Sommaire

Présidence de M. Charles Guené

Secrétaires :

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Alain Dufaut.

1. Procès-verbal

2. Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales. – Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Discussion générale : M. Jean-Pierre Michel, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.

M. Jacques Mézard, Mme Esther Benbassa, M. Jean-Jacques Hyest.

Mme Esther Benbassa, M. Yves Détraigne, Mmes Éliane Assassi, Virginie Klès, M. Jean-René Lecerf.

Clôture de la discussion générale.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Article 7 ter A

Amendement n° 1 du Gouvernement. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois.

Article 20

Amendement n° 2 du Gouvernement. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

Article 21

Amendement n° 3 du Gouvernement. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

Amendement n° 4 du Gouvernement. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.

Vote sur l’ensemble

M. André Reichardt.

Adoption définitive du projet de loi.

3. Demande d'avis sur un projet de nomination

4. Dépôt d'un rapport

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

5. Questions d'actualité au Gouvernement

conflit au proche-orient

MM. Didier Guillaume, Manuel Valls, Premier ministre.

migrants de calais

Mme Marie-Christine Blandin, M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

conflit au proche-orient

Mme Annie David, M. Harlem Désir, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

ruralité-assises de la ruralité

MM. Jacques Mézard, Manuel Valls, Premier ministre.

question prioritaire de constitutionnalité sur la répartition des sièges dans les intercommunalités

MM. Patrice Gélard, André Vallini, secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale.

état d'avancement de la plateforme technique des écoutes judiciaires

Mmes Nathalie Goulet, Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.

apprentissage

Mmes Patricia Bordas, Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports.

procédures d'agrément dans les colonies de vacances

Mmes Sophie Primas, Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports.

logement

Mmes Delphine Bataille, Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires.

problèmes d’investissement dans les collectivités locales

MM. Jackie Pierre, André Vallini, secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale.

conflit au proche-orient

MM. Pierre Bernard-Reymond, Harlem Désir, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

6. Communication relative à une commission mixte paritaire

7. Prise d'effet de nominations à une commission mixte paritaire

8. Économie sociale et solidaire. – Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Discussion générale : M. Marc Daunis, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Mme Carole Delga, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.

MM. Jean-Claude Requier, Joël Labbé, Jackie Pierre, Mme Françoise Férat, M. Gérard Le Cam, Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État.

Clôture de la discussion générale.

Texte élaboré par la commission mixte paritaire

Adoption de l’ensemble du projet de loi.

MM. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques ; Marc Daunis, rapporteur de la commission des affaires économiques.

Suspension et reprise de la séance

9. Question prioritaire de constitutionnalité

10. Sécurisation des contrats de prêts structurés – Adoption définitive en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : MM. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget ; Jean Germain, rapporteur de la commission des finances.

M. Francis Delattre, Mmes Nathalie Goulet, Marie-France Beaufils.

PRÉSIDENCE DE Mme Christiane Demontès

MM. Jean-Claude Requier, Michel Berson.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er. – Adoption

Article additionnel après l'article 3

Amendement n° 1 de M. Dominique de Legge. – MM. Francis Delattre, le rapporteur, Christian Eckert, secrétaire d'État. – Retrait.

Vote sur l’ensemble

M. André Reichardt.

Adoption définitive du projet de loi dans le texte de la commission.

11. Communication relative à une commission mixte paritaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

12. Catastrophe aérienne en Ukraine

M. Jean-Claude Lenoir, Mme la présidente.

13. Mise au point au sujet d'un vote

M. Daniel Raoul, Mme la présidente.

14. Agriculture, alimentation et forêt. – Discussion en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : Mme Carole Delga, secrétaire d'État chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire ; MM. Didier Guillaume, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Philippe Leroy, rapporteur de la commission des affaires économiques.

MM. Joël Labbé, Jean-Jacques Lasserre, Gérard Le Cam, Yvon Collin, Gérard Bailly, Mme Renée Nicoux, M. Jean-Claude Lenoir, Mmes Françoise Férat, Bernadette Bourzai, M. Jean Bizet.

Clôture de la discussion générale.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.

Renvoi de la suite de la discussion.

15. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Charles Guené

vice-président

Secrétaires :

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,

M. Alain Dufaut.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures vingt-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales

Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive (texte de la commission n° 691, rapport n° 690).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, oui, la commission mixte paritaire a réussi, et nous nous en réjouissons.

Cet engagement a été tenu. Nous devons en remercier non seulement les présidents des deux commissions des lois – Jean-Pierre Sueur, pour le Sénat, et Jean-Jacques Urvoas, pour l’Assemblée nationale –, mais aussi le rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, Dominique Raimbourg, avec lequel nous travaillons depuis de longs mois.

Il a été tenu malgré les invectives, que je prends d’ailleurs souvent comme des compliments (Sourires.), proférées par un organe de presse qui n’a eu de cesse de désinformer ses lecteurs sur cette question à travers un éditorial, des articles de fond ou des points de vue de hauts magistrats, lesquels, une fois à la retraite, retrouvent le courage de parler, tels M. Magendie ou M. Bilger…

Oui, mes chers collègues de la majorité, vous avez eu raison, et je vous en remercie, d’avoir suivi presque complètement les propositions de votre commission des lois et de son rapporteur « idéologue », « laxiste », « démagogue », « provocateur » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme la garde des sceaux fait un signe de dénégation.)

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. …– j’en passe et des meilleures. (Sourires.)Je prends tout cela pour des compliments, y compris le fait d’avoir fondé le syndicat de la magistrature !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le projet de loi relatif à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive que nous avons voté en première lecture s’inscrit dans le prolongement de la loi pénitentiaire de 2009, qui définissait pour la première fois la prison comme l’exception.

À ce titre, l’article 3 du projet de loi oblige le juge à motiver spécialement la peine de prison ferme, non aménagée, y compris pour les récidivistes.

Par ailleurs, certaines des dispositions que vous avez votées donnaient plus de cohérence au texte, notamment celles portant sur la peine de contrainte pénale. En effet, elles tendaient à ce que cette dernière soit une peine autonome pour un certain nombre de délits – les délits routiers, par exemple – et elles la distinguaient beaucoup mieux du sursis avec mise à l’épreuve.

Enfin, d’autres dispositions que vous aviez votées, mes chers collègues, visaient à abroger des mesures contre lesquelles nous nous étions élevés fortement alors que nous étions encore dans l’opposition. Je me souviens des interventions de Robert Badinter, alors sénateur, de Jacques Mézard et d’Alain Anziani, notamment sur la rétention de sûreté et les tribunaux correctionnels pour mineurs.

En cet instant, je ne vais pas revenir sur toutes les dispositions qui restaient en discussion, mais vais simplement faire le point sur un certain nombre de désaccords importants qui étaient sur la table de la commission mixte paritaire et qui ont été résolus.

Le premier concernait le champ de la contrainte pénale. Un membre de la commission mixte paritaire qui n’est ni de mes amis politiques ni de mes amis tout court m’a dit, en forme de compliment, que ma proposition avait une certaine cohérence : il y avait en effet une certaine cohérence, mes chers collègues, à déclarer que la peine de contrainte pénale était une peine totalement détachée de la peine d’emprisonnement.

Suivant ainsi ce qui nous avait été indiqué lors de certaines auditions, notamment par Robert Badinter, trois types de peine auraient existé en matière délictuelle : la peine de prison, d’abord, le sursis simple, le sursis avec mise à l’épreuve, ou SME, et la contrainte pénale, ensuite, et les peines pécuniaires ou de confiscation, enfin.

Ce n’est pas ce qui a été retenu. La raison pour laquelle nous nous sommes finalement ralliés à la version issue des travaux de l’Assemblée nationale tient à ce que la peine de contrainte pénale, prononcée pour quelques délits uniquement et détachée de la peine d’emprisonnement, aurait été applicable immédiatement, ce qui aurait, semble-t-il, surchargé de travail les juges d’application des peines et les personnels de probation.

Cet argument était un peu fallacieux, madame la garde des sceaux, puisque le Gouvernement a déposé l’amendement n° 2 – amendement qui pose, d’ailleurs, des problèmes de coordination importants, que nous ne pourrons malheureusement pas régler ce matin –, lequel prévoit l’application immédiate des dispositions relatives à la contrainte pénale. Si l’application est immédiate pour tous les délits prévus par ces dispositions, elle aurait pu l’être également pour les quelques délits que je proposais. La commission mixte paritaire en a décidé autrement.

Le deuxième désaccord avait trait au seuil des aménagements de peine. Vous connaissez, mes chers collègues, les allées et venues auxquelles ce sujet a donné lieu. Pour notre part, nous nous sommes battus pour maintenir le seuil défini par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, dont le rapporteur pour le Sénat était Jean-René Lecerf. Ce seuil, adopté par le Sénat à une large majorité, avait été conservé grâce au président de la commission des lois de l’époque, Jean-Jacques Hyest. Et c’était cohérent avec l’ensemble du projet de loi. La commission mixte paritaire a donc maintenu la version adoptée par le Sénat, ce dont je me félicite.

Le troisième désaccord opposait non pas le Gouvernement et le Parlement, mais l’Assemblée nationale et le Sénat. Il portait sur certaines dispositions introduites par l’Assemblée nationale, sur l’initiative du rapporteur Dominique Raimbourg, notamment, qui visaient à accroître de façon importante les prérogatives de la police et de la gendarmerie.

J’avais proposé au Sénat de supprimer trois des quatre articles portant sur ce thème, et de largement modifier le dernier.

En commission mixte paritaire, pour arriver à un accord global, nous avons dû négocier sur ces articles.

L’article 15, qui prévoit de permettre la géolocalisation et l’interception des communications pour les personnes soupçonnées d’avoir violé une interdiction ou une obligation leur ayant été faite, avait été supprimé par le Sénat. Nous avons présenté un amendement commun, qui tend à rétablir le système prévu, mais en l’encadrant mieux, grâce à la fixation d’un seuil de gravité et d’une finalité à la mesure, cela afin de respecter notamment les décisions du Conseil constitutionnel.

Le Sénat avait également supprimé les articles 15 bis et 15 ter. Le premier a vu sa suppression maintenue ; le second a fait l’objet d’une nouvelle rédaction afin de soumettre au juge la transaction proposée par les officiers de police judiciaire.

Enfin, l’article 15 quater a été maintenu dans la rédaction du Sénat, qui en a restreint le champ. Cela nous paraît plus conforme à ce qu’il est possible de faire.

L’Assemblée nationale, qui examinait hier soir les conclusions de la commission mixte paritaire, a conservé ces mesures en l’état.

Le quatrième point de désaccord concernait la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, introduite dans le texte par la commission des lois du Sénat. Cette question, en effet, a fait l’objet d’un désaccord profond entre le Gouvernement et le Parlement, même si, sur ce point, les députés ont été plus faibles que vous, chers collègues de la majorité sénatoriale. (Sourires.)

Finalement, je me suis rallié au raisonnement selon lequel il convenait de conserver au présent projet de loi sa cohérence, en n’introduisant pas de réforme dans la réforme. La suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, lesquels, sans vouloir revenir sur ce sujet, n’ont pas donné les résultats escomptés, au point que tous les magistrats veulent leur suppression, doit donc figurer dans un autre texte.

Cet autre texte est prêt, d’ailleurs. J’en ai eu connaissance au cours du dernier trimestre de l’année dernière, lorsque j’effectuais, à la demande de Mme la garde des sceaux et du Premier ministre, une mission sur la protection judiciaire de la jeunesse. Ce texte, qui avait fait l’objet d’un arbitrage favorable, au moins par le ministère de la justice, avait par la suite été soumis à embargo.

Or, la veille de la commission mixte paritaire, le ministère de la justice a publié un communiqué – vous en avez tous eu connaissance, mes chers collègues –, selon lequel, « s’agissant du débat sur les tribunaux correctionnels pour mineurs […], le Gouvernement prend l’engagement de proposer la suppression de ces tribunaux correctionnels pour mineurs dans un texte sur la justice des mineurs qui sera présenté au premier semestre 2015 ».

J’espère, chers collègues qui serez encore sénateurs à cette date, que vous vous en souviendrez, afin d’inviter éventuellement le Gouvernement à tenir ses engagements !

Mme Catherine Tasca. Très bonne initiative !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Compte tenu de cet engagement du Gouvernement – et nous n’avons aucune raison de ne pas y croire –, nous avons accepté de ne pas introduire dans le présent projet de loi pénale la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs. Il est juste de dire, en outre, que le présent texte ne concerne pas les mineurs.

Le dernier désaccord, levé en séance au Sénat, avait trait à la suppression de la rétention de sûreté.

Lors de sa première réunion, la commission des lois avait suivi son rapporteur, et la rétention de sûreté – et non pas la surveillance de sûreté – avait été supprimée. Lors de sa deuxième réunion, quelques hésitations, quelques renoncements à mon avis coupables ont été notés. Et l’amendement tendant à rétablir la rétention de sûreté a été adopté.

J’ai tout de même retenu les déclarations de Mme la garde des sceaux à ce sujet : cette disposition, comme celle relative aux tribunaux correctionnels pour mineurs, concerne les criminels ; dès lors, afin de ne pas brouiller plus encore – certains organes de presse s’en chargent suffisamment – le projet de loi, lequel concerne les délinquants et non pas les criminels, le Gouvernement, pourtant hostile à la rétention de sûreté – Mme la garde des sceaux l’a dit très clairement –, a proposé de l’abroger dans un autre texte, à un autre moment. Compte tenu de ces arguments, avancés en séance plénière, le Sénat a maintenu la rétention de sûreté.

Tel est le résultat des travaux de la commission mixte paritaire. Cet accord, auquel certains sénateurs de l’opposition pourraient se rallier – auquel, du moins, ils pourraient ne pas s’opposer –, est un bon accord. Personne n’a mangé son chapeau, contrairement à ce que j’ai pu lire dans la presse.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Vous parlez toujours du même journal, mon cher collègue ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Personnellement, d’ailleurs, je ne porte jamais de couvre-chef.

C’est une grande loi que nous allons définitivement adopter. C’est un nouveau défi, une nouvelle méthode pour combattre la récidive et donc l’augmentation de la délinquance, mais aussi pour garantir à nos concitoyens la plus grande sécurité, qu’ils réclament à juste titre des pouvoirs publics.

Évidemment, pour que ce texte soit une réussite, le Gouvernement doit y mettre les moyens, financiers comme humains ; il doit mobiliser les magistrats, son administration, notamment pénitentiaire, pour obtenir les résultats attendus. En tout état de cause, mes chers collègues, nous pouvons être fiers du texte que nous allons voter.

Je voudrais, pour conclure, rendre un hommage particulier à Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice, pour l’engagement qu’elle a mis et la volonté dont elle a fait preuve, afin que ce texte voie enfin le jour. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse d’être avec vous ce matin afin de conclure en ces lieux le parcours de ce projet de loi dont la discussion a été très dense.

Les débats ont été riches tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Je le dis même si je connais le goût particulier pour les querelles entre les deux chambres – en témoigne l’adjectif que M. le rapporteur, malgré tout le bien qu’il pense de la chambre basse, n’a pas résisté à utiliser voilà un instant pour qualifier les députés (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Les débats tenus dans les deux chambres du Parlement sont toujours de tonalités différentes, ces deux assemblées ayant des méthodes de travail, des approches, des sensibilités dissemblables.

Mme Catherine Tasca. Heureusement !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela contribue à enrichir considérablement le travail parlementaire, donne vraiment sens à la navette et permet, même lorsque la procédure accélérée a été engagée, d’aborder de façon distincte et donc enrichissante les textes examinés.

Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, la façon dont s’est déroulée la commission mixte paritaire. En qualité de garde des sceaux, et au nom du Gouvernement, je veux m’autoriser à saluer non seulement la qualité du travail, mais aussi et surtout l’état d’esprit des parlementaires qui ont participé à cette commission mixte paritaire. Sa réunion, il faut le souligner, a été bien préparée par la qualité des débats et par l’état d’esprit, là encore, qui régnait aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, état d’esprit alimenté de façon continue par les deux rapporteurs, Dominique Raimbourg et Jean-Pierre Michel, qui travaillent ensemble sur ce texte depuis plusieurs mois.

Le Sénat s’était emparé du texte très en amont, comme il le fait souvent, en procédant à des auditions extrêmement diversifiées, en organisant des rencontres avec l’Assemblée nationale et en réalisant quelques travaux sur ce thème.

Si le parcours au sein des chambres parlementaires a été relativement réduit, le présent projet de loi a connu un long cheminement.

Nous avons en effet commencé à travailler sur ce texte avec la conférence de consensus sur la prévention de la récidive, installée en septembre 2012. Cette méthode, complètement inédite, a été particulièrement féconde. Mais je ne veux pas ignorer tous les travaux effectués avant la conférence de consensus, y compris dans cette chambre. Cela fait des années, en effet, que certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, travaillent sur ces sujets. Il m’est ainsi arrivé à plusieurs reprises de saluer, du haut de cette tribune, le rapport de commission d’enquête parlementaire dit « rapport Hyest-Cabanel », publié en 2000. J’ai également participé au débat sur l’application de la loi pénitentiaire, qui m’a permis de vérifier, une nouvelle fois, que des travaux sur ce sujet avaient été menés bien avant la conférence de consensus.

Ces travaux ont été réalisés dans les chambres du Parlement, bien sûr, mais aussi au sein des universités, dans des espaces où se sont retrouvés des chercheurs, des universitaires, des parlementaires, des professionnels de la justice, des militants associatifs sensibles à ces questions. Une très grande variété de conceptions et d’expériences, en somme, se sont mêlées, ces dernières années, pour produire des études ou des analyses ; ce sont autant de matériaux mis à la disposition de la conférence de consensus, qui ont permis à cette dernière d’être un vrai succès.

La maturation du texte a donc été longue.

Si le parcours au sein du Parlement a été plus court, le projet de loi n’a cependant pas perdu en densité. Le texte, mesdames, messieurs les sénateurs, est à votre disposition depuis le 9 octobre 2013, et les auditions multiples que vous avez conduites vous ont permis de prendre en compte la diversité, la multiplicité des approches, des sensibilités et des perceptions sur ces sujets.

L’état d’esprit ayant présidé aux travaux de la commission mixte paritaire a permis d’aboutir à un texte que j’estime aujourd'hui de très grande qualité. Il s’agit là d’une appréciation non pas subjective, mais objective, qui se vérifiera dans le temps. Et le crédit des mesures adoptées reviendra aux parlementaires ayant participé à leur élaboration.

Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, le texte conserve ses dispositifs structurants. Tout d’abord, une totale liberté d’appréciation a été restituée aux magistrats grâce à la suppression de certains mécanismes. Ensuite, vous avez créé la contrainte pénale, qui s’est précisée et enrichie au cours du travail parlementaire, ce qui facilitera pour les magistrats l’appropriation de cette peine. Enfin, vous avez précisé, en adoptant le régime de libération sous contrainte, le dispositif de lutte résolue contre les sorties sèches, qui entraînent des récidives.

Par ailleurs, vous avez enrichi le texte en adoptant un certain nombre d’autres dispositions visant à consolider ces trois dispositifs très structurants et à élargir les normes pénales concernant des situations qui vous tenaient à cœur depuis plusieurs années.

Disant cela, je pense notamment à vos initiatives en matière de prise en compte de l’altération du discernement. M. Jean-René Lecerf a été très actif sur ce point : il a abordé cette question avec lucidité, mais aussi un grand sens des responsabilités. Il a souligné l’importance de la prise en charge des personnes dont le discernement est altéré, lesquelles ne doivent pas subir la rigueur d’une peine maximale et doivent pouvoir bénéficier de soins.

Vous avez aussi montré votre attachement à différents sujets, à l’instar de l’Assemblée nationale qui, sur l’initiative de M. Alain Tourret, a prévu, par exemple, une amélioration des conditions d’aménagement des peines pour les femmes enceintes. Toute une série de dispositions a ainsi été introduite : elles enrichissent les normes pénales et permettront à la politique pénale d’être plus efficace.

Je n’oublie pas non plus une disposition concernant l’incitation à la lecture, dont l’initiative revient à un député UMP. Nous avions souhaité retravailler cet amendement plus précisément. Grâce à vous, cela a été possible, et cette disposition figure désormais dans le texte.

Le Parlement a également voulu inscrire dans la partie législative du code de l’organisation judiciaire les bureaux de l’exécution des peines. C’est une bonne chose de consolider ces bureaux, qui permettent une plus grande diligence dans l’exécution des peines.

Les bureaux d’aide aux victimes, que nous avons créés dans tous les tribunaux de grande instance, ont également été introduits dans le code de l’organisation judiciaire grâce à vous.

Nous avons également inscrit dans la loi la justice restaurative, anticipant ainsi la transposition de la directive Victimes, qui doit intervenir d’ici à la fin de l’année 2016. Depuis janvier 2014, une expérimentation par anticipation des dispositions de cette directive est d’ailleurs menée dans huit tribunaux de grande instance, un suivi individualisé des victimes étant assuré, conformément aux nouvelles normes européennes.

Vous avez également prévu une sur-amende visant à contribuer au financement de l’aide aux victimes. Depuis la première année de la mise en place de cette aide, le Gouvernement a augmenté de 25,8 %, puis de 7 %, le budget qui y est consacré. Une hausse est également prévue dans le cadre de la prochaine loi de finances. Nous le savons, il convient de diversifier les ressources de ce budget pour les pérenniser. Tel est donc l’objet de cette sur-amende.

D’autres dispositions permettront de saisir le juge de l’application des peines lorsque la mise à exécution d’une peine survient plus de trois ans après son prononcé. Cette mesure importante permet de reconsidérer la situation de la personne condamnée, pour déterminer s’il y a lieu d’aménager sa peine. En effet, une courte peine exécutée à l’issue d’un délai aussi long peut provoquer une désocialisation, si la situation de la personne a changé entre-temps.

Vous avez donc prévu des dispositions supplétives en ce sens – ne voyez aucune connotation péjorative dans l’utilisation de cet adjectif, bien au contraire ! – qui consolident l’armature même de cette réforme pénale.

Le travail fourni en commission mixte paritaire a été de très grande qualité, et je tiens à le saluer.

Lors des débats qui se sont déroulés au Sénat, vous aviez montré votre attachement à certaines dispositions introduites dans le texte de la commission, sur l’initiative de M. le rapporteur. Le fait d’avoir accepté soit de les aménager, soit de les différer montre les efforts que vous avez consentis pour permettre la réussite de la commission mixte paritaire et aboutir aujourd'hui à cette lecture conclusive.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens donc à vous exprimer ma gratitude, à titre aussi bien personnel, politique et institutionnel – en tant que ministre de la justice – que démocratique et civique. En effet, votre volonté d’aboutir nous permet maintenant de passer à l’application de nouvelles règles pénales et à une politique publique pénale dont nous voulons assurer l’efficacité. Celle-ci devra tout simplement se traduire par la réduction de la récidive, et non pas seulement par la lutte contre celle-ci. C’est la prévention de la récidive qui conduira à la réduction de cette dernière, et donc à la diminution des actes de délinquance et du nombre de victimes potentiellement exposées à ces actes.

Nous sommes quelque peu impatients d’appliquer ces nouvelles normes et de mesurer aussi vite que possible – c’est du moins ce que j’espère – les résultats en matière de prévention de la récidive, de lutte contre la sortie sèche et de réinsertion des personnes condamnées.

Vous avez également témoigné de votre volonté d’aboutir s’agissant de la contrainte pénale, que vous aviez prévue pour un certain nombre de délits, sans possibilité d’incarcération. Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, vous obéissez à une logique incontestable, en concevant un système des peines fondé d’abord sur l’amende, ensuite sur la contrainte pénale – peine autonome en milieu ouvert –, enfin sur l’incarcération. Cela contribuera évidemment à la cohérence et à l’efficacité de notre système pénal, et en particulier de l’incarcération, celle-ci étant prononcée pour une durée déterminée et impliquant une nécessaire réinsertion : le retour dans la société doit en effet être préparé à l’intérieur de la prison, afin que le condamné ne soit pas en situation objective de récidive – en tout cas de facilitation de la récidive.

Vous étiez très attachés à cette cohérence. Je le suis également, dans la mesure où, ces dernières années, la centaine de modifications du droit pénal et de la procédure pénale a produit une relative incohérence dans la hiérarchie des peines. Nous devons donc travailler sur cette question !

La hiérarchie des peines doit correspondre à la hiérarchie des valeurs de la République : il ne peut y avoir de déconnexion entre l’échelle des peines et celle de nos valeurs. Pour illustrer très clairement les choses, je dirai qu’on ne peut pas, dans une société aussi sensible que la nôtre à l’individu, à la personne humaine et à sa dignité, accepter que les atteintes aux biens soient punies plus sévèrement que les atteintes aux personnes. Il y a là des discordances qu’il nous faudra corriger dans le code pénal, afin de rétablir une connexion avec nos valeurs républicaines selon lesquelles la personne est plus importante que les biens. Même si le droit de propriété est un droit constitutionnel à la protection duquel nous devons veiller, même si l’atteinte aux biens doit être sanctionnée, la République doit délivrer le message selon lequel elle est encore plus attentive à l’intégrité des personnes : les atteintes portées à ces dernières seront donc punies plus sévèrement.

Ce travail de fond dans le code pénal reste donc à faire. Je l’ai confié à la mission présidée par Bruno Cotte, qui doit rendre son rapport à la fin de l’année 2015. Par ailleurs, des travaux du Parlement et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, sont déjà en cours. Nous ferons en sorte que tous aboutissent, pour que la hiérarchie des peines soit repensée et mise en cohérence avec l’échelle de nos valeurs.

Votre conception était donc tout à fait fondée, mesdames, messieurs les sénateurs. Simplement, il était prématuré, par rapport au travail de fond restant à accomplir, de la mettre en œuvre dans le cadre de ce texte.

Vous avez également accepté de modifier ce que vous aviez prévu en matière de sanctions s’agissant de l’inobservation des obligations et interdictions, et je vous en remercie. Si le juge correctionnel définit la durée maximale d’incarcération, celle-ci peut ensuite être prononcée par le juge délégué, éventuellement saisi par le juge de l’application des peines, qui pourrait décider une mise en œuvre partielle de l’incarcération, les parcours de désistance pouvant être, nous le savons, chaotiques. À certaines périodes, il faut resserrer le contrôle et la sanction ; à d’autres, il convient au contraire d’assouplir de telles mesures, la personne étant en cours de réinsertion.

En créant un délit spécifique, nous aurions pu rencontrer une difficulté, dans la mesure où il serait devenu nécessaire d’introduire de nouvelles poursuites, en risquant de suspendre la contrainte pénale, c'est-à-dire toutes les mesures de suivi. Le dispositif aurait ainsi perdu en efficacité.

Vous avez également accepté en commission mixte paritaire, ce dont je vous remercie également, que les services pénitentiaires d’insertion et de probation soient reconnus dans leurs missions régaliennes et soient pilotes dans la mise en œuvre de la contrainte pénale. Cela n’altère bien entendu en rien leurs relations avec les partenaires associatifs, lesquels interviennent en phase présententielle et produisent un travail de grande qualité qui est reconnu. La contrainte pénale, qui se fait en milieu ouvert, est une peine autonome en soi, non référencée à la prison. Ainsi, l’article 8 de ce texte vise à modifier l’article 131-3 du code pénal, en inscrivant la contrainte pénale après l’emprisonnement et avant l’amende et les autres peines en milieu ouvert. Sa mise en œuvre doit relever des missions régaliennes de l’État, en particulier du ministère de la justice.

Vous avez également tenu à rétablir les dispositions de la loi pénitentiaire – on peut le comprendre – pour des raisons aussi bien de droit que de constance. Nul n’ignore le travail de fond accompli à l’époque sur ce texte par le rapporteur Jean-René Lecerf et le président très actif de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest. Sur ce point, c’est l’Assemblée nationale qui a accepté de rapprocher son point de vue de celui qui était défendu par le Sénat.

Vous avez modifié le régime d’octroi des réductions de peine et de libération conditionnelle.

Par ailleurs – vous l’avez dit, monsieur le rapporteur –, le désaccord n’a pas disparu s’agissant des dispositions concernant la géolocalisation et les écoutes.

J’ai présenté hier soir à l’Assemblée nationale des amendements qui ont été rejetés, comme je m’en doutais. Je souhaitais néanmoins alerter très clairement les députés sur les risques constitutionnels qui existaient quant à ces dispositions. Il me paraît en effet responsable, de la part du Gouvernement, d’indiquer aux députés et aux sénateurs qu’il y a des risques potentiels.

M. Jean-Jacques Hyest. Vous avez raison !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous remercie, monsieur le sénateur ! Hier soir, un député UMP a pourtant essayé de me chercher querelle sur ces amendements !

M. Jean-Jacques Hyest. C’est parce qu’il n’y a pas eu de navette !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ces amendements sont également souhaités par le ministère de l’intérieur. L’Assemblée nationale les ayant repoussés, le Gouvernement ne peut donc les défendre aujourd'hui devant le Sénat.

Mais, s’agissant de la géolocalisation, des écoutes et de la généralisation de la surveillance judiciaire, le texte comprend tout de même quelques dispositions suscitant des craintes de notre part.

M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même si le texte n’était pas déféré au Conseil constitutionnel, nous ne serions pas à l’abri d’une éventuelle question prioritaire de constitutionnalité. Je n’insiste pas, le débat ayant eu lieu hier soir à l’Assemblée nationale.

L’essentiel des travaux de cette commission mixte paritaire ayant été présenté par vos soins, monsieur le rapporteur, je n’irai pas plus loin.

J’évoquerai simplement la décision prise de ne pas supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs, par laquelle vous avez terminé votre intervention. Vous avez rappelé l’engagement du Gouvernement – je précise qu’il s’agit bien d’un engagement du Gouvernement, et non simplement de la garde des Sceaux – de présenter une réforme de l’ordonnance de 1945 au cours du premier semestre 2015. Le Gouvernement, qui ne souhaitait pas que des dispositions relatives aux mineurs soient inscrites dans ce projet de loi ne les concernant pas, marque ainsi son respect à l’égard du Parlement.

Je conclurai, mesdames, messieurs les sénateurs, en vous exprimant à nouveau ma gratitude pour la qualité tant de nos débats et de nos travaux, que du texte de loi issu des discussions en commission mixte paritaire.

Ma gratitude est plus profonde encore pour ces deux années au cours desquelles nous avons eu à traiter de toutes les questions de justice. Je pense notamment aux questions concernant la justice civile, à laquelle vous êtes aussi extrêmement sensibles, ou encore à celles qui portent sur la proximité territoriale de la justice, ce dernier point témoignant de votre très grand attachement à la présence de sites judiciaires au niveau des territoires, et donc à leur accessibilité à tous les citoyens, où qu’ils se trouvent.

Votre mobilisation permanente et constante sur les textes de loi relevant du domaine de la justice conforte le travail des magistrats, des greffiers, des personnels pénitentiaires, des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse. Ce n’est donc pas la seule gratitude de la garde des sceaux ou du Gouvernement que j’exprime devant vous ; c’est celle de l’ensemble des personnes qui font vivre ce beau service public de la justice ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la garde des sceaux, il vous aura fallu beaucoup de ténacité, de courage, d’obstination et de volonté pour parvenir à ce 17 juillet, à ce jour où, nous l’espérons, sera votée cette réforme pénale que, malgré les critiques, les caricatures, les insultes, vous avez menée avec beaucoup de force et, également, un sens du dialogue et de l’écoute digne d’être souligné.

Il est rare, voire, me semble-t-il, sans précédent, qu’un texte de loi de cette importance soit précédé d’une concertation longue de dix-huit mois.

Il y a d’abord eu un groupe de travail présidé par Mme Nicole Maestracci, puis cette grande conférence de consensus au cours de laquelle tous les professionnels de la justice – magistrats, avocats, greffiers –, ainsi que les représentants de l’administration pénitentiaire, de la police et de la gendarmerie se sont exprimés. Toutes celles et tous ceux qui ont participé à ces deux jours de rencontre en ont été marqués ! Les détenus ont également été entendus, tout comme, bien sûr, les victimes. Enfin, un grand débat national, organisé au siège de l’UNESCO, a permis d’aborder diverses questions : le sens de la justice, son but, son efficacité, les attentes de nos concitoyens à cet égard…

C’est donc au travers de ce parcours tout à fait remarquable et sans précédent, je le redis, que ce texte de loi a été préparé.

Vous comprendrez, mes chers collègues, que je tienne également à rendre hommage à mon collègue et ami Jean-Pierre Michel.

Je lisais ces jours derniers un nombre conséquent d’articles sur ce très vieux thème – cette littérature, vous le savez, est ancienne comme le Sénat – de l’utilité de la Haute Assemblée. Celle-ci joue un rôle éminemment important car, sans bicamérisme, il n’y a pas d’écriture de la loi : ni la navette ni ce travail collectif par lequel, progressivement, mot après mot, phrase après phrase, la loi s’élabore ne sont possibles !

Le Sénat démontre son existence quand, en son sein, des paroles fortes sont entendues, et c’est pourquoi je veux rendre hommage à Jean-Pierre Michel. Son rapport, j’en ai la conviction, était totalement fidèle à l’esprit de la loi. Il tirait les conséquences du texte, mais indiquait aussi avec netteté ce qui avait motivé son élaboration, quel était l’objectif attendu et pourquoi, en particulier, il convenait de revenir sur le sens de la peine et de créer de nouvelles peines, bien définies.

Aux caricatures qui, il est vrai, ont été brossées, vous avez, cher Jean-Pierre Michel, répondu avec beaucoup de talent. En un sens, celles-ci vous honorent ! Vivre, c’est lutter, à en croire Victor Hugo, qui avait bien raison de le penser !

Le Sénat est donc fort quand des paroles fortes s’énoncent en son sein. Ce fut très souvent le cas, beaucoup plus qu’on ne le prétend, et nous sommes honorés que notre rapporteur ait su, comme vous-même, madame la ministre, défendre l’esprit de cette loi.

La commission mixte paritaire est donc parvenue à un accord, dans des conditions que vous connaissez, mes chers collègues, celles d’un dialogue, parfois sans concession, parfois difficile, avec des demandes, des exigences, des compromis, et des points auxquels nous étions profondément attachés.

Je tiens à en citer trois.

Tout d’abord, la contrainte pénale est une vraie peine. M. le rapporteur avait proposé que cette peine fût la seule possible pour un certain nombre de délits. Ce ne sera pas le cas, conformément à l’accord que nous avons passé avec l’Assemblée nationale. Mais, à l’occasion de l’extension du dispositif à tous les délits, qui, selon les termes du projet de loi, aura lieu dans quelques années, on s’interrogera sur la possibilité de reprendre cette idée. C’est une des conclusions de la commission mixte paritaire.

Par ailleurs, le travail accompli par le passé, en particulier par Jean-René Lecerf, ayant été cité, je souligne quel a été notre extrême attachement à ce que l’on ne revînt pas sur les décisions prises lors du vote de la loi pénitentiaire et sur les aménagements de peine pour les non-récidivistes et les récidivistes.

Nous savons bien – on nous l’a suffisamment répété – qu’un arbitrage, pour reprendre le terme habituellement employé, a été rendu voilà quelque temps, mais nous considérons que le Parlement doit faire la loi. Le fait que le Sénat ait unanimement voté ces aménagements de peines et le renouvellement, voilà quelques semaines, de ce vote unanime constituaient de puissants arguments. Il y a donc eu un accord sur cette question, le Gouvernement ayant aussi marqué son accord.

C’est un point très important car, tout le monde le sait, une volonté d’en finir avec les sorties sèches est affichée dans ce projet de loi. Or, en finir avec les sorties sèches, cela signifie préparer et aménager la sortie de prison, de sorte qu’un individu, après six, sept, huit, dix ans de détention, ne se retrouve pas un beau matin sur le trottoir, sans attache familiale, sans environnement social, sans logement, sans travail.

La prison est une institution nécessaire et forte de la République. D’ailleurs, madame la ministre, je me réjouis que vous veniez très bientôt en inaugurer une dans le département du Loiret. Ces établissements pénitentiaires ont trois missions, toutes absolument indispensables : protéger la société, punir et préparer la réinsertion. La préparation de la sortie de prison est donc une dimension très importante de ce projet de loi, à laquelle il faudra consacrer des moyens, et nous serons très vigilants, sur toutes les travées, à cette question des moyens, qui sont véritablement essentiels.

Enfin, le dernier point auquel nous étions très attachés concerne la justice des mineurs. , vous savez mieux que personne, madame la ministre, combien il fallut parfois discuter et convaincre pour parvenir au communiqué que vous avez bien voulu publier un lundi, à dix-sept heures, alors que la commission mixte paritaire se déroulait le mardi à dix heures trente.

Envers et contre tout, en dépit des démagogies et des polémiques, nous considérons que les mineurs sont des êtres en devenir et nous restons fidèles à l’ordonnance de 1945, même modifiée trente-sept fois, car c’est un texte qui peut toujours être amélioré. Nous estimons donc que l’engagement, pris par vous-même, madame la ministre, et, comme vous venez de l’indiquer à la tribune, par l’ensemble du Gouvernement, d’organiser au cours du premier semestre de l’année 2015 un débat autour d’un projet de loi sur la justice des mineurs et les tribunaux correctionnels pour mineur est un engagement très fort.

Nous sommes parvenus à un accord sur de nombreux autres sujets, que Jean-Pierre Michel a évoqués. Effectivement, les discussions fructueuses avec Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, que je tiens à saluer, avec Dominique Raimbourg, rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, qui partage avec notre rapporteur une même passion pour la justice, ont été précieuses, tout comme les dialogues constants avec l’ensemble des membres du Gouvernement, les équipes de Matignon et celles de la Présidence de la République ayant suivi ce dossier. Je tiens à le préciser, et chacun se reconnaîtra.

L’histoire le dira, mais cette date du 17 juillet 2014 pourrait être importante dans l’histoire de notre justice, car ce projet de loi a pour philosophie de rompre avec le « tout carcéral ». Il s’agit d’affirmer que nous voulons l’impunité (Mme la garde des sceaux s’étonne.)… Pardonnez ce lapsus : nous voulons lutter contre l’impunité, comme le demandent aussi, à juste titre, tous les citoyens, toutes les victimes, ce qui exige des peines diversifiées et individualisées.

Nous voulons aussi de la rigueur, au niveau tant de la détention, qui doit préparer la réinsertion, que de la contrainte pénale, qui doit être une vraie peine, préparée, accompagnée et suivie.

Pour conclure, mes chers collègues, je tiens à tous vous remercier d’avoir contribué à l’élaboration de ce projet de loi. J’y insiste, celui-ci marquera un changement de culture – je l’espère en tout cas – quant à notre façon d’appréhender la loi pénale et l’idée que nous nous faisons de la justice dans ce pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Notre groupe ne veut pas l’impunité pour les délinquants, monsieur le président de la commission des lois !

M. Bruno Sido. Très bien ! Nous non plus ! Merci, monsieur Mézard !

M. Jacques Mézard. Nous avons l’habitude d’être cohérents.

Mme Esther Benbassa. Cela dépend… (Exclamations.)

M. Jacques Mézard. Oh, madame Benbassa, cela commence très mal ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pardonnez ce lapsus !

M. Jacques Mézard. J’espère que c’en était un !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mais oui !

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le vrai débat, la question de fond qui resurgit constamment depuis de longues années, c’est le surpeuplement qui affecte nos prisons,…

M. Bruno Sido. Eh oui !

M. Jacques Mézard. … dans des conditions qui sont absolument détestables et intolérables par rapport aux valeurs de tous ceux qui sont présents dans cette assemblée.

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Jacques Mézard. Pour autant, on sait bien – pour reprendre d’autres propos qui ont pu être tenus dans certains journaux ou à l’Assemblée nationale – que la construction immédiate de 20 000 places de plus, d’une part, n’est pas possible et, d’autre part, ne résoudra pas le problème.

Telle est la réalité de fond, qui vous a certainement amenée, en même temps que d’autres arguments, madame la garde des sceaux, à proposer ce texte.

Le « tout carcéral » a longtemps été présenté comme la solution universelle à tous les maux de la délinquance.

Le projet de loi modifié par le Sénat redonnait un fil d’Ariane à notre politique pénale dans le labyrinthe législatif où elle s’était souvent perdue.

Cher rapporteur, vous avez parlé des attaques injustes que vous avez subies. Je ne sais pas si l’on peut vous pardonner le fait d’avoir contribué à la création du syndicat de la magistrature (Sourires.) mais, pour le reste, je ne puis que louer vos qualités. Je crois quand même que, à défaut d’avoir mangé votre chapeau, vous avez avalé pas mal de couleuvres.

Nous avons refusé la rétention de sûreté, les peines planchers ; notre groupe avait d'ailleurs déposé deux propositions de loi sur ces sujets. Nous avions aussi souvent contesté les lois pénales réactives aux médias ; dire cela n’est pas faire preuve de laxisme ; c’est simplement témoigner un attachement aux valeurs fondamentales de la République.

D’un commun accord, les peines planchers ont été supprimées de ce texte, comme la révocation automatique des sursis pour les récidivistes déjà plus lourdement condamnés.

La contrainte pénale, mesure phare de ce texte, a été conservée dans la version de l’Assemblée nationale. Mais cette version, nous l’avons quant à nous peu appréciée.

Le texte qui nous est aujourd’hui proposé – même si, monsieur le président de la commission des lois, vous considérez comme une réussite le simple fait qu’une commission mixte paritaire ait abouti, et nous connaissons votre enthousiasme constant pour tous ces grands succès – a perdu une part de la cohérence qui lui avait donnée lors de l’examen par le Sénat.

Nous avions prévu que la contrainte pénale devenait la peine principale pour une liste limitative de délits excluant les atteintes aux personnes. La Haute Assemblée, dans sa grande sagesse – et nous pourrions dire aux députés qui nous qualifient de « majorité ringarde » que nous n’avons guère de leçons à recevoir d’eux en la matière –…

M. Bruno Sido. Absolument !

M. Jacques Mézard. … avait estimé qu’il fallait, avant son extension à tous les délits en 2017, susciter un nouveau débat autour de son évaluation.

Dans sa version actuelle, cette contrainte pénale pourrait s’apparenter à une énième sanction pénale parmi les innombrables autres qui existent déjà dans l’arsenal juridique.

Madame la garde des sceaux, vous aviez raison de poser le problème de la hiérarchisation des sanctions et de leur cohérence avec l’organisation judiciaire. Ce débat ne pourra pas être différé trop longtemps, car il y a là un véritable problème.

L’option choisie aboutit à une peine en milieu ouvert plus contraignante que le sursis avec mise à l’épreuve – il n’est pas supprimé –, pour un panel de délits moins graves.

Je ne suis d’ailleurs pas sûr qu’elle sera appliquée par les juges, tant du fait de son manque de lisibilité qu’en raison surtout, et nous le savons tous, du manque de moyens financiers et humains. Les gouvernements successifs, quels qu’ils soient, persistent et signent dans des réformes qui sont parfois trop superficielles hors de la réalité pénale : surpopulation carcérale, je l’ai dit, désocialisation des petits délinquants, inefficacité des processus d’insertion et de réinsertion, inexécution des peines, qui est aussi l’un des gros problèmes de notre système actuel, et, au bout de tout cela, épuisement des professionnels.

Le texte issu de la commission mixte paritaire a rétabli une disposition, supprimée par la Haute Assemblée, confiant aux officiers de police judiciaire le pouvoir de transiger sur certaines infractions, sur le modèle anglo-saxon. Quel est là le signal envoyé à nos concitoyens ? Quel est ce mauvais mélange de genres qui ne respecte pas les prérogatives de l’autorité de poursuite qu’incarne le procureur de la République ?

Nous regrettons que l’on aille vers de telles dispositions au mépris des grands principes de notre droit pénal.

À ce titre, il était essentiel que le suivi pénitentiaire des personnes placées sous suivi judiciaire reste une prérogative des services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, et ne soit pas partagé avec des acteurs non régaliens, à la légitimité plus que floue.

Le Gouvernement s’étant engagé à déposer au début de l’année 2015 – vous l’avez d’ailleurs rappelé – un texte portant réforme de l’ordonnance de 1945, la commission mixte paritaire n’a pas conservé la disposition introduite par le Sénat qui supprimait les tribunaux correctionnels pour mineurs ; nous le regrettons. Dont acte. Je rappelle aussi que c’était un engagement de campagne du Président de la République.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !

M. Jacques Mézard. Il y a les engagements tenus, ceux qui posent problème et ceux qui ne sont pas tenus, et qui devraient l’être. Mais c’est un autre débat…

Mme Catherine Tasca. Ils sont tous bons !

M. Jacques Mézard. Vous le savez, ces formations posent aujourd'hui plus de difficultés qu’elles n’en résolvent, et je suis heureux que vous ayez annoncé qu’on reviendra, dans quelques mois, sur ces textes.

Le texte que nous nous apprêtons à voter devrait être le symbole du refus du populisme pénal qui a trop longtemps présidé à l’élaboration de la politique pénale. Nous ne voulons pas qu’il devienne, madame la garde des sceaux, un simple texte d’opportunité ; nous souhaitons au contraire qu’il fasse l’objet d’une application forte.

Pour terminer, je souhaiterais – même s’il s’agit d’un cavalier dans le débat qui nous occupe – faire une très brève observation.

Nous avons entendu les déclarations de M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, sur les professions réglementées. Il serait important, madame la garde des sceaux, que vous puissiez rassurer au moins la profession des avocats, en particulier dans les petits et moyens barreaux : ce sont en effet eux qui assument souvent la charge de la défense pénale, et il faut veiller à ne pas les fragiliser plus que ce n’est le cas actuellement.

M. Yvon Collin. Fort bien !

M. Jacques Mézard. Dans ces conditions, la majorité de mon groupe apportera son soutien à ce texte et approuvera les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive, selon l’intitulé adopté par le Sénat. Je veux le dire d’emblée – je serai bien sûr un peu moins critique que M. Mézard (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.) –,…

Mme Esther Benbassa. … ce texte est une source de grande satisfaction pour le groupe écologiste.

D’une part, il constitue un véritable tournant pour la justice de notre pays. En effet, sans éluder la souffrance et la place des victimes ni céder à un quelconque laxisme, il instaure de véritables alternatives à l’incarcération dont on sait qu’elle est bien souvent à l’origine de la récidive.

La contrainte pénale, disposition phare du projet de loi, qui se déroulera en milieu ouvert, est ainsi une peine à part entière, une peine dont la finalité est de responsabiliser et de réinsérer dans notre société le condamné.

Nous souhaitons d’ailleurs avec force que cette nouvelle peine trouve rapidement toute sa place dans le système pénal, qu’elle soit véritablement appliquée et ne soit pas considérée par les magistrats comme une simple alternative au sursis avec mise à l’épreuve.

D’autre part, en élaborant un véritable texte de gauche, le Sénat a montré une fois de plus qu’il était capable non seulement d’esprit de consensus mais aussi d’ambition et de liberté.

Le succès de la commission mixte paritaire était nécessaire pour que les avancées introduites par le Sénat soient maintenues et défendues. Cela a été le cas, et le texte que nous examinons aujourd’hui nous paraît faire preuve d’équilibre.

Je veux ici saluer votre travail, madame la garde des sceaux, votre ténacité et votre engagement au service de cette réforme ambitieuse.

Nous regrettons, bien entendu, que la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, adoptée sur l’initiative des écologistes et de M. le rapporteur, n’ait pas été maintenue. Mais nous nous félicitons de l’engagement pris de la présentation, au premier semestre 2015 – nous comptons sur vous, madame la garde des sceaux –, d’un projet de loi de réforme de la justice des mineurs et nous serons vigilants quant à la tenue de cet engagement.

Si nous déplorons également l’abandon de certaines mesures comme l’abrogation de la rétention de sûreté, que nous appelions de nos vœux, nous partageons l’esprit de cette belle réforme.

Nous saluons, en premier lieu, le rétablissement d’une véritable individualisation des peines, qui passait par la suppression des mécanismes entravant la liberté d’appréciation des juges. Il était temps, mes chers collègues, de mettre fin à cette aberration que sont les peines planchers (Oh ! sur les travées de l’UMP.) ainsi qu’à la révocation automatique du sursis simple et du sursis avec mise à l’épreuve.

Au groupe écologiste, nous ne sommes ni dans l’idéologie (Rires sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE.)…

M. Jacques Mézard. C’est la meilleure !

M. Bruno Sido. Première nouvelle !

M. Jacques Mézard. C’est de l’humour !

Mme Esther Benbassa. … ni dans l’angélisme. (Mme Esther Benbassa est prise de quintes de toux.)

M. Roger Karoutchi. C’est l’émotion !

Mme Esther Benbassa. Pour une fois que je suis contente d’une loi… J’en suis émue ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard. Vous vous en étranglez…

Excusez-moi… (Mme Esther Benbassa ne peut poursuivre son intervention.)

M. le président. Madame Benbassa, je vous propose de laisser pour l’instant la place à la tribune à l’orateur suivant, le temps que vous retrouviez votre voix.

Mme Esther Benbassa. Merci ! (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Il est regrettable que Mme Benbassa ait dû interrompre son propos : peut-être faudrait-il lui donner un peu de miel du Gâtinais de la région Centre, qui est – pour l’instant ! – assez isolée, n’est-ce pas, monsieur Sueur ? (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Dès lors qu’elle ne s’appellera plus « Centre », elle sera forte ! Non à l’absorption !

M. Jean-Jacques Hyest. Elle va devenir la plus petite région de France, c’est formidable ! Avant, il y avait le Limousin…

Cela étant, j’ai assisté, avec grand intérêt, à la commission mixte paritaire qui s’est mise d’accord sur le texte du projet de loi relatif à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, puisque tel est désormais son titre.

Madame la garde des sceaux, je le répète et vous l’avez d’ailleurs évoqué, une navette aurait été préférable. Sur un certain nombre de sujets, notamment sur la question de la géolocalisation, le texte pose toujours problème, même après la commission mixte paritaire. Je persiste à penser que la commission des lois avait eu raison de supprimer cette disposition, laquelle a ensuite été rétablie. Nous avons essayé de l’encadrer, mais cela ne me paraît pas suffisant.

À mes yeux, et après avoir entendu ce qui a été dit particulièrement sur les sorties sèches, il suffirait d’appliquer la loi pénitentiaire, en y mettant tous les moyens nécessaires.

M. Bruno Sido. Tout simplement !

M. Jean-Jacques Hyest. La situation est tout de même extraordinaire. Pour que la prison ne soit pas uniquement un lieu d’enfermement, nous avons voté une loi qui prévoyait que la réinsertion commence – nous l’avons dit et répété – dès le premier jour d’incarcération.

M. Jean-Jacques Hyest. Vous faites figurer dans le texte des dispositions sur la lecture. C’est très bien, mais ce que le gouvernement précédent avait fait voter n’a déjà pas été appliqué. Depuis deux ans, on ne peut pas considérer que les choses ont vraiment progressé dans ce domaine.

Ajoutons que la prison continue à être la cour des miracles. On y mélange grands délinquants en attente de placement dans un établissement pour peine et prévenus. Les maisons d’arrêt ne devraient pas servir à cela. Si l’on ne trouve pas de moyens, je peux vous assurer que l’on ratera cette réforme aussi, qu’elle ne changera strictement rien.

M. André Reichardt. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Ne soyez pas si pessimiste !

M. Jean-Jacques Hyest. Quand on a cru à quelque chose et que l’on y croit toujours, je me demande pourquoi on fait une nouvelle réforme que l’on n’appliquera pas plus que les autres…

M. Bruno Sido. Voilà !

M. André Reichardt. Absolument !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous verrez !

M. Jean-Jacques Hyest. Madame la garde des sceaux, j’ai tout de même maintenant – hélas pour moi ! – une certaine expérience du fonctionnement de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous êtes assez sage pour ne pas insulter l’avenir !

M. Jean-Jacques Hyest. On prend des mesures qui sont peut-être utiles pour réduire l’enfermement, mais pas la récidive. Néanmoins, ce n’est pas, me semble-t-il, la question !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si !

M. Jean-Jacques Hyest. On a voulu inventer la contrainte pénale, qui est née dans la confusion : dans sa conception initiale, elle était une peine alternative à l’emprisonnement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non !

M. Jean-Jacques Hyest. Pas tout à fait, je vous l’accorde, et justement, je vais y venir.

Le juge pouvait choisir de recourir à la peine d’emprisonnement ou à la contrainte pénale, qui est une sorte de « super sursis avec mise à l’épreuve », applicable tant par le juge prononçant la peine que par le juge d’application des peines.

Ce dispositif avait été approuvé par l’Assemblée nationale moyennant une évolution dans le temps. Souhaitant en faire une peine autonome, je salue la logique de notre rapporteur, car il y en a bien une !,…

M. Roger Karoutchi. N’en faites pas trop !

M. Bruno Sido. C’est une logique différente !

M. Jean-Jacques Hyest. Attendez la suite, cela ne veut pas dire que je suis d’accord avec lui !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. In cauda venenum…

M. Jean-Jacques Hyest. Souhaitant donc en faire une peine autonome, le Sénat avait circonscrit l’application de la contrainte pénale au seul juge de l’application des peines, pour bien marquer le caractère « autonome » de cette nouvelle peine. Il était prévu, par ailleurs, de remplacer la peine de prison par la contrainte pénale pour certains délits.

On l’a bien vu, c’était une impasse. Le vol avait été inclus, puis supprimé. Cela montre qu’il restait quelques délits très mineurs. On constate ainsi la limite de l’exercice.

Madame la garde des sceaux, vous avez évoqué la différence entre les atteintes, d’une part, aux biens et, d’autre part, aux personnes. Je citerai un exemple bien connu de tous : celui de la personne âgée qui se fait cambrioler, dont la maison est complètement retournée et vidée. Pour elle, c’est un viol de son intimité extrêmement traumatisant, …

M. Bruno Sido. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest. … même si elle n’a pas été agressée, même si elle était absente. C'est la raison pour laquelle il ne faut pas faire trop de comparaisons dans l’absolu.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il n’empêche que l’agression physique est plus grave encore !

M. Jean-Jacques Hyest. Je ne dis pas qu’une agression physique n’est pas grave, mais ce type de cambriolage doit être sanctionné sévèrement,…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est certain !

M. Jean-Jacques Hyest. … davantage qu’un vol ordinaire.

À l’issue des travaux de la commission mixte paritaire, la contrainte pénale n’est pas une peine autonome se substituant à la prison. Pour autant, on ne peut pas nier que, en lui-même, le dispositif finalement adopté n’est pas dénué de toute ambigüité, puisque la contrainte pénale a la nature d’une peine et l’apparence d’un aménagement de peine. Comment pourra-t-elle être perçue par les délinquants comme une véritable punition ? Comment les juges pourront-ils l’appliquer ? Nombreux sont ceux qui estiment que ces derniers en feront peu usage. Bref, la justice pourra-t-elle être rendue avec cette nouvelle mesure aussi bien qu’avant ? J’en doute !

Pour l’instant, seuls les délits susceptibles d’être punis de cinq ans d’emprisonnement sont concernés. Mais à partir de 2017, la contrainte pénale sera étendue aux délits passibles de dix années de prison. On va très vite et très fort ! Se pose toute la problématique, notamment, de la délinquance sexuelle, dont les auteurs peuvent cependant bénéficier d’un aménagement de peine. Quelles mesures prendra-t-on pour ce type de délinquants ? En tout cas, cela me paraît vraiment excessif.

Je passerai rapidement sur les tribunaux correctionnels pour mineurs. Madame la garde des sceaux, vous vous êtes engagée à réformer – enfin ! – en profondeur l’ordonnance de 1945.

On évoque cette ordonnance comme un texte sacré, alors qu’elle a été modifiée, comme l’a rappelé Jean-Pierre Sueur, trente-sept fois. Certes, il faut toujours en respecter les principes, mais je me demande ce qu’il reste du texte d’origine !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’exposé des motifs, qui est très beau et efficace !

M. Jean-Jacques Hyest. J’en suis d’accord !

Quant à la transaction pénale, je partage les inquiétudes exprimées par Jacques Mézard. Une procédure exécutée par les officiers de police judiciaire ! Elle est devenue un peu plus acceptable dans la mesure où, grâce au Sénat, elle a été placée sous l’autorité du procureur de la République et doit être homologuée. Mais il est extraordinaire que des parlementaires aient pu oublier à ce point le principe de la séparation des pouvoirs ! Comment peut-on voter au Parlement des amendements de telle sorte ?

Il en va de même pour les écoutes téléphoniques et la géolocalisation. Sur ces points, le projet de loi n’a pas vraiment été corrigé. Les écoutes peuvent être soit judiciaires, soit administratives. Ces dernières sont bien encadrées. Quant aux écoutes judiciaires, elles sont placées sous l’autorité du juge des libertés et de la détention ou – mais de moins en moins en raison de la jurisprudence récente de la Cour de Cassation – du parquet. Ces questions soulèveront de véritables problèmes.

En conclusion, nous nous réjouissons qu’un certain nombre de correctifs aient été apportés au texte adopté par l’Assemblée nationale. Néanmoins, nous restons opposés à la philosophie qui sous-tend le présent projet de loi qui risque d’envoyer un signal négatif aux délinquants.

J’aurais pu également évoquer la césure du procès pénal qui suscite une grande inquiétude chez les magistrats. Nous n’approuvons pas non plus la suppression des peines planchers. Paradoxalement, les juges devront motiver les peines de prison. Nous assistons à un changement profond de philosophie de la justice pénale.

Madame la garde des sceaux, quoi que vous en disiez, cette réforme de la justice, comme toutes les autres, risque de se heurter à l’absence de moyens. C’est pourquoi les membres du groupe UMP ne pourront voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la suite de son intervention.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, je vous remercie de votre indulgence !

Les auteurs d’infractions doivent être sanctionnés et les victimes obtenir réparation, mais, avant tout, il faut trouver le moyen de vivre ensemble, dans une société pacifiée. Le présent projet de loi, je le crois, y contribue par le lien social sur lequel il met l’accent.

Si nous regrettons les quelques reculs du texte émanant de la commission mixte paritaire par rapport à celui qui était issu des travaux du Sénat, je veux aujourd’hui me concentrer sur les avancées, les véritables progrès qu’il contient.

Ainsi, les conditions de sortie de détention seront particulièrement encadrées, et ce afin de lutter contre les sorties sèches, véritable terreau de la récidive.

La priorité sera donnée à la préparation de la réinsertion des détenus, aussi bien avant qu’après la sortie de prison. De surcroît, les conditions de mise en œuvre des aménagements de peine resteront celles qui sont inscrites dans la loi pénitentiaire et qui ont été unanimement adoptées par notre assemblée.

Enfin, la commission mixte paritaire, en retenant certaines propositions du Sénat, n’a pas fait l’économie du sort des plus fragiles de nos concitoyens.

D’une part, elle a instauré un mécanisme d’atténuation de peine pour les personnes atteintes de maladies mentales, atténuation couplée avec des obligations de soins.

D’autre part, elle a entériné la création d’une procédure de demande de mise en liberté pour motif médical au bénéfice des personnes placées en détention provisoire.

Cette disposition, qui reprend les termes d’une proposition de loi écologiste adoptée à l’unanimité par le Sénat au mois de février dernier et dont j’ai été le rapporteur, montre que le texte dont nous sommes saisis aujourd’hui permettra d’améliorer le droit et de combler certaines lacunes et certains vides juridiques.

En l’espèce, il s’agit de mettre un terme à une inégalité de traitement entre personnes condamnées et prévenues, en permettant également à ces dernières de bénéficier d’une suspension de peine quand leur état de santé est durablement incompatible avec la détention.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, c’est avec conviction et sérénité que les membres du groupe écologiste soutiendront ce texte et tous ceux qui contribueront, à l’avenir, à rendre notre société plus juste et davantage inclusive. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, tel qu’il a été présenté, le présent projet de loi s’inscrit dans la lignée de la loi pénitentiaire de 2009, qui doit beaucoup à notre collègue Jean-René Lecerf. Cette dernière encourageait déjà les aménagements de peine, partant du principe incontestable, me semble-t-il, selon lequel la peine a pour objet non seulement de punir le délinquant et de protéger la société, mais aussi de tenter de préparer une réinsertion exempte de récidive.

En mettant l’accent sur la réinsertion du délinquant, notamment au travers de la mise en œuvre de la contrainte pénale – cette nouvelle peine de probation constitue la mesure phare du texte –, le projet de loi constitue donc en quelque sorte un prolongement de la loi pénitentiaire.

Mais, dans le même temps, force est de le constater, les actuels conseillers d’insertion et de probation s’occupent en moyenne chacun de 150 à 200 mesures de probation quand il faudrait, pour que le suivi soit réel et que la mesure porte ses fruits, limiter le nombre de dossiers traités par chaque conseiller à une quarantaine ou une cinquantaine.

Dans le même temps également, nous observons que, même à supposer que l’on parvienne à approcher ce ratio – madame la garde des sceaux, vous nous annoncez la création de 1 000 postes supplémentaires de conseillers d’insertion et de probation sur trois ans –, nous aurons toujours besoin de réaménager notre parc pénitentiaire, dont l’état actuel est loin d’être satisfaisant, avec un encellulement individuel trop rare, alors qu’il devrait être la règle depuis la loi pénitentiaire. Tâchons déjà d’appliquer cette loi !

Vous prévoyez, d’ailleurs, madame la garde des sceaux, un programme d’extension et de rénovation important du parc pénitentiaire, permettant la création de 6 000 nouvelles places…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. De 6 500 places !

M. Yves Détraigne. … et la fermeture d’un peu plus de 1 000 places existantes. Personne ne peut dire que ce programme n’est pas absolument nécessaire. Il est même indispensable, et doit constituer une priorité !

Mais, en regard, la dure réalité budgétaire montre, hélas !, qu’il est quasiment impossible, aujourd’hui, de poursuivre financièrement plusieurs lièvres à la fois, notamment dans le domaine de la justice, où, certes, les moyens évoluent souvent plus vite que dans la plupart des autres secteurs d’intervention de l’État, mais où la France a encore un très important retard à combler par rapport à la plupart des pays comparables.

Certes, au terme de son examen par les deux assemblées et à la suite de l’accord majoritaire trouvé lors de la réunion de la commission mixte paritaire, le texte évite un certain nombre d’excès que nous pouvions craindre avant que le débat n’ait lieu et qui auraient pu s’apparenter à un détricotage en règle de toutes les mesures prises en matière pénale avant 2012 – je pense notamment à la suppression de la rétention de sûreté, qui a été évitée – et à une quasi-systématisation de l’application de la contrainte pénale pour tenter de remédier à la surpopulation dans les prisons.

C’est vrai, nous avons empêché que la contrainte pénale ne devienne la peine principale pour certains délits, contrairement à ce qu’avait initialement proposé M. le rapporteur s’agissant des délits passibles de cinq ans d’emprisonnement, au risque de délivrer un message de laxisme, redoutable pour notre société.

Oui, il faut sortir du tout carcéral, qui a souvent été dénoncé, mais, parfois, avec beaucoup d’exagération. En réalité, combien de courtes peines ne sont pas exécutées ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est vrai, hélas !

M. Yves Détraigne. Cela dit, il faut aussi poursuivre l’effort de rénovation et d’extension de notre parc pénitentiaire, comme prévu par la loi de 2009. Et, de toute évidence, les moyens vont manquer pour tout mener de front ! J’espère néanmoins me tromper. Cependant, la décision, prise lors de la réunion de la commission mixte paritaire, de généraliser, à partir de 2017, l’application de la contrainte pénale comme peine alternative à tous les délits, y compris, donc, à ceux qui sont passibles de dix ans d’emprisonnement, sans prendre le temps de dresser préalablement un bilan des deux premières années de mise en œuvre de cette nouvelle peine et sans ajuster le nombre de postes de conseillers d’insertion et de probation dont la création figure dans le texte – les 1 000 postes prévus ont été calibrés pour une nouvelle peine applicable aux délits passibles de cinq ans, et non de dix ans d’emprisonnement –, amène les membres de mon groupe, en l’état, à voter contre le présent projet de loi.

À titre personnel, cela ne m’empêche pas d’espérer que notre justice dispose un jour des moyens suffisants pour que l’on puisse réellement et en toute sécurité mieux adapter les peines à la personnalité des délinquants. Néanmoins, aujourd'hui, même si je rends hommage à votre volonté et à votre ténacité, madame la garde des sceaux, je crains, hélas !, que le compte n’y soit pas. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du RDSE.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. J’espérais l’abstention ! Il n’en a pas eu le courage…

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, si nous pouvons regretter que la procédure accélérée ait été engagée sur le présent projet de loi, nous nous félicitons que ce dernier soit issu d’un long travail de concertation, ce qui est éloigné des débats, trop souvent engendrés sous le coup de l’émotion, auxquels la précédente majorité nous avait habitués en matière pénale.

Ce texte vise à prévenir efficacement la récidive et à donner un sens à la peine.

Pour ce faire, il définit des objectifs précis : sortir du tout carcéral, insister sur la personnalisation des peines, supprimer les mécanismes automatiques faisant échec à l’individualisation des peines et construire un parcours d’exécution des peines efficace en matière de prévention des risques de récidive.

Madame la garde des sceaux, nous approuvons l’ensemble de ces objectifs, même si nous aurions voulu aller plus loin. Par exemple, nous regrettons que la commission mixte paritaire soit revenue sur certaines dispositions qui nous semblaient importantes.

La mesure phare de ce texte, qui répond à l’idée selon laquelle la peine ne doit plus être synonyme de privation de liberté, est la contrainte pénale. Il s’agit d’une peine effectuée en milieu ouvert, entièrement tournée vers le suivi socio-éducatif du condamné, conçue comme un mode de sanction non pas moins sévère que la peine d’emprisonnement, contrairement à ce que l’on peut l’entendre un peu trop souvent, mais plus efficace que celle-ci, parce que plus adaptée au traitement de la plupart des délits.

L’expérience montre qu’une peine exécutée en milieu ouvert peut s’avérer plus contraignante qu’une peine de prison, car elle comporte une obligation de résultat : la personne condamnée sera absolument tenue de suivre les injonctions qui lui seront adressées – in fine, celle d’aller de l’avant. En ce sens, il nous semble que, en termes de lutte contre la récidive, la contrainte pénale sera plus efficace qu’une peine passive effectuée en prison dans les conditions que nous savons.

Le présent texte porte aussi l’exigence d’une individualisation de la peine selon la personnalité du condamné – cela a été évoqué –, avec, notamment, la suppression de mécanismes automatiques limitant les possibilités d’individualisation. Madame la garde des sceaux, vous connaissez la position de mon groupe sur cette question : depuis un certain nombre d’années, nous avons constamment défendu cette exigence, à travers différentes propositions de loi que nous avons déposées. Chacun dans cette enceinte a en mémoire les prises de position de mon amie Nicole Borvo-Cohen-Seat sur ce sujet.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Tout à fait ! Une grande parlementaire !

Mme Éliane Assassi. Je soulignerai tout de même une innovation majeure de ce projet de loi : la césure pénale. Ce dispositif permettra de ménager opportunément le temps de la réflexion en autorisant des investigations qui aideront à décider de la peine la plus adaptée à la personnalité du condamné et donc de mieux prévenir la récidive.

Les membres de mon groupe saluent et soutiennent la très grande majorité des mesures de ce texte, mais – car il y a bien un « mais » ! (Mme la garde des sceaux sourit.) – il nous semble que, sur certains points, nous aurions pu aller un peu plus loin.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Tout à fait !

Mme Éliane Assassi. Par exemple, il a finalement été choisi de maintenir la rétention de sûreté, que la commission avait supprimée. Nous regrettons que, contre toute attente, la majorité actuelle, qui a tant dénoncé cette mesure,…

Mme Éliane Assassi. … ait finalement décidé de la réintroduire en séance publique, prétendument pour préserver un certain équilibre du texte. À nos yeux, ce projet de loi était le véhicule adapté pour la supprimer. Sur ce point, nous sommes, aujourd'hui, dans l’impasse.

De la même manière, nous regrettons que la justice des mineurs soit l’oubliée d’un projet de loi relatif à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales. L’instauration des tribunaux correctionnels pour mineurs, qui n’avait pas été précédée d’un travail de concertation, constitua une profonde régression par rapport au principe fondateur de l’ordonnance de 1945, à savoir faire primer l’éducatif sur le répressif.

Cela dit, madame la garde des sceaux, nous prenons acte de votre volonté de supprimer ces tribunaux dans les prochains mois. Les membres du groupe CRC qui considèrent que la priorité éducative n’exclut pas la fermeté ont un certain nombre de propositions à faire sur ce sujet. Nous sommes donc disponibles pour travailler en concertation avec vous, afin de redonner à l’ordonnance de 1945, que des lois successives ont étouffée, son ambition initiale, c'est-à-dire une juste conciliation entre la protection de la jeunesse et une répression de la délinquance des mineurs mesurée et adaptée.

Malgré ces quelques reculs, nous approuvons, bien entendu, ce texte, selon nous progressiste, qui redonne aux juges les outils permettant de considérer les délinquants autrement qu’à travers un acte ou une énumération de faits. En le soutenant, nous réaffirmons donc ce que nous avons défendu lors de l’examen de la loi pénitentiaire de 2009, à savoir que la peine doit aussi être un temps pour se reconstruire et se réinsérer. C’est, à nos yeux, le seul moyen efficace pour lutter contre la récidive, que la peine soit purgée en milieu ouvert ou fermé. La contrainte pénale, bien que limitée pour le moment dans son champ d’application, y contribuera très certainement, en dépit de ce qu’en disent tous ses détracteurs. Nous voterons par conséquent en faveur de ce texte.

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, permettez-moi maintenant de laisser quelque peu de côté le sujet qui nous réunit ce matin pour vous faire part de ma grande colère. Je veux adresser un message au secrétaire d’État censé s’occuper des relations avec le Parlement. (Exclamations sur les travées du RDSE et de l'UMP.)

Je l’invite fermement à ravaler son anticommunisme…

M. Bruno Sido. Primaire !

Mme Éliane Assassi. … pour le moins primaire, en effet (M. René Garrec s’esclaffe.), et à bien vouloir noter une fois pour toutes que, quand un texte est bon et porte des valeurs de gauche, à l’instar du projet de loi que nous examinons ce matin, nous le votons ! Les autres textes, nous ne les votons pas ! Cela ne devrait pourtant être une surprise pour personne, tant nous l’avons dit, redit, écrit, réécrit…

Je prie ce secrétaire d’État, qui, député, avait voté, avec l’UMP, le traité Merkel-Sarkozy, ce traité qui renforce la crise que connaît notre pays, de ravaler son anticommunisme légendaire (M. Bruno Sido s’exclame.),…

M. Jacques Mézard. Viscéral !

Mme Éliane Assassi. … pour se consacrer un peu mieux à la mission que lui a confiée le Premier ministre et, surtout, pour déployer son énergie à donner du contenu à l’idée d’une politique de gauche… si ces mots ont encore du sens pour lui !

Enfin, je regrette que le président du groupe socialiste du Sénat s’inscrive dans les pas de M. Le Guen. (Applaudissements au banc des commissions. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C’est dit !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et c’est écrit !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous applaudissons les trois quarts du discours, et entendons le dernier !

