Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas adopté un texte identique.

En conséquence sont irrecevables les amendements ou articles additionnels qui remettraient en cause les articles adoptés conformes, de même que toute modification ou adjonction sans relation directe avec une disposition restant en discussion.

projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public
Article additionnel après l'article 3

Article 1er

(Non modifié)

Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, est validée la stipulation d’intérêts prévue par tout écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant conclu antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi entre un établissement de crédit et une personne morale de droit public, en tant que la validité de cette stipulation serait contestée par le moyen tiré du défaut de mention, prescrite en application de l’article L. 313-2 du code de la consommation, du taux effectif global, du taux de période ou de la durée de période, dès lors que cet écrit constatant un contrat de prêt ou un avenant indique de façon conjointe :

1° Le montant ou le mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts ;

2° La périodicité de ces échéances ;

3° Le nombre de ces échéances ou la durée du prêt.

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Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article additionnel après l'article 3

Mme la présidente. L'amendement n° 1 présenté par MM. de Legge et Delattre, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Sont exclus du champ de la présente loi les contrats de prêts et avenants à ceux-ci conclus entre un établissement de crédit et une personne morale de droit public faisant au 23 avril 2014 l’objet d’une procédure judiciaire fondée sur le non-respect des articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation.

La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. M. de Legge, sénateur de l’Ille-et-Vilaine, m’a demandé de défendre cet amendement.

Le Conseil constitutionnel a censuré la précédente tentative de validation des prêts structurés telle qu’elle était prévue par la loi de finances pour 2014, indiquant que si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition de poursuivre un but d’intérêt général suffisant.

Pour faire en sorte d’assurer le respect d’une disposition constitutionnelle, notre collègue propose d’exclure du champ du présent texte les contrats de prêts et avenants à ceux-ci conclus entre un établissement de crédit et une collectivité faisant l’objet d’une procédure judiciaire engagée avant le 23 avril 2014 et fondée sur le non-respect des articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Germain, rapporteur. La commission des finances a émis un avis défavorable sur cet amendement, dont elle a bien compris la finalité. Je vous invite, monsieur Delattre, à le retirer.

Le Conseil constitutionnel, qui exerce un contrôle strict sur les validations législatives, exige qu’elles soient justifiées par un motif impérieux d’intérêt général, ce qui nous semble être le cas en l’occurrence. En outre, l’adoption de cet amendement créerait à mon sens une rupture d’égalité importante entre les collectivités territoriales, selon qu’elles auraient ou non introduit un recours à la date visée sur le fondement du taux effectif global.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Comme le rapporteur, je pense que l’adoption de cet amendement créerait une rupture d’égalité entre les collectivités qui auraient engagé une procédure avant le 23 avril 2014 et les autres. Il serait dangereux d’introduire dans le texte un motif avéré d’inconstitutionnalité, au-delà de la question de l’existence d’un motif impérieux d’intérêt général, sur laquelle on peut vouloir attendre confirmation de notre analyse.

Je demande moi aussi le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Delattre, l’amendement n° 1 est-il maintenu ?

M. Francis Delattre. Il n’était pas inutile que ce débat ait lieu en séance publique, comme le souhaitait M. de Legge. Cela étant, reconnaissant la pertinence de l’argument relatif à une rupture d’égalité entre collectivités, je retire l’amendement. Cela montrera au Conseil constitutionnel que ses décisions imprègnent parfois les nôtres ! (Sourires.)

Mme la présidente. L’amendement n° 1 est retiré.

Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Vote sur l’ensemble

Article additionnel après l'article 3
Dossier législatif : projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. André Reichardt, pour explication de vote.

M. André Reichardt. Comme en première lecture et pour les mêmes raisons, je voterai contre ce projet de loi.

Tout d’abord, pour une question d’orthodoxie juridique, le docteur en droit que je suis ne saurait accepter le recours à une validation législative, même si je comprends dans quel contexte elle intervient.

En outre, il s’agit pour moi d’apporter mon soutien aux collectivités territoriales de mon département, qui si ce projet de loi est adopté se verront privées du principal moyen de renégocier le taux de leur emprunt, même si l’on nous a dit une nouvelle fois que les contentieux en cours pourraient perdurer sur d’autres motifs.

