Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 11 est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Non, madame la présidente. Compte tenu des explications de M. le rapporteur et de M. le ministre, je le retire.

Mme la présidente. L'amendement n° 11 est retiré.

L'amendement n° 76, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

« - rechercher, se procurer ou fabriquer des moyens matériels distincts de ceux visés au a) permettant ou facilitant la commission de l’acte terroriste ;

La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, la commission des lois du Sénat a enrichi la rédaction de l’incrimination d’entreprise terroriste individuelle par un nouveau fait matériel ainsi rédigé : « - effectuer des préparatifs logistiques permettant de mettre en œuvre les moyens de destruction mentionnés au a) ; ».

Cette rédaction répond à la nécessité de viser dans les actes matériels l’ensemble des comportements ou des situations qui permettent de mener à bien le projet terroriste.

Cependant, en visant expressément les moyens matériels distincts de ceux visés au a), cette rédaction a pour effet de supprimer l’exigence de cumul de deux éléments matériels distincts dès lors que le fait d’effectuer des préparatifs logistiques est déjà compris dans « le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou substances de nature à créer un danger pour autrui ».

Aussi, cet amendement, tout en conservant la démarche de la commission des lois, en améliore la rédaction en distinguant clairement ce qui relève de l’élément matériel indispensable, visé au a), et ce qui relève de l’élément matériel alternatif, visé à l’alinéa 11.

Ce nouvel élément matériel pourra consister, par exemple, en l’achat ou la location de matériels, de box ou encore de véhicules.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme M. le ministre l’a souligné, la commission des lois a enrichi la rédaction de l’incrimination d’entreprise terroriste individuelle en prévoyant notamment la préparation logistique, telle la location de box, etc. Si cet élément est important, l’articulation de l’article en souffre cependant. La précision qui tend à insérer l’amendement n° 76 est donc utile pour préserver le cumul de deux éléments matériels distincts.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 76.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 47, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. L’alinéa 12 de l’article 5 permet de considérer comme relevant de l'entreprise terroriste individuelle la consultation de sites provoquant ou faisant l'apologie d’actes de terrorisme. Il revient de fait à sanctionner la consultation habituelle de sites terroristes, en considérant qu'il s'agit d'un acte préparatoire à l'élaboration d'un acte terroriste. Il élargit également cette entreprise terroriste individuelle à la détention de documents provoquant au terrorisme ou en faisant l’apologie, pour inclure notamment les livres.

Cet alinéa fait appel à des notions floues, incertaines, voire contraires aux principes de légalité et de proportionnalité, et recouvre donc des situations très larges.

Actuellement, seule la consultation d'images pédopornographiques peut être punie de deux ans de prison. Pénaliser la consultation de contenus idéologiques ou la possession d'ouvrage est une innovation qui pose de nombreuses questions, notamment en matière de constitutionnalité et de conventionalité. Il convient donc d’être raisonnable et de supprimer cet alinéa.

Si, par curiosité intellectuelle, je consulte un site de ce genre, je serai taxée de terrorisme ! Certes, disant cela, je me livre à une simplification. Mais une telle situation peut arriver. (Mme Françoise Laborde sourit.) À mon sens, il faut réfléchir à cet alinéa qui me semble peu propice pour lutter contre le terrorisme.

Mme la présidente. L’amendement n° 48, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Supprimer les mots :

ou en faisant l’apologie

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Il s’agit là d’un amendement de repli ne concernant que l’apologie des actes de terrorisme. L'article 4 du présent projet de loi distingue clairement les délits d'apologie et les délits de provocation au terrorisme. La consultation de contenu faisant l'apologie du terrorisme, si elle est bien sûr condamnable, ne peut être assimilable au terrorisme au même degré que la consultation de sites provoquant au terrorisme. Le fait de consulter des sites ou de posséder des ouvrages faisant l'apologie d'actes de terrorisme, si odieux soient-ils, ne saurait caractériser à lui seul la préparation d'un acte de terrorisme, contrairement à la consultation de sites provoquant au terrorisme.

Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par les mots :

, sauf lorsque la consultation ou la détention résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou a pour objet de servir de preuve en justice

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement de principe porte sur la consultation ou la détention qui résulte de l’exercice normal d’une profession. Néanmoins, à la suite des précisions apportées par M. le rapporteur et M. le ministre à l’alinéa précédent – je comprends relativement vite sans qu’il soit besoin de m’expliquer plusieurs fois les choses (Sourires.) –, j’ai l’impression que cela est déjà sous-entendu. Je retire donc mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 12 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 47 et 48 ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Contrairement à ce qui est avancé par Mme Benbassa, l’article 12 n’incrimine pas la consultation habituelle des sites faisant l’apologie du terrorisme, en tant que telle, puisque seule l’association de ce comportement avec les autres éléments prévus par l’article 5 permettra de constituer le délit.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 47 et 48.