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, si je n’ai pas les mêmes motifs de colère que ma collègue, je regrette, comme elle, que la procédure accélérée ait été engagée sur ce texte. Nombreux sont ceux à l’avoir déjà dit à cette tribune, et je l’ai moi-même maintes fois déclaré ici-même : la navette parlementaire permet, souvent, d’améliorer les textes. Cette conviction, je ne la renierai pas aujourd'hui.

Pour autant, la navette n’est pas l’alpha et l’oméga ni une garantie à 100 %, comme suffisent à le montrer les propositions de loi régulièrement déposées par notre collègue député Jean-Luc Warsmann pour rectifier un certain nombre d’erreurs, d’inexactitudes ou d’inadaptations figurant dans des textes législatifs votés sans qu’il ait été fait recours à la procédure accélérée.

J’en viens au projet de loi qui nous réunit ce matin : comme cela a été largement répété, il a fait l’objet d’une très large concertation en amont de sa présentation et, même, de son écriture. Il a donné lieu à l’organisation de très nombreux débats et de très nombreuses auditions dans les deux chambres du Parlement. La commission mixte paritaire elle-même, sous l’égide des rapporteurs et des présidents de commission, a énormément travaillé, allant jusqu’à corriger la rédaction d’un certain nombre d’articles. Enfin, et ce point me semble particulièrement important, l’évaluation des résultats du texte, la mesure de son efficacité et les rectifications qui seront éventuellement nécessaires ou utiles sont d’ores et déjà prévues.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, ne valait-il pas mieux gagner quelques mois et voter ce texte plus rapidement, de façon que la future loi soit appliquée et évaluée avec davantage de célérité ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais oui !

Mme Virginie Klès. J’en arrive au fond. Bien qu’assez souvent présente au Sénat, je n’y ai pas rencontré beaucoup de ces dangereux laxistes dont la seule envie est que l’on agresse leurs parents et leurs enfants en toute impunité, à part M. le rapporteur, Jean-Pierre Michel, puisqu’il s'est ainsi décrit, et probablement moi-même, puisque je partage en l’occurrence les opinions qui sont les siennes, et je vois que Mme Assassi se joint à nous ! (Sourires.)

Ainsi, nous serions déjà trois dangereux laxistes à ne rêver que d’impunité en matière de délinquance. Mais je n’en ai pas rencontré d’autres… (Nouveaux sourires.)

Globalement, les objectifs sont partagés : punir les délinquants et limiter la récidive. La question reste celle de savoir s'il fallait s'en tenir aux options précédentes et construire des prisons, ou changer complètement de regard.

Madame la garde des sceaux, vous l'avez déjà rappelé plusieurs fois : pour ce qui est de la construction de prisons, jusqu’à présent, le premier euro d'investissement n’était pas prévu, pas plus que le recrutement des personnels – dont il est également question pour la mise en œuvre du présent texte… – requis par ces places de prison censées être construites sans argent ni le budget nécessaire à cette fin ! De sérieux manques pouvaient donc être relevés. Aujourd'hui, la position du Gouvernement consiste à changer de regard.

Cela étant, j’ai entendu dire que la peine d’emprisonnement constitue une sanction plus dure, donc plus efficace. Voilà un paradigme auquel je m'oppose fermement. « Plus dur », qu’est-ce que cela signifie ? La dureté est une notion parfaitement subjective, et c'est le ressenti de la personne qui subit la peine qui doit être pris en considération. Affirmer qu’une peine de prison est plus dure qu’une autre sanction est donc totalement subjectif.

Ensuite, une peine est-elle efficace parce qu'elle est plus dure ? Que doit viser le législateur ? Serait-ce une peine dure infligée à titre de revanche, dans un esprit de vengeance ? Ou bien une peine efficace, qui permet de protéger la société, de rétablir l'ordre public et le droit si c'est nécessaire ? Personnellement, je suivrai bien plus volontiers le Gouvernement sur cette seconde voie, celle d’une sanction efficace. La dureté, en tant que telle, ne revêt aucune signification.

Une sanction doit être adaptée à la personnalité du délinquant, à l’acte lui-même et aux circonstances dans lesquelles il a été commis. Enfin – j’y insiste –, elle doit être non pas dure, mais juste et efficace.

C'est ce qui nous est proposé par le biais de la contrainte pénale, mesure phare du présent projet de loi. Je reprendrai l'exemple cité par Jean-Jacques Hyest, dont l’analyse est celle d’un fin juriste, même si je ne partage pas toujours ses conclusions, pas plus que lui-même ne partage celles de Jean-Pierre Michel : un cambriolage. Selon Jean-Jacques Hyest, la personne cambriolée est atteinte dans son intimité ; sur ce point, il a entièrement raison.

Mais cet exemple m'en rappelle un autre, celui d’une réparation pénale – sorte de contrainte pénale adaptée aux mineurs – particulièrement réussie. Une personne a suivi une bande de gamins âgés de treize à seize ans qui s'amusaient, pendant l’été, à entrer dans des villas, à les dévaster, à casser et à piquer tout ce qu’ils pouvaient ; ils trouvaient cela très drôle !

M. Bruno Sido. Ah oui ?

Mme Virginie Klès. Ces enfants n’ont pas été mis en prison ni placés dans un centre éducatif fermé. Ils ont été pris en charge dans le cadre d’une mesure de réparation pénale, et ils ont pris conscience de leurs actes. Ultérieurement, selon après la personne qui les suivait, aucun d’entre eux n’a été revu devant un tribunal.

Alors oui, dès lors qu’une sanction est juste, comprise, accompagnée et adaptée à la personnalité du délinquant, elle peut être mille fois plus efficace qu’une peine d’emprisonnement comme on en connaît aujourd'hui.

M. Hyest nous disait aussi que la contrainte pénale était une peine alternative. Eh bien non : elle traduit justement un changement de regard, un changement de position par rapport à la délinquance et aux délinquants… Et la contrainte pénale se doit précisément d’être extérieure à la prison, qui ne doit plus être la peine de référence, sans quoi on tourne en rond : doit-on choisir une sanction dure ou efficace ?

Au final, les membres du groupe socialiste estiment que le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire est équilibré, novateur, et qu’il porte un nouveau regard, non seulement sur l’acte de délinquance, mais aussi – car on oublie trop souvent que cet acte est commis par une personne – sur les délinquants et le contexte familial et social dans lequel ils vivent, dans une perspective d’inclusion et non d’exclusion.

Avec la contrainte pénale, la fermeté de la réponse pénale est affirmée, tandis que l’individualisation de la peine se trouve confortée. La prison redevient un dernier recours, ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d'être, et les sorties seront accompagnées, ce qui est indispensable si l’on veut lutter contre la récidive. Si, en France, il n’y avait plus de monsieur B. – je ne reviendrai pas sur son cas –, ce serait le rêve, une vraie réussite !

En somme, la société est protégée, et l'ordre public conforté. Comme d’autres, je regrette que le présent texte ne prévoie pas d’abolir le tribunal correctionnel pour mineurs. Cependant, madame la garde des sceaux, j’ai bien entendu sur ce sujet les promesses du Gouvernement, dont je suivrai l’engagement, tout comme cette question, ici ou ailleurs.

Certes, nous aurions pu aller plus vite, et plus loin. Il reste que la conférence de consensus a remué beaucoup de choses ; de nombreuses idées en ont jailli ; nombreux sont ceux à s'être emparés du sujet. Mais un pas a été franchi, celui du changement de regard. Ce pas est prudent, mais il est sûr.

Je rendrais un dernier hommage à M. le rapporteur, Jean-Pierre Michel, pour le travail qu’il a fourni, la cohérence de son propos et sa ténacité, ainsi qu’à Mme la garde des sceaux, pour son opiniâtreté et, de même, pour sa ténacité. Les membres du groupe socialiste soutiendront évidemment ce texte et le voteront des deux mains ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je m'exprimerai non pas au nom du groupe UMP, mais en mon nom personnel.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C'est beaucoup mieux !

M. Jean-René Lecerf. Je souhaiterais d'ailleurs remercier mon groupe de m'avoir accordé, tant en première – et unique – lecture qu’aujourd'hui, un temps de parole significatif, alors que nul n’ignorait nos divergences d’opinion sur ce projet de loi.

M. Bruno Sido. Cela s'appelle avoir le sens de la démocratie !

M. Jean-René Lecerf. Tout à fait !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je suis confondue d’admiration !

M. Jean-René Lecerf. Vous le savez, je suis très attaché à la loi pénitentiaire de 2009. Non parce que j’en ai été le rapporteur, mais parce que j’ai conscience qu’elle a marqué une rupture profonde et nécessaire avec l’humiliation pour la République que constituait jusque-là notre univers carcéral.

Mme Éliane Assassi. C'est vrai !

M. Jean-René Lecerf. Or, le projet de loi relatif à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales s’adosse – c'est indiscutable, et c'est heureux – à la loi pénitentiaire, qu’il s’agisse du sens de la peine, de la volonté de faire de la prison l’exception et l’ultime recours en matière délictuelle, ou encore de l’abandon des querelles stériles sur la primauté qu’il conviendrait d’accorder soit à la lutte contre la récidive, soit à la réinsertion, alors que celle-ci constitue le meilleur moyen de lutter contre celle-là.

Je suis convaincu que nous cherchons tous, sur toutes les travées de cet hémicycle, la réponse la plus efficace à la délinquance, et que nous savons tous qu’elle ne peut résider exclusivement dans la multiplication des places de prison. Je suis également convaincu qu’il n’y a pas de bonne justice sans la confiance de nos concitoyens et qu’il importe de retisser cette confiance des Français dans leur justice.

On pourrait d’ailleurs dire la même chose, mes chers collègues, de la politique et des politiques. Le fossé ne date ni d’hier ni des désillusions de l’actualité. Voilà quelques années, un sondage réalisé sur l’initiative du Conseil supérieur de la magistrature clouait journalistes, politiques et magistrats au pilori de la défiance.

Au cours de ses travaux, la commission mixte paritaire s’est efforcée de concilier les points de vue, parfois largement divergents, des deux assemblées, rendant ainsi à notre bicaméralisme des lettres de noblesse qui menaçaient de se ternir. Elle a aussi contribué à rejeter les réformes dans la réforme. Nous avions déjà écarté des dispositions relatives à la rétention de sûreté. Par ailleurs, j’avais fait observer qu’il était bien malaisé de tenter d’évaluer une loi pour l’essentiel inappliquée en raison de sa non-rétroactivité.

La commission mixte paritaire a fait de même pour ce qui concerne les tribunaux correctionnels pour mineurs. Certes, le Parlement aura à connaître, au début de l’an prochain, d’une réforme de l’ordonnance de 1945, mais, à tout le moins, il pourra aborder le problème de l’enfance délinquante dans sa globalité et non au hasard de l’examen d’un amendement ponctuel.

On a renoncé à faire de la contrainte pénale – l’une des novations essentielles de la réforme – une peine autonome encourue à titre de peine principale pour une série de délits. Elle redevient ainsi – du moins pour le moment – une simple alternative à l’emprisonnement, assortie cependant de moyens de contrôle renforcés. Portalis, (L’orateur se tourne vers la statue de Portalis située dans l’hémicycle.) oserais-je dire que je parle ici sous son contrôle ?, devrait s’en satisfaire, lui qui déclarait : « il faut être sobre de nouveautés en matière de législation, parce que s’il est possible […] de calculer les avantages que la théorie nous offre, il ne l’est pas de connaître tous les inconvénients que la pratique seule peut découvrir ».

Quant aux seuils d’aménagement de peine, j’avoue ma satisfaction de voir maintenue la solution retenue dans la loi pénitentiaire : aménagements possibles pour les peines de deux ans au plus concernant les primo-condamnés et pour celles d’un an au plus visant les récidivistes. Ces dispositions auront finalement résisté à bien des récidives gouvernementales…

Voir reconnue l’atténuation de responsabilité pénale à l’égard des personnes condamnées souffrant d’une altération du discernement constitue un autre motif de satisfaction. Cette évolution est d’autant plus indispensable que la distinction entre altération et abolition, largement brouillée par le déficit de lits psychiatriques en milieu fermé, nous convainc de plus en plus difficilement aujourd’hui. C’est un vote unanime du Sénat, datant de près de trois ans et demi, qui trouve ainsi sa consécration.

On ne peut éluder l’éternel débat sur un recul de l’emprisonnement qui marquerait un désarmement de la protection de la société propice au développement de la délinquance et de la récidive – questionnement que l’on retrouve dans le domaine de la contrainte pénale comme ce fut le cas en matière d’aménagement de peine ou d’alternatives à l’incarcération. Mais la réponse n’est-elle pas directement liée aux moyens dont on disposera pour mettre en œuvre et contrôler obligations et interdictions imposées aux personnes condamnées, pour développer le nombre et le contenu des travaux d’intérêt général, et pour renforcer considérablement l’indispensable accompagnement humain, condition essentielle de la qualité de la réinsertion et, partant, de l’absence de récidive ?

Comme le remarquait lors de la réunion de la commission mixte paritaire notre collègue Yves Détraigne, n’est-il pas prématuré de prévoir dès maintenant la généralisation de la contrainte pénale à tous les délits à compter du 1er janvier 2017, alors que les moyens de suivre l’exécution des contraintes pénales sont limités et ne devraient probablement pas avoir connu d’augmentation massive à cette échéance ?

Même si j’en comprends les raisons, je regrette, à cet égard, la suppression par la commission mixte paritaire de la possibilité qui avait été adoptée par le Sénat de déléguer à des associations la mise en œuvre de certaines peines. Cette faculté aurait apporté une part de souplesse qui ne pourra être compensée que par des recrutements massifs de personnels d’insertion et de probation. L’exemple de la loi pénitentiaire s’avère peu encourageant sur ce point et je doute à la fois que les promesses soient respectées et – si, par bonheur, elles étaient tenues – qu’elles suffisent à faire face à la montée des besoins que la réforme devrait générer.

Or, pour que cette réforme marque un progrès, il faut que chacun de nos concitoyens comprenne bien que la contrainte pénale comme les aménagements de peine ne sont pas des cadeaux faits aux délinquants, des procédures dont ils peuvent « bénéficier » – je n’emploie pas ce verbe de façon innocente.

Au contraire, il s’agit d’autres modalités de purger sa peine qui seront considérées par certains comme plus difficiles que l’enfermement, mais qui sont davantage porteuses d’avenir que l’emprisonnement, notamment dans les conditions où, aujourd’hui encore, celui-ci est pratiqué, avec une offre de travail qui n’a jamais été aussi limitée en dépit de l’obligation d’activité voulue par le législateur, avec un taux de détention qui atteint le ratio de 105 pour 100 000 habitants, avec une augmentation sensible du nombre de détenus dormant sur un matelas posé à même le sol et avec, d’une façon générale, des conditions de détention détestables dans bien des maisons d’arrêt.

Mes chers collègues, je ne me berce pas d’illusions sur la capacité de ce texte à modifier radicalement la situation de l’univers carcéral et la lutte contre la récidive, ni sur ses chances d’impliquer la société tout entière – bien au-delà des juges, des forces de l’ordre et de l’administration pénitentiaire – dans l’accompagnement de cette réforme. Mais je crois que la contrainte pénale, comme le refus des sorties sèches, apporte une pierre supplémentaire à l’édifice de la loi pénitentiaire.

Je crains en outre que, au fil des alternances qui s’enchaînent régulièrement depuis plus de trente ans dans notre pays, les nouvelles majorités ne s’évertuent perpétuellement à défaire le travail de celles qui les ont précédées dans des domaines qui requièrent pourtant continuité et sérénité.

Le présent projet de loi, en tout cas c’est ma conviction, respecte l’acquis de la loi pénitentiaire et en développe même un certain nombre de virtualités. C’est la raison pour laquelle je lui apporterai mon suffrage, comme j’aurais souhaité que la loi pénitentiaire, en son temps, recueille davantage d’assentiments dans cette assemblée sur les travées de l’opposition de l’époque. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’UDI-UC, du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous remercie de m’avoir donné la parole, monsieur le président, car j’avoue que je suis toujours un peu circonspecte en ce qui concerne l’application du règlement du Sénat. Je connais mieux celui de l’Assemblée nationale, mais je n’ai aucun mérite, c’est simplement parce que je l’ai davantage pratiqué.

Par correction à l’égard des sénatrices et des sénateurs qui se sont exprimés, je souhaitais leur adresser mes remerciements pour la qualité de leurs interventions. J’ai apprécié la façon dont certains d’entre eux ont soutenu les dispositions de ce projet de loi, dont ils perçoivent bien, à la fois, la pertinence et l’efficacité attendue. Ils contribuent ainsi à la compréhension et à l’intelligibilité de ce texte, car cela peut s’avérer nécessaire. En effet, les magistrats qui voudront s’approprier les dispositions de ce dernier pourront s’interroger sur l’intention du législateur et la qualité des interventions permettra de les éclairer sur ce point.

Il en va de même, d’ailleurs, quand les intervenants contestent le projet de loi, s’interrogent sur certaines de ses dispositions ou les remettent en cause, parce qu’ils apportent indirectement des réponses qui permettent d’étoffer le débat parlementaire et de préciser l’expression de la volonté du législateur. Dans une démocratie, c’est bien le législateur qui élabore les règles de la vie en commun et il est bon que ceux qui doivent appliquer au quotidien ces règles comprennent bien son intention.

Je prends note des regrets qui ont été exprimés sur le recours à la procédure accélérée. Je ne reviendrai pas sur les propos que j’ai tenus en première et unique lecture et je pense que, même s’il n’y a eu qu’une seule lecture, elle fut de qualité. La loi pénitentiaire avait été examinée, elle aussi, en procédure accélérée et elle n’a pas pour autant perdu en qualité. Pourtant, elle n’avait pas bénéficié d’une maturation aussi longue que le présent projet de loi, dont vous avez suivi de près, mesdames, messieurs les sénateurs, tout le processus d’élaboration. Nous disposions déjà d’un matériau de qualité – disant cela, je ne remets pas en cause le travail accompli par les membres du jury de la conférence de consensus.

D’une façon générale, je suis toujours assez étonnée lorsque l’on me reproche d’envoyer un message aux délinquants, car je n’ai pas le sentiment – et je ne veux pas l’avoir – d’entretenir un dialogue avec les délinquants. La responsabilité législative que vous assumez, à partir des textes que vous soumet le Gouvernement, consiste à élaborer des règles et à s’interroger sur leur qualité, leur pertinence et leur durabilité, vis-à-vis de l’histoire, des valeurs et de la culture de ce pays. Tel est le dialogue que nous avons : c’est un dialogue avec nous-mêmes, avec la société, et non avec les délinquants.

Je ne dirai pas que, pendant les dix années des deux précédents quinquennats, au cours desquelles une centaine de modifications du code pénal et du code de procédure pénale sont intervenues, la majorité de l’époque était en dialogue avec les délinquants. Ou alors, mauvaise foi contre mauvaise foi, je dirai que cette instabilité et cette imprévisibilité ont pu être perçues par les délinquants comme des marques de faiblesse ! Allons-y !

Cela n’a pas de sens, car les délinquants eux-mêmes ne s’interrogent pas sur l’intention du législateur, les nouvelles règles qu’il a adoptées ou la sanction qui punira tel ou tel acte. Les choses ne se passent pas comme cela. S’il y avait un dialogue avec eux, il serait beaucoup plus simple de combattre la délinquance.

Je ne comprendrai jamais ces accusations. Lorsqu’elles sont totalement polémiques, je les laisse passer ; lorsqu’elles semblent argumentées, j’estime qu’elles méritent une réponse, parce qu’un argument se respecte.

Je pense malgré tout que la question n’est pas là. L’important, c’est ce qui a été fait. C’est pour cela que nous avons choisi de mettre en place cette conférence de consensus. C’est pour cela que j’ai fait un tour de France. Je suis allée expliquer ce projet de loi, y compris devant des publics très hostiles. Dans certains cas, les vingt premières minutes étaient très dures, face à des personnes totalement endoctrinées. L’échange portait non pas sur le contenu du projet de loi, mais sur des éléments tirés du discours de propagande qui prospérait depuis plus d’un an.

J’ai aussi proposé et organisé des rencontres avec des élus locaux à la Chancellerie. Je me suis déplacée dans des mairies, des conseils généraux et des conseils régionaux. Je suis allée au-devant des Français pour leur parler du contenu de ce projet de loi et de notre droit pénal.

Lorsque je parle de notre droit pénal, ce n’est pas pour le vilipender ou pour le discréditer. En effet, si nous ne respectons pas nous-mêmes ce qui fait le fondement de notre vie commune, personne ne le respectera ! J’explique simplement que telle disposition est inefficace et qu’il nous faut travailler pour la rendre plus efficace.

M. Hyest a déclaré à la tribune que nous changions de philosophie et que c’était la raison pour laquelle il ne voterait pas ce texte. En revanche, M. Lecerf, que je remercie, a expliqué que nous nous inscrivions dans la philosophie de la loi pénitentiaire. Nous nous inscrivons effectivement dans cette philosophie, mais surtout dans l’histoire du projet pénal républicain propre à la France. Les dix années de bouleversement du droit pénal et de la procédure pénale que j’ai évoquées ont été une parenthèse dans cette histoire.

En première lecture, j’ai rappelé le rôle joué par le Sénat dans la définition du projet pénal républicain. Les sénateurs républicains, de droite, du centre et de gauche, mais aussi des gardes des sceaux de droite ont participé à l’élaboration et à la consolidation du projet pénal républicain. Ils ont pris en considération, comme nous le faisons maintenant, la nécessité de construire un droit de la peine moderne, estimant que l’acte de délinquance mérite sanction, mais que la sanction doit avoir un sens pour la société, pour la victime et pour l’auteur de l'acte. Dans cette perspective, il n’y a pas d’incompatibilité entre la sanction et le travail de réinsertion. Voilà quel est le projet pénal républicain, voilà quelle est l’histoire du droit pénal français !

Les dix années qui ont vu une aggravation des réponses répressives, avec un allongement des durées d’incarcération, ont aussi été caractérisées par des injonctions contradictoires : il fallait réprimer plus sévèrement, enfermer de plus en plus longtemps et, en même temps, aménager de plus en plus vite les peines. Nous sortons de cette parenthèse, qu’il ne me paraît pas nécessaire de caractériser davantage.

Nous avons eu le souci, pendant deux ans, d’analyser la situation, d’évaluer notre système, de nous interroger point par point. C’est ainsi que nous avons constaté l’existence simultanée de mécanismes visant, en amont, à augmenter la durée de l’incarcération et, en aval, à gérer les flux carcéraux, avec la surveillance électronique de fin de peine, la SEFIP, et la procédure simplifiée d’aménagement de peine, la PSAP. De toute façon, le système était victime d’une embolie et il fallait trouver un moyen de régler ce problème. Je ne porte même pas de jugement de valeur sur cette situation, mais nous essayons de l’améliorer, en supprimant ces automatismes, aussi bien en amont qu’en aval, et en mettant en place un dispositif efficace.

Certains d’entre vous ont exprimé leur inquiétude quant aux moyens consacrés à cette réforme et cette préoccupation est légitime. Le Gouvernement y a déjà répondu. Je pense que vous avez entendu cette réponse, mais que vous estimez que nous échouerons néanmoins. Pourtant les moyens que j’évoque ont été inscrits en loi de finances : les 400 recrutements annoncés pour les services pénitentiaires d’insertion et de probation ont déjà été effectués pour l’année 2014 ; il n’y a donc pas de raison de mettre en doute les 300 recrutements annoncés pour l’année prochaine.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai envie de vous inviter à lutter résolument contre ce pessimisme qui vous envahit. Vous n’êtes pas obligés d’être pessimistes ! Je le répète très sincèrement : vous avez beaucoup de mérite ! Je crois que nous allons y arriver, parce que nous avons fait en sorte que les conditions soient réunies, du point de vue normatif comme en termes de politiques publiques.

Le Sénat a du mérite, parce qu’il a produit, pendant des années, le matériau de cette réforme. En première lecture, je vous ai rappelé le rôle du sénateur Bérenger et d’autres personnages, à la fin du XIXe siècle. Dès l’Ancien Régime, et même sous la Restauration, des réflexions ont été développées sur les systèmes pénitentiaires. Nous ne sommes donc pas en train de tout inventer et nous ne cherchons pas à accaparer tous les mérites. Nous pouvons tous convenir qu’une société, à certains moments, peut se rassembler autour de ses principes fondamentaux et, sur cette base, réussir des politiques publiques.

Nous augmentons donc les effectifs du service pénitentiaire d’insertion et de probation de 25 % en trois ans. Nous avons commencé à recruter des personnels pour l’application des peines, mais aussi, depuis 2013, des greffiers, et nous poursuivons cet effort.

Vous savez que nous avons réformé l’Observatoire de la délinquance et des réponses pénales, l’ONDRP, parce que nous voulons disposer de statistiques incontestables, qui nous permettent de mesurer vraiment l’efficacité de cette réforme. Nous sommes tellement soucieux de ce travail de mesure que nous avons laissé l’Assemblée nationale insérer dans le texte un article, que vous avez maintenu, obligeant le Gouvernement à présenter au Parlement une évaluation au terme de deux ans. Ainsi, le Gouvernement se fixe à lui-même un défi terrible, et il le relèvera.

Nous avons également créé un Observatoire de la récidive et de la désistance que nous soustrayons à l’emprise du ministère. Nous voulons donc être capables de mesurer les phénomènes de délinquance, mais aussi d’analyser les facteurs qui favorisent la désistance, c’est-à-dire la sortie de la délinquance. Nous le faisons de façon complètement objective, en conservant la bonne distance.

Depuis dix-huit mois, nous avons développé un important travail interministériel en signant des conventions avec le ministère tant des affaires sociales et de la santé que de l’éducation nationale. Vous savez que la population carcérale présente une sociologie particulière, puisque son taux d’illettrisme est trois fois supérieur au taux national. Nous avons également signé une convention avec le ministère du travail et de l’emploi et nous menons des expérimentations avec les départements et les régions dans le domaine de l’insertion par l’économie.

Ce travail est engagé, allons-y tous ensemble ! Vous nous présenterez vos griefs si nous échouons, ou si des engagements pris n’ont pas été suivis d’effets. En revanche, nous récolterons tous ensemble les fruits de cette réforme si la récidive et la délinquance reculent, si la réinsertion est améliorée, si nous rendons à des personnes le sens de leur propre dignité et, surtout, du respect des règles de la société, bref, si nous leur permettons de mener leur existence dans sa plénitude.

Excusez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, d’avoir parlé un peu longuement. J’ai bien conscience de mettre un peu de passion dans mon propos, mais je sais que vous partagez cette passion. Je le sais parce que je vous fréquente assidûment depuis deux ans et, surtout, parce que je lis vos travaux depuis plusieurs années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)

M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

projet de loi relatif à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales

TITRE IER

DISPOSITIONS VISANT À ASSURER LE PRONONCÉ DE PEINES EFFICACES ET ADAPTÉES

Chapitre IER

Principes généraux concernant les peines encourues et le prononcé des peines

Discussion générale
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Article 2

Article 1er

Au début du titre III du livre Ier du code pénal, il est ajouté un article 130-1 ainsi rédigé :

« Art. 130-1. – Afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions :

« 1° De sanctionner l’auteur de l’infraction ;

« 2° De favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion. »

Article 1er
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Article 3 bis

Article 2

L’article 132-1 du code pénal est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée.

« Dans les limites fixées par la loi, la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l’article 130-1. »

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Article 2
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Article 4

Article 3 bis

I. – L’article 709-1 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :

« Art. 709-1. – Dans chaque tribunal de grande instance et dans chaque cour d’appel, il est institué un bureau de l’exécution des peines, dont la composition, les missions et les modalités de fonctionnement sont précisées par décret.

« Ce bureau est notamment chargé de remettre à toute personne condamnée présente à l’issue de l’audience du tribunal correctionnel un relevé de condamnation pénale mentionnant les peines qui ont été prononcées. »

II. – Le présent article entre en vigueur un an après la promulgation de la présente loi.

Chapitre II

Dispositions visant à assurer le prononcé de peines individualisées

Section 1

Dispositions favorisant l’ajournement de la peine afin d’améliorer la connaissance de la personnalité ou de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu

Article 3 bis
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Article 6

Article 4

I. – La sous-section 6 de la section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est complétée par un paragraphe 5 ainsi rétabli :

« Paragraphe 5

« De l’ajournement aux fins d’investigations sur la personnalité ou la situation matérielle, familiale et sociale

« Art. 132-70-1. – La juridiction peut ajourner le prononcé de la peine à l’égard d’une personne physique lorsqu’il apparaît nécessaire d’ordonner à son égard des investigations complémentaires sur sa personnalité ou sa situation matérielle, familiale et sociale, lesquelles peuvent être confiées au service pénitentiaire d’insertion et de probation ou à une personne morale habilitée.

« Dans ce cas, elle fixe dans sa décision la date à laquelle il sera statué sur la peine.

« La décision sur la peine intervient au plus tard dans un délai de quatre mois après la décision d’ajournement, sous réserve des délais plus courts prévus au troisième alinéa de l’article 397-3 du code de procédure pénale quand la personne est placée en détention provisoire. Ce délai peut être prolongé pour une nouvelle durée maximale de quatre mois.

« Art. 132-70-2. – Lorsque la juridiction ajourne le prononcé de la peine, elle peut octroyer immédiatement à la victime des dommages et intérêts soit à titre provisionnel, soit à titre définitif. »

II. – Après l’article 397-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 397-3-1 ainsi rédigé :

« Art. 397-3-1. – Quand il prononce l’ajournement de la peine aux fins d’investigations sur la personnalité en application de l’article 132-70-1 du code pénal, le tribunal peut également placer ou maintenir la personne déclarée coupable sous contrôle judiciaire en application du premier alinéa de l’article 397-3 du présent code, sous assignation à résidence avec surveillance électronique en application du premier alinéa de l’article 142-12, ou, dans les cas prévus aux articles 395 à 397-7, en détention provisoire en application du deuxième alinéa de l’article 397-3. La détention provisoire ne peut être décidée que pour l’un des motifs prévus aux 2°, 3°, 5° et 6° de l’article 144. Lorsque la personne a été placée ou maintenue en détention, les deux derniers alinéas du même article 397-3 sont applicables. »

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Section 2

Dispositions favorisant le recours aux modes de personnalisation de la peine

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Article 4
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Article 6 bis

Article 6

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Après le mot : « présent, », la fin du second alinéa de l’article 132-29 est ainsi rédigée : « qu’en cas de condamnation pour une nouvelle infraction qui serait commise dans les délais prévus aux articles 132-35 et 132-37, le sursis pourra être révoqué par la juridiction. » ;

2° À la fin de l’article 132-35, les mots : « sans sursis qui emporte révocation » sont remplacés par les mots : « ayant ordonné la révocation totale du sursis dans les conditions définies à l’article 132-36 ; le caractère non-avenu de la condamnation ne fait pas obstacle à la révocation totale ou partielle du sursis en cas d’infraction commise dans le délai de cinq ans » ;

3° L’article 132-36 est ainsi rédigé :

« Art. 132-36. – La juridiction peut, par décision spéciale, révoquer totalement ou partiellement, pour une durée ou un montant qu’elle détermine, le sursis antérieurement accordé, quelle que soit la peine qu’il accompagne, lorsqu’elle prononce une nouvelle condamnation à une peine de réclusion ou à une peine d’emprisonnement sans sursis.

« La juridiction peut, par décision spéciale, révoquer totalement ou partiellement, pour une durée ou un montant qu’elle détermine, le sursis antérieurement accordé qui accompagne une peine quelconque autre que la réclusion ou l’emprisonnement, lorsqu’elle prononce une nouvelle condamnation d’une personne physique ou morale à une peine autre que la réclusion ou l’emprisonnement sans sursis. » ;

4° À l’article 132-37, les mots : « sans sursis emportant révocation » sont remplacés par les mots : « ayant ordonné la révocation du sursis » ;

5° L’article 132-38 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « simple », sont insérés les mots : « ordonnée par la juridiction » ;

b) Le second alinéa est supprimé ;

6° À l’article 132-39, les mots : « si la révocation du sursis n’a pas été encourue » sont remplacés par les mots : « si la révocation totale du sursis n’a pas été prononcée dans les conditions prévues à l’article 132-36 » ;

7° L’article 132-50 est ainsi rédigé :

« Art. 132-50. – Si la juridiction ordonne l’exécution de la totalité de l’emprisonnement et si le sursis avec mise à l’épreuve a été accordé après une première condamnation déjà prononcée sous le même bénéfice, elle peut, par décision spéciale, ordonner que la première peine sera également exécutée. »

II. – L’article 735 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 735. – Lorsque la juridiction de jugement n’a pas statué sur la révocation du sursis en application de l’article 132-36 du code pénal parce qu’elle n’avait pas connaissance de la première condamnation, le procureur de la République peut ultérieurement saisir le tribunal correctionnel d’une requête motivée tendant à sa révocation.

« Le tribunal statue en audience publique, après audition de la personne et, s’il y a lieu, de son avocat. »

III. – À la fin de l’article 735-1 du même code, les mots : « les modalités prévues à l’article 711 » sont remplacés par les mots : « la procédure prévue à l’article 735 ».

Article 6
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Article 7

Article 6 bis

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° L’article 132-44 est ainsi modifié :

a) Le 5° est ainsi rédigé :

« 5° Obtenir l’autorisation préalable du juge de l’application des peines pour tout changement d’emploi ou de résidence, lorsque ce changement est de nature à mettre obstacle à l’exécution de ses obligations ; » 

b) Il est ajouté un 6° ainsi rédigé :

« 6° Informer préalablement le juge de l’application des peines de tout déplacement à l’étranger. » ;

3° L’article 132-45 est ainsi modifié :

a) Après le 7°, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :

« 7° bis Sous réserve de son accord, s’inscrire et se présenter aux épreuves du permis de conduire, le cas échéant après avoir suivi des leçons de conduite ; »

b) Il est ajouté un 20° ainsi rédigé :

« 20° Obtenir l’autorisation préalable du juge de l’application des peines pour tout déplacement à l’étranger. » ;

4° L’article 132-52 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le caractère non-avenu de la condamnation ne fait pas obstacle à la révocation totale ou partielle du sursis avec mise à l’épreuve dès lors que le manquement ou l’infraction ont été commis avant l’expiration du délai d’épreuve. » ;

5° À l’article 132-56, la seconde occurrence du mot : « second » est remplacée par le mot : « deuxième ».

II. – (Supprimé)

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Article 6 bis
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Article 7 bis

Article 7

I. – (Supprimé)

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article 474 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Il est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le présent alinéa est applicable au condamné exécutant une peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou du placement sous surveillance électronique. » ;

2° Le premier alinéa de l’article 723-15 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « incarcérées », sont insérés les mots : « ou exécutant une peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou du placement sous surveillance électronique » ;

b) (Supprimé)

Article 7
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Article 7 ter A

Article 7 bis

(Pour coordination)

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 721 est ainsi modifié :

a) Les deuxième et quatrième alinéas sont supprimés ;

b) À l’avant-dernier alinéa, les mots : « ou du deuxième » sont supprimés et le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « deuxième » ;

2° Le deuxième alinéa de l’article 721-1 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « excéder », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « trois mois par année d’incarcération ou sept jours par mois lorsque la durée d’incarcération restant à subir est inférieure à une année. » ;

b) La deuxième phrase est supprimée ;

c) À la dernière phrase, les mots : « ou, si elle est en état de récidive légale, un mois par an ou deux jours par mois » sont supprimés.

II. – (Supprimé)

Article 7 bis
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Article 7 ter

Article 7 ter A

À la première phrase du premier alinéa de l’article 721-1 du code de procédure pénale, après le mot : « formation, », sont insérés les mots : « en s’investissant dans l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul, ».

Article 7 ter A
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Article 7 quater

Article 7 ter

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° Le huitième alinéa de l’article 729 est ainsi modifié :

a) La deuxième phrase est supprimée ;

b) À la dernière phrase, les mots : « les cas prévus » sont remplacés par les mots : « le cas prévu » ;

3° Après le mot : « mineur », la fin du second alinéa de l’article 729-3 est supprimée.

Article 7 ter
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Article 7 quinquies A

Article 7 quater

Après l’article 723-17 du code de procédure pénale, il est inséré un article 723-17-1 ainsi rédigé :

« Art. 723-17-1. – Lorsqu’une condamnation mentionnée à l’article 723-15 n’a pas été mise à exécution dans le délai de trois ans à compter de la date à laquelle elle est devenue définitive, le condamné est convoqué devant le juge de l’application des peines, préalablement à la mise à exécution de la condamnation, afin de déterminer les modalités d’exécution de sa peine les mieux adaptées aux circonstances, à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale. Cette convocation suspend la possibilité pour le parquet de mettre la peine à exécution.

« Il peut être dérogé au présent article dans les cas prévus à l’article 723-16. »

Article 7 quater
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Article 7 quinquies

Article 7 quinquies A

I. – Après le mot : « punissable », la fin du second alinéa de l’article 122-1 du code pénal est ainsi rédigée :

« . Toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime. Si est encourue une peine privative de liberté, celle-ci est réduite du tiers ou, en cas de crime puni de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle à perpétuité, est ramenée à trente ans. La juridiction peut toutefois, par une décision spécialement motivée en matière correctionnelle, décider de ne pas appliquer cette diminution de peine. Lorsque, après avis médical, la juridiction considère que la nature du trouble le justifie, elle s’assure que la peine prononcée permette que le condamné fasse l’objet de soins adaptés à son état. »

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1°A L’article 361-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si la cour d’assises a répondu positivement à la première question et négativement à la seconde question portant sur l’application du premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal, doit être posée la question de l’application du second alinéa de ce même article » ;

1° Le deuxième alinéa de l’article 362 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Si la cour d’assises a répondu positivement à la question portant sur l’application des dispositions du second alinéa de l’article 122-1 du code pénal, les peines privatives de liberté d’une durée égale ou supérieure aux deux tiers de la peine initialement encourue ne peuvent être prononcées qu’à la majorité qualifiée prévue par la deuxième phrase du présent alinéa. » ;

2° L’intitulé du chapitre III du titre XXVIII du livre IV est ainsi rédigé : « Mesures de sûreté pouvant être ordonnées en cas de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ou en cas de reconnaissance d’altération du discernement » ;

3° Après l’article 706-136, il est inséré un article 706-136-1 ainsi rédigé :

« Art. 706-136-1. – Lorsqu’une personne condamnée dans les circonstances mentionnées au second alinéa de l’article 122-1 du code pénal n’a pas été condamnée à un suivi socio-judiciaire, le juge de l’application des peines peut ordonner, à la libération de cette personne, si son état le justifie et après avis médical, une obligation de soins pendant une durée qu’il fixe et qui ne peut excéder cinq ans en matière correctionnelle ou dix ans si les faits commis constituent un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement. Le dernier alinéa de l’article 706-136 est applicable. » ; 

4° À la première phrase de l’article 706-137, les mots : « d’une interdiction prononcée en application de l’article 706-136 » sont remplacés par les mots : « d’une mesure prononcée en application des articles 706-136 ou 706-136-1 » ;

5° À l’article 706-139, après la référence : « 706-136 » sont insérés les mots : « ou de l’obligation de soins prévue à l’article 706-136-1 » ;

6° Avant la dernière phrase du troisième alinéa de l’article 721, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Il peut également ordonner, après avis médical, le retrait lorsque la personne condamnée dans les circonstances mentionnées à la première phrase du second alinéa de l’article 122-1 du code pénal refuse les soins qui lui sont proposés. » ;

7° Le premier alinéa de l’article 721-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« De même, après avis médical et sauf décision contraire du juge de l’application des peines, aucune réduction supplémentaire de peine ne peut être accordée à une personne condamnée dans les circonstances mentionnées à la première phrase du second alinéa de l’article 122-1 du code pénal qui refuse les soins qui lui sont proposés. »

Chapitre II bis

Dispositions relatives à la justice restaurative

Article 7 quinquies A
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Article 8

Article 7 quinquies

Le sous-titre II du titre préliminaire du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi rétabli :

« Sous-titre II

« DE LA JUSTICE RESTAURATIVE

« Art. 10-1. – À l’occasion de toute procédure pénale et à tous les stades de la procédure, y compris lors de l’exécution de la peine, la victime et l’auteur d’une infraction, sous réserve que les faits aient été reconnus, peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative.

« Constitue une mesure de justice restaurative toute mesure permettant à une victime ainsi qu’à l’auteur d’une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l’infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission. Cette mesure ne peut intervenir qu’après que la victime et l’auteur de l’infraction ont reçu une information complète à son sujet et ont consenti expressément à y participer. Elle est mise en œuvre par un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l’autorité judiciaire ou, à la demande de celle-ci, de l’administration pénitentiaire. Elle est confidentielle, sauf accord contraire des parties et excepté les cas où un intérêt supérieur lié à la nécessité de prévenir ou de réprimer des infractions justifie que des informations relatives au déroulement de la mesure soient portées à la connaissance du procureur de la République. »

Chapitre III

Dispositions instituant la contrainte pénale

Article 7 quinquies
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Article 8 bis

Article 8

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° Les 2° à 8° de l’article 131-3 deviennent, respectivement, des 3° à 9° et il est rétabli un 2° ainsi rédigé :

« 2° La contrainte pénale ; »

2° Après l’article 131-4, il est inséré un article 131-4-1 ainsi rédigé :

« Art. 131-4-1. – Lorsque la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de l’auteur d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans et les faits de l’espèce justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu, la juridiction peut prononcer la peine de contrainte pénale.

« La contrainte pénale emporte pour le condamné l’obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l’application des peines, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans et qui est fixée par la juridiction, à des mesures de contrôle et d’assistance ainsi qu’à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société.

« Dès le prononcé de la décision de condamnation, la personne condamnée est astreinte, pour toute la durée d’exécution de sa peine, aux mesures de contrôle prévues à l’article 132-44.

« Les obligations et interdictions particulières auxquelles peut être astreint le condamné sont :

« 1° Les obligations et interdictions prévues à l’article 132-45 en matière de sursis avec mise à l’épreuve ;

« 2° L’obligation d’effectuer un travail d’intérêt général, dans les conditions prévues à l’article 131-8 ;

« 3° L’injonction de soins, dans les conditions prévues aux articles L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique, si la personne a été condamnée pour un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru et qu’une expertise médicale a conclu qu’elle était susceptible de faire l’objet d’un traitement ;

« 4° à 6° (Supprimés)

« Le condamné peut, en outre, bénéficier des mesures d’aide prévues à l’article 132-46.

« Si elle dispose d’éléments d’information suffisants sur la personnalité du condamné et sur sa situation matérielle, familiale et sociale, la juridiction qui prononce la contrainte pénale peut définir les obligations et interdictions particulières auxquelles celui-ci est astreint parmi celles mentionnées aux 1° à 3° du présent article.

« La juridiction fixe également la durée maximale de l’emprisonnement encouru par le condamné en cas d’inobservation des obligations et interdictions auxquelles il est astreint. Cet emprisonnement ne peut excéder deux ans, ni le maximum de la peine d’emprisonnement encourue. Les conditions dans lesquelles l’exécution de l’emprisonnement peut être ordonnée, en tout ou partie, sont fixées par le code de procédure pénale. 

« Après le prononcé de la décision, le président de la juridiction notifie à la personne condamnée, lorsqu’elle est présente, les obligations et interdictions qui lui incombent ainsi que les conséquences qui résulteraient de leur violation.

« Dans des conditions et selon des modalités précisées par le code de procédure pénale, après évaluation de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, le juge de l’application des peines, lorsqu’il n’a pas été fait application du neuvième alinéa du présent article, détermine les obligations et interdictions auxquelles est astreint le condamné parmi celles mentionnées aux 1° à 3°, ainsi que les mesures d’aide dont il bénéficie. S’il a été fait application du neuvième alinéa, le juge de l’application des peines peut modifier, supprimer ou compléter les obligations et interdictions décidées par la juridiction ; il détermine les mesures d’aide dont le condamné bénéficie. Au cours de l’exécution de la contrainte pénale, les obligations et interdictions et les mesures d’aide peuvent être modifiées, supprimées ou complétées par le juge de l’application des peines au regard de l’évolution du condamné. 

« La condamnation à la contrainte pénale est exécutoire par provision. » ;

3° Au premier alinéa de l’article 131-9, après les mots : « ni avec », sont insérés les mots : « la peine de contrainte pénale ou » ;

4° et 5° (Supprimés)

II. – (Supprimé)

III. – À compter du 1er janvier 2017, au premier alinéa de l’article 131-4-1 du code pénal, les mots : « d’une durée inférieure ou égale à cinq ans » sont supprimés. 

Article 8
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Article 8 ter

Article 8 bis

(Supprimé)

Article 8 bis
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Article 8 quater

Article 8 ter

Dans les deux ans suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement étudiant la possibilité de sanctionner certains délits d’une contrainte pénale à titre de peine principale, en supprimant la peine d’emprisonnement encourue, et évaluant les effets possibles d’une telle évolution sur les condamnations prononcées ainsi que ses conséquences sur la procédure pénale.

Article 8 ter
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Article 9

Article 8 quater

Au premier alinéa des articles 131-8 et 132-54 et à la première phrase du premier alinéa de l’article 132-57 du code pénal, les mots : « deux cent dix » sont remplacés par les mots : « deux cent quatre-vingts ».

Article 8 quater
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Article 11

Article 9

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° À la première phrase du dernier alinéa de l’article 474, après le mot : « condamnée », sont insérés les mots : « à une contrainte pénale, » ;

2° Après le titre Ier du livre V, il est inséré un titre Ier bis ainsi rédigé :

« Titre Ier Bis

« DE LA CONTRAINTE PÉNALE

« Art. 713-42. – Le service pénitentiaire d’insertion et de probation évalue la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée à la contrainte pénale.

« À l’issue de cette évaluation, le service adresse au juge de l’application des peines un rapport comportant des propositions relatives au contenu et aux modalités de mise en œuvre des mesures de contrôle et d’assistance, des obligations et des interdictions mentionnées à l’article 131-4-1 du code pénal.

« Art. 713-43. – Au vu du rapport établi par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, le juge de l’application des peines, lorsqu’il n’a pas été fait application du neuvième alinéa de l’article 131-4-1 du code pénal, détermine les obligations et interdictions auxquelles est astreint le condamné parmi celles mentionnées aux 1° à 3° de ce même article, ainsi que les mesures d’aide dont il bénéficie. S’il a été fait application du neuvième alinéa dudit article, le juge de l’application des peines peut modifier, supprimer ou compléter les obligations et interdictions décidées par la juridiction ; il détermine les mesures d’aide dont le condamné bénéficie.

« Le juge statue par ordonnance motivée, après réquisitions écrites du procureur de la République et après avoir entendu les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat. S’il envisage d’astreindre le condamné à l’obligation d’effectuer un travail d’intérêt général prévue au 2° du même article 131-4-1, il statue après que le condamné a été informé de son droit de refuser l’accomplissement d’un travail d’intérêt général et après avoir reçu sa réponse. Il lui notifie cette ordonnance et lui donne connaissance des dispositions des articles 713-44, 713-47 et 713-48 du présent code.

« La décision du juge de l’application des peines intervient au plus tard dans les quatre mois qui suivent le jugement de condamnation. 

« Art. 713-44. – La situation matérielle, familiale et sociale de la personne est réévaluée à chaque fois que nécessaire au cours de l’exécution de la peine, et au moins une fois par an, par le service pénitentiaire d’insertion et de probation et le juge de l’application des peines.

« Au vu de chaque nouvelle évaluation, le juge de l’application des peines peut, selon les modalités prévues à l’article 712-8 et après avoir entendu les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat :

« 1° Modifier ou compléter les obligations et interdictions auxquelles la personne condamnée est astreinte ;

« 2° Supprimer certaines d’entre elles.

« Art. 713-45. – Si le condamné a satisfait aux mesures, obligations et interdictions qui lui étaient imposées pendant au moins un an, que son reclassement paraît acquis et qu’aucun suivi ne paraît plus nécessaire, le juge de l’application des peines peut, par ordonnance rendue selon les modalités prévues à l’article 712-8, sur réquisitions conformes du procureur de la République, décider de mettre fin de façon anticipée à la peine de contrainte pénale.

« En l’absence d’accord du ministère public, le juge de l’application des peines peut saisir à cette fin, par requête motivée, le président du tribunal ou un juge par lui désigné, qui statue à la suite d’un débat contradictoire public en application de l’article 712-6. En cas de refus opposé à cette première demande, une autre demande ne peut être présentée qu’une année après cette décision de refus. Il en est de même, éventuellement, des demandes ultérieures.

« Art. 713-46. – Le délai d’exécution de la contrainte pénale peut être suspendu par le juge de l’application des peines en cas d’incarcération du condamné, sauf lorsqu’il est fait application des trois derniers alinéas de l’article 713-47 ou de l’article 713-48.

« Art. 713-47. – En cas d’inobservation par la personne condamnée des mesures de contrôle et d’assistance, des obligations ou des interdictions mentionnées à l’article 131-4-1 du code pénal qui lui sont imposées, le juge de l’application des peines peut, d’office ou sur réquisitions du procureur de la République, selon les modalités prévues à l’article 712-8 du présent code, modifier ou compléter les obligations ou interdictions auxquelles le condamné est astreint. Le juge de l’application des peines peut également procéder à un rappel des mesures, obligations et interdictions auxquelles est astreinte la personne condamnée.

« Si la solution prévue au premier alinéa du présent article est insuffisante pour assurer l’effectivité de la peine, le juge saisit, d’office ou sur réquisitions du procureur de la République, par requête motivée, le président du tribunal de grande instance ou un juge par lui désigné afin que soit mis à exécution contre le condamné tout ou partie de l’emprisonnement fixé par la juridiction en application du dixième alinéa de l’article 131-4-1 du code pénal. Le président du tribunal ou le juge par lui désigné, qui statue à la suite d’un débat contradictoire public conformément aux dispositions de l’article 712-6 du présent code, fixe la durée de l’emprisonnement à exécuter, laquelle ne peut excéder celle fixée par la juridiction. La durée de cet emprisonnement est déterminée en fonction de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné, de la gravité de l’inobservation des mesures, obligations et interdictions, ainsi que du délai pendant lequel la contrainte pénale a été exécutée et des obligations qui ont déjà été respectées ou accomplies. Lorsque les conditions prévues à l’article 723-15 sont remplies, le président du tribunal ou le juge par lui désigné peut décider que cet emprisonnement s’exécutera sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou de la surveillance électronique. 

« Lorsqu’il fait application du deuxième alinéa du présent article, le juge de l’application des peines peut, s’il l’estime nécessaire, ordonner l’incarcération provisoire du condamné en application des deux premiers alinéas de l’article 712-19. À défaut de tenue du débat contradictoire devant le président ou le juge par lui désigné dans un délai de quinze jours suivant l’incarcération du condamné, celui-ci est remis en liberté s’il n’est pas détenu pour une autre cause.

« Au cours de l’exécution de la contrainte pénale, le juge de l’application des peines peut faire application à plusieurs reprises du deuxième alinéa du présent article, dès lors que la durée totale des emprisonnements ordonnés ne dépasse pas celle fixée par la juridiction en application du dixième alinéa de l’article 131-4-1 du code pénal. Si la durée de l’emprisonnement ordonné est égale à cette durée ou, compte tenu le cas échéant des précédents emprisonnements ordonnés, atteint cette durée, la décision du président ou du juge par lui désigné met fin à la contrainte pénale.

« Art. 713-48. – Si le condamné commet, pendant la durée d’exécution de la contrainte pénale, un crime ou un délit de droit commun suivi d’une condamnation à une peine privative de liberté sans sursis, la juridiction de jugement peut, après avis du juge de l’application des peines, ordonner la mise à exécution de tout ou partie de l’emprisonnement fixé par la juridiction en application du dixième alinéa de l’article 131-4-1 du code pénal. »

« Art. 713-49. – (Supprimé)

3° (Supprimé)

II. – (Supprimé)

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TITRE II

DISPOSITIONS VISANT À PRÉCISER LE RÉGIME DE L’EXÉCUTION DES PEINES ET À RENFORCER LE SUIVI ET LE CONTRÔLE DES PERSONNES CONDAMNÉES

Chapitre IER

Principes régissant la mise en œuvre des peines

Article 9
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Article 11 bis AA

Article 11

I. – L’article 707 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. - » ;

2° Les deuxième et troisième alinéas sont remplacés par des II à V ainsi rédigés :

« II. – (Supprimé)

« III. – Le régime d’exécution des peines privatives et restrictives de liberté vise à préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d’agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d’éviter la commission de nouvelles infractions.

« Ce régime est adapté au fur et à mesure de l’exécution de la peine, en fonction de l’évolution de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée, qui font l’objet d’évaluations régulières.

« IV. – Toute personne condamnée incarcérée en exécution d’une peine privative de liberté bénéficie, chaque fois que cela est possible, d’un retour progressif à la liberté en tenant compte des conditions matérielles de détention et du taux d’occupation de l’établissement pénitentiaire, dans le cadre d’une mesure de semi-liberté, de placement à l’extérieur, de placement sous surveillance électronique, de libération conditionnelle ou d’une libération sous contrainte, afin d’éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire.

« V. – Au cours de l’exécution de la peine, la victime a le droit :

« 1° De saisir l’autorité judiciaire de toute atteinte à ses intérêts ;

« 2° D’obtenir la réparation de son préjudice, par l’indemnisation de celui-ci ou par tout autre moyen adapté, y compris, s’il y a lieu, en se voyant proposer une mesure de justice restaurative ;

« 3° D’être informée, si elle le souhaite, de la fin de l’exécution d’une peine privative de liberté, dans les cas et conditions prévus au présent code ;

« 4° À la prise en compte, s’il y a lieu, de la nécessité de garantir sa tranquillité et sa sûreté.

« L’autorité judiciaire est tenue de garantir l’intégralité de ces droits tout au long de l’exécution de la peine, quelles qu’en soient les modalités. » ;

3° Le dernier alinéa est supprimé.

bis – Après l’article 707-4 du même code, il est inséré un article 707-5 ainsi rédigé :

« Art. 707-5. – En cas de délivrance d’un mandat de dépôt ou d’arrêt, les peines privatives de liberté peuvent être immédiatement aménagées, dans les conditions prévues au présent code, sans attendre que la condamnation soit exécutoire en application de l’article 707, sous réserve du droit d’appel suspensif du ministère public prévu à l’article 712-14. »

ter, I quater et I quinquies. – (Supprimés) 

II. – Le titre préliminaire de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est abrogé.

Article 11
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Article 11 bis

Article 11 bis AA

I. – Après l’article 708 du code de procédure pénale, il est inséré un article 708-1 ainsi rédigé :

« Art. 708-1. – Lorsque doit être mise à exécution une condamnation à une peine d’emprisonnement concernant une femme enceinte de plus de douze semaines, le procureur de la République ou le juge de l’application des peines s’efforcent par tout moyen soit de différer cette mise à exécution, soit de faire en sorte que la peine s’exécute en milieu ouvert. »

II. – L’article 720-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le seuil de deux ans prévu au premier alinéa est porté à quatre ans lorsque la suspension pour raison familiale s’applique soit à une personne condamnée exerçant l’autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle, soit à une femme enceinte de plus de douze semaines. »

III. – La seconde phrase du second alinéa de l’article 723-1 et du deuxième alinéa de l’article 723-7 du même code est complétée par les mots : « ou un an avant la date à laquelle est possible la libération conditionnelle prévue à l’article 729-3 ».

IV. – Le premier alinéa de l’article 729-3 du même code est complété par les mots : « ou lorsqu’il s’agit d’une femme enceinte de plus de douze semaines ».

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Article 11 bis AA
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Article 11 ter

Article 11 bis

– L’article 728-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa, est insérée la référence : « I » ;

2° Il est complété par un II ainsi rédigé :

« II. – Lorsque l’auteur de l’infraction a été condamné au paiement de dommages et intérêts et que la part des valeurs pécuniaires affectée à l’indemnisation des parties civiles en application du premier alinéa du I n’a pas été réclamée, ces valeurs sont, lorsqu’elles sont supérieures à un montant fixé par décret et sous réserve des droits des créanciers d’aliments, versées au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions à la libération du condamné.

II. – L’article L. 422-1 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fonds est également alimenté par des versements prévus au II de l’article 728-1 du code de procédure pénale. Lorsque ces versements sont effectués, la victime est alors directement indemnisée par le fonds à hauteur, le cas échéant, des versements effectués et, à hauteur de ces versements, l’avant-dernier alinéa du présent article n’est pas applicable. »

Article 11 bis
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Article 11 quater

Article 11 ter

Le premier alinéa de l’article 710 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour l’examen de ces demandes, elle tient compte du comportement de la personne condamnée depuis la condamnation, de sa personnalité ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. »

Article 11 ter
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Article 12 bis

Article 11 quater

(nouveau). – Après l’article 747-1-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 747-1-2 ainsi rédigé :

« Art. 747-1-2. – Le juge de l’application des peines peut, d’office, à la demande de l’intéressé ou sur réquisitions du procureur de la République, ordonner par décision motivée de substituer à une peine de jours-amende une peine de sursis assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général. Cette décision est prise à l’issue d’un débat contradictoire, conformément à l’article 712-6 du présent code. La substitution n’est pas possible si le condamné la refuse ou n’est pas présent à l’audience. Dans le cas prévu au présent alinéa, la durée de l’emprisonnement ne peut excéder celle qui serait résultée de l’inexécution de la peine de jours-amende, fixée en application de la première phrase du second alinéa de l’article 131-25 du code pénal.

« Par dérogation au second alinéa de l’article 131-25 du code pénal, la décision de substitution peut également intervenir en cas de défaut total ou partiel du paiement du montant exigible à l’expiration du délai correspondant au nombre de jours-amende prononcés. »

II (nouveau). – Au début de la première phrase du second alinéa de l’article 131-25 du code pénal, sont insérés les mots : « Sous réserve du second alinéa de l’article 747-1-2 du code de procédure pénale, ».

Chapitre II

Dispositions relatives à la prise en charge des personnes condamnées

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Article 11 quater
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Article 13

Article 12 bis

L’article 30 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est ainsi modifié :

1° Le 2° est ainsi rédigé :

« 2° Pour prétendre au bénéfice des droits mentionnés aux articles L. 121-1 et L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles, lorsqu’elles ne disposent pas d’un domicile de secours ou d’un domicile personnel au moment de leur incarcération ou ne peuvent en justifier ; »

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Pour faciliter leurs démarches de préparation à la sortie, les personnes détenues peuvent également procéder à l’élection de domicile mentionnée à l’article L. 264-1 du même code soit auprès du centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès de l’organisme agréé à cet effet, le plus proche du lieu où elles recherchent une activité en vue de leur insertion ou réinsertion ou le plus proche du lieu d’implantation d’un établissement de santé ou médico-social susceptible de les accueillir. »

Chapitre III

Dispositions relatives aux missions du service public pénitentiaire dans le suivi et le contrôle des personnes condamnées

Article 12 bis
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Article 14

Article 13

Le premier alinéa de l’article 712-1 du code de procédure pénale est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Ces juridictions sont avisées, par les services d’insertion et de probation, des modalités de prise en charge des personnes condamnées, définies et mises en œuvre par ces services. Elles peuvent faire procéder aux modifications qu’elles jugent nécessaires au renforcement du contrôle de l’exécution de la peine. »

Article 13
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Article 15

Article 14

Le second alinéa de l’article 13 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ils procèdent à l’évaluation régulière de la situation matérielle, familiale et sociale des personnes condamnées et définissent, au vu de ces évaluations, le contenu et les modalités de leur prise en charge. »

Chapitre IV

Dispositions visant à renforcer les pouvoirs de la police et de la gendarmerie en cas de violation de ses obligations par une personne sous main de justice

Article 14
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Article 15 bis

Article 15

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 141-4 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, la référence : « 9° » est remplacée par les références : « 1°, 2°, 3°, 8°, 9°, 14° » ;

a bis) Le troisième alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

« La personne retenue est immédiatement informée par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend, de la durée maximale de la mesure, de la nature des obligations qu’elle est soupçonnée d’avoir violées et du fait qu’elle bénéficie :

« – du droit de faire prévenir un proche et son employeur ainsi que, si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de l’État dont elle est ressortissante, conformément à l’article 63-2 ;

« – du droit d’être examinée par un médecin, conformément à l’article 63-3 ;

« – du droit d’être assistée par un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 ;

« – s’il y a lieu, du droit d’être assistée par un interprète ;

« – du droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. » ;

a ter) Le cinquième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« La retenue s’exécute dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne. Seules peuvent être imposées à la personne retenue les mesures de sécurité strictement nécessaires.

« La personne retenue ne peut faire l’objet d’investigations corporelles internes au cours de sa rétention par le service de police ou par l’unité de gendarmerie.

« L’article 64 est applicable à la présente mesure de retenue. » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article est également applicable aux personnes placées sous assignation à résidence avec surveillance électronique. » ;

2° Après le même article 141-4, il est inséré un article 141-5 ainsi rédigé :

« Art. 141-5. – Les services de police et les unités de gendarmerie peuvent, selon les modalités prévues aux articles 56 à 58 et pendant les heures prévues à l’article 59, et après avoir recueilli l’accord du juge d’instruction ou sur instruction de ce magistrat, procéder à une perquisition chez une personne qui, placée sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique, est soumise à l’interdiction de détenir une arme, lorsqu’il existe des indices graves ou concordants que des armes se trouvent actuellement à son domicile.

« Si des armes sont découvertes, elles sont saisies et placées sous scellés. » ;

3° L’article 230-19 est ainsi modifié :

a) Au 2°, la référence : « et 14° » est remplacée par les références : « , 14° et 17° » ;

a bis) Le 7° est abrogé ;

b) Au 8°, les mots : « un sursis avec mise à l’épreuve en application des dispositions du 5° » sont remplacés par les mots : « une contrainte pénale, d’un sursis avec mise à l’épreuve, d’un suivi socio-judiciaire, d’une libération conditionnelle, d’une semi-liberté, d’un placement à l’extérieur, d’un placement sous surveillance électronique, d’une surveillance judiciaire ou d’une surveillance de sûreté en application des dispositions des 5° et 6° » et, après la référence : « 14° », sont insérées les références : « , 19° et 20° » ;

c) Au 9°, la référence : « et 4° » est remplacée par les références : « , 4° et 11° » ;

d) Le 11° est abrogé ;

4° Après l’article 709, sont insérés des articles 709-1-1, 709-1-2 et 709-1-3 ainsi rédigés : 

« Art. 709-1-1. – Les services de police et les unités de gendarmerie peuvent, d’office ou sur instruction du procureur de la République ou du juge de l’application des peines, appréhender toute personne condamnée pour laquelle il a été fait application du deuxième alinéa des articles 131-9 ou 131-11 du code pénal ou placée sous le contrôle du juge de l’application des peines et à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle n’a pas respecté les obligations qui lui incombent en application de sa condamnation. La personne peut alors, sur décision d’un officier de police judiciaire, être retenue vingt-quatre heures au plus dans un local de police ou de gendarmerie, afin que soit vérifiée sa situation et qu’elle soit entendue sur la violation de ses obligations.

« Dès le début de la mesure de retenue, l’officier de police judiciaire informe le procureur de la République ou le juge de l’application des peines.

« La personne retenue est immédiatement informée par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend, de la durée maximale de la mesure, de la nature des obligations qu’elle est soupçonnée d’avoir violées et du fait qu’elle bénéficie :

« – du droit de faire prévenir un proche et son employeur ainsi que, si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de l’État dont elle est ressortissante, conformément à l’article 63-2 ;

« – du droit d’être examinée par un médecin, conformément à l’article 63-3 ;

« – du droit d’être assistée par un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 ;

« – s’il y a lieu, du droit d’être assistée par un interprète ;

« – du droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

« La retenue s’exécute dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne. Seules peuvent être imposées à la personne retenue les mesures de sécurité strictement nécessaires.

« La personne retenue ne peut faire l’objet d’investigations corporelles internes au cours de sa retenue par le service de police ou par l’unité de gendarmerie.

« Si la personne est placée sous le contrôle du juge de l’application des peines, les pouvoirs conférés au procureur de la République par les articles 63-2 et 63-3 sont exercés par ce juge ou, en cas d’empêchement de ce juge, par le procureur de la République.

« L’article 64 est applicable à la présente mesure de retenue.

« À l’issue de la mesure de retenue, le procureur de la République ou le juge de l’application des peines peut ordonner que la personne soit conduite devant le juge de l’application des peines dans les conditions prévues aux articles 803-2 et 803-3, le cas échéant pour ordonner son incarcération provisoire.

« Le procureur de la République ou le juge de l’application des peines peut également, chacun pour les mesures dont il est en charge, demander à un officier ou un agent de police judiciaire d’aviser la personne qu’elle est convoquée devant lui à une date ultérieure, puis de mettre fin à la rétention de la personne.

« Art. 709-1-2. – Les services de police et les unités de gendarmerie peuvent, selon les modalités prévues aux articles 56 à 58 et pendant les heures prévues à l’article 59, et après avoir recueilli l’accord du procureur de la République ou du juge de l’application des peines ou sur instruction de l’un de ces magistrats, procéder à une perquisition chez une personne condamnée qui, en raison de sa condamnation, est soumise à l’interdiction de détenir une arme, lorsqu’il existe des indices graves ou concordants que des armes se trouvent actuellement à son domicile.

« Si des armes sont découvertes, elles sont saisies et placées sous scellés. » ;

« Art. 709-1-3. – Lorsqu’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’à l’issue de son incarcération, une personne condamnée n’a pas respecté l’interdiction qui lui est faite, en application de sa condamnation, d’entrer en relation avec certaines personnes ou certaines catégories de personnes, de fréquenter certains condamnés ou de paraître en un lieu, une catégorie de lieux ou une zone spécialement désignés, les services de police et les unités de gendarmerie peuvent, sur instruction du juge de l’application des peines ou, s’il a été fait application du deuxième alinéa de l’article 131-9 ou du second alinéa de l’article 131-11 du code pénal, du juge de l’application des peines, saisi à cette fin par le procureur de la République, procéder, sur l’ensemble du territoire national, si ces mesures sont indispensables pour rapporter la preuve de la violation des interdictions résultant de la condamnation :

« 1° Pour un crime ou un délit mentionné au premier alinéa de l’article 100 du présent code, à l’interception, à l’enregistrement et à la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications, selon les modalités prévues à la sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre Ier ;

« 2° Pour un crime ou un délit mentionné aux 1° et 2° de l’article 230-32, à la localisation en temps réel d’une personne, à l’insu de celle-ci, d’un véhicule ou de tout autre objet, sans le consentement de son propriétaire ou de son possesseur, selon les modalités prévues au chapitre V du titre IV du livre Ier. » ;

5°, 5° bis et 5° ter (Supprimés)

6° L’article 712-16-3 est abrogé ;

7° Au dernier alinéa de l’article 63-6 et à la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 706-53-19, la référence : « 712-16-3 » est remplacée par la référence : « 709-1-1 » ;

8° La première phrase de l’article 803-2 est ainsi modifiée :

a) Après les mots : « garde à vue », sont insérés les mots : « ou de sa retenue » ;

b) Après le mot : « République », sont insérés les mots : « ou du juge de l’application des peines » ;

9° Au premier alinéa de l’article 803-3, après les mots : « garde à vue », sont insérés les mots : « ou la retenue ».

II. – Au premier alinéa de l’article 64-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, après les mots : « garde à vue », sont insérés les mots : « , de la retenue ou de la rétention ».

Article 15
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Article 15 ter

Article 15 bis

(Supprimé)

Article 15 bis
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Article 15 quater

Article 15 ter

Après l’article 41-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 41-1-1 ainsi rédigé :

« Art. 41-1-1. – I. – L’officier de police judiciaire peut, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement et sur autorisation du procureur de la République, transiger avec les personnes physiques et les personnes morales sur la poursuite :

« 1° Des contraventions prévues par le code pénal, à l’exception des contraventions des quatre premières classes pour lesquelles l’action publique est éteinte par le paiement d’une amende forfaitaire en application de l’article 529 du présent code ;

« 2° Des délits prévus par le code pénal et punis d’une peine d’amende ;

« 3° Des délits prévus par le même code et punis d’un an d’emprisonnement au plus, à l’exception du délit d’outrage prévu au deuxième alinéa de l’article 433-5 dudit code ;

« 4° Du délit prévu à l’article 311-3 du même code, lorsque la valeur de la chose volée est inférieure à un seuil fixé par décret ;

« 5° Du délit prévu à l’article L. 3421-1 du code de la santé publique ;

« 6° (nouveau) Du délit prévu au premier alinéa de l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation.

« Lorsque le procureur de la République autorise le recours à la transaction en application du présent article, l’officier de police judiciaire peut soumettre l’auteur de l’infraction, compte tenu de ses ressources et de ses charges, à l’obligation de consigner une somme d’argent, en vue de garantir le paiement de l’amende mentionnée au 1° du présent II ou, le cas échéant, de l’amende prononcée en cas de poursuites et de condamnation dans les conditions prévues au dernier alinéa du III du présent article.

« La transaction autorisée par le procureur de la République, proposée par l’officier de police judiciaire et acceptée par l’auteur de l’infraction est homologuée par le président du tribunal de grande instance ou par un juge par lui désigné, après avoir entendu, s’il y a lieu, l’auteur de l’infraction assisté, le cas échéant, par son avocat. 

« II. – La proposition de transaction est déterminée en fonction des circonstances et de la gravité de l’infraction, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de son auteur ainsi que de ses ressources et de ses charges. Elle fixe :

« 1° L’amende transactionnelle due par l’auteur de l’infraction et dont le montant ne peut excéder le tiers du montant de l’amende encourue ;

« 2° Le cas échéant, l’obligation pour l’auteur de l’infraction de réparer le dommage résultant de celle-ci ;

« 3° Les délais impartis pour le paiement et, s’il y a lieu, l’exécution de l’obligation de réparer le dommage.

« III. – L’acte par lequel le président du tribunal de grande instance ou le juge par lui désigné homologue la proposition de transaction est interruptif de la prescription de l’action publique.

« L’action publique est éteinte lorsque l’auteur de l’infraction a exécuté dans les délais impartis l’intégralité des obligations résultant pour lui de l’acceptation de la transaction.

« En cas de non-exécution de l’intégralité des obligations dans les délais impartis ou de refus d’homologation, le procureur de la République, sauf élément nouveau, met en œuvre les mesures prévues à l’article 41-1 du présent code ou une composition pénale ou engage des poursuites.

« III bis (nouveau). – Les opérations réalisées par l’officier de police judiciaire en application des I et II du présent article sont relatées dans un seul procès-verbal.

« IV. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Article 15 ter
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Article 15 quinquies

Article 15 quater

Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa de l’article L. 132-5 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« À la demande de l’autorité judiciaire, ces groupes peuvent traiter des questions relatives à l’exécution des peines et à la prévention de la récidive.

« Des informations confidentielles peuvent être échangées dans le cadre de ces groupes. Elles ne peuvent être communiquées à des tiers. » ;

2° La section 2 est ainsi modifiée :

a) À l’intitulé, après le mot : « État », sont insérés les mots : « et du procureur de la République » ;

b) Il est ajouté un article L. 132-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 132-10-1. – I. – (Supprimé)

« II. – Au sein du conseil départemental de prévention de la délinquance et, le cas échéant, de la zone de sécurité prioritaire, l’état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure sont chargés d’animer et de coordonner, sur leur territoire, les actions conduites par l’administration pénitentiaire, les autres services de l’État, les collectivités territoriales, les associations et les autres personnes publiques ou privées, en vue de favoriser l’exécution des peines et prévenir la récidive.

