore quelques années, l’unité de ces interprofessions que nous avons eu tant de mal à créer, ce serait un crime contre les actions forestières, au moment où l’État va recréer un fonds stratégique du bois.

Mes chers collègues, j’ai été un peu long. Je voulais être meilleur que Didier Guillaume, ou du moins, comme ce n’est pas possible, le battre en parlant deux fois moins longtemps que lui,…

M. Didier Guillaume, rapporteur. C’est raté ! (Sourires.)

M. Philippe Leroy, rapporteur. … mais je n’ai pas réussi mon pari. J’ai tout de même parlé quelques minutes de moins... Quoi qu’il en soit, je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de partager avec moi cette passion pour la forêt. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je dispose aujourd'hui de douze minutes pour m’exprimer. C’est inhabituel pour notre groupe : nous disposons généralement de six minutes. Je vais quand même essayer de ne pas utiliser l’intégralité de mon temps de parole.

Le lien entre l’agriculture, le territoire, l’alimentation et les citoyens est enfin fait. Pour nous, c’est essentiel. Le projet de loi traduit une véritable volonté de transition – une transition certes souple, mais réelle – dans l’intérêt supérieur de la nation et même au-delà, car la France se doit d’être exemplaire. Stéphane Le Foll a montré sa détermination – il m’est plus facile de la saluer en son absence, et je lui souhaite au passage un prompt rétablissement – à faire de la France le leader européen de l’agroécologie. C’est fort, c’est noble !

En première lecture, un certain nombre de nos amendements – pas mal, même – ont été retenus. En deuxième lecture à l’Assemblée nationale, les députés écologistes ont obtenu l’adoption de plusieurs amendements. Pour cette deuxième lecture au Sénat, je me suis limité à un peu plus d’une trentaine d’amendements. Parmi eux, il n’y a aucun amendement de facilité : ils ont tous leur cohérence. Je connais le sort qui attend beaucoup d’entre eux. Je souhaiterais cependant qu’on puisse véritablement se pencher sur les plus importants et en débattre malgré les avis défavorables émis par la commission.

Je voudrais dire qu’on entend énormément parler de compétitivité. Il faut conduire des politiques efficaces en termes économiques, en termes de respect des équilibres, en termes sociaux et sociétaux, mais la recherche de la compétitivité à tous crins me dérange. Je souhaiterais qu’on trouve un autre mot que celui-ci, même si je sais qu’il est dans l’air du temps ; nous, nous préférons parler d’efficience ou d’efficacité.

J’en viens à nos amendements.

Le système d’échange de semences entre les groupements d’intérêt économique et environnemental ne nous convient pas. Il est nécessaire que l’échange de semences entre exploitations puisse se faire en dehors des GIEE.

Didier Guillaume a souligné qu’un certain nombre de nos amendements portaient sur la méthanisation. Cette technique est une partie de la réponse aux problématiques agricoles et énergétiques, mais une partie seulement. Il ne faut pas que la méthanisation serve de prétexte à une industrialisation à outrance de l’agriculture et de l’élevage. Vous connaissez la ferme des mille vaches. Certains objecteront qu’elle ne comptera que cinq cents vaches, mais – j’en parlerai tout à l'heure à propos des SAFER – l’esprit mille vaches pourra perdurer, parce que nous n’avons pas encore trouvé la parade.

Nous souhaitons que la priorité soit donnée à la méthanisation agricole collective et que la puissance des méthaniseurs soit limitée. La méthanisation sert beaucoup dans les porcheries où les porcs sont élevés sur caillebotis. Il existe pourtant une autre méthode, ancestrale et noble celle-là, c’est d’élever les porcs sur paille. Vous pouvez bien sourire et presque ricaner, monsieur Bizet, mais ce serait véritablement un progrès. La paille, mélangée au lisier, donne du fumier, et ce depuis la nuit des temps. En plus, les excédents pourraient être un bon complément pour les méthaniseurs.

Nous souhaitons renouer les liens entre le monde agricole, les élus et les consommateurs.

Je me dois de parler des CDPENAF, les commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Nous avons déposé un amendement pour obtenir que leur avis conforme soit requis lorsqu’un projet ou un document d’aménagement ou d’urbanisme a pour conséquence une réduction de surfaces à vocation ou à usage agricole. Nous savons que cet amendement ne sera pas adopté, mais nous souhaitons que l’avis conforme des CDPENAF soit requis au moins pour les terres cultivées en agriculture biologique. Il me semble que c’est possible, et que ce serait un signe fort.

L’amendement de Didier Guillaume visant à supprimer l’obligation de demander l’avis – je parle d’un avis simple – de la CDPENAF sur les PLU, les plans locaux d’urbanisme, couverts par un SCOT, un schéma de cohérence territoriale, ne nous convient pas du tout. Je souhaite vraiment qu’on en discute. Il faut que les CDPENAF émettent au moins un avis simple sur l’ensemble des PLU du territoire national. Tout le monde le sait, le SCOT n’est pas à l’échelle du PLU qui, lui, est à l’échelle de la parcelle. Nous sommes allés trop loin dans la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Il est important d’en discuter. Pour nous, c’est un point extrêmement important.