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission.

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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11

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte commun sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

12

Catastrophe aérienne en Ukraine

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’émotion que nous avons appris qu’une catastrophe aérienne s’était produite tout à l’heure en Ukraine, où un avion de ligne transportant près de 300 personnes, dont plusieurs Français, a été abattu dans des conditions qui sont encore mystérieuses. Nous nous inclinons devant la mémoire des victimes.

Mme la présidente. Nous nous associons tous à cet hommage.

13

Mise au point au sujet d'un vote

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Lors du scrutin public n° 210 du 4 juillet 2014 sur les amendements tendant à supprimer l’article 1er du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, notre collègue Robert Navarro souhaitait ne pas prendre part au vote.

Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

14

 
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Discussion générale (suite)

Agriculture, alimentation et forêt

Discussion en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Discussion générale (interruption de la discussion)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (projet n° 718, texte de la commission n° 744, rapport n° 743).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Carole Delga, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous donner des nouvelles de Stéphane Le Foll, qui a été victime ce matin dans l’Aude, où il s’était rendu pour soutenir les viticulteurs touchés par la grêle, d’un léger malaise lié à la forte chaleur. Il va bien, et les résultats des examens médicaux qu’il a subis sont positifs. Vous le connaissez : c’est un ministre engagé,…

M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai !

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. … très travailleur, toujours dans l’action, qui parfois ne se ménage pas assez. Après une bonne nuit de repos, il sera parmi vous demain, pour la suite de l’examen de ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Il m’a chargée de vous transmettre ses salutations les plus cordiales, les plus agricoles ! (Sourires.)

Ce soir, vous devrez accepter un changement d’accent, de celui de la Sarthe à celui du Comminges. (Nouveaux sourires.) Quoi qu’il en soit, j’ai déjà eu l’occasion de travailler sur les questions agricoles lorsque j’étais députée. Stéphane Le Foll suit cette séance à distance, en attendant de pouvoir vous rejoindre pour débattre avec sa conviction, sa compétence et sa passion coutumières de ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. (Applaudissements.)

Le texte que nous allons examiner en deuxième lecture a été enrichi par le travail parlementaire. En première lecture, 626 amendements ont été adoptés à l’Assemblée nationale et 462 au Sénat. Une large majorité s’est dégagée dans chacune des chambres pour le voter, ce qui témoigne de la pertinence des mesures qu’il comporte.

Après la première lecture, de bons compromis ont pu être trouvés sur des points essentiels.

Tout d’abord, sur les objectifs des politiques agricoles et forestières, la discussion a été riche dans les deux assemblées. Nous avons maintenant matière à fixer des objectifs clairs, qui engageront les filières agricoles et forestières dans la voie de la triple performance économique, sociale et environnementale.

S’agissant des groupements d’intérêts économiques et environnementaux, les GIEE, leur cadre est désormais suffisamment précis, sans pour autant être rigide, ce qui permettra le développement sur l’ensemble des territoires de structures collectives pour accompagner les projets des agriculteurs et promouvoir les changements nécessaires des pratiques agricoles, en vue d’aller vers l’agroécologie chère à Stéphane Le Foll.

Pour ce qui concerne le bail environnemental, l’équilibre trouvé au Sénat, avec le soutien du Gouvernement, a été confirmé par l’Assemblée nationale. Ce bail est désormais recentré sur un objectif de maintien de bonnes pratiques environnementales. Il permettra d’éviter une régression, sur les terres louées, des pratiques favorables à l’environnement mises en place par le fermier sortant.

Par ailleurs, le travail des deux assemblées a permis d’entériner le transfert de la délivrance des autorisations de mise sur le marché, les AMM, à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, en prévoyant une répartition des rôles entre un directeur général qui délivre les autorisations et un comité de suivi qui l’assiste. Nous disposerons ainsi d’une procédure plus réactive que celle qui est actuellement en vigueur. Le dispositif sera parachevé avec un renforcement des capacités de l’ANSES en matière de personnel.

Pour ce qui concerne la forêt, l’équilibre trouvé au Sénat entre les chasseurs et les forestiers a été complété en deuxième lecture, à l’Assemblée nationale, par un renforcement de la concertation à l’échelon départemental, au plus près des réalités de terrain.