« Dans le cadre de leurs attributions, l’état-major de sécurité et la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure :

« 1° Sont informés par le procureur de la République, au moins une fois par an, de la politique pénale mise en œuvre sur leur territoire ;

« 2° Examinent et donnent leur avis sur les conditions de mise en œuvre des mesures prévues à l’article 41-1 du code de procédure pénale ;

« 3° Organisent les modalités du suivi et du contrôle en milieu ouvert, par les services et personnes publiques ou privées mentionnés au premier alinéa du présent II, des personnes condamnées sortant de détention, désignées par l’autorité judiciaire compte tenu de leur personnalité, de leur situation matérielle, familiale et sociale ainsi que des circonstances de la commission des faits ; 

« 4° et 5° (Supprimés)

« 6° Informent régulièrement les juridictions de l’application des peines ainsi que le service pénitentiaire d’insertion et de probation des conditions de mise en œuvre, dans le ressort, du suivi et du contrôle des personnes désignées en application du 3° du présent II et peuvent se voir transmettre par ces mêmes juridictions et ce même service toute information que ceux-ci jugent utile au bon déroulement du suivi et du contrôle de ces personnes.

« III. – (Supprimé)

« IV. – Les informations confidentielles échangées en application du II du présent article ne peuvent être communiquées à des tiers.

« L’échange d’informations est réalisé selon les modalités prévues par un règlement intérieur établi par le conseil départemental de prévention de la délinquance sur la proposition des membres des groupes de travail mentionnés au premier alinéa.

« V. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

3° Avant la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 132-12-1, sont insérées trois phrases ainsi rédigées :

« À la demande de l’autorité judiciaire, ces groupes peuvent traiter des questions relatives à l’exécution des peines et à la prévention de la récidive. Des informations confidentielles peuvent être échangées dans le cadre de ces groupes. Elles ne peuvent être communiquées à des tiers. » ;

4° La dernière phrase du second alinéa de l’article L. 132-13 est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :

« À la demande de l’autorité judiciaire, ces groupes peuvent traiter des questions relatives à l’exécution des peines et à la prévention de la récidive. Des informations confidentielles peuvent être échangées dans le cadre de ces groupes. Elles ne peuvent être communiquées à des tiers. »

Article 15 quater
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Article 16

Article 15 quinquies

Le chapitre II du titre III du livre Ier du code de la sécurité intérieure est complété par une section 6 ainsi rédigée :

« Section 6

« De l’information des députés et des sénateurs

« Art. L. 132-16. – Les députés et les sénateurs sont informés, à leur demande, par le président du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance ou, le cas échéant, du conseil intercommunal ou métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance, constitué dans la circonscription électorale dans laquelle ils ont été élus, de la tenue et de l’objet des réunions de ces instances.

« Ils peuvent assister aux réunions de ces instances et être consultés par elles sur toute question concernant la prévention de la délinquance. »

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Chapitre V

Dispositions assurant un retour à la liberté contrôlé, suivi et progressif des personnes condamnées

Article 15 quinquies
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Article 17 bis A

Article 16

I. – Après la section 1 du chapitre II du titre II du livre V du code de procédure pénale, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :

« Section 1 bis

« De la libération sous contrainte

« Art. 720. – Lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir, la situation de la personne condamnée exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à cinq ans est examinée par le juge de l’application des peines.

« À l’issue de cet examen en commission de l’application des peines, le juge de l’application des peines décide, par ordonnance motivée, soit de prononcer une mesure de libération sous contrainte, dans le respect des exigences prévues à l’article 707, soit, s’il estime qu’une telle mesure n’est pas possible ou si la personne condamnée n’a pas fait préalablement connaître son accord, de ne pas la prononcer. Il peut ordonner la comparution de la personne condamnée devant la commission de l’application des peines afin d’entendre ses observations et, le cas échéant, celles de son avocat. Ce dernier peut également transmettre des observations écrites au juge de l’application des peines.

« La libération sous contrainte entraîne l’exécution du reliquat de peine sous le régime, selon la décision prise par le juge de l’application des peines, de la semi-liberté, du placement à l’extérieur, du placement sous surveillance électronique ou de la libération conditionnelle. Les conséquences de l’inobservation de ces mesures sont celles prévues au présent code.

« S’il n’est pas procédé à l’examen de la situation de la personne condamnée conformément aux dispositions du premier alinéa du présent article, le président de la chambre de l’application des peines de la cour d’appel peut, d’office ou sur saisine de la personne condamnée ou du procureur de la République, prononcer une mesure de libération sous contrainte dans les conditions prévues au deuxième alinéa du même article. »

II. – L’article 712-11 du même code est ainsi modifié :

1° À la fin du 1°, la référence : « et 712-8 » est remplacée par les références : « , 712-8, 713-43 et 713-44, au premier alinéa de l’article 713-47 et à l’article 720 » ;

2° À la fin du 2°, la référence : « et 712-7 » est remplacée par les références : « , 712-7 et 713-45 et au deuxième alinéa de l’article 713-47 ».

III. – À l’article 712-12 du même code, les références : « aux articles 712-5 et 712-8 » sont remplacées par la référence : « au 1° de l’article 712-11 ».

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Article 16
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Article 17 bis

Article 17 bis A

À la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 730-2 du code de procédure pénale, après le mot : « semi-liberté », sont insérés les mots : « , de placement à l’extérieur ».

Article 17 bis A
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Article 18 quater

Article 17 bis

L’article 721-2 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 721-2. – I. – Lorsqu’une personne condamnée exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté n’a pu bénéficier d’une mesure de libération sous contrainte ou d’une libération conditionnelle dans les conditions prévues aux articles 720 et 730-3, le juge de l’application des peines peut, aux seules fins de favoriser l’insertion ou la réinsertion de la personne condamnée et de prévenir la commission de nouvelles infractions, ordonner que le condamné ayant bénéficié d’une ou plusieurs des réductions de peines prévues aux articles 721 et 721-1 soit soumis, après sa libération et pendant une durée qui ne peut excéder le total des réductions de peines dont il a bénéficié, à une ou plusieurs :

« 1° Des mesures de contrôle prévues à l’article 132-44 du code pénal ;

« 2° Des interdictions prévues aux 2° et 7° à 14° de l’article 132-45 du même code.

« La personne condamnée peut également bénéficier, pendant cette durée, des mesures d’aide prévues à l’article 132-46 dudit code.

« Cette décision est prise, selon les modalités prévues à l’article 712-6 du présent code, préalablement à la libération du condamné, le cas échéant en même temps que lui est accordée la dernière réduction de peine.

« En cas d’inobservation par la personne condamnée des mesures de contrôle et interdictions qui lui ont été imposées, le juge de l’application des peines peut, selon les modalités prévues au même article 712-6, retirer tout ou partie de la durée des réductions de peines dont elle a bénéficié et ordonner sa réincarcération. L’article 712-17 est applicable. 

« Le présent I n’est pas applicable aux condamnés mentionnés à l’article 723-29.

« II. – Dans tous les cas, le juge de l’application des peines peut, selon les modalités prévues à l’article 712-6, ordonner que le condamné ayant bénéficié d’une ou plusieurs des réductions de peines prévues aux articles 721 et 721-1 soit soumis après sa libération à l’interdiction de recevoir la partie civile ou la victime, de la rencontrer ou d’entrer en relation avec elle de quelque façon que ce soit, pendant une durée qui ne peut excéder le total des réductions de peines dont il a bénéficié. Cette décision est prise préalablement à la libération du condamné, le cas échéant en même temps que lui est accordée la dernière réduction de peine.

« L’interdiction mentionnée au premier alinéa du présent II peut être accompagnée de l’obligation d’indemniser la partie civile.

« En cas d’inobservation par la personne condamnée des obligations et interdictions qui lui ont été imposées, le juge de l’application des peines peut, selon les modalités prévues à l’article 712-6, retirer tout ou partie de la durée des réductions de peines dont elle a bénéficié et ordonner sa réincarcération. L’article 712-17 est applicable. »

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Chapitre VI

Dispositions visant à instaurer une contribution pour l’aide aux victimes

Article 17 bis
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Article 18 quinquies

Article 18 quater

I. – Après l’article 707-4 du code de procédure pénale, il est inséré un article 707-6 ainsi rédigé :

« Art. 707-6. – Les amendes prononcées en matière contraventionnelle, correctionnelle et criminelle, à l’exception des amendes forfaitaires, sont affectées d’une majoration de 10 % perçue lors de leur recouvrement.

« Cette majoration est destinée à financer l’aide aux victimes.

« Cette majoration n’est pas applicable lorsque les amendes sont majorées en application des articles L. 211-27 et L. 421-8 du code des assurances.

« Le montant de l’amende majorée bénéficie, s’il y a lieu, de la diminution prévue à l’article 707-3 du présent code en cas de paiement volontaire. »

II. – Le paragraphe 1 de la section 1 du chapitre VI du titre XII du code des douanes est complété par un article 409-1 ainsi rédigé :

« Art. 409-1. – L’article 707-6 du code de procédure pénale est applicable aux amendes douanières. »

III. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Le I de l’article L. 612-42 est ainsi rédigé :

« I. – Les sanctions pécuniaires prononcées en application des articles L. 612-39 à L. 612-41 font l’objet d’une majoration de 10 % mise à la charge de la personne sanctionnée.

« Cette majoration est destinée à financer l’aide aux victimes.

« Les montants des sanctions et astreintes prévues à ces mêmes articles sont recouvrés par le Trésor public et versés au budget de l’État. » ;

2° Avant le dernier alinéa du III de l’article L. 621-15, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les sanctions pécuniaires prononcées en application du présent III font l’objet d’une majoration de 10 % mise à la charge de la personne sanctionnée. »

« Cette majoration est destinée à financer l’aide aux victimes. »

IV. – Après l’article L. 464-5 du code de commerce, il est inséré un article L. 464-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 464-5-1. – Les sanctions pécuniaires prononcées en application des articles L. 464-2 à L. 464-5 font l’objet d’une majoration de 10 % mise à la charge de l’organisme ou de l’entreprise sanctionné.

« Cette majoration est destinée à financer l’aide aux victimes. »

V. – Le second alinéa du I de l’article 44 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les sanctions pécuniaires prononcées en application du même article 43 font l’objet d’une majoration de 10 % mise à la charge des organismes sanctionnés.

« Cette majoration est destinée à financer l’aide aux victimes.

« Elles sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. »

VI. – (Supprimé)

TITRE II BIS

DEMANDE DE MISE EN LIBERTÉ POUR MOTIF MÉDICAL

Article 18 quater
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Article 18 sexies

Article 18 quinquies

Après l’article 147 du code de procédure pénale, il est inséré un article 147-1 ainsi rédigé :

« Art. 147-1. – En toute matière et à tous les stades de la procédure, sauf s’il existe un risque grave de renouvellement de l’infraction, la mise en liberté d’une personne placée en détention provisoire peut être ordonnée, d’office ou à la demande de l’intéressé, lorsqu’une expertise médicale établit que cette personne est atteinte d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que son état de santé, physique ou mental, est incompatible avec le maintien en détention. La mise en liberté des personnes détenues admises en soins psychiatriques sans leur consentement ne peut être ordonnée en application du présent article.

« En cas d’urgence, la mise en liberté peut être ordonnée au vu d’un certificat médical établi par le médecin responsable de la structure sanitaire dans laquelle cette personne est prise en charge ou par le remplaçant de ce médecin.

« La décision de mise en liberté peut être assortie d’un placement sous contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence avec surveillance électronique.

« L’évolution de l’état de santé de la personne peut constituer un élément nouveau permettant qu’elle fasse l’objet d’une nouvelle décision de placement en détention provisoire, selon les modalités prévues au présent code, dès lors que les conditions de cette mesure prévues à l’article 144 sont réunies. »

Article 18 quinquies
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Article 19 B

Article 18 sexies

I. – L’article 720-1-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « état de santé », sont insérés les mots : « , physique ou mental, », et les mots : « , hors les cas d’hospitalisation des personnes détenues en établissement de santé pour troubles mentaux » sont remplacés par les mots : « . La suspension ne peut être ordonnée en application du présent article pour les personnes détenues admises en soins psychiatriques sans leur consentement. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « deux expertises médicales distinctes établissent de manière concordante » sont remplacés par les mots : « une expertise médicale établit » ;

b) À la seconde phrase, les mots : « , lorsque le pronostic vital est engagé, » sont supprimés ;

3° Au troisième alinéa, après la seconde occurrence du mot : « prononcée », sont insérés les mots : « en cas d’urgence ou lorsque » ;

4° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les cas prévus aux troisième et quatrième alinéas du présent article, le condamné peut être régulièrement représenté par son avocat lorsque son état de santé fait obstacle à son audition ; le débat contradictoire se tient alors au tribunal de grande instance. »

II. – L’article 729 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le condamné bénéficie d’une mesure de suspension de peine sur le fondement de l’article 720-1-1, la libération conditionnelle peut être accordée sans condition quant à la durée de la peine accomplie si, à l’issue d’un délai de trois ans après l’octroi de la mesure de suspension, une nouvelle expertise établit que son état de santé, physique ou mental, est toujours durablement incompatible avec le maintien en détention et si le condamné justifie d’une prise en charge adaptée à sa situation. »

TITRE III

DISPOSITIONS DIVERSES

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Article 18 sexies
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Article 19

Article 19 B

(Supprimé)

Article 19 B
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Article 20

Article 19

Lorsqu’un sursis simple a été révoqué de plein droit par une condamnation prononcée antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi, l’article 735 du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à celle résultant du II de l’article 6 de la présente loi, demeure applicable tant que la peine résultant de la révocation n’a pas été totalement ramenée à exécution.

Toutefois, lorsqu’une juridiction de l’application des peines est saisie de l’octroi d’une des mesures prévues aux articles 712-6 et 712-7 du même code, elle est compétente pour statuer sur la demande de dispense de révocation du sursis simple. Elle statue alors dans les conditions prévues au même article 712-6.

Article 19
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Article 21

Article 20

I. – Les articles 8, 9 et 10 de la présente loi entrent en vigueur, pour les infractions commises à compter de cette date, le 1er janvier 2015.

II. – Les articles 7 bis à 7 quater, 7 quinquies, 16, 17, 17 bis à 18 et 18 quater de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2015.

Les dispositions des articles 16 et 17 sont mises en œuvre dans un délai d’un an pour les condamnés ayant, au moment de leur entrée en vigueur, déjà accompli au moins le double de la durée de la peine restant à subir.

Article 20
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Article 7 ter A

Article 21

I. – Les articles 1er à 11 quater, les articles 13 et 14, le I de l’article 15, les articles 15 ter, 15 sexies à 18 ter, les I à IV et VI de l’article 18 quater, les articles 18 quinquies à 20 sont applicables aux îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

II. – Les articles 12 et 12 bis, le II de l’article 15 et l’article 15 quinquies sont applicables en Polynésie française.

III. – Les articles 12, 12 bis et 15 quinquies sont applicables en Nouvelle-Calédonie.

IV. – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Le 3° de l’article L. 155-1 est complété par la référence : « et L. 132-16 » ;

2° L’article L. 155-2 est complété par un 9° ainsi rédigé :

« 9° À l’article L. 132-16, les mots : “ou, le cas échéant, du conseil intercommunal ou métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance,” sont supprimés. » ;

3° Au 3° de l’article L. 156-1, la référence : « et L. 132-14 » est remplacée par les références : « , L. 132-14 et L. 132-16 » ;

4° L’article L. 156-2 est complété par un 11° ainsi rédigé :

« 11° À l’article L. 132-16, les mots : “ou, le cas échéant, du conseil intercommunal ou métropolitain de sécurité et de prévention de la délinquance,” sont supprimés. »

V. – L’article 99 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 précitée est ainsi modifié :

1° Au 2° du I, la référence : « de l’article 3 » est remplacée par les références : « des articles 2-1 et 3 » ;

2° Au II, la référence : « 3 » est remplacée par la référence : « 2-1 » ;

3°Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :

« II bis. – Pour l’application de l’article 2-1 en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« “Des conventions entre l’administration pénitentiaire et les autres services de l’État, les communes, les associations et d’autres personnes publiques ou privées définissent les conditions et modalités d’accès des personnes condamnées aux droits et dispositifs mentionnés au deuxième alinéa en détention. Les autres collectivités territoriales peuvent participer à la conclusion de ces conventions.” »

VI (nouveau). – À l’article 2 de l’ordonnance n° 92-1147 du 12 octobre 1992 relative à l’aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, après le mot : « condamnées », sont insérés les mots : « ou retenues au sens des articles 141-4 et 709-1-1 du code de procédure pénale, ».

VII (nouveau). – Pour l’application en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française du IV de l’article 18 quater, les dispositions du code de commerce visées sont remplacées par les dispositions applicables localement et ayant le même effet. 

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M. le président. Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par le Gouvernement.

articles 1er à 7 bis

M. le président. Sur les articles 1er à 7 bis, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

article 7 ter A

Article 21
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Article 20

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

ou en participant à des activités culturelles, et notamment de lecture,

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je l’ai dit, et je crois que M. Hyest y a été sensible, le Gouvernement a présenté hier soir plusieurs amendements à l’Assemblée nationale, en alertant les députés sur des risques d’inconstitutionnalité. Je le répète, nous ne faisons qu’évaluer ces risques, ils ne sont pas nécessairement réels. En tout cas, ils donneront lieu non pas forcément à une décision de censure du Conseil constitutionnel, mais peut-être à une réserve d’interprétation. Le Conseil constitutionnel peut aussi décider tout simplement de laisser passer. Quoi qu’il en soit, il est de notre devoir de vous dire que nous avons détecté quelques risques juridiques.

Manifestement le président Hyest partage cette analyse, puisqu’il a évoqué exactement les sujets sur lesquels ont porté les amendements présentés par le Gouvernement hier à l’Assemblée nationale. Ces amendements ont été rejetés, nous ne pouvons donc vous les représenter.

L’amendement n° 1 a pour objet de rétablir un membre de phrase rédigé ici, au Sénat, mais qui a été supprimé par la commission mixte paritaire. La disposition en question vise à inciter les détenus à l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul en vue de lutter contre le taux d’illettrisme très élevé que j’ai évoqué. Je me dois de rappeler qu’un député de l’UMP, M. Jean-Frédéric Poisson, avait pris l’initiative de présenter un amendement. Il ne nous avait pas paru pouvoir être adopté en l’état mais je ne m’en étais pas moins engagée à le faire travailler, ce que nous avons fait. Nous défendons en effet cette disposition au Sénat dans le cadre d’un amendement au texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Vous aviez accepté, en première lecture, de faire prendre en considération les efforts pour l’apprentissage de la lecture et du calcul. Nous avions souhaité y ajouter l’encouragement à la participation à des activités culturelles, notamment de lecture.

La commission mixte paritaire a supprimé ce membre de phrase, considérant probablement qu’il y avait une tautologie. Tel n’est pas le cas puisque notre proposition élargit le public qui sera concerné. Certains détenus ne sont pas illettrés mais ils n’ont ni la pratique de la lecture ni l’habitude de participer à des activités culturelles. Notre incitation vise donc un public plus large que celui qui est strictement illettré.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission ne s’étant pas réunie, à titre personnel, je vous demande d’adopter ensemble ces quatre amendements qui ont été votés hier par l’Assemblée nationale. Trois d’entre eux sont des amendements de coordination et d’application de la loi : ils ne posent pas de gros problèmes. Le seul amendement de fond est le premier, l’amendement n° 1 sur l’article 7 ter A, qui revient au texte du Sénat en réintroduisant une incitation à la lecture. Nous ne pouvions qu’être favorables à cette proposition. Je vous demande d’accepter, dans un même vote, les quatre amendements que Mme la garde des sceaux vient de vous présenter.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. M. le rapporteur m’a coupé le sifflet. (Sourires.)

M. le président. Le vote est réservé.

articles 7 ter à 19

M. le président. Sur les articles 7 ter à 19, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

article 20

Article 7 ter A
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Article 21

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Hormis les cas prévus par le II du présent article, les dispositions de la présente loi entrent en vigueur le 1er octobre 2014.

II. – Les articles 6, 7 bis, 7 ter, 16, 17, 17 ter, 18 et 18 quater de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2015.

III. – Les dispositions de l’article 721 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l’article 7 bis de la présente loi, ne s’appliquent, s’agissant des condamnations en cours d’exécution à la date de leur entrée en vigueur, qu’aux fractions annuelles et mensuelles de la peine restant à exécuter. 

IV. – Les dispositions des articles 720 et 730-3 du même code, dans leur rédaction résultant des articles 16 et 17 de la présente loi, sont mises en œuvre, dans un délai d’un an, pour les condamnés ayant, au moment de leur entrée en vigueur, déjà accompli au moins le double de la durée de la peine restant à subir.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je m’étais sentie quelque peu censurée. (Sourires.)

M. André Reichardt. Nous aussi !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’amendement n° 2 a pour objet de définir des dates d’entrée en application de certaines dispositions pratiques, par exemple, l’adaptation informatique du casier judiciaire national, qui nécessitent un délai. Nous vous proposons de différer l’application de certaines de ces dispositions, les unes jusqu’au 1er octobre 2014, les autres étant reportées au 1er janvier 2015.

M. le président. La commission s’est déjà exprimée.

Le vote est réservé.

article 21

Article 20
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Après la deuxième occurrence du mot :

articles

insérer la référence :

12 bis,

II. – Alinéa 2

Remplacer les mots :

Les articles 12 et 12 bis

par les mots :

L’article 12

III. – Alinéa 3

Supprimer la référence :

, 12 bis

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est un amendement de coordination avec la loi pénitentiaire en application en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.

M. le président. La commission s’est déjà exprimée.

Le vote est réservé.

L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 16

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

4° À la fin du premier alinéa du VII, les mots : « de l’article 30 est ainsi rédigé » sont remplacés par les mots : « et le cinquième alinéa de l’article 30 sont ainsi rédigés » ;

5° Au deuxième alinéa du VII, après le mot : « pas », sont insérés les mots : « d’un domicile de secours ou » ;

6° Le VII est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour faciliter leurs démarches de préparation à la sortie, les personnes détenues peuvent également procéder à l’élection de domicile nécessaire à leur accès aux prestations d’aide sociale et à l’exercice de leurs droits prévus par la réglementation applicable localement, soit auprès du centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès de l’organisme agréé à cet effet, le plus proche du lieu où elles recherchent une activité en vue de leur insertion ou réinsertion ou le plus proche du lieu d’implantation d’un établissement de santé ou médico-social susceptible de les accueillir ; ».

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il s’agit d’un amendement de coordination avec le code de l’action sociale et des familles.

M. le président. La commission s’est déjà exprimée.

Le vote est réservé.

Vote sur l’ensemble

Article 21
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, je donne la parole à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Je voterai contre le projet de loi pour les motifs exposés par Jean-Jacques Hyest, qui s’est exprimé au nom du groupe.

Pour être tout à fait clair dans mon propos et sans vouloir paraphraser notre collègue Jacques Mézard dans son exercice d’explication de texte tout à l’heure, pour ma part, je ne veux pas l’impunité pour les délinquants, quels qu’ils soient. C’est encore mieux dit ainsi ! (M. Jacques Mézard sourit.) Et j’ai moi aussi le sentiment qu’avec ce nouveau texte nous prenons, qu’on le veuille ou non, le risque de lancer aux délinquants le signal d’un certain laxisme – je pèse mes mots !

Pour autant, je souhaite, comme d’autres – nous l’avions dit en première lecture, et cela a été redit toute la matinée –, que nous en finissions avec la récidive et avec les « sorties sèches ».

Sur ce point, à l’issue des travaux de la CMP, a-t-on quelques garanties que le texte qui nous est transmis va véritablement améliorer les perspectives ? Je pense notamment à l’introduction de la contrainte pénale, qui reste un concept flou, dont on ignore aujourd'hui ce qu’il recouvre exactement. De quoi s’agit-il ? N’est-ce pas un « super sursis » avec mise à l’épreuve qui, en s’appliquant à tous les délits punissables à l’heure actuelle de dix ans d’emprisonnement, pourrait pourtant devenir en 2017 un outil tout à fait redoutable du droit pénal ?

Nous l’avons dit, il y avait déjà – il y a encore – un beau texte pour améliorer la situation à cet égard, c’est la loi pénitentiaire de 2009. Si celle-ci n’a pas eu les résultats escomptés, la raison en est naturellement le manque de moyens mis en œuvre pour son application.

Arrivera-t-on aujourd'hui à dégager plus de moyens pour l’application de cette nouvelle loi qui va précisément en exiger plus ? D'ailleurs, pourquoi ne pas avoir déjà dégagé plus de moyens depuis deux ans ?

Malgré les engagements de Mme la garde des sceaux, qui a largement insisté sur ce point et ce matin encore et compte tenu de la situation budgétaire de notre pays, je ne suis pas persuadé que nous y parviendrons. Car cette nouvelle loi va exiger encore plus de moyens que la loi pénitentiaire de 2009 !

Enfin, permettez-moi de me féliciter de l’abandon en CMP de l’article 8 ter dans sa rédaction issue du Sénat sur proposition du rapporteur, qui faisait de la contrainte pénale une peine autonome. Avant d’en arriver là, il me semble en effet nécessaire que puissent être fournies les conclusions du rapport confié à Bruno Cotte. Mme la garde des sceaux a rappelé ce matin l’importance de cette mission pour la hiérarchie des peines. Dès lors, il faut se féliciter de la décision de la commission mixte paritaire d’accorder un délai de deux ans avant de soumettre au Parlement un rapport sur le sujet. Cela me paraît une excellente chose. Je le répète, je me félicite de cette nouvelle rédaction de cet article 8 ter, mais cela ne va pas m’empêcher – j’ai commencé par-là, je termine par-là ! – de voter contre ce texte.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement, dont l’intitulé est désormais ainsi rédigé : « Projet de loi relatif à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales ».

(Le projet de loi est définitivement adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mmes Éliane Assassi, Anne-Marie Escoffier et Esther Benbassa applaudissent également.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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3

Demande d'avis sur un projet de nomination

M. le président. M. le Premier ministre, par lettre en date du 16 juillet 2014, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière de transports sur le projet de nomination de M. Philippe Duron pour exercer les fonctions de président du conseil d’administration de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.

Acte est donné de cette communication.

4

Dépôt d'un rapport

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en œuvre de la garantie accordée à la société Banque PSA Finance.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des finances.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures dix, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

5

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente. Merci de vous y tenir.

conflit au proche-orient

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour le groupe socialiste.

M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Proche-Orient est à nouveau embrasé. Conflit en Syrie, percée extrémiste en Irak et nouvel accès de violence entre Israël et Gaza. La période est à la radicalisation.

Une trêve de cinq heures a été annoncée, mais c’est à un cessez-le-feu total auquel il faut parvenir, à une trêve des combats. Les annonces qui viennent d’être faites par les deux parties vont dans le bon sens.

Cette situation, monsieur le Premier ministre, appelle des réponses diplomatiques, bien sûr, mais aussi des réponses intérieures.

En effet, certains prennent prétexte de ces conflits pour embrigader une jeunesse en déroute, dévoyer l’islam en islamisme et susciter une haine antisémite.

Rien ne pourra jamais justifier l’attaque d’une synagogue en France !

À l’autre bout de la haine, les extrêmes soufflent sur les braises du racisme antimusulman.

Les Français sont viscéralement attachés aux valeurs de la République. Ils sont attachés à la fraternité, à la laïcité. Mais parfois ils doutent. Nous devons les rassurer.

Nous devons remettre la nation au cœur de notre pacte républicain.

Nous devons, inlassablement, remettre la République au cœur de nos orientations politiques. C’est une œuvre perpétuelle.

Nous devons bâtir concrètement cette communauté qui autorise chacun à vivre sa singularité, mais qui lui demande de le faire dans le respect de tous.

Toutes les religions doivent pouvoir être pratiquées dans la sérénité. Toutes les religions sont estimables, mais aucune ne justifie que l’on tue ou que l’on meure.

Le vivre ensemble dans la République doit être plus fort que tout.

Quand des adolescents de quinze ans s’en vont faire le djihad, c’est une menace pour notre pays, mais c’est avant tout une faillite.

C’est à la République d’offrir des horizons plus vastes, plus grands, plus enviables à notre jeunesse. Toute notre jeunesse.

Aujourd’hui, la communauté juive de France craint pour sa sécurité, tandis que les musulmans de France se voient stigmatisés dans des amalgames insupportables.

Il faut trouver les mots et les gestes pour rassembler le peuple de France, par-delà la diversité de ses opinions et de ses sensibilités.

Monsieur le Premier ministre, nous connaissons votre attachement aux valeurs de la République. Que comptez-vous faire pour remédier à cette situation très préoccupante ? Que comptez-vous faire pour faire triompher les valeurs républicaines ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE. – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Permettez-moi tout d’abord, monsieur le président, de vous saluer lors de cette dernière séance de questions d’actualité que vous présidez : c’est l’occasion pour le Gouvernement de saluer le travail qui a été le vôtre à la tête du Sénat. (Applaudissements sur l’ensemble des travées. – Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique applaudit également.).

Monsieur Guillaume, nous observons en effet depuis trois semaines un enchaînement fatal de violences en Israël et dans les territoires palestiniens, qui s’accompagne d’images et d’atrocités que chacun a en mémoire. L’urgence est de mettre fin immédiatement à cette spirale.

Parvenir tout de suite à une trêve est un impératif. Le choix est simple : le cessez-le-feu ou l’escalade, laquelle entraînerait des risques incontrôlés et de nombreux morts.

Des initiatives sont en cours, vous l’avez rappelé. Dans l’immédiat, et à la demande des Nations unies, une trêve humanitaire a été acceptée de part et d’autre pour permettre aux organisations humanitaires de soulager – c’est l’urgence – les populations civiles. L’Égypte a par ailleurs proposé un cessez-le-feu durable, auquel il faut, bien sûr, donner toutes ses chances.

Nous avons pris note de la position du gouvernement israélien exprimée ces derniers jours, qui a manifesté sa disposition à examiner une telle trêve. Il faut maintenant que le Hamas accepte sans précondition ce cessez-le-feu, qui est dans l’intérêt de toutes les populations exposées à ce conflit qui n’a que trop duré.

La position de la France est claire, elle n’a jamais varié – c’est d’ailleurs une constante de sa diplomatie – et ne variera jamais. Le seul objectif, le ministre des affaires étrangères le rappelait encore hier, c’est la paix.

La France est mobilisée pour aider Israéliens et Palestiniens à mettre fin à cet enchaînement où la violence répond à la violence. Le Président de la République comme Laurent Fabius ont multiplié les contacts avec les uns et les autres ces derniers jours.

Une nouvelle fois, cette escalade ne fait que confirmer ce que nous ne cessons de clamer depuis des années, la nécessité d’un accord israélo-palestinien dont chacun connaît les paramètres : la coexistence de deux États vivant côte à côte en sécurité, la garantie pour Israël de vivre dans la sécurité et dans des frontières sûres et reconnues, et la possibilité pour les Palestiniens de vivre dans un État viable.

Par ailleurs, vous avez évoqué les violences qui ont eu lieu dimanche aux abords de deux synagogues parisiennes.

Les tensions qui traversent notre société et qui se manifestent par des actes de violence inacceptables sont là. Il faut les regarder en face et ne pas chercher – d’ailleurs, vous l’avez dit très clairement – à les dissimuler.

Comme le Président de la République, le ministre de l’intérieur et, je le sais, chacun d’entre vous, nous avons tous condamné avec force ces actes inadmissibles qui visent des lieux de culte.

Chaque fois qu’un lieu de culte est pris pour cible, c’est la République qu’on attaque.

Chaque fois que des Français sont attaqués en raison de leurs origines ou de leurs croyances, c’est le pacte républicain qui est en cause.

Les attaques contre nos compatriotes juifs sont inacceptables. Le sentiment qu’ils éprouvent actuellement, nous devons évidemment l’entendre.

Je veux condamner avec beaucoup de force ce qui existe dans un certain nombre de secteurs de notre société, ce passage insupportable de la condamnation d’une politique – celle de l’État israélien –, des manifestations – c’est prévu, c’est la liberté, bien sûr – à l’antisionisme, qui est la porte ouverte à l’antisémitisme. Nous devons être très clairs et ne laisser se diffuser aucun mot, aucun slogan comme ceux que nous avons encore entendus au cours de ces derniers jours.

Nous devons également veiller – vous l’avez dit – à ce que nos concitoyens de confession ou de culture musulmanes ne soient pas stigmatisés. Car, au fond, ces attaques, ces offenses ce sont des offenses faites à notre pays, à son unité et à sa cohésion.

Ces violences et ces mots sont d’une extrême gravité. Ils trouveront toujours face à eux une réponse déterminée des pouvoirs publics, et si cela doit passer par des interdictions de manifestation, cela passera par de telles interdictions. Nous considérons en effet que des troubles à l’ordre public sont possibles et si des débordements comme ceux que nous avons connus se produisent nous prendrons ces mesures : les préfets, que j’ai rencontrés avec le ministre de l’intérieur encore ce matin, ont reçu à cet égard des consignes très claires, à Paris et partout en France.

Le Président de la République a été très clair le 14 juillet : la France ne tolérera jamais que l’on essaie, par la violence des mots ou les actes, d’importer sur son sol le conflit israélo-palestinien.

La position de notre pays est claire : tout faire pour la paix. La République est notre bien le plus cher, notre bien commun, et il est la meilleure protection, avec nos valeurs dont la laïcité, contre toutes les formes d’intégrisme et de violence.

J’appelle l’ensemble de la communauté nationale à se rassembler autour de ces valeurs. Car lorsqu’on s’en prend à une synagogue ou à une mosquée, ce n’est pas simplement une communauté qui est attaquée, c’est la communauté nationale dans son ensemble qui est mise en cause. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE. – Mme Nathalie Goulet ainsi que MM. Roger Karoutchi et Gérard Larcher applaudissent également.)

migrants de calais

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour le groupe écologiste.

Mme Marie-Christine Blandin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur et porte sur les intentions humanitaires, sécuritaires, médiatiques, nationales, européennes du Gouvernement pour les étrangers qui passent sur le territoire du littoral autour de Calais.

Au mois de décembre 2002 a été détruit le site d’hébergement de Sangatte. Le ministre de l’intérieur était Nicolas Sarkozy, mais convergeaient les demandes du député socialiste de Boulogne-sur-Mer et du maire communiste de Calais. Les difficultés réelles et la peur du prétendu « appel d’air » créaient un consensus bancal, sans effet autre que l’éparpillement dans un no man’s land nommé « la jungle », les accidents sur les routes, les tentatives désespérées et mortelles sous les boggies, dans les camions frigorifiques ou sous les caténaires.

Au mois de septembre 2009, la jungle fut rasée. Au mois de mai 2014, le site du port servant de refuge fut évacué au motif d’une épidémie de gale. La gale demande des soins si longs que même des sédentaires nantis peinent à s’en débarrasser. Comment croire à l’alibi d’une douche ?

Au début du mois de juillet 2014, c’était l’expulsion de plus de 600 migrants dans des conditions ignorant les demandes formulées par la Cour européenne des droits de l’homme.

Ils sont des centaines. Ils sont épuisés, hagards. Ils ne se résument pas à la misère du monde, car les plus miséreux sont restés sur les zones de famines et de conflits. Beaucoup sont très diplômés.

Il y a dans leurs yeux la même lassitude inquiète que dans le regard de nos grands-parents pendant l’évacuation.

Il y a dans leur corps la même énergie que dans les muscles de ceux qui franchissaient les Alpes pour abriter leur famille de la terreur de Mussolini.

Il y a dans leur tête le même espoir que dans le cerveau de Bertolt Brecht, de Max Ernst ou Thomas Mann se tournant vers un monde libre.

Nos choix diplomatiques, nos ventes d’armes, nos consommations énergétiques, ne sont pas la cause de leurs malheurs, mais participent d’un état du monde où certains sont en danger.

Quelle stratégie autre que le harcèlement le Gouvernement va-t-il mettre en place pour accueillir dignement ces gens de passage et tirer vers le haut l’opinion en France, afin que nous soyons tous fiers de notre République ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste. – M. François Fortassin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, vous l’avez souligné : la présence continue à Calais de migrants tentant de rejoindre le Royaume-Uni, parfois au péril de leur vie, n’est pas une nouveauté. Tous les gouvernements y sont confrontés ou y ont été confrontés. Les démantèlements de filières d’immigration clandestine de même que des éloignements se poursuivent. Le centre-ville de Calais est sécurisé depuis 2013. Des actions de soutien humanitaire à ces migrants sont aussi menées avec la mise en place d’accès à des douches et la distribution de repas.

La situation des migrants dans le Calaisis s’est toutefois aggravée depuis quelques semaines, du fait de l’arrivée de certaines filières en provenance notamment de la Corne de l’Afrique qui cherchent, encore une fois, à gagner le Royaume-Uni. Avec l’accord des autorités locales et en exécution des décisions de justice, ces campements ont été évacués.

Je précise qu’auparavant des solutions avaient été proposées à tous les migrants. Des solutions d’hébergement ont ainsi été mises en place, certes à l’extérieur de Calais, mais aussi plus d’une centaine de migrants ont pu effectuer une demande d’asile. Les personnes mineures ou vulnérables ont par ailleurs systématiquement été hébergées.

L’État a donc pris ses responsabilités, avec l’accord des élus locaux concernés, dans le respect des droits des migrants. Il a assuré l’hébergement et le suivi des migrants qui le souhaitaient.

La prise en charge des migrants présents à Calais est complexe, parce qu’il s’agit d’étrangers en situation régulière qui cherchent à rejoindre le Royaume-Uni et qui, de ce fait, refusent la plupart des propositions qui leur sont faites par les autorités françaises.

L’expérience le démontre : la pire des solutions consiste à assurer un hébergement inconditionnel à ces migrants. Ces lieux d’hébergement constituent alors un formidable point de convergence pour toutes les filières d’immigration clandestine. De ce point de vue, vous vous en souvenez, Sangatte a été une erreur que nous n’entendons pas renouveler.

La gestion des flux migratoires dans le Calaisis implique de notre point de vue cinq exigences : une lutte sans relâche contre les filières d’immigration clandestine, une réponse immédiate aux situations d’urgence humanitaire et sanitaire, une sécurisation de Calais et de son port pour éviter des drames humains, le respect des décisions de justice, la mise en place de solutions d’hébergement et d’asile pour les migrants.

Ces règles guident l’action quotidienne de l’État. Elles n’excluent pas, bien au contraire, une réflexion plus en profondeur avec l’ensemble des parties concernées, singulièrement les autorités britanniques, notamment pour dégager des solutions de moyen terme.

conflit au proche-orient

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour le groupe CRC.

(Dans l’une des tribunes du public, quatre jeunes femmes se lèvent, dénudent leur torse couvert d’inscriptions et s’exclament. Elles sont évacuées par les huissiers.)

M. Jean Bizet. C’est un scandale !

M. Roger Karoutchi. On peut savoir qui a invité ces gens ?

M. Jean Bizet. Bravo les huissiers ! Bravo pour la sécurité !

M. Roger Karoutchi. Qui a donné les invitations ?

M. le président. Vous avez la parole, ma chère collègue.

Mme Annie David. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Depuis une semaine, la population de la bande de Gaza est soumise à d’intenses bombardements de l’aviation israélienne en représailles aux tirs de roquettes pratiqués par le Hamas et ses groupes armés.

Cette nouvelle exacerbation du conflit israélo-palestinien, avec les provocations que constituent ces tirs de missiles et l’usage disproportionné de la force par le gouvernement israélien, a déjà causé la mort de plus de 230 Palestiniens – un quart d’entre eux sont des enfants, et quatre ont été tués hier après-midi sur la plage de Gaza – et blessé 1 700 femmes, hommes et enfants de ce territoire.

Je reprends ici l’appel de huit cinéastes israéliens qui ont interrompu lundi le Festival du film de Jérusalem pour exhorter leur gouvernement à un cessez-le-feu et engager un dialogue constructif avec le peuple palestinien et ses dirigeants. Ils concluent leur appel par ces mots : « Les enfants qui vivent aujourd’hui à Gaza sont nos partenaires pour la paix de demain. » En effet, pour sortir de cette impasse suicidaire pour les Israéliens et les Palestiniens, l’urgence aujourd’hui c’est d’obtenir un cessez-le-feu à Gaza, préalable à toute reprise des négociations, ainsi que l’a proposé l’Égypte, comme vient de le rappeler à l’instant le Premier ministre. En attendant, la courte trêve humanitaire de cinq heures et la proposition de M. Fabius de créer une mission européenne d’aide frontalière aux points de passage, même si elles sont bienvenues, ne sont pas à la hauteur du massacre en cours. En effet, et vous le savez, ce sont 1,8 million de personnes qui vivent sur la bande de Gaza, un territoire de 362 kilomètres carrés, et qui subissent un blocus d’Israël depuis plusieurs années...

Au-delà de ces événements dramatiques, tristement répétitifs, il faut dénoncer l’objectif visé : rendre impossible une solution à deux États reconnus par la communauté internationale.

C’est un point sur lequel, malheureusement, le Hamas et le gouvernement israélien sont d’accord : le gouvernement israélien, d’une part, qui poursuit une politique de colonisation qui ôte tout espoir aux Palestiniens ; le Hamas, d’autre part, lequel refuse toujours l’existence de l’État d’Israël et persiste à s’attaquer à des civils.

La solution politique à deux États est pourtant la seule voie pour mettre fin à ce conflit de plusieurs décennies, une solution fondée à la fois sur la sécurité d’Israël et sur le droit des Palestiniens à disposer d’un État viable dans les frontières de 1967. Cela doit rester la position constante de la France.

C’est la raison pour laquelle je souhaite que me soient précisées les actions concrètes menées aujourd’hui dans ce but par notre diplomatie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, le Premier ministre vient de le rappeler, l’urgence c’est de mettre fin à l’escalade de la violence. L’urgence, vous venez de le souligner, c’est que la trêve soit respectée et qu’elle soit durable, c’est de reprendre le chemin de la paix. La poursuite de la confrontation, les tirs de roquettes, l’opération menée par Israël entraînent de nombreuses victimes, de graves dégâts humanitaires pour les Gazaouis.

De nombreux habitants viennent trouver refuge dans les écoles, alors que l’eau et la nourriture viennent à manquer. La trêve d’aujourd’hui est encourageante, mais elle est fragile : elle doit être durable.

La mobilisation de la France est constante, comme vient de le rappeler le Premier ministre, et ce à tous les niveaux.

La France continue d’appeler à la levée des restrictions d’accès et de mouvement qui pèsent sur la population de Gaza, afin que l’aide humanitaire puisse parvenir dans les meilleures conditions, et ce tout en tenant compte des préoccupations sécuritaires légitimes d’Israël.

Elle a rappelé aux autorités israéliennes que les conditions de détention des détenus palestiniens doivent être conformes aux conventions internationales, notamment s’agissant des détentions administratives.

Elle appelle toutes les parties à mettre en œuvre sans délai un cessez-le-feu durable. Tous les efforts doivent converger pour faire cesser la violence, assurer la protection des populations civiles. Pour que la trêve soit durable, elle doit répondre aux préoccupations légitimes d’Israël en matière de sécurité, comme aux besoins humanitaires et économiques des Palestiniens. L’Autorité palestinienne doit y être, bien sûr, étroitement associée.

Enfin, elle appelle à la fin de la colonisation, qui menace la viabilité d’un futur État palestinien et mine les efforts de paix. C'est le discours que le Président de la République a tenu devant la Knesset lors de son déplacement en Israël et dans les territoires palestiniens.

Il importe en effet que les parties bâtissent un environnement favorable à la paix et à la négociation pour que cesse le drame israélo-palestinien et que puisse voir le jour cette solution fondée sur deux États vivant en paix et en sécurité. C’est le sens de tous les efforts de la France et de l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

ruralité-assises de la ruralité

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour le groupe du RDSE.

M. Jacques Mézard. Monsieur le Premier ministre, les territoires ruraux sont de plus en plus déshabillés. (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.) Le 13 décembre 2012, le Sénat a adopté, à l’unanimité et avec le soutien du Gouvernement, la proposition de résolution du RDSE relative au développement par l’État d’une politique d’égalité des territoires, laquelle vise à lutter contre la fracture territoriale qui s’agrandit entre les territoires les plus riches, qu’ils soient urbains ou ruraux, et les territoires les plus fragiles.

Le groupe RDSE est particulièrement sensible à cette question. Majoritairement issus de départements ruraux, nous sommes fiers d’exercer encore une fonction exécutive locale et nous sommes proches du terrain. (Bravo ! sur plusieurs travées de l'UMP.) Alors que 5 % de la population vit sur 20 % du territoire, le sentiment d’abandon y est de plus en plus présent parmi les habitants : suppression de services publics, surfiscalité des villes moyennes, aspiration de la substance économique par les métropoles régionales, suppression de l’ATESAT – l’assistance technique de l’État pour la solidarité et l’aménagement du territoire –, de l’instruction des permis de construire par les services de l’État, suppression, parfois, de gendarmeries et de sous-préfectures, destruction du financement de l’AFITF – l’Agence de financement des infrastructures de transport de France – en raison du renoncement à l’écotaxe... Ce sentiment n’est pas apparu lors du présent quinquennat, il est beaucoup plus profond et ancien.

Vous annoncez le renforcement de l’État dans ces territoires, monsieur le Premier ministre, mais par quels moyens concrets ?

M. Philippe Dallier. Ah ! ça…

M. Jacques Mézard. Cette France est inquiète. Elle n’a pas peur du changement, elle y aspire, à condition qu’il signifie désenclavement, accès à la santé, à l’éducation et à l’emploi.

Vous le savez, vous le sentez, il faut prendre des initiatives. Nous voulons non pas des discours, mais du concret !

Vous venez d’annoncer la tenue à l’automne d’assises de la ruralité. Est-ce la concertation après la réforme territoriale ou le remède à certains effets pervers de cette réforme ? (M. Jackie Pierre applaudit.)

Est-il besoin d’assises du type des états généraux de la démocratie territoriale sans résultat concret ?

Le constat, nous le connaissons tous : nous avons besoin de décisions.

Quelles sont vos véritables intentions ?

M. Jacques Mézard. Allez-vous corriger les effets négatifs de ce projet, à savoir l’éloignement du siège des métropoles régionales et la sous-représentation des départements ruraux ?

M. Jacques Mézard. Allez-vous soutenir l’amendement du RDSE, voté au Sénat à la quasi-unanimité, visant à garantir cinq élus régionaux par département, un véritable droit d’option pour les départements ? Allez-vous garantir dans ces départements l’existence d’une collectivité de proximité non dévitalisée, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, qu’elle s’appelle conseil général ou autrement ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UMP et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Mézard, je l’ai déjà dit à Mme Escoffier voilà deux semaines, je vous le redis aujourd'hui, c’est une conviction profonde : la réforme territoriale et ses différentes étapes ne se feront pas contre les territoires ruraux. (Exclamations sur quelques travées de l'UMP.) Oui, l’échelon départemental est très important dans ces territoires, et nous devons imaginer ensemble ce que sera le département demain.

Je pense que l’on peut bâtir, progressivement, d’ailleurs, une organisation territoriale de notre pays avec de grandes régions.

Monsieur Mézard, permettez-moi toutefois de vous le dire, pour que nous puissions accepter vos amendements, encore faudrait-il que le Sénat adopte un texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Quoi qu’il en soit, le projet de loi sera adopté à l’Assemblée nationale dans les heures qui viennent.

De grandes agglomérations sont nécessaires, cela a été porté avec force par mon prédécesseur, ainsi que des intercommunalités tenant compte de la réalité de nos territoires et des bassins de vie, et une présence de l’État.

Vous l’avez souligné, il y a eu un retrait de l’État et des services publics, quels qu’ils soient, depuis des années. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de le dire aux préfets ce matin, que j’ai retrouvés avec plaisir Place Beauvau, et de leur rappeler que l’échelon départemental est tout à fait essentiel pour l’État,…

M. Philippe Marini. Pour la démocratie aussi !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … mais aussi pour les collectivités. J’ai reconnu M. Marini, expert dans le domaine.

M. Philippe Marini. Nous sommes tous experts dans les départements !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous êtes en campagne, monsieur Marini ! (M. Philippe Marini fait un signe de dénégation. – Exclamations amusées.)

La réforme territoriale, c’est une ambition nouvelle pour la ruralité. Les contrats de plan État-région seront au service de cette ambition. Des régions plus fortes, des contrats pour construire l’avenir : ce sont autant d’outils pour sortir de l’opposition stérile entre la France des métropoles et la France rurale – où, pourtant, beaucoup de nos concitoyens ont le sentiment d’abandon que vous avez parfaitement exprimé, monsieur Mézard.

La ruralité, ce ne sont pas que les institutions. Ce sont les territoires divers, qui sont durement touchés par la crise. Ce sont les habitants qui vivent des réalités différentes, mais qui partagent tous une peur commune, celle de la relégation, du déclassement, de l’abandon de la puissance publique.

Il faut prendre en compte la diversité du monde rural et les problèmes de l’hyper-ruralité, concept cher à votre collègue Alain Bertrand. Les problèmes du monde rural ne sont pas les mêmes que ceux qui se posent dans les zones périurbaines ou en zone de montagne. La ruralité, ce sont des défis transversaux, auxquels l’État a le devoir de répondre. Ce sera l’objectif des Assises de la ruralité. Les territoires ruraux doivent être au cœur de notre projet national. Je veux que le Parlement, en particulier bien sûr votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs, soit très étroitement associé à la préparation de ces assises.

Les territoires ruraux refusent d’être mis à l’écart. L’État et les services publics doivent y affirmer leur présence et, ici, l’échelon départemental conserve toute sa pertinence. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, la réforme territoriale qui sera portée par Marylise Lebranchu et par André Vallini tiendra compte de la spécificité de ces territoires, y compris en ce qui concerne l’évolution des conseils généraux.

En tout cas, nous devons créer les conditions d’un acte fondateur, pour renouveler la présence de l’État, pour reconstruire les liens entre les villes et les campagnes et pour donner aux territoires ruraux les moyens de leur propre développement.

À cet égard, je connais l’attachement de votre assemblée à ces territoires, ainsi que la qualité des travaux qui ont été menés par les sénateurs. Il est indispensable que les Assises en tiennent compte. Elles permettront en tout cas de redéfinir la feuille de route et de répondre non seulement à l’attente des élus, mais aussi aux attentes de nos concitoyens. Vous pouvez compter sur mon engagement absolu et total pour la réussite, cet automne, de ce moment important pour les territoires ruraux et donc, tout simplement, pour l’identité de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. André Gattolin et François Fortassin applaudissent également.)

question prioritaire de constitutionnalité sur la répartition des sièges dans les intercommunalités

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour le groupe UMP.

M. Patrice Gélard. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la loi du 16 décembre 2010 et la loi du 31 décembre 2012 qui l’a complétée ont conduit à la rédaction actuelle de l’article L. 5211–6–1 du code général des collectivités territoriales portant sur les modalités de répartition des élus communautaires dans les communautés de communes.

Le Conseil constitutionnel, saisi par des parlementaires, a validé la loi du 16 décembre 2010, non modifiée sur ce point par celle du 31 décembre 2012.

Pourtant, le Conseil constitutionnel saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil d’État vient de supprimer une disposition de ce même article L. 5211–6–1, car il a estimé que le principe du respect de la démographie était insuffisamment respecté.

Alerté par plusieurs collègues, dont les sénateurs Jean-Pierre Leleux et Alain Milon, sur la situation découlant de cette décision à la suite de l’annulation par la juridiction administrative de certaines élections municipales, je dois constater que certaines communes doivent procéder à de nouvelles élections municipales et modifier le fléchage de leurs conseillers communautaires.

Deux questions doivent être alors posées.

D’une part, alors qu’un accord avait été préalablement trouvé pour la répartition des sièges des membres du conseil communautaire, comment peut-on accepter que, dorénavant, certains élus continueront de siéger aux côtés de nouveaux élus, alors que les règles de répartition auront été modifiées pour les seconds et non pour les premiers ?

D’autre part, comment peut-on organiser l’élection d’un conseil municipal ou de conseillers municipaux qui ont été invalidés alors que la modification statutaire de la communauté de communes n’a pas encore été effectuée et que des délais stricts s’imposent pour organiser des élections partielles ?

Force est de constater que la décision du 20 juin 2014 contredit de fait une décision ayant validé une loi – c’est la première fois –, ce qui soulève naturellement des questions juridiques imprévisibles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UDI-UC et du RDSE. – Mme Bariza Khiari et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

M. Marc Daunis. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le sénateur, le 20 juin 2014, le Conseil constitutionnel a en effet censuré les dispositions du code général des collectivités territoriales sur les accords locaux de composition des conseils des communautés de communes et d’agglomération.

La composition de ces conseils doit donc être revue sans délai dans deux hypothèses : en premier lieu, dans celle des contentieux introduits devant les juridictions avant la date du 20 juin 2014 ; en second lieu, lorsque le conseil municipal d’une commune membre d’un EPCI ayant composé son conseil communautaire par accord local est partiellement ou intégralement renouvelé.

Le Gouvernement a adressé des instructions aux préfets sur la procédure à suivre et plusieurs cas de figure sont à prendre en compte.

Dans les communes de 1 000 habitants et plus élisant leurs conseillers communautaires au suffrage universel, et où les élections partielles conduisent toujours au renouvellement intégral du conseil municipal, la constitution des listes de candidats au mandat de conseiller communautaire doit tenir compte de la nouvelle composition de l’organe délibérant de l’EPCI arrêtée par le préfet et l’ensemble des mandats communautaires est attribué aux conseillers municipaux dans l’ordre du nouveau tableau résultant de l’élection municipale.

Dans les communes de moins de 1 000 habitants, où c’est le conseil municipal qui désigne les conseillers communautaires, sans fléchage, l’élection partielle peut permettre de renouveler tout ou partie du conseil municipal, et je vous renvoie à cet égard à ce que je viens d’indiquer en cas de renouvellement intégral.

En cas de renouvellement partiel, il y a également deux hypothèses.

S’il y a gain de sièges à l’EPCI, les mandats de conseillers communautaires des conseillers municipaux toujours en place sont maintenus et le ou les mandats supplémentaires sont attribués aux conseillers municipaux les mieux placés dans l’ordre du nouveau tableau issu de l’élection partielle.

S’il y a perte de sièges, le ou les conseillers communautaires les moins bien placés dans l’ordre du nouveau tableau perdent leur mandat de conseiller communautaire.

J’ajoute, monsieur le sénateur, que s’il est indéniable que ces accords locaux ont pu faciliter la rationalisation de l’intercommunalité, le regroupement des intercommunalités, ils ont pu conduire aussi, dans certains cas, à des représentations fortement déséquilibrées des communes au sein des conseils.

Le Gouvernement n’est donc pas opposé à ce que le Parlement propose de nouvelles modalités (M. Jacques Gautier marque sa satisfaction.),…

M. André Vallini, secrétaire d'État. … notamment à l’occasion de l’examen de la réforme territoriale, sur la composition des conseils communautaires.

J’attire toutefois votre attention sur le fait que les limites fixées par le Conseil constitutionnel laissent peu de marges de manœuvre et qu’il conviendra donc d’éviter tout nouveau risque juridique.

M. Jean-Pierre Sueur. Il faut des dispositions législatives nouvelles. C’est impérieux, c’est nécessaire, c’est urgent !

état d'avancement de la plateforme technique des écoutes judiciaires

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe UDI-UC.

Mme Nathalie Goulet. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

La plateforme nationale des interceptions judiciaires, la PNIJ, constitue un naufrage potentiel pour la qualité des enquêtes judiciaires, pour nos finances publiques et pour la sécurité des données personnelles.

Voilà quelques semaines, j’avais proposé la création d’une commission d’enquête sénatoriale sur ce sujet, mais, à vrai dire, elle n’a pas eu beaucoup de succès. N’étant pas une femme de renoncement, je reviens sur le sujet aujourd'hui.

Alors que l’on dénombrait 650 000 réquisitions judiciaires en 2012, 20 000 interceptions téléphoniques et 12 000 géolocalisations, un opérateur sûr et performant est nécessaire pour assister nos services de police et de gendarmerie. Or le dossier de la PNIJ a été mal engagé : appel d’offres restreint et contesté, intervention de la commission d’accès aux documents administratifs – CADA –, caviardage de documents, explosion des coûts. Évalué initialement à 20 millions d’euros, le coût de la PNIJ a en effet doublé, pour atteindre aujourd'hui 47 millions d’euros.

La plateforme ne fonctionne pas encore. On ignore à ce jour qui prendra en charge les données de géolocalisation, lesquelles ne sont pas encore intégrées au dispositif, ni qui du ministère de la justice ou du ministère de l’intérieur supportera les frais de fonctionnement – distribution des données, maintenance, évolutions et assistance –, ainsi que la mise à niveau des réseaux.

A-t-on étudié une solution d’intégration des systèmes existants à la nouvelle plateforme de dématérialisation des réquisitions ?

Les « grandes oreilles » de l’État seront gérées exclusivement par Thales. Là encore, il convient de s’interroger sur les libertés publiques et sur la protection des données personnelles.

Évitons de répéter les erreurs du dossier Écomouv ou du logiciel Louvois !

Je réitère mes questions, madame la garde des sceaux, au nom de la transparence des dépenses de l’État et de la sécurité juridique des enquêtes de police, lesquelles risquent de pâtir d’une succession sans bénéfice d’inventaire.

Madame la garde des sceaux, où en est la mise en place de cette plateforme ? Où en sont les surcoûts par rapport aux devis initiaux ? Comment sont assurés la sécurité des données personnelles et leur stockage ? Autant de questions auxquelles, jusqu’à présent, nous n’avons pas de réponse. Je vous remercie de bien vouloir me les apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées de l'UMP. – Mme Leila Aïchi applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Nathalie Goulet, vous m’interrogez très précisément sur les délais de mise en œuvre de la plateforme et sur les coûts et surcoûts que celle-ci engendrera.

Je vous réponds très directement. S’agissant des délais, c’est une décision qui a été prise en septembre 2010. Cette décision avait prévu une mise en activité à l’automne 2013. En réalité, cette plateforme sera opérationnelle en janvier 2015. L’une des raisons principales de ce retard tient au fait que nous avons dû revoir le cadre du marché public, parce qu’un certain nombre de charges n’avaient pas été prévues, notamment la protection et la sécurisation de la plateforme elle-même. Le coût de cet investissement a donc été revu à la hausse, passant de 42 millions d’euros en 2010 à 48 millions d’euros en 2012 dans le cadre du nouveau marché public. Une autre raison de ce retard est liée, bien entendu, aux conditions d’organisation, aux décrets nécessaires et aux six mois supplémentaires dont a eu besoin la CNIL.

En ce qui concerne le coût, les 48 millions d’euros d’investissements initiaux sont à mettre en regard des charges actuelles. Elles étaient de 25 millions d’euros en 2006, de 30 millions d’euros en 2012 et de 43 millions en 2013, ce qui témoigne de la montée en charge du recours à ces interceptions, qui sont nécessaires, et même indispensables pour certaines enquêtes, mais qui doivent être effectuées dans un cadre juridique stable. D’ailleurs, le code de procédure pénale précise très clairement qu’en cas d’information judiciaire, c’est le juge d’instruction qui autorise ces interceptions. Et en cas d’enquête préliminaire ou de flagrance dans des cas de délinquance ou de criminalité organisée, c’est le juge des libertés et de la détention, sur saisine du procureur, qui les autorise. Nous nous assurons que ce cadre juridique reste stable.

Outre les délais et les coûts, vous avez aussi évoqué dans votre intervention la question importante des libertés. Nous sommes aussi soucieux de cette question, et c’est pourquoi nous avons saisi la CNIL, qui a eu besoin de six mois supplémentaires pour statuer. Les décrets sont actuellement à l’étude au Conseil d’État.

J’ai aussi voulu mettre en place un comité de contrôle, dont le décret de création est lui aussi à l’étude auprès du Conseil d’État. Ce comité de contrôle sera composé de magistrats honoraires de la Cour de cassation, de parlementaires et de personnalités qualifiées de la société civile. Il aura principalement pour mission de veiller au respect des finalités de cette plateforme centrale et des procédures permettant sa mise en œuvre fonctionnelle et technique. Il aura aussi l’obligation de remettre un rapport annuel au garde des sceaux et à la CNIL. Surtout, nous allons veiller à ce qu’il ait tous les moyens d’assumer ses missions, notamment par un accès permanent à tous les lieux de la plateforme centrale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

apprentissage

M. le président. La parole est à Mme Patricia Bordas, pour le groupe socialiste.

Mme Patricia Bordas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans Les Misérables, Victor Hugo écrit : « La jeunesse est le sourire de l’avenir [...] Il lui est naturel d’être heureuse. Il semble que sa respiration soit faite d’espérance. »

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

Mme Patricia Bordas. L’espérance, tel est précisément ce que le Gouvernement, sous votre impulsion, monsieur le Premier ministre, et sa majorité parlementaire essayent de redonner à la jeunesse, grâce à une politique volontariste. (Oh ! sur les travées de l'UMP.)

Mme Patricia Bordas. Ne vous en déplaise, messieurs, c’est ainsi.

M. Francis Delattre. Deux mille milliards d’euros de dette !

Mme Patricia Bordas. À cet égard, je souhaite préciser qu’il n’existe pas une jeunesse, mais des jeunesses.

Aussi, la forte hétérogénéité entre États européens en matière d’emploi des jeunes illustre qu’il est parfaitement possible de trouver de réelles solutions politiques au problème que constitue le chômage.

Ainsi, faisant sienne cette philosophie activiste, le Président de la République, loin de tout fatalisme stérile, a érigé la jeunesse comme priorité.

M. Philippe Dallier. C’est beau et romantique !

Mme Patricia Bordas. Aujourd’hui, il est indispensable de redoubler d’efforts, surtout pour ces 200 000 jeunes qui décrochent chaque année, se retrouvant sans formation, sans emploi et dans une situation de précarité et de vulnérabilité extrêmes.

C’est pourquoi l’alternance, par l’intermédiaire des contrats d’apprentissage (M. Philippe Dallier s’exclame.) et des contrats de professionnalisation,…

M. Christian Cambon. Parlons-en ! Il n’y en a que pour les régions socialistes !

Mme Patricia Bordas. … est un remarquable remède, une voie d’excellence pour une myriade de jeunes.

Malheureusement, le nombre de contrats d’alternance signés depuis 2011 a chuté.

Outre l’absence d’une conjoncture économique favorable, des freins culturels subsistent toujours (M. Philippe Dallier s’exclame de nouveau.) quant au recours aux apprentis.

Par conséquent, que prône le Gouvernement afin de favoriser l’embauche d’apprentis au sein des TPE et des PME ?

Enfin, à l’heure où la France dessine ses nouvelles régions, il convient de souligner le rôle essentiel joué par cet échelon local qui investit chaque année, en sus de la dotation de l’État, près de 265 millions d’euros en faveur de l’apprentissage.

En tant qu’ancienne vice-présidente de la région Limousin, j’ai été confrontée à la problématique du financement de l’apprentissage. Comment l’exécutif entend-il renforcer les moyens des régions qui pilotent la politique de l’apprentissage ? (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)

Dans la même perspective, est-il envisagé d’appliquer la taxe d’apprentissage à l’ensemble du secteur public et de verser majoritairement son produit aux régions ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Bordas, mon collègue François Rebsamen, actuellement retenu par le sommet européen des ministres du travail à Milan, ne cesse de le répéter : nos ambitions pour l’apprentissage sont immenses, et nous comptons nous donner les moyens de les satisfaire.

M. Christian Cambon. Il serait temps !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. En réalité, c’est tout un gouvernement qui est mobilisé pour que chaque jeune en centre de formation d’apprentis ou CFA puisse être accueilli en entreprise (M. André Reichardt s’exclame.), et pour qu’un objectif de 500 000 jeunes en apprentissage soit atteint d’ici à 2017. En effet, on ne peut pas continuer plus longtemps à déplorer les multiples freins et blocages qui empêchent le déploiement de l’apprentissage.

Le Président de la République lui-même a décidé de se saisir du sujet et, en septembre prochain, l’ensemble des acteurs concernés – partenaires sociaux y compris – seront réunis autour de lui (MM. Francis Delattre et Christian Cambon s’exclament.) pour que, enfin, nous examinions méthodiquement, au-delà des mots et des discours, comment adapter le cadre réglementaire, le statut et la rémunération des apprentis.

Comme vous l’avez souligné, nous devrons aussi réfléchir aux moyens de changer l’image de l’apprentissage – c’est en effet une question culturelle – et d’accroître le nombre d’entreprises qui les accueillent. (M. Christian Cambon s’exclame.)

Chacun sera amené à prendre ses responsabilités en la matière : les entreprises, bien sûr, parce qu’elles ne peuvent pas laisser dire plus longtemps que l’apprentissage doit être une filière d’excellence et, dans le même temps, ne pas accueillir les jeunes en CFA, mais aussi la fonction publique. Nous avons annoncé que nous nous fixions un objectif de 10 000 apprentis dans la fonction publique d’État, là où il n’y en a aujourd’hui que 700.

Pour ce qui me concerne, par exemple, dans le secteur de l’animation et du sport, je doublerai le nombre d’apprentis accueillis (Exclamations sur les travées de l'UMP.), en permettant aux bénévoles d’être maîtres d’apprentissage de ces jeunes.

M. Didier Guillaume. Excellent !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Sans attendre ce rendez-vous de la rentrée, sachez, madame la sénatrice, que le Gouvernement a d’ores et déjà annoncé des mesures importantes de soutien à l’apprentissage lors de la grande conférence sociale.

M. Francis Delattre. Quel Gouvernement !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. D’abord, une plus grande place sera faite à l’apprentissage dans les mécanismes de formation et d’orientation des jeunes gens, car il s’agit de susciter davantage de vocations vers cet apprentissage, dès le plus jeune âge.

Ensuite, le financement, qui est bien entendu le nerf de la guerre, sera amélioré : 100 millions d’euros issus des fonds européens seront dédiés, sur les deux ans qui viennent, à l’insertion professionnelle des jeunes, en particulier à l’alternance dans les régions où le taux de chômage des jeunes dépasse 25 %, et 80 millions d’euros provenant du programme d’investissements d’avenir viendront financer de nouvelles formations en alternance. Au-delà des formations, nous accompagnerons aussi l’accès au logement ou au permis de conduire, qui sont souvent des facteurs bloquants dans le parcours des jeunes apprentis.

Enfin, je rappelle ici que, dans le projet de loi de finances rectificative en cours de navette, a été adopté, à la demande du Gouvernement, un amendement augmentant les crédits de 200 millions d’euros pour l’apprentissage. J’insiste sur ce point : cet effort budgétaire est très important…

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. … et il va permettre de stabiliser la répartition de la taxe d’apprentissage et de conforter les régions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

procédures d'agrément dans les colonies de vacances

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe UMP. (M. Roger Karoutchi applaudit)

Mme Sophie Primas. Ma question s'adresse à Mme la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports.

Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la procédure d’autorisation des accueils collectifs de mineurs.

Cette question fait suite au drame qui s’est produit la semaine dernière dans la colonie de vacances située dans l’Ariège, monsieur le président. Je tiens bien sûr à adresser toutes mes pensées à la famille du jeune enfant tragiquement décédé.

Une classe de la commune d’Aubergenville, dans les Yvelines, dont je suis maire, elle aussi présente sur ce site, a été rapatriée et les enfants sont fort heureusement en bonne santé.

Une enquête étant en cours, il ne convient pas de préjuger les raisons qui ont conduit à cette triste situation, pas plus qu’il ne convient de pointer d’hypothétiques responsabilités – il est beaucoup trop tôt pour le faire.

Mais ce drame soulève naturellement un débat ainsi que des interrogations pour les familles et les élus locaux sur les règles qui régissent l’accueil collectif de mineurs hors du domicile parental.

Par exemple, nombre de parents se demandent comment des enfants ont pu être accueillis dans une structure ne disposant pas, même temporairement, d’eau potable. Cette question me paraît légitime.

Il est donc nécessaire d’apporter des éléments d’explication aux parents, ainsi qu’aux maires, qui s’engagent moralement dans le choix d’une structure d’accueil (M. Jacques Gautier opine.) et n’ont par ailleurs aucun moyen d’être avertis de tels risques sanitaires, même temporaires.

Aujourd’hui, et en vertu de l’article L. 227–5 du code de l’action sociale et des familles, les organisateurs qui assurent ce type de services doivent effectuer une déclaration préalable auprès du préfet.

Sur cette base, les services de l’État diligentent des contrôles afin de vérifier que la sécurité des enfants est assurée. C’est sur ce prérequis de sécurité que s’appuient les élus.

Les craintes exprimées par les parents à l’égard des centres de loisirs, qui sont il est vrai très majoritairement injustifiées, peuvent être d’ailleurs l’une des causes de la désaffection à l’endroit des colonies de vacances, auxquelles nous sommes tous, madame la ministre, très attachés. À ce jour, les colonies n’accueillent plus que 7,5 % des enfants français, contre 15 % voici une dizaine d’années.

La grande majorité de ces structures, privées ou associatives, étant irréprochables quant aux conditions d’accueil, d’hygiène et de sécurité des enfants, il semble par ailleurs peu justifié de mettre en place un agrément d’habilitation de l’État, dans un moment où chacun cherche l’efficacité dans la simplification.

Néanmoins, afin de guider les choix des parents et des élus, vous avez, me semble-t-il, annoncé la mise en place à la rentrée d’un « label qualité », assorti d’une charte. Pourriez-vous nous détailler les points sur lesquels cette démarche sera fondée et quels seront les éléments de réassurance qui permettront de conforter la sélection des centres de vacances, notamment lors des appels d’offres menés par les maires ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports. Madame la sénatrice, je voudrais commencer par vous dire que nous partageons, sur toutes ces travées, la peine des proches du jeune Abderrazak.

Comme vous le savez, les enquêtes utiles ont été ouvertes pour que la lumière soit faite dans les plus brefs délais, et que des réponses soient apportées aux questions légitimes qui se posent.

À ce stade des investigations, les causes du décès ne sont pas encore connues. L’enquête épidémiologique, en particulier, se poursuit, ainsi que l’autopsie médico-légale, qui permettra dans quelques semaines d’en savoir davantage.

Je voudrais saluer à cet égard la mobilisation, totale, des services de l’État dans le département, sous la conduite de Mme le préfet.

Toutefois, au-delà de ce drame, vous avez raison de le dire, il nous faut ici préciser et marteler à quel point les colonies de vacances sont encadrées et rigoureusement contrôlées, et ce afin de garantir la protection des mineurs qu’elles accueillent.

Je rappelle d’abord que 1,8 million de mineurs environ sont accueillis chaque année dans 68 000 colonies de vacances. Les organisateurs de ces séjours sont soumis à un régime d’autorisation préalable auprès des services de l’État lorsqu’ils accueillent des enfants de moins de six ans, et à un régime de déclaration lorsqu’ils accueillent des enfants de plus de six ans.