Je l’ai dit à plusieurs reprises : je ne suis pas un marchand de tapis. Ce projet de loi nous convient, et nous le voterons. Le débat doit cependant avoir lieu, dans un climat de confiance réciproque. Nous souhaitons qu’il y ait une véritable réflexion, afin que nous puissions avancer sur cette question de l’avis des CDPENAF.

Je m’étendrai demain sur la question des pesticides, bien qu’il ne soit pas très sain de s’étendre sur des pesticides… Par définition, l’agroécologie doit se libérer de l’usage excessif, et même de l’usage tout court, de l’agrochimie. Les choses ne se feront pas du jour au lendemain, mais nous sommes convaincus que la noblesse de l’agronomie, en particulier de la recherche agronomique – nous parlerons de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, et des autres instituts de recherche –, serait de favoriser le développement de l’agroécologie.

Le projet de loi comporte un acquis en ce qui concerne les PNPP, les préparations naturelles peu préoccupantes. C’est un sujet pour lequel nous nous battons depuis longtemps, et nous avons fini par trouver une solution. L’action de Germinal Peiro, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, a été déterminante : il s’est mouillé pour trouver une solution avec le Gouvernement. C’est une grande avancée !

La question de l’aide bénévole dans le monde agricole peut sembler anecdotique. Je ne parle pas de l’entraide des agriculteurs, mais de l’aide apportée bénévolement par des citadins à des agriculteurs, qu’on appelle le wwoofing. Actuellement, il n’existe aucun cadre pour cette pratique. Nous souhaitons donc que soit créé un contrat d’aide bénévole.

Je ne m’attarderai pas sur la question des loups. Nous en parlerons demain. Il s’agit là encore de trouver un équilibre. Oui, le pastoralisme doit vivre – et pas seulement survivre –, afin de jouer son rôle dans la préservation de la biodiversité, dans l’élevage et dans l’alimentation, mais le loup doit lui aussi garder sa place !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Bien sûr !

M. Joël Labbé. Dans ce domaine également, le déséquilibre vient des nouvelles méthodes d’élevage. Dans les espaces dédiés au pastoralisme, il y a beaucoup moins de présence humaine que par le passé. Or on sait que le loup n’attaque pas l’homme, car le rapport de force lui est défavorable. Cela donne matière à réflexion.

Le projet de loi comporte une grande avancée sur la question des SAFER, puisqu’il donne la priorité aux nouvelles installations sur l’agrandissement des exploitations existantes. Il reste cependant un point clé pour lequel aucune solution n’a été trouvée : les parts de société. Nous avons discuté avec le Gouvernement et avec les services du ministère. En l’état, l’intérêt général ne peut pas s’imposer face au droit de propriété. Pour nous, c’est absolument inacceptable. Nous souhaitons que, s’il n’est pas possible de trouver une solution aujourd'hui, le Gouvernement retravaille sur ce point, afin que les établissements industriels tels que la ferme des mille vaches ne puissent pas continuer dans la même voie. Ils connaissent déjà les moyens de contourner la loi alors qu’elle n’a pas encore été votée.

Je dirai enfin un mot de la forêt. Nous avons un point de désaccord avec Philippe Leroy. Le code des bonnes pratiques sylvicoles ne nous convient pas. Nous en avons longuement parlé en première lecture, mais nous allons encore en parler, car nous souhaitons revoir cet aspect du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.

M. Jean-Jacques Lasserre. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, chacun sait que l’agriculture française est dans une situation extrêmement préoccupante. Nous connaissons les crises auxquelles elle est confrontée : la crise de l’élevage – Dieu sait que nous en avons parlé –, le déficit d’installations, la déprise agricole, la situation de plus en plus difficile des zones montagneuses, etc. La liste est longue. Face à ce constat, la recherche de la triple performance économique, écologique et sociale est bien entendu un bel affichage.

Pour faire court, ce texte nous inspire deux remarques.

Tout d’abord, nous aurions souhaité une ambition supérieure, des perspectives pouvant réellement redonner de la confiance à notre agriculture, qui en manque cruellement.

Ensuite, le travail parlementaire, notamment sénatorial, s’est bien déroulé et a permis d’enrichir le projet de loi. À ce titre, je salue l’excellent travail de nos deux rapporteurs, ainsi que celui de la commission, sous l’autorité de son président.

Concernant la première remarque, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer à ce sujet en première lecture, mais j’éprouve toujours les mêmes sentiments : nous devons donner un souffle nouveau et un véritable élan à notre agriculture, car elle manque de perspectives. La France est en perte de vitesse, à l’heure où la concurrence non seulement avec nos voisins européens les plus proches, comme l’Allemagne et les Pays-Bas, mais aussi à l’échelon mondial est de plus en plus rude.

Ce texte, qui contient de nombreux ajustements et des aménagements, est ce que j’appellerais un toilettage intéressant et non une grande loi d’avenir.