Le comité paritaire créé à l’échelon régional travaillera en étroite concertation avec les commissions départementales de la chasse et de la faune sauvage sur les questions relatives à l’équilibre sylvo-cynégétique, ainsi que sur le maintien de la compatibilité entre les schémas départementaux de gestion cynégétique et les futurs programmes régionaux de la forêt et du bois.

Concernant l’enseignement supérieur, la création de l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France, l’IAVFF, a été adoptée dans les deux assemblées, avec les ajouts introduits par le Sénat en première lecture, relatifs à ses membres – des établissements de recherche sous tutelle du ministère –, à son champ de compétence – participation à l’élaboration de la stratégie nationale de la recherche, par exemple – et à sa gouvernance : le conseil d’administration sera assisté d’un conseil d’orientation stratégique, un conseil des membres sera instauré, des règles de majorité sont prévues pour la prise de certaines décisions importantes.

M. Didier Guillaume, rapporteur de la commission des affaires économiques. C’est très bien !

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. L’Assemblée nationale a approfondi certains sujets en deuxième lecture.

Comme Stéphane Le Foll s’y était engagé devant vous en première lecture, l’élargissement des cas de préemption par les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, a été parachevé par l’adoption de deux amendements du Gouvernement traitant de la préemption sur les démembrements de propriétés entre usufruit et nue-propriété et de la possibilité de dissocier le bâti des terres.

Le registre des actifs agricoles a fait l’objet d’amendements au Sénat afin d’y inclure tous les actifs, quelle que soit la forme d’exploitation : retraités, pluriactifs, sociétés. En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a précisé le fonctionnement du registre et les rôles respectifs de la Mutualité sociale agricole et des chambres d’agriculture.

Sur la question importante des compensations agricoles, le Sénat avait introduit, en première lecture, le principe d’une compensation en nature des pertes de terres agricoles. Le Gouvernement a proposé à l’Assemblée nationale un amendement visant à finaliser le dispositif. Il s’agit de compenser les pertes de potentiel agricole par le financement de projets permettant de recréer de la valeur ajoutée sur le territoire affecté par les grands projets ou ouvrages.

Il reste bien sûr du travail à accomplir, certains sujets nécessitant encore des améliorations.

Concernant le foncier, nous aurons à discuter de nouveau du champ de compétence de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, la CDPENAF, et de la portée de ses avis. Je tiens à réaffirmer la volonté du Gouvernement de donner à cette commission un large champ d’action, tout en limitant les avis conformes à certaines zones à forts enjeux.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Absolument !

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Par ailleurs, si nous sommes bien sûr conscients de la nécessité d’adapter le dispositif existant pour faire face aux attaques de troupeaux par les loups, il ne faut pas oublier que nous sommes tenus au respect de nos obligations communautaires et internationales. Je pense qu’une solution équilibrée pourra être trouvée.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je n’en suis pas sûr !

Mme Carole Delga, secrétaire d'État. S’agissant de la protection des personnes vulnérables, il n’a bien sûr jamais été question d’interdire l’utilisation des produits phytosanitaires autour de toutes les zones bâties. En revanche, des mesures de protection particulières sont nécessaires pour les publics vulnérables, c’est-à-dire près des maisons de retraite, des écoles ou des hôpitaux. Le Gouvernement souhaite privilégier la mise en œuvre de dispositifs empêchant la dérive de produits phytosanitaires, tels que les haies et les buses anti-dérives ou toute autre mesure de précaution d’effet comparable.

Enfin, nous reviendrons également sur le défrichement en vue de la reconquête des espaces agricoles. Les dispositions votées en deuxième lecture à l’Assemblée nationale sont de nature à satisfaire aux objectifs visés. Elles évitent de fragiliser la réglementation sur le défrichement des bois et forêts, dont l’intérêt général est à juste titre reconnu par le projet de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les grandes lignes du débat qui nous attend. Il s’agit de faire en sorte que le dispositif de ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt atteigne sa pleine efficacité et permette une totale réussite. Le Gouvernement porte une attention particulière à l’agriculture, à la ruralité et à l’aménagement du territoire. Ce texte démontre que des évolutions sources de développement économique et de meilleure protection de l’environnement sont possibles. Il importe par-dessus tout de conserver le lien qui unit indéfectiblement les Françaises et les Français à leurs terres et à leurs territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. Didier Guillaume, rapporteur. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.