De la même façon, les exploitants des locaux qui hébergent des mineurs doivent déclarer ces locaux auprès du préfet de département pour satisfaire aux conditions techniques, d’hygiène et de sécurité requises. C’est ce qui permet à nos services de vérifier notamment que les équipements sont aux normes, que les taux d’encadrement sont respectés, que les animateurs sont formés et qu’ils sont autorisés à exercer, mais aussi qu’il y a bien un projet éducatif, car la spécificité d’une colonie de vacances par rapport à un autre accueil réside justement dans la présence d’un projet éducatif.

À partir de l’ensemble de ces déclarations et autorisations, les préfets peuvent diligenter des enquêtes et des contrôles en cours de séjour pour vérifier que les choses se passent bien. C’est ainsi que près de 10 000 contrôles sont effectués chaque année par 750 agents, plus particulièrement pendant l’été. Lorsque des manquements sont constatés, ces contrôles peuvent conduire à la fermeture des séjours en question et au retour des enfants dans leurs familles. Je veux dire ici que ces manquements sont extrêmement rares. Bien sûr, le risque zéro n’existe malheureusement jamais, nulle part, mais nous faisons tout pour réduire au maximum les risques.

Enfin, oui, nous avons l’intention de relancer les colonies comme un accueil collectif offrant aux enfants la chance non seulement de découvrir les autres et de s’ouvrir davantage l’horizon, mais aussi d’apprendre, car il y a toujours un projet éducatif dans une colonie de vacances. Nous allons faire signer aux colonies à la rentrée la charte « colonies nouvelle génération », qui débouchera sur la délivrance d’un label portant notamment sur la qualité du projet éducatif et la relation avec les familles en matière d’informations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

logement

M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille, pour le groupe socialiste.

Mme Delphine Bataille. Ma question s'adresse à Mme la ministre du logement et de l'égalité des territoires.

Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a rappelé que le logement pour tous constituait une priorité de l’action gouvernementale.

M. Philippe Dallier. C’est bien parti !

Mme Delphine Bataille. Cette exigence s’inscrit dans la politique impulsée depuis le début du mandat du Président de la République.

Nous avons besoin de logements à des prix abordables, qui répondent aux besoins des Français. Il faut donc rapidement produire plus de logements. Il est également nécessaire de construire et de louer des logements à des prix adaptés aux revenus des Français. De leur côté, les professionnels du secteur du bâtiment sont à la peine. Il y a urgence à relancer ce secteur, vecteur de croissance et d’emplois non délocalisables.

M. Christian Cambon. Merci, Mme Duflot !

Mme Delphine Bataille. Le combat contre la crise du logement fait l’objet d’une attention sans relâche de la part du Gouvernement. Des mesures législatives ont été adoptées…

Mme Delphine Bataille. … pour réguler le marché locatif, pour mobiliser les terrains de l’État, pour accélérer les projets de construction et pour diminuer le taux de TVA applicable aux chantiers de construction et de rénovation.

Certaines mesures sont d’application immédiate. D’autres attendent la parution de décrets d’application, devenus désormais urgents. Je pense notamment à l’encadrement des loyers et aux frais d’agence pour la location d’un logement. (M. Christian Cambon s’exclame.) Ces mesures auront un impact immédiat sur le pouvoir d'achat des Français, dont le logement constitue encore aujourd'hui le premier poste budgétaire.

Le 25 juin dernier, le Gouvernement annonçait de nouvelles dispositions concrètes et immédiates pour relancer la construction : des mesures en faveur de l’accession sociale à la propriété, d’autres pour simplifier les normes de construction et ainsi faire baisser les coûts et développer l’innovation, d’autres encore pour mobiliser les services de l’État, les collectivités locales et tous les acteurs socioéconomiques.

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer comment vont s’articuler ces différentes mesures et nous éclairer sur le calendrier de leur mise en place, afin que, très vite, les dispositifs annoncés puissent produire des effets essentiels pour l’ensemble des citoyens concernés ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mmes Leila Aïchi et Marie-Christine Blandin applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement et de l'égalité des territoires.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires. Madame la sénatrice Delphine Bataille, vous l’avez très justement rappelé, l’accès au logement constitue une priorité de ce gouvernement. Il est nécessaire de relancer la construction. C’est le sens des mesures que nous avons annoncées le 25 juin dernier, avec le Premier ministre. (Mme Isabelle Debré s’exclame.) Ces mesures s’articulent autour de quatre priorités. Il s’agit de mesures concrètes, qui seront toutes mises en œuvre d’ici à la fin de l’année. Il est nécessaire de mobiliser des outils divers pour répondre aux besoins de nos concitoyens.

Nous souhaitons favoriser l’accession à la propriété par un meilleur ciblage du prêt à taux zéro, afin de permettre aux classes moyennes et modestes de financer l’achat de leur logement. Le dispositif est ouvert à l’ancien dans les zones rurales, en complément du programme de revitalisation des zones rurales que nous avons lancé.

Nous avons également annoncé des mesures de simplification, extrêmement attendues par les professionnels, pour faire baisser les coûts de construction sans baisser la qualité des logements produits. Ces mesures de simplification d’ordre technique, qui ont été élaborées avec les professionnels, auront un impact concret et immédiat.

Vous avez évoqué la mobilisation du foncier. C’est Thierry Repentin qui aura la charge d’animer la commission d’aménagement et de libéralisation du foncier public. Il s'agit d’un sujet important. Nous avons recensé l’ensemble des terrains. Il nous faut maintenant passer à la phase opérationnelle et rendre des arbitrages sur un certain nombre de dossiers, qui sont aujourd'hui bloqués. Nous devons prêter une attention particulière aux programmes de logements sociaux, qui peuvent être retardés ou abandonnés dans certains territoires ; là encore, les services de l’État sont attentifs et vigilants.

Enfin, nous améliorons l’investissement locatif pour répondre aux besoins du marché, notamment dans les villes comme Lille, Lyon ou Marseille, qui pourront développer une offre importante et répondre ainsi aux besoins des classes moyennes.

Vous le voyez, madame la sénatrice, le Gouvernement a pris des mesures pour relancer la construction et permettre l’accès des Français au logement. Les mesures d’application de la loi ALUR répondent aux mêmes préoccupations et visent en outre à améliorer le pouvoir d'achat des ménages.

Mme Sylvia Pinel, ministre. Pour atteindre nos objectifs, nous avons besoin de la mobilisation de l’ensemble des acteurs. Nous comptons évidemment sur les parlementaires pour accompagner nos mesures. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.)

problèmes d’investissement dans les collectivités locales

M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jackie Pierre. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre.

M. Philippe Dallier. Il est parti !

M. Jackie Pierre. Tant pis ! (Sourires.)

Quatre cartes des régions différentes en six semaines ! Et ce n’est pas fini... Le big-bang territorial promis fait du bruit mais ne débouche sur rien de concret. Il divise le pays, et votre propre majorité au premier chef. Surtout, il installe la « grande peur » des collectivités. Les élus locaux n’en veulent pas. L’Assemblée des départements de France considère que la réforme territoriale telle qu’elle nous est présentée aujourd’hui est contraire à l’intérêt de nos concitoyens.

Un sénateur du groupe UMP. C’est vrai !

M. Jackie Pierre. Et pourtant, une refonte de notre organisation territoriale est vraiment nécessaire. Mais c’est un texte mal préparé que le Gouvernement veut faire passer en force aujourd’hui. Ce projet de réforme ne respecte ni les travaux de réflexion déjà menés, notamment au Sénat, ni les réalités locales, et encore moins les avis des élus locaux.

Ce texte s’ajoute à vos décisions de supprimer le conseiller territorial…

M. Jackie Pierre. … et de procéder à un redécoupage cantonal juste avant l’annonce de la suppression du département.

M. Jackie Pierre. Pour beaucoup d’entre nous, ces tergiversations semblent être l’expression d’un mépris de la ruralité. Ne serait-ce pas l’intérêt électoral qui passe avant les intérêts économiques et sociaux des territoires ? (M. Jacques Gautier opine.)

Vous avez promis d’instaurer d’ici à quatre ans une nouvelle carte intercommunale. Enfin, vous annoncez que la clause de compétence générale, que vous avez récemment réintroduite, sera de nouveau supprimée.

Nous subissons une avalanche de réformes et de contre-réformes qui privent communes, intercommunalités, départements et régions de toute visibilité sur leur avenir.

À ces incertitudes majeures sur l’organisation administrative et fonctionnelle s’ajoute un volet financier qui achève de déstabiliser les collectivités : la baisse des dotations de l’État – 11 milliards d’euros en trois ans – alors même que les budgets locaux sont déjà de plus en plus contraints.

La conséquence ultime de tout cela, c’est la paralysie de l’investissement public, qui, jusqu’à présent, était assuré aux trois quarts par les collectivités. Cela a des répercussions sur tout le tissu économique, avec à la clé la perte de nombreux chantiers dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, le BTP, qui souffre déjà beaucoup, et donc de dizaines de milliers d’emplois, comme l’a souligné le président de l’Association des maires de France, l’AMF. Sans compter les conséquences de la loi ALUR, dont on sait qu’elle bloque la construction d’un grand nombre de logements.

Le Gouvernement a-t-il réellement pris conscience qu’autant d’improvisations et de retournements et un tel irrespect des élus avaient des conséquences très graves sur la vie du pays et de nos concitoyens ? Quand compte-il nous proposer enfin un processus de réforme lisible et efficace pour notre pays ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Françoise Férat ainsi que MM. Yves Détraigne et Jacques Mézard applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la réforme territoriale.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le sénateur Jackie Pierre, votre question comporte deux volets. Le premier a trait à l’investissement public. Le Gouvernement est bien conscient du fait que plus de 70 % de l’investissement de notre pays est réalisé au niveau local par les collectivités territoriales. Il n’est donc pas question de réduire les dotations et subventions de l’État qui soutiennent l’investissement local :…

M. André Vallini, secrétaire d'État. … la dotation d’équipement des territoires ruraux, la dotation de développement urbain et le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée seront préservés.

Je vous rappelle aussi que c’est sous cette législature qu’ont été prises les mesures permettant aux collectivités locales de retrouver un meilleur accès au crédit : une nouvelle banque publique des collectivités locales créée autour de la Banque postale ; une enveloppe de prêts bonifiés à long terme financés sur les fonds d’épargne, ouverte par la Caisse des dépôts et consignations pour un montant global de 20 milliards d'euros sur la période 2013–2017 ; enfin, une agence de financement des collectivités locales, l’Agence France Locale, mise en place avec le soutien du Gouvernement.

Le second volet de votre question me donne l’occasion de rappeler les trois objectifs de notre réforme territoriale. Le premier est la clarté. Depuis vingt ans, les structures territoriales se sont ajoutées les unes aux autres, et leurs compétences se sont enchevêtrées. Les élus locaux ne s’y retrouvent pas toujours, et les citoyens encore moins. Clarifier l’organisation territoriale de la République est donc une exigence démocratique.

Le deuxième objectif est la compétitivité. Dans la compétition économique internationale, la France a besoin de régions plus grandes, plus puissantes, plus attractives. (M. André Reichardt s’exclame.) Agrandir les régions et les renforcer est donc une exigence économique.

Le troisième objectif est la proximité. Nos concitoyens attendent des collectivités locales qu’elles leur garantissent des services efficaces dans leur vie quotidienne. Vous le savez, ce sont les intercommunalités qui, dans le respect de l’identité communale, sont aujourd'hui le bon niveau pour y parvenir. Renforcer ces intercommunalités est donc une exigence de service public.

Le Gouvernement mesure bien les difficultés budgétaires que rencontrent les collectivités locales, auxquelles il demande de participer à l’effort de redressement financier du pays. Nous connaissons les problèmes que rencontrent les élus locaux, dont nous savons tous ici combien ils sont dévoués à l’intérêt général. C’est donc aussi pour faciliter leur mission que le gouvernement de Manuel Valls a décidé d’associer à la réforme territoriale une réforme de l’État dans les territoires, et notamment dans les territoires ruraux, dont le Premier ministre a rappelé à l’instant à quel point ils étaient au centre de nos préoccupations. Ces territoires feront l’objet des Assises de la ruralité qui se tiendront à l’automne. Le Sénat y sera bien sûr étroitement associé. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

conflit au proche-orient

M. le président. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Pierre Bernard-Reymond. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes.

Monsieur le secrétaire d’État, comme l’ont déjà dit plusieurs de mes collègues, le Moyen-Orient est de nouveau à feu et à sang.

Après l’échec des pourparlers conduits par le secrétaire d’État américain John Kerry et l’assassinat de trois jeunes israéliens, suivi de celui d’un jeune Palestinien, les armes parlent à nouveau, un épisode dramatique de plus dans ce conflit vieux de soixante-dix ans.

Tout se passe comme si la diplomatie internationale était totalement impuissante, et peut-être résignée.

Pendant ce temps, le nombre des victimes augmente tous les jours. Certes, chaque conflit est spécifique, et porte en lui le poids de l’histoire de chacune de ses parties. Cependant, pourquoi les nations, qui sont intervenues un peu partout dans le monde, en Afghanistan, en Irak, en Libye, en ex-Yougoslavie, au Mali, en Centre-Afrique et dans bien d’autres pays, semblent-elles toujours comme interdites quand il s’agit du Moyen-Orient ? Au point de considérer comme inimaginable l’envoi, sous l’égide de l’ONU, d’une force d’interposition, préalable à la mise en place d’une solution définitive dans l’esprit des accords d’Oslo, offrant la souveraineté et la paix définitive à ces deux peuples. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Jacques Mézard et André Gattolin applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Pierre Bernard-Reymond, la situation au Moyen-Orient est désastreuse. Vous l’avez rappelé, les meurtres odieux de trois jeunes Israéliens enlevés en Cisjordanie, puis d’un jeune Palestinien enlevé à Jérusalem-Est ont entraîné une escalade de la violence, avec une multiplication des victimes côté palestinien. Il faut absolument stopper ces violences.

C’est pourquoi, je le répète, la trêve humanitaire décidée aujourd’hui doit absolument être étendue, car les conditions de vie à Gaza sont catastrophiques. Mais l’important est d’instaurer une trêve durable et de mettre fin à ce bain de sang.

La priorité absolue est le cessez-le-feu. Nous soutenons pleinement la proposition faite par l’Égypte, endossée par la Ligue arable, d’un cessez-le-feu immédiat, suivi de discussions visant à établir une trêve durable. C’est également ce qu’a demandé le Conseil européen, réuni hier soir à Bruxelles, et c’est aussi bien sûr ce qu’a demandé le Président de la République.

La France appelle toutes les parties à respecter immédiatement ce cessez-le-feu. Le cabinet israélien avait annoncé son accord, avant une reprise des violences. Le Hamas doit cesser sans délai les tirs de roquettes.

En parallèle, nous devons travailler à une trêve durable qui réponde aux besoins légitimes à la fois des Israéliens et des Palestiniens en termes de sécurité comme d’accès à l’aide humanitaire. Cela devra se faire en liaison étroite avec l’Autorité palestinienne.

La France, avec ses partenaires européens, peut y contribuer, notamment au travers du redéploiement et de l’extension de la mission EUBAM Rafah, comme l’a proposé le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius.

Au-delà, cette nouvelle tragédie illustre l’urgence de parvenir à la résolution politique définitive du conflit israélo-palestinien.

Monsieur le sénateur, vous avez fait le parallèle avec d’autres conflits, dans lesquels, dites-vous, la diplomatie occidentale est intervenue, mais il y a une différence majeure, qu’a rappelée M. le Premier ministre : très souvent, dans les conflits internationaux, la question principale est de trouver la bonne solution à ces conflits ; dans le cas du drame israélo-palestinien, il y a une solution, que nous connaissons, à savoir l’existence de deux États vivant côte à côte en paix et en sécurité, avec Jérusalem comme capitale de ces deux États.

L’absence d’horizon politique, on le voit, fait le jeu des extrémistes. (M. Pierre Bernard-Reymond opine.) Aussi, il faut parvenir à l’application de cette solution, en poussant les deux parties à l’accepter. De ce point de vue, vous avez raison, nous ne pouvons pas être résignés, et nous ne le sommes pas.

Cependant, aujourd’hui, l’urgence c’est de faire accepter un cessez-le-feu, c’est une trêve durable, c’est-à-dire l’arrêt des violences, des tirs de roquettes et des bombardements, qui ont déjà fait de trop nombreuses victimes. C’est bien le sens de tous les efforts déployés par la diplomatie française et par l’Union européenne.

Je vous remercie de m’avoir posé cette question, monsieur le sénateur.

Monsieur le président, pour terminer, je veux saisir l’occasion de cette dernière réponse à la dernière séance de questions d’actualité au Gouvernement que vous présidez pour vous remercier du rôle que vous avez joué, de votre travail, de votre engagement au service du Sénat et, plus largement, au service de la République et du pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. Merci, monsieur le secrétaire d’État !

Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.)

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

6

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

7

Prise d'effet de nominations à une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte commun sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du mercredi 16 juillet prennent effet.

8

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Discussion générale (suite)

Économie sociale et solidaire

Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Article 3

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire (texte de la commission n° 746, rapport n° 745).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Daunis, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la commission mixte paritaire s’est réunie hier après-midi, à l’Assemblée nationale, pour examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire.

Ce texte nous occupe depuis presque un an, puisqu’il a été déposé sur le bureau de notre assemblée par le Gouvernement le 24 juillet 2013. Il consacre, pour la première fois en tant que tel, un secteur dont les différentes composantes sont pourtant apparues au cours du XIXe puis du XXsiècle.

Coopératives, fondations, associations, mutuelles, ont trouvé au fil du temps des réponses variées à des enjeux toujours au cœur de notre société et de notre économie : la protection sociale, la production agricole, la grande distribution, l’action sanitaire et sociale… C’est ce qui fait l’actualité toujours renouvelée de l’économie sociale et solidaire.

Outre sa résilience face aux crises, cette économie fournit des principes d’organisation toujours pertinents aux nouveaux secteurs de l’économie que sont la croissance verte, l’économie circulaire et même, dans les nouvelles technologies, tout ce qu’il est convenu d’appeler la « nouvelle économie ».

Puisque nous parlions de résilience, de 2001 à 2009, le taux de croissance annuel de l’emploi a été de 2,6 % pour les entreprises ayant choisi ce mode d’entreprendre, contre 1,1 % pour les autres entreprises du secteur privé. Se détachant de la recherche prioritaire de dividendes, de rémunérations de plus en plus élevées, pesant de plus en plus lourdement sur l’outil de production, ses principes invitent l’économie sociale et solidaire à la poursuite d’un but entrepreneurial : il s’agit, au moyen d’une gouvernance démocratique et de l’affectation prioritaire des bénéfices au développement de l’entreprise, de stimuler et de développer l’activité.

Les débats dans nos deux assemblées, tout au long de ces douze mois, ont bien mis en lumière la complémentarité entre l’économie sociale et solidaire et les autres secteurs de l’économie.

Je l’avais souligné en première lecture comme en deuxième lecture, mais j’aimerais y insister à nouveau : l’économie sociale et solidaire ne peut pas, ne doit pas être cantonnée dans une économie de la réparation ou dans une sorte d’alternative presque utopique, voire marginale et donc fort peu dangereuse, au modèle capitalistique, quelles que soient les dérives de ce dernier.

Développer l’économie sociale et solidaire, c’est surtout répondre fondamentalement, profondément, à une ambition plus élevée. Ce mode d’entreprendre, si l’on considère objectivement les choses, satisfait une tendance, sinon naturelle, du moins fortement chevillée au cœur des hommes et des femmes : une aspiration à travailler ensemble autour de valeurs partagées.

Car le souci du gain, si compréhensible soit-il – quand il ne prend pas des proportions exagérées, voire scandaleuses –, n’est pas la seule aspiration humaine. On ne peut résumer le fait d’entreprendre, qui constitue l’un des actes les plus forts dans la vie de l’être humain, à une recherche toujours plus avide d’accumulation capitalistique.

Le projet de loi comportait initialement cinquante-trois articles ; cinquante-quatre articles additionnels ont été introduits par l’une et l’autre assemblées et certains ont été supprimés. Au total, soixante-dix-huit articles ont été adoptés de manière conforme au cours des deux lectures et n’ont donc pas fait l’objet de débats en commission mixte paritaire.

Certaines de ces dispositions, d'ores et déjà acquises, sont fondamentales. J’en rappellerai quelques-unes.

Il s’agit d’abord de la définition même de l’économie sociale et solidaire, à laquelle notre assemblée a consacré un travail de précision pour assurer à la fois la préservation des principes et l’ouverture mesurée, contrôlée du secteur aux nouveaux entrepreneurs. Il était important de conserver le sens profond, j’allais presque dire l’essence, de l’économie sociale et solidaire.

Il s’agit aussi de la réforme de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » : les entreprises bénéficieront des avantages liés à cet agrément selon des critères plus rigoureux, strictement encadrés. Cette réforme, qui permettra d’éviter tout risque potentiel de dilution de l’économie sociale et solidaire, répondra au contraire au pari profond qui sous-tend l’ensemble de ce projet de loi, celui, pour reprendre les termes de Benoît Hamon, de la « pollinisation » de l’économie classique par l’économie sociale et solidaire.

En outre, le dispositif d’information des salariés sur les possibilités de reprise d’une entreprise, complété par notre assemblée, a été adopté de manière conforme par l’Assemblée nationale dès la première lecture.

De nombreuses autres dispositions spécifiques aux différentes formes d’entreprises de l’économie sociale et solidaire ont été adoptées en termes identiques par nos deux assemblées.

La richesse de ce texte – il me plaît de le souligner à nouveau – résulte de l’importante concertation - pour ainsi dire une « coconstruction » - dont il a fait l’objet en amont. Ces échanges ont permis, en sus des réponses de fond sur l’orientation, la valorisation et la confiance en l’avenir, d’apporter des réponses pratiques, pragmatiques au grand nombre de questions posées concernant l’organisation et le développement des coopératives, associations, fondations et mutuelles.

La commission mixte paritaire a donc examiné vingt-deux articles, dont un avait été supprimé par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Elle a confirmé cette suppression, a supprimé encore un article et a adopté les vingt autres. S’agissant de ces derniers, la CMP est revenue par deux fois à la rédaction du Sénat, a modifié huit articles et a maintenu la rédaction des dix autres dans la rédaction issue de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale.

Vous le constatez, un travail approfondi a ainsi été mené entre les représentants de nos deux assemblées, dans un climat très constructif, sous la présidence du président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, M. François Brottes, et sous la vice-présidence, toujours aussi dynamique et remarquable, du non moins remarquable président de la commission des affaires économiques du Sénat, notre collègue Daniel Raoul (Sourires.).

Permettez-moi de me féliciter que plusieurs des positions du Sénat, clairement exprimées dans cet hémicycle au cours des lectures précédentes, aient pu être entendues.

D’une manière générale, le dialogue a été constant avec le rapporteur de l’Assemblée nationale, M. Yves Blein, au cours des lectures successives. À cet égard, j’aimerais saluer le caractère respectueux, fructueux et fécond du mouvement d’enrichissement du texte qu’a permis la navette parlementaire.

La commission mixte paritaire a d’abord choisi, après un long débat, de retirer, comme l’avait souhaité le Sénat, la mention des agences de développement à l’article 5 B, consacré aux politiques régionales de l’économie sociale et solidaire.

En effet, ces agences, qui existent déjà, relèvent de la liberté d’organisation des régions. De plus, la rédaction de cette disposition introduisait une potentielle, et dommageable, confusion avec la définition des missions des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, à l’article 4 : les régions pouvaient ainsi contracter avec des agences dont la mission était le développement de l’économie sociale et solidaire, alors que le texte fixait comme mission aux chambres régionales de l’économie sociale et solidaire ce même développement de cette même économie ! Je profite de l’occasion pour rappeler le fameux proverbe africain : quand deux éléphants se battent, celui qui souffre le plus, c’est le terrain… (Sourires.)

L’article 10 sexies prévoyait que les différentes institutions consacrées à l’économie sociale et solidaire devaient mener une réflexion sur le financement des entreprises du secteur. Nous sommes tombés d’accord sur une meilleure rédaction, prévoyant de manière plus opérationnelle que ces institutions assureraient le suivi de l’accès au financement de ces entreprises.

Il s’agit d’un vrai progrès, car l’accès au financement a été identifié comme le point sur lequel bute, hélas, trop souvent, le développement de ces entreprises, notamment en raison du rendement limité qu’elles proposent aux investisseurs. Sur proposition du président Brottes, à la suite d’un échange sur cet amendement du Sénat, nous avons adopté de façon unanime cet élément rédactionnel de bon aloi.

Nous avons également eu un long débat sur la portée qu’il convenait de donner à l’article 31, qui étend les possibilités données aux intercommunalités de recourir aux services des coopératives d’utilisation de matériel agricole, les CUMA. Il s’agit d’une dérogation au principe d’exclusivisme, selon lequel les CUMA doivent travailler pour leurs propres membres.

La commission mixte paritaire s’est finalement entendue sur un retour au texte adopté par le Sénat en deuxième lecture. En effet, nous avons constaté que la dérogation introduite par cet article était particulièrement limitée : les travaux concernés ne peuvent contribuer pour plus de 25 % au chiffre d’affaires de ces CUMA, dans une limite annuelle de 10 000 euros, voire de 15 000 euros en zone de revitalisation rurale.

De plus, les principes applicables à ces commandes, mentionnés par le code des marchés publics, continuent de s’appliquer. Il ne s’agit donc pas d’une menace pour les autres entrepreneurs, mais bien d’une réponse pragmatique, ciblée, ponctuelle, à des demandes pour lesquelles, en milieu rural, l’offre privée n’est pas toujours suffisante.

Il s’agit en même temps d’un message de confiance envoyé aux élus locaux, plus à même, dans ces cas-là, d’agir pour consolider ce qui constitue l’une de leurs préoccupations majeures : le dynamisme économique de leur territoire.

À l’article 40 AA, qui définit la notion de subvention, nous avons obtenu un compromis entre la rédaction adoptée au Sénat sur proposition de la commission des lois et celle qu’avait préférée l’Assemblée nationale en deuxième lecture.

Enfin, la commission mixte paritaire a supprimé l’article 44 quater, qui établissait de nouvelles règles pour l’accès des mineurs à des fonctions de responsabilité au sein des associations. Nous avons en effet constaté que le débat n’était pas mûr. Cet article, introduit en première lecture par l’Assemblée nationale, avait fait l’objet d’une réécriture en profondeur par le Sénat en deuxième lecture, puis les députés l’avaient introduit à nouveau dans une rédaction différente.

Mais arrêtons-nous quelque instant sur le sujet.

Le droit existant prévoit qu’un mineur de seize ans et plus peut accomplir des actes d’administration d’une association avec l’accord écrit préalable de son représentant légal. Fallait-il, comme le proposait finalement l’Assemblée nationale, supprimer l’exigence de cet accord écrit préalable pour permettre simplement au représentant légal de formuler une opposition après en avoir été informé ?

À titre personnel, je trouvais fondée, intéressante, pertinente, cette volonté exprimée par l’Assemblée nationale de favoriser la prise d’initiative par les jeunes au sein des associations. Pour autant, la procédure retenue paraissait complexe à mettre en œuvre et, comme l’a souligné le président Raoul, il convenait d’en examiner les conséquences du point de vue de la responsabilité civile des parents, voire de la responsabilité pénale du mineur lui-même.

C’est ainsi que, après avoir débattu de cette question sous tous ses aspects, la commission mixte paritaire a préféré s’en tenir au droit existant, dont l’application ne semble pas poser de difficulté particulière.

Les autres articles examinés par la commission n’ont fait l’objet que de modifications de nature rédactionnelle ou de coordinations juridiques avec d’autres textes législatifs récemment publiés. Ils portent avant tout sur des dispositions transversales et diverses : les missions du conseil supérieur, à l’article 3, et des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, les CRESS, à l’article 4, ainsi que le schéma de promotion des achats publics socialement responsables, à l’article 9, et l’émission de monnaies locales complémentaires, à l’article 10 quater.

S’agissant des coopératives, les articles encore en discussion concernent les règles relatives à la révision coopérative – article 14 -, aux sociétés coopératives d’intérêt collectif, ou SCIC – article 21 - et à l’accès des jeunes navigants à des responsabilités dans les coopératives maritimes – article 33 bis.

Ils portent aussi sur la réglementation des contrats de coassurance – article 34 -, ainsi que des émissions de certificats paritaires et mutualistes – article 36 - et sur la remise d’un rapport concernant les sociétés d’assurance mutuelles – article 39 bis.

S’agissant des associations, la commission mixte paritaire a adopté les articles relatifs aux obligations comptables des associations recevant des subventions – article 40 ABA -, à la transformation du volontariat de service civique en un volontariat associatif – article 40 AD -, à l’émission de titres associatifs – article 40 -, à la consultation de l’autorité administrative dans les procédures de liquidation judiciaire – article 42 bis - et à la sanction des dirigeants d’associations soumis à l’obligation de publication des comptes – article 44 ter. Faisait également partie des articles examinés l’article 48 bis, consacré aux opérations de restructuration des fondations.

Enfin, la commission mixte paritaire a confirmé la suppression de l’article 40 AFA, relatif à l’exonération du versement transport, car cette disposition est étudiée dans le cadre du projet de loi de finances rectificative en cours d’examen par le Parlement.

Après deux lectures et la réunion d’une commission mixte paritaire, le texte du projet de loi comprend désormais quatre-vingt-dix-huit articles, soit vingt articles adoptés par la CMP et soixante-dix-huit adoptés de manière conforme au cours des deux premières lectures.

La voix du Sénat, première assemblée saisie, a été largement entendue tout au long de la navette parlementaire. Sans dresser ici une liste exhaustive, je souhaite rappeler que le Sénat a amélioré l’encadrement des sociétés commerciales se réclamant de l’économie sociale et solidaire et renforcé l’échelle des salaires pour les sociétés demandant à bénéficier de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale ». Il a introduit une définition légale de l’innovation sociale, venant après la définition qui avait été donnée de l’innovation technologique. Nous mesurerons, je pense, dans le temps l’importance de cette définition.

Le Sénat a également renforcé les dispositifs locaux d’accompagnement et introduit une information des salariés sur les possibilités de reprise tout au long de la vie d’une entreprise. Il a sécurisé le dispositif d’information des salariés préalable à la cession d’une société ou d’un fonds de commerce. Il a clarifié le cadre normatif des émissions de certificats mutualistes et d’obligations associatives. Il a enfin modifié la définition légale du commerce équitable dont je me plais à souligner qu’il avait été abordé dans le texte précédemment adopté.

Toutes ces améliorations ont été permises grâce à l’apport des différents groupes politiques, des commissions des affaires sociales, des finances et des lois, saisies pour avis. Permettez-moi donc, en conclusion, de saluer à nouveau le travail de mes collègues rapporteurs et de celui de l’Assemblée nationale. Je tiens également à remercier très chaleureusement les différents groupes de notre assemblée, et particulièrement ceux de la majorité sénatoriale, pour la qualité et la richesse des échanges qu’ils ont permis et pour leur participation active à cette coconstruction.

Telles sont donc, mes chers collègues, les conclusions de la commission mixte paritaire, que je vous invite à adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. « Les idées ne sont pas faites pour être pensées mais pour être vécues ». Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les sénateurs, ces mots d’André Malraux trouvent toute leur résonance à cette heure. En effet, non seulement ce texte rend justice à un modèle entrepreneurial alternatif en le reconnaissant enfin, mais aussi il le rend opérationnel en le définissant et en donnant à l’économie sociale et solidaire les moyens de son développement et de ses ambitions. Il lui permet de changer d’échelle et d’atteindre le potentiel qu’elle mérite. Ainsi, l’économie sociale et solidaire sera vécue, bien sûr, développée, bien sûr, mais elle sera surtout partagée.

L’histoire de l’économie sociale et solidaire est le long récit de la recherche d’une alternative au capitalisme classique qui prend ses racines dans les siècles passés. Ce livre qui déploie ses pages devant nos yeux nous offre une chance historique de faire de la France l’un des pays les plus avancés dans ce domaine.

Une page se tourne, celle de la revendication des acteurs de l’économie sociale et solidaire, qui souhaitaient être enfin reconnus et se voir accorder la place qu’ils méritent au sein de l’économie de notre pays. Se tourne également la page d’une concertation intense avec les acteurs – concertation qui, d’une certaine manière, aura commencé par la saisine du Conseil économique et social et environnemental, auquel je veux rendre ici hommage pour son apport initial. Et nous voici donc parvenus à la dernière ligne d’une autre page : le vote des conclusions de la commission mixte paritaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, votre mobilisation sans précédent est le signe de la reconnaissance de l’importance de l’économie sociale et solidaire et de ses acteurs, et je tiens encore à la saluer.

Mais le livre n’est pas terminé, loin s’en faut, et votre rapporteur, M. Marc Daunis, saura me le rappeler ! Une nouvelle page s’ouvre en effet devant nous, et elle n’est pas vraiment blanche, puisqu’elle est concrètement déjà bien remplie.

La politique publique de l’économie sociale et solidaire s’inscrit dans le temps ; elle est tangible depuis longtemps grâce à tous les élus des territoires qui portent quotidiennement cet autre mode d’entrepreneuriat pour le faire vivre et soutenir les professionnels, que ce soit dans des associations, des coopératives, des mutuelles ou des start-up de l’entrepreneuriat social. Tous, élus comme professionnels, sont et peuvent être des ambassadeurs de l’économie sociale et solidaire auprès de tous nos concitoyens. La reconnaissance de l’entrepreneuriat social et son développement doivent encore être accompagnés et promus. C’est l’une des conditions de sa réussite.

Je salue l’esprit de conciliation et de convergence qui a animé les deux chambres. Grâce à des débats parlementaires de grande qualité, ce texte porte en lui l’implication et l’engagement de chacun.

Il est riche de propositions concrètes pour nos concitoyens. Il concilie ambition et réalisme, lucidité et audace. Les éléments précieux qui ont été apportés constituent les briques et le ciment qui permettront à l’édifice de l’économie sociale et solidaire de grandir et de s’élever en s’appuyant sur des bases solides et raffermies.

Je tiens à rappeler d’ailleurs que ce projet de loi est soutenu par toutes les composantes de la gauche et qu’il a aussi obtenu l’abstention bienveillante du groupe UDI et des députés UMP et non-inscrits qui ont participé aux débats. Je salue donc cet acte de responsabilité, signe de l’esprit de concorde qui a animé les débats.

En 1900, donc il y a plus d’un siècle, l’exposition universelle de Paris accueillait un « palais de l’économie sociale ». Aujourd’hui, nous ne sommes plus seulement dans le symbole : au sein de ce palais de la République, nous sommes dans les faits ; l’économie sociale et solidaire est désormais concrètement reconnue au sein de notre pays par notre législation et nos institutions.

L’économie sociale et solidaire, parce qu’elle est une exigence, se fonde sur des principes exigeants, traduits dans la liberté par rapport à l’actionnaire, par une gouvernance marquée au sceau du collectif et par la reconnaissance de la compétence et de l’implication des salariés.

Nos « cocitoyens » veulent de plus en plus une économie qui a du sens, qui crée de l’emploi dans nos territoires. En finir avec l’économie de la prédation et le court-termisme, c’est aussi promouvoir des modèles entrepreneuriaux patients, orientés vers l’utilité sociale.

Il s’agit, bien sûr, pour le ministère de l’économie de favoriser le développement de ces nouveaux entrepreneurs qui réinventent l’économie, qui font preuve de résilience et donnent toute sa place à l’économie sociale et solidaire pour tendre vers un développement économique équilibré, alliant progrès économique et progrès social.

Ce texte va vraiment et concrètement changer la vie quotidienne des entrepreneurs, mais aussi celle de millions de Français. Il va créer des emplois dans nos territoires et ouvrir des perspectives nouvelles à l’économie française, qui doit changer de paradigme.

Je vous félicite donc pour l’ensemble du travail que vous avez accompli, mesdames, messieurs les sénateurs. Je puis vous assurer de la détermination du ministère de l’économie, et tout particulièrement du secrétariat dont j’ai la charge, pour faire en sorte que ce texte soit une loi efficace, une loi partagée, une loi au service de l’économie et de l’humain. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, restons donc en Midi-Pyrénées, et ne changeons pas d’accent ! Car, même si deux cents kilomètres séparent Martel de Martres-Tolosane, nous avons la même intonation chantante du sud de la France, madame la secrétaire d’État. (Sourires.)

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Pour moi, vous êtes du Nord. (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Du nord du Sud ! (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Claude Requier. Ce projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire est un texte très important, un texte fondateur, : il doit permettre de structurer ce secteur pour lui donner un véritable essor et favoriser la création de nombreux emplois, qui seront autant de vecteurs de solidarité et de cohésion au sein de notre société.

C’est la raison pour laquelle il me semble tout à fait regrettable que nous discutions dès aujourd’hui des conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est réunie seulement hier après-midi, et dont nous n’avons obtenu le texte que tard dans la soirée. Mais, les vacances arrivant, tout s’accélère ! De telles conditions d’examen sont d’autant plus regrettables que ce projet de loi a fait l’objet depuis novembre 2013 d’une navette parlementaire propice à son enrichissement et à son amélioration, ainsi que d’une très grande écoute des différents ministres qui se sont succédé au banc du Gouvernement.

M. Marc Daunis, rapporteur. C’est bien vrai !

M. Jean-Claude Requier. Je tiens vraiment à les en remercier.

Les conclusions de cette commission mixte paritaire auraient donc sans doute mérité un temps de réflexion plus long. Je déplore que nous en soyons privés, mais cela ne retire rien, bien évidemment, à l’intérêt de ce texte dont la plupart des articles majeurs avaient d’ailleurs été adoptés conformes avant la CMP.

Ainsi, le titre Ier, qui fournit pour la première fois une définition législative de l’économie sociale et solidaire et précise le rôle des différentes structures représentatives de ce secteur, répond à des attentes et à des besoins très forts.

Ensuite, le titre II et ses articles 11 et 12, adoptés conformes dès la première lecture, constituent une grande avancée pour les salariés qui sont confrontés à des situations difficiles, souvent inacceptables, et qui sont mis devant le fait accompli : la fermeture de leur entreprise, faute de repreneur.

M. Marc Daunis, rapporteur. Oui !

M. Jean-Claude Requier. En obligeant le dirigeant à informer en amont les salariés de sa volonté de céder l’entreprise, nous donnons à ces salariés une chance de formuler une offre crédible de reprise, s’ils le souhaitent. C’est une avancée importante. Néanmoins, nous l’avons déjà souligné, il faudra aller encore plus loin, en accompagnant et en préparant les salariés tout au long de leur vie professionnelle, afin qu’ils puissent réellement être en mesure, le cas échéant, de reprendre une entreprise avec succès.

J’en viens aux dispositions restant en discussion, notamment l’article 9, qui vise à favoriser la mise en œuvre de la « clause sociale » dans les marchés publics. Pour cet article, en effet, nous nous réjouissons que la commission mixte paritaire ait rétabli la mention, introduite par le Sénat, des maisons de l’emploi, ou MDE, et des plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, les PLIE, au nombre des partenaires privilégiés pour l’application des conventions régionales favorisant la promotion des achats publics socialement responsables.

On peut également se féliciter que les membres de la commission mixte paritaire soient revenus sur certaines dispositions essentiellement incantatoires, dont les membres de l’Assemblée nationale sont – malheureusement – assez friands. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

Ainsi, l’article 10 sexies ne prévoit plus que le conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, la chambre française de l’économie sociale et solidaire et les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire « assurent une réflexion sur le financement des entreprises de l’économie sociale et solidaire ». Il dispose désormais que ces organes doivent assurer « un suivi de l’accès au financement » de ces entreprises, « en lien avec la Banque publique d’investissement », ce qui a une portée législative et un intérêt beaucoup plus évidents. Cette précision représente un vrai progrès, ainsi que l’a relevé M. le rapporteur.

En revanche, nous nous interrogeons encore sur la pertinence de l’article 40 AD, qui transforme le volontariat de service civique en un volontariat associatif, ouvert aux associations et aux fondations. Avec Yvon Collin, auteur de la loi du 10 mars 2010 relative au service civique, nous aurions préféré qu’un nouveau texte spécifique, tenant compte des propositions du président de l’Agence du service civique dans un rapport remis à la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports le 11 juillet dernier, comporte un ensemble de mesures cohérentes pour réformer le service civique, plutôt que de devoir voter cet article isolé, intégré subrepticement par les députés dans le présent projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, et dont nous ne comprenons pas véritablement l’intérêt.

Enfin, nous regrettons que la commission mixte paritaire n’ait pas retenu les dispositions adoptées par notre Haute Assemblée à l’article 44 ter, qui visaient à instaurer plus de transparence pour les financements publics perçus par les organismes privés gestionnaires d’établissements sociaux et médico-sociaux.

Cependant, le groupe du RDSE a contribué à enrichir ce projet de loi par l’adoption de nombreux amendements, qui ont été retenus par la commission mixte paritaire et figurent dans le texte que nous nous apprêtons à adopter.

Ainsi, Raymond Vall, président de la commission du développement durable, est à l’origine de l’article 50 bis, qui précise la définition du commerce équitable…

M. Marc Daunis, rapporteur. Très important !

M. Jean-Claude Requier. … et reconnaît, pour la première fois, à côté du commerce équitable Nord-Sud, avec les pays en voie de développement, le commerce équitable Nord-Nord.

Par ailleurs, nous serons très vigilants quant à l’application de l’article 14 bis et nous attendrons le rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement sur les unions d’économie sociale et solidaire. Nous souhaitons en effet parvenir rapidement à la mise en œuvre de ce type de groupement pour des structures de l’économie sociale et solidaire ayant des statuts juridiques différents ; il s’agit d’une attente forte des acteurs concernés.

Ainsi, conforté par les résultats de la commission mixte paritaire et conscient des grandes avancées contenues dans ce texte, le groupe du RDSE confirmera aujourd’hui son soutien unanime à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Marc Daunis, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je regrette de ne pouvoir m’exprimer avec l’accent ensoleillé du Sud, et de rompre ainsi avec les orateurs précédents ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas de votre faute, mon cher collègue !

M. Marc Daunis, rapporteur. Nul n’est parfait ! (Nouveaux sourires.)

M. Joël Labbé. Je suis du Sud, certes,… mais du sud de la Bretagne ! (Mêmes mouvements.)

Mes chers collègues, nous arrivons au terme du processus législatif suivi par le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire. C’est toujours une joie, pour nous, de voir le travail du Parlement aboutir enfin, même s’il n’est jamais tout à fait terminé ! Nous l’avons vu encore récemment : il est fondamental de veiller à la bonne application des lois que nous adoptons.

À ce titre, je dois vous faire part, madame la secrétaire d’État, d’une petite déception, relative au décret d’application de la disposition instaurant la mention « fait maison ». Les mouvements ayant eu lieu à la tête des ministères concernés peuvent peut-être contribuer à expliquer cela. Nous aurons certainement l’occasion d’en reparler dans les mois qui viennent.

J’en reviens au texte qui nous occupe. Le présent projet de loi consacre un principe puissant : la gestion démocratique d’une entreprise. Ce principe ne nuit pas à la rentabilité ; bien au contraire, il associe chaque membre à la rentabilité d’un projet, lequel n’est pas entièrement tourné vers le profit.

La recherche du profit est ici limitée à la pérennisation du projet. Si l’on souhaitait verser dans le lyrisme, on soutiendrait qu’il s’agit là d’un capitalisme qui a rouvert les yeux et qui a reconnu ses composantes essentielles, en défendant des valeurs humaines positives, en associant les salariés aux décisions de gestion de l’entreprise et en limitant les écarts salariaux entre la tête de l’entreprise et sa base.

Le Parlement octroie aujourd’hui à une branche de notre économie qui puise ses racines au XIXsiècle un véritable statut juridique et va en faciliter les financements. Ce faisant, il reconnaît un secteur créateur d’emplois non délocalisables, qui réinvestit ses bénéfices sur nos territoires, invente en permanence des modèles économiques nouveaux et fait preuve d’une créativité considérable.

Ainsi, le présent projet de loi améliore un point clé de notre économie en facilitant la reprise des entreprises par les salariés. Il est tellement dommage de voir disparaître chaque année, en France, 50 000 de nos entreprises, pourtant en bonne santé, faute de repreneurs !

On peut également se réjouir de la création des pôles territoriaux de coopération économique, qui associent des collectivités territoriales, des centres de recherche, des organismes de formation et des entreprises. La mutualisation des moyens ainsi rendue possible va contribuer à dynamiser le secteur.

Cette loi est un signe ; elle démontre qu’il existe un capitalisme responsable, tourné vers le bien-être social et environnemental de notre société, dense en emplois, résilient face aux crises économiques et vecteur d’une croissance positive et non destructrice, ce qui est devenu assez exceptionnel dans notre économie.

Il était temps de reconnaître ce secteur et de lui donner les moyens juridiques et financiers de son développement.

Il convient, au reste, de souligner l’apparition dans ce texte des notions de « monnaies locales complémentaires » et de « commerce équitable ».

Ce projet de loi, en somme, va nous permettre de nous rapprocher de nos objectifs de transformation de l’économie, qui doit se faire au profit de la relocalisation des productions de biens et de services, de la création culturelle, des services à la personne, des économies d’énergie, de l’agriculture et des systèmes de distribution de proximité. Tous ces secteurs ne demandent qu’à se développer, tout en recréant du lien social et une richesse partagée.

Comme aimait à le dire Benoît Hamon lorsqu’il était chargé de ces questions dans le précédent gouvernement, le présent texte aura aussi pour objectif de « polliniser » les autres secteurs de l’économie. De manière générale, prenons bien soin, mes chers collègues, des pollinisateurs en tout genre ! (Sourires.)

Une déception, toutefois : la mention des agences régionales de l’économie sociale et solidaire a été supprimée en commission mixte paritaire. Cette reconnaissance aurait ancré dans la loi un système permettant aux régions de contractualiser avec ces agences. Mais j’ai entendu vos explications sur ce point, monsieur le rapporteur.

Alors, bien sûr, nous aurions pu aller encore plus loin. Ce projet de loi est donc un point de départ. Il faudra veiller à sa mise en œuvre, naturellement, évaluer ses effets sur notre société et notre économie. Il faudra enfin, comme nous le faisons en permanence, y apporter les corrections rendues nécessaires par les évolutions de notre société.

Par conséquent, le groupe écologiste approuvera les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur les travées du RDSE.)

M. Marc Daunis, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre.

M. Jackie Pierre. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en achevant l’examen du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, nous allons enfin en terminer avec ce marathon législatif !

Un an après que le texte a été présenté en conseil des ministres, et neuf mois après que le Sénat l’a examiné en première lecture, nous voici réunis pour discuter des conclusions de la commission mixte paritaire.

Par un drôle de hasard, en effet, la procédure accélérée n’a pas été engagée pour ce projet de loi… Pourtant, au regard des autres textes que le Gouvernement a soumis à notre examen, il était sans doute celui pour lequel le recours à la procédure d’urgence aurait été le plus pertinent.

J’en viens maintenant au fond. Nous n’étions pas hostiles par principe à une batterie de mesures visant à simplifier le cadre légal de l’économie sociale et solidaire, où évoluent indifféremment entreprises, mutuelles, coopératives, fondations ou associations.

En toute logique, le Gouvernement et la majorité ont identifié dans le secteur de l’économie sociale et solidaire un formidable vivier d’emplois. En effet, ce secteur représente environ 10 % du produit intérieur brut et emploie entre 2 et 2,5 millions de salariés, selon les nomenclatures retenues.

Jusque-là, nous étions d’accord. Malheureusement, au mépris de son « choc de simplification » et autre « pacte de responsabilité », le Gouvernement a redoublé de sophistication législative pour accoucher de dispositifs qui, dans le meilleur des cas, se singulariseront par leur lourdeur, et qui, le reste du temps, fragiliseront l’ensemble de nos entreprises.

Mais je suis peut-être trop dur avec le gouvernement actuel !

M. Jackie Pierre. Il est vrai que ce texte a été élaboré, et qu’une partie substantielle de ses dispositions ont été adoptées conformes, sous l’empire du gouvernement de Jean-Marc Ayrault.

En effet, Michel Bécot a eu l’occasion de le souligner en deuxième lecture, l’examen de ce texte prend une saveur toute particulière à l’aune du fameux virage économique de la gauche française et, à en croire les nombreux experts, de notre vie économique et politique. Ces experts ont salué le symbole représenté par le « choc de simplification » ou encore par le « pacte de responsabilité », notamment le plan de 50 milliards d’euros visant à relancer la compétitivité de nos entreprises.

Néanmoins, ces observateurs avisés de la vie politique française ont oublié que, derrière le décorum des conférences de presse, se cache une réalité législative tout autre.

À mille lieues de la prise de conscience sociale-libérale que nous offre à voir le Gouvernement, les textes que le Gouvernement et la majorité soumettent à notre examen, qu’il s’agisse du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dit ALUR, des projets de loi relatifs à la consommation ou à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, ne cessent de consacrer la fin de certaines exonérations, des cotisations sociales minimales, ou font, c’est le cas du dispositif prévu pour l’économie sociale et solidaire, ostensiblement l’impasse sur les entreprises.

À l’instar des textes que je viens d’énumérer, le présent projet de loi comporte bon nombre de dispositions qui ne se situent que dans le registre symbolique : elles visent à marquer l’opinion et à démontrer que le Gouvernement est animé par la bonne volonté. Malheureusement, mes chers collègues, les bons sentiments ne font pas toujours les bonnes lois !

Le meilleur exemple de ces dispositions d’affichage destinées à contenter l’opinion, mais dont l’application reste une énigme, est sans doute le nouveau droit d’information préalable, instauré par les articles 11 et 12, qui vise à permettre aux salariés de présenter une offre de rachat. Au motif de la lutte contre les abandons d’entreprise, intention par ailleurs parfaitement louable, on invente un ovni législatif, d’une complexité et d’une insécurité juridique sans nom, qui va faire peser une chape de plomb sur toutes les cessions d’entreprise !

Nous l’avons signalé en deuxième lecture, la rédaction adoptée en définitive est un peu plus sage que la version initiale, qui prévoyait que la cession d’une participation par son propriétaire ne pouvait intervenir « avant l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la notification qu’il fait à la société de son intention de vendre ». La version actuelle, adoptée par le Sénat en première lecture, dispose désormais : « Lorsque le propriétaire d’une participation représentant plus de 50 % des parts sociales d’une société à responsabilité limitée ou d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions veut les céder, les salariés en sont informés. »

Encore une fois, l’intention est louable. Chacun a en tête les démantèlements de sites de production qui se sont faits au mépris des salariés ; chacun sait que tous ces emplois ont été irrémédiablement perdus. Pour autant, une chose est sûre, avec ce dispositif d’information préalable des salariés, qui vise à leur permettre de présenter une offre de rachat, le remède est pire que le mal !

Je m’explique, en ayant recours au même raisonnement que mes collègues Gérard César et Michel Bécot.

Le texte initial prévoyait que la cession ne pouvait avoir lieu dans un délai de deux mois après que le propriétaire avait notifié son intention de vendre.

Aujourd’hui, le dispositif ne fait plus état de ce délai incertain, et se limite à l’information des salariés lorsque le propriétaire a l’intention de vendre. Comme le disait Michel Bécot, nous sommes passés de l’« intention de vendre » à la « volonté de vendre ».

Aussi, et ce constat n’a pas échappé à ceux qui ont eu l’occasion d’étudier votre texte en profondeur, madame la secrétaire d’État, votre dispositif ne peut être sauvé par un surplus de précautions rédactionnelles, car il ne peut pas épouser une réalité économique avec précision.

Pour ces raisons, le groupe UMP s’est fermement opposé aux articles 11 et 12, qui mettront inéluctablement en difficulté les entreprises, en les exposant à des tentatives de déstabilisation, ce qui aura pour conséquence de les rendre moins attractives pour les repreneurs étrangers, lesquels, dans leur grande majorité, soutiennent les vrais projets industriels.

Bien sûr, je regrette qu’un vote conforme nous ait empêchés de poursuivre notre travail en deuxième lecture. Pour autant, si nous sommes, depuis la première lecture, dans l’incapacité de poursuivre l’examen de ces articles, pour cause de vote conforme, les dispositions en question sont suffisamment importantes pour que j’y consacre une partie substantielle de mon intervention.

Ces articles soulèvent des interrogations liées à leur constitutionnalité. Tout d’abord, un parallèle doit être établi entre leurs dispositions et la loi visant à reconquérir l’économie réelle du 29 mars 2014, qui comporte, en son article 1er, des mesures relatives à l’information du comité d’entreprise au cas où la fermeture d’un établissement serait envisagée. Dans sa décision 2014-369 DC du 27 mars 2014, le juge constitutionnel a posé une réserve d’interprétation très claire, qui laisse entrevoir que la rédaction actuelle des articles 11 et 12 de ce projet de loi est imprécise, voire défaillante.

Ensuite, un rapport distant apparaît clairement entre les dispositions relatives à l’obligation d’information préalable des salariés dans le cadre du rachat d’une entreprise et l’objectif d’intérêt général défini par la loi. Force est en effet d’admettre que l’annulation d’une vente à la demande d’un salarié pour non-respect d’une obligation légale d’information peut entraîner une situation de déstabilisation de l’entreprise préjudiciable à l’emploi.

Enfin, des atteintes portées à la liberté d’entreprendre et au principe de proportionnalité des sanctions sont à souligner, l’annulation d’une vente pouvant entraîner un préjudice grave pour l’entreprise et le maintien de son activité. Pour cette raison, ces mesures peuvent être assimilées à une punition disproportionnée.

Par courtoisie, je noterai tout de même quelques timides avancées concernant les articles 15 à 18 relatifs à la simplification du rachat des parts sociales au sein des SCOP, ainsi que les articles 19 et 20, qui permettront aux SCOP et aux SCIC – il s’agit de dispositions de bon sens – d’adopter le statut de société par actions simplifiée, ou SAS.

Nous souscrivons également à l’article 23 sur la promotion des mécanismes de solidarité financière entre coopératives.

Nous soutenons enfin les dispositions des articles 24, 24 bis et 25 sur les coopératives de commerçants, ainsi que l’article 26, qui doit permettre la constitution d’une coopérative sous forme de SARL à capital variable entre au moins quatre associés.

Malheureusement, la somme de ces dispositions ne nous fait pas oublier très longtemps le reste du texte, et notamment les articles 1er et 7 sur la détermination du champ de l’économie sociale et solidaire et les modalités d’obtention de l’agrément.

Comme pour l’information préalable des salariés, vous convertissez de bonnes intentions en un dispositif inintelligible, qui freinera le développement des entreprises. En effet, votre définition de l’économie sociale et solidaire aura pour conséquence directe l’exclusion des entreprises.

Pourtant, votre projet de loi portait une belle promesse, celle de créer un cadre légal et fiscal plus avantageux pour les entreprises de ce secteur, qui, si elles n’échappent pas aux contingences d’une activité à but lucratif, poursuivent également une finalité sociale indéniable.

Par ailleurs, l’économie sociale et solidaire, contrairement aux apparences, n’a pas été épargnée par la crise économique. En effet, si nous n’avons pas assisté à un recul de son activité, nous observons un tassement des heures rémunérées.

Pour ces raisons, nous attendions beaucoup des dispositions de ce texte. Malheureusement, force est de constater que nous en attendions peut-être trop.

Je ne m’attarderai pas sur l’architecture du projet de loi, dont nous contestons l’inutile sophistication. Par exemple, vous faites dépendre le bénéfice des dispositifs de soutien fiscal dits « ISF-PME » et « Madelin » ou les prêts de la BPI de l’obtention de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale », introduit par l’article 7, alors que cet agrément nécessite lui-même que l’on entre dans le champ de l’économie sociale et solidaire défini à l’article 1er.

Tout cela n’a rien de simple, surtout si l’on ajoute la reconnaissance de l’utilité sociale prévue à l’article 2, dont la valeur ajoutée confine au mystère…

Mais, au-delà de cette inintelligibilité, ces articles 1er et 7 auront pour fâcheuse conséquence d’exclure les entreprises, notamment les entreprises de services à la personne, du champ de l’économie sociale et solidaire et, si tel n’est pas le cas, de l’agrément. (M. le rapporteur s’exclame.)

Pourquoi cette sanctuarisation est-elle réservée aux seules associations, coopératives ou fondations ? Au risque de ne pas vous surprendre, je reprendrai encore à mon compte les démonstrations de mes collègues Gérard César et Michel Bécot.

Les sociétés commerciales souhaitant intégrer l’économie sociale et solidaire devront supporter le prélèvement d’une fraction au moins égale à 20 % des bénéfices de l’exercice, affecté à la constitution d’une réserve statutaire obligatoire, dite « fonds de développement », ainsi que le prélèvement d’une fraction au moins égale à 50 % des bénéfices, affecté au report bénéficiaire ainsi qu’aux réserves obligatoires. Elles se verront enfin interdire le rachat d’actions ou de parts sociales.

À tout cela s’ajoute l’impératif de poursuivre un « but autre que le seul partage des bénéfices ».

À titre de comparaison, les réserves légales d’une entreprise, seule réserve obligatoire par défaut, s’élèvent à 5 % du bénéfice de l’exercice, diminué de l’éventuel report à nouveau débiteur.

Comme mes collègues l’ont dit avant moi, votre définition de l’économie sociale et solidaire est à mille lieues non seulement de la définition de l’entrepreneuriat social présentée à la fin de 2011 à l’occasion de l’Initiative pour l’entrepreneuriat social prise par la Commission européenne, mais aussi de celle du Centre d’analyse stratégique, selon lequel « les entrepreneurs sociaux cherchent à conjuguer efficacité économique et finalité sociale ».

Pour clore mon analyse de ces articles 1er et 7, j’évoquerai d’un mot l’obtention de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale ».

L’une des conditions pour l’obtention de cet agrément est que l’entreprise apporte la preuve que « la charge induite par son objectif d’utilité sociale a un impact significatif sur le compte de résultat ou la rentabilité financière de l’entreprise ». Quelle est donc la portée normative de cette disposition ?

Pour conclure, la cohabitation des articles 1er et 7 ne laisse que de minces espoirs aux entrepreneurs d’intégrer l’économie sociale et solidaire et de bénéficier d’aides fiscales particulièrement attendues.

Non seulement l’article 7 manque sa cible, mais il risque de surcroît de créer une distorsion de concurrence au détriment des sociétés commerciales évoluant dans le secteur des services à la personne, car celles-ci seront privées du soutien fiscal dont d’autres organisations, comme les associations ou organismes d’insertion, pourront bénéficier.

M. Marc Daunis, rapporteur. Il y a le CICE, tout de même !

M. Jackie Pierre. Voilà donc comment, en partant des meilleures intentions du monde, on met des barrières au développement d’un secteur qui se trouve être l’un de nos rares viviers d’emplois certains !

Pour conclure, le groupe UMP identifie donc deux erreurs majeures dans ce projet de loi : d’abord, cette sanctuarisation de l’économie sociale et solidaire ; ensuite, le dispositif d’information préalable des salariés dans le cadre d’une cession, qui créera une incertitude supplémentaire en cas de départ de l’actionnaire principal.

Pour ces raisons, et comme lors des lectures précédentes, le groupe UMP votera contre ce projet de loi. (M. Gérard César applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de débuter l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, je souhaitais remercier le rapporteur et le président de la commission des affaires économiques de leur travail sur ce texte, travail qui a commencé voilà près d’un an. En effet, alors que ce projet de loi a été examiné par le conseil des ministres du 24 juillet 2013, il achève son parcours législatif seulement aujourd’hui.

Soulignons-le, le Gouvernement n’a pas, pour une fois, engagé la procédure accélérée, ce qui est une bonne chose. Certes, une telle situation a pour conséquence d’allonger les débats, mais, surtout, elle permet de meilleurs échanges entre les deux chambres, ainsi qu’avec le Gouvernement, et ce jusqu’à la réunion de la commission mixte paritaire.

Je ne peux que vous encourager, madame la secrétaire d’État, à faire toute la publicité que mérite cette bonne pratique auprès de vos collègues du Gouvernement, qui sont souvent tentés de faire passer en force leur projet de loi, notamment au sein de la Haute Assemblée.

Revenons-en au fond du texte. Je me ferai ici la voix de mes collègues Henri Tandonnet et Valérie Létard, qui ont suivi plus particulièrement ce projet de loi.

L’économie sociale et solidaire ouvre de nombreuses perspectives s’agissant de notre économie en général, de la vitalité de nos territoires et des secteurs qui ne répondent pas aux règles classiques de l’économie de marché.

Notre groupe a toujours porté les politiques favorisant l’économie sociale et solidaire. Notre collègue député centriste Francis Vercamer a d’ailleurs posé une première pierre importante à l’édifice, avec le rapport qu’il avait remis en 2010 au Premier ministre de l’époque. Nous partageons totalement l’état des lieux qu’il avait dressé, ainsi que les orientations proposées.

Nous ne pouvons qu’être très favorables à la progression de l’économie sociale et solidaire, avec son insertion au sein des politiques publiques, mais aussi moyennant une visibilité meilleure qu’elle doit aujourd’hui gagner.

L’économie sociale et solidaire représente une formidable source d’emplois et de créations d’entreprises, que nous ne devons pas négliger, notamment ici, dans la chambre représentant les territoires. Nous devons prendre en compte le rôle de l’économie sociale et solidaire dans l’animation de ces territoires.

Certaines dispositions de ce texte vont dans ce sens et accompagnent une dynamique intéressante. Je pense, par exemple, à la création d’un statut de SCOP d’amorçage, permettant aux salariés d’être minoritaires dans le capital de l’entreprise pendant sept ans au maximum, le temps de réunir progressivement les fonds pour devenir majoritaires.

C’est dans cet esprit positif et bienveillant, madame la secrétaire d’État, que nous avons abordé l’examen de ce projet de loi tout au long de ses différentes lectures.

Nous avons essayé de proposer des modifications qui nous semblaient aller dans le bon sens. Sur quelques-unes de nos propositions, mais trop peu, nous avons été entendus, notamment s’agissant des CUMA.

Hier, au cours de la réunion de la commission mixte paritaire, l’article 44 quater sur la minorité associative a été supprimé. Nous nous en réjouissons, car elle ouvrait un champ de responsabilité beaucoup trop important pour des enfants encore mineurs.

De même, la suppression de l’article 40 AFA a été maintenue au profit d’une mesure contenue dans le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes. Je compte sur vous, madame la secrétaire d’État, pour qu’une telle situation perdure, afin que les organismes touchés ne soient pas pénalisés. Nous avons tous été saisis par les centres anti-cancéreux. Nous ne pouvons pas les pénaliser budgétairement par la question du versement transport.

J’en viens aux fameux articles 11 et 12, que nous n’avons pas examinés au-delà de la première lecture, car ils ont été rapidement adoptés conformes.

Avant tout, je dois dire qu’ils n’auraient pas dû figurer dans ce texte, qui n’en aurait ainsi pas moins été relatif à l’économie sociale et solidaire. Pour ma part, j’estime que les dispositions relatives à l’information des salariés en cas de cession d’entreprise ne relèvent pas du domaine de l’économie sociale et solidaire ; il s’agit de mesures d’organisation de l’économie générale.

Sur ces deux articles, nous avions formulé en première lecture des propositions mesurées visant non pas à annihiler les effets des dispositions proposées, mais bien à les adapter à la réalité des entreprises. Nous n’avons pas été entendus, ce que je regrette, car ces articles transforment ce texte d’espérance économique.

Concernant la transmission d’entreprises, nous ne sommes pas sectaires et faisons confiance aux salariés. Néanmoins, vous ne pouvez pas faire comme si les dirigeants des TPE et des PME n’avaient pas exprimé leur crainte. En effet, loin de les rassurer, cette obligation supplémentaire d’information préalable aux salariés peut contribuer à engendrer l’effet inverse de celui qui est recherché, en créant un climat anxiogène tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise.

Par ailleurs, très sensibles à la question de l’insertion par l’activité économique, nous sommes favorables à un Social Business Act, qui devrait être associé, selon nous, à un Small Business Act permettant à toutes les PME françaises de bénéficier de parts de marchés publics.

M. Marc Daunis, rapporteur. C’est vrai !

Mme Françoise Férat. Ces propositions restent d’actualité pour un prochain projet de loi…

En conclusion, et compte tenu des deux volets opposés du texte, le groupe UDI-UC s’abstiendra sur l’ensemble de ce projet de loi.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Encore un petit effort…

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire a suscité beaucoup d’espoirs lorsqu’il a été présenté à l’automne dernier au Sénat.

Nous y avons vu l’occasion de consacrer les principes fondateurs de la démocratie, de la solidarité et de la non-lucrativité, et avons fait des propositions afin de renforcer ce modèle économique alternatif, qui représente 200 000 structures et 2,4 millions de salariés.

Alors que nos citoyens sont de plus en plus exposés à la précarité, au chômage et au recul des services publics et qu’ils renoncent à des droits tout aussi fondamentaux que le droit à l’énergie, à la culture ou aux vacances, la dynamique sociale et économique de l’économie sociale et solidaire est un atout majeur pour notre pays.

Avec le présent projet de loi, le Gouvernement a choisi d’adopter une démarche inclusive et fait le pari de parvenir à convertir des acteurs de l’économie dite « traditionnelle » aux valeurs de cette économie sociale et solidaire.

De notre côté, nous avons discuté cette approche et fait le choix de l’encadrer autant que possible.

Au cours du travail parlementaire, nous avons proposé des amendements qui ont été adoptés, permettant d’apporter des garde-fous : gouvernance démocratique, renforcement des réserves statutaires, inclusion des primes dans le calcul de l’écart des rémunérations.

Nous avons voté des dispositions positives, comme le guide de bonne pratique, l’inscription de l’exemplarité sociale, la révision coopérative, la définition de la subvention, la reconnaissance des monnaies locales.

Nous avons aussi, il faut le dire, émis des réserves sur certaines mesures, notamment l’agrément de plein droit, dont nous avons demandé la suppression, mais sans succès.

Nous avons également voté contre certains articles qui nous semblaient entrer en contradiction avec les principes fondateurs de l’économie sociale et solidaire. Je pense ici aux certificats mutualistes, à la disparition des prérogatives des sociétaires pour fixer le montant et le taux des cotisations des mutuelles ou encore aux articles relatifs aux fondations et fonds de dotations qui, selon nous, n’auraient pas dû entrer dans ce texte.

Il aurait été en revanche nécessaire de renforcer les contre-pouvoirs des salariés et des sociétaires, notamment dans les banques coopératives, les très grandes mutuelles, les grandes coopératives agricoles et les grandes associations de santé.

En outre, les articles 11 et 12 sont très en deçà des annonces du Président de la République, car ils n’instaurent absolument pas un droit de rachat prioritaire au profit des salariés, dès lors que ceux-ci souhaitent reprendre leur entreprise sous forme de coopérative. Seul un devoir d’information est prévu, avec un délai très bref, et il ne sera sans doute pas de nature, dans des situations tendues, à garantir l’exercice de ce nouveau droit par les salariés.

Toutefois, face aux velléités affichées par une certaine partie du patronat et par la droite dès qu’il s’agit de reconnaître de tels droits – je pense ici au recours devant le Conseil constitutionnel, qui a eu pour conséquence de vider encore davantage de ses exigences la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, dite « loi Florange » –, nous avons pris la responsabilité de soutenir, malgré ses faiblesses, le texte du Gouvernement.

Au regard de toutes ces remarques, les sénateurs du groupe CRC voteront ce projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire.

Cependant, si le Gouvernement souhaite réellement encourager un modèle économique plus juste, respectueux de la démocratie sociale, il doit également changer de cap dans la politique qu’il met en œuvre, plus généralement, dans le pays. Il est effectivement illusoire et irresponsable de croire à l’efficacité de l’austérité budgétaire, des exonérations de cotisations fiscales et des cadeaux fiscaux comme outils de relance de l’économie et de l’emploi.

Soyons clairs : dans le contexte économique actuel, le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire ne garantit en aucune manière la localisation des emplois et de l’activité économique, pas plus que la protection de tout ce qui permet à l’entreprise de vivre, notamment s’agissant des titres de propriété intellectuelle, des brevets et des marques.

Ayons à l’esprit l’affaire de la société Smart Equipment Technology, la SET. Cette entreprise a finalement été reprise sous la forme d’une SCOP, alors même que le tribunal de commerce d’Annecy avait statué en faveur d’une autre offre de reprise, émise par un groupe américano-singapourien. La cour d’appel a donné la priorité au repreneur qui assurait «, à terme, le maintien du savoir-faire et des emplois sur le territoire national ». C’est à ce résultat qu’il aurait fallu aboutir dans la loi, pour permettre réellement l’ancrage territorial des activités économiques et, surtout, éviter que les savoir-faire et l’innovation ne soient pillés.

C’est pourquoi nous appelons de nos vœux l’organisation en urgence d’une veille, afin que plus une entreprise saine ne ferme faute de repreneur et que les salariés soient associés et aidés dans la reprise de leur outil de travail. Il s’agit là d’une question d’intérêt national, d’une mesure en faveur de tous.

En outre, l’utilisation de l’argent déposé dans les agences des banques locales pour des projets de développement utiles au territoire local devrait être l’une des préoccupations centrales du Gouvernement, la frilosité actuelle des banques ne contribuant pas à la relance de multiples projets porteurs d’emplois. Nous demandons également une remise à plat du code des marchés publics, afin d’inclure plus fortement les clauses sociales et environnementales dans les procédures d’appels d’offres.

Madame la secrétaire d’État, l’économie sociale et solidaire est née en réaction aux violences sociales. Elle s’est nourrie des expériences citoyennes solidaires et innovantes. Soyons vigilants et évitons qu’elle ne soit dévoyée et noyée dans une forme d’organisation économique qu’elle dénonce. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, alors que nous clôturons ce travail parlementaire, je souhaiterais me féliciter de la manière dont le présent projet de loi, qui revêt une grande importance, a été préparé.

Je tiens tout d’abord à saluer le travail des différents ministres et secrétaires d’État, qui, en amont de l’examen du texte ou pendant le débat parlementaire, se sont attachés à consulter régulièrement et très largement les différents acteurs.

Permettez-moi également de souligner le rôle du Conseil économique, social et environnemental, le CESE, dans la préparation de l’examen de ce projet de loi. Quand certains passent leur temps à imaginer la disparition de différentes institutions, on voit bien ici, dans le cadre d’un exercice exigeant un travail un tant soit peu sérieux pour permettre la construction d’outils législatifs durables, à quel point la contribution du CESE et, en l’occurrence, de ses deux rapporteurs – MM. Patrick Lenancker et Jean-Marc Roirant – a été essentielle.

Enfin, j’adresse des salutations toutes particulières aux rapporteurs, notamment à notre rapporteur au Sénat, Marc Daunis, qui a toujours su rechercher le compromis, tout en restant déterminé à faire prévaloir les principes de l’économie sociale et solidaire. Notre collègue, me semble-t-il, n’est pas pour rien dans la qualité de ce travail !

Je n’oublie pas le président de notre commission des affaires économiques, M. Daniel Raoul, toujours présent quand il devient nécessaire de trouver les bons arbitrages. Son autorité bienveillante, mais vigilante, a notamment joué un rôle non négligeable dans les ultimes décisions prises en commission mixte paritaire.