Mme Esther Benbassa. Vous ne voulez pas réfléchir à ces questions !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il faut lire l’ensemble de l’article, ma chère collègue. Il n’y a aucun risque !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Madame Benbassa, vos amendements sont inspirés – je me permets de vous le dire – pas une idée fausse et une contrevérité.

Mme Esther Benbassa. Comme d’habitude, vous avez toujours raison !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je dis simplement l’état du droit et je vous expose le contenu de cet article.

Vous affirmez que la consultation de sites provoquant au terrorisme suffit à constituer l’incrimination pénale d’actes terroristes individuels. C’est tout simplement faux. Ce qui caractérise et ouvre l’incrimination pénale, c’est une cumulation d’éléments, c'est-à-dire celui-ci plus d’autres. Donc, lorsque vous dites que votre amendement est justifié par le fait que la simple consultation de sites pourrait justifier d’une incrimination pénale, c’est faux. Puisqu’il faut plusieurs éléments pour que l’infraction soit constituée, votre crainte ne me semble pas fondée. Je vous donne toutes garanties, et cela figurera au compte rendu intégral des débats.

Par conséquent, je vous suggère de bien vouloir retirer votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le ministre, j’ai toute confiance en vous ; je vous sais humaniste et déterminé à lutter contre le terrorisme.

Toutefois, il ne faut pas avoir la mémoire courte. Le régime peut changer et la même loi perdurer. Par exemple, si je m’achète des livres gauchistes et consulte des sites révolutionnaires, cette loi s’appliquera-t-elle à moi ? (Rires.) J’ai l’impression que l’on regarde toujours l’événement qui a cours aujourd’hui au lieu de se dire que, demain, cette loi pourra s’appliquer à d’autres. Nous avons tous fait de l’histoire et savons ce qui se passe lorsque la liberté d’expression est limitée. (Nouveaux rires.) Je vous fais rire, mais moi je ne ris pas !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ma chère collègue, nous avons un texte qui est en fait assez clair : il ne vise pas à interdire à un chercheur de chercher ;…

Mme Esther Benbassa. Heureusement !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … il faut le cumul de deux faits : premièrement – et cela figure au a) –, « le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ». Vous avez parfaitement lu ce a), puisque vous avez présenté des amendements soit pour le supprimer, soit pour le modifier.

À ce premier élément qui doit obligatoirement être établi s’ajoute, afin que l’incrimination soit complètement constituée, un deuxième élément, « l’un des autres éléments matériels » prévus par le b), parmi lesquels figure le fait de « consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie. »

Par conséquent, ma chère collègue, le danger que vous voulez éviter en présentant un amendement de suppression de ce paragraphe qui relève du b) est évité par la rédaction même de cet article, qui suppose le cumul de deux éléments. Autrement dit, le chercheur n’a rien à craindre de ces dispositions ; par conséquent, si vous désirez le protéger, sachez que le texte le fait déjà.

Je vous suggère donc de retirer votre amendement, qui est déjà satisfait par le texte.

Mme la présidente. Madame Benbassa, l’amendement n° 47 est-il maintenu ?

Mme Esther Benbassa. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 47.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

Mme Leila Aïchi. Je vote contre !

(L'article 5 est adopté.)

Article 5
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Article 5 bis

Article additionnel après l’article 5

Mme la présidente. L'amendement n° 22 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l’article 132-79 du code pénal, après le mot : « utilisé » sont insérés les mots : « ou lorsqu’il y a eu usurpation d’identité sur un réseau de communication au public en ligne ».

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. L’usurpation d’identité atteint plus de 300 000 personnes chaque année, et elle est le plus souvent commise en ligne. Elle est incriminée, soit lorsqu’elle donne l’occasion de commettre une infraction, en vertu de l’article 434-23 du code pénal, soit, depuis mars 2011, lorsqu’il en est fait usage, notamment sur un réseau de communication au public en ligne, dans le but de nuire à la tranquillité d’une personne ou de porter atteinte à son honneur, en vertu de l’article 226-4-1 du code pénal.