M. Didier Guillaume, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie tout d’abord de nous avoir donné des nouvelles rassurantes du ministre de l’agriculture. J’espère que Stéphane Le Foll nous reviendra bientôt en pleine forme, mais je ne doute pas que, en attendant, vous saurez parfaitement le remplacer au banc du Gouvernement, vous qui connaissez bien les questions agricoles et la ruralité.

Contrairement à la loi d’orientation agricole de 2006 et à la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010, le présent projet de loi fait l’objet de deux lectures. Le Gouvernement a fait ce choix afin de laisser la discussion au Parlement s’approfondir, en vue d’atteindre l’objectif que nous visons tous : favoriser l’émergence d’une agriculture équilibrée, moderne, transformée, ouverte sur l’agroécologie. C’est un choix judicieux, car les lectures successives ont permis d’améliorer le texte initial.

Je tiens vraiment à remercier le président Daniel Raoul, dont la sagesse et les qualités d’animateur sont unanimement reconnues, d’avoir donné la possibilité à tous les membres de la commission des affaires économiques, quel que soit leur groupe politique, de s’exprimer pour faire évoluer le projet de loi, l’améliorer. Je suis très fier d’être le rapporteur d’un texte qui a été coproduit, coconstruit par le Gouvernement et les deux assemblées.

Vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, lors de la première lecture, les députés avaient adopté 408 amendements en commission et 218 en séance publique : c’est beaucoup pour un texte de ce type. Le Sénat avait, quant à lui, adopté 245 amendements en commission et 219 en séance publique.

Au-delà des chiffres, deux points sont à souligner.

En premier lieu, la discussion de ce texte a été marquée par une volonté de pragmatisme, de dépassement des clivages partisans, au rebours de tout dogmatisme. Si un nouveau projet de loi a été déposé, c’est sans nul doute parce que l’agriculture a besoin que nous lui apportions les meilleures garanties pour qu’elle puisse développer sa compétitivité et sa contribution à l’aménagement du territoire, et surtout pour que les femmes et les hommes qui ont choisi ce secteur d’activité puissent vivre de leur travail.

En second lieu, le Sénat a imprimé fortement sa marque sur ce texte lors de la première lecture. Nous avons soutenu l’ambition politique du projet de loi, qui est d’assurer la transition vers l’agroécologie, c’est-à-dire d’aller vers une agriculture qui soit plus durable, tout en étant économiquement performante. C’est là un point essentiel. Ne nous perdons pas dans de faux débats : c’est sur ces deux pieds que l’agriculture française doit marcher.

Dans cette perspective, nous avons suivi une ligne directrice, visant à mieux prendre en compte les conditions concrètes d’exercice de leur activité par les agriculteurs et à leur simplifier la vie. Sur de nombreux sujets, je pense que nous y sommes parvenus.

Trois piliers doivent fonder notre agriculture : la compétitivité, l’efficacité, la modernité au travers de l’agroécologie.

Oui, nous l’affirmons, l’agriculture doit être compétitive, sur le plan interne et à l’export. Notre agriculture ne saurait se borner à l’autosuffisance ; ses productions doivent pouvoir être exportées.

L’efficacité est absolument indispensable, même si tous les modes agraires sont bien sûr importants.

Enfin, l’agriculture doit se tourner vers la modernité, c’est-à-dire vers l’agroécologie. Ne regardons pas en arrière, ne soyons pas figés, ne faisons pas comme nous avons toujours fait, dans ce secteur, depuis cinquante ans.

Dans cet esprit, plusieurs dispositions importantes ont été adoptées par le Sénat en première lecture.

Aux articles 1er et 3, nous avons précisé les conditions de reconnaissance des GIEE, en réclamant qu’ils répondent à une exigence de triple performance économique, sociale, environnementale. C’est là pour nous un point essentiel. Le Sénat peut être fier d’avoir été à l’initiative de cet ajout.

À l’article 4, nous avons permis l’extension du bail environnemental, mais en prévoyant un garde-fou important : ne pas imposer aux agriculteurs de nouvelles contraintes auxquelles ils ne pourraient faire face.