Cette loi, qui offre un cadre législatif majeur et durable, fera date, mes chers collègues, parce qu’elle permet de bien définir les principes, sans les enfermer à l’excès, mais sans ouvrir la boîte de Pandore du social bashing, pour reprendre les termes anglo-saxons que l’on emploie de nos jours. Oui, cette loi fera date parce qu’elle permet de reconnaître l’économie sociale et solidaire, de la consolider et la développer, et, enfin, d’en élargir le champ, le tout visant à lui faire passer le cap du XXIe siècle.

À cet égard, il convient de rappeler que l’économie sociale et solidaire n’est pas née de rien. Permettez-moi ainsi, puisque la prochaine célébration du centenaire de sa mort m’autorise à le faire, d’évoquer le souvenir ému de Jean Jaurès, l’un de nos grands utopistes, porteur du mouvement coopératif, qui s’était impliqué dans la réussite de ce que l’on nomme parfois la Verrerie de Carmaux – lui-même étant originaire de Carmaux –, mais qui devait devenir la Verrerie ouvrière d’Albi.

Votre accent, madame la secrétaire d’État, témoigne de votre proximité avec ces territoires, mais aussi, je le sais, avec les valeurs dont il est question ici et que vous défendez !

Il a donc fallu des utopistes, des visionnaires capables de s’extraire de la dureté de l’époque – parce que les temps étaient durs, alors – pour se projeter dans l’avenir avec confiance, mais sans perdre leur lucidité quant à la réalité économique. Il n’a pas été facile pour Jaurès de convaincre les verriers de Carmaux que l’usine n’était pas viable si elle restait dans la commune et qu’il fallait l’installer à Albi pour qu’elle le soit. Cet épisode montre comment, dès le début, il a fallu articuler l’ambition, l’utopie, l’esprit révolutionnaire, comme on le disait à l’époque, et l’action réformiste, la capacité à transformer la réalité au quotidien.

Au-delà de tout ce qui a été dit par les uns et les autres, par vous-même, madame la secrétaire d’État, et ce tout à fait excellemment, et par notre rapporteur, l’économie sociale et solidaire, c’est aussi cette rencontre permanente entre, d’un côté, l’utopie et la projection vers l’avenir, de l’autre, l’immédiateté, les problèmes à résoudre, l’ici et maintenant.

M. Marc Daunis, rapporteur. Très juste !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Votre texte, qui est devenu le nôtre après le travail parlementaire accompli, tente précisément de concilier ce double objectif.

Il permet tout d’abord une reconnaissance de l’économie sociale et solidaire, de son poids économique, déjà évoqué à de nombreuses reprises, mais aussi de son poids social, tant pour ce qui est de l’emploi que pour la place occupée par cette économie dans le secteur médico-social, par exemple, ou que pour sa contribution au développement d’un esprit de solidarité.

Sur ce chapitre, je mentionnerai tout de même deux éléments qui demeurent extrêmement modernes : la mutualisation – mutualiser plutôt que s’assurer individuellement – et la coopération – coopérer plutôt que porter au pinacle, en permanence, la compétition à tout crin et l’écrasement du plus faible.

Au-delà de ce poids économique et social, la vie associative apporte aussi une contribution importante par l’implication citoyenne qu’elle suppose. L’initiative n’est pas uniquement de nature économique ; elle est aussi citoyenne, ce qui consacre l’émergence d’une société d’initiative. Il me semble que la deuxième lecture, où il a été abondamment question des associations, a justement permis de renforcer nos dispositifs en la matière.

Enfin, des champs nouveaux apparaissent. Peut-être sont-ils un peu épars, mais ils sont autant de graines de modernité. Je veux parler de la transition énergétique, du développement territorial local – ce que l’on appelle « l’économie circulaire » –, ou encore de nouvelles pratiques telles que le recours aux monnaies complémentaires ou le commerce équitable.

Mais ce projet de loi tend aussi à reconnaître les acteurs de l’économie sociale et solidaire et je voudrais, à cet égard, souligner quelques points qui nous paraissent importants.

Bien sûr, cette économie sociale et solidaire s’incarne dans des structures très diverses – coopératives, associations, fondations, mutuelles – qu’il convient de reconnaître. Mais il y a aussi cette idée de création d’une chambre française de l’économie sociale et solidaire, assurant une représentation nationale des acteurs et venant compléter l’action du conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, ainsi que le maillage indispensable par les CRESS.

C’est l’un des débats qui ont occupé la commission mixte paritaire : comment reconnaître les acteurs déjà présents, notamment lorsqu’ils sont organisés en réseaux, et les initiatives existantes, qui, à l’image des agences régionales, sont souvent efficaces, tout en admettant que le temps est venu de constituer un véritable maillage du territoire au travers des CRESS et en confiant à ces instances des missions particulières ? Il était important, me semble-t-il, de franchir cette étape et de mieux garantir la représentation régionale et nationale.

Sous cet angle, je me réjouis de l’introduction, en commission mixte paritaire, d’un amendement tendant à prévoir que les instances de l’économie sociale et solidaire, en particulier le conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, s’attacheront à assurer un suivi de l’accès au financement des entreprises du secteur. (M. le président de la commission des affaires économiques acquiesce.)

M. Marc Daunis, rapporteur. Oui, en liaison avec la BPI !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’allais le préciser, monsieur le rapporteur !

En effet, nous examinons aujourd'hui un projet de loi-cadre, et non un projet de loi de finances. Ce n’est donc pas le bon véhicule pour traiter de problèmes de financement, ce qui m’emmène à rappeler au passage, j'y reviendrai, la nécessité de trouver des solutions en matière de versement transport. On sait quelle était l’intention du législateur et, même si l’on peut comprendre que les propositions avancées aient été considérées comme des cavaliers législatifs dans un texte n’étant pas de nature financière, il est impératif, madame la secrétaire d’État, de résoudre le problème qui se pose.

Quoi qu’il en soit, il est clairement indiqué, dans le présent projet de loi, que les instances de l’économie sociale et solidaire devront suivre l’accès aux financements et, en particulier, l’engagement de la BPI. C’est l’un des outils, je le rappelle, que le Gouvernement a souhaité mobiliser à cet effet et il ne faudrait pas que, pour des raisons techniques diverses et variées, les crédits retenus dans ce cadre ne soient pas consommés.

Le Haut Conseil à la vie associative bénéficie aussi d’une forme de reconnaissance, puisqu’il est institutionnalisé, ce qui représente une nouvelle étape dans son développement.

J’ai également indiqué que ce texte tendait à consolider et développer l’économie sociale et solidaire. Je ne reprendrai pas toutes les mesures concernant ce chapitre, car, à cette étape du travail parlementaire, il me semble nécessaire de m’en tenir aux points vraiment novateurs, saillants, à tous ces champs qui, contrairement à des mesures tout à fait indispensables aux coopératives, mutuelles, associations, mais relevant plutôt de l’adaptation, sont des champs nouveaux, en phase d’ouverture.

Je pense, par exemple, aux SCOP d’amorçage, qui sont parfaitement novatrices. Cet outil,…

M. Marc Daunis, rapporteur. Majeur !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … qui a fonctionné dans d’autres pays, peut être extrêmement utile quand l’emploi est menacé, quand il est nécessaire de reprendre une entreprise. Or cette dynamique de la reprise et de la transmission d’entreprises constitue tout de même l’un des piliers du projet de loi.

Je me réjouis, même si j’étais plus ambitieuse quant à la forme de cette mesure, de cette première étape que nous franchissons et de ce dispositif qu’il faut désormais faire vivre.

Toutes les dispositions concernant l’information des salariés en vue de la transmission ou la reprise des entreprises sont essentielles. Oui, nous parlons bien d’économie sociale quand nous affirmons que les salariés ne cessent jamais d’être des acteurs de leur entreprise, que la forme coopérative ou associative propre à l’économie sociale n’est qu’une modalité particulière de participation des salariés, que la pollinisation souhaitée par M. Benoît Hamon passe aussi par la reconnaissance du droit du salarié à dire son mot sur l’avenir de sa société ! S’il veut envisager une reprise coopérative, il doit en outre être bien informé et disposer des outils nécessaires.

Nous avons également débattu des CUMA avec nos collègues de l’Assemblée nationale et nous avons, selon moi, trouvé un équilibre. Bien sûr, le recours à une CUMA ne doit pas être une façon de contrarier le développement de PME pour toute une série de services. Pour autant, la structure est indispensable à un certain nombre de territoires et d’élus, et le cadre me paraît raisonnable. Je félicite donc notre rapporteur pour l’équilibre trouvé dans le texte final.

Enfin, un élément nouveau, mais il ne l’est pas totalement, est à mentionner en ce qui concerne les associations : la reconnaissance des subventions. Le fait de la subvention n’est effectivement pas nouveau, mais il était menacé par les règles européennes, en tout cas par l’incertitude née de leur application en France. La subvention, essentielle pour la survie de nos associations, est ici consolidée.

Nous avons beaucoup débattu de la place des jeunes dans les associations : comme l’a dit Marc Daunis, leur implication dans la vie associative est essentielle.

M. Marc Daunis, rapporteur. Tout à fait !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour ma part, je pense même que les juniors associations, notamment, sont une voie d’avenir, comme autrefois les coopératives de jeunes, sur laquelle il nous faut réfléchir.

Pour autant, la réponse législative, qui ne peut pas s’exonérer de la question de la responsabilité, ne pouvait pas être formulée dans les termes que j’ai rappelés. Nous avons donc procédé à certaines suppressions, mais ce travail est encore devant nous.

En conclusion – le temps de parole qui m’était imparti étant dépassé –, je reprendrai certains des propos que j’avais tenus lors de la deuxième lecture.

Notre République est particulière parce qu’elle essaie d’allier en permanence trois termes : la liberté – l’individu, l’initiative personnelle –, l’égalité – toujours veiller à faire primer l’intérêt général afin de garantir l’égalité des droits et des citoyens – et la fraternité – coopérer, respecter l’autre, considérer que personne ne doit dominer son prochain, son alter ego, son compatriote. Il me semble que l’on retrouve dans l’économie sociale et solidaire une façon d’introduire dans la vie citoyenne et dans la vie économique ces fondamentaux de notre République.

Ce texte donne les moyens d’agir. Il reste à le faire vivre, et c’est essentiel. Je souhaite que les acteurs de l’économie sociale s’en saisissent. Je forme aussi le vœu, madame la secrétaire d'État, que le Gouvernement donne à ce secteur les crédits nécessaires et que le Parlement les vote afin de donner tout son sens à ce beau texte. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord me féliciter de ce que cette ultime lecture au Sénat marque la fin d’une période d’intenses travaux pour chacune et chacun d’entre vous.

J’aimerais également saluer le travail accompli au sein du Gouvernement, qui résulte de l’effort de plusieurs de mes prédécesseurs. Je pense, bien sûr, à Benoît Hamon, qui a été l’initiateur de ce texte. Je pense également, et avec émotion, à Valérie Fourneyron, qui s’est beaucoup investie pour défendre ce projet de loi, ce qu’elle a fait avec talent. Je retrouve dans cet effort commun l’esprit du rugby, qui nous est cher. (Exclamations amusées sur certaines travées du groupe socialiste.)

Je conclurai par une très belle citation de Jean Jaurès, qui est parfois tronqué, mais que je me permets de lire en entier, car elle peut s’appliquer à l’économie sociale et solidaire mais aussi à ce que vit la France : « Le courage, c’est de comprendre sa propre vie. Le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille. Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel. Le courage, c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelles récompenses réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. »

Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’espère bien que notre effort sera récompensé !

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Nous devons être courageux, nous devons être solidaires, pour que la France se redresse et que l’économie sociale et solidaire puisse s’épanouir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. Marc Daunis, rapporteur. Bravo !

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, d’une part, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; d’autre part, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue d’abord sur les amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.

Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :

projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire

TITRE IER

DISPOSITIONS COMMUNES

Chapitre Ier

Principes et champ de l’économie sociale et solidaire

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Chapitre II

Organisation et promotion de l’économie sociale et solidaire

Section 1

Le conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Article 4

Article 3

(Texte de l’Assemblée nationale)

I. – Le conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, chargé d’assurer le dialogue entre les acteurs de l’économie sociale et solidaire et les pouvoirs publics nationaux et européens, est placé auprès du Premier ministre et présidé par le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire.

II. – Le conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire est consulté sur tous les projets de dispositions législatives et réglementaires communes à l’économie sociale et solidaire ainsi que sur les projets de dispositions relatives à l’entrepreneuriat social. Il veille à améliorer l’articulation entre les réglementations et les représentations assurées par l’économie sociale et solidaire à l’échelon national et à l’échelon européen. Il publie tous les trois ans un rapport sur l’évolution de la prise en compte de l’économie sociale et solidaire dans le droit de l’Union européenne et ses politiques. Il peut également se saisir de toute question relative à l’économie sociale et solidaire, en particulier de tout projet de directive ou de règlement européens la concernant.

II bis. – Le conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire contribue à la définition, tous les trois ans, d’une stratégie nationale de développement de l’économie sociale et solidaire.

II ter. – Le conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire définit une stratégie tendant à : 

1° Promouvoir l’économie sociale et solidaire auprès des jeunes, notamment dans le cadre du service public de l’éducation ;

2° Aider les jeunes qui aspirent à entreprendre au service de projets d’économie sociale et solidaire et valoriser leurs initiatives ;

3° Favoriser l’intégration des jeunes dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire.

II quater. – Le conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire est chargé d’établir tous les trois ans un rapport sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’économie sociale et solidaire et de formuler des propositions pour :

1° Assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’économie sociale et solidaire, en permettant notamment une meilleure articulation entre la vie personnelle et professionnelle des salariés de l’économie sociale et solidaire ;

2° Favoriser l’accès des femmes à tous les postes de responsabilité, de dirigeants salariés comme de dirigeants élus ;

3° Assurer la parité entre les femmes et les hommes dans toutes les instances élues des entreprises de l’économie sociale et solidaire.

III. – Le conseil comprend notamment :

1° Des représentants désignés par l’Assemblée nationale, le Sénat, le Conseil économique, social et environnemental et les associations représentatives des collectivités territoriales au niveau national ;

2° Des représentants des différentes formes juridiques d’entreprise de l’économie sociale et solidaire mentionnées à l’article 1er de la présente loi, proposés par celles-ci ;

3° Des représentants des organisations représentatives de salariés et d’employeurs des entreprises de l’économie sociale et solidaire, proposés par celles-ci ;

4° Des représentants du conseil national des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire ;

5° Des représentants d’autres organismes consultatifs nationaux compétents pour traiter des questions relatives à la mutualité, aux coopératives, aux fondations, à la vie associative et à l’insertion par l’activité économique ;

6° Des représentants des services de l’État qui contribuent à la préparation ou la mise en œuvre de la politique publique de l’économie sociale et solidaire, y compris dans sa dimension internationale ;

7° Des personnalités qualifiées choisies parmi les experts de l’économie sociale et solidaire, dont certaines choisies au regard de leur expérience de la dimension européenne de l’économie sociale et solidaire.

IV. – Un décret en Conseil d’État fixe la durée des mandats, les modalités de fonctionnement du conseil et de désignation de ses membres, ainsi que les conditions dans lesquelles est assurée la parité entre les femmes et les hommes au conseil et au sein de son bureau. À cette fin, il précise le nombre et la répartition par sexe, éventuellement dans le temps, des désignations prévues par le présent article.

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Section 1 bis

La chambre française de l’économie sociale et solidaire

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Section 2

Les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire

Article 3
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Article 5 B

Article 4

(Texte de la commission mixte paritaire)

Les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire assurent au plan local la promotion et le développement de l’économie sociale et solidaire. Elles sont constituées des entreprises de l’économie sociale et solidaire ayant leur siège social ou un établissement situé dans leur ressort et des organisations professionnelles régionales de celles-ci. En application du principe de parité, la différence entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes parmi les représentants de chaque entreprise ou organisation est inférieure ou égale à un.

Elles sont regroupées au sein d’un conseil national qui soutient, anime et coordonne le réseau des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire et consolide, au niveau national, les données économiques et les données qualitatives recueillies par celles-ci.

Elles assurent à cet effet, au bénéfice des entreprises de l’économie sociale et solidaire, sans préjudice des missions des organisations professionnelles ou interprofessionnelles et des réseaux locaux d’acteurs :

1° La représentation auprès des pouvoirs publics des intérêts de l’économie sociale et solidaire ;

2° L’appui à la création, au développement et au maintien des entreprises ;

3° L’appui à la formation des dirigeants et des salariés des entreprises ;

4° La contribution à la collecte, à l’exploitation et à la mise à disposition des données économiques et sociales relatives aux entreprises de l’économie sociale et solidaire ;

4° bis L’information des entreprises sur la dimension européenne de l’économie sociale et solidaire et l’appui à l’établissement de liens avec les entreprises du secteur établies dans les autres États membres de l’Union européenne ;

5° Dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, le développement et l’animation de la coopération internationale des collectivités concernées en matière d’économie sociale et solidaire.

Elles ont qualité pour ester en justice aux fins, notamment, de faire respecter par les entreprises de leur ressort et relevant du 2° du II de l’article 1er de la présente loi l’application effective des conditions fixées à ce même article.

Dans des conditions définies par décret, les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire tiennent à jour et assurent la publication de la liste des entreprises de l’économie sociale et solidaire, au sens des 1° et 2° du II de l’article 1er, qui sont situées dans leur ressort.

Dans chaque région, le représentant de l’État dans la région et le président du conseil régional concluent une convention d’agrément avec la chambre régionale. Le représentant de l’État dans la région et le président du conseil régional peuvent proposer aux autres collectivités territoriales intéressées ou à leurs groupements d’être parties à cette convention d’agrément.

Les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire sont constituées en associations jouissant de plein droit de la capacité juridique des associations reconnues d’utilité publique.

Section 3

Les politiques territoriales de l’économie sociale et solidaire

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Article 4
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Article 9

Article 5 B

(Texte du Sénat)

I. – Le représentant de l’État dans la région et le président du conseil régional organisent, au moins tous les deux ans, une conférence régionale de l’économie sociale et solidaire à laquelle participent notamment les membres de la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, les réseaux locaux d’acteurs de l’économie sociale et solidaire, les représentants des collectivités territoriales concernées ainsi que les partenaires sociaux concernés.

II. – Au cours de la conférence régionale de l’économie sociale et solidaire, sont débattus les orientations, les moyens et les résultats des politiques locales de développement de l’économie sociale et solidaire. Ces débats donnent lieu à la formulation de propositions pour le développement de politiques publiques territoriales de l’économie sociale et solidaire. Est également présentée l’évaluation de la délivrance de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » mentionné à l’article L. 3332-17-1 du code du travail.

Les politiques publiques des collectivités territoriales et de leurs groupements en faveur de l’économie sociale et solidaire peuvent s’inscrire dans des démarches de co-construction avec l’ensemble des acteurs concernés. Les modalités de cette co-construction s’appuient notamment sur la mise en place d’instances associant les acteurs concernés ou de démarches associant les citoyens au processus de décision publique.

III. – (Supprimé)

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Chapitre III

Les dispositifs qui concourent au développement des entreprises de l’économie sociale et solidaire

Section 1

L’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale »

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Section 2

Le suivi statistique

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Section 3

La commande publique

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Article 5 B
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Article 10 quater

Article 9

(Texte de la commission mixte paritaire)

I. – Lorsque le montant total annuel de ses achats est supérieur à un montant fixé par décret, le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice mentionné au 2° de l’article 2 du code des marchés publics ou aux articles 3 et 4 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, en tant que ces articles concernent des collectivités territoriales ou des organismes de nature législative, adopte un schéma de promotion des achats publics socialement responsables. Il en assure la publication.

Ce schéma détermine les objectifs de passation de marchés publics comportant des éléments à caractère social visant à concourir à l’intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés, ainsi que les modalités de mise en œuvre et de suivi annuel de ces objectifs.

II. – Dans chaque région est conclue une convention entre le représentant de l’État et un ou plusieurs organismes, tels que les maisons de l’emploi et les personnes morales gestionnaires des plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, qui œuvrent en faveur de l’accès à l’emploi durable des personnes exclues du marché du travail, notamment en facilitant le recours aux clauses sociales dans les marchés publics. Cette convention vise à favoriser le développement de ces clauses concourant à l’intégration sociale et professionnelle de travailleurs handicapés ou défavorisés. Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices mentionnés au 2° de l’article 2 du code des marchés publics ou aux articles 3 et 4 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics et implantés dans la région peuvent être parties à cette convention.

Section 4

Développement de l’économie sociale et solidaire grâce aux fonds européens d’entrepreneuriat social

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Section 5

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Chapitre IV

L’innovation sociale

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Chapitre V

Dispositions diverses

Article 9
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Article 10 sexies

Article 10 quater

(Texte de l’Assemblée nationale)

Le chapitre Ier du titre Ier du livre III du code monétaire et financier est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Les titres de monnaies locales complémentaires

« Art. L. 311-5. – Les titres de monnaies locales complémentaires peuvent être émis et gérés par une des personnes mentionnées à l’article 1er de la loi n° … du … relative à l’économie sociale et solidaire dont c’est l’unique objet social.

« Art. L. 311-6. – Les émetteurs et gestionnaires de titres de monnaies locales complémentaires sont soumis au titre Ier du livre V lorsque l’émission ou la gestion de ces titres relèvent des services bancaires de paiement mentionnés à l’article L. 311-1, ou au titre II du même livre lorsqu’elles relèvent des services de paiement au sens du II de l’article L. 314-1 ou de la monnaie électronique au sens de l’article L. 315-1. »

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Article 10 quater
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Article 14

Article 10 sexies

(Texte de la commission mixte paritaire)

Le conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, la chambre française de l’économie sociale et solidaire et les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire assurent un suivi de l’accès au financement des entreprises de l’économie sociale et solidaire, en lien avec la Banque publique d’investissement.

TITRE II

DISPOSITIONS FACILITANT LA TRANSMISSION D’ENTREPRISES À LEURS SALARIÉS

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TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT DES COOPÉRATIVES

Chapitre Ier

Dispositions communes aux coopératives

Section 1

Développement du modèle coopératif

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Section 2

La révision coopérative

Article 10 sexies
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Article 21

Article 14

(Texte de la commission mixte paritaire)

I. – La loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération est ainsi modifiée :

1° L’article 19 quater est ainsi rédigé :

« Art. 19 quater. – Les unions d’économie sociale sont soumises aux articles 25-1 à 25-5. » ;

2° L’article 19 duodecies est ainsi rédigé :

« Art. 19 duodecies. – La société coopérative d’intérêt collectif est soumise aux articles 25-1 à 25-5, quelle que soit l’importance de son activité. » ;

3° Après l’article 25, sont insérés des articles 25-1 à 25-5 ainsi rédigés :

« Art. 25-1. – Les sociétés coopératives et leurs unions dont l’activité dépasse une certaine importance, appréciée à partir de seuils fixés par décret en Conseil d’État, se soumettent tous les cinq ans à un contrôle, dit “révision coopérative”, destiné à vérifier la conformité de leur organisation et de leur fonctionnement aux principes et aux règles de la coopération et à l’intérêt des adhérents, ainsi qu’aux règles coopératives spécifiques qui leur sont applicables et, le cas échéant, à leur proposer des mesures correctives.

« Ces seuils sont fixés en considération du total du bilan de ces sociétés, du montant hors taxes de leur chiffre d’affaires ou du nombre moyen de leurs salariés ou de leurs associés. Les sociétés coopératives qui satisfont aux obligations de la révision coopérative sont dispensées des obligations prévues au II de l’article 2 bis de la loi n° … du … relative à l’économie sociale et solidaire.

« Les statuts peuvent prévoir un délai inférieur au délai de cinq ans mentionné au premier alinéa du présent article. La révision est obligatoire au terme de trois exercices déficitaires ou si les pertes d’un exercice s’élèvent à la moitié au moins du montant le plus élevé atteint par le capital social de la coopérative.

« En outre, la révision coopérative est de droit lorsqu’elle est demandée par :

« 1° Le dixième au moins des associés ;

« 2° Un tiers des administrateurs ou, selon le cas, des membres du conseil de surveillance ;

« 3° L’autorité habilitée, le cas échéant, à délivrer l’agrément ; 

« 4° Le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire ou tout ministre compétent à l’égard de la coopérative en question.

« Art. 25-2. – La révision est effectuée par un réviseur agréé. Un décret fixe les conditions dans lesquelles d’anciens associés d’une société coopérative peuvent être agréés comme réviseurs.

« À la demande de toute personne intéressée ou du ministère public, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de la société de provoquer la désignation du réviseur afin d’effectuer la révision coopérative prévue à l’article 25-1.

« Art. 25-3. – Le rapport établi par le réviseur est transmis aux organes de gestion et d’administration de la société et, lorsqu’il existe, à l’organe central compétent, au sens de l’article L. 511-30 du code monétaire et financier. Il est ensuite mis à la disposition de tous les associés et est présenté et discuté lors d’une assemblée générale, selon des modalités déterminées par les statuts. Lorsque la société coopérative est soumise au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en application de l’article L. 612-2 du même code, le réviseur communique, en outre, le rapport à ladite autorité.

« Si le rapport établit que la société coopérative ne respecte pas les principes et les règles de la coopération, l’intérêt de ses adhérents ou les règles coopératives spécifiques qui lui sont applicables, le réviseur peut la mettre en demeure de s’y conformer.

« Dans les réseaux coopératifs, unions ou fédérations de coopératives, en cas de carence à l’expiration du délai de mise en demeure, le réviseur saisit, dans un délai de quinze jours, une instance de recours constituée de représentants des instances nationales, selon des modalités prévues dans leur organisation, ou, lorsqu’il existe, l’organe central compétent mentionné à l’article L. 511-30 dudit code. Cette instance, ou l’organe central compétent, recherche, après consultation du réviseur, une solution propre à mettre un terme à la carence de la coopérative.

« Si, dans le délai d’un mois après la saisine de l’instance de recours ou de l’organe central compétent, le réviseur reçoit une proposition de solution, il est fait application du premier alinéa du présent article. En cas de carence de la coopérative à la suite de cette nouvelle mise en demeure, il est fait application des cinquième et avant-dernier alinéas.

« À défaut de réception d’une proposition de solution propre à mettre un terme à la carence de la coopérative en application du troisième alinéa dans le délai d’un mois, le réviseur peut demander au président du tribunal statuant en référé d’enjoindre sous astreinte aux organes de direction ou d’administration de la coopérative de se conformer aux principes et règles de la coopération, à l’intérêt des adhérents et aux règles coopératives spécifiques qui sont applicables à cette coopérative. 

« Le réviseur peut également saisir, selon les cas, l’autorité habilitée, le cas échéant, à délivrer l’agrément, le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire ou le ministre compétent à l’égard de la coopérative en question.

« Les compétences mentionnées au présent article s’exercent sous réserve de la compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en application des articles L. 612-1 et L. 612-2 du même code.

« Art. 25-4. – Dans le cas où l’autorité habilitée, le cas échéant, à délivrer l’agrément, le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire ou le ministre compétent est saisi par le réviseur en application de l’article 25-3, l’autorité habilitée à délivrer l’agrément ou le ministre peut notifier aux organes de direction ou d’administration de la société les manquements constatés et leur fixer un délai pour y remédier.

« Lorsque les mesures correctives n’ont pas été prises dans le délai imparti, l’autorité habilitée à délivrer l’agrément ou le ministre convoque une assemblée générale extraordinaire de la société, en lui enjoignant de prendre les mesures correctives requises.

« Lorsque le fonctionnement normal de la société coopérative ou de l’union n’a pas été rétabli dans un délai de six mois à compter de la réunion de l’assemblée générale extraordinaire, l’autorité habilitée, le cas échéant, à délivrer l’agrément peut prononcer le retrait de son agrément après avoir mis la société coopérative en mesure de présenter ses observations. Le ministre compétent peut prononcer la perte de la qualité de coopérative dans les mêmes conditions, après avis du conseil supérieur de la coopération.

« L’autorité habilitée à délivrer l’agrément ou le ministre peuvent rendre publiques les décisions prises en application du présent article, dans les conditions qu’ils déterminent.

« Les réserves qui, à la date du prononcé de la perte de qualité de coopérative, ne sont pas distribuables aux sociétaires ou incorporables au capital en vertu de dispositions législatives ou réglementaires sont dévolues, par décision de l’assemblée générale, soit à d’autres coopératives ou unions de coopératives, soit à une autre entreprise de l’économie sociale et solidaire, au sens du III de l’article 1er de la loi n° … du … relative à l’économie sociale et solidaire.

« Art. 25-5. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application des articles 25-1 à 25-4, notamment les conditions d’agrément du réviseur, de sa désignation par l’assemblée générale, d’exercice de son mandat et de sa suppléance et de cessation de ses fonctions. Ce décret prévoit également les dispositions garantissant l’indépendance du réviseur. » ;

4° et 5° (Supprimés)

II. – L’article 54 bis de la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production est ainsi rédigé :

« Art. 54 bis. – Les sociétés coopératives de production sont soumises aux articles 25-1 à 25-5 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État tenant compte des dérogations et adaptations nécessaires.

« Les statuts des sociétés coopératives de production peuvent prévoir que le réviseur mentionné à l’article 25-2 de la même loi procède également à l’examen analytique de la situation financière, de la gestion et des compétences collectives de la société. »

III. – L’article 29 de la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983 relative au développement de certaines activités d’économie sociale est ainsi rédigé :

« Art. 29. – Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l’article 25-1 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, les sociétés coopératives régies par la présente loi sont soumises de droit, quelle que soit l’importance de leur activité, aux dispositions relatives à la révision coopérative prévues par les articles 25-1 à 25-5 de cette loi. »

IV. – Le titre II du livre V du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° (Supprimé)

2° La sous-section 2 de la section 1 du chapitre VII est complétée par un article L. 527-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 527-1-2. – Les sociétés coopératives agricoles et leurs unions sont soumises à l’article 25-1 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. » ;

IV bis. – L’article L. 931-27 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 931-27. – Les sociétés coopératives maritimes et leurs unions sont soumises aux articles 25-1 à 25-5 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. »

V. – Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :

1° Le quarantième alinéa de l’article L. 422-3 est ainsi rédigé :

« Les sociétés anonymes coopératives de production d’habitations à loyer modéré font procéder périodiquement, quelle que soit l’importance de leur activité, à l’examen de leur organisation et de leur fonctionnement dans le cadre d’une procédure de révision coopérative. Un décret en Conseil d’État, pris après avis du Conseil supérieur des habitations à loyer modéré, fixe les conditions dans lesquelles les dispositions relatives à la révision coopérative prévues aux articles 25-2 à 25-4 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération sont rendues applicables, avec les dérogations et adaptations nécessaires, aux sociétés anonymes coopératives de production d’habitations à loyer modéré. » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 422-12 est ainsi rédigé :

« La loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération est applicable aux sociétés anonymes coopératives d’habitations à loyer modéré mentionnées aux articles L. 422-3, L. 422-3-2 et L. 422-13, à l’exception des deux derniers alinéas de ses articles 16 et 18 ainsi que de ses articles 25-2 à 25-4. Le dernier alinéa de l’article 19 septies et le troisième alinéa de l’article 19 nonies ne sont pas applicables aux sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif d’habitations à loyer modéré. » ;

3° L’article L. 313-17 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’union, fixe les conditions dans lesquelles les dispositions relatives à la révision coopérative prévues aux articles 25-1 à 25-4 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée lui sont applicables, avec les dérogations et adaptations nécessaires. »

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Chapitre II

Dispositions propres à diverses formes de coopérative

Section 1

Les sociétés coopératives de production

Sous-section 1

Le dispositif d’amorçage applicable aux sociétés coopératives de production

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Sous-section 2

Les groupements de sociétés coopératives de production

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Sous-section 3

Autres dispositions relatives aux sociétés coopératives et participatives

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Section 2

Les sociétés coopératives d’intérêt collectif

Article 14
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Article 31

Article 21

(Texte de la commission mixte paritaire)

La loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 précitée est ainsi modifiée :

1° L’article 19 quinquies est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « anonymes », sont insérés les mots : « , des sociétés par actions simplifiées » ;

b) Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ces biens et services peuvent notamment être fournis dans le cadre de projets de solidarité internationale et d’aide au développement. » ; 

c) (Supprimé)

2° L’article 19 septies est ainsi rédigé :

« Art. 19 septies. – Peut être associé d’une société coopérative d’intérêt collectif toute personne physique ou morale qui contribue par tout moyen à l’activité de la coopérative, notamment toute personne productrice de biens ou de services, tout salarié de la coopérative, toute personne qui bénéficie habituellement, à titre gratuit ou onéreux, des activités de la coopérative, toute personne physique souhaitant participer bénévolement à son activité ou toute personne publique.

« La société coopérative d’intérêt collectif comprend au moins trois catégories d’associés, parmi lesquelles figurent obligatoirement les personnes qui bénéficient habituellement, à titre gratuit ou onéreux, des activités de la coopérative et les salariés ou, en l’absence de personnes salariées au sein de la société, les producteurs de biens ou de services de la coopérative.

« Les statuts déterminent les conditions d’acquisition et de perte de la qualité d’associé par exclusion ou par radiation, ainsi que les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être tenus de demander leur admission en qualité d’associé.

« Les collectivités territoriales, leurs groupements et les établissements publics territoriaux peuvent détenir ensemble jusqu’à 50 % du capital de chacune des sociétés coopératives d’intérêt collectif. » ;

2° bis À la première phrase de l’article 19 undecies, les mots : « ou du conseil de surveillance » sont remplacés par les mots : « , du conseil de surveillance ou de l’organe de direction lorsque la forme de société par actions simplifiée a été retenue, » ;

3° L’article 19 terdecies est ainsi rétabli :

« Art. 19 terdecies. – Le rapport de gestion mentionné à l’article L. 223-26 du code de commerce et le rapport annuel du conseil d’administration ou du directoire mentionné à l’article L. 225-100 du même code contiennent des informations sur l’évolution du projet coopératif porté par la société, dans des conditions fixées par décret. » ;

4° L’article 19 quaterdecies est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu’une société prend une telle décision, ses parts ou actions sont converties en parts sociales. L’assemblée générale arrête la valeur des parts, dont le montant peut être supérieur à celui de la valeur nominale, détenues par les associés présents dans le capital lors de l’adoption du statut de société coopérative d’intérêt collectif.

« Les associés ou les actionnaires qui se sont opposés à la modification des statuts peuvent opter, dans un délai de trois mois, soit pour le rachat de leurs parts sociales dans un délai de deux ans, soit pour l’annulation de ces parts et l’inscription de leur contre-valeur sur un compte à rembourser, portant intérêt au taux légal et remboursable dans un délai de cinq ans. Ces différents délais s’entendent à compter de la publication de la décision de modification des statuts de la société.

« Pour l’application des deuxième et troisième alinéas, la valeur des droits sociaux dont la conversion ou le remboursement est demandé est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné soit par les parties, soit, à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en référé.

« L’écart de valorisation qui peut résulter de l’opération entre la valeur nominale des parts sociales annulées et la valeur déterminée lors de la modification des statuts peut être comptabilisé, pour tout ou partie, à l’actif du bilan de la société, dans les conditions fixées par un règlement de l’Autorité des normes comptables. » ;

4° bis L’article 19 quindecies est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « conventions, », il est inséré le mot : « autorisations, » et les références : « , aux articles L. 222-3, L. 344-2 à L. 344-6, L. 345-1 à L. 345-3 et au 2° de l’article L. 313-4 » sont remplacées par la référence : « et au chapitre III du titre Ier du livre III » ;

b) Le début du dernier alinéa est ainsi rédigé : « Les autorisations, agréments... (le reste sans changement). » ;

5° Le titre II ter est complété par un article 19 sexdecies A ainsi rédigé :

« Art. 19 sexdecies A. – Sans préjudice de l’article 28 bis, lors de la transformation de toute personne morale en société coopérative d’intérêt collectif, l’agrément, précédemment accordé, d’éducation à l’environnement, d’éducation à la santé ou d’éducation populaire est automatiquement transféré à la société coopérative d’intérêt collectif constituée. L’agrément transféré permet à la société coopérative d’intérêt collectif de poursuivre les activités objet de l’agrément. La société coopérative d’intérêt collectif demeure soumise aux obligations de l’agrément précédemment accordé. »

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Section 3

Les sociétés coopératives de commerçants détaillants

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Section 4

Les sociétés coopératives d’habitations à loyer modéré

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Section 5

Les sociétés coopératives artisanales et de transport

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Section 6

Les sociétés coopératives agricoles

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Article 21
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Article 33 bis

Article 31

(Texte du Sénat)

I. – L’article L. 522-6 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :

« Art. L. 522-6. – Par dérogation à l’article L. 522-5, une coopérative d’utilisation de matériel agricole peut réaliser, sans qu’elle ait besoin de le prévoir dans ses statuts, pour le compte des communes de moins de 3 500 habitants, des groupements de communes comprenant au moins trois quarts de communes de moins de 3 500 habitants ou de leurs établissements publics, des travaux agricoles ou d’aménagement rural conformes à son objet, à condition que l’un des adhérents de la coopérative ait le siège de son exploitation agricole dans le ressort territorial de l’une de ces collectivités ou établissements, et que le montant de ces travaux ne dépasse pas 25 % du chiffre d’affaires annuel de la coopérative, dans la limite de 10 000 €, ou de 15 000 € en zone de revitalisation rurale. »

II. – L’article 10 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole est ainsi modifié :

1° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ce concours peut être apporté par toute coopérative mentionnée à l’article L. 522-6 du code rural et de la pêche maritime, dans les conditions et limites prévues par cet article. » ;

2° À l’avant-dernier alinéa, les mots : « cette personne » sont remplacés par les mots : « la personne mentionnée au premier alinéa ou la coopérative ».

Section 7

Les coopératives d’activité et d’emploi

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Section 8

Les coopératives maritimes

Article 31
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Article 34

Article 33 bis

(Texte de l’Assemblée nationale)

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er septembre 2015, un rapport concernant l’accès aux responsabilités des jeunes navigants dans les coopératives maritimes.

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TITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES AUX SOCIÉTÉS D’ASSURANCE, AUX MUTUELLES ET AUX INSTITUTIONS DE PRÉVOYANCE

Article 33 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Article 36

Article 34

(Texte de l’Assemblée nationale)

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° A À la dernière phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 931-16, après le mot : « adhésion », sont insérés les mots : « est obligatoire et » ;

1° La section 1 du chapitre II du titre III du livre IX est complétée par des articles L. 932-13-2 à L. 932-13-4 ainsi rédigés :

« Art. L. 932-13-2. – I. – Pour les opérations collectives à adhésion obligatoire couvrant le risque décès, les risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, les risques d’incapacité de travail ou d’invalidité, une ou plusieurs institutions de prévoyance et unions régies par le présent titre peuvent conclure un contrat de coassurance avec des mutuelles et unions mentionnées à l’article L. 211-1 du code de la mutualité et avec des entreprises d’assurance mentionnées à l’article L. 310-2 du code des assurances. En application de ce contrat, tout membre participant est garanti pendant une même durée et par un même contrat collectif par au moins deux organismes assureurs, chacun d’eux proportionnellement à la part, prévue au contrat de coassurance, qu’il accepte de couvrir.

« II. – Les organismes coassureurs désignent parmi eux un apériteur, dont ils précisent les missions dans le contrat de coassurance. L’apériteur assure le rôle d’interlocuteur unique du souscripteur pour la négociation des conditions du contrat mentionné au I et de son renouvellement. Il peut encaisser la totalité des cotisations et verser les prestations.

« Le contrat prévoit les conditions dans lesquelles est assuré le respect de la garantie des droits des membres participants en cas de modification ou de cessation de la coassurance.

« Art. L. 932-13-3. – La prescription est interrompue, outre les causes ordinaires d’interruption, par la désignation d’experts à la suite de la réalisation d’un risque. L’interruption de la prescription de l’action peut, en outre, résulter de l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée soit au membre adhérent par l’institution de prévoyance ou l’union en ce qui concerne l’action en paiement de la cotisation, soit à l’institution ou à l’union par le membre participant, le bénéficiaire ou les ayants droit en ce qui concerne le règlement de la prestation.

« Art. L. 932-13-4. – Par dérogation à l’article 2254 du code civil, les parties au bulletin d’adhésion à un règlement ou au contrat ne peuvent, même d’un commun accord, ni modifier la durée de la prescription, ni ajouter aux causes de suspension ou d’interruption de celle-ci. » ;

1° bis Après l’article L. 932-14, il est inséré un article L. 932-14-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 932-14-1. – I. – Pour les opérations collectives à adhésion facultative couvrant le risque décès, les risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, les risques d’incapacité de travail ou d’invalidité, à l’exception de celles visées par arrêté des ministres chargés de l’économie, de la sécurité sociale et de la mutualité, une ou plusieurs institutions de prévoyance et unions régies par le présent titre peuvent conclure un contrat de coassurance avec des mutuelles et unions mentionnées à l’article L. 211-1 du code de la mutualité et avec des entreprises d’assurance mentionnées à l’article L. 310-2 du code des assurances. En application de ce contrat, tout membre participant est garanti pendant une même durée et par un même contrat collectif par au moins deux organismes assureurs, chacun d’eux proportionnellement à la part, prévue au contrat de coassurance, qu’il accepte de couvrir.

« II. – Les organismes coassureurs désignent parmi eux un apériteur, dont ils précisent les missions dans le contrat de coassurance. L’apériteur assure le rôle d’interlocuteur unique du souscripteur pour la négociation des conditions du contrat mentionné au I et de son renouvellement. Il peut encaisser la totalité des cotisations et verser les prestations.

« Le contrat prévoit les conditions dans lesquelles est assuré le respect de la garantie des droits des membres participants en cas de modification ou de cessation de la coassurance.

« Lorsqu’un contrat collectif à adhésion facultative relatif au remboursement ou à l’indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident est coassuré avec au moins une mutuelle ou union mentionnée à l’article L. 211-1 du code de la mutualité, le montant des cotisations ne peut être modulé qu’en fonction du revenu, du régime de sécurité sociale d’affiliation, du lieu de résidence, du nombre d’ayants droit ou de l’âge des membres participants. Dans ce cas, les organismes coassureurs ne peuvent en aucun cas recueillir des informations médicales auprès des assurés du contrat ou des personnes souhaitant bénéficier d’une couverture, ni fixer les cotisations en fonction de l’état de santé. Ils ne peuvent instaurer de différences dans le niveau des prestations qu’en fonction des cotisations payées ou de la situation de famille des intéressés ou lorsque l’assuré choisit de recourir à un professionnel de santé, un établissement de santé ou un service de santé avec lequel les organismes coassureurs ou leurs fédérations ont conclu une convention dans les conditions mentionnées à l’article L. 863-8 du présent code. » ;

1° ter Le troisième alinéa du II de l’article L. 932-22 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L’exclusion ne peut faire obstacle, le cas échéant, au versement des prestations acquises en contrepartie des cotisations versées antérieurement par le débiteur de cotisations. » ;

2° La section 2 du chapitre II du titre III du livre IX est complétée par un article L. 932-22-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 932-22-1. – Les articles L. 932-13-3 et L. 932-13-4 sont applicables aux opérations prévues à la présente section. Toutefois, pour les opérations collectives à adhésion facultative pour lesquelles le membre adhérent n’assure pas le précompte de la cotisation et pour les opérations individuelles, l’interruption de la prescription de l’action peut, en ce qui concerne le paiement de la cotisation, résulter de l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée par l’institution de prévoyance ou par l’union au membre participant. » ;

3° Au premier alinéa de l’article L. 932-23, tel qu’il résulte de la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence, les références : « , L. 132-7 » et « , des huit premiers alinéas de l’article L. 132-8 et de l’article L. 132-9 » sont supprimées.

II. – Le code de la mutualité est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 221-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les opérations collectives mentionnées au III de l’article L. 221-2, avant la signature du bulletin d’adhésion ou la souscription du contrat, la mutuelle ou l’union remet obligatoirement à la personne morale souscriptrice la proposition de bulletin d’adhésion ou de contrat. » ;

1° bis Le I de l’article L. 221-8 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « échéance », sont insérés les mots : « et indépendamment du droit pour la mutuelle ou l’union d’appliquer des majorations de retard à la charge exclusive de l’employeur et de poursuivre en justice l’exécution du contrat collectif » ;

b) Au dernier alinéa, les mots : « , sauf décision différente de la mutuelle ou de l’union, » sont supprimés ;

2° Après l’article L. 221-8, il est inséré un article L. 221-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 221-8-1. – Dans le cadre des opérations collectives mentionnées au 2° du III de l’article L. 221-2, la garantie subsiste en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires de l’employeur. En cas de résiliation du bulletin d’adhésion ou du contrat en application de l’article L. 622-13 du code de commerce, la portion de cotisation afférente au temps pendant lequel la mutuelle ou l’union ne couvre plus le risque est restituée au débiteur. » ;

3° Après le cinquième alinéa de l’article L. 221-11, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre des opérations collectives mentionnées au III de l’article L. 221-2, la prescription est portée à cinq ans en ce qui concerne l’incapacité de travail. » ;

4° L’article L. 221-14 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’adhésion à la mutuelle ou à l’union résulte d’une obligation prévue dans une convention de branche ou dans un accord professionnel ou interprofessionnel, les deux premiers alinéas ne s’appliquent pas. » ;

5° Le titre II du livre II est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :

« Chapitre VII

« Dispositions relatives à la coassurance

« Art. L. 227-1. – I. – Pour les opérations collectives obligatoires couvrant le risque décès, les risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, les risques d’incapacité de travail ou d’invalidité et pour les opérations collectives facultatives couvrant ces mêmes risques, à l’exception de celles visées par arrêté des ministres chargés de l’économie, de la sécurité sociale et de la mutualité, les mutuelles et unions mentionnées à l’article L. 211-1 du présent code peuvent conclure un contrat de coassurance entre elles, avec des institutions de prévoyance ou unions régies par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale et avec des entreprises d’assurance mentionnées à l’article L. 310-2 du code des assurances. En application de ce contrat, tout membre participant est garanti pendant une même durée et par un même contrat collectif par au moins deux organismes assureurs, chacun d’eux proportionnellement à la part, prévue au contrat de coassurance, qu’il accepte de couvrir.

« Par dérogation à l’article L. 112-1 du présent code, lorsqu’un contrat collectif à adhésion facultative relatif au remboursement ou à l’indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident est coassuré par au moins une mutuelle ou union régie par le présent livre, le montant des cotisations ne peut être modulé en fonction de la durée d’appartenance à la mutuelle ou à l’union. 

« Par dérogation à l’article L. 221-2, lorsque le contrat collectif est coassuré par plusieurs mutuelles et unions, il détermine la mutuelle auprès de laquelle chaque personne physique adhérant au contrat collectif coassuré devient membre. Cette répartition s’effectue en fonction de critères préalablement déterminés par les organismes coassureurs et précisés dans le contrat coassuré. Les critères sont fondés sur des éléments objectifs. Dans ce cadre et par dérogation à l’article L. 111-1, les mutuelles et unions peuvent mener une action de prévoyance au profit des bénéficiaires du contrat collectif coassuré non membres participants de l’organisme et de leurs ayants droit.

« II. – Les organismes coassureurs désignent parmi eux un apériteur, dont ils précisent les missions dans le contrat de coassurance. L’apériteur assure le rôle d’interlocuteur unique du souscripteur pour la négociation des conditions du contrat mentionné au I et de son renouvellement. Il peut encaisser la totalité des cotisations et verser les prestations.

« Le contrat prévoit les conditions dans lesquelles est assuré le respect de la garantie des droits des membres participants en cas de modification ou de cessation de la coassurance.

« Pour l’application des articles L. 211-2, L. 212-18, L. 212-23 et L. 223-8, dans le cas d’un contrat collectif coassuré, l’ensemble des personnes physiques ayant adhéré au contrat collectif coassuré et leurs ayants droit sont traités comme s’ils étaient membres participants ou ayants droit d’un membre participant de l’ensemble des mutuelles ou unions coassureurs.

« III. – Par dérogation aux articles L. 114-1 et L. 114-4, les conditions dans lesquelles une personne est considérée comme ayant droit d’une personne physique ayant adhéré au contrat collectif coassuré sont déterminées par ce contrat. »

III. – Le titre IV du livre Ier du code des assurances est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« Dispositions particulières relatives à la coassurance de certaines opérations collectives avec les organismes d’assurance relevant du code de la sécurité sociale et du code de la mutualité

« Art. L. 145-1. – Le présent chapitre s’applique aux contrats de groupe à adhésion obligatoire couvrant le risque décès, les risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, les risques d’incapacité de travail ou d’invalidité. Il s’applique également aux contrats de groupe à adhésion facultative couvrant ces mêmes risques, à l’exception de ceux visés par arrêté des ministres chargés de l’économie, de la sécurité sociale et de la mutualité.

« Le contrat d’assurance de groupe par lequel un chef d’entreprise, dénommé “l’employeur”, souscrit auprès d’une entreprise d’assurance un contrat au profit de ses salariés ou d’une ou plusieurs catégories d’entre eux en vue d’assurer la couverture d’engagements ou de risques est dit “opération collective à adhésion obligatoire” lorsque les salariés concernés sont tenus d’adhérer au contrat et “à adhésion facultative” lorsque les salariés ne sont pas tenus d’adhérer au contrat.

« Le contrat d’assurance de groupe par lequel une personne morale souscrit auprès d’une entreprise d’assurance et au profit de ses membres qui y adhèrent librement un contrat collectif en vue d’assurer la couverture d’engagements ou de risques est dit “opération collective à adhésion facultative”.

« Pour l’application des dispositions générales relatives aux assurances de groupe du présent code dans le cadre d’opérations relevant du présent chapitre, la référence au souscripteur est remplacée par la référence à l’employeur ou, le cas échéant, à la personne morale, et la référence à l’adhérent est remplacée par la référence au salarié ou, le cas échéant, au membre de la personne morale.

« Pour l’application de l’article L. 113-15, la référence à la police est remplacée par la référence au contrat collectif.

« Pour l’application des articles L. 112-2, L. 112-3 et L. 113-2, la référence à l’assuré et la référence au souscripteur sont remplacées par la référence à l’employeur ou, le cas échéant, à la personne morale, à l’exception du quatrième alinéa de l’article L. 112-3 et des 2°, 3° et 4° de l’article L. 113-2, pour lesquels la référence à l’assuré est remplacée par la référence simultanée à l’employeur et au salarié ou, le cas échéant, à la personne morale et au membre de la personne morale.

« Pour l’application de l’article L. 113-11, la référence à l’assuré est remplacée par la référence au salarié ou, le cas échéant, au membre de la personne morale ou au bénéficiaire.

« Art. L. 145-2. – I. – Pour la couverture des opérations relevant du présent chapitre, une ou plusieurs entreprises d’assurance mentionnées à l’article L. 310-2 du présent code peuvent conclure un contrat de coassurance avec des mutuelles et unions mentionnées à l’article L. 211-1 du code de la mutualité et avec des institutions de prévoyance ou unions régies par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale. En application de ce contrat, tout assuré est garanti pendant une même durée et par un même contrat collectif par au moins deux organismes assureurs, chacun d’eux proportionnellement à la part, prévue au contrat de coassurance, qu’il accepte de couvrir.

« II. – Les organismes coassureurs désignent parmi eux un apériteur, dont ils précisent les missions dans le contrat de coassurance. L’apériteur assure le rôle d’interlocuteur unique du souscripteur du contrat pour la négociation de ses conditions et de son renouvellement. Il peut encaisser la totalité des cotisations ou primes et verser les prestations.

« Le contrat détermine les modalités applicables en cas de modification ou de cessation de la coassurance, dans le respect de la garantie des droits des assurés.

« Lorsqu’un contrat collectif à adhésion facultative relatif au remboursement ou à l’indemnisation des frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident est coassuré avec au moins une mutuelle ou union mentionnée à l’article L. 211-1 du code de la mutualité, le montant des cotisations ne peut être modulé qu’en fonction du revenu, du régime de sécurité sociale d’affiliation, du lieu de résidence, du nombre d’ayants droit ou de l’âge des membres participants. Dans ce cas, les organismes coassureurs ne peuvent en aucun cas recueillir des informations médicales auprès des assurés du contrat ou des personnes souhaitant bénéficier d’une couverture, ni fixer les cotisations en fonction de l’état de santé. Ils ne peuvent, par ailleurs, instaurer de différences dans le niveau des prestations qu’en fonction des cotisations payées ou de la situation de famille des intéressés ou lorsque l’assuré choisit de recourir à un professionnel de santé, un établissement de santé ou un service de santé avec lequel les organismes du contrat ou leurs fédérations ont conclu une convention dans les conditions mentionnées à l’article L. 863-8 du code de la sécurité sociale.

« Art. L. 145-3. – La notice, mentionnée à l’article L. 141-4, établie par l’entreprise d’assurance et remise aux adhérents par le souscripteur, précise le contenu des clauses édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ou limitations de garantie ainsi que les délais de prescription.

« Art. L. 145-4. – Lorsque l’adhésion au contrat résulte d’une obligation prévue par une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel, les deux premiers alinéas de l’article L. 113-8 ne s’appliquent pas.

« Art. L. 145-4-1. – Dans le cas des opérations collectives à adhésion obligatoire, l’article L. 113-9 ne s’applique pas.

« Dans le cas des opérations collectives à adhésion facultative, par dérogation au même article L. 113-9, l’omission ou la déclaration inexacte de la part de l’adhérent dont la mauvaise foi n’est pas établie n’entraîne pas la nullité de l’assurance. Si elle est constatée avant toute réalisation du risque, l’entreprise d’assurance a le droit de maintenir le contrat, moyennant une augmentation de prime acceptée par l’adhérent ; à défaut d’accord de celui-ci, l’adhésion au contrat prend fin dix jours après notification adressée à l’adhérent par lettre recommandée ; l’entreprise d’assurance restitue la portion de la prime payée pour le temps où l’assurance ne court plus. Dans le cas où la constatation n’a lieu qu’après un sinistre, l’indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues si les risques avaient été complètement et exactement déclarés.

« Art. L. 145-5. – Par dérogation à l’article L. 113-3, lorsque, pour la mise en œuvre des opérations relatives au présent chapitre, le souscripteur assure le précompte de la prime auprès des adhérents, à défaut de paiement d’une cotisation dans les dix jours de son échéance, la garantie ne peut être suspendue que trente jours après la mise en demeure du souscripteur.

« Dans la lettre de mise en demeure qu’elle adresse au souscripteur, l’entreprise d’assurance l’informe des conséquences que ce défaut de paiement est susceptible d’entraîner sur la poursuite de la garantie.

« L’entreprise d’assurance a le droit de résilier le contrat collectif dix jours après le délai de trente jours mentionné au premier alinéa du présent article.

« Le contrat collectif non résilié reprend effet à midi le lendemain du jour où ont été payées à celle-ci les cotisations arriérées et celles venues à échéance pendant la période de suspension ainsi que, éventuellement, les frais de poursuite et de recouvrement.

« Sans préjudice des dispositions mentionnées à l’article L. 141-3, lorsque, dans le cadre d’une opération collective à adhésion facultative relative au présent chapitre, le souscripteur n’assure pas le précompte de la prime auprès des adhérents, la procédure prévue aux quatre premiers alinéas du présent article est applicable au souscripteur qui ne paie pas sa part de la prime. Dans ce cas, l’entreprise d’assurance informe chaque adhérent de la mise en œuvre de cette procédure et de ses conséquences dès l’envoi de la lettre de mise en demeure mentionnée au deuxième alinéa du présent article et rembourse, le cas échéant, à l’adhérent la fraction de cotisation afférente au temps pendant lequel l’entreprise d’assurance ne couvre plus le risque.

« Art. L. 145-6. – Sans préjudice du second alinéa de l’article L. 141-6 du présent code, la garantie subsiste en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires du souscripteur. En cas de résiliation du contrat en application de l’article L. 622-13 du code de commerce, la portion de prime afférente au temps pendant lequel l’entreprise d’assurance ne couvre plus le risque est restituée au débiteur.

« Art. L. 145-7. – Le souscripteur et l’entreprise d’assurance peuvent résilier le contrat tous les ans par envoi d’une lettre recommandée à l’autre partie au moins deux mois avant la date d’échéance. Ce droit est mentionné dans chaque contrat.

« Art. L. 145-8. – Pour l’application du cinquième alinéa de l’article L. 114-1 et de la deuxième occurrence à l’article L. 114-2, la référence à l’assuré est remplacée par la référence à l’employeur ou, le cas échéant, à la personne morale, au salarié ou, le cas échéant, au membre de la personne morale ou au bénéficiaire. Pour l’application du quatrième alinéa de l’article L. 112-3 et des deux derniers alinéas de l’article L. 114-1, la référence à l’assuré est remplacée par la référence au salarié ou, le cas échéant, au membre de la personne morale. À la première occurrence à l’article L. 114-2, la référence à l’assuré est remplacée par la référence à l’employeur ou, le cas échéant, à la personne morale.

« Par dérogation à l’article L. 114-1, pour la mise en œuvre des opérations relevant du présent chapitre, la prescription est portée à cinq ans en ce qui concerne l’incapacité de travail. »

IV. – Le présent article n’est pas applicable aux contrats souscrits avant la publication de la présente loi.

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Article 34
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Article 39 bis

Article 36

(Texte de l’Assemblée nationale)

I. – La section 4 du chapitre II du titre II du livre III du code des assurances est ainsi modifiée :

1° Est insérée une sous-section 1 intitulée : « Dispositions générales » et comprenant les articles L. 322-26-1 à L. 322-26-7 ;

2° Est ajoutée une sous-section 2 ainsi rédigée :

« Sous-section 2

« Certificats mutualistes

« Art. L. 322-26-8. – I. – En vue de l’alimentation de leur fonds d’établissement, les sociétés d’assurance mutuelles et les sociétés de groupe d’assurance mutuelles mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 322-1-3 peuvent émettre des certificats mutualistes auprès :

« 1° De leurs sociétaires ;

« 2° Des sociétaires ou assurés des entreprises appartenant au même groupe d’assurance défini au 6° de l’article L. 334-2, ainsi qu’auprès desdites entreprises ;

« 3° De sociétés d’assurance mutuelles, de sociétés de groupe d’assurance mutuelles, de mutuelles et unions régies par le livre II du code de la mutualité, d’unions mentionnées à l’article L. 111-4-2 du même code et d’institutions, d’unions ou de groupements paritaires de prévoyance régis par le livre IX du code de la sécurité sociale.

« II. – L’émission des certificats mutualistes peut être réalisée par les sociétés d’assurance mutuelles agréées, les caisses d’assurance et de réassurance mutuelles agricoles agréées et les sociétés de groupe d’assurance mutuelles qui ont établi des comptes régulièrement approuvés au cours des deux derniers exercices, et sous les sanctions prévues aux articles L. 242-10 et L. 242-30 du code de commerce. Elles peuvent procéder à une offre au public, définie pour les titres financiers au chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code monétaire et financier, dans les conditions fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers.

« Les certificats mutualistes sont indivisibles et confèrent des droits identiques à leurs titulaires.

« Préalablement à l’émission de certificats mutualistes, toute société ou caisse concernée doit être inscrite au registre du commerce et des sociétés.

« L’assemblée générale des sociétaires ou des entreprises affiliées à la société de groupe d’assurance mutuelle est seule habilitée à fixer les caractéristiques essentielles de l’émission. Elle peut toutefois déléguer au conseil d’administration ou au directoire, dans le cadre ainsi défini, les pouvoirs nécessaires pour en arrêter les modalités pratiques. Il est rendu compte par le conseil d’administration ou par le directoire, à la plus prochaine assemblée générale, de l’exercice de cette délégation. Les contrats d’émission ne peuvent avoir pour but de privilégier une catégorie de sociétaires, des personnes qui sont liées à la société par un contrat de travail, des dirigeants de droit ou de fait de celle-ci ou toute autre personne. Les contrats conclus en violation de cette disposition sont frappés de nullité absolue.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent II, notamment la teneur, ainsi que les conditions et la procédure d’approbation préalable, par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, de la résolution spéciale autorisant l’émission, proposée à l’assemblée générale.

« II bis. – Toutes les informations, y compris les communications à caractère publicitaire, relatives à des certificats mutualistes présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère publicitaire sont clairement identifiées comme telles.

« Les personnes mentionnées au I reçoivent, préalablement à la souscription, les informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature des certificats mutualistes proposés ainsi que les risques et inconvénients y afférents, afin d’être en mesure de prendre leurs décisions d’investissement en connaissance de cause.

« Lorsque les certificats mutualistes sont placés auprès de personnes relevant des 1° ou 2° du I, les sociétés d’assurance mutuelles et les sociétés de groupe d’assurance mutuelles précisent les exigences et les besoins exprimés par ces personnes ainsi que les raisons qui motivent le conseil fourni quant à l’investissement proposé. Ces précisions, qui reposent en particulier sur les éléments d’information communiqués par ces personnes sur leur situation financière et leurs objectifs de souscription, sont adaptées aux spécificités des certificats mutualistes. Pour l’application de ces obligations, les sociétés d’assurance mutuelles et les sociétés de groupe d’assurance mutuelles s’enquièrent des connaissances et de l’expérience en matière financière de ces personnes. Lorsque ces dernières ne communiquent pas l’ensemble des éléments d’information susvisés, les sociétés d’assurance mutuelles et les sociétés de groupe d’assurance mutuelles les mettent en garde préalablement à la souscription.

« III. – Les certificats mutualistes sont inscrits sous forme nominative dans un registre tenu par l’émetteur et dans un compte-titres tenu soit par l’émetteur, soit par l’un des intermédiaires mentionnés aux 2° à 7° de l’article L. 542-1 du code monétaire et financier.

« Le compte-titres est ouvert au nom d’un ou de plusieurs titulaires, propriétaires des certificats mutualistes qui y sont inscrits.

« IV. – La rémunération des certificats mutualistes est variable et fixée annuellement par l’assemblée générale lors de l’approbation des comptes. La part maximale des résultats du dernier exercice clos et des précédents exercices susceptible d’être affectée annuellement à la rémunération des certificats mutualistes est fixée par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 322-26-9. – I. – Les certificats mutualistes ne sont remboursables qu’en cas de liquidation de l’émetteur et après désintéressement complet de tous les créanciers privilégiés, chirographaires et subordonnés. Le remboursement est effectué à la valeur nominale du certificat, réduite, le cas échéant, à due concurrence de l’imputation des pertes sur le fonds d’établissement. Les statuts peuvent prévoir, préalablement à cette réduction, l’imputation des pertes sur les réserves.

« II. – Les certificats mutualistes ne peuvent être cédés que dans les conditions décrites au III et ne peuvent faire l’objet ni d’un prêt, ni d’opérations de mise en pension.

« III. – L’assemblée générale peut autoriser le conseil d’administration ou le directoire à racheter à leur valeur nominale des certificats mutualistes émis par l’entreprise, afin de les offrir à l’achat, dans un délai de deux ans à compter de leur rachat, aux personnes mentionnées au I de l’article L. 322-26-8, dans les conditions et selon les modalités suivantes :

« 1° Le montant de certificats mutualistes détenus par l’émetteur ne peut excéder 10 % du montant total émis, sauf dérogation accordée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

« 2° Les rachats de certificats mutualistes sont effectués selon l’ordre d’arrivée des demandes des titulaires. Toutefois, sont prioritaires les demandes formulées dans les cas suivants :

« a) Liquidation du titulaire ;

« b) Demande d’un ayant droit en cas de décès du titulaire ;

« c) Cas prévus aux troisième à septième alinéas de l’article L. 132-23. Pour l’application de ces mêmes alinéas, la référence à l’assuré est remplacée par la référence au titulaire du certificat mutualiste ;

« d) Perte par le titulaire du certificat de sa qualité de sociétaire de l’émetteur, ou de sociétaire ou assuré des entreprises appartenant au même groupe d’assurance défini au 6° de l’article L. 334-2 ;

« 3° L’assemblée générale arrête un programme annuel de rachats, qui fait l’objet d’une résolution spéciale préalablement soumise à l’approbation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Le programme définit la politique de l’entreprise en matière de rachat, les modalités des opérations de rachat et le nombre maximal de certificats mutualistes pouvant être rachetés et précise l’impact des rachats sur la solvabilité de l’entreprise ;

« 4° À défaut d’avoir été cédés dans les deux ans à compter de leur rachat, les certificats mutualistes sont annulés. L’annulation est compensée par une reprise d’un montant équivalent sur le fonds d’établissement. Cette reprise est constatée par le conseil d’administration ou le directoire, qui procède à la modification du montant du fonds d’établissement mentionné dans les statuts. Cette modification est mentionnée dans le rapport annuel présenté à l’assemblée générale ;

« 5° Les commissaires aux comptes présentent à l’assemblée générale d’approbation des comptes un rapport spécial sur les conditions dans lesquelles les certificats mutualistes ont été rachetés et utilisés au cours du dernier exercice clos ;

« 6° Les certificats mutualistes détenus par l’émetteur ne donnent pas droit à rémunération ;

« 7° Une nouvelle émission de certificats mutualistes ne peut être autorisée que si l’émetteur place de manière prioritaire les certificats mutualistes propres qu’il détient ;

« 8° Le conseil d’administration peut déléguer au directeur général ou, en accord avec ce dernier, à un ou plusieurs directeurs généraux délégués les pouvoirs nécessaires pour réaliser les opérations de rachat. Le directoire peut déléguer à son président ou, avec l’accord de ce dernier, à un ou plusieurs de ses membres les pouvoirs nécessaires pour réaliser ces opérations. Les personnes désignées rendent compte au conseil d’administration ou au directoire, dans les conditions prévues par eux, de l’utilisation faite de ces pouvoirs. »

II. – Après la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre IX du code de la sécurité sociale, est insérée une section 3 bis ainsi rédigée :

« Section 3 bis

« Certificats paritaires

« Art. L. 931-15-1. – I. – En vue de l’alimentation de leur fonds d’établissement, les institutions de prévoyance, leurs unions ou les groupements paritaires de prévoyance peuvent émettre des certificats paritaires auprès :

« 1° De leurs membres participants ou adhérents ;

« 2° Des membres participants ou adhérents, des assurés des organismes appartenant au même ensemble, défini à l’article L. 931-34, ainsi qu’auprès desdits organismes ;

« 3° D’institutions de prévoyance ou de leurs unions, de groupements paritaires de prévoyance, de mutuelles et unions régies par le livre II du code de la mutualité, d’unions mentionnées à l’article L. 111-4-2 du même code, de sociétés d’assurance mutuelles régies par le code des assurances et de sociétés de groupe d’assurance mutuelles mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 322-1-3 du code des assurances.

« II. – Lors de l’émission de certificats paritaires, les institutions de prévoyance ou leurs unions respectent les conditions et les modalités prévues à l’article L. 931-12 du présent code.

« Toutes les informations, y compris les communications à caractère publicitaire, relatives à des certificats paritaires présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère publicitaire sont clairement identifiées comme telles.

« Les personnes mentionnées au I du présent article reçoivent, préalablement à la souscription, les informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature des certificats paritaires proposés ainsi que les risques et inconvénients y afférents, afin d’être en mesure de prendre leurs décisions d’investissement en connaissance de cause.

« Lorsque les certificats paritaires sont placés auprès de personnes relevant des 1° ou 2° du I, les institutions de prévoyance, leurs unions et les groupements paritaires de prévoyance précisent les exigences et les besoins exprimés par ces personnes ainsi que les raisons qui motivent le conseil fourni quant à l’investissement proposé. Ces précisions, qui reposent en particulier sur les éléments d’information communiqués par ces personnes sur leur situation financière et leurs objectifs de souscription, sont adaptées aux spécificités des certificats paritaires. Pour l’application de ces obligations, les institutions de prévoyance, leurs unions et les groupements paritaires de prévoyance s’enquièrent des connaissances et de l’expérience en matière financière de ces personnes. Lorsque ces dernières ne communiquent pas l’ensemble des éléments d’information susmentionnés, les institutions de prévoyance, leurs unions et les groupements paritaires de prévoyance les mettent en garde préalablement à la souscription.

« III. – Les certificats paritaires sont inscrits sous forme nominative dans un registre tenu par l’émetteur et dans un compte-titres tenu soit par l’émetteur, soit par l’un des intermédiaires mentionnés aux 2° à 7° de l’article L. 542-1 du code monétaire et financier.

« Le compte-titres est ouvert au nom d’un ou de plusieurs titulaires, propriétaires des certificats paritaires qui y sont inscrits.

« IV. – La rémunération des certificats paritaires est variable et fixée annuellement par l’assemblée générale lors de l’approbation des comptes. La part maximale des résultats du dernier exercice clos et des précédents exercices susceptible d’être affectée annuellement à la rémunération des certificats mutualistes est fixée par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 931-15-2. – I. – Les certificats paritaires ne sont remboursables qu’en cas de liquidation de l’émetteur et après désintéressement complet de tous les créanciers privilégiés, chirographaires et subordonnés. Le remboursement est effectué à la valeur nominale du certificat, réduite, le cas échéant, à due concurrence de l’imputation des pertes sur le fonds d’établissement. Les statuts peuvent prévoir, préalablement à cette réduction, l’imputation des pertes sur les réserves.

« II. – Les certificats paritaires ne peuvent être cédés que dans les conditions décrites au III du présent article et ne peuvent faire l’objet ni d’un prêt, ni d’opérations de mise en pension.