Cela étant, internet a incontestablement accru dans des proportions considérables le risque d’une telle usurpation, notamment via la création de faux profils sur les réseaux sociaux.

Si l’incrimination créée par la loi du 14 mars 2011, en ce qu’elle vise l’usage d’une ou de plusieurs données de toute nature permettant d’identifier un tiers, est suffisamment large pour réprimer toute usurpation d’identité numérique, les peines prévues ne paraissent pas à la hauteur des conséquences subies par les victimes de tels agissements.

Une note d’orientation du comité de suivi de la convention Cybercriminalité datée du 5 juin 2013 souligne combien l’appropriation frauduleuse d’informations relatives à l’identité sert à la préparation de nouveaux agissements criminels, notamment sous forme de fraude.

Dans le cas des infractions terroristes, l’usurpation d’identité est fréquente et permet d’entrer en relation avec de jeunes personnes influençables. Les journaux en donnent de nombreux exemples.

Compte tenu de l’importance et de la gravité de cette délinquance, cet amendement tend à reprendre une recommandation du rapport de Marc Robert sur la cybercriminalité. Il s’agit d’ériger en circonstance aggravante le fait d’usurper une identité sur un réseau de communication en ligne pour préparer ou commettre un crime ou un délit, ou pour en faciliter la préparation ou la commission, comme cela arrive le plus souvent dans les faits d’apologie du terrorisme ou de corruption d’un mineur.

Je note enfin que le terrorisme appelle une réflexion plus large du Parlement sur la cybercriminalité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à instituer une aggravation générale des peines en cas d’usurpation d’identité sur un réseau de communication au public en ligne.

Madame Laborde, vous suggérez de modifier, à cette fin, l’article 132-79 du code pénal, qui induit déjà une telle aggravation pour l’utilisation d’un moyen de cryptologie. Serait ainsi portée à sept ans la durée de l’emprisonnement prévue pour le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes – c’est l’article 4 du présent texte–, dès lors que les faits sont commis au moyen d’une usurpation d’identité.

Or, contrairement à la cryptologie, l’usurpation d’identité est déjà punie en tant que telle. Au regard de la cohérence du code pénal, il ne serait donc pas pertinent d’ajouter que cette infraction constitue une circonstance aggravante, pouvant prolonger de deux ans une peine d’emprisonnement.

Aussi, madame Laborde, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai, au nom de la commission, un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis !

Mme la présidente. Madame Laborde, l’amendement n° 22 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Françoise Laborde. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Mes chers collègues, cet amendement me paraît intéressant. En effet, l’usurpation d’identité sur internet est liée à un autre problème, à savoir le droit à l’oubli : une fois que votre nom est inscrit sur tel ou tel réseau ou sur tel ou tel site, il est extrêmement difficile de le retirer.

Or la mention de votre nom, associé à un certain nombre de mots sur des moteurs de recherche, peut avoir des conséquences très particulières. Je peux vous le dire, pour en avoir fait l’expérience : il est extrêmement difficile, quand votre nom est, par exemple, associé au terme « assassin », de clarifier la situation, même après des dizaines de procédures judiciaires, de sorte que vous figurez sur « crime.fr » pour le reste de votre vie !

À cet égard, je le répète, cette disposition me semble particulièrement intéressante, et elle a sa place dans ce texte. Je voterai donc cet amendement qui, à mon sens, mériterait d’être examiné avec beaucoup plus d’attention, étant donné les conséquences particulièrement dommageables de l’usurpation d’identité sur internet.

J’admets que la rédaction proposée ne soit pas conforme à l’idée que M. le rapporteur se fait de ce problème,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas la question !

Mme Nathalie Goulet. … et du présent texte dans son ensemble, mais cet amendement n’en est pas moins digne d’intérêt. Quoi qu’il en soit, si cette disposition n’est pas inscrite dans ce projet de loi, il faudra déposer un semblable amendement au titre d’un texte ultérieur. (Mme Françoise Laborde acquiesce.) Il s’agit en effet d’un véritable problème, qui n’est pas résolu !

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Je soutiendrai, moi aussi, cet amendement.

D’une part, cette disposition emporte, à l’évidence, des conséquences qui peuvent être considérables pour les personnes victimes d’usurpation d’identité.

D’autre part, et surtout, cet amendement tend à insister sur le facteur de la préméditation : manifestement, une personne qui se livre à une usurpation d’identité n’agit pas accidentellement, par erreur ! Ce simple critère appelle, incontestablement, une peine sévère.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mes chers collègues, l’idée générale est très bonne, mais cet amendement n’y correspond pas.