À l’article 5, nous avons cherché à simplifier la procédure d’agrément concernant les groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC. Nous y sommes parvenus.

Afin de fluidifier les relations entre bailleurs et preneurs, nous avons aussi apporté quelques retouches au statut du fermage, sans en remettre en cause les grands équilibres.

À l’article 6, nous avons aménagé la clause miroir pour les coopératives, tout en prenant garde à ne pas mettre en place des usines à gaz qui empêcheraient les coopératives d’aller de l’avant et d’être, elles aussi, compétitives. Ce sujet a fait l’objet de longues discussions, plusieurs d’entre nous étant des coopérateurs ou d’anciens coopérateurs.

À l’article 8, nous avons assoupli le cadre applicable aux accords interprofessionnels, pour prévenir tout blocage des interprofessions, qui sont indispensables à la structuration de nos filières.

En ce qui concerne la protection des terres agricoles, nous avons confirmé les prérogatives des CDPENAF, en ne permettant pas, toutefois, que leur avis puisse entraîner un blocage, sauf dans un cas très particulier : celui de l’atteinte substantielle à des surfaces agricoles situées dans les aires des appellations d’origine protégée. Il faut faire confiance à l’intelligence des territoires et aux élus de terrain. Ne les dessaisissons pas de leurs prérogatives, comme ce serait le cas si un avis conforme de la CDPENAF était requis dans toutes les situations.

Le Sénat est dans son rôle lorsqu’il défend les prérogatives des élus. Laissons aux responsables de terrain le soin d’organiser la protection des terres agricoles. Qui mieux qu’eux connaît la situation locale ?

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Ainsi, nous avons assoupli le cadre très rigide qui interdit aux agriculteurs de rénover ou d’agrandir les bâtiments en zone agricole pour s’y loger. Nous aurons de nouvelles propositions à formuler sur ce point.

À l’article 13, alors que, en première lecture, les députés avaient déjà renforcé les prérogatives des SAFER, nous avons permis à ces dernières d’intervenir sur les biens mixtes, à la fois bâtis et non bâtis. Cela nous semblait important.

C’est aussi le pragmatisme qui nous a guidés concernant le registre des actifs agricoles. Nous avons eu de longues discussions sur ce sujet et nous nous sommes accordés sur l’intérêt de ce registre, que nous avons étendu à tous les agriculteurs, y compris les pluriactifs et les dirigeants salariés d’exploitation.

Nous avons également introduit l’idée de compensation agricole des grands projets, à l’instar de ce qui existe en matière de compensation environnementale.

Le volet sanitaire du projet de loi a lui aussi été modifié en première lecture par le Sénat, afin de préciser, à l’article 18, le champ de responsabilité des chasseurs, monsieur Mirassou, en matière de surveillance et de prévention des maladies du gibier et de mieux organiser le transfert à l’ANSES de l’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Par pragmatisme toujours, nous sommes revenus sur la fausse bonne idée de plafonner les marges sur les antibiotiques vétérinaires d’importance critique.

Nous avons également apporté des changements importants au volet relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, notamment en imposant un pourcentage minimal d’élèves titulaires d’un baccalauréat professionnel agricole pour l’accès aux sections préparatoires au brevet de technicien supérieur agricole. Il est important de ménager des passerelles. Nous avons eu de longs débats sur cette question avec Mme Férat en première lecture, et je ne doute pas que nous en aurons encore, mais avançons en tout cas dans cette direction. Nous devons nous donner les moyens d’amener le plus grand nombre possible d’élèves dans les classes supérieures de l’enseignement agricole.

Nous avons en outre renforcé l’organisation de l’IAVFF, faisant ainsi œuvre utile pour la recherche, le développement universitaire et la mise en réseau des structures à l’échelle européenne et internationale.

Enfin, lors de la première lecture, nous avons adopté des dispositions nouvelles très importantes.

Ainsi, nous avons permis l’ouverture d’espaces de communication pour les produits frais sur les chaînes de radio et de télévision publiques, à la demande notamment de Mme Nicoux.