« III. – L’assemblée générale peut autoriser le conseil d’administration à racheter à leur valeur nominale des certificats paritaires émis par l’institution, le groupement ou l’union, afin de les offrir à l’achat, dans un délai de deux ans à compter de leur rachat, aux personnes mentionnées au I de l’article L. 931-15-1, dans les conditions et selon les modalités suivantes :

« 1° Le montant de certificats paritaires détenus par l’émetteur ne peut excéder 10 % du montant total émis, sauf dérogation accordée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

« 2° Lorsque l’assemblée générale les autorise, les rachats de certificats paritaires sont effectués selon l’ordre d’arrivée des demandes des titulaires de certificats paritaires. Les demandes formulées dans les cas suivants sont toutefois prioritaires :

« a) Liquidation du titulaire ;

« b) Demande d’un ayant droit en cas de décès du titulaire ;

« c) Cas prévus aux troisième à septième alinéas de l’article L. 132-23 du code des assurances. Pour l’application de ces mêmes alinéas, la référence à l’assuré est remplacée par la référence au titulaire du certificat paritaire ;

« d) Perte par le titulaire du certificat de sa qualité de membre participant ou de membre adhérent de l’émetteur, ou de membre participant, de membre honoraire ou assuré des organismes appartenant au même ensemble défini à l’article L. 931-34 du présent code ;

« 3° L’assemblée générale arrête un programme annuel de rachats, qui fait l’objet d’une résolution spéciale dont la teneur est préalablement soumise à l’approbation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Le programme définit la politique de l’institution, du groupement ou de l’union en matière de rachat, les modalités des opérations de rachat et le nombre maximal de certificats paritaires pouvant être rachetés et précise l’impact des rachats sur la solvabilité de l’institution, du groupement ou de l’union ;

« 4° À défaut d’avoir été cédés dans les deux ans à compter de leur rachat, les certificats paritaires sont annulés. L’annulation est compensée par une reprise d’un montant équivalent sur le fonds d’établissement. Cette reprise est constatée par le conseil d’administration, qui procède à la modification du montant du fonds d’établissement mentionné dans les statuts. Cette modification est mentionnée dans le rapport annuel présenté à l’assemblée générale ;

« 5° Les commissaires aux comptes présentent à l’assemblée générale d’approbation des comptes un rapport spécial sur les conditions dans lesquelles les certificats paritaires ont été rachetés et utilisés au cours du dernier exercice clos ;

« 6° Les certificats paritaires détenus par l’émetteur ne donnent pas droit à rémunération ;

« 7° Une nouvelle émission de certificats paritaires ne peut être autorisée que si l’émetteur place de manière prioritaire les certificats paritaires qu’il détient en propre ;

« 8° Le conseil d’administration peut déléguer au directeur général les pouvoirs nécessaires pour réaliser les opérations de rachat. Le directeur général rend compte au conseil d’administration, dans les conditions prévues par ce dernier, de l’utilisation faite de ce pouvoir. »

III. – Le code de la mutualité est ainsi modifié :

1° Au h de l’article L. 114-9, après le mot : « subordonnés », sont insérés les mots : « , de certificats mutualistes » ;

2° Après l’article L. 114-45, il est inséré un article L. 114-45-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 114-45-1. – Les conditions d’émission, notamment le contrôle exercé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, des titres mentionnés aux articles L. 114-44 et L. 114-45 émis par les mutuelles et unions soumises au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en application du 3° du B du I de l’article L. 612-2 du code monétaire et financier sont déterminées par décret en Conseil d’État. » ;

3° Le chapitre Ier du titre II du livre II est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Certificats mutualistes

« Art. L. 221-19. – I. – En vue de l’alimentation de leur fonds d’établissement, les mutuelles et unions mentionnées à l’article L. 211-1 ainsi que les unions mutualistes de groupe mentionnées à l’article L. 111-4-2 peuvent émettre des certificats mutualistes auprès :

« 1° De leurs membres participants ou honoraires ;

« 2° Des membres participants ou assurés des organismes appartenant au même groupe, défini à l’article L. 212-7, ainsi qu’auprès desdits organismes ;

« 3° De mutuelles et unions régies par le présent livre II, d’unions mentionnées à l’article L. 111-4-2 du présent code, d’institutions, d’unions ou de groupements paritaires de prévoyance régis par le livre IX du code de la sécurité sociale, de sociétés d’assurance mutuelle régies par le code des assurances et de sociétés de groupe d’assurance mutuelle mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 322-1-3 du même code.

« II. – Lors de l’émission de certificats mutualistes, les mutuelles et unions respectent les conditions et les modalités prévues aux articles L. 114-44 et L. 114-45-1 du présent code.

« Toutes les informations, y compris les communications à caractère publicitaire, relatives à des certificats mutualistes présentent un contenu exact, clair et non trompeur. Les communications à caractère publicitaire sont clairement identifiées comme telles.

« Les personnes mentionnées au I reçoivent, préalablement à la souscription, les informations leur permettant raisonnablement de comprendre la nature des certificats mutualistes proposés ainsi que les risques et inconvénients y afférents, afin d’être en mesure de prendre leurs décisions d’investissement en connaissance de cause.

« Lorsque les certificats mutualistes sont placés auprès de personnes relevant des 1° ou 2° du I du présent article, les mutuelles et unions précisent les exigences et les besoins exprimés par ces personnes ainsi que les raisons qui motivent le conseil fourni quant à l’investissement proposé. Ces précisions, qui reposent en particulier sur les éléments d’information communiqués par ces personnes sur leur situation financière et leurs objectifs de souscription, sont adaptées aux spécificités des certificats mutualistes. Pour l’application de ces obligations, les mutuelles et unions s’enquièrent des connaissances et de l’expérience en matière financière de ces personnes. Lorsque ces dernières ne communiquent pas l’ensemble des éléments d’information susmentionnés, les mutuelles et unions les mettent en garde préalablement à la souscription.

« III. – Les certificats mutualistes sont inscrits sous forme nominative dans un registre tenu par l’émetteur et dans un compte-titres tenu soit par l’émetteur, soit par l’un des intermédiaires mentionnés aux 2° à 7° de l’article L. 542-1 du code monétaire et financier.

« Le compte-titres est ouvert au nom d’un ou de plusieurs titulaires, propriétaires des certificats mutualistes qui y sont inscrits.

« IV. – Par exception à la règle fixée au troisième alinéa de l’article L. 114-44 du présent code pour les titres participatifs, la rémunération des certificats mutualistes est variable et fixée annuellement par l’assemblée générale lors de l’examen des comptes. La part maximale des résultats du dernier exercice clos et des précédents exercices susceptible d’être affectée annuellement à la rémunération des certificats mutualistes est fixée par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 221-20. – I. – Les certificats mutualistes ne sont remboursables qu’en cas de liquidation de l’émetteur et après désintéressement complet de tous les créanciers privilégiés, chirographaires et subordonnés. Le remboursement est effectué à la valeur nominale du certificat, réduite, le cas échéant, à due concurrence de l’imputation des pertes sur le fonds d’établissement. Les statuts peuvent prévoir, préalablement à cette réduction, l’imputation des pertes sur les réserves.

« II. – Les certificats mutualistes ne peuvent être cédés que dans les conditions décrites au III et ne peuvent faire l’objet ni d’un prêt, ni d’opérations de mise en pension.

« III. – L’assemblée générale peut autoriser le conseil d’administration à racheter à leur valeur nominale des certificats mutualistes émis par la mutuelle ou l’union, afin de les offrir à l’achat, dans un délai de deux ans à compter de leur rachat, aux personnes mentionnées au I de l’article L. 221-19, dans les conditions et selon les modalités suivantes :

« 1° Le montant de certificats mutualistes détenus par l’émetteur ne peut excéder 10 % du montant total émis, sauf dérogation accordée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

« 2° Lorsque l’assemblée générale les autorise, les rachats de certificats mutualistes sont effectués selon l’ordre d’arrivée des demandes des titulaires de certificats mutualistes. Les demandes formulées dans les cas suivants sont toutefois prioritaires :

« a) Liquidation du titulaire ;

« b) Demande d’un ayant droit en cas de décès du titulaire ;

« c) Cas prévus aux troisième à septième alinéas de l’article L. 132-23 du code des assurances. Pour l’application de ces mêmes alinéas, la référence à l’assuré est remplacée par la référence au titulaire du certificat mutualiste ;

« d) Perte par le titulaire du certificat de sa qualité de membre participant ou honoraire de l’émetteur, ou de membre participant, de membre adhérent ou assuré des organismes appartenant au même groupe défini à l’article L. 212-7 du présent code ;

« 3° L’assemblée générale arrête un programme annuel de rachats, qui fait l’objet d’une résolution spéciale dont la teneur est préalablement soumise à l’approbation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Le programme définit la politique de la mutuelle ou de l’union en matière de rachat, les modalités des opérations de rachat et le nombre maximal de certificats mutualistes pouvant être rachetés et précise l’impact des rachats sur la solvabilité de la mutuelle ou de l’union ;

« 4° À défaut d’avoir été cédés dans les deux ans à compter de leur rachat, les certificats mutualistes sont annulés. L’annulation est compensée par une reprise d’un montant équivalent sur le fonds d’établissement. Cette reprise est constatée par le conseil d’administration, qui procède à la modification du montant du fonds d’établissement mentionné dans les statuts. Cette modification est mentionnée dans le rapport annuel présenté à l’assemblée générale ;

« 5° Les commissaires aux comptes présentent à l’assemblée générale d’approbation des comptes un rapport spécial sur les conditions dans lesquelles les certificats mutualistes ont été rachetés et utilisés au cours du dernier exercice clos ;

« 6° Les certificats mutualistes détenus par l’émetteur ne donnent pas droit à rémunération ;

« 7° Une nouvelle émission de certificats mutualistes ne peut être autorisée que si l’émetteur place de manière prioritaire les certificats mutualistes qu’il détient en propre ;

« 8° Le conseil d’administration peut déléguer au président du conseil d’administration ou au dirigeant salarié les pouvoirs nécessaires pour réaliser les opérations de rachat. Le président du conseil d’administration ou le dirigeant salarié rend compte au conseil d’administration, dans les conditions prévues par ce dernier, de l’utilisation faite de ce pouvoir. »

IV. – Au 9° du I de l’article L. 612-33 du code monétaire et financier, après le mot : « actionnaires », sont insérés les mots : « , d’une rémunération des certificats mutualistes ou paritaires ».

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Article 36
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Article 40 AA

Article 39 bis

(Texte de la commission mixte paritaire)

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 15 juillet 2015, un rapport portant sur les conditions d’introduction, dans le code des assurances, de dispositions similaires à celles figurant à l’article L. 114-24 du code de la mutualité, relatives aux droits et obligations des administrateurs des sociétés d’assurance mutuelles, salariés du secteur privé ou agents du secteur public.

TITRE IV BIS

DISPOSITIFS DE SOUTIEN ET D’ACCOMPAGNEMENT

Section 1

Les subventions publiques

Article 39 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Article 40 ABA

Article 40 AA

(Texte de la commission mixte paritaire)

Le chapitre III du titre Ier de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est ainsi modifié :

1° Au début, il est ajouté un article 9-1 ainsi rédigé :

« Art. 9-1. – Constituent des subventions, au sens de la présente loi, les contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l’acte d’attribution, décidées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d’un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d’une action ou d’un projet d’investissement, à la contribution au développement d’activités ou au financement global de l’activité de l’organisme de droit privé bénéficiaire. Ces actions, projets ou activités sont initiés, définis et mis en œuvre par les organismes de droit privé bénéficiaires.

« Ces contributions ne peuvent constituer la rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins des autorités ou organismes qui les accordent. » ;

2° L’article 10 est ainsi modifié :

a) À la première phrase des troisième et quatrième alinéas et au sixième alinéa, après le mot : « administrative », sont insérés les mots : « ou l’organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial mentionné au premier alinéa de l’article 9-1 » ;

b) À la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « montant », sont insérés les mots : « , les modalités de versement » ;

bis) (nouveau) À la deuxième phrase du quatrième alinéa, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « L’autorité ou l’organisme mentionné à la première phrase du présent alinéa » ;

c) À la seconde phrase du cinquième alinéa, après le mot : « administrative », sont insérés les mots : « ou de l’organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial mentionné au premier alinéa de l’article 9-1 » ;

d) Au sixième alinéa, les mots : « celles qui les détiennent » sont remplacés par les mots : « par les autorités administratives qui détiennent ces documents » ;

e) À l’avant-dernier alinéa, après le mot : « administratives », sont insérés les mots : « ou des organismes chargés de la gestion d’un service public industriel et commercial ».

Article 40 AA
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Article 40 AD

Article 40 ABA

(Texte de l’Assemblée nationale)

À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 612-4 du code de commerce, après le mot : « subventions », sont insérés les mots : « en numéraire ».

Section 2

Le dispositif local d’accompagnement

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TITRE V

DISPOSITIONS RELATIVES AUX ASSOCIATIONS

Section 1

Dispositions visant à encourager l’action des associations

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Article 40 ABA
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Article 40 AFA

Article 40 AD

(Texte de la commission mixte paritaire)

I. – Le code du service national est ainsi modifié :

1° Le 1° du II de l’article L. 120-1 est ainsi rédigé :

« 1° Un volontariat associatif, d’une durée de six à vingt-quatre mois, ouvert aux personnes âgées de plus de vingt-cinq ans, auprès d’associations de droit français ou de fondations reconnues d’utilité publique agréées dans les conditions prévues à la section 6 du chapitre II du présent titre ; »

1° bis L’article L. 120-2 est ainsi modifié :

a) Le douzième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le groupement est constitué sans limitation de durée. » ;

b) Au dernier alinéa, les mots : « la durée pour laquelle le groupement est constitué et » sont supprimés ; 

1° ter L’article L. 120-3 est complété par les mots : « ou de volontariat associatif dans les conditions fixées au présent chapitre » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 120-18 est ainsi modifié :

a) À la fin de la première phrase, les mots : « de service civique » sont remplacés par le mot : « associatif » ;

b) À la seconde phrase, les mots : « de service civique » sont remplacés par les mots : « mentionné à l’article L. 120-3 ».

c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« La durée cumulée des contrats de volontariat associatif pour un même individu ne peut excéder trente-six mois. » ;

3° Après le mot : « volontariat », la fin du 1° de l’article L. 120-34 est ainsi rédigée : « associatif peut être effectué dans les départements et collectivités d’outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, auprès de personnes morales de droit public, sous le nom de volontariat de service civique. » ;

4° L’intitulé du chapitre II du titre Ier bis du livre Ier est ainsi rédigé : « L’engagement de service civique et le volontariat associatif » ;

5° À la deuxième phrase du premier alinéa du III de l’article L. 120-1, au sixième alinéa de l’article L. 120-2, aux premier et second alinéas de l’article L. 120-7, au premier alinéa et aux première et seconde phrases du second alinéa de l’article L. 120-8, au premier alinéa de l’article L. 120-9, à l’article L. 120-10, à la fin de la première phrase du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 120-11, au premier alinéa de l’article L. 120-12, au premier alinéa des articles L. 120-20 et L. 120-22, à l’article L. 120-23, à la seconde phrase de l’article L. 120-28, aux trois premiers alinéas de l’article L. 120-32, au b du 2° et à la première phrase du 5° de l’article L. 120-34 et aux articles L. 120-35 et L. 120-36, les mots : « de service civique » sont supprimés ;

6° Au sixième alinéa de l’article L. 120-2, au premier alinéa de l’article L. 120-7, à la seconde phrase de l’article L. 120-28 et au premier alinéa de l’article L. 120-32, après le mot : « contrat », sont insérés les mots : « mentionné à l’article L. 120-3 ».

II. – Sous réserve des volontariats de service civique conclus avec des personnes morales de droit public dans les conditions fixées à l’article L. 120-34 du code du service national, les personnes physiques ou morales qui ont conclu un contrat de volontariat de service civique bénéficient jusqu’à l’échéance de celui-ci, à l’exception des dispositions relatives à son renouvellement, des dispositions qui le régissaient au moment de sa conclusion. À l’issue de leur contrat ou de leur engagement, les personnes physiques reçoivent une attestation d’engagement de service civique. Les droits et obligations liés aux agréments et conventions octroyés au titre du volontariat de service civique perdurent jusqu’à l’échéance de ces agréments et conventions, à l’exception des dispositions relatives à leur renouvellement.

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Article 40 AD
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Article 40

Article 40 AFA

(Texte de l’Assemblée nationale)

(Suppression maintenue)

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Section 2

Les titres associatifs

Article 40 AFA
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Article 42 bis

Article 40

(Texte de l’Assemblée nationale)

I. – Le titre Ier du livre II du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° A L’article L. 213-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les obligations émises par les associations sont inscrites en compte, dans les conditions posées à l’article L. 211-7 du présent code. » ;

1° L’article L. 213-9 est ainsi rédigé :

« Art. L. 213-9. – Les contrats d’émission d’obligations mentionnées à l’article L. 213-8 peuvent prévoir que celles-ci ne sont remboursables qu’à l’initiative de l’émetteur ou à une échéance conditionnée à la constitution, depuis la date de l’émission, d’excédents dépassant le montant nominal de l’émission, nets des éventuels déficits constitués durant la même période.

« Ces obligations constituent alors des créances de dernier rang, émises sous forme nominative, et ne sont remboursables qu’à l’issue d’un délai minimal de sept ans. Elles prennent la dénomination de titres associatifs.

« Si plusieurs émissions de titres associatifs coexistent, l’application de la condition relative à la constitution d’excédents suffisants mentionnée au premier alinéa se fait suivant leur ordre chronologique.

« Les excédents nets non affectés au remboursement d’un titre associatif sont reportables aux titres associatifs non encore remboursés. » ;

2° (Supprimé)

3° L’article L. 213-13 est ainsi modifié :

a) Au début, les mots : « Lorsqu’il n’est pas procédé à une offre au public, » sont supprimés ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« S’agissant des titres associatifs mentionnés à l’article L. 213-9 dont le remboursement est conditionné à la réalisation d’excédents, ce taux majoré plafond est lui-même majoré d’une rémunération définie par arrêté du ministre chargé de l’économie, qui ne peut excéder deux points et demi. Dans cette limite, le contrat d’émission peut prévoir une rémunération variable. Les titres pour lesquels une telle rémunération est prévue ne peuvent être souscrits ou acquis que par des investisseurs qualifiés, à l’exclusion des membres de l’association. » ;

4° L’article L. 213-14 est ainsi rédigé :

« Art. L. 213-14. – Les obligations émises par les associations dans les conditions prévues à la présente sous-section ne peuvent être détenues, directement ou indirectement, par leurs dirigeants de droit ou de fait. Elles ont pour but de répondre à des besoins de développement et de financement, et non de distribuer à leurs souscripteurs des excédents de gestion constitués par les associations émettrices.

« Les souscriptions et transferts d’obligations intervenus en violation du premier alinéa sont frappés de nullité absolue. » ;

5° Au I de l’article L. 214-28, après le mot : « moins, », sont insérés les mots : « de titres associatifs, ».

II. – À la première phrase du premier alinéa du I de l’article 1er de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, après le mot : « moins », sont insérés les mots : « de titres associatifs mentionnés à l’article L. 213-9 du code monétaire et financier, ».

III. – Le présent article n’est pas applicable aux contrats d’émission de titres associatifs conclus avant la publication de la présente loi.

Section 3

Dispositions relatives au droit des associations

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Article 40
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Article 44 ter

Article 42 bis

(Texte de l’Assemblée nationale)

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 626-2, il est inséré un article L. 626-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 626-2-1. – Lorsque le débiteur exerce une activité, bénéficiant d’une autorisation administrative, d’un agrément, d’un conventionnement ou d’une habilitation, mentionnée au II de l’article 1er de la loi n° … du … relative à l’économie sociale et solidaire, il consulte l’autorité administrative ou l’autorité de contrôle et de tarification pour l’élaboration du projet de plan. Lorsqu’un créancier soumet un projet de plan en application de l’article L. 626-30-2, il consulte également cette autorité. L’administrateur, lorsqu’il en a été désigné, s’assure qu’il a été procédé à ces consultations. Le débiteur ou, s’il y a lieu, l’administrateur fait connaître au tribunal les diligences effectuées ainsi que l’avis de l’autorité administrative ou de l’autorité de contrôle et de tarification. L’autorité administrative ou l’autorité de contrôle et de tarification rend son avis dans le délai d’un mois, en tenant compte du b du 3° du I de l’article 1er de la loin° … du … précitée. L’absence d’avis dans ce délai ne peut faire obstacle au jugement du tribunal. » ;

1° bis Après la première phrase du deuxième alinéa du I de l’article L. 631-19, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Pour l’application de l’article L. 626-2-1, la consultation est faite par l’administrateur, lorsqu’il en a été désigné. » ;

2° Après l’article L. 642-4, il est inséré un article L. 642-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 642-4-1. – Lorsque le débiteur exerce une activité, bénéficiant d’une autorisation administrative, d’un agrément, d’un conventionnement ou d’une habilitation, mentionnée aux 1° ou 2° du II de l’article 1er de la loin° … du … relative à l’économie sociale et solidaire, l’auteur de l’offre consulte l’autorité administrative ou l’autorité de contrôle et de tarification. Le liquidateur ou l’administrateur, lorsqu’il en a été désigné, s’assure qu’il a été procédé à cette consultation. L’auteur de l’offre ou, s’il y a lieu, le liquidateur ou l’administrateur fait connaître au tribunal les diligences effectuées ainsi que l’avis de l’autorité administrative ou de l’autorité de contrôle et de tarification. L’autorité administrative ou l’autorité de contrôle et de tarification rend son avis dans le délai d’un mois, en tenant compte du b du 3° du I du même article 1er. L’absence d’avis dans ce délai ne peut faire obstacle au jugement du tribunal. »

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Article 42 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Article 44 quater

Article 44 ter

(Texte de l’Assemblée nationale)

I. – L’article L. 612-4 du code de commerce est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les peines prévues à l’article L. 242-8 sont applicables aux dirigeants des associations mentionnées au premier alinéa du présent article qui n’ont pas, chaque année, établi un bilan, un compte de résultat et une annexe.

« À la demande de tout intéressé, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte aux dirigeants de toute association mentionnée au premier alinéa d’assurer la publicité des comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes. Le président peut, dans les mêmes conditions et à cette même fin, désigner un mandataire chargé d’effectuer ces formalités. »

II. – (Supprimé)

Article 44 ter
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Article 48 bis

Article 44 quater

(Texte de la commission mixte paritaire)

(Supprimé)

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TITRE VI

DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT DES FONDATIONS ET FONDS DE DOTATION

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Article 44 quater
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Adoption de l'ensemble du projet de loi (début)

Article 48 bis

(Texte de l’Assemblée nationale)

L’article 20-1 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 précitée est ainsi rétabli :

« Art. 20-1. – I. – La fusion de plusieurs fondations dotées de la personnalité morale est décidée par des délibérations concordantes, adoptées dans les conditions requises par leurs statuts pour leur dissolution. Lorsque la fusion est réalisée par voie de création d’une nouvelle fondation, le projet de statuts de la nouvelle fondation est approuvé par délibérations concordantes de chacune des fondations qui disparaissent et il n’y a pas lieu à approbation de l’opération par la nouvelle fondation.

« La scission d’une fondation dotée de la personnalité morale est décidée dans les conditions requises par ses statuts pour sa dissolution. Lorsque la scission est réalisée par apport à une nouvelle fondation, le projet de statuts de la nouvelle fondation est approuvé par délibération de la fondation scindée et il n’y a pas lieu à approbation de l’opération par la nouvelle fondation.

« L’apport partiel d’actif entre fondations dotées de la personnalité morale est décidé par des délibérations concordantes, adoptées dans les conditions requises par leurs statuts.

« Les fondations qui participent à l’une des opérations mentionnées aux trois premiers alinéas établissent un projet de fusion, de scission ou d’apport partiel d’actif, qui fait l’objet d’une publication sur un support habilité à recevoir des annonces légales, dans des conditions et délais fixés par voie réglementaire.

« Lorsque la valeur totale de l’ensemble des apports est d’un montant au moins égal à un seuil fixé par voie réglementaire, les délibérations prévues aux trois premiers alinéas sont précédées de l’examen d’un rapport établi par un commissaire à la fusion, à la scission ou aux apports désigné d’un commun accord par la ou les fondations qui procèdent à l’apport. Le rapport se prononce sur les méthodes d’évaluation et sur la valeur de l’actif et du passif des fondations concernées et expose les conditions financières de l’opération. Pour l’exercice de sa mission, le commissaire peut obtenir auprès de chacune des fondations communication de tous documents utiles et procéder aux vérifications nécessaires.

« II. – La fusion ou la scission entraîne la dissolution sans liquidation des fondations qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux fondations bénéficiaires, dans l’état où il se trouve à la date de réalisation définitive de l’opération. L’apport partiel d’actif n’entraîne pas la dissolution de la fondation qui apporte une partie de son actif.

« Les articles L. 236-14, L. 236-20 et L. 236-21 du code de commerce sont applicables aux fusions et aux scissions de fondations.

« III. – Sauf stipulation contraire du traité d’apport, la fusion, la scission ou l’apport partiel d’actif prend effet :

« 1° En cas de création d’une ou de plusieurs fondations nouvelles, à la date d’entrée en vigueur de l’acte nécessaire à la constitution de la nouvelle fondation ou de la dernière d’entre elles ;

« 2° Lorsque l’opération entraîne une modification statutaire soumise à une approbation administrative, à la date d’entrée en vigueur de celle-ci ;

« 3° Dans les autres cas, à la date de la dernière délibération ayant approuvé l’opération.

« IV. – Lorsqu’une fondation bénéficiant d’une autorisation administrative, d’un agrément, d’un conventionnement ou d’une habilitation participe à une fusion, à une scission ou à un apport partiel d’actif et qu’elle souhaite savoir si la fondation résultant de la fusion ou de la scission ou bénéficiaire de l’apport bénéficiera de l’autorisation, de l’agrément, du conventionnement ou de l’habilitation pour la durée restant à courir, elle peut interroger l’autorité administrative, qui se prononce sur sa demande :

« 1° Si elles existent, selon les règles prévues pour autoriser la cession de l’autorisation, de l’agrément, du conventionnement ou de l’habilitation ;

« 2° Pour les autres cas, dans les conditions et délais prévus pour accorder le conventionnement, l’autorisation, l’agrément ou l’habilitation.

« Le présent IV n’est pas applicable à la reconnaissance d’utilité publique.

« V. – La dissolution sans liquidation d’une fondation reconnue d’utilité publique qui disparaît du fait d’une fusion ou d’une scission est approuvée par décret en Conseil d’État. Ce même décret abroge le décret de reconnaissance d’utilité publique de la fondation dissoute.

« VI. – Le présent article est applicable aux opérations intervenant entre une ou plusieurs fondations dotées de la personnalité morale et une ou plusieurs associations. La dissolution sans liquidation d’une association reconnue d’utilité publique qui disparaît du fait d’une fusion est approuvée par décret en Conseil d’État. Ce même décret abroge le décret de reconnaissance d’utilité publique de l’association absorbée.

« VII. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »

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TITRE VII

DISPOSITIONS RELATIVES AUX ÉCO-ORGANISMES

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TITRE VIII

DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

Section 1

Dispositions diverses

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Section 2

Dispositions finales

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Article 48 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
Adoption de l'ensemble du projet de loi (fin)

M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.

Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...

Le vote est réservé.

Personne ne demande la parole pour explication de vote sur l’ensemble ?...

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.

(Le projet de loi est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)

La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Je voudrais tout d’abord saluer le travail qu’a accompli sur ce texte notre rapporteur, Marc Daunis, mais aussi celui qu’il a réalisé en amont avec Marie-Noëlle Lienemann, dans le cadre d’un précédent rapport qui portait déjà sur l’économie sociale et solidaire.

Cher Marc Daunis, le succès que traduit le vote qui vient d’intervenir nous permettra, je l’espère, de vous retrouver au mois d’octobre au Sénat. C’est en tout cas un bon présage !

M. Marc Daunis, rapporteur. Merci !

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Quant à vous, madame la secrétaire d'État, vous avez réussi brillamment votre examen d’entrée au Palais du Luxembourg ! Ce texte sur l’économie sociale et solidaire est le premier que vous avez eu à défendre, et ce le jour même de votre prise de fonction.

Nous avons, à cette occasion, été agréablement surpris de la pertinence de vos remarques, preuve de votre bonne connaissance de ce texte. Peut-être est-ce dû à votre culture, à votre proximité avec Jean Jaurès, que vous aimez à citer, point que vous avez en commun avec Jean-Jacques Mirassou. Je laisse de côté votre petit débat entre Albi et Carmaux, sachant que l’accent est le même, de toute façon, et que l’on joue sans doute, à Carmaux comme à Albi, avec des ballons qui ne sont même pas ronds ! Mais personne n’est parfait… (Sourires.)

Enfin, je tiens à remercier chaleureusement les collaborateurs de la commission des affaires économiques, qui ont accompli un travail tout à fait remarquable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc Daunis, rapporteur. Monsieur le président, je vous remercie de me permettre de m’exprimer en dernier : je ne sais si c’est très protocolaire, mais cette courtoisie me touche.

Je tiens à mon tour à remercier les services du Sénat, particulièrement les collaborateurs de la commission des affaires économiques, qui, sous votre impulsion, monsieur le président de la commission, ont effectué un travail remarquable, comme à leur habitude.

Je salue bien sûr mes collègues, en premier lieu, Marie-Noëlle Lienemann, ainsi que les différents groupes de la majorité sénatoriale avec lesquels nous avons coconstruit ce texte. Nous avons œuvré dans un excellent esprit, empreint de respect mutuel, cher Gérard Le Cam et cher Joël Labbé, qui nous a permis de mener un véritable travail de fond. Avec Jacques Mézard et le groupe du RDSE, nous avons peaufiné l’équilibre recherché.

Je voulais saluer Valérie Létard et Henri Tandonnet, dont les positions ont progressé au fil du débat. Je regrette que le groupe UDI-UC n’ait pas trouvé l’élan nécessaire pour voter ce texte. Peut-être quelques chaînes idéologiques vous retiennent-elles encore (Mme Françoise Férat s’exclame.), mais n’insultons pas l’avenir : je suis persuadé qu’un jour nous parviendrons à donner ensemble l’élan nécessaire à l’économie sociale et solidaire.

J’ai compris, en l’écoutant dans la discussion générale, que notre collègue Jacky Pierre attendait beaucoup. Il est vrai que rien n’avait été fait jusqu’ici en matière d’économie sociale et solidaire. Je crains cependant, si notre collègue reste dans les mêmes dispositions d’esprit, qu’il n’attende encore longtemps. Je regrette que nos collègues de l’UMP ne se soient pas associés au mouvement.

Madame la secrétaire d’État, le travail qui a été mené avec le Gouvernement, que ce soit, dans un premier temps, avec le ministre Benoît Hamon puis avec vous-même, a été extrêmement fructueux. Je vous remercie donc très chaleureusement de votre écoute ainsi que de la qualité du travail effectué. Je pense que nous avons donné ensemble une belle image de la politique.

Enfin, une loi n’est rien sans ceux auxquels elle s’adresse. Ce texte est un instrument au service des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Nous n’aurons fait que produire l’outil : aux acteurs de l’économie sociale et solidaire de s’en emparer pour lui donner sa profondeur, sa force, son âme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. le président. Mes chers collègues, avant de passer au point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Adoption de l'ensemble du projet de loi (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire
 

9

Question prioritaire de constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 17 juillet 2014, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 706-73, 8°, du code de procédure pénale et sur l’article 706-88 du code de procédure pénale dans sa version applicable au moment des faits (possibilité d’une garde à vue de 96 heures pour les cas d’escroquerie commis en bande organisée) (2014-420 et 2014-421 QPC).

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

10

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public
Discussion générale (suite)

Sécurisation des contrats de prêts structurés

Adoption définitive en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public (projet n° 721, texte de la commission n° 727, rapport n° 726).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons donc pour examiner, en deuxième lecture, le projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public, que le Sénat avait adopté en première lecture le 13 mai dernier.

Il n’est pas nécessaire que je reprenne dans le détail les raisons qui ont amené le Gouvernement à proposer à la représentation nationale un nouveau dispositif de sécurisation de ces contrats, après la censure du Conseil constitutionnel : la discussion, en première lecture, au Sénat, a déjà permis de débattre de ces sujets. Nous avons détaillé le risque majeur que ferait peser sur nos finances publiques la non-adoption de ce projet de loi, ainsi que les raisons pour lesquelles il ne désarme pas les collectivités territoriales face aux emprunts structurés.

En outre, je constate avec satisfaction que, mis à part l’amendement rédactionnel qui nous amène à cette deuxième lecture au Sénat, l'Assemblée nationale n’a pas apporté de modifications au texte que vous aviez voté. Ainsi, les articles 2, 3 et 4 ont été adoptés conformes.

L’Assemblée nationale a, en particulier, conservé l’article 4, ajouté par votre commission des finances, aux termes duquel, dans un délai de huit mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur la réforme du taux effectif global. Nous y travaillerons.

Cette deuxième lecture tient donc uniquement au fait que l’Assemblée nationale a apporté une modification rédactionnelle, mais nécessaire, au projet de loi. Ainsi, à l’article 1er, le dispositif du projet de loi visait par erreur l’article L. 313-1 du code de la consommation, qui définit les modalités de calcul du taux effectif global. Or il convenait de viser l’article L. 313-2 du même code, qui prescrit la mention de ce taux dans les contrats.

Le Gouvernement a fait le choix de lever l’urgence sur le texte pour procéder à cette deuxième lecture, plutôt que de convoquer une commission mixte paritaire qui n’aurait eu pour objet que d’examiner cette modification rédactionnelle. J’en profite pour remercier le Sénat de ce nouvel examen dans des délais très brefs, que le Gouvernement, je dois l’avouer, n’avait pas initialement prévu.

Enfin, j’aimerais vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques éléments nouveaux depuis la première lecture dans votre assemblée, sur la mise en place du fonds de soutien aux collectivités territoriales.

Le comité d’orientation et de suivi du fonds de soutien est en cours de constitution. Je remercie votre commission des finances d’être la première à y avoir nommé ses représentants et vous félicite, monsieur le rapporteur, pour votre nomination. Les membres du Gouvernement sont en train de faire de même, tout comme les associations d’élus, qui ont été saisies et doivent y procéder dans les plus brefs délais.

Nous visons une première réunion de ce comité dès le mois de septembre, ce qui permettrait de tenir l’objectif, que j’avais indiqué, de premiers versements au titre du fonds de secours à l’automne.

En conclusion, je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de confirmer votre vote du 13 mai dernier en adoptant le présent projet de loi, amendé par la rectification rédactionnelle opportunément apportée par l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Germain, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public revient en seconde lecture devant notre assemblée, qui l’avait adopté, en première lecture, le 13 mai dernier. Il avait ensuite été examiné et voté par l’Assemblée nationale le 10 juillet.

Sur les quatre articles du projet de loi, trois ont été adoptés sans modification par l’Assemblée nationale. Seul l’article 1er reste en discussion. J’y reviendrai dans quelques instants.

En première lecture, j’avais eu l’occasion de souligner le caractère indispensable et urgent de ce texte, qui procède à une validation législative à la suite de deux jugements relatifs à des contrats d’emprunts structurés rendus par le tribunal de grande instance de Nanterre.

En effet, pour un motif formel – l’absence de taux effectif global ou l’erreur sur son calcul –, le TGI a décidé que le taux d’intérêt légal devait s’appliquer depuis la signature du contrat. Ces jugements sont de nature à mettre gravement en péril non seulement Dexia, mais aussi la Société de financement local, la SFIL, qui a repris une grande partie du portefeuille de prêts de Dexia Crédit Local.

Au total, on estime que les deux établissements, majoritairement détenus par l’État, pourraient perdre jusqu’à 10 milliards d’euros, auxquels il faudrait ajouter 7 milliards d’euros si la SFIL devait être mise en extinction.

Ce projet de loi vise donc à éviter un risque potentiel pour les finances publiques de l’ordre de 17 milliards d’euros, soit un peu moins de 1 % du PIB. Il est également décisif pour assurer la survie de la SFIL, qui représente environ 20 % de parts de marché du financement local.

Je voudrais par ailleurs rappeler que la loi de finances rectificative pour 2013 a mis en place un fonds de soutien aux collectivités, doté d’un montant de 1,5 milliard d’euros, afin de les aider à sortir des emprunts structurés.

Le projet de loi fait donc partie d’un ensemble équilibré proposé l’année dernière par le Gouvernement.

J’en viens maintenant plus directement au texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale.

Les articles 2, 3 et 4 ont été adoptés sans modification. Les modifications apportées par le Sénat, en particulier l’ajout de l’article 4 demandant un rapport sur la réforme du taux effectif global, ont été conservées.

L’Assemblée nationale, sur l’initiative du rapporteur et avec l’avis favorable du Gouvernement, a précisé la rédaction de l’article 1er en modifiant une référence au code de la consommation.

Cette précision me paraît bienvenue et la commission des finances s’est prononcée pour que le Sénat adopte l’article 1er dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, de sorte que le projet de loi puisse être définitivement adopté par le Parlement.

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le présent projet de loi de validation rétroactive, qui nous revient en deuxième lecture, a pour objet de sécuriser juridiquement les emprunts structurés dits « toxiques », octroyés par certaines banques et aujourd’hui contestés devant les tribunaux par plusieurs collectivités territoriales, essentiellement pour défaut de mention du TEG, le taux effectif global, mention pourtant obligatoire, ou d’erreur dans son calcul.

Cette validation juridique devrait mettre fin – nous l’espérons ! – aux centaines de contentieux en cours, qui, selon une jurisprudence récente, vont aboutir, à la suite du vice de forme né de l’absence de notification ou de l’erreur de calcul évoquées, à la condamnation des établissements bancaires ayant souscrit ces emprunts, ce qui impactera fortement les finances de l’État, lequel est actionnaire de ces établissements à hauteur de plusieurs milliards d’euros.

Cette validation juridique avait déjà été proposée dans le projet de loi de finances pour 2014, mais avait été censurée par le Conseil constitutionnel. Le Gouvernement revient donc avec une nouvelle copie, présentée comme juridiquement plus solide.

Rappelons que toutes les banques ne sont pas concernées, car toutes n’ont pas distribué d’emprunts structurés qui se sont révélés « toxiques ». Il s’est agi essentiellement de Dexia, dont l’État est actionnaire à 44 %.

Dexia, en faillite, a été remplacé par la Société de financement local, nouvelle entité chargée du financement des collectivités locales, détenue à 75 % par l’État, 20 % par la Caisse des dépôts et consignations et 5 % par la Banque postale.

Le stock d’emprunts toxiques a donc été repris partiellement par la SFIL, qui a hérité d’un portefeuille de 90 milliards d’euros de prêts déjà consentis à des collectivités, dont 9,4 milliards d’euros considérés comme « sensibles », concernant environ un millier de collectivités.

Les contentieux juridiques qui se multiplient pourraient donc avoir pour conséquence une nécessaire recapitalisation par l’État de la Société de financement local, voire sa mise en extinction.

Ainsi, faute de validation de l’absence de TEG et de l’absence de taux de période et/ou de durée de période, le risque financier maximum, direct et indirect, pour l’État peut être estimé à 17 milliards d’euros, dont 9 milliards d’euros se matérialiseraient dès la fin de cette année ou au début de 2015.

Selon le Gouvernement, l’ampleur des montants en jeu représente donc un risque systémique pour la Société de financement local, qui est appelée à devenir un acteur important du financement du secteur public local, avec une part de marché supérieure à 20 %, et, par conséquent, un risque de perturbation du financement des collectivités locales et de l’ensemble de l’économie française.

Toujours selon le Gouvernement, la loi de validation se justifie par le fait que l’absence de mention du TEG a une pertinence très limitée dans le cas des prêts structurés – ils sont effectivement, par essence, volatils –, notamment dans le cas des prêts consentis aux personnes morales de droit public, dans la mesure où, contrairement aux prêts à taux fixe, ils n’ont pas de valeur informative quant au taux réel qui sera appliqué.

Même sans notification du TEG, l’emprunteur disposait, selon le Gouvernement, de toutes les informations lui permettant de prendre une décision éclairée : montant ou mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts, périodicité et nombre de ces échéances ou durée du prêt.

En vérité, sur ce dossier, si ce n’est pas l’État qui paye la note au travers de la recapitalisation de la SFIL, ce seront les collectivités qui devront verser des surcoûts bancaires indécents, à hauteur de plusieurs milliards d’euros.

Contribuable national ou contribuable local, au final, ce sont les Français qui devront assumer financièrement ces égarements, dont il faut reconnaître qu’ils sont la responsabilité partagée de tous les pouvoirs publics dans leur ensemble depuis dix ans. Malgré tous les contrôleurs ou dispositifs de contrôle dont notre pays dispose – Cour des comptes, chambres régionales des comptes, Trésor, contrôle de légalité, personne ne s’est vraiment inquiété de la nature réelle des emprunts et des dangers encourus par les collectivités locales avec ces produits structurés dont elles n’étaient pas capables techniquement d’évaluer les risques.

Ces collectivités, aujourd'hui aux prises avec ces emprunts toxiques et des frais financiers qui s’envolent, n’ont en réalité d’autre choix que d’augmenter leur fiscalité ou de réduire fortement, avec un effet récessif, leurs investissements.

On aurait pu penser, au nom de la décentralisation et de l’autonomie financière des collectivités locales, que les élus qui ont manqué de discernement ou de prudence devaient être responsables de leurs actes. Or la situation dure depuis parfois deux mandatures, et aujourd'hui, même si les équipes ont changé, les emprunts toxiques figurent toujours dans les comptes et constituent un grave handicap pour la gestion de nombreuses collectivités. Je pense en particulier aux petites communes qui, par manque de capacités d’expertise devant ces produits financiers complexes, ont pu être bernées par les établissements financiers. Nous en connaissons tous ici des exemples.

Quand on étudie les documents commerciaux proposés à l’époque par Dexia, la prise de risque n’est jamais mentionnée, l’adossement à la parité euro-franc suisse étant présenté comme une valeur sûre et les économies garanties sur les taux d’intérêt.

La situation est donc complexe, car, s’il est possible que des défauts de conseil soient imputables à certaines banques, les procédures contentieuses ne devraient alors pas être entravées, particulièrement dans un domaine qui doit obéir à la loi des parties, puisqu’il s’agit de contrats entre les collectivités et leurs prêteurs.

Au surplus, monsieur le secrétaire d'État, le fonds de soutien de 1,5 milliard d’euros sur dix ans, mis en place par la loi de finances pour 2014 afin de favoriser le règlement des contentieux, apparaît aujourd'hui insuffisant pour répondre aux besoins recensés.

En effet, en décembre 2011, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux évaluait à 22 milliards d’euros l’encours de la dette liée à ces produits et à 18 milliards d’euros le volume total des produits structurés les plus toxiques.

Aussi, la renonciation à toute procédure contentieuse ne va pas forcément dans l’intérêt des contribuables des nombreuses collectivités concernées, lesquelles devront s’abstenir de tout recours en justice et se désengager des procès en cours, pour une aide indéterminée et dans son principe et dans sa durée. La loi de finances pour 2014 prévoit, en effet, que le montant de l’aide sera décidé conjointement par vous, monsieur le secrétaire d'État, et par le ministre chargé des collectivités territoriales. Mais vos décisions n’interviennent qu’une fois l’accord conclu avec l’établissement de crédit.

En fait, ce procédé s’inspire d’une technique bien connue : celle de la carotte et du bâton !

Les collectivités concernées ont jusqu’au 15 mars 2015 pour déposer leur demande d’aide, mais aucune n’est assurée de pouvoir en bénéficier, les modalités d’éligibilité au fonds n’étant, à notre connaissance, pas bien précisées – en tout état de cause, elles ne figurent pas dans la loi. Par ailleurs, le délai est court : certains produits structurés peuvent se révéler toxiques bien plus tard, puisque les taux sont indexés sur différentes variables de marchés complexes et, même, parfois, exotiques.

En résumé, nous avons le choix entre deux options.

Soit nous rejetons le présent projet de loi de validation, avec ces incertitudes. Nous laissons alors les centaines de procès en cours aboutir et nous faisons payer les banques qui ont pu abuser certaines collectivités, aujourd’hui la SFIL principalement, et donc l’État, pour un montant de 9 milliards d’euros à trouver d’ici la fin de l’année…

Soit nous adoptons le texte, et nous laissons alors les collectivités qui ont pu manquer de discernement et pris des risques avec ce type d’emprunts, négocier avec leur banque et étaler leur dette sur plusieurs années, au risque d’affecter leurs finances, leurs investissements et d’augmenter la fiscalité locale, dans un contexte de baisse drastique de leurs dotations.

Compte tenu de la complexité de cette situation et de l’importance des enjeux de part et d’autre, le groupe UMP, comme en première lecture, s’abstiendra, ce qui, monsieur le secrétaire d'État, revient, en réalité, à permettre un vote conforme.

Cependant, au-delà de cette position d’abstention, compromis entre une position de défense des collectivités et une position de responsabilité au regard de la situation des finances de l’État, nous nous interrogeons sur la constitutionnalité de ce projet de loi de validation rétroactive. En particulier, quand il a censuré les dispositions de l’article 92 du projet de loi de finances pour 2014, le Conseil constitutionnel n’a pas examiné tous les autres moyens invoqués par les parlementaires, notamment l’absence de but d’intérêt général suffisant, autre motif d’annulation qui pourrait être pertinent en l’espèce.

Nous ne mésestimons pas l’intérêt du présent projet de loi. En effet, le sujet est grave. Il l’est pour les finances publiques, car les ordres de grandeur sont considérables. En vertu des règles comptables, la SFIL et Dexia devraient constituer 10,6 milliards d’euros de provisions cumulées, en sus des 7 milliards d’euros de recapitalisation de la SFIL.

Le sujet est sensible aussi pour les collectivités territoriales, ainsi que pour certaines sociétés d’HLM et certains hôpitaux, car la validation législative objet de ce texte les privera d’une jurisprudence qui leur était favorable et les mettait parfois en position de force pour renégocier avec leurs banques. Là aussi, les surcoûts financiers et les pertes sont à peu près connus : de l’ordre de 10 milliards d’euros, à comparer, d'ailleurs, avec les 100 millions d’euros du fonds qui a été mis en place sur l’initiative du Gouvernement.

Monsieur le rapporteur, il sera compliqué pour le Conseil constitutionnel de déterminer, entre des intérêts contradictoires, où réside l’intérêt général suffisant. Un intérêt général suffisant, certes, mais pour qui ? Pour l’État ou pour les collectivités territoriales ? En réalité, du choix qui sera fait dépendra le sort de ce projet de loi, monsieur le secrétaire d'État ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, tout a été dit sur l’affaire Dexia, et je partage l’analyse que vient d’en faire notre collègue Francis Delattre.

Le Sénat, en tant que gardien des collectivités locales, doit être très vigilant sur ce dossier.

J’ai moi-même interrogé le précédent gouvernement à ce sujet lors d’une séance de questions d’actualité, au mois de mai 2011. Le dossier a également été abordé lors de la séance de questions orales du 13 décembre de la même année. Je ne vous cache pas que les chiffres annoncés aujourd'hui – environ 17 milliards d’euros – sont tout à fait éloignés de la réalité qui nous était présentée à l’époque.

Toujours est-il que la philosophie qui a présidé au sauvetage de Dexia n’est plus la même que celle qui inspire le présent projet de loi.

Nous avions sauvé Dexia en opposant la garantie de l’État, dans un contexte de très graves tensions sur les marchés financiers : il fallait protéger l’État contre toute dégradation et donc contre tout événement bancaire qui aurait pu retourner les marchés obligataires.

Or, bien que je ne sois pas membre de la commission des finances et que je ne comprenne pas grand-chose à ces rouages de la vie des affaires, je constate cependant, en parlementaire attentive, que nous protégeons aujourd’hui les banques qui ont laissé proliférer ces produits financiers en privant nos collectivités d’une voie de droit, comme l’a très bien expliqué notre collègue François Delattre : d’abord, on négocie ; ensuite, et ensuite seulement, on connaît le montant de l’indemnisation et enfin on est indemnisé.

En l’espèce, la garantie joue pour tout le monde a priori, collectivités comme État, mais, en toute hypothèse, c’est le contribuable qui paiera, qu’il soit contribuable national ou contribuable local.

Quant aux communes concernées par les emprunts toxiques et autres prêts structurés, si certaines, et pas les moindres, sont dotées de services financiers et ont parfois à leur tête des personnages éminents, d’autres sont de petites communes. Ainsi, plusieurs communes de mon petit département rural sont concernées ; je les ai déjà évoquées.

Jean Arthuis avait l’habitude dire à cette tribune que les collectivités qui ont joué et perdu doivent assumer la responsabilité de leurs pertes. Le raisonnement se tient, mais quid des petites communes qui n’ont pas les moyens de faire autrement que d’utiliser les financements que le projet de loi couvre aujourd'hui ? Pour ces dernières, un problème se pose. Il ne s’agit pas de refaire l’histoire du financement des collectivités locales : ce n’est ni le jour, ni l’heure, ni l’endroit. Toutefois, il faut penser à ces communes, qui sont vraiment pénalisées.

Monsieur le secrétaire d'État, je veux attirer votre attention sur un point, qui avait déjà fait l’objet de ma part d’une question d’actualité et, même, en 2011, d’amendements au projet de loi de finances. Au passage, cela prouve l’utilité, pour le suivi des dossiers, d’un mandat suffisamment long !

M. Philippe Marini. Absolument !

Mme Nathalie Goulet. J’en reviens aux deux amendements que j’avais déposés : l’un tendait à demander un rapport sur les contentieux en cours – certes, nous n’aimons pas être surchargés de rapports, mais nous en recevrons de toute façon un de plus quand le présent projet de loi sera voté ! À l’époque, je souhaitais attirer l’attention sur la possibilité que d’autres contentieux se déclarent, outre ceux qui étaient déjà en cours, et donc sur la nécessité de disposer d’un aperçu de l’ampleur du risque. Le rapporteur général de la commission des finances de l’époque, notre collègue Nicole Bricq, avait trouvé que l’amendement était mal rédigé. Sans doute n’était-il pas parfait, mais il avait le mérite de poser le problème.

M. Philippe Marini. Nicole Bricq était sévère !

Mme Nathalie Goulet. Elle l’est manifestement restée, et pas uniquement dans son appréciation des amendements ! Mais elle est tellement compétente qu’on lui pardonne tout… (Sourires.)

Il aurait été intéressant que nous disposions alors d’une évaluation de l’ensemble des contentieux. En effet, même si certains n’étaient pas encore déclarés, nous avions tous, dans nos départements respectifs, des communes qui connaissaient déjà des difficultés de remboursement liées, sans qu’elles en soient conscientes, à ce TEG. Dès ce moment, nous aurions pu paramétrer le risque, nous évitant d’arriver, plus tard, devant l’obstacle, sans autre recours que de faire payer le contribuable.

À cet égard, permettez-moi de vous dire, monsieur le secrétaire d'État, que, lorsque j’ai pris connaissance du présent texte, je l’ai trouvé un peu déséquilibré, et même injuste, parce que n’importe quel emprunteur auprès de n’importe quelle banque peut, d’une part, saisir les tribunaux et, de l’autre, se faire indemniser si la banque prêteuse n’a pas rempli ses obligations d’information. Nous savons tous ce qui s’est passé ; je n’y reviens pas.

Une autre chose m’a mise en colère, sentiment que je ne suis décidément pas la seule à exprimer aujourd'hui dans cet hémicycle – je vous renvoie à la colère exprimée par Mme Assassi, ce matin, et par d’autres personnes, cet après-midi…

Ce qui m’a mise en colère, c’est le salaire des dirigeants. J’ai longtemps milité à la fois pour la limitation des parachutes dorés et pour un montant raisonnable des salaires des dirigeants. Or, en décembre dernier, il n’y a donc que quelques mois, les dirigeants de Dexia ont augmenté leurs rémunérations de 30 %. Je vais leur faire l’honneur de les citer à cette tribune : M. Vergnes, directeur financier, ne gagnera ainsi « que » 420 000 euros, contre 340 000 précédemment. M. Brugière, responsable des risques, et M. Johan Bohets, secrétaire général, voient, eux, leur salaire passer de 340 000 à 390 000 euros !

Je veux bien que le contribuable soit mis à contribution, mais il y a tout de même des responsables dans la maison Dexia, et un minimum de décence s’impose ! Très franchement, même si le décret du 26 juillet 2012 a limité les rémunérations à 450 000 euros, même si, compte tenu de la bronca générale qu’a suscitée cette annonce, les dirigeants de Dexia ont quelque peu diminué leurs prétentions, je trouve cela tout à fait choquant dans la situation présente.

Reste un léger problème : celui de l’effet d’aubaine qui pourrait résulter du texte, dans la mesure où la validation rétroactive risque également de concerner les contrats d’emprunts toxiques qu’ont fait souscrire d’autres banques privées, y compris étrangères.

Monsieur le secrétaire d'État, je comprends l’esprit du projet de loi. Je comprends la nécessité d’agir. Je comprends que nous sommes dans la seringue et qu’il faut en sortir. Cela dit, je ne suis absolument pas convaincue par votre texte. Certains membres du groupe auquel j’appartiens le voteront, d’autres pas. Pour ma part, je fais partie de ceux qui ne le voteront pas ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons déjà dit, lors de la première lecture, notre désaccord sur le projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public.

En fait de sécurisation, nous sommes, en effet, face à un projet de loi de validation législative mettant en cause, dans le plus parfait mépris du principe de séparation des pouvoirs, les décisions jurisprudentielles prises par certains tribunaux à l’occasion de contentieux opposants des collectivités locales aux établissements bancaires auprès desquels elles avaient souscrit une partie de leur dette.

Ce projet de loi n’a donc qu’un rapport extrêmement lointain avec l’intérêt général, même s’il présente, à l’étape où nous sommes, un intérêt pour le budget de l’État. Il a, en fait, beaucoup à voir avec la défense des intérêts de Dexia, cet établissement bancaire désormais en déclin, au détriment de ceux des collectivités locales.

Dexia est un désastre bancaire majeur du XXIe siècle : illustration de la folie financière de la période, c’est le produit de la privatisation d’un établissement financier qui, peu à peu dégagé de la tutelle publique, a fini par prendre des risques inconsidérés qui l’ont conduit à la quasi-cessation de paiement et, désormais, au démantèlement.

Les risques, faut-il le rappeler, ont été généreusement répartis entre les collectivités locales souscrivant les emprunts adossés aux ressources que l’établissement levait sur les marchés financiers, jouant des parités de devises pour –apparemment – se refinancer au moindre coût.

Rappelons que c’est un gouvernement de droite qui a fait de la CAECL, la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales, établissement public à caractère administratif, une société anonyme ; c’est également un gouvernement de droite qui a procédé à la privatisation du Crédit local de France, par la fusion avec le Crédit communal de Belgique et la création de Dexia, en 1996. Selon les estimations, de 10 milliards à 17 milliards d’euros de créances douteuses figureraient à l’actif de Dexia et des autres banques concernées, montant que les collectivités locales seraient appelées à prendre en charge avec leurs petites économies…

Il est possible que l’intérêt général consiste, de fait, à imputer aux collectivités locales une charge de garantie des engagements de l’État qui aurait dû incomber à ce dernier, mais force est de constater que cela ne fait pas les affaires de celles d’entre elles que les emprunts toxiques ont le plus mises en difficulté.

Vous connaissez probablement la situation de communes comme Saint-Cast-le-Guildo, dans les Côtes-d’Armor – j’ai volontairement évité de prendre un exemple dans mon département –, où la nouvelle équipe municipale n’a pu que reprendre le combat mené par la précédente, ou comme Trégastel, où le maire sortant a renoncé à son mandat après avoir vu six années passées aux responsabilités polluées par le dossier des emprunts toxiques…

On mesure donc l’importance de notre vote d’aujourd’hui, d’autant que la jurisprudence continue de se renforcer en faveur des collectivités.

Mme Marie-France Beaufils. Après la Seine-Saint-Denis et Saint-Maur-des-Fossés, dont les cas avaient motivé l’élaboration des deux premiers articles du présent projet de loi, après Lille Métropole, qui a eu gain de cause pour un motif non prévu par celui-ci – le défaut de conseil –, la ville d’Angoulême a obtenu à son tour, au début du mois, un jugement favorable, sanctionnant là encore l’absence de taux effectif global. Cette décision de justice, qui coûte pas moins de 3,4 millions d’euros à Dexia, évite au contribuable local de devoir acquitter la même somme.

Dans les faits, l’adoption du texte dont nous débattons frapperait de caducité des procédures juridiques entamées par les collectivités locales, mais le problème de nos collectivités endettées ne se trouverait aucunement réglé.

Le fonds de soutien, manifestement insuffisamment alimenté, ne couvrira pas tout. Y recourir s’accompagnera d’une déchéance des procédures juridiques, ce qui pose un problème que je serais presque tentée de qualifier de déontologique.

La renégociation des emprunts semble toujours aussi délicate. Les indemnités de remboursement anticipé sont lourdes. On met régulièrement en avant les obligations liées à ces prêts réalisés par Dexia en recourant aux marchés financiers : pourquoi la SFIL ne pourrait-elle pas se refinancer auprès de la Banque centrale européenne, dont le taux directeur s'établit actuellement à 0,15 % ? Les conditions permettant une telle opération sont d’autant plus complètement réunies que l’apurement des contentieux avec Dexia concerne trois pays de l'Union européenne, à proportion de l’encours des emprunts contractés dans chacun d’entre eux. Cela constitue, de notre point de vue, la solution à privilégier devant cette situation désastreuse dans laquelle une certaine ingénierie financière a pu entraîner nos collectivités locales, mais aussi certains établissements hospitaliers. Le bon vieux principe libéral de la socialisation des pertes et de la privatisation des profits ne peut décemment s’appliquer une fois encore, d’autant que d’autres voies existent.

Le moment venu, nous nous attacherons à rappeler la nécessité de renforcer les moyens du fonds de soutien. Celui-ci, créé par une loi de finances rectificative pour 2012, ne peut aujourd’hui être pleinement utilisé pour répondre aux besoins. Nous avions d’ailleurs formulé cette proposition lors de la première lecture, au travers d’un amendement. Pour le reste, nous demeurons opposés à ce projet de loi, qui remet en cause l’indépendance et la qualité des décisions du pouvoir judiciaire et qui consacre l’imputation aux budgets des collectivités locales d’une nouvelle charge financière.

Si ce texte n’est pas censuré demain par le Conseil Constitutionnel, la politique d’investissement des collectivités concernées demeurera réduite, avec tout ce que cela implique pour l’activité économique, et donc l’emploi, ou en matière d’évolution de la fiscalité locale. Compte tenu des orientations budgétaires pour les trois années à venir, c’est le fonctionnement des services publics à la population qui sera affecté, avec les conséquences que cela suppose pour les usagers.

Je le rappelle, 28 milliards d’euros vont être confisqués aux collectivités territoriales pour mieux financer les cadeaux fiscaux et sociaux accordés aux entreprises sans contrepartie ; voilà que plusieurs milliards d’euros d’intérêts indus vont venir alourdir encore la facture… Nous ne voterons pas ce projet de loi.

(Mme Christiane Demontès remplace M. Charles Guené au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Christiane Demontès

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’adoption d’un amendement rédactionnel par l’Assemblée nationale, nous voici contraints d’examiner une seconde fois ce projet de loi qui n’enthousiasme personne, et pour cause !

En effet, nous nous trouvons devant une impasse et il n’existe aucune échappatoire satisfaisante : si nous adoptons ce texte, qui procède à une validation législative, nous priverons un grand nombre de collectivités locales, et peut-être d’autres acteurs publics, d’un moyen de recours devant le juge ; si nous ne l’adoptons pas, nous ferons peser sur l’État un risque évalué par le M. le secrétaire d’État et par M. le rapporteur à 17 milliards d’euros.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez souligné que, même si ce montant devait être divisé par deux, l’impact sur les finances publiques n’en resterait pas moins considérable et précisé que 9 milliards d’euros devraient être mobilisés dès la fin de cette année en raison du provisionnement qu’imposent les règles comptables face au risque de contentieux.

Si un tel risque pour les finances publiques se réalisait, il ne pourrait qu’être répercuté, au moins en partie, sur le contribuable, via des hausses de prélèvements.

Cependant, je tiens à rappeler que le paiement par les collectivités locales des indemnités de remboursement anticipé pour se « libérer » des emprunts dits « toxiques » représente lui aussi un coût pour le contribuable. L’opposition entre contribuable local et contribuable national est assez factice, nos concitoyens le savent bien !

On l’a dit, le problème des emprunts structurés est complexe et les responsabilités sont largement partagées. Je commencerai par rappeler celles du secteur bancaire, qui ne font aucun doute : certains établissements financiers n’ont eu, en effet, aucun scrupule à faire souscrire à des acteurs publics des contrats de prêt totalement farfelus, dont ils ne maîtrisaient pas les tenants et les aboutissants. Pensons à ceux qui étaient indexés sur le cours de change entre l’euro et le franc suisse : les taux d’intérêt sont passés de 2 % ou 3 % à beaucoup plus. Par exemple, le taux d’intérêt est passé de 2 % à 33 % pour une collectivité, de 3,2 % à 34 % pour une autre, et même de 3,5 % à 37 % pour un syndicat ! Les hausses sont donc considérables.

Or, aucune sanction n’a été prise à l’égard des dirigeants ou des responsables de ces établissements ; certains ont même quitté leurs fonctions avec de très belles primes, avant de rejoindre la haute fonction publique ou le secteur privé…

Il est regrettable que les banques responsables du chaos financier provoqué par les emprunts toxiques en sortent presque indemnes. Certes, vous leur demandez de contribuer au fonds de soutien – doté de 100 millions d’euros sur quinze ans – que vous avez mis en place, au travers d’un relèvement de la taxe systémique, pour venir en aide aux collectivités ayant souscrit de tels emprunts. Cette contribution est cependant elle aussi problématique, puisqu’elle concerne tous les établissements bancaires, alors que seuls certains d’entre eux ont proposé des prêts structurés au secteur public.

Par ailleurs, les responsabilités de certaines collectivités territoriales de grande taille ayant massivement souscrit ce type de prêts sans pouvoir en ignorer totalement les risques sont elles aussi évidentes. C’est pourquoi, comme une grande partie des membres de mon groupe, j’ai toujours été extrêmement réservé quant à la création de ce fonds de soutien aux collectivités ayant contracté des emprunts toxiques. Cela pourrait en effet s’apparenter à une prime aux mauvais gestionnaires : les conséquences des erreurs de certains seraient prises en charge par tous, au titre de la solidarité nationale. Avec ce type de dispositif, nous sommes bien en présence d’un aléa moral.

Il n’est pas impossible que certains exécutifs de grandes collectivités, conseillés par des directeurs généraux des services ou des directeurs financiers se voulant imaginatifs et novateurs, aient cru bon de souscrire des contrats de ce type dans l’espoir d’en tirer rapidement des bénéfices grâce aux fameux taux bonifiés s'appliquant les premières années, sans avoir peut-être mesuré les conséquences dévastatrices de l’application des « taux volatiles » les années suivantes… Ce recours assumé à de véritables « bombes à retardement » budgétaires n’est pas à la hauteur des responsabilités que les électeurs ont confiées aux élus concernés.

Pour autant, toutes les collectivités locales ayant souscrit des emprunts toxiques ne sont peut-être pas à mettre dans le même sac. De nombreuses petites communes, qui ne disposaient pas des moyens ni de l’expertise nécessaires, ont pu facilement être trompées par des banques qui, comme Dexia, avaient pignon sur rue.

Enfin, ma collègue Anne-Marie Escoffier a souligné, en première lecture, les risques constitutionnels qui peuvent peser sur ce projet de loi. Les premières mesures prises dans le projet de loi de finances pour 2014 avaient en effet été censurées par le Conseil Constitutionnel, au motif que la validation législative revêtait « une portée très large », ce qui portait « une atteinte injustifiée aux droits des personnes morales ayant souscrit un emprunt ».

Le Gouvernement nous assure que le champ du dispositif a été restreint afin de tenir compte des réserves formulées par les gardiens de notre Constitution. Nous ne sommes pas complètement convaincus…

En raison de ces incertitudes, une large majorité des membres de mon groupe ne seront pas en mesure d’approuver un tel texte et s’abstiendront donc, comme en première lecture. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Berson.

M. Michel Berson. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au travers de l’examen de ce projet de loi, nous poursuivons notre tâche, ingrate mais nécessaire, consistant à solder quinze ans d’erreurs et de dérives dans le domaine du crédit au secteur public local. D’autres étapes suivront ; j’y reviendrai dans un instant.

Beaucoup de choses ont été dites ces derniers jours sur le texte que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture, et je voudrais revenir sur plusieurs points afin de clarifier notre débat et de dissiper les malentendus.

Non, ce projet de loi n’a strictement rien à voir avec la baisse des dotations aux collectivités locales, prévue afin d’associer celles-ci au nécessaire effort de redressement des comptes publics. Ne mélangeons pas tout : le sujet des emprunts toxiques est suffisamment complexe pour que nous fassions preuve de discernement et d’esprit de responsabilité.

Lors de l’examen du texte en première lecture, le groupe socialiste avait eu l’occasion de rappeler le constat qui faisait apparaître les origines du mal. Ce constat fut dressé en 2011 par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, au travers du rapport Bartolone-Gorges sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux. Les conclusions et les analyses de cette commission d’enquête, qui a entendu tous les acteurs et toutes les parties prenantes, ont fait l’unanimité. Elle a conclu à une responsabilité partagée entre les banques, bien entendu, dont la « politique commerciale agressive » a largement contribué à la diffusion des produits financiers en cause, les collectivités locales, dont certaines ont pu manquer de vigilance, et l’État, qui a tardé à sonner l’alerte.

Cibler un acteur du dossier comme l’unique responsable serait faire preuve, au mieux, d’une méconnaissance des tenants et des aboutissants du développement de la souscription d’emprunts toxiques par le secteur public local, et, au pire, d’une certaine malhonnêteté intellectuelle…

En regard de ces responsabilités enchevêtrées, il y a aujourd’hui un risque financier de 17 milliards d’euros. De ce fait, la critique selon laquelle le présent texte constituerait une loi d’amnistie pour les banques n’est pas acceptable. L’objectif est, bien au contraire, de protéger l’État et, par conséquent, les contribuables.

Pour rappel, en octobre 2011, au moment où le groupe Dexia, l’un des principaux établissements bancaires à l’origine de la commercialisation des produits structurés en cause, a rencontré les difficultés que l’on sait, l’État lui a accordé sa garantie financière. Dès cet instant, le devenir de Dexia est devenu un problème d’ordre collectif, et non plus seulement celui d’une société de droit privé.

Le Gouvernement a précisé l’importance du risque financier que l’absence d’un dispositif de validation ferait peser sur les finances publiques : il l’a estimé à 17 milliards d’euros, soit près d’un point de PIB.

Ce risque, dont une grande partie se concrétiserait dès 2014, se décompose comme suit : 10 milliards d’euros de coûts directs, du fait des pertes qui seraient alors subies par Dexia et la SFIL et qui imposeraient une recapitalisation par l’État, auxquels s’ajoutent près de 7 milliards d’euros, en raison de la mise en extinction inévitable de la SFIL. En l’état actuel de nos finances publiques, nous considérons qu’un risque évalué à un point de PIB constitue un motif impérieux d’intérêt général.

Lors de la première lecture du projet de loi au Sénat, M. le secrétaire d’État avait affirmé que « le Gouvernement [avait] tout fait pour s’assurer de la constitutionnalité du nouveau dispositif ». Je rappelle que deux rectifications ont été apportées au texte par rapport à la version censurée en 2013 par le Conseil constitutionnel : seules les personnes morales de droit public seront concernées ; seuls les emprunts dits « structurés » seront visés.

En résumé, la solution proposée nous semble être la moins mauvaise de toutes. Certes, elle est imparfaite et il est légitime que certains la discutent, mais il est aujourd’hui trop tard pour prendre un autre chemin, sauf à accepter le risque d’une perte de 17 milliards d’euros.

Par ailleurs, le dispositif de validation rétroactive ne constitue qu’un élément de la solution équilibrée mise en œuvre par le Gouvernement. Le pendant de cette loi de validation est en effet la création du fonds de soutien inscrite dans la loi de finances pour 2014, à l’issue, je le rappelle, d’une concertation exemplaire menée durant plusieurs mois entre l’État, les élus locaux et les parlementaires. Ce fonds de soutien aux collectivités locales ayant souscrit des emprunts « toxiques » représente un total de 1,5 milliard d’euros, réparti sur quinze ans. Il devrait faciliter, pour les collectivités concernées, la sortie des emprunts à risque. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez récemment confirmé que les premières aides seraient bien débloquées d’ici à la fin de 2014. Nous tenons au respect de ce calendrier.

Le caractère équilibré de la solution proposée tient également au fait que l’adoption du projet de loi de validation n’empêchera pas que les contentieux en cours se poursuivent sur d’autres motifs que ceux de défaut ou d’erreur de taux effectif global, comme, par exemple, ceux de défaut d’information ou de conseil.

Parallèlement, le Gouvernement a fait part, ces dernières semaines, de deux avancées qui vont également dans le bon sens. En premier lieu, alors que, initialement, le financement du fonds de soutien devait être assuré à parité par l’État et les banques, la part de ces dernières a été renforcée pour atteindre finalement les deux tiers, soit 1 milliard d’euros sur un total de 1,5 milliard d’euros. En second lieu, pour les hôpitaux, un dispositif d’aide spécifique va être mis en œuvre, pour un montant total de 100 millions d’euros, dont 25 millions seront financés par les banques.

En outre, la responsabilité, ce n’est pas seulement faire face au passé et au passif complexe qui en découle, c’est également préparer l’avenir, afin de s’assurer que nous ne nous retrouvions plus confrontés à cette problématique douloureuse. Dans cette perspective, de nombreuses mesures ont été prises depuis plus d’un an ; j’en évoquerai quelques-unes.

J’ai parlé à l’instant du fonds de soutien, dont la vocation est d’aider financièrement les collectivités locales dans leurs démarches de sortie des emprunts toxiques. L’enjeu pour l’avenir est de s’assurer, au cas par cas, que les conditions des transactions entre banques et acteurs publics locaux seront équitables. Le comité national d’orientation et de suivi, au sein duquel la commission des finances du Sénat est représentée, jouera à ce titre un rôle essentiel.

Un ensemble de mesures est également entré en vigueur, au cours de ces deux dernières années, afin de renforcer l’environnement réglementaire des relations entre banques et collectivités locales et de sécuriser au mieux leurs rapports, dans les trois directions suivantes.

D’abord, les formules d’emprunt seront désormais limitées, non pas pour brider l’autonomie des collectivités locales, mais pour s’assurer que des formules purement spéculatives telles que celles qui fondaient les contrats de prêts toxiques ne soient plus possibles à l’avenir. Le décret d’application, en cours d’examen au Conseil d’État, énumère strictement les indices et les structures auxquels les collectivités locales devront dorénavant être adossées.

Ensuite, le provisionnement des contrats complexes sera obligatoire, tandis que la communication de la stratégie d’endettement aux assemblées délibérantes sera améliorée.

Enfin, le Gouvernement remettra chaque année au Parlement un rapport faisant état du volume des emprunts structurés à risque supportés par les collectivités territoriales.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Michel Berson. La situation de la dette publique locale et de l’accès au financement pour les collectivités est en cours de mutation. Elle est en réalité beaucoup plus enthousiasmante que ne le laisse supposer le sujet qui nous occupe. En votant ce texte, le groupe socialiste choisit la voie de la responsabilité, et il rappelle que, en soldant le passé, nous préparons également l’avenir de nos territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les propos qui ont été tenus par les différents intervenants témoignent une nouvelle fois de la parfaite connaissance, par le Sénat, d’un sujet qui touche de près les collectivités territoriales.

Ce qui me frappe, dans cette affaire, c’est que si les acteurs ont souvent changé, la continuité des structures doit être assurée, comme il est de règle dans notre République.

Concernant les collectivités territoriales, par exemple, tous les orateurs ont souligné que, souvent, ceux qui ont souscrit des emprunts toxiques et ceux qui doivent en assumer les conséquences aujourd’hui ne sont pas les mêmes. Ainsi, de grandes collectivités locales ont souscrit de tels emprunts alors qu’elles étaient gérées par une équipe de gauche ou issue d’une partie de la gauche et sont maintenant dirigées par une majorité de droite ou émanant d’une autre partie de la gauche, et des situations inverses existent également, ce qui montre que ce débat ne peut être abordé de façon partisane.

Il en va de même pour les banques. Même si d’autres établissements ont joué un rôle, on trouve au cœur du dossier une banque essentiellement privée, Dexia, qui a été transformée en une structure publique.

M. André Reichardt. Il n’y avait pas d’autre choix !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cette transformation et l’intervention de l’État pour éviter la faillite de Dexia ont coûté, je le rappelle, 3 milliards d’euros, provenant pour partie de l’État, pour partie de la Caisse des dépôts et consignations, et les emprunts toxiques ont été logés dans une structure dont l’actionnaire principal est l’État. Quant aux autres actionnaires, la Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations, ils ont demandé la garantie finale de l’État.