Je veux bien que l’on déséquilibre le code pénal – on le fait déjà en permanence. Mais, en portant au titre des circonstances aggravantes des délits qui sont déjà réprimés en tant que tels, on risque d’aboutir à une confusion totale !

J’en conviens naturellement, l’usurpation d’identité, en particulier sur internet, doit être réprimée. Mais, je le répète, avec cet amendement, on ne répond pas à cette nécessité. Vous pouvez certes déposer un amendement visant à aggraver les peines infligées en cas d’usurpation d’identité : mais surtout, ne mélangez pas cette question avec le dispositif que nous examinons ici.

Il ne s’agit pas de dire que le rapporteur veut ou non de telle ou telle mesure. La commission des lois s’efforce de garantir, à tout le moins, la cohérence des diverses dispositions du code pénal : mon propos s’arrête là. Bien entendu, le problème se pose, mais le présent amendement ne tend de toute façon pas à apporter de solution globale en la matière.

Au reste, je l’ai dit hier : le rapport de Marc Robert, consacré à la criminalité sur internet, devra faire l’objet d’un approfondissement, en vue, certainement, d’une amélioration de notre législation. (Mme Françoise Laborde acquiesce.)

Voilà pourquoi je renouvelle l’avis défavorable de la commission.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 22 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l’article 5
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Article 6

Article 5 bis

(Supprimé)

Article 5 bis
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Article additionnel après l’article 6

Article 6

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au début de la section 2 du titre XV du livre IV, il est rétabli un article 706-23 ainsi rédigé :

« Art. 706-23. – L’arrêt d’un service de communication au public en ligne peut être prononcé par le juge des référés pour les faits prévus par l’article 421-2-5 du code pénal lorsqu’ils constituent un trouble manifestement illicite, à la demande du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir. » ;

2° L’article 706-24-1 est ainsi rétabli :

« Art. 706-24-1. – Les dispositions des articles 706-88 et 706-89 à 706-94 ne sont pas applicables aux délits prévus par l’article 421-2-5 du code pénal. » ;

3° L’article 706-25-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article n’est pas applicable aux délits prévus à l’article 421-2-5 du code pénal. » ;

 L’article 706-25-2 est abrogé. – (Adopté.)

Article 6
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Article 7

Article additionnel après l’article 6

Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Courtois, Frassa et Gournac, est ainsi libellé :

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le fait pour une personne de se rendre à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes ou dans le but de participer à des activités terroristes entraîne la suppression des prestations sociales dont elle est le bénéficiaire en France.

La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

M. Jean-Patrick Courtois. Cet amendement est relativement simple : il a pour objet de suspendre le bénéfice des prestations sociales pour les personnes se rendant à l’étranger dans le but de prendre part à des activités terroristes. À l’heure actuelle, on risque en effet d’aboutir à ce paradoxe : que l’argent des prestations sociales en vienne, de manière indirecte, à financer le djihad !

Les maires de certaines villes belges ont d’ores et déjà décidé de radier d’office des registres les habitants qui ont choisi de se rendre en Syrie pour y faire le djihad. De telles mesures entraînent de fait la perte des droits sociaux. Ce qui est valable en Belgique peut l’être en France : voilà pourquoi j’ai cosigné cet amendement, avec MM. Frassa et Gournac.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Courtois, il s’agit bien entendu d’une idée intéressante. Toutefois, sa mise en œuvre poserait de grandes difficultés pratiques : les personnes concernées bénéficient-elles de droits sociaux alors qu’elles ne sont plus en France ? C’est une première question. En outre, comment les organismes sociaux seraient-ils informés ? Par le biais des services de renseignement ? (M. Jean-Patrick Courtois acquiesce.) Croyez-vous vraiment que telle soit la mission de ces derniers ? Il leur faut parfois garder certaines informations secrètes, en vue de futures incriminations.

Aussi cette mesure semble-t-elle difficilement applicable. J’ajoute qu’il faudrait prévoir l’inscription, dans le code de la sécurité sociale, d’un dispositif ad hoc qui, pour l’heure, n’existe pas.

En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.

M. Christophe-André Frassa. En déposant cet amendement, MM. Courtois, Gournac et moi-même avons voulu lancer le débat. Je constate qu’il n’est pas très bien repris…

Nombre de Français de l’étranger continuent à bénéficier de prestations sociales alors qu’ils ne résident pas sur le territoire national.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certes ! Et heureusement !