Nous avons inscrit dans la loi la place éminente du vin dans le patrimoine national. Le Sénat avait fait ce choix pour mettre en avant un produit, connu dans le monde entier, qui nous semble emblématique de la France. L’Assemblée nationale, quant à elle, a souhaité viser également le cidre, les poirés, la bière, les spiritueux. La commission, contre l’avis de son rapporteur, a choisi de rétablir la rédaction que le Sénat avait adoptée en première lecture. Pour ma part, je le dis à cette tribune, je souhaite que nous en revenions à celle de l’Assemblée nationale,…

MM. Jean Bizet et Jean-Claude Lenoir. Très bien !

M. Didier Guillaume, rapporteur. … car un retour en arrière, excluant certains produits, ne serait pas compris et poserait en outre des problèmes économiques.

Nous avons conforté la place des laboratoires départementaux d’analyse.

Surtout, nous avons souhaité permettre aux éleveurs de se défendre en cas d’attaque avérée de loups ; nous y reviendrons.

En deuxième lecture, les députés ont adopté de nombreuses modifications. Si elles ne bouleversent pas l’équilibre du texte qui nous est soumis, certaines d’entre elles nous posent problème, et la commission a décidé de revenir à la rédaction du Sénat, car elle lui paraissait meilleure, plus pragmatique et plus efficace pour l’agriculture française.

Au final, si vingt-deux articles ont fait l’objet d’une adoption conforme dans les deux assemblées, et cinq d’une suppression conforme, soixante articles restent encore en discussion.

La commission n’a pas souhaité remettre en cause certains choix faits par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, qui vont dans le bon sens.

Ainsi, les députés ont eu raison de prévoir l’élargissement des possibilités d’accompagner les GIEE et de diffuser leurs résultats au-delà des seuls organismes du développement rural, mais en donnant un rôle de coordination aux chambres d’agriculture.

Les dispositions visant à favoriser le développement de la méthanisation, de préférence dans un cadre collectif, sont également pertinentes. M. Labbé a déposé de nombreux amendements sur ce sujet.

Je salue aussi la création, à l’article 6, du statut d’associé coopérateur stagiaire, qui va permettre d’encourager l’engagement dans la coopération de nouveaux agriculteurs. Il ne faut pas opposer les uns aux autres, mais le statut coopératif reste encore un modèle pour notre pays.

Les députés ont perfectionné le dispositif, introduit par le Sénat, visant à permettre la compensation agricole des grands projets. À cet égard, je veux saluer particulièrement le travail accompli sur ce thème par notre collègue Jean-Jacques Lasserre. La commission avait mis le pied dans la porte. Il fallait aller plus loin, mais nous n’étions pas tout à fait en mesure de le faire ; nous avions besoin de temps. Les députés ont prévu que la compensation ne sera pas seulement en nature et demandé que les maîtres d’ouvrage prennent des mesures pour consolider l’économie agricole du territoire. Ces dispositions vont dans le sens de ce que nous souhaitions et des propositions de M. Lasserre. Les députés ont bien travaillé en perfectionnant ce dispositif.

Le renforcement du droit de préemption des SAFER sur la nue-propriété et les précisions apportées concernant l’acquisition par celles-ci des biens mixtes, à la fois bâtis et non bâtis, sont très positifs.

Le choix des députés de confier la gestion du registre des agriculteurs actifs aux chambres d’agriculture va dans le bon sens. Nous souhaitions le faire, mais nous n’y étions pas prêts. Je crois que nous sommes unanimes sur ce sujet.

La nouvelle définition des préparations naturelles peu préoccupantes, les PNPP, introduite à l’article 21, permettra peut-être de mettre fin à un débat de plusieurs années sur l’encadrement de cette alternative utile aux pesticides.

Les députés ont encadré plus strictement l’utilisation des pesticides dans certaines zones. Je veux dénoncer ici, une nouvelle fois, l’attitude bien française consistant à s’opposer sur de faux problèmes : la règle des 200 mètres ne figure pas dans le texte ; si tel avait été le cas, je m’y serais opposé en tant que rapporteur, mais il n’en a jamais été question. N’alimentons donc pas un faux débat ! Prenons simplement en compte la situation telle qu’elle est et prévoyons des mesures de précaution pour ce qui concerne les populations fragiles, notamment les enfants.