Par conséquent, madame Beaufils, il ne s’agit pas de faire un cadeau aux banques qui se seraient engraissées – c’est certainement le cas, et ce n’est certainement pas normal ! – en « fourguant » des emprunts toxiques. En effet, nous n’avons plus affaire aux banques privées de l’époque qui ont probablement tiré profit d’opérations douteuses ; notre interlocuteur, aujourd’hui, est une structure publique détenue pour l’essentiel par l’État, les autres actionnaires bénéficiant de sa garantie.

Le même raisonnement vaut pour les gouvernements : celui qui s’est d’abord trouvé confronté à l’énorme problème de Dexia a été remplacé par un autre.

En tout état de cause, qu’il s’agisse des collectivités locales, des banques ou de l’État, la continuité des structures exige que chacun assume les responsabilités qui lui incombent, même si les risques ont été pris par d’autres.

On peut déplorer que des dirigeants fautifs aient bénéficié de « parachutes dorés » relativement importants. Le ministre des finances de l’époque avait indiqué que les contrats avaient été tellement bien rédigés qu’il n’était pas possible de ne pas les respecter.

Aujourd’hui, les nouveaux dirigeants qui ont été nommés sont confrontés à des situations délicates. Pour répondre aux observations de Mme Goulet sur leurs salaires, je ferai remarquer que, ayant appris qu’ils seraient augmentés de 30 %, l’État a demandé au conseil d’administration de Dexia de procéder à une nouvelle délibération. L’augmentation a été ramenée à 13 %, ce qui permet à ces dirigeants de bénéficier du même niveau de rémunération que dans leurs fonctions précédentes. En général, lorsque de hauts fonctionnaires sont nommés à de nouveaux postes, on veille à ce qu’ils ne subissent pas une diminution de salaire.

Concernant la question pertinente, soulevée par M. Delattre, des modalités d’accès au fonds de soutien, la loi que, je l’espère, vous allez voter pose des principes : certains ratios doivent être pris en compte, tels que la dette par habitant, la capacité de remboursement rapportée au budget, etc. Le comité d’orientation et de suivi, qui est en train de se mettre en place, veillera au respect de ces principes et pourra préciser certaines choses. Le cas des petites structures et celui des hôpitaux devront, j’en conviens, être traités le plus rapidement possible.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les quelques observations très factuelles dont je voulais vous faire part, sans porter de jugement particulier. Si j’ose m’exprimer ainsi, ce texte nous permettra à peu près de sortir de la seringue dans laquelle nous nous trouvons. Nous devrons avoir des discussions avec la SFIL pour que cela se fasse le moins mal possible, et surtout au moment adéquat, eu égard à l’extrême volatilité de certains éléments de marché déterminant le montant des indemnités de remboursement anticipé. Il faut donc agir de façon très professionnelle dans ce domaine, et je pense que l’action du comité d’orientation et de suivi nous permettra d’aboutir aux solutions les moins douloureuses possible.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas adopté un texte identique.

En conséquence sont irrecevables les amendements ou articles additionnels qui remettraient en cause les articles adoptés conformes, de même que toute modification ou adjonction sans relation directe avec une disposition restant en discussion.

projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public
Article additionnel après l'article 3

Article 1er

(Non modifié)

Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, est validée la stipulation d’intérêts prévue par tout écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant conclu antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi entre un établissement de crédit et une personne morale de droit public, en tant que la validité de cette stipulation serait contestée par le moyen tiré du défaut de mention, prescrite en application de l’article L. 313-2 du code de la consommation, du taux effectif global, du taux de période ou de la durée de période, dès lors que cet écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant indique de façon conjointe :

1° Le montant ou le mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts ;

2° La périodicité de ces échéances ;

3° Le nombre de ces échéances ou la durée du prêt.

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Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article additionnel après l'article 3

Mme la présidente. L'amendement n° 1 présenté par MM. de Legge et Delattre, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Sont exclus du champ de la présente loi les contrats de prêts et avenants à ceux-ci conclus entre un établissement de crédit et une personne morale de droit public faisant au 23 avril 2014 l’objet d’une procédure judiciaire fondée sur le non-respect des articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation.

La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. M. de Legge, sénateur de l’Ille-et-Vilaine, m’a demandé de défendre cet amendement.

Le Conseil constitutionnel a censuré la précédente tentative de validation des prêts structurés telle qu’elle était prévue par la loi de finances pour 2014, indiquant que si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant.

Pour faire en sorte d’assurer le respect d’une disposition constitutionnelle, notre collègue propose d’exclure du champ du présent texte les contrats de prêts et avenants à ceux-ci conclus entre un établissement de crédit et une collectivité faisant l’objet d’une procédure judiciaire engagée avant le 23 avril 2014 et fondée sur le non-respect des articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Germain, rapporteur. La commission des finances a émis un avis défavorable sur cet amendement, dont elle a bien compris la finalité. Je vous invite, monsieur Delattre, à le retirer.

Le Conseil constitutionnel, qui exerce un contrôle strict sur les validations législatives, exige qu’elles soient justifiées par un motif impérieux d’intérêt général, ce qui nous semble être le cas en l’occurrence. En outre, l’adoption de cet amendement créerait à mon sens une rupture d’égalité importante entre les collectivités territoriales, selon qu’elles auraient ou non introduit un recours à la date visée sur le fondement du taux effectif global.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Comme le rapporteur, je pense que l’adoption de cet amendement créerait une rupture d’égalité entre les collectivités qui auraient engagé une procédure avant le 23 avril 2014 et les autres. Il serait dangereux d’introduire dans le texte un motif avéré d’inconstitutionnalité, au-delà de la question de l’existence d’un motif impérieux d’intérêt général, sur laquelle on peut vouloir attendre confirmation de notre analyse.

Je demande moi aussi le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Delattre, l’amendement n° 1 est-il maintenu ?

M. Francis Delattre. Il n’était pas inutile que ce débat ait lieu en séance publique, comme le souhaitait M. de Legge. Cela étant, reconnaissant la pertinence de l’argument relatif à une rupture d’égalité entre collectivités, je retire l’amendement. Cela montrera au Conseil constitutionnel que ses décisions imprègnent parfois les nôtres ! (Sourires.)

Mme la présidente. L’amendement n° 1 est retiré.

Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l’ensemble

Article additionnel après l'article 3
Dossier législatif : projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Comme en première lecture et pour les mêmes raisons, je voterai contre ce projet de loi.

Tout d’abord, pour une question d’orthodoxie juridique, le docteur en droit que je suis ne saurait accepter le recours à une validation législative, même si je comprends dans quel contexte elle intervient.

En outre, il s’agit pour moi d’apporter mon soutien aux collectivités territoriales de mon département, qui si ce projet de loi est adopté se verront privées du principal moyen de renégocier le taux de leur emprunt, même si l’on nous a dit une nouvelle fois que les contentieux en cours pourraient perdurer sur d’autres motifs.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission.

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public
 

11

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte commun sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

12

Catastrophe aérienne en Ukraine

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’émotion que nous avons appris qu’une catastrophe aérienne s’était produite tout à l’heure en Ukraine, où un avion de ligne transportant près de 300 personnes, dont plusieurs Français, a été abattu dans des conditions qui sont encore mystérieuses. Nous nous inclinons devant la mémoire des victimes.

Mme la présidente. Nous nous associons tous à cet hommage.

13

Mise au point au sujet d'un vote

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Lors du scrutin public n° 210 du 4 juillet 2014 sur les amendements tendant à supprimer l’article 1er du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, notre collègue Robert Navarro souhaitait ne pas prendre part au vote.

Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

14

 
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Discussion générale (suite)

Agriculture, alimentation et forêt

Discussion en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (projet n° 718, texte de la commission n° 744, rapport n° 743).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Carole Delga, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous donner des nouvelles de Stéphane Le Foll, qui a été victime ce matin dans l’Aude, où il s’était rendu pour soutenir les viticulteurs touchés par la grêle, d’un léger malaise lié à la forte chaleur. Il va bien, et les résultats des examens médicaux qu’il a subis sont positifs. Vous le connaissez : c’est un ministre engagé,…

M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai !

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. … très travailleur, toujours dans l’action, qui parfois ne se ménage pas assez. Après une bonne nuit de repos, il sera parmi vous demain, pour la suite de l’examen de ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Il m’a chargée de vous transmettre ses salutations les plus cordiales, les plus agricoles ! (Sourires.)

Ce soir, vous devrez accepter un changement d’accent, de celui de la Sarthe à celui du Comminges. (Nouveaux sourires.) Quoi qu’il en soit, j’ai déjà eu l’occasion de travailler sur les questions agricoles lorsque j’étais députée. Stéphane Le Foll suit cette séance à distance, en attendant de pouvoir vous rejoindre pour débattre avec sa conviction, sa compétence et sa passion coutumières de ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. (Applaudissements.)

Le texte que nous allons examiner en deuxième lecture a été enrichi par le travail parlementaire. En première lecture, 626 amendements ont été adoptés à l’Assemblée nationale et 462 au Sénat. Une large majorité s’est dégagée dans chacune des chambres pour le voter, ce qui témoigne de la pertinence des mesures qu’il comporte.

Après la première lecture, de bons compromis ont pu être trouvés sur des points essentiels.

Tout d’abord, sur les objectifs des politiques agricoles et forestières, la discussion a été riche dans les deux assemblées. Nous avons maintenant matière à fixer des objectifs clairs, qui engageront les filières agricoles et forestières dans la voie de la triple performance économique, sociale et environnementale.

S’agissant des groupements d’intérêts économiques et environnementaux, les GIEE, leur cadre est désormais suffisamment précis, sans pour autant être rigide, ce qui permettra le développement sur l’ensemble des territoires de structures collectives pour accompagner les projets des agriculteurs et promouvoir les changements nécessaires des pratiques agricoles, en vue d’aller vers l’agroécologie chère à Stéphane Le Foll.

Pour ce qui concerne le bail environnemental, l’équilibre trouvé au Sénat, avec le soutien du Gouvernement, a été confirmé par l’Assemblée nationale. Ce bail est désormais recentré sur un objectif de maintien de bonnes pratiques environnementales. Il permettra d’éviter une régression, sur les terres louées, des pratiques favorables à l’environnement mises en place par le fermier sortant.

Par ailleurs, le travail des deux assemblées a permis d’entériner le transfert de la délivrance des autorisations de mise sur le marché, les AMM, à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, en prévoyant une répartition des rôles entre un directeur général qui délivre les autorisations et un comité de suivi qui l’assiste. Nous disposerons ainsi d’une procédure plus réactive que celle qui est actuellement en vigueur. Le dispositif sera parachevé avec un renforcement des capacités de l’ANSES en matière de personnel.

Pour ce qui concerne la forêt, l’équilibre trouvé au Sénat entre les chasseurs et les forestiers a été complété en deuxième lecture, à l’Assemblée nationale, par un renforcement de la concertation à l’échelon départemental, au plus près des réalités de terrain.

Le comité paritaire créé à l’échelon régional travaillera en étroite concertation avec les commissions départementales de la chasse et de la faune sauvage sur les questions relatives à l’équilibre sylvo-cynégétique, ainsi que sur le maintien de la compatibilité entre les schémas départementaux de gestion cynégétique et les futurs programmes régionaux de la forêt et du bois.

Concernant l’enseignement supérieur, la création de l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France, l’IAVFF, a été adoptée dans les deux assemblées, avec les ajouts introduits par le Sénat en première lecture, relatifs à ses membres – des établissements de recherche sous tutelle du ministère –, à son champ de compétence – participation à l’élaboration de la stratégie nationale de la recherche, par exemple – et à sa gouvernance : le conseil d’administration sera assisté d’un conseil d’orientation stratégique, un conseil des membres sera instauré, des règles de majorité sont prévues pour la prise de certaines décisions importantes.

M. Didier Guillaume, rapporteur de la commission des affaires économiques. C’est très bien !

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. L’Assemblée nationale a approfondi certains sujets en deuxième lecture.

Comme Stéphane Le Foll s’y était engagé devant vous en première lecture, l’élargissement des cas de préemption par les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, a été parachevé par l’adoption de deux amendements du Gouvernement traitant de la préemption sur les démembrements de propriétés entre usufruit et nue-propriété et de la possibilité de dissocier le bâti des terres.

Le registre des actifs agricoles a fait l’objet d’amendements au Sénat afin d’y inclure tous les actifs, quelle que soit la forme d’exploitation : retraités, pluriactifs, sociétés. En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a précisé le fonctionnement du registre et les rôles respectifs de la Mutualité sociale agricole et des chambres d’agriculture.

Sur la question importante des compensations agricoles, le Sénat avait introduit, en première lecture, le principe d’une compensation en nature des pertes de terres agricoles. Le Gouvernement a proposé à l’Assemblée nationale un amendement visant à finaliser le dispositif. Il s’agit de compenser les pertes de potentiel agricole par le financement de projets permettant de recréer de la valeur ajoutée sur le territoire affecté par les grands projets ou ouvrages.

Il reste bien sûr du travail à accomplir, certains sujets nécessitant encore des améliorations.

Concernant le foncier, nous aurons à discuter de nouveau du champ de compétence de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, la CDPENAF, et de la portée de ses avis. Je tiens à réaffirmer la volonté du Gouvernement de donner à cette commission un large champ d’action, tout en limitant les avis conformes à certaines zones à forts enjeux.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Absolument !

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Par ailleurs, si nous sommes bien sûr conscients de la nécessité d’adapter le dispositif existant pour faire face aux attaques de troupeaux par les loups, il ne faut pas oublier que nous sommes tenus au respect de nos obligations communautaires et internationales. Je pense qu’une solution équilibrée pourra être trouvée.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je n’en suis pas sûr !

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. S’agissant de la protection des personnes vulnérables, il n’a bien sûr jamais été question d’interdire l’utilisation des produits phytosanitaires autour de toutes les zones bâties. En revanche, des mesures de protection particulières sont nécessaires pour les publics vulnérables, c’est-à-dire près des maisons de retraite, des écoles ou des hôpitaux. Le Gouvernement souhaite privilégier la mise en œuvre de dispositifs empêchant la dérive de produits phytosanitaires, tels que les haies et les buses anti-dérives ou toute autre mesure de précaution d’effet comparable.

Enfin, nous reviendrons également sur le défrichement en vue de la reconquête des espaces agricoles. Les dispositions votées en deuxième lecture à l’Assemblée nationale sont de nature à satisfaire aux objectifs visés. Elles évitent de fragiliser la réglementation sur le défrichement des bois et forêts, dont l’intérêt général est à juste titre reconnu par le projet de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les grandes lignes du débat qui nous attend. Il s’agit de faire en sorte que le dispositif de ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt atteigne sa pleine efficacité et permette une totale réussite. Le Gouvernement porte une attention particulière à l’agriculture, à la ruralité et à l’aménagement du territoire. Ce texte démontre que des évolutions sources de développement économique et de meilleure protection de l’environnement sont possibles. Il importe par-dessus tout de conserver le lien qui unit indéfectiblement les Françaises et les Français à leurs terres et à leurs territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. Didier Guillaume, rapporteur. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie tout d’abord de nous avoir donné des nouvelles rassurantes du ministre de l’agriculture. J’espère que Stéphane Le Foll nous reviendra bientôt en pleine forme, mais je ne doute pas que, en attendant, vous saurez parfaitement le remplacer au banc du Gouvernement, vous qui connaissez bien les questions agricoles et la ruralité.

Contrairement à la loi d’orientation agricole de 2006 et à la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010, le présent projet de loi fait l’objet de deux lectures. Le Gouvernement a fait ce choix afin de laisser la discussion au Parlement s’approfondir, en vue d’atteindre l’objectif que nous visons tous : favoriser l’émergence d’une agriculture équilibrée, moderne, transformée, ouverte sur l’agroécologie. C’est un choix judicieux, car les lectures successives ont permis d’améliorer le texte initial.

Je tiens vraiment à remercier le président Daniel Raoul, dont la sagesse et les qualités d’animateur sont unanimement reconnues, d’avoir donné la possibilité à tous les membres de la commission des affaires économiques, quel que soit leur groupe politique, de s’exprimer pour faire évoluer le projet de loi, l’améliorer. Je suis très fier d’être le rapporteur d’un texte qui a été coproduit, coconstruit par le Gouvernement et les deux assemblées.

Vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, lors de la première lecture, les députés avaient adopté 408 amendements en commission et 218 en séance publique : c’est beaucoup pour un texte de ce type. Le Sénat avait, quant à lui, adopté 245 amendements en commission et 219 en séance publique.

Au-delà des chiffres, deux points sont à souligner.

En premier lieu, la discussion de ce texte a été marquée par une volonté de pragmatisme, de dépassement des clivages partisans, au rebours de tout dogmatisme. Si un nouveau projet de loi a été déposé, c’est sans nul doute parce que l’agriculture a besoin que nous lui apportions les meilleures garanties pour qu’elle puisse développer sa compétitivité et sa contribution à l’aménagement du territoire, et surtout pour que les femmes et les hommes qui ont choisi ce secteur d’activité puissent vivre de leur travail.

En second lieu, le Sénat a imprimé fortement sa marque sur ce texte lors de la première lecture. Nous avons soutenu l’ambition politique du projet de loi, qui est d’assurer la transition vers l’agroécologie, c’est-à-dire d’aller vers une agriculture qui soit plus durable, tout en étant économiquement performante. C’est là un point essentiel. Ne nous perdons pas dans de faux débats : c’est sur ces deux pieds que l’agriculture française doit marcher.

Dans cette perspective, nous avons suivi une ligne directrice, visant à mieux prendre en compte les conditions concrètes d’exercice de leur activité par les agriculteurs et à leur simplifier la vie. Sur de nombreux sujets, je pense que nous y sommes parvenus.

Trois piliers doivent fonder notre agriculture : la compétitivité, l’efficacité, la modernité au travers de l’agroécologie.

Oui, nous l’affirmons, l’agriculture doit être compétitive, sur le plan interne et à l’export. Notre agriculture ne saurait se borner à l’autosuffisance ; ses productions doivent pouvoir être exportées.

L’efficacité est absolument indispensable, même si tous les modes agraires sont bien sûr importants.

Enfin, l’agriculture doit se tourner vers la modernité, c’est-à-dire vers l’agroécologie. Ne regardons pas en arrière, ne soyons pas figés, ne faisons pas comme nous avons toujours fait, dans ce secteur, depuis cinquante ans.

Dans cet esprit, plusieurs dispositions importantes ont été adoptées par le Sénat en première lecture.

Aux articles 1er et 3, nous avons précisé les conditions de reconnaissance des GIEE, en réclamant qu’ils répondent à une exigence de triple performance économique, sociale, environnementale. C’est là pour nous un point essentiel. Le Sénat peut être fier d’avoir été à l’initiative de cet ajout.

À l’article 4, nous avons permis l’extension du bail environnemental, mais en prévoyant un garde-fou important : ne pas imposer aux agriculteurs de nouvelles contraintes auxquelles ils ne pourraient faire face.

À l’article 5, nous avons cherché à simplifier la procédure d’agrément concernant les groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC. Nous y sommes parvenus.

Afin de fluidifier les relations entre bailleurs et preneurs, nous avons aussi apporté quelques retouches au statut du fermage, sans en remettre en cause les grands équilibres.

À l’article 6, nous avons aménagé la clause miroir pour les coopératives, tout en prenant garde à ne pas mettre en place des usines à gaz qui empêcheraient les coopératives d’aller de l’avant et d’être, elles aussi, compétitives. Ce sujet a fait l’objet de longues discussions, plusieurs d’entre nous étant des coopérateurs ou d’anciens coopérateurs.

À l’article 8, nous avons assoupli le cadre applicable aux accords interprofessionnels, pour prévenir tout blocage des interprofessions, qui sont indispensables à la structuration de nos filières.

En ce qui concerne la protection des terres agricoles, nous avons confirmé les prérogatives des CDPENAF, en ne permettant pas, toutefois, que leur avis puisse entraîner un blocage, sauf dans un cas très particulier : celui de l’atteinte substantielle à des surfaces agricoles situées dans les aires des appellations d’origine protégée. Il faut faire confiance à l’intelligence des territoires et aux élus de terrain. Ne les dessaisissons pas de leurs prérogatives, comme ce serait le cas si un avis conforme de la CDPENAF était requis dans toutes les situations.

Le Sénat est dans son rôle lorsqu’il défend les prérogatives des élus. Laissons aux responsables de terrain le soin d’organiser la protection des terres agricoles. Qui mieux qu’eux connaît la situation locale ?

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Ainsi, nous avons assoupli le cadre très rigide qui interdit aux agriculteurs de rénover ou d’agrandir les bâtiments en zone agricole pour s’y loger. Nous aurons de nouvelles propositions à formuler sur ce point.

À l’article 13, alors que, en première lecture, les députés avaient déjà renforcé les prérogatives des SAFER, nous avons permis à ces dernières d’intervenir sur les biens mixtes, à la fois bâtis et non bâtis. Cela nous semblait important.

C’est aussi le pragmatisme qui nous a guidés concernant le registre des actifs agricoles. Nous avons eu de longues discussions sur ce sujet et nous nous sommes accordés sur l’intérêt de ce registre, que nous avons étendu à tous les agriculteurs, y compris les pluriactifs et les dirigeants salariés d’exploitation.

Nous avons également introduit l’idée de compensation agricole des grands projets, à l’instar de ce qui existe en matière de compensation environnementale.

Le volet sanitaire du projet de loi a lui aussi été modifié en première lecture par le Sénat, afin de préciser, à l’article 18, le champ de responsabilité des chasseurs, monsieur Mirassou, en matière de surveillance et de prévention des maladies du gibier et de mieux organiser le transfert à l’ANSES de l’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Par pragmatisme toujours, nous sommes revenus sur la fausse bonne idée de plafonner les marges sur les antibiotiques vétérinaires d’importance critique.

Nous avons également apporté des changements importants au volet relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, notamment en imposant un pourcentage minimal d’élèves titulaires d’un baccalauréat professionnel agricole pour l’accès aux sections préparatoires au brevet de technicien supérieur agricole. Il est important de ménager des passerelles. Nous avons eu de longs débats sur cette question avec Mme Férat en première lecture, et je ne doute pas que nous en aurons encore, mais avançons en tout cas dans cette direction. Nous devons nous donner les moyens d’amener le plus grand nombre possible d’élèves dans les classes supérieures de l’enseignement agricole.

Nous avons en outre renforcé l’organisation de l’IAVFF, faisant ainsi œuvre utile pour la recherche, le développement universitaire et la mise en réseau des structures à l’échelle européenne et internationale.

Enfin, lors de la première lecture, nous avons adopté des dispositions nouvelles très importantes.

Ainsi, nous avons permis l’ouverture d’espaces de communication pour les produits frais sur les chaînes de radio et de télévision publiques, à la demande notamment de Mme Nicoux.

Nous avons inscrit dans la loi la place éminente du vin dans le patrimoine national. Le Sénat avait fait ce choix pour mettre en avant un produit, connu dans le monde entier, qui nous semble emblématique de la France. L’Assemblée nationale, quant à elle, a souhaité viser également le cidre, les poirés, la bière, les spiritueux. La commission, contre l’avis de son rapporteur, a choisi de rétablir la rédaction que le Sénat avait adoptée en première lecture. Pour ma part, je le dis à cette tribune, je souhaite que nous en revenions à celle de l’Assemblée nationale,…

MM. Jean Bizet et Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. Didier Guillaume, rapporteur. … car un retour en arrière, excluant certains produits, ne serait pas compris et poserait en outre des problèmes économiques.

Nous avons conforté la place des laboratoires départementaux d’analyse.

Surtout, nous avons souhaité permettre aux éleveurs de se défendre en cas d’attaque avérée de loups ; nous y reviendrons.

En deuxième lecture, les députés ont adopté de nombreuses modifications. Si elles ne bouleversent pas l’équilibre du texte qui nous est soumis, certaines d’entre elles nous posent problème, et la commission a décidé de revenir à la rédaction du Sénat, car elle lui paraissait meilleure, plus pragmatique et plus efficace pour l’agriculture française.

Au final, si vingt-deux articles ont fait l’objet d’une adoption conforme dans les deux assemblées, et cinq d’une suppression conforme, soixante articles restent encore en discussion.

La commission n’a pas souhaité remettre en cause certains choix faits par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, qui vont dans le bon sens.

Ainsi, les députés ont eu raison de prévoir l’élargissement des possibilités d’accompagner les GIEE et de diffuser leurs résultats au-delà des seuls organismes du développement rural, mais en donnant un rôle de coordination aux chambres d’agriculture.

Les dispositions visant à favoriser le développement de la méthanisation, de préférence dans un cadre collectif, sont également pertinentes. M. Labbé a déposé de nombreux amendements sur ce sujet.

Je salue aussi la création, à l’article 6, du statut d’associé coopérateur stagiaire, qui va permettre d’encourager l’engagement dans la coopération de nouveaux agriculteurs. Il ne faut pas opposer les uns aux autres, mais le statut coopératif reste encore un modèle pour notre pays.

Les députés ont perfectionné le dispositif, introduit par le Sénat, visant à permettre la compensation agricole des grands projets. À cet égard, je veux saluer particulièrement le travail accompli sur ce thème par notre collègue Jean-Jacques Lasserre. La commission avait mis le pied dans la porte. Il fallait aller plus loin, mais nous n’étions pas tout à fait en mesure de le faire ; nous avions besoin de temps. Les députés ont prévu que la compensation ne sera pas seulement en nature et demandé que les maîtres d’ouvrage prennent des mesures pour consolider l’économie agricole du territoire. Ces dispositions vont dans le sens de ce que nous souhaitions et des propositions de M. Lasserre. Les députés ont bien travaillé en perfectionnant ce dispositif.

Le renforcement du droit de préemption des SAFER sur la nue-propriété et les précisions apportées concernant l’acquisition par celles-ci des biens mixtes, à la fois bâtis et non bâtis, sont très positifs.

Le choix des députés de confier la gestion du registre des agriculteurs actifs aux chambres d’agriculture va dans le bon sens. Nous souhaitions le faire, mais nous n’y étions pas prêts. Je crois que nous sommes unanimes sur ce sujet.

La nouvelle définition des préparations naturelles peu préoccupantes, les PNPP, introduite à l’article 21, permettra peut-être de mettre fin à un débat de plusieurs années sur l’encadrement de cette alternative utile aux pesticides.

Les députés ont encadré plus strictement l’utilisation des pesticides dans certaines zones. Je veux dénoncer ici, une nouvelle fois, l’attitude bien française consistant à s’opposer sur de faux problèmes : la règle des 200 mètres ne figure pas dans le texte ; si tel avait été le cas, je m’y serais opposé en tant que rapporteur, mais il n’en a jamais été question. N’alimentons donc pas un faux débat ! Prenons simplement en compte la situation telle qu’elle est et prévoyons des mesures de précaution pour ce qui concerne les populations fragiles, notamment les enfants.

M. Yvon Collin. C’est le bon sens !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Enfin, plusieurs amendements tendant à favoriser le dialogue social dans les chambres d’agriculture ont été adoptés.

La commission a cependant souhaité revenir sur d’autres modifications apportées par l’Assemblée nationale, par le biais de l’adoption, lors de sa réunion d’hier, de vingt-quatre amendements.

Ainsi, à l’article 1er, nous avons réaffirmé l’importance de la triple performance économique, sociale, environnementale, au cœur de l’agroécologie. L’Assemblée nationale avait supprimé cette référence, nous l’avons rétablie.

À l’article 8, nous avons supprimé la disposition nouvelle prévue par les députés obligeant l’interprofession forestière à créer des sections par produit, si les représentants de ce produit le demandent. Nous sommes donc revenus à la position que nous avions adoptée en première lecture, mais peut-être le débat permettra-t-il d’avancer sur cette question. Je sais que Mme Bourzai abordera ce sujet.

À l’article 10 bis A, je l’ai déjà dit, la commission a souhaité revenir, contre l’avis de son rapporteur, à la position qu’elle avait adoptée en première lecture, afin que seul le vin soit reconnu comme faisant partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager protégé de la France. Nous en reparlerons.

À l’article 12, nous avons supprimé la possibilité, pour les CDPENAF, d’examiner les PLU, les plans locaux d’urbanisme, des communes situées dans le périmètre de schémas de cohérence territoriale approuvés. Si l’on ajoute l’exigence d’un avis conforme de la CDPENAF, les élus ne serviront plus à rien ! C’est une question de pragmatisme et de bon sens.

Les députés avaient supprimé toutes les dispositions ajoutées par le Sénat pour assouplir les contraintes en matière de construction, d’agrandissement ou de changement de destination des bâtiments en zone rurale. La commission est revenue sur cette suppression, en adoptant un dispositif un peu plus restrictif que celui que nous avions voté en première lecture. Si l’on veut que des jeunes s’installent et prennent la suite de leurs parents, il faut les autoriser à construire leur maison d’habitation, dans la continuité du bâti existant, après avis de la mairie, dans le respect du PLU et du SCOT. Là encore, c’est une question de pragmatisme.

M. Jean-Claude Lenoir. Bien sûr ! C’est le bon sens !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je suis sûr que le Sénat s’orientera dans cette direction. À cet égard, nous avons rétabli l’excellent amendement de nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet, qui avait été supprimé par l’Assemblée nationale. Nous en débattrons, mais je suis favorable à son maintien.

J’ai entendu les propos que vous avez tenus sur le loup, madame la secrétaire d’État : force est de constater que, pour l’heure, nous ne sommes pas en phase avec le Gouvernement. Pour autant, c’est la première fois qu’une ministre de l’écologie va aussi loin sur ce sujet. Nous n’avons nullement l’intention d’éradiquer l’espèce. Il s’agit tout simplement de permettre aux éleveurs de faire leur travail. Je réaffirme à cette tribune que, entre l’éleveur et le loup, je choisirai toujours l’éleveur, et que, aujourd'hui, il y a incompatibilité entre le pastoralisme et le prédateur.

Madame la secrétaire d’État, faire de la politique, c’est avoir du courage. Avoir du courage, c’est parfois affronter des problèmes dont on pense qu’ils sont quasiment insolubles. Le premier homme à s’être attaqué à l’Everest ne savait pas s’il irait au bout ; le premier ministre qui affirmera, en conseil des ministres européens, qu’il faut remettre à plat la directive « Habitats » et revoir la convention de Berne, qui osera affronter la technocratie européenne sur ce sujet vraiment important aura fait preuve de courage. J’espère que M. Le Foll sera celui-là.

Nous avons aussi réaffirmé la mission de service public des laboratoires départementaux d’analyse.

À l’article 26, nous avons rétabli la création d’un comité national de l’innovation pédagogique disposant de ramifications en régions, afin de pouvoir mieux prendre connaissance de la réalité du terrain. Nous débattrons peut-être de ce sujet en commission mixte paritaire avec nos collègues députés, qui pour leur part se sont prononcés en faveur de l’instauration d’une structure purement parisienne.

Enfin, nous avons complété les dispositions sur le renforcement du dialogue social dans les chambres d’agriculture votées par les députés. C’est un point important.

Au final, il reste peu de points de désaccord. Je ne doute pas que nous parviendrons à trouver des compromis au cours de cette deuxième lecture ou en commission mixte paritaire.

Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt est parvenu à un point d’équilibre et la plupart des amendements que je présenterai seront de pure coordination.

La future loi ne changera pas brutalement les pratiques agricoles ou tout ce qui a été fait depuis vingt ans, mais il est nécessaire d’évoluer. Notre appareil de formation est fort, mais nous devons aller plus loin dans la recherche, l’innovation, le développement des techniques nouvelles. Nous devons être les meilleurs au monde dans ces domaines !

Tout ne va pas bien dans notre agriculture, alors avançons ! Réfléchissons à la manière de mieux traiter nos sols, aux moyens de dépenser moins de foncier, accomplissons la transition vers l’agroécologie, ce nouvel horizon qui doit orienter nos efforts. Cela n’implique pas de balayer tout ce qui a été fait auparavant. Il s’agit tout simplement de concilier la compétitivité économique, le développement durable et la protection de l’environnement.

Permettez-moi de dire, en conclusion, un mot sur la politique agricole commune. Il y a six mois, personne, dans cet hémicycle, n’aurait imaginé que nous puissions l’emporter à ce point dans la négociation européenne sur la PAC ! Nous craignions tous ce qui allait advenir, mais, grâce à l’action du Président de la République et du ministre de l’agriculture, nous avons sauvé la « ferme France ». Il n’était pas possible d’aller plus loin !

Je rappelle que, dans l’Union européenne, la majorité est non pas social-démocrate, mais conservatrice. Le verdissement de la PAC a été décidé par une Commission à majorité conservatrice. C’est ainsi, monsieur Bizet ! Regardons les choses en face : personne ne s’attendait à ce que nous obtenions autant. Servons-nous donc de cette PAC ! Aujourd'hui, le budget agricole d’un pays ne se limite plus aux crédits inscrits en loi de finances : c’est la conjugaison du budget national et du budget européen. C’est en utilisant le deuxième pilier, en donnant aux régions la possibilité d’attribuer des fonds européens que nous avancerons !

C’est là une nouvelle donne. Je vous demande d’enrichir encore le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, afin de nous tourner vers la modernité, vers l’agroécologie : c’est indispensable pour améliorer notre compétitivité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du RDSE et de l’UDI-UC. – M. Jean Bizet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Leroy, rapporteur.

M. Philippe Leroy, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord m’associer aux vœux de bonne santé qui ont été adressés à M. le ministre. C’est un homme solide, et je ne doute pas qu’il s’agira d’un simple épisode, qui nous rappelle toutefois à tous la nécessité de se ménager.

Je remercie Daniel Raoul d’avoir su présider nos débats alors qu’il n’était pas, a priori, un homme de la terre : il s’est initié à ces questions avec une grande efficacité.

Enfin, je voudrais évidemment saluer la fougue et le talent remarquable de mon collègue rapporteur Didier Guillaume, grand connaisseur des affaires agricoles.

Je me contenterai, pour ma part, d’évoquer le tiers du territoire français occupé par la forêt.

Les forestiers ont depuis longtemps une longueur d’avance sur les spéculations des agriculteurs. La plurifonctionnalité de la forêt – fonction économique, fonction sociale et fonction environnementale – remonte en effet à la Renaissance. Les forestiers ont historiquement une vocation écologique.

Je voudrais retracer brièvement les points importants qui ont été abordés au cours des débats au Sénat et à l’Assemblée nationale. Mon appréciation sur les résultats de ces travaux est globalement positive, même s’il subsiste un ou deux motifs d’inquiétude.

Ainsi, la mise en place du Fonds stratégique de la forêt et du bois, prévue par M. Le Foll dès la loi de finances pour 2014 et officialisée dans ce projet de loi, me semble une bonne chose.

Au Sénat, nous avons souhaité, avec l’accord du ministre, transformer ce fonds stratégique, qui s’apparente pour le moment à une simple ligne budgétaire, en compte d’affectation spéciale, de façon à lui conférer la pérennité indispensable à l’effort forestier.

Cependant, aux termes de la Constitution, seule une loi de finances peut créer un compte d’affectation spéciale. En dépit des hésitations des uns et des autres, nous souhaitons donc que le Gouvernement inscrive cette création dans la prochaine loi de finances. Je sais que nous pouvons compter sur l’appui du ministre de l’agriculture, ainsi que sur le vôtre, madame la secrétaire d’État.

La forêt française a absolument besoin d’un tel fonds pour se renouveler et s’adapter au changement climatique. Ce renouvellement de la forêt entraînera d’ailleurs des récoltes supplémentaires, indispensables pour satisfaire les besoins de la filière bois-énergie et ceux de l’industrie du bois. En effet, des conflits d’usage importants sont apparus un peu partout en France, engendrant des difficultés pour les industries de panneaux de particules, dans l’Est, ou les grandes papeteries de Saint-Gaudens et de Tarascon, dans le Sud. Nous pourrons en partie lever ces difficultés par la relance des investissements forestiers et la création de ce compte d’affectation spéciale, qui donnera aux forestiers la possibilité de relancer une politique de plantation et de régénération favorable à nos intérêts, tant environnementaux qu’économiques.

Le regroupement de la petite propriété forestière constitue un autre point fondamental du texte.

La France compte 3,8 millions de propriétaires forestiers, dont 200 000 seulement possèdent plus de dix hectares. Au total, il existe donc, sur notre territoire, de 3 millions à 4 millions d’hectares de forêt privée très morcelée. Ce phénomène de morcellement, lié à la déprise agricole, se poursuit aujourd’hui. Nous perdons encore des terres agricoles, souvent dans des zones de montagne, au profit d’un boisement naturel et désordonné.

Ce sujet, qui intéresse des millions de petits propriétaires, doit être abordé avec beaucoup d’humilité.

On peut postuler que toutes les forêts publiques sont bien gérées, l’Office national des forêts étant un gestionnaire avisé, de même que toutes les forêts privées de plus de dix hectares, qui relèvent de plans simples de gestion. En revanche, la gestion des forêts privées de taille inférieure n’est pas maîtrisée.

Soyons modestes, toutefois : dans cette affaire, personne ne détient la vérité. En raison de la diversité des propriétaires et des régions, il est impossible d’appliquer un modèle unique, et aucune profession forestière ne peut prétendre au monopole du regroupement des petites forêts.

Le projet de loi s’attaque à ce problème, avec la création des groupements environnementaux de gestion forestière. C’est une très bonne idée, mais il faut savoir que, dans le petit monde de la forêt, chacun des acteurs – les experts, les coopératives, les centres régionaux de la propriété forestière – aspire à jouer un rôle plus important que les autres. Quant aux documents de gestion, ils sont variés, entre les plans simples de gestion, soutenus par les experts, et les codes de bonnes pratiques forestières.

Il faut laisser vivre cette diversité, celle des professions forestières comme celle des systèmes de gestion, pour que les petits propriétaires aient envie de se regrouper. Il s’agit non pas de leur imposer un modèle unique à travers toute la France, mais de leur proposer une variété de professionnels et de solutions permettant à chacun d’avancer.

Nous verrons dans dix ans, lorsque viendra le temps d’élaborer une nouvelle loi forestière, ce qu’il en sera de la petite propriété forestière morcelée. Dans l’immédiat, ce texte, tel qu’amélioré par l’Assemblée nationale et par quelques amendements que je présenterai au cours de cette deuxième lecture, devrait nous permettre de progresser avec humilité vers la résolution de ce problème du regroupement des petites propriétés forestières, ce qui entraînera une amélioration de la nature des forêts et une augmentation des récoltes. C’est la paix entre tous qu’il nous faut : 3 millions de propriétaires, c’est autant de solutions différentes !

Par ailleurs, le Sénat a largement contribué à trouver les termes d’un gentlemen’s agreement entre les forestiers et les chasseurs. Dieu que c’est compliqué ! Étant pour ma part à la fois forestier et chasseur, je suis parfois déchiré : j’aimerais pouvoir déjeuner avec les uns et les autres, réunis autour d’une même table ! Fait suffisamment rare pour ne pas être souligné, l’Assemblée nationale, inspirée par une forme de sagesse sénatoriale (Sourires.), n’a pas souhaité modifier les équilibres sylvo-cynégétiques qui avaient été trouvés au Sénat.

Mon vœu le plus cher est que la Haute Assemblée ne cherche pas à jouer le rôle de chambre des députés en deuxième lecture ! Je souhaite que nous conservions, sur ce sujet, le texte tel que nous l’avions adopté en première lecture. Il n’est certes pas miraculeux, mais au moins permettra-t-il d’avancer quelque peu et de remiser les couteaux au vestiaire.

M. Yvon Collin et M. Didier Guillaume, rapporteur. Très bien !

M. Philippe Leroy, rapporteur. Une autre question importante est celle des zones de montagne surboisées. J’aimerais que l’administration pense enfin à elles !

En France, certaines zones manquent de forêts : il faut absolument y empêcher le défrichement, quitte à multiplier par cinq ou six les compensations. En revanche, dans certaines zones de montagne, la forêt est si dense que le paysage se ferme. On me faisait remarquer tout à l’heure le caractère assez effrayant des images du tour de France traversant les Vosges : on ne voyait même plus les coureurs, on ne voyait que des sapins ! À certains endroits, le peloton s’engouffrait dans un tunnel noir. Comment voulez-vous que ces zones puissent conserver une population agricole et continuer à accueillir des touristes ? Elles deviennent purement forestières, purement sauvages, et il est urgent d’assouplir nos règles et de faire évoluer l’idéologie des forestiers en matière de défrichement, au moins pour ces zones surboisées.

À cet égard, l’Assemblée nationale a supprimé les dispositions qui avaient été adoptées par le Sénat ; je pense qu’il serait sage de les rétablir, pour protéger les zones de montagne où les taux de boisement dépassent 70 %.

Les députés nous ont aussi encouragés à prévoir, dans nos programmes régionaux de la forêt et du bois, des projets de desserte dans tous les massifs. Je crois qu’il ne faut pas aller au-delà. Les députés souhaiteraient que, chaque année, dans chaque département, on élabore un plan de desserte forestière. Il me semble que les problèmes liés à la ressource forestière et à son exploitation doivent se traiter par massif, sur une échelle de nombreuses années. On ne peut pas y revenir tous les ans. Dans cette perspective, le texte adopté par le Sénat en première lecture est sage et permettra d’éviter bien des conflits.

Quoi qu’il en soit, je crois que nous tenons le bon bout, même si nous reviendrons sans doute sur les sujets que je viens d’évoquer au cours du débat. Je souhaiterais à présent exprimer une légère inquiétude quant au problème des interprofessions.

Depuis la disparition du fonds forestier national, qui finançait, voilà dix ou quinze ans, les actions collectives des professions du bois, celles-ci se sont regroupées au plan national pour trouver les moyens de financement nécessaires.

Cela a été compliqué. On a créé une CVO, une contribution volontaire obligatoire ; les agriculteurs connaissent bien ce système. On a créé une taxe sur les produits industriels ; tout le monde l’a acceptée. On avait supprimé le fonds forestier national avec l’accord de tous les professionnels du bois, qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez. Ils sont revenus à des sentiments plus positifs en recréant, avec des moyens financiers nouveaux qu’ils prélèvent dans leurs propres caisses, deux interprofessions, l’une en amont et l’autre en aval. Ces interprofessions se mettent progressivement en place.

Environ 95 % des professionnels souhaitent conserver l’unité, afin de faciliter les actions collectives, notamment en matière de recherche et d’innovation, par exemple pour favoriser l’utilisation du bois dans le bâtiment. L’unité est utile à toutes les essences et à toutes les régions forestières. Seule une infime minorité d’irréductibles – en France, on est un peu gaulois – souhaiteraient créer des interprofessions par région ou par essence. Si nous ouvrons la porte à cette proposition, nous balkaniserons les actions collectives en matière de forêt et d’industrie du bois, ce qui sera préjudiciable à l’avenir.

Je me rallie donc totalement à l’amendement déposé en commission par Didier Guillaume à l’article 8. Oublier, à la faveur d’arguments trop régionaux, la nécessité de conserver en France, au moins pendant encore quelques années, l’unité de ces interprofessions que nous avons eu tant de mal à créer, ce serait un crime contre les actions forestières, au moment où l’État va recréer un fonds stratégique du bois.

Mes chers collègues, j’ai été un peu long. Je voulais être meilleur que Didier Guillaume, ou du moins, comme ce n’est pas possible, le battre en parlant deux fois moins longtemps que lui,…

M. Didier Guillaume, rapporteur. C’est raté ! (Sourires.)

M. Philippe Leroy, rapporteur. … mais je n’ai pas réussi mon pari. J’ai tout de même parlé quelques minutes de moins... Quoi qu’il en soit, je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de partager avec moi cette passion pour la forêt. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je dispose aujourd'hui de douze minutes pour m’exprimer. C’est inhabituel pour notre groupe : nous disposons généralement de six minutes. Je vais quand même essayer de ne pas utiliser l’intégralité de mon temps de parole.

Le lien entre l’agriculture, le territoire, l’alimentation et les citoyens est enfin fait. Pour nous, c’est essentiel. Le projet de loi traduit une véritable volonté de transition – une transition certes souple, mais réelle – dans l’intérêt supérieur de la nation et même au-delà, car la France se doit d’être exemplaire. Stéphane Le Foll a montré sa détermination – il m’est plus facile de la saluer en son absence, et je lui souhaite au passage un prompt rétablissement – à faire de la France le leader européen de l’agroécologie. C’est fort, c’est noble !

En première lecture, un certain nombre de nos amendements – pas mal, même – ont été retenus. En deuxième lecture à l’Assemblée nationale, les députés écologistes ont obtenu l’adoption de plusieurs amendements. Pour cette deuxième lecture au Sénat, je me suis limité à un peu plus d’une trentaine d’amendements. Parmi eux, il n’y a aucun amendement de facilité : ils ont tous leur cohérence. Je connais le sort qui attend beaucoup d’entre eux. Je souhaiterais cependant qu’on puisse véritablement se pencher sur les plus importants et en débattre malgré les avis défavorables émis par la commission.

Je voudrais dire qu’on entend énormément parler de compétitivité. Il faut conduire des politiques efficaces en termes économiques, en termes de respect des équilibres, en termes sociaux et sociétaux, mais la recherche de la compétitivité à tous crins me dérange. Je souhaiterais qu’on trouve un autre mot que celui-ci, même si je sais qu’il est dans l’air du temps ; nous, nous préférons parler d’efficience ou d’efficacité.

J’en viens à nos amendements.

Le système d’échange de semences entre les groupements d’intérêt économique et environnemental ne nous convient pas. Il est nécessaire que l’échange de semences entre exploitations puisse se faire en dehors des GIEE.

Didier Guillaume a souligné qu’un certain nombre de nos amendements portaient sur la méthanisation. Cette technique est une partie de la réponse aux problématiques agricoles et énergétiques, mais une partie seulement. Il ne faut pas que la méthanisation serve de prétexte à une industrialisation à outrance de l’agriculture et de l’élevage. Vous connaissez la ferme des mille vaches. Certains objecteront qu’elle ne comptera que cinq cents vaches, mais – j’en parlerai tout à l'heure à propos des SAFER – l’esprit mille vaches pourra perdurer, parce que nous n’avons pas encore trouvé la parade.

Nous souhaitons que la priorité soit donnée à la méthanisation agricole collective et que la puissance des méthaniseurs soit limitée. La méthanisation sert beaucoup dans les porcheries où les porcs sont élevés sur caillebotis. Il existe pourtant une autre méthode, ancestrale et noble celle-là, c’est d’élever les porcs sur paille. Vous pouvez bien sourire et presque ricaner, monsieur Bizet, mais ce serait véritablement un progrès. La paille, mélangée au lisier, donne du fumier, et ce depuis la nuit des temps. En plus, les excédents pourraient être un bon complément pour les méthaniseurs.

Nous souhaitons renouer les liens entre le monde agricole, les élus et les consommateurs.

Je me dois de parler des CDPENAF, les commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Nous avons déposé un amendement pour obtenir que leur avis conforme soit requis lorsqu’un projet ou un document d’aménagement ou d’urbanisme a pour conséquence une réduction de surfaces à vocation ou à usage agricole. Nous savons que cet amendement ne sera pas adopté, mais nous souhaitons que l’avis conforme des CDPENAF soit requis au moins pour les terres cultivées en agriculture biologique. Il me semble que c’est possible, et que ce serait un signe fort.

L’amendement de Didier Guillaume visant à supprimer l’obligation de demander l’avis – je parle d’un avis simple – de la CDPENAF sur les PLU, les plans locaux d’urbanisme, couverts par un SCOT, un schéma de cohérence territoriale, ne nous convient pas du tout. Je souhaite vraiment qu’on en discute. Il faut que les CDPENAF émettent au moins un avis simple sur l’ensemble des PLU du territoire national. Tout le monde le sait, le SCOT n’est pas à l’échelle du PLU qui, lui, est à l’échelle de la parcelle. Nous sommes allés trop loin dans la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Il est important d’en discuter. Pour nous, c’est un point extrêmement important.

Je l’ai dit à plusieurs reprises : je ne suis pas un marchand de tapis. Ce projet de loi nous convient, et nous le voterons. Le débat doit cependant avoir lieu, dans un climat de confiance réciproque. Nous souhaitons qu’il y ait une véritable réflexion, afin que nous puissions avancer sur cette question de l’avis des CDPENAF.

Je m’étendrai demain sur la question des pesticides, bien qu’il ne soit pas très sain de s’étendre sur des pesticides… Par définition, l’agroécologie doit se libérer de l’usage excessif, et même de l’usage tout court, de l’agrochimie. Les choses ne se feront pas du jour au lendemain, mais nous sommes convaincus que la noblesse de l’agronomie, en particulier de la recherche agronomique – nous parlerons de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, et des autres instituts de recherche –, serait de favoriser le développement de l’agroécologie.

Le projet de loi comporte un acquis en ce qui concerne les PNPP, les préparations naturelles peu préoccupantes. C’est un sujet pour lequel nous nous battons depuis longtemps, et nous avons fini par trouver une solution. L’action de Germinal Peiro, rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, a été déterminante : il s’est mouillé pour trouver une solution avec le Gouvernement. C’est une grande avancée !

La question de l’aide bénévole dans le monde agricole peut sembler anecdotique. Je ne parle pas de l’entraide des agriculteurs, mais de l’aide apportée bénévolement par des citadins à des agriculteurs, qu’on appelle le wwoofing. Actuellement, il n’existe aucun cadre pour cette pratique. Nous souhaitons donc que soit créé un contrat d’aide bénévole.

Je ne m’attarderai pas sur la question des loups. Nous en parlerons demain. Il s’agit là encore de trouver un équilibre. Oui, le pastoralisme doit vivre – et pas seulement survivre –, afin de jouer son rôle dans la préservation de la biodiversité, dans l’élevage et dans l’alimentation, mais le loup doit lui aussi garder sa place !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Bien sûr !

M. Joël Labbé. Dans ce domaine également, le déséquilibre vient des nouvelles méthodes d’élevage. Dans les espaces dédiés au pastoralisme, il y a beaucoup moins de présence humaine que par le passé. Or on sait que le loup n’attaque pas l’homme, car le rapport de force lui est défavorable. Cela donne matière à réflexion.

Le projet de loi comporte une grande avancée sur la question des SAFER, puisqu’il donne la priorité aux nouvelles installations sur l’agrandissement des exploitations existantes. Il reste cependant un point clé pour lequel aucune solution n’a été trouvée : les parts de société. Nous avons discuté avec le Gouvernement et avec les services du ministère. En l’état, l’intérêt général ne peut pas s’imposer face au droit de propriété. Pour nous, c’est absolument inacceptable. Nous souhaitons que, s’il n’est pas possible de trouver une solution aujourd'hui, le Gouvernement retravaille sur ce point, afin que les établissements industriels tels que la ferme des mille vaches ne puissent pas continuer dans la même voie. Ils connaissent déjà les moyens de contourner la loi alors qu’elle n’a pas encore été votée.

Je dirai enfin un mot de la forêt. Nous avons un point de désaccord avec Philippe Leroy. Le code des bonnes pratiques sylvicoles ne nous convient pas. Nous en avons longuement parlé en première lecture, mais nous allons encore en parler, car nous souhaitons revoir cet aspect du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.

M. Jean-Jacques Lasserre. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, chacun sait que l’agriculture française est dans une situation extrêmement préoccupante. Nous connaissons les crises auxquelles elle est confrontée : la crise de l’élevage – Dieu sait que nous en avons parlé –, le déficit d’installations, la déprise agricole, la situation de plus en plus difficile des zones montagneuses, etc. La liste est longue. Face à ce constat, la recherche de la triple performance économique, écologique et sociale est bien entendu un bel affichage.

Pour faire court, ce texte nous inspire deux remarques.

Tout d’abord, nous aurions souhaité une ambition supérieure, des perspectives pouvant réellement redonner de la confiance à notre agriculture, qui en manque cruellement.

Ensuite, le travail parlementaire, notamment sénatorial, s’est bien déroulé et a permis d’enrichir le projet de loi. À ce titre, je salue l’excellent travail de nos deux rapporteurs, ainsi que celui de la commission, sous l’autorité de son président.

Concernant la première remarque, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer à ce sujet en première lecture, mais j’éprouve toujours les mêmes sentiments : nous devons donner un souffle nouveau et un véritable élan à notre agriculture, car elle manque de perspectives. La France est en perte de vitesse, à l’heure où la concurrence non seulement avec nos voisins européens les plus proches, comme l’Allemagne et les Pays-Bas, mais aussi à l’échelon mondial est de plus en plus rude.

Ce texte, qui contient de nombreux ajustements et des aménagements, est ce que j’appellerais un toilettage intéressant et non une grande loi d’avenir.

M. Jean Bizet. Très juste !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Qu’aurait-il fallu y mettre ?

M. Jean-Jacques Lasserre. À mon sens, la place de l’environnement atténue complètement l’ambition économique et donc la compétitivité.

La priorité de ce texte, depuis le départ, est essentiellement le volet environnemental. Pourtant, la compétitivité de la France dans le domaine agricole est primordiale ; il est nécessaire de toujours innover, avec de nouveaux outils économiques, de nouvelles pistes. Il convient surtout de stabiliser et de sécuriser la situation financière des agriculteurs qui, pour beaucoup, vivent dans la désespérance.

Le projet de loi ne prend pas la mesure exacte des efforts faits par la profession agricole en matière de respect de l’environnement. Personne ne conteste l’importance de l’écologie, sa nécessaire prise en compte, mais il est faux de penser que, sur le terrain, les agriculteurs négligent cet aspect. Ils sont souvent passionnés par leur métier, leur environnement de travail et soucieux, bien entendu, de la qualité de leurs produits.

Il faut donc trouver un juste équilibre entre performances économiques et agro-environnement. Malheureusement, de notre point de vue, l’élan économique est insuffisant. L’accent aurait dû être mis davantage sur le rôle économique de l’agriculture, sa contribution à l’équilibre de la balance des paiements, sa fonction nourricière de la population et son rôle de support de l’animation territoriale.

Certains thèmes fondamentaux ne sont pas repris dans le projet de loi, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire.

En premier lieu, je pense à la protection contre les risques naturels. Nous en avions déjà parlé en première lecture et les événements de ces jours derniers n’ont fait que conforter notre opinion sur le sujet.

En second lieu, rien n’est dit sur l’application des mesures de la PAC. Nos inquiétudes demeurent quant à la politique agricole commune et son lot de mesures concernant le verdissement, secteur dans lequel les États ont gardé une marge de manœuvre. Il faut savoir que 30 % des aides directes vont être subordonnées à la mise en place de mesures « vertes », avec trois conditions alarmantes : l’obligation de diversification des cultures, le maintien des prairies permanentes, ce qui est justifié, et le maintien des surfaces d’intérêt écologique. Ces obligations d’assolement seront catastrophiques, notamment pour les régions de monocultures ; je pense bien entendu aux régions maïsicoles.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Adressez-vous à Mme Merkel et à M. Juncker !

M. Jean-Jacques Lasserre. J’en viens à ma seconde remarque.

Le travail sénatorial qui a été fait sur ce texte est à mon sens remarquable. Je remercie une fois de plus nos deux rapporteurs, MM. Guillaume et Leroy, de la qualité de leur travail. Les auditions et les différentes réunions ont laissé toute leur place à l’écoute et au dialogue. C’est notamment grâce à cet état d’esprit que certains consensus et accords ont pu être trouvés pour avancer.

Des améliorations significatives et équilibrées ont pu être apportées. Je pense notamment au sujet délicat des pesticides et des conditions d’épandage, sur lequel un compromis a été trouvé. Si, à l’évidence, nous sommes tous d’accord pour user du principe de précaution face à cet enjeu capital de santé publique, qui touche tout le monde et pas seulement les écoles et les hôpitaux, une telle évolution ne se fera pas au détriment des exploitants agricoles, ce qui est une bonne chose.

Dans les points positifs, notons également les débats sur le foncier, sujet toujours très complexe sur lequel il convient d’avancer prudemment sans rester arc-bouté sur des visions extrêmes ou antinomiques. Grâce à ce projet de loi, nous avons pu convenablement en débattre et évoquer certaines pistes.

S’agissant de la fameuse « clause miroir », un compromis a été trouvé dès la première lecture à la suite de nombreuses discussions, ce qui nous satisfait. Je n’y reviens donc pas.

Par ailleurs, je partage le point de vue positif exprimé par M. le rapporteur sur le bail environnemental et cette évolution on ne peut plus pragmatique.

Autre point positif que je souhaite évoquer : le registre de l’agriculture. Je salue cette évolution et la mise en place de ce répertoire, appelé désormais registre, que nous avions d’ailleurs fortement encouragé lors de la première lecture. Ce dispositif vient renforcer et préciser le statut de l’agriculteur. Je me félicite également des efforts faits en direction de la pluriactivité, dès l’instant qu’ils sont marqués par la rigueur et le réalisme. Il s’agit d’un élément nouveau dont on parle dorénavant plus sérieusement.

Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, aujourd’hui, nous attendons encore beaucoup de vous et de ce débat. Nous espérons que les avancées permises par le travail sénatorial seront actées, et nous attendons que certains sujets d’actualité soient de nouveau évoqués. Je pense notamment aux PGM : les débats que nous avons eus dans cette assemblée ont montré combien il était nécessaire non pas de légiférer au coup par coup, selon les inscriptions aux répertoires variétaux, mais de réfléchir à une loi-cadre globale. Je pense également aux risques climatiques et à la couverture des risques. Dans le contexte météorologique actuel, nous ne pouvons pas ignorer ce sujet qui désempare trop souvent les agriculteurs. Il y a là un grand chantier à mettre en route.

Il est un sujet sur lequel le texte nous laisse un peu sur notre faim : la relation entre production et distribution. À nos yeux, cette loi est insuffisante dans ce domaine.

M. Jean Bizet. Très juste !

M. Jean-Jacques Lasserre. Chacun connaît l’âpreté des discussions et le caractère « angélique » des interlocuteurs en présence. Dans une ambiance de discussion acharnée entre production et distribution, nous considérons que la mise en place d’un médiateur, si elle constitue une avancée, n’est pas à la hauteur du problème posé.

Enfin, je souhaite évoquer un problème qui me tient à cœur et sur lequel nous devons essayer d’évoluer : la situation des chambres d’agriculture. Nous avons été alertés par beaucoup de ces chambres consulaires et par leur organe de représentation nationale sur leur situation financière. La période 2015-2017 s’annonce extrêmement rude : perte de ressources fiscales et prélèvements sur les fonds de roulement, ce qui ne peut pas durer éternellement. Bref, les chambres d’agriculture sont dans une situation très préoccupante.

Nous sommes en outre très inquiets de l’évolution du statut de ces chambres. Nous espérons qu’une RGPP bis ne va pas les détruire, la première étant déjà assez lourde de conséquences.

M. Didier Guillaume, rapporteur. La première a été terrible !

M. Jean-Jacques Lasserre. Errare humanum est, perseverare diabolicum !

M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas du basque ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Lasserre. J’ai été longtemps enfant de chœur. (Nouveaux sourires.)

Ainsi, une espèce de « tutelle » des chambres régionales sur les chambres départementales nous semble aberrante et totalement déconnectée de la réalité et des besoins du terrain. Nous avons donc déposé un amendement sur le sujet, qui est de surcroît rendu encore plus complexe avec le débat sur la réforme territoriale en cours. Je suis Aquitain et construire l’avenir des Pyrénées-Atlantiques avec les Limougeauds me paraît tout de même assez délicat…

Je terminerai en évoquant un problème jamais soulevé ici, à savoir les décrets d’application. Le triste et récent exemple du « fait maison » montre un dévoiement total du débat parlementaire. C’est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d’État, de nous rassurer sur la rédaction des décrets qui seront pris en application de ce projet de loi, que nous voterons peut-être en fonction des avancées obtenues, mais sur lequel nous nous abstiendrons plus probablement.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Allez, un petit effort !

M. Jean-Jacques Lasserre. Les décrets d’application doivent respecter l’esprit de la loi que nous votons dans nos assemblées. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi qu’au banc de la commission.)

M. Jean Bizet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en Bretagne, il est courant de dire : « solide comme un Breton et dur comme le granit ». Je ne doute pas que Stéphane Le Foll, dont nous connaissons les origines, ne fera pas mentir cette maxime et que, dès demain, il sera parmi nous, en pleine forme.

Nous abordons aujourd’hui la deuxième lecture du projet de loi qui va structurer et orienter le modèle agricole de la France pour l’avenir. Le texte dont nous débattons étant dense et ambitieux, nous aurions apprécié une meilleure anticipation de la part du Gouvernement dans la prévision de l’ordre du jour. En effet, les conditions dans lesquelles les parlementaires, comme les administrateurs et nos collaborateurs, ont dû travailler sont loin d’être optimales, ce que nous regrettons vivement.

Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt est une véritable loi d’orientation pour le secteur agricole. L’agroécologie, qu’il décline, porte des objectifs et des ambitions que nous soutenons. Je dirais même que nous avons souhaité les renforcer avec plus ou moins de succès lors de la première lecture. Nous verrons ce qu’il en sera à l’issue de cet ultime débat.

Depuis vingt ans, le nombre d’exploitations agricoles en France a été divisé par plus de deux. Dans le même temps, la surface agricole utilisée moyenne par exploitation a augmenté, particulièrement pour les « grandes » exploitations, de 40 hectares. Comme le note l’étude d’impact du projet de loi : « 80 % du potentiel économique, le PBS, est aujourd’hui concentré dans ces grandes unités ».

Ces données chiffrées, nous en sentons les effets au quotidien dans nos territoires. Ainsi, nous constatons la baisse du nombre d’exploitations individuelles et les difficultés, au-delà des contraintes économiques réelles, que rencontrent les jeunes agriculteurs pour trouver des terres, les financer et s’installer.

M. le Foll avait déclaré vouloir trouver un équilibre entre l’objectif de renouvellement des générations et l’agrandissement nécessaire aux évolutions de productivité. Nous partageons cette volonté, et nous saluons les dispositions du texte permettant d’arriver à cet équilibre.

Les groupements d’intérêt économique et environnemental, désormais fondés sur un triple objectif associant la dimension sociale, à laquelle nous sommes très attachés, constituent une bonne mesure pour encourager les agriculteurs à s’associer avec d’autres acteurs et à mettre en œuvre de nouvelles pratiques agronomiques. L’élargissement de l’entraide, que nous avons porté en première lecture, participe également de cette volonté de fédérer les énergies tout en respectant la spécificité des métiers et des exploitations agricoles. Nous saluons aussi les dispositions visant à asseoir les groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC.

Le renforcement des outils permettant d’organiser l’occupation de l’espace agricole et de limiter la concentration des exploitations était très attendu de notre part. Nous nous félicitons donc que le projet de loi autorise les SAFER à faire jouer leur droit de préemption pour acquérir l’usufruit de terres agricoles ou la totalité de parts de sociétés à objet agricole.

Nous nous réjouissons que l’Assemblée nationale ait voté un amendement du Gouvernement pour permettre aux SAFER de préempter également, dans certaines conditions, la nue-propriété agricole. C’était l’une de nos propositions en première lecture. Nous aurions aimé aller encore plus loin, mais l’article 40 a mis un terme à l’examen de notre proposition visant à étendre ce droit de préemption à la cession de la majorité et non pas seulement de la totalité des parts de sociétés agricoles.

Je souhaiterais ici dire – nous n’y reviendrons pas dans le débat, les articles relatifs à l’installation ayant été votés conformes – que nous saluons le dispositif de contrat de génération-transmission, comme le renforcement du répertoire à l’installation. La viabilité économique des projets et la capacité professionnelle sont des dimensions déterminantes pour assurer la pérennité des activités agricoles. Nous vous proposerons tout de même de renforcer les possibilités de pluriactivité pour les agriculteurs au cas où cela serait nécessaire. En revanche, nous considérons que des efforts devraient être consentis afin de renforcer les aides financières, notamment pour les personnes qui, pour diverses raisons, s’installent après quarante ans ou qui n’ont ni emploi ni diplôme, mais se sont engagées dans des formations.

Il nous semble également important, et cela n’est pas prévu dans le projet de loi, que le rôle des banques soit recentré sur l’économie réelle au service des territoires ruraux et des activités agricoles. Les missions du Crédit agricole, établissement historiquement consacré aux agriculteurs pour encourager le crédit au profit de la petite exploitation familiale, ont été largement dénaturées par les contraintes prudentielles et la stratégie financière de la banque. Pourtant, cette « banque verte » a un rôle essentiel à jouer dans la mise en œuvre d’une politique agricole, alimentaire et forestière nationale assurant la réponse aux besoins et le développement de nos potentiels. C’est dans ce sens que nous demandons la renationalisation de Crédit agricole SA et le renforcement du mutualisme dans les caisses locales, associant usagers et salariés. Il serait également nécessaire de renforcer la traçabilité de l’utilisation de l’épargne et de l’emploi des crédits sur les territoires actuels des caisses régionales.

En ce qui concerne le volet relatif à la politique de l’alimentation et à la performance sanitaire, le projet de loi tend à proposer des mesures visant à diminuer la consommation de produits phytopharmaceutiques et des antibiotiques et se donne pour objectif de renforcer l’indépendance des contrôles sanitaires. Les préconisations de la mission sénatoriale d’information sur les pesticides et leur impact sur l’environnement et la santé, à laquelle j’ai participé, n’ont pas toutes été suivies. Nous aurions pu aller plus loin, car il s’agit là d’enjeux de santé publique d’importance.

Je veux notamment dire un mot des autorisations de mise sur le marché et de la responsabilité qui sera donnée à l’ANSES pour, ce sont les mots de M. le ministre, « valoriser et faciliter les autorisations de mise sur le marché s’agissant de toutes les nouvelles techniques qui apparaissent en matière de biocontrôle ». Nous considérons que ce transfert pose des questions d’indépendance et que l’État doit garder la maîtrise en ce domaine. C’est pourquoi nous demanderons la suppression de cet article.

De plus, les exigences liées à la politique de l’alimentation et de sécurité sanitaire sont affaiblies par la politique d’austérité renforcée mise en œuvre par le Gouvernement. En effet, la restructuration des services du ministère de l’agriculture, la baisse des moyens accordés aux services de contrôles sanitaires, vétérinaires, à la douane ou à la police économique ne sont pas remis en cause par le projet de loi. L’alimentation et la sécurité alimentaire devaient être un axe essentiel de ce texte, notamment en matière de fraudes alimentaires. Or aucun moyen humain et financier supplémentaire n’a pour l’instant été accordé aux services chargés des différents contrôles réglementaires.

À cela s’ajoutent, comme nous l’avions dit en première lecture, les risques que l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada fait peser sur le niveau des normes de production en matière environnementale, sanitaire et de bien-être animal. Sans rupture avec les politiques de libéralisation et de déréglementation, l’agroécologie risque de rester une belle idée.

Par ailleurs, le Gouvernement a fait le choix traditionnel d’intégrer dans la loi d’avenir un volet forestier. Pourtant, la forêt aurait sans doute mérité un projet de loi dédié. En effet, au regard de l’importance de la ressource forestière française – les espaces boisés couvrent 31 % du territoire métropolitain, soit près de 17 millions d’hectares –, au regard de la diversité de cette ressource, mais également des contraintes en termes d’accessibilité, les sujets sont vastes et les problématiques denses, comme a pu le rappeler notre collègue Philippe Leroy. Or, encore une fois, le projet de loi ne remet pas en cause les logiques de rentabilité initiées par la révision générale des politiques publiques. Dans ce cadre, l’ONF a développé une logique commerciale préjudiciable aux missions d’intérêt général de la forêt. Comme vous le savez certaines missions d’intérêt général, telles que la prévention des incendies, la restauration des milieux montagnards ou la fixation des dunes, qui faisaient l’objet de conventions entre l’État « donneur d’ordres » et l’ONF « prestataire », ne sont plus entièrement financées par l’État. Dès lors, il faut craindre pour l’avenir et pour la qualité des missions que l’ONF n’aura plus les moyens d’assumer seul.

Le projet de loi contient cependant des mesures positives sur le volet forestier que je tiens à souligner : il cherche à encadrer la conservation des ressources génétiques forestières ; il instaure un fonds stratégique de la forêt et du bois, dont l’efficacité reste suspendue aux arbitrages budgétaires de la loi de finances ; il renforce les instruments de gestion durable et multifonctionnelle des forêts appartenant à des particuliers en instaurant le GIEEF, instrument favorisant le rassemblement des parcelles forestières.

Lors de la discussion des articles, nous vous proposerons de renforcer les outils permettant de lutter contre le contournement du droit de préférence des propriétaires de terrains boisés dans le cadre d’une vente portant sur un ensemble constitué de plusieurs parcelles dissociées.

Nous saluons également le dispositif de contrôle et de sanction de la mise sur le marché de bois et de produits dérivés du bois issus d’une récolte illégale, portant atteinte au développement durable des forêts.

J’évoquerai enfin l’agriculture ultramarine. Les territoires d’outre-mer sont soumis à des contraintes propres. Je voudrais dire quelques mots plus particulièrement de La Réunion, au nom de mon collègue Paul Vergès, et de la production de canne à sucre.

Il se prépare, à La Réunion, en raison de la dérégulation des politiques de l’Union européenne, une crise économique, sociale et environnementale d’ampleur. En effet, l’Europe, suite à une plainte de pays producteurs de sucre – Brésil et Australie – déposée auprès de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, en 2008, a décidé de supprimer non seulement les quotas, mais aussi le prix garanti. Ce sont 30 000 emplois qui sont concernés, directement ou indirectement : planteurs, coupeurs de cannes, ouvriers d’usine, transporteurs, dockers, commerçants,… Ce sont aussi 25 000 hectares qui seront livrés à l’érosion. Le quart des exportations réunionnaises est en suspens ! En termes financiers, l’exportation canne et rhum représente 93,2 millions d’euros, soit le plus gros poste d’exportation de La Réunion !

Pour l’heure, l’île est assurée de vendre tout son sucre à l’Union européenne à un prix garanti, mais, dans trois ans, ce sera fini. Le sucre de canne de La Réunion se retrouvera sur le marché européen en concurrence directe avec le sucre de betterave, dont le prix est moins élevé de 200 euros par tonne.

La fin des quotas et la fin du prix garanti du sucre réunionnais vendu en Europe est pour 2017, d’où l’inquiétude des usiniers et des planteurs. Comme vous le savez, la durée de l’exploitation du pied de canne est de cinq à huit ans. S’il faut replanter, il faut le savoir aujourd’hui. Mais, pour l’heure, les planteurs n’ont aucune visibilité sur la question des quotas ou celle du prix d’achat.

Ce grave problème démontre, s’il en était encore besoin, que les politiques nationales agricoles sont largement contraintes par les politiques définies à l’échelle de l’Union européenne et de l’OMC. Or la voie choisie est celle de la dérégulation et de la libéralisation au détriment des hommes et de l’environnement.

Comme vous, nous sommes convaincus que nous avons besoin d’un nouveau modèle agricole à la fois plus durable et à même d’assurer notre indépendance alimentaire. Un modèle qui préserve les écosystèmes et valorise de nouvelles pratiques agronomiques vertueuses pour les hommes et l’environnement. À cet égard, le projet de loi propose des pistes intéressantes et offre des outils pertinents, lesquels trouveront toutefois vite leurs limites si l’on ne soustrait pas l’agriculture aux règles purement marchandes et concurrentielles.