M. Christophe-André Frassa. À cet égard, les personnes qui partent faire le djihad ou s’engager dans des groupements terroristes à l’étranger sont susceptibles de bénéficier de telles prestations.

Certains ont suggéré d’étendre les sanctions à l’ensemble des familles de ces individus. Pour notre part, nous souhaitons, via cet amendement, cibler ceux qui s’engagent réellement dans le djihad ou dans des groupements terroristes pour perpétrer des attentats, c’est-à-dire ceux qui expriment une intention manifeste en ce sens.

Au reste, je suis prêt à ce que nous retirions cet amendement, à condition que l’on s’engage à poursuivre la réflexion, par exemple au titre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, si ce véhicule législatif est plus adéquat. Ce texte sera examiné très prochainement. Sur ce point également, je souhaiterais entendre la réponse du Gouvernement.

Enfin, il faut prendre en compte un autre sujet, que la Haute Assemblée n’a pas encore abordé : la double nationalité.

J’ai interrogé M. le ministre de l’intérieur sur ce point lors des auditions organisées par la commission des lois. À propos de la suppression du passeport, qui figure dans l’arsenal proposé, j’ai formulé cette remarque : on aura beau supprimer le passeport d’un Français souhaitant partir à l’étranger pour se livrer à de telles actions terroristes, s’il s’agit d’un binational, il pourra toujours quitter le territoire avec son passeport étranger.

Ainsi, en pareil cas, il me semble plus adéquat de déchoir les binationaux de leur nationalité française.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !

M. Christophe-André Frassa. Nous n’avons pas déposé d’amendement à ce titre – une telle mesure eût sans doute été plus forte si elle avait été présentée sur l’initiative du Gouvernement. Sur ce point, je souhaite également connaître le sentiment de M. le ministre. Il faut prendre en compte, en la matière, une considération frappée au coin du bon sens : certains binationaux rejoignent le djihad, partent pour des théâtres d’opérations de groupements terroristes, dans le simple but de combattre des soldats de l’armée française, d’abattre des Français ! Dans ces conditions, je vois difficilement comment leur conserver leur nationalité française dès lors qu’ils possèdent aussi une autre nationalité. Il me semble facile d’engager une procédure de déchéance de la nationalité française à l’encontre de tels individus. (M. Jean-Patrick Courtois applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je répondrai dans un instant sur ce que vient de dire notre collègue Christophe-André Frassa à la fin de son intervention.

Je souhaite tout d’abord signaler une différence entre l’article que tend à insérer l’amendement et l’objet de celui-ci. Aux termes de la rédaction proposée, le fait pour une personne de se rendre à l'étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes ou dans le but de participer à des activités terroristes entraîne la suppression des prestations sociales dont elle est le bénéficiaire en France. Les journalistes qui rendent compte de la situation sur le terrain apprécieront cette attention !

Un autre point me surprend. Comme moi, vous devriez savoir qu’il n’existe que peu, voire pas, de prestations sociales françaises servies à l’étranger, sinon en cas de fraude. Ce dernier sujet est intéressant, mais il n’a pas sa place dans la lutte contre le terrorisme. On pourra s’interroger, dans d’autres textes, sur les vérifications à mener dans ce domaine, mais cette question est ici dénuée d’intérêt : la fraude n’est pas le sujet de ce texte.

Concernant la déchéance de nationalité, je voudrais d’abord dire que l’engagement d’un Français dans le type de démarche dont il est question aujourd’hui, qu’il jouisse ou non d’une autre nationalité, constitue une blessure pour la communauté nationale.

Observons maintenant l’évolution des profils de ceux qui partent sur le terrain. Il y a quelques mois, ils étaient autour de 20 % à ne disposer que de la nationalité française. Selon ceux qui reçoivent des jeunes qui reviennent, avec qui j’ai pu m’entretenir récemment, ce chiffre est aujourd’hui plus important encore. Le problème est donc plus profond, dans notre société, qu’une simple question de double nationalité.

Plutôt que de sanctionner ainsi, il faudrait vraiment se demander pourquoi des jeunes vont s’engager dans le djihad. Ils sont aussi membres de la communauté nationale, chacun avec son histoire personnelle, et il n’existe aucune raison de présupposer, comme vous voudriez l’affirmer, que parce que l’on se rend en un lieu où des crimes terroristes sont commis, on mérite d’être déchu de sa nationalité.

Ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder, et il me semble heureux qu’un texte qui entend répondre dans l’urgence à des évolutions constatées en matière de terrorisme ne traite pas du code de la nationalité.