Nous avons également besoin d’un modèle agricole qui garantisse un juste partage de la valeur ajoutée, au service du maintien et du renouvellement des générations d’actifs agricoles, d’un modèle qui assure un revenu décent, une protection sociale efficace pour l’ensemble des femmes et des hommes de ce secteur.

Sur ces exigences, le projet de loi n’a pas su être à la hauteur des besoins, et nous le regrettons. Nombreuses sont les lois qui ont tenté, sans succès, de répondre au déséquilibre des relations commerciales. Nous n’avons jamais pu ou su protéger les producteurs contre les pratiques commerciales inqualifiables des centrales d’achat de la grande distribution, sujet qui fait l’actualité de ce jour.

Il est sans doute temps, là aussi, de changer de paradigme. Après l’agroécologie, peut-être serait-il nécessaire de proposer un autre modèle économique pour toute la filière de commercialisation des produits agricoles ?

Madame la secrétaire d’État, nous comptons sur le ministre Stéphane Le Foll et avons toujours confiance en lui pour poursuivre dans une direction dont nous partageons l’essentiel, au service de l’agriculture française.

C’est vrai, nous, les communistes, sommes à la fois matérialistes et réalistes. Notre politique est toujours teintée d’idéalisme et d’utopie pour que le rêve et l’espoir portent la population. Un peuple sans rêve, sans espoir, sans utopie est un peuple perdu. Sachons ne pas le décevoir, il nous attend ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Guillaume, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers Didier Guillaume et Philippe Leroy – je tiens à féliciter les rapporteurs de la commission des affaires économiques de leur travail remarquable –, cher président Daniel Raoul, je voudrais à mon tour présenter mes vœux de prompt rétablissement à notre ministre, Stéphane Le Foll. Madame la secrétaire d’État, je vous prie de bien vouloir lui adresser nos amitiés les plus sincères. Nous sommes sûrs qu’il sera présent demain, à nos côtés, avec la forme et le dynamisme qui le caractérisent.

Nous entamons ce soir la seconde lecture du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, texte dont nous avons longuement discuté au mois d’avril dernier et que la Haute Assemblée a contribué à enrichir. La première lecture au Sénat a en effet permis de trouver plusieurs points de convergence. Nous sommes parvenus, je crois, à un équilibre qu’il ne s’agit pas de rompre ce soir, mais plutôt d’encourager encore.

Avec mes collègues du RDSE, nous avions déposé une cinquantaine d’amendements, dont quelques-uns – pas assez (Sourires.) – ont été adoptés ou satisfaits. Je pense en particulier à la création de zones de protection renforcée contre les attaques de loups, chères à mon collègue Alain Bertrand. Je citerai également l’instauration d’une comptabilité analytique des activités des SAFER en contrepartie de l’élargissement de leurs droits de préemption, conservée et saluée par nos collègues députés.

Je regrette, en revanche, que l’Assemblée nationale ait supprimé la disposition sur les biens de section à vocation agricole opportunément proposée par Jacques Mézard, spécialiste de la question, comme vous l’aviez souligné en première lecture, monsieur le rapporteur. Toutefois, ne vous inquiétez pas, mes chers collègues, nous avons déposé un amendement visant à rétablir l’article additionnel concerné – nous avons de la suite dans les idées. J’espère qu’il sera bien compris malgré, je vous l’accorde, le haut degré de technicité du régime des biens de section, dont tout le monde n’a peut-être pas perçu toutes les subtilités.

Enfin, la diffusion des résultats des GIEE, l’élargissement du registre des actifs agricoles, ainsi que le compromis obtenu pour répondre aux inquiétudes des chasseurs sont autant de mesures qui témoignent de l’esprit d’ouverture qui règne dans nos débats.

De façon plus globale, il faut reconnaître que le projet de loi d’avenir pour l’agriculture traduit bien les enjeux auxquels le secteur agricole et forestier est confronté et apporte, je le répète, des réponses opportunes, même si parfois le souci environnemental prend le pas sur le bon sens paysan.

Quoi qu’il en soit, ce texte suscite beaucoup d’attentes et d’espérances. C’est le cas dans mon département, le Tarn-et-Garonne, quatrième verger de France, où l’agriculture emploie encore 7 % de la population active.

Par ce texte, madame la secrétaire d’État, vous créez les conditions de la promotion de l’agroécologie dans la perspective de concilier performance économique et développement durable. C’est une bonne chose et nous y souscrivons. Avons-nous d’ailleurs d’autre choix que de préserver les écosystèmes par des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement ? Je ne le crois pas. Les agriculteurs sont du reste suffisamment responsables pour avoir pris conscience depuis longtemps de cette nécessité.

Pour en revenir à mon département, l’agriculture raisonnée est une préoccupation bien acceptée dans le Tarn-et-Garonne, notamment à travers la pratique répandue des circuits courts. La déclinaison régionale du programme « Ambition Bio 2017 » a permis d’installer des projets agroécologiques dont nous attendons les retours d’expérience. À cet égard, je voudrais souligner le rôle des chambres d’agriculture, fortement engagées dans la diffusion des pratiques liées à la double performance. Vous me permettrez, madame la secrétaire d’État, une légère digression pour, à l’instar de notre collègue Jean-Jacques Lasserre, m’inquiéter des prochains arbitrages budgétaires, qui pourraient remettre en cause les capacités d’action des chambres d’agriculture. On parle d’une ponction de 136 millions d’euros. Peut-être pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ? Je ferme la parenthèse…

Si l’exigence écologique est incontournable, elle ne doit pas pour autant faire oublier que les agriculteurs doivent vivre de leur activité. Le monde agricole, ce sont des milliers d’hommes et de femmes qui travaillent beaucoup, pour des revenus pas toujours à la hauteur de leur investissement personnel. C’est la raison pour laquelle, en première lecture, la commission des affaires économiques du Sénat a ajouté la dimension sociale à la démarche agroécologique. Cette dimension a été réaffirmée hier, en réunion de commission, en réponse à sa suppression par les députés. Je m’en réjouis, car il n’est pas d’autre secteur économique plus confronté à trois types d’aléas : ceux du marché, ceux du climat et ceux liés aux risques sanitaires, tous trois pouvant en outre se cumuler.

Les agriculteurs ont donc besoin d’être davantage protégés et ciblés par les aides. La modernisation des conditions d’affiliation à la MSA, la Mutualité sociale agricole, demandée depuis longtemps par les jeunes exploitants, renforce le statut des agriculteurs, tout comme la création d’un répertoire des actifs agricoles, réclamé par les organisations professionnelles.

J’en viens à la mesure phare du texte, le GIEE. Comme je l’ai dit en première lecture, je partage cette approche qui consiste à créer des synergies collectives. Dans un territoire comme le mien, caractérisé par la ruralité, pour ne pas dire l’hyper-ruralité – nous en avons parlé aujourd’hui lors des questions d’actualité au Gouvernement avec M. le Premier ministre, qui m’a répondu –, les solutions d’avenir passent par une mutualisation des moyens et des objectifs.

À travers différentes mesures, le projet de loi traite d’autres questions qui me tiennent particulièrement à cœur. Je pense à la protection des terres et au renouvellement des générations. Ce dernier point est une véritable préoccupation, pour ne pas dire une angoisse.

Pour ce qui concerne plus particulièrement la maîtrise du foncier, notamment l’élargissement du droit de préemption, le Sénat a eu la sagesse de ne pas aller trop au-delà des modifications importantes adoptées par les députés afin de ne pas encourager le contentieux. Je souscris à ce principe, monsieur le rapporteur, constatant que le projet de loi initial apportait déjà plusieurs réponses satisfaisantes.

Sur la forêt, enfin, j’approuve l’essentiel des mesures telles que la création d’un fonds stratégique ou la mise en place de programmes régionaux, lesquelles donneront une impulsion à l’urgente nécessité de mobiliser et valoriser le bois français. Mon groupe a redéposé un amendement visant à mobiliser la ressource bois énergie, qui n’est pas suffisamment exploitée, alors que ce matériau constitue une alternative intéressante – en phase d’expérimentation dans plusieurs secteurs – aux combustibles fossiles de plus en chers et de plus en plus rares.

Mes chers collègues, élu d’un département rural, j’aurais encore beaucoup à dire, mais je rappellerai simplement mon attachement à une agriculture raisonnée, à visage humain, en mesure de conserver les emplois et de préserver l’environnement, conformément à l’esprit du projet de loi. Je n’oublie pas cependant que c’est la PAC qui structure aussi fortement notre agriculture et que nos ambitions nationales doivent se conjuguer avec notre engagement européen, ce qui, j’en conviens, n’est pas toujours facile. Mais c’est un autre débat…

En attendant, et cela ne vous surprendra pas, le RDSE réaffirme son soutien au texte qui nous est soumis aujourd’hui, en espérant bien évidemment que certains de ses amendements seront satisfaits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Jacques Lasserre applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Madame la secrétaire d’État, les conditions d’examen en deuxième lecture de ce projet de loi laissent à désirer : voté à l’Assemblée nationale jeudi 10 juillet, nous avons eu un samedi, un dimanche et un 14 juillet pour travailler, le délai limite pour le dépôt des amendements étant fixé au mardi 15 juillet à quatorze heures. Dans une telle précipitation, comment apprécier ou contester les modifications apportées au texte par l’Assemblée nationale ? Et quelles conditions de travail aussi pour les administrateurs de la commission et les collaborateurs de nos groupes parlementaires ! Je souhaite que vous fassiez savoir au Gouvernement que nous condamnons cette façon d’agir : soit cette loi n’est pas essentielle, et nous pouvons effectivement la bâcler, l’expédier – choisissez le verbe que vous voulez –, soit elle est importante et, dès lors, ne laissons pas au Sénat que deux jours ouvrables pour réfléchir et faire des propositions et vingt-quatre heures seulement pour déposer des amendements en séance publique. L’agriculture mérite mieux que ça !

Loi d’avenir, ai-je entendu, pour adapter ce secteur économique aux grands défis de demain. De grands défis en effet, puisque l’agriculture mondiale devra, en 2050, nourrir 2,3 milliards d’habitants de plus, dont ceux de l’Union européenne, qui voit sa population augmenter de 1,7 million d’habitants par an. Notre pays doit y prendre une part active tout en préservant au mieux son environnement. Aujourd’hui déjà, la FAO estime à plus de 840 millions le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde. Peut-on y rester insensible ? Certainement pas !

Notre agriculture nationale a su, après le conflit de 1939-1945 et durant les années cinquante et soixante, accroître ses productions afin de pallier tous les manques de produits alimentaires, devenant même rapidement excédentaire, et ce tout en améliorant la qualité. Pourquoi n’en irait-il pas de même aujourd’hui afin que notre agriculture contribue aussi dans les années qui viennent à remplir ce grand objectif d’apporter l’alimentation nécessaire aux humains de notre globe ? L’aide alimentaire, ne l’oublions pas, peut être capitale. Peut-on parler de stabilité dans les pays où le peuple a faim ? II suffit de regarder ce qu’il se passe en Afrique.

Mais revenons en France, où nous assistons à une baisse importante des surfaces agricoles liée à l’urbanisation et la forêt qu’on laisse progresser. Je rejoins sur ce point les propos de notre collègue Leroy, qui évoquait ces massifs où la forêt ne cesse de s’étendre. Je regrette que l’Assemblée nationale soit revenue sur un amendement que j’avais déposé concernant les secteurs boisés à plus de 70 %.

Développement de l’urbanisation, de la forêt, baisse des intrants, baisse des rendements liée à une moindre utilisation de pesticides et insecticides, baisse des volumes produits en agriculture biologique : la ferme France produira-t-elle autant demain ? C’est bien la question que je vous pose, madame la secrétaire d’État, et que j’espère pouvoir poser demain à M. Le Foll, car, bien qu’être en votre compagnie soit un plaisir, cela prouvera qu’il n’a eu qu’un petit incident de santé. Je lui souhaite donc moi aussi un prompt rétablissement.

Je constate déjà que nos productions animales connaissent une baisse très significative pour ce qui est des ovins, des bovins et des volailles. Cette loi d’avenir va-t-elle nous apporter la fameuse boîte à outils qui permettra d’inverser ces tendances ? Personnellement, je ne le pense pas. Je ne dis pas cela par idéologie ou par simple désir de m’opposer, mais par réalisme. Ce seront encore des exigences, des contraintes supplémentaires. Qu’aurons-nous simplifié dans la vie quotidienne des agriculteurs lorsque cette loi sera appliquée ? Je voudrais dire à notre ami Didier Guillaume que je ne pense pas que la vie des agriculteurs s’en trouvera améliorée. Disposerons-nous des outils et des mesures pour leur éviter de subir les aléas si nombreux qui mettent à mal tant d’exploitations, les obligeant parfois, comme l’on dit, « à mettre la clef sous la porte » ?

Je pense plus particulièrement – et cela a été dit par l’orateur précédent – aux aléas climatiques, de plus en plus nombreux, dus en partie au réchauffement de notre planète : tempêtes, grêle, sécheresses. Je pense également aux épidémies dans les cheptels, à la volatilité des prix qui fluctuent en permanence en fonction de ces aléas climatiques, bien sûr, mais surtout en fonction des marchés mondiaux et de la mauvaise habitude de la grande distribution d’aller s’approvisionner là où les prix sont les plus bas, même si les garanties sanitaires sont moindres et les obligations environnementales quasi inexistantes. Que fait-on face à cela ? Aujourd’hui, vous avez pu voir les manifestations qui ont lieu sur notre territoire et, je pense que vous en conviendrez tous, la bagarre entre les grandes et moyennes surfaces se fait aujourd’hui sur le dos des producteurs.

Le premier reproche que nous pouvons adresser à ce projet de loi est tout d’abord son silence sur de nombreux sujets. En matière de recherche, par exemple, comment se satisfaire des dispositions soumises à notre examen ? La partie relative à l’enseignement technique ou supérieur agricole est bien mince. Quant à l’article 23 relatif à la maîtrise des produits phytosanitaires ne va-t-il pas freiner la recherche ?

Nous avons aussi des interrogations sur la transparence des GAEC – pour avoir suivi les débats à l’Assemblée nationale, je peux dire que nous ne sommes pas les seuls –, notamment sur le dispositif reposant sur la base des 52 hectares dont bénéficieront les agriculteurs. Malgré maintes questions posées au ministre, cela mérite encore d’être clarifié. C’est du moins ce qui est souhaité par la profession.

En fin de compte, la seule véritable innovation réside dans la création des groupements d’intérêt économique et environnemental, dont les bénéfices me semblent encore incertains. On nous parle de majorations dans l’attribution des aides publiques dont pourraient bénéficier ces exploitants agricoles, mais avouez que l’article 3 est assez succinct.

Quant aux questions relatives au partage de la valeur ajoutée, l’article 7 va certes venir renforcer le rôle du médiateur des contrats, mais celui-ci ne pourra pas « trancher en cas de litige entre les parties ». Au final, le texte ignore donc les questions contractuelles que le Gouvernement nous promettait d’aborder.

Plus inquiétant sans doute, le projet de loi est inspiré par un concept, celui de l’agroécologie. La définition soumise à notre examen évoque « une diminution de la consommation d’énergie, d’eau, d’engrais, de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires, en particulier les antibiotiques ».

Au final, ce texte ne projettera pas l’agriculture française dans l’avenir et ne permettra pas de s’attaquer aux difficultés qui minent la profession, à savoir, comme je l’ai dit précédemment, le partage de la valeur ajoutée. Ne sommes-nous pas en train d’accrocher de nombreux boulets à notre système agricole déjà en souffrance ? Et le premier de ces boulets, ce sont toutes ces considérations environnementales qui, lorsqu’elles ne sont pas justifiées, conduisent à des aberrations !

L’examen en première lecture au Sénat a mené à l’adoption d’un amendement du rapporteur Didier Guillaume, qui vise heureusement, et je l’en remercie, à n’étendre le bail environnemental que s’il s’agit, pour le bailleur, de pratiques déjà existantes. Mais dès lors qu’il s’agira de nouveaux preneurs, les exploitants seront dans l’obligation de s’aligner sur des clauses qui leur sont jusqu’à présent étrangères et, de fait, ils ne seront pas toujours en mesure de satisfaire aux clauses présentes dans le bail, même si celles-ci ont été respectées par un autre exploitant. À l’évidence, certains exploitants qui se seront engagés à respecter des clauses très contraignantes se retrouveront enfermés dans un modèle économique qui n’est pas le leur et seront incapables de viabiliser leur exploitation.

Pour conclure sur l’article 4, et j’espère que vous m’excuserez de ne pas m’étendre sur l’obligation de déclaration annuelle des quantités d’azote à usage agricole vendues ou cédées, je dirai que, malgré des améliorations substantielles apportées par notre assemblée, mon groupe et moi-même ne pouvons adhérer au bail environnemental.

Dans un esprit identique, on notera, en cas de vente, la préférence des SAFER pour les exploitations biologiques. J’espère aussi que cette disposition introduite par l’article 13 ne se soldera pas par une restriction de l’accès au foncier pour de jeunes agriculteurs ou pour des exploitants qui ne font pas d’agriculture biologique mais sont en besoin de terres.

J’ajouterai un mot sur l’article 23 et les nombreuses craintes qui s’expriment quant aux épandages près des lieux d’habitation. Vous nous avez rassurés tout à l’heure. L’examen en deuxième lecture à l’Assemblée nationale a permis de parvenir à une rédaction plus satisfaisante de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, dans la mesure où la décision d’interdiction ou de restriction est à nouveau confiée à l’autorité administrative, et non au ministre de l’agriculture. L’autorité administrative pourra, de surcroît, mettre en place des mesures de protection. Mais si de telles mesures ne peuvent être prises, elle pourra déterminer une distance minimale adaptée, en deçà de laquelle il sera interdit d’utiliser ces produits à proximité de ces lieux d’habitation. L’application du présent article est fixée par voie réglementaire. Le dispositif adopté nous paraît donc plus équilibré que celui élaboré en première lecture.

L’une des dispositions phare de ce projet de loi réside en l’introduction à l’article 6 de clauses miroirs. Ainsi, l’alinéa 14 dispose que, pour les sociétés coopératives agricoles, l’organe chargé de l’administration détermine les critères relatifs aux fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires affectant significativement le coût de production de ces produits. Nous étions en première lecture opposés à ce dispositif qui ne fournit aucune garantie et n’avons pas changé d’avis.

Toujours en matière de répartition de la valeur ajoutée, vous consacrez à l’article 7 le médiateur des contrats et des médiations obligatoires en cas de conflit. Mais avec quel pouvoir final ? Pour l’instant, la lecture des dispositions sur le sujet ne nous permet pas d’entrevoir de réelles avancées.

Au-delà des critiques, nous avons quelques positions positives. Ainsi, nous sommes favorables à l’interdiction de la publicité pour les produits phytosanitaires. Encore faut-il veiller, comme cela a été dit en première lecture, à ce que, si cette interdiction de publicité pour les produits phytosanitaires protège les exploitants agricoles d’une information d’ordre promotionnel, elle leur permette toutefois de bénéficier d’une information sur les bonnes pratiques d’usage, les conditions de stockage et de manipulation de ces produits.

Malgré tout, nous avons obtenu quelques satisfactions. J’évoquerai ici l’article 10 bis, qui prévoit que les organismes chargés de la protection d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique peuvent demander au directeur de l’Institut national de l’origine et de la qualité d’exercer le droit d’opposition à l’enregistrement d’une marque dès lors que se dessine un risque d’atteinte au nom, à l’image, à la réputation ou à la notoriété de l’un de ces signes. Étant d’un département qui recense de nombreux produits d’appellation, vous comprendrez que j’y sois très sensible.

Nous nous réjouissons d’une telle mesure, tout comme nous nous réjouissons de l’article 10 bis A relatif à la classification du vin et des boissons spiritueuses comme faisant partie du patrimoine culturel, gastronomique et paysager de la France.

Voilà pour les satisfactions !

En première lecture, j’avais proposé un amendement visant à faire bénéficier les exploitants d’une déduction fiscale pour aléas, pour l’acquisition, le stockage de fourrage et l’achat d’aliments pour le bétail ou des frais de remise en état en cas de perte de récolte sur prairies, liés à une calamité – par exemple, les campagnols – ou à un risque sanitaire ou environnemental. Cet amendement a été refusé par le Gouvernement. Je le regrette d’autant plus que, ce matin, dans le journal Le Progrès, je lisais qu’un récent sondage réalisé auprès d’agriculteurs montrait que 40 % de ceux qui avaient été interrogés pourraient bien cesser leur activité avant l’âge de la retraite pour des raisons financières. Cela a aussi été dit par certains de nos collègues.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Gérard Bailly. La discussion, quoique très précipitée, peut-elle encore permettre des améliorations pour que cette loi ne soit pas seulement une loi d’ajustement ou d’adaptation, mais vraiment une loi d’avenir, et pour donner davantage de visibilité et de garanties à cette profession très vulnérable ? En tout état de cause, nous ne refuserons pas les amendements qui iront dans ce sens.

À l’occasion de l’examen en première lecture du projet de loi, mon collègue Gérard César avait conclu son intervention par cette formule quelque peu sévère : « Il s’agit d’une loi d’accompagnement et non d’une loi d’avenir ». Pour ma part, je ne m’éloignerai pas de ce constat. Je suis donc beaucoup moins optimiste que Didier Guillaume. Je voudrais malgré tout saluer son travail et celui réalisé par Philippe Leroy. Nos deux rapporteurs ont procédé à de nombreuses auditions pour élaborer leur rapport, même si les problèmes de fond n’ont pas été abordés. (M. le président de la commission des affaires économiques proteste.)

Cette écologie, nous n’avons eu de cesse de le répéter, mais également de mettre en pratique cette préconisation lorsque nous étions aux responsabilités, doit être incitative, et non punitive. C’est parce que, justement, les défis qui se dressent devant notre modèle agricole ont été identifiés par tous, y compris par le Gouvernement, que nous éprouvons beaucoup de déception devant ce texte. En effet, il ne permettra d’assurer de meilleures conditions de vie aux agriculteurs ni de nourrir convenablement la planète.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Si !

M. Gérard Bailly. Hier, le Tour de France traversait le Jura : les agriculteurs du département avaient réalisé une magnifique fresque pouvant être vue du ciel, qui représentait les différentes composantes de l’agriculture et lançait aux spectateurs : « Vous pouvez compter sur nous ! »

Mme la présidente. Veuillez conclure !

M. Gérard Bailly. Vous l’aurez compris, je ne pense pas que ce texte mette tous les atouts du côté de l’agriculture. C’est pourquoi, et probablement sans surprise, le groupe UMP ne le votera pas, du moins dans sa rédaction actuelle.

M. Didier Guillaume, rapporteur. C’est dommage !

Mme la présidente. La parole est à Mme Renée Nicoux.

Mme Renée Nicoux. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant toute chose, je voudrais saluer le ministre de l’agriculture après le petit incident qu’il a connu aujourd’hui et lui souhaiter un prompt rétablissement. J’espère qu’il pourra être demain parmi nous, et en pleine forme !

C’est avec le sentiment du devoir accompli et dans un climat de dialogue, me semble-t-il, que nous poursuivons la discussion du projet de loi, qui a été enrichi et peaufiné par les deux assemblées, afin de préparer la transition souhaitée vers un nouveau modèle agricole, pour l’avenir de notre pays. En effet, les modifications issues du travail parlementaire ont été nombreuses, aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. L’adoption du projet de loi en première lecture à l’Assemblée nationale et au Sénat, et en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, s’est accompagnée du vote d’un grand nombre d’amendements.

Cette consolidation du texte initial est d’autant plus satisfaisante que les orientations premières de la loi sont préservées et ses grands équilibres défendus. Ainsi, sa vocation initiale – fournir un cadre législatif permettant à nos agricultures et au secteur forestier d’assurer leur développement économique, tout en prenant en compte la dimension écologique de leurs activités – a toujours guidé le travail des sénateurs. Les outils proposés pour atteindre cet objectif ont évolué, sans pour autant perdre leur fonction d’impulsion en faveur du changement de pratiques, souhaité pour notre agriculture. Cette incitation vertueuse doit permettre de nous diriger vers un système de production agroécologique.

À ce titre, il me paraît essentiel de souligner que ce projet de loi fait entrer le concept d’« agroécologie » dans le vocabulaire français et dans l’actualité de notre économie. Avec cette nouvelle orientation de l’agriculture, la priorité est donnée à des systèmes qui privilégient l’autonomie des exploitations agricoles et l’amélioration de leur compétitivité. Cette amélioration, d’ailleurs, ne se réalisera qu’en diminuant la consommation d’énergie, d’eau, d’engrais, de produits phytopharmaceutiques ou de médicaments vétérinaires et en mettant en œuvre de nouvelles pratiques culturales.

Ce concept d’agroécologie doit aussi prendre en compte l’emploi et les conditions de travail des agriculteurs ; il doit donc permettre d’aller vers une meilleure performance sociale. C’est le modèle dans lequel la France entend s’engager dès à présent, et dont ce texte est le socle.

Dans le texte issu des travaux du Sénat en première lecture, l’objectif de la triple performance – écologique, économique et sociale – était assigné à l’agroécologie. Une nouvelle écriture de son article 1er à l’Assemblée nationale a fait disparaître cette mention. La commission des affaires économiques a décidé de la réintroduire, en adoptant un amendement déposé par M. le rapporteur Didier Guillaume. Il convient en effet de conserver cette approche du développement des filières agricoles.

Par ailleurs, les GIEE, dont l’objectif est d’allier la compétitivité économique à la compétitivité environnementale de notre agriculture, constituent l’outil emblématique du projet de loi. Ce regroupement des exploitants agricoles, soutenu par des aides publiques spécifiques, a pour objectif de modifier durablement les systèmes de production, de développer l’entraide et l’expérimentation, de faciliter la commercialisation des produits et d’apporter une réponse pertinente au problème de l’isolement en milieu rural.

Le Sénat en a précisé ses contours en autorisant, d’abord, la participation de personnes physiques ou morales, privées ou publiques ; je pense notamment aux collectivités territoriales ou aux chambres d’agriculture, qui sont en mesure de collaborer à des projets innovants sur leur territoire, tout en garantissant une majorité d’agriculteurs au sein des instances décisionnelles.

Il l’a fait, ensuite, en offrant la possibilité aux agriculteurs membres d’un GIEE d’échanger leurs semences sans passer par un organisme collecteur agréé, ce qui facilite l’entraide entre les agriculteurs.

Toutefois, l’échange entre agriculteurs ne concerne que les semences non protégées par un certificat d’obtention végétale, ou COV, c’est-à-dire des petites quantités. Aussi, il nous semble important de permettre aux membres d’un GIEE de vendre leurs semences sans passer par un organisme stockeur lorsque cette transaction est effectuée au sein même du GIEE. Cette disposition initialement prévue par le texte de loi issu du Sénat devrait pouvoir être maintenue. C’est pourquoi le groupe socialiste propose un amendement la rétablissant.

Autre avancée de ce texte : l’amélioration de la transparence des formes sociétaires déjà existantes. Il sera dorénavant plus facile de constituer un groupement agricole d’exploitation en commun, puisque les procédures d’agrément et d’instruction de demande d’aide économique seront fusionnées et prises en charge par une même autorité administrative compétente. La garantie d’une transparence économique pour les GAEC totaux constitue également un apport de cette loi. Les parlementaires se sont attachés à apporter des précisions utiles sur les possibilités offertes pour les associés de se livrer à des activités extérieures au groupement, sans porter atteinte au caractère total du GAEC.

Enfin, le Sénat a entendu faciliter la transformation en GAEC des exploitations agricoles à responsabilité limitée, les EARL, notamment entre époux, ce qui leur permettra de bénéficier du principe de transparence. Ainsi, les contours des formes sociétaires que peuvent prendre les activités agricoles sont redessinés et clarifiés.

Par ailleurs, une meilleure identification de la population agricole sera permise par la mise en place d’un registre des actifs agricoles. Tout a été fait pour rendre ce registre le plus opérationnel possible. La progression du travail parlementaire a permis d’aboutir à un dispositif sécurisé où les chambres d’agriculture et la MSA se partagent les rôles.

De son côté, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, l’APCA, a la charge de regrouper la base de données à partir des informations détenues par leurs centres de formalités des entreprises. Du leur, les caisses de la Mutualité sociale agricole restent propriétaires et responsables de ces informations. Le Sénat a largement contribué à façonner ce dispositif, en donnant une définition claire de ce que doit être un actif agricole.

La commission des affaires économiques du Sénat a effectué un travail de qualité, qui a permis de faire évoluer le texte dans de nombreux domaines et d’apporter des réponses adaptées aux attentes de la profession. Pour ne citer que quelques dispositions emblématiques, ce fut le cas, par exemple, pour le bail environnemental, qui soulevait beaucoup d’inquiétudes avant le passage au Sénat et dont la rédaction actuelle, proposée par M. le rapporteur, semble faire consensus. Ce fut aussi le cas de la clause miroir pour les coopératives agricoles. La communication aux associés des procédures de négociation des prix dans le cadre du rapport annuel d’activité de la coopérative semble répondre aux exigences d’information et de transparence.

Beaucoup d’autres points sont à mettre à l’actif de ce projet de loi ; je ne les citerai pas tous, car ils sont trop nombreux. Je relèverai simplement l’importance que revêtent l’amélioration de l’enseignement agricole, la maîtrise des produits phytosanitaires, les mesures en direction de la protection du foncier agricole, l’élargissement du rôle des SAFER, la création du fonds stratégique pour la forêt et la prise en compte des spécificités de la montagne. À ce propos, je voudrais aborder un dernier point, qui me tient particulièrement à cœur. Il relève des dispositions relatives à la forêt, même si je laisse à Bernadette Bourzai le soin de parler plus globalement des avancées significatives introduites dans ce texte pour le secteur forestier.

Il s’agit du cas particulier des communes excessivement boisées en zone de montagne, qui doivent faire l’objet de mesures adaptées à leur aménagement. Les sénateurs, par le biais d’un amendement du rapporteur Philippe Leroy, avaient introduit la possibilité, pour les communes boisées à plus de 70 % de leur superficie, de pratiquer des coupes afin d’ouvrir les paysages et de permettre la réaffectation des parcelles concernées par ce défrichement à un usage agricole. Cette disposition ayant été supprimée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, nous avons réaffirmé le besoin de prendre en compte les contraintes particulières qu’un tel taux de boisement entraînait pour ces territoires. Dès lors, nous avons rétabli ce droit de déboisement. M. le rapporteur Philippe Leroy l’a fort bien rappelé il y a un instant, la fermeture des paysages est peu propice au maintien de la population et entraîne la désertification de ces territoires. Qui a envie de vivre sans horizon ou bien avec pour seul horizon les barreaux immenses d’une prison verte ? En Limousin, nous utilisons une expression qui traduit bien cette situation : nous disons des personnes qui la vivent qu’elles sont « enfermées dehors ».

Mes chers collègues, nous arrivons aux termes de la discussion d’un texte qui, contrairement à ce que l’on peut entendre sur certaines travées, est riche d’innovations et fondateur d’un nouveau cadre.

Notre commission a apporté quelques modifications supplémentaires au texte issu de l’Assemblée nationale, contribuant ainsi à amender encore ce projet de loi qui, si l’on en croit les déclarations de certains dirigeants agricoles, et grâce aux compromis trouvés sur ses dispositions phare, fait l’objet d’un assentiment général. À ce titre, il devrait trouver, dans cet hémicycle, une large majorité pour son adoption en deuxième lecture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en croisant ce matin le ministre de l’agriculture à l’aéroport, où nous avons échangé sur le débat qui nous réunit ce soir, je n’imaginais pas un seul instant qu’il manquerait ce rendez-vous. Je lui adresse donc à mon tour mes vœux de prompt rétablissement.

Je voudrais dire combien j’ai apprécié la façon dont les travaux ont été menés au sein de la commission des affaires économiques. C’est bien entendu grâce à son président,…

M. Didier Guillaume, rapporteur. Cela va de soi !

M. Jean-Claude Lenoir. … mais aussi à son animateur qu’a été Didier Guillaume. Nos échanges ont été très pragmatiques, chacun ayant le souci d’apporter des réponses concrètes à de graves préoccupations, que nous connaissons bien car elles s’expriment dans nos départements.

J’ai noté un certain nombre d’avancées avec beaucoup de satisfaction, monsieur le rapporteur. J’en prends acte, car je fais partie de ceux qui préfèrent regarder le verre de cidre ou de poiré…

M. Jean-Jacques Mirassou. Ou d’armagnac !

M. Jean-Claude Lenoir. … à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Voilà pourquoi je veux d’abord souligner les aspects positifs que je retire de nos débats au sein de la commission des affaires économiques, qui augurent bien du texte sur lequel nous pourrions, au moins en partie, nous retrouver.

Pour autant, si je m’exprime depuis cette tribune, ce n’est pas pour entrer dans le détail des différents articles qui ont été discutés ou des amendements que nous avons soutenus, dont certains ont été retenus et d’autres écartés. Je conçois plutôt mon rôle comme celui d’un porte-voix des agriculteurs de mon département.

En ces temps de comices agricoles, qui sont des moments privilégiés de rencontre avec les paysans, je tiens à dire que le monde agricole a le sentiment d’être encerclé : les règlements sont parfois appliqués de façon tatillonne, l’opinion accuse les agriculteurs d’être des fauteurs de troubles qui contribuent à polluer les territoires et à en écarter des personnes voulant vivre en toute quiétude dans leur propriété. Songez à la folle rumeur des « 200 mètres » ! Bien sûr, les réseaux sociaux l’ont amplifiée, mais les agriculteurs ont fini par penser qu’il y avait une part de vrai dans ce qui leur était reproché. Les uns et les autres, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous nous sommes employés à démentir cette rumeur. Malgré tout, il en reste quelque chose, je l’ai encore observé voilà quelques jours.

Les agriculteurs ont également le sentiment d’être encerclés, parce que leur avenir se rétrécit. Je suis frappé de voir le nombre de jeunes qui se détournent de cette profession, qui était celle de leurs parents, de leurs grands-parents et de leurs aïeux. Ce découragement touche plus particulièrement les éleveurs.

Élu d’un département connu pour la qualité de ses espèces animales – je rappelle à cette occasion que les jeux équestres mondiaux auront lieu en Basse-Normandie, j’allais dire en Normandie, mais n’anticipons pas ! (Sourires.), aux mois d’août et septembre –, je sais que les éleveurs bovins, disons-le clairement, sont aujourd'hui menacés. Il faut dire que leur activité est très contraignante : tous les jours sont des jours de travail, leurs marges se rétrécissent, alors que leurs charges s’alourdissent considérablement. Leur labeur n’est pas récompensé.

M. Jean-Claude Lenoir. Quand les troupeaux diminuent, quand les élevages laitiers régressent, les conséquences ne sont pas seulement agricoles, elles sont aussi environnementales. Nous le voyons, les paysages, la nature changent.

Dans une région comme le Perche, où l’élevage est une tradition – on y trouve beaucoup de chevaux, mais aussi des normandes –, si les paysages changent, c’est parce que les prairies sont en train d’être retournées : des terres jusqu’alors consacrées à l’élevage sont mises en culture. Voilà encore quelques jours, je me trouvais à un comice agricole : peu d’animaux étaient présents ; en revanche, on pouvait découvrir d’énormes machines agricoles, qu’on n’avait jamais vues, destinées non pas à l’élevage, mais à la culture.

Le découragement des agriculteurs est d’autant plus grand qu’ils savent que les règles ne sont pas respectées en Europe. Des pays comme l’Allemagne font appel à une main-d’œuvre moins coûteuse, en provenance des pays de l’Est. Dans les années quatre-vingt, nous nous inquiétions à juste titre du devenir d’un certain nombre de cultures après l’élargissement de l’Europe à l’Espagne et au Portugal, du fait d’une main-d’œuvre meilleur marché. À l’heure actuelle, le phénomène est tout à fait différent : qui aurait pu imaginer qu’un pays au niveau de vie élevé comme l’Allemagne produise du lait compétitif par rapport au lait français ?

Madame la secrétaire d’État, en suppléant le ministre de l’agriculture, vous êtes tout à fait à votre place. Je rappelle en effet que vous étiez chargée des questions agricoles au parti socialiste.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Elle y était excellente !

M. Jean-Claude Lenoir. Je lisais récemment l’un de vos derniers communiqués en tant que députée. Vous saluiez les incontestables efforts accomplis par le Gouvernement en matière de politique agricole commune. Vous souligniez que c’était une chance pour l’élevage, en particulier l’élevage familial, puisque les avancées en question permettaient de soutenir les troupeaux de 70 à 80 animaux. Êtes-vous toujours convaincue, maintenant que vous êtes au Gouvernement, de la pertinence de la vision qui était la vôtre à la fin du mois de mai ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Encore plus !

M. Jean-Claude Lenoir. Enfin, l’inquiétude de nos agriculteurs porte sur leurs relations avec la grande distribution. Là, vraiment, c’est toujours la lutte du pot de terre contre le pot de fer ! Car ce sont eux les grands perdants, ils en ont chaque jour la démonstration. Quels que soient les mécanismes mis en place – je pense notamment aux initiatives visant à l’instauration d’une médiation –, ils se révèlent inopérants.

Face à cette situation, le Gouvernement dépose un projet de loi. Or, depuis que je suis parlementaire, j’en ai connu quelques-uns, toujours présentés avec un lyrisme extraordinaire. Il faut le reconnaître, nous avons toujours eu de très bons ministres de l’agriculture. Quels que soient les gouvernements, ils étaient enthousiastes et volontaristes. Si seulement c’était une loi qui permettait de redonner espoir aux agriculteurs, il faudrait en voter une tous les ans ! Malheureusement, la réalité est un peu différente. En effet, de plus en plus, c’est au Gouvernement de répondre à leurs préoccupations, car c’est lui qui en a les moyens, tant par les mesures qu’il peut prendre au plan national que par celles qu’il peut suggérer au niveau européen.

Sachez, madame la secrétaire d’État, que l’inquiétude dont je viens de vous faire part est particulièrement forte. Il y a aujourd'hui un silence qui ne doit pas tromper. C’est celui de gens qui travaillent très durement, ne sont pas récompensés de leur travail et découragent leurs enfants de choisir un métier qui a pourtant fait la fierté de nombreuses générations. Faisons en sorte de modifier une telle situation, à défaut de pouvoir profondément la changer. Même les petits pas qui auront été accomplis seront salués. En tout cas, tel sera le sens que je donnerai à mon vote, comme je l’avais fait en première lecture. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l’équilibre global de ce projet de loi, très bien décrit précédemment par mon collègue Jean-Jacques Lasserre, sauf pour dire que, contrairement à son titre, ce texte échoue tout de même à tracer des perspectives d’avenir pour notre agriculture.

Il s’agit d’un projet de loi d’adaptation concernant un secteur économique qui en a cruellement besoin. Toutefois, je crains, avec mes collègues centristes, qu’il soit insuffisant pour rassurer nos agriculteurs, nos producteurs et les jeunes qui s’engagent dans cette voie, notamment dans le cadre de l’enseignement agricole, que je connais bien.

Nous sommes loin du travail fourni par Edgard Pisani, qui influence encore aujourd’hui l’organisation de l’agriculture française.

L’agriculture est à la fois l’un des secteurs les plus traditionnels de notre pays et un domaine porteur d’avenir, fleuron de notre économie, qui évolue en permanence. Ce paradoxe est sans doute à l’origine de notre attachement aux agriculteurs et agricultrices, qui font vivre tout un pays, et même plus.

En France, avec plus d’un million d’actifs, l’agriculture est avant tout une activité économique. C’est une richesse pour notre pays, car elle représente à elle seule 19 % de la production européenne et constitue un secteur clé de notre économie. La diversité et la qualité des productions, alliées au professionnalisme des agriculteurs, en font une filière d’avenir. C’est parce que l’agriculture est un domaine d’avenir que j’aimerais aborder deux points précis, qui constituent des piliers pour le futur : la compétitivité et l’enseignement.

Il faut être extrêmement vigilant s’agissant de la compétitivité. Des pays voisins, comme l’Allemagne – Jean-Claude Lenoir vient de le rappeler –, sont en train de nous dépasser progressivement. La main-d’œuvre y est globalement 20 % moins chère qu’en France. Cette différence atteint même 50 % dans les fruits et légumes. Ce n’est pas une question de revenus, car le niveau de rémunération des agriculteurs est déjà trop faible. Il s’agit plutôt de mieux faire correspondre le coût du travail et la rémunération des producteurs. Pour améliorer la compétitivité de notre agriculture, il faut réduire les coûts du travail et simplifier les normes administratives.

Je tiens à rappeler ici le travail, en première lecture, de mon collègue Daniel Dubois s’agissant de la question de la création d’un observatoire de la compétitivité de l’agriculture française et des distorsions de concurrence imposées aux agriculteurs par l’application des directives communautaires et des normes françaises. Toutes les règles pesant non seulement sur les entreprises françaises mais aussi et surtout sur les agriculteurs leur sont devenues insupportables.

Je rappelle que le Sénat, et en particulier M. le président de la commission des affaires économiques, s’était engagé à créer un groupe de travail pour étudier la simplification des normes en matière agricole, ce qui permettrait notamment d’étudier les distorsions entre normes européennes et normes nationales. J’espère que ce groupe verra vite le jour.

La compétitivité de l’agriculture passe aussi par celle de l’industrie agroalimentaire. Il ne faut évidemment pas opposer les deux. Au contraire, ce sont des secteurs phare à valoriser et à mettre en avant pour notre économie.

J’en viens à la seconde partie de mon propos, qui portera sur l’enseignement agricole.

Je vous le disais en première lecture, les travaux préparatoires au présent texte permettaient de nourrir de bons espoirs sur cette problématique.

Le Gouvernement affiche l’ambition de faire de la France un leader en matière d’agroécologie. Il s’agit de tout mettre en œuvre pour produire au mieux, en relevant un double défi : répondre à la demande mondiale en matière d’alimentation et respecter les écosystèmes, dans le cadre d’un développement durable reposant sur une moindre utilisation d’intrants, la préservation de la ressource en eau et la lutte contre le gaspillage du foncier. Mais l’agriculture n’existant pas sans l’enseignement agricole, je souhaitais que celui-ci, qui prépare les professionnels de l’agriculture et du monde rural et paysager de demain, trouve toute sa place dans ce texte.

L’Observatoire national de l’enseignement agricole a remis en 2013 un rapport présentant de nombreuses préconisations et inscrivant la formation des futurs acteurs du monde rural dans une agriculture du XXIsiècle. Je pensais qu’il serait le socle, la force de propositions, sur lequel ce projet de loi pourrait s’appuyer. Je ne retrouve malheureusement pas dans ce texte les perspectives dessinées par ce rapport, pourtant très fourni ! Où sont les transcriptions des sept recommandations ?

Ce rapport aurait pu être une source dense d’inspiration. Malheureusement, le projet de loi est passé à côté. On ne relève aucune avancée concernant les cinq missions dévolues à l’enseignement agricole, qui constituent un atout essentiel pour l’agriculture du futur. Il manque également l’articulation de l’autonomie des établissements avec un pilotage et un cadrage national. J’ai d’ailleurs redéposé un amendement en ce sens.

Pourtant, l’enseignement agricole, qui présente un modèle de coopération entre le système productif et le système éducatif, mériterait une forte implication des professionnels de l’agriculture et de leurs organismes.

En définitive – je regrette vraiment de devoir faire ce constat –, nous sommes face à un texte témoignant d’un rendez-vous manqué avec l’enseignement agricole. Une nouvelle organisation ancrée dans les régions et les territoires, orientée vers des spécialisations et des voies d’excellence, impliquant tous les acteurs de la filière dans un même acte partenarial, n’a pas su être mise en œuvre dans le cadre de ce travail législatif.

Je crains que notre agriculture ne souffre plus tard de ne pas avoir formé des professionnels capables de répondre et de s’adapter aux questions agronomiques. Je souhaitais d’ailleurs rappeler au ministre de l’agriculture son engagement à remettre en place l’Observatoire national de l’enseignement agricole, qui en est panne depuis plus d’un an maintenant. C’est une instance importante, qui permet d’appuyer les politiques menées et, surtout, d’être au plus près des nécessaires évolutions de l’enseignement.

Au cours de la première lecture, j’avais tenté de déposer certains amendements, sans grand résultat pour la plupart d’entre eux. C’est pourquoi je vous représenterai quelques propositions que je ne détaillerai pas maintenant. J’espère rencontrer cette fois un peu plus de succès !

Au-delà de ces quelques remarques de fond, je tiens tout de même à saluer le travail des rapporteurs, qui ont su trouver des compromis s’agissant de nombreux articles adoptés en commission. Je les félicite de leur sens politique et de leur connaissance du sujet, qui rattrapent quelque peu les insuffisances de fond du texte. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que nous examinions aujourd’hui, en deuxième lecture, le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, permettant ainsi à ce texte très attendu d’aboutir avant l’automne. Certes, cela nous oblige à un calendrier un peu contraint, mais, comme vous l’avez indiqué, madame la secrétaire d’État, ce projet de loi a fait l’objet d’une large et longue concertation. En effet, le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, à qui je souhaite un prompt rétablissement, a effectué en amont un travail considérable avec tous les acteurs professionnels et syndicaux du monde agricole. Ce travail de concertation s’est prolongé dans les deux assemblées, avec des débats parlementaires qui se sont déroulés dans un climat serein et constructif, permettant ainsi l’élaboration d’un texte enrichi. Que nos deux rapporteurs, Didier Guillaume et Philippe Leroy, en soient remerciés et félicités !

Comme l’a indiqué le rapporteur Didier Guillaume, nous avons là un bel exemple de coconstruction d’un texte, dont l’enjeu est majeur. Il s’agit effectivement de donner à l’agriculture française les moyens et les outils lui permettant de relever les grands défis de l’avenir. Cela signifie améliorer l’autonomie alimentaire de notre pays et du continent européen, ce dernier, il faut le savoir, dépendant de l’étranger à hauteur de 35 millions d’hectares, et contribuer, au travers de nos exportations, à l’alimentation de pays déficitaires. Cela étant, mon cher Gérard Bailly, il ne s’agit pas de nourrir la planète. Ce serait une très grande ambition !

La première lecture a permis l’adoption de plusieurs mesures fondamentales pour réorienter l’agriculture vers un nouveau modèle de production, l’agroécologie, avec l’ambition de concilier compétitivité, tant de notre agriculture que de notre filière bois, et engagement de la France sur la voie de la transition écologique, le tout en cohérence avec les orientations de la politique agricole commune et le verdissement décidés par l’Union européenne. Je précise que, pour la première fois, ces politiques ont fait l’objet d’une décision conjointe du Conseil des ministres et du Parlement européen et ne sont pas issues de propositions de la seule Commission européenne.

Je me réjouis que les députés aient conservé une bonne partie des enrichissements que nous avions apportés à ce projet de loi.

Je ne reviendrai pas sur les mesures relevant plus particulièrement du domaine agricole, qui ont déjà été évoquées par Didier Guillaume et Renée Nicoux, et j’orienterai mon intervention sur le titre V, c'est-à-dire les dispositions relatives à la forêt.

Des décisions fondatrices pour ce nouveau modèle ont été confortées pendant la navette. Je citerai, entre autres mesures, la reconnaissance de la multifonctionnalité des forêts et de leurs fonctions d’intérêt général, ce qui ouvre la possibilité d’une rémunération de ces aménités environnementales, ainsi que la mise en place d’outils de gestion collective et de dynamisation foncière forestière avec les groupements d’intérêt économique et environnemental forestier, les GIEEF. Cette dernière disposition vise à mieux organiser l’exploitation de la forêt française, mieux mobiliser la ressource, mais aussi à améliorer les relations entre forestiers et collectivités locales, qui ne sont pas toujours au beau fixe.

La première lecture au Sénat avait été l’occasion d’apports importants. L’adoption d’amendements du groupe socialiste avait ainsi permis de maintenir le droit de préférence des communes en cas de vente de parcelles forestières de moins de 4 hectares, afin de favoriser les regroupements, et de prendre en compte les spécificités des zones de montagne pour les seuils nécessaires à la constitution des GIEEF, afin d’adapter cet outil aux conditions physiques montagnardes.

À ce titre, si je souscris tout à fait aux propos du rapporteur Philippe Leroy sur la nécessité de procéder à une déforestation de certains territoires, principalement de montagne, qui sont surboisés, je pense qu’il sera nécessaire de débattre de la création de sections spécialisées forestières.

Ce projet de loi tend aussi à lutter contre l’importation de bois illégal, en autorisant les saisies immédiates de produits incriminés à titre conservatoire, en prévoyant des sanctions pour leur mise sur le marché et en offrant la possibilité aux associations environnementales de se constituer partie civile à l’encontre des contrevenants. Toutes ces dispositions ont été reprises à l’Assemblée nationale et, pour certaines, enrichies ou précisées.

Le Sénat a également permis de progresser dans la recherche d’un équilibre entre les activités des forestiers et celles des fédérations de chasse. Nous avons réussi, me semble-t-il, à consolider le dialogue sylvo-cynégétique…

M. Didier Guillaume, rapporteur. Exactement !

Mme Bernadette Bourzai. … et à trouver les modes de conciliation des intérêts tant des chasseurs que des forestiers. Jean-Jacques Mirassou et Philippe Leroy ont œuvré à ce compromis, et je tiens à les en remercier.

Le groupe socialiste a ainsi introduit des dispositions créant une instance de dialogue : un comité paritaire composé de représentants des propriétaires forestiers et des chasseurs, rattaché à chaque commission régionale de la forêt et du bois. Ce comité devra élaborer chaque année un programme d’actions permettant de favoriser l’établissement d’un équilibre sylvo-cynégétique dans les régions les plus affectées par les dégâts de gros gibier.

Par ailleurs, l’adoption de plusieurs amendements portés par les sénateurs socialistes a permis d’assurer la représentation des fédérations de chasseurs au sein des CDPENAF, du conseil d’administration des SAFER et de la commission régionale de la forêt et du bois et limité la responsabilité des chasseurs sur le plan sanitaire aux espèces de gibier dont la chasse est autorisée.

Tout cela va dans le sens d’une gestion durable et « pacifiée ». Mais il faut aussi répondre aux enjeux économiques et permettre à la France de mieux valoriser son potentiel forestier. L’aspect économique constitue effectivement un enjeu majeur, car, comme le rapporteur Philippe Leroy l’a souligné, la forêt française est la troisième forêt européenne et, malgré cela, la balance commerciale de la filière bois est déficitaire de 6 milliards d’euros. Aussi l’instauration dans la loi, dans un objectif de rééquilibrage, du fonds stratégique de la forêt et du bois représente-t-elle une avancée fondamentale, ce fonds constituant le point de départ de toute politique forestière.

C’est pourquoi, à l’instar du rapporteur Philippe Leroy, je plaiderai pour qu’une solution garantissant à long terme le financement de l’investissement forestier soit trouvée, l’Assemblée nationale ayant supprimé le compte d’affectation spéciale que nous avions adopté. Nous voulons être assurés que le fonds stratégique, créé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, sera convenablement doté et abondé pour encourager le reboisement, lequel est en attente dans de nombreux secteurs, voire en déshérence à la suite des différentes tempêtes.

Ce texte marque aussi une étape importante dans la prise en compte des attentes de la société, et le second point de mon intervention portera donc sur le titre III du projet de loi, visant à progresser en matière de santé animale et végétale et de sécurité sanitaire de l’alimentation.

Certaines des orientations retenues dans ce cadre visent à limiter l’utilisation des produits phytosanitaires, mais également à envisager les moyens d’une réduction de l’usage des antibiotiques en élevage. Nous savons tous que l’antibiorésistance progresse dans notre pays et qu’il est nécessaire de lutter contre cette situation, causant 25 000 décès par an dans l’Union européenne.

Les mesures visant à mieux contrôler l’usage des antibiotiques et limiter celui des produits phytosanitaires constituent une avancée réelle, mais je serai un peu plus mesurée sur les exigences introduites en matière de recours aux pesticides. Comme en première lecture, et en accord avec notre collègue Nicole Bonnefoy, qui fut, en 2012, rapporteur de la mission d’information sur les pesticides et leur impact sur l’environnement et la santé, je plaiderai pour des mesures plus ambitieuses encore en matière de réduction de l’utilisation des pesticides et de limitation de leur impact sur l’environnement et les riverains.

Le projet de loi tend à promouvoir des méthodes alternatives, notamment le biocontrôle. Je tiens à en féliciter M. le ministre de l’agriculture, qui a pris l’initiative de réunir au printemps les professionnels concernés par ce secteur, afin de lancer une dynamique porteuse d’innovation, de développement et d’emplois. Sur ce sujet, je me réjouis particulièrement des dispositions, validées à l’Assemblée nationale, visant à sécuriser l’utilisation des préparations naturelles peu préoccupantes, dites PNPP.

Dans le rapport de la mission précédemment citée, le Senat avait plaidé pour l’utilisation et le développement de ces PNPP. On ne peut que se féliciter que ce travail collectif et constructif ait permis de sortir par le haut d’une situation en apparence bloquée, dont dépendait la mise en œuvre de pratiques alternatives sécurisées et accessibles à tous, particulièrement dans certains secteurs à l’économie fragile, dont le maraîchage, l’horticulture et d’autres encore.

En ce début de seconde lecture, je souhaite que nous ayons des débats riches et constructifs, à l’image de ce qu’ils ont été jusqu’à présent, et que nous maintenions l’objectif de permettre à notre agriculture de remplir ses missions d’alimentation, de production et de durabilité. II en résultera, j’en suis persuadée, quelques améliorations, et le texte issu des travaux du Sénat sera encore renforcé. Cela donnera au ministre de l’agriculture toutes les assurances pour conduire sa mise en œuvre et redonner à notre agriculture et à nos agriculteurs confiance en l’avenir. Moi aussi, monsieur Lenoir, je fréquente les comices agricoles et, dans ce cadre, je tente d’apporter des réponses positives aux questions qui me sont posées, y compris en m’appuyant sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Très bien !

Mme Bernadette Bourzai. Madame la secrétaire d’État, vous pouvez donc compter, tout comme M. le ministre de l’agriculture, sur le soutien du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de mêler ma voix à celle de mes collègues qui ont précédemment adressé un message de sympathie et de prompt rétablissement au ministre de l’agriculture, M. Stéphane Le Foll.

Le hasard a permis votre présence parmi nous ce soir, madame la secrétaire d’État, mais vous êtes tout à fait à votre place. En effet, parmi les différents dossiers dont vous avez la charge, se trouvent ceux du commerce et de la consommation. Or, comme un certain nombre de nos collègues précédemment, nous avons quelques messages à vous délivrer sur ces sujets.

Le projet de loi d’avenir que vous nous invitez à examiner en seconde lecture au Sénat, ce soir, appelle de ma part un certain nombre de commentaires.

Tout d’abord, ce texte est clairement orienté vers des préoccupations que je considère plutôt franco-françaises et n’appréhende l’avenir qu’au travers du prisme de ses fonctions environnementales et sociétales.

Répond-il aux défis du futur traité transatlantique ? Non ! Or, du côté américain, on s’est doté avec le farm bill d’une force de frappe économique importante, fondée sur une garantie de revenus face aux aléas climatiques, sanitaires ou liés à la volatilité des prix.

Répond-il à la baisse tendancielle des fonds communautaires ? Non ! La politique agricole commune, à mon grand regret d’ailleurs, fédère de moins en moins les différents États membres.

Répond-il à la fluctuation des revenus de nombreux agriculteurs français ? Non ! Ces revenus sont directement impactés par les aléas climatiques, sanitaires ou géopolitiques, auxquels ils sont pourtant régulièrement confrontés, et subissent les conséquences des rapports difficiles entretenus avec la grande distribution. Cette dernière n’a pas compris que sa pérennité repose également sur celle des producteurs et des transformateurs. Les uns comme les autres doivent dégager des marges financières pour pouvoir se restructurer et évoluer. À ce propos, le cas de l’Allemagne est souvent cité : au cours des huit ou dix derniers mois, ce pays a effectivement accepté une progression de près de 9 % du prix du lait, évolution rendue possible par une pratique de la concertation, qui, même entre producteurs, transformateurs et grande distribution, s’opère avec une certaine harmonie.

Le projet de loi d’avenir n’a donc d’avenir que le nom ! Il ne prépare pas l’agriculture française aux grands défis de demain, et je le déplore.

Lors de l’examen de la nouvelle politique agricole commune, telle qu’elle nous était parvenue de Bruxelles après le vote du Parlement européen, j’avais dénoncé une dérive identique au niveau de la politique européenne. L’Europe est à contre-courant des stratégies agricoles déployées outre-Atlantique. Les pays de cette zone seront donc beaucoup mieux armés qu’elle ne le sera pour profiter de la future augmentation de la demande alimentaire mondiale. Alors que la demande en protéines végétales et animales va croissant à l’aube de ce XXIe siècle, l’Europe et la France ne participeront que marginalement à cette évolution.

J’avais imaginé que notre pays, au lendemain du vote de cette politique agricole commune et grâce à ce projet de loi d’avenir, aurait pu redevenir le « fer de lance » de l’agriculture européenne. Malheureusement, il s’est fait distancer par les Pays-Bas et par l’Allemagne, et ses industries agroalimentaires sont directement menacées par un déficit de restructuration. Certaines d’entre elles, notamment dans la filière des viandes blanches, sont très fragiles. Je vous concède, madame la secrétaire d’État, que nous ne sommes pas parvenus à ce résultat en un jour. Soyons honnêtes ! Mais la situation s’aggrave de jour en jour...

Il ne reste plus aux agriculteurs qu’à subir sur le terrain une administration plus « tatillonne » que jamais, des exigences « environnementalistes » toujours plus lourdes et sans contrepartie financière et une difficulté croissante à obtenir un partage équitable de la valeur ajoutée face à une grande distribution dont l’avidité en termes de profits est sans cesse plus grande.

Face à ces dérives, je ne vois pas de volonté politique forte pour « produire plus et mieux », comme M. le ministre de l’agriculture l’avait pourtant annoncé, le 27 mai dernier, lors d’une session du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire. Cet engagement, je l’avoue, m’avait rassuré et avait rassuré ma famille politique.

Produire plus et mieux est pourtant la seule voie possible, car l’acte de production a pour corollaire la transformation, au sein de nos PME, de nos grandes entreprises de l’agroalimentaire, qui animent et structurent nos territoires ruraux. Malheureusement, à leur tour, je le déplore, ces entreprises se fragilisent, parce qu’elles ne dégagent plus suffisamment de marges pour pouvoir se moderniser, à l’image des entreprises de transformation agroalimentaire des autres pays de l’Union européenne.

Madame la secrétaire d’État, permettez-moi quatre dernières remarques.

Le GIEE est une mesure sympathique s’il en est. Je crains toutefois que ce concept ne soit pas à la hauteur des enjeux et, pis encore, qu’il soit source de complication administrative supplémentaire. Ce n’est sans doute pas la volonté du législateur, ni celle des rapporteurs de ce texte, mais il faut admettre que les agriculteurs sont soumis à une complexité administrative croissante qui les décourage.

Le transfert à l’ANSES de la compétence de délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires et des matières fertilisantes est à mon sens irrationnel ; je me suis déjà exprimé sur ce sujet en première lecture. Je considère en effet que les fonctions d’expertise et de délivrance doivent être clairement séparées. Les plus anciens parmi nous se souviennent des débats qui avaient été initiés par nos collègues Claude Huriet et Charles Descours en copiant un petit peu ce qui avait été fait autrefois par la Food and Drug Administration. Je regrette que nous nous soyons un peu éloignés de cette architecture. Nous verrons comment cela fonctionnera dans l’avenir…

La modification du code civil en vue d’y intégrer le statut de l’animal, classé actuellement par le code rural et le code pénal comme un « être vivant et sensible », serait un geste « loin d’être banal et anodin », pour reprendre l’expression de la garde des sceaux, qui souligne également que « le statut de l’animal a son poids, sa signification et surtout ses conséquences ».

Madame la secrétaire d’État, ces conséquences seraient dévastatrices dans les filières d’élevage et ouvriraient la porte à tous les contentieux qu’un juge pourra engager en donnant libre cours à tous les fantasmes ou interdits. Je m’étonne qu’un ancien ministre de l’agriculture, remarquablement intelligent, fin et pertinent, se soit prêté à cet exercice sans en mesurer pleinement les dérives juridiques potentielles.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’était au troisième degré !

M. Jean Bizet. Enfin, je trouve particulièrement choquante la désignation des assesseurs dans les tribunaux paritaires par les juges.

Toutes ces mesures sont loin de redonner à l’agriculture française sa vraie place en Europe et dans le monde.

À cela s’ajoute une menace, celle d’un étiquetage nutritionnel que je vois poindre à l’horizon de la future loi de santé publique de Mme Marisol Touraine, qui soumettrait certains produits agricoles transformés – souvent des produits sous signe de qualité tels le camembert de Normandie ou la saucisse de Morteau – à un affichage discriminant dicté par « la faculté ». Il y a très exactement six ans, au sein de la commission des affaires européennes, je m’étais opposé à un règlement européen qui imposait cet étiquetage nutritionnel. Soyons très attentifs à cette mesure qui se profile dans le projet de loi de santé publique.

Je déplore également, comme le président Raoul, qui fait la même analyse que moi, la condamnation dans notre pays de tout projet de recherche et d’innovation. Le syndicat de la magistrature a publié le 11 juillet dernier un communiqué de presse dénonçant la permanence de la répression de la contestation en France. Des magistrats appellent en substance à condamner ceux qui entreprennent pour construire l’avenir – notre ami Marcel Deneux doit apprécier –, en saluant parallèlement ceux-là mêmes qui détruisent le bien d’autrui « au nom de l’intérêt général pour créer les conditions d’un débat public ». Je tiens à votre disposition, madame la secrétaire d’État, ce communiqué du syndicat de la magistrature qui est assez choquant.

Tout n’est pas bon dans le progrès, mais rien n’est possible sans lui et, s’il n’y a pas de politiques sans risques, il y a des politiques sans chances. Vous ne donnez pas, au travers de ce texte, toutes les chances à l’agriculture de France pour affronter les grands enjeux de demain.

Je finirai sur une note plus positive : le verre de cidre et de calvados à moitié plein…

M. Jean-Claude Lenoir. Là, ça fait peut-être beaucoup !

M. Jean Bizet. … m’invite à saluer l’engagement des rapporteurs Didier Guillaume et Philippe Leroy ainsi que du président Daniel Raoul. Je sais l’attention qu’ils ont portée à certains des amendements auxquels je tiens. Le sort qui leur sera réservé déterminera le sens de mon vote. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous ont évoqué la relation des producteurs avec la grande distribution. Comme vous le savez, nous avons reçu cet après-midi, avec Arnaud Montebourg et le directeur de cabinet de Stéphane Le Foll, les représentants de la grande distribution et des producteurs. Ce sujet, qui est en effet préoccupant, mobilise toute l’attention du Gouvernement. Je tiens à rappeler que le médiateur a déjà accompli un certain travail et que des contrôles ont été réalisés. Nous recevrons prochainement les conclusions de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, et, si des manquements sont constatés, des sanctions seront prises.

Lors de cette réunion a également été rappelée notre volonté de soutenir les PME et de préserver l’emploi. Mardi dernier, lors des questions au Gouvernement à l'Assemblée nationale, Stéphane Le Foll a d’ailleurs indiqué qu’une aide est apportée au secteur agroalimentaire, en particulier à la production fruitière, notamment dans les départements du sud de la France, qui sont concurrencés par une production espagnole en expansion.

Cet après-midi à Bercy, nous avons aussi évoqué certains des dispositifs de la loi de modernisation de l’économie, la LME, qu’il conviendrait d’améliorer. Certains d’entre vous ont d'ailleurs suggéré ces modifications. Quand des dispositifs votés ne sont pas totalement opérationnels, il est bon de le reconnaître.

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Vous le savez, la situation budgétaire de la France est préoccupante et un effort de tous est nécessaire : de l’État, qui fait cet effort en ce qui concerne le fonctionnement de ses administrations, des collectivités locales, de l’ensemble des Français. Les chambres consulaires doivent donc, elles aussi, contribuer à l’effort, mais celui-ci doit être mesuré, compatible avec les missions qu’elles assument sur l’ensemble de nos territoires, tout particulièrement pour la formation de nos jeunes, c’est-à-dire des apprentis. Concernant les chambres d’agriculture, la réduction de la fiscalité pesant sur leurs adhérents, c'est-à-dire sur les agriculteurs, doit servir à favoriser la compétitivité et le développement économique dans ce secteur.

Le Président de la République et Stéphane Le Foll ont obtenu, comme le rappelait Didier Guillaume, un accord historique sur la politique agricole commune, qui est très favorable pour la France tant en termes de montants que d’orientations. L’élevage est d’ailleurs le secteur qui a reçu le plus fort soutien, en dépit de certaines réactions étonnantes de la profession. Pourtant, il faut bien le dire, s’il y a bien une filière qui souffre dans l’agriculture, c’est l’élevage, notamment le secteur laitier.

En Normandie – je me permets dès à présent d’utiliser cette dénomination –,….

M. Jean-Claude Lenoir. Vous, vous pouvez ! (Sourires.)

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. … l’élevage est une activité importante. La politique agricole commune prévoit, je le répète, des dispositifs de soutien à ce secteur, qui, en effet, requiert un travail exigeant. Être éleveur – les éleveurs sont des acteurs économiques et environnementaux qui jouent un rôle essentiel dans l’ensemble de nos territoires ruraux et de montagne – suppose une disponibilité vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, mes origines ne me permettent pas de l’oublier.

Concernant la simplification dans le cadre de la politique agricole commune, je rappelle que les installations classées porcines, par exemple, ont bénéficié d’un allégement des normes.

Par ailleurs, je souligne qu’une partie des entreprises agricoles peuvent bénéficier du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Les coopératives agricoles, quant à elles, profiteront de la disparition progressive de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés.

Concernant l’étiquetage nutritionnel, nous soutenons pleinement Marisol Touraine, qui souhaite un étiquetage plus clair. Pour autant, nous ne sommes pas réduits à ces fameux feux, qui n’étaient pas tricolores, puisqu’il y avait plus de trois couleurs. Nous souhaitons que l’information soit plus lisible, mais sans être pour autant simpliste. La prévention sanitaire grâce une meilleure alimentation ne peut pas se limiter à des couleurs qui n’auraient qu’un effet stigmatisant et aucune vertu pédagogique. Sachez que tant le ministère de l’agriculture que mon secrétariat d’État travaillent avec le ministère de la santé pour améliorer l’étiquetage nutritionnel, en évitant bien sûr de stigmatiser les produits de qualité.

M. Jean Bizet. C’est une fausse bonne idée !

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, laissez-nous travailler et vous présenter dans quelques semaines nos projets. Nous serons peut-être plus proches de ce que vous souhaitez que vous ne le pensez.

M. Jean Bizet. Une grande confiance n’exclut pas une petite méfiance…

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Plutôt une certaine vigilance ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Joli passing-shot, madame la secrétaire d’État !

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. La mention « fait maison », idée, je le rappelle, qui est partie du Sénat, a fait l’objet d’une large concertation. On ne peut pas à la fois promouvoir la gastronomie, avec une première étape qui est la mention « fait maison », une deuxième étape qui est le titre de « maître-restaurateur », impliquant la cuisine de produits de qualité et le développement de circuits courts, et élaborer un décret simpliste. La cuisine française est complexe…

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est pour ça qu’on l’aime !

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. … et c’est pourquoi le décret l’est aussi. Il prévoit certaines exceptions réalistes, tout en reconnaissant le savoir-faire des restaurateurs. Nous mènerons d'ailleurs une réflexion à la rentrée sur la reconnaissance de l’aspect artisanal du métier de cuisinier.

Monsieur Le Cam, vous avez évoqué des dispositifs permettant de développer une forme d’économie participative en matière agricole. Sachez que nous allons très rapidement mettre en œuvre la loi sur l’économie sociale et solidaire. Des financements pourront donc être mobilisés dans ce secteur. Sans entrer dans le détail, j’indique qu’un soutien fort est apporté au modèle coopératif, y compris dans l’agriculture, et que l’accent est mis sur la participation des salariés et la répartition équitable des profits.

Par ailleurs, dans ce projet de loi, nous accordons une attention toute particulière à l’installation des jeunes et à la transmission, avec les contrats de génération. Nous sommes bien conscients que de nouvelles pratiques agro-écologiques doivent être développées, auprès tant des agriculteurs en place, au travers de formations, que des jeunes, grâce à la formation initiale.

M. Leroy a longuement évoqué les problèmes liés à la forêt. Celle-ci doit en effet être fortement soutenue. La cohabitation des multiples acteurs doit parfois être quelque peu dirigée par l’État. Il est vrai que, en zone de montagne, la forêt « descend », comme on dit dans ma région, ce qui pourrait entraîner la disparition de pâturages. Il est donc nécessaire de mener une politique de limitation, pour éviter que l’agro-pastoralisme, qui est essentiel à la montagne, ne soit menacé.

En ce qui concerne l’enseignement agricole, j’ai entendu, madame Férat, vos remarques concernant l’Observatoire national de l’enseignement agricole. Nous en discuterons de nouveau dans les prochaines heures.

Enfin, certains ont parlé de précipitation au sujet de ce projet de loi. Permettez-moi de m’en étonner, car l’objectif de faire adopter cette loi pendant l’été avait été très clairement annoncé. Les travaux ont commencé en janvier dernier et ont été menés de manière concertée, avec efficacité d'ailleurs. Le ministre et ses services ont été très à l’écoute et ont porté les avancées proposées par les parlementaires, qu’ils appartiennent à l’Assemblée nationale ou au Sénat.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais vous apporter. Stéphane Le Foll pourra les compléter demain – de façon plus brillante que je ne l’ai fait ! – lors de la discussion des amendements que vous défendrez, pied à pied, grâce à votre expérience du terrain.

Je le répète, il faut toujours voir le verre à moitié plein.

M. Jean-Claude Lenoir. Le verre de cidre ! (Sourires.)

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Oui, monsieur le sénateur ; Stéphane Le Foll appréciera ! (Nouveaux sourires.) À vrai dire, le cidre ne fait pas partie de ma culture, mais, lorsqu’on est membre du Gouvernement, on apprend à connaître et à apprécier l’ensemble du patrimoine de la France et tous ses talents !

Dans les prochaines heures, nous travaillerons pour faire de cette loi un texte d’avenir, qui soit riche de promesses, mais aussi pleinement opérationnel, pour notre agriculture et pour la France. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, la commission se réunira à neuf heures trente pour l’examen des amendements. Je le rappelle, il a été décidé de cesser nos débats en séance à dix-huit heures au plus tard. Vous pourrez ainsi reprendre des forces pendant le week-end, pour que nous achevions l’examen de ce texte lundi prochain !

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous informe que 155 amendements ont été déposés sur ce texte. Par ailleurs, je souhaite à mon tour un prompt rétablissement à M. Stéphane Le Foll.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Discussion générale (suite)

15

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 18 juillet 2014, à dix heures trente et à quatorze heures trente :

Suite de la deuxième lecture du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (n° 718, 2013-2014) ;

Rapport de MM. Didier Guillaume et Philippe Leroy, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 743, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 744, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 18 juillet 2014, à zéro heure trente-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART