M. Bruno Retailleau. Je ne veux pas laisser dire que nos collègues de l’UDI–UC et nous-mêmes serions contre la prise en compte de la pénibilité. Nous n’avons aucune leçon à recevoir !

Mme Nicole Bricq. Oh que si !

M. Bruno Retailleau. Comme cela vient d’être indiqué, le concept de pénibilité est entré dans le droit du travail grâce à la réforme de 2010, qui a établi le lien entre la pénibilité et la retraite.

Ne donnez pas à penser aux Français qu’il n’y aurait qu’une façon d’aborder la question de la pénibilité, ni que le dispositif allemand est le même que le dispositif français ! Il y a entre ces deux systèmes des différences non seulement de degré, mais aussi de nature. (M. le secrétaire d’État acquiesce.) Je vous remercie de le reconnaître, monsieur le secrétaire d’État.

On compte chaque jour 500 chômeurs de plus en France. Nous le savons bien, sans avoir besoin d’écouter les grandes confédérations patronales, car nous sommes, sur le terrain, au contact des PME : les contraintes réglementaires et administratives sont en train d’étouffer l’emploi dans notre pays.

Permettez donc que nous utilisions le véhicule législatif que constitue ce texte de simplification pour faire entendre notre voix ! Depuis deux ans et demi, nous avons vu tant de ministres nous expliquer doctement, péremptoirement, qu’ils détenaient la panacée, sur le logement et bien d’autres sujets ; puis, quelques mois plus tard, on se rendait compte que les mesures qu’ils avaient présentées allaient à l’encontre de l’intérêt général ! Permettez-nous donc de douter, de faire valoir un certain nombre d’arguments et d’affirmer des positions d’ailleurs tout à fait cohérentes.

Deux dispositifs nous semblent jouer contre l’emploi.

Tout d’abord, le droit d’information des salariés en cas de cession de l’entreprise, dont nous parlerons tout à l’heure, est une catastrophe pour les entreprises, en particulier les PME ! Ce dispositif a été introduit dans le texte à la suite de l’adoption par la commission d’un amendement de notre collègue Jean-Jacques Hyest ; nous y reviendrons.

Ensuite, il y a le dispositif relatif à la pénibilité. Nous voulons que celle-ci soit prise en compte, bien sûr, mais nous contestons formellement votre façon de le faire.

Sur le fond, nous pensons très honnêtement que ce dispositif constitue effectivement une usine à gaz, un sommet de complexité. Dès la première étape, celle du diagnostic, les petites entreprises seront confrontées à d’énormes problèmes. Et cela continuera ! Qui dit complexité administrative, dit nids à contentieux juridiques. Je pense que vous êtes de bonne foi, monsieur le secrétaire d’État, mais cela est en totale contradiction avec votre souhait de provoquer un choc de simplification.

Ainsi, qu’est-ce qu’une « donnée collective utile » ? Comment définissez-vous cette notion ? Que dira la jurisprudence dans les années à venir si le compte de prévention de la pénibilité est mis en œuvre dans les conditions que vous souhaitez ? Nul ne le sait, et certainement pas le Gouvernement aujourd’hui ! Ce sont les juges qui traceront les contours de ce concept de « données collectives utiles ».

Les contentieux tiendront aussi au fait que la technicité des risques est extrêmement pointue, difficile à aborder. Sans doute la jurisprudence posera-t-elle, là encore, un certain nombre de repères. Il en ira de même pour les mesures relatives aux seuils, elles aussi source de complexité.

Cette complexité engendrera une augmentation du coût du travail, directe et indirecte, à travers la charge administrative. Un certain nombre de fédérations l’ont évaluée à près de 2 %. Ce n’est pas rien ! On le sait, le problème de compétitivité de notre pays tient aussi au droit du travail. Il faut également citer la nouvelle distorsion de concurrence que le dispositif créera entre secteur public et secteur privé, qui n’auront pas à supporter les mêmes contraintes.

Vous-même avez d’ailleurs fait la déclaration suivante au journal Les Échos, le 29 octobre : « J’ai voté la loi sur la pénibilité, qui fonctionne bien dans d’autres pays, entre autres en Allemagne, mais le ministre que je suis n’est pas satisfait de cette loi, car une loi qui ne peut pas s’appliquer n’est pas une bonne loi. » Sur ce point, je vous donne raison.

Sur la forme, vous vous étiez engagé à ce que les quatre critères ne posant pas problème fassent rapidement l’objet d’un décret. Pourquoi pas ? Nous n’y sommes pas opposés. En revanche, le Gouvernement n’a pas tenu l’engagement qu’il avait pris de discuter sur les six autres critères avant la parution des décrets – Michel de Virville avait été missionné à cette fin. Vous avez parlé tout à l’heure de volte-face ; si volte-face il y a, c’est celle du Gouvernement. Dans ces conditions, comment voulez-vous, monsieur le secrétaire d’État, susciter la confiance des partenaires sociaux ?

Voilà ce que je voulais vous dire, de façon non pas doctrinaire mais pragmatique : il faut bien sûr prendre la pénibilité en compte, monsieur le secrétaire d’État, mais pas de manière aussi complexe, au risque de rendre le dispositif inapplicable ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. M. Retailleau nous dit qu’il est favorable à la prise en compte de la pénibilité, mais il apparaît clairement, à la lecture de l’objet de l’amendement n° 1 rectifié quinquies, que ses auteurs contestent l’ensemble du volet du projet de loi relatif à la pénibilité. Ne jouez donc pas sur les mots, mon cher collègue, je vous sais habile à le faire… (Protestations sur les travées de l'UMP.)

En fait, ce que vous contestez, l’encre de la loi à peine sèche, c’est la légitimité du dispositif législatif, et presque sa légalité. Ainsi, dans un quotidien davantage lu du côté droit de l’hémicycle que du nôtre – mais il se trouve que je lis tout ! –, un de nos collègues ne craint pas de déclarer que le Sénat, avec sa nouvelle majorité, « est dans une opposition nationale fictive, car il est en fait dans la majorité populaire et légitime, mais dans une minorité légale ». Cette différence établie entre le légitime et le légal, le pays réel et le pays formel, rappelle des heures assez sombres de notre histoire ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Bruno Retailleau. Vous citez Alain Milon ?

Mme Nicole Bricq. Vous nous faites un procès d’intention, même si je note un progrès : selon vous, nous écoutons désormais les grandes entreprises, mais pas les petites…

Mes collègues seine-et-marnais et moi-même avons reçu les représentants de la CGPME de notre département. Nous avons écouté ces chefs d’entreprise, et ce avant que le Gouvernement propose, après concertation, que quatre critères soient applicables au 1er janvier 2015. Ils se sont déclarés satisfaits d’avoir été entendus par le Gouvernement. Alors, ne nous faites pas le procès de ne pas connaître les entreprises,…

Un sénateur du groupe UMP. C’est vrai !

Mme Nicole Bricq. … de ne pas les aimer. De la même manière, lorsque nous discuterons du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous nous direz que nous n’aimons pas les familles : c’est bien connu !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est vous qui le dites !

Mme Nicole Bricq. M. Bas a dit, dans son intervention liminaire – et M. Cadic a tenu le même discours –, que la mise en place du compte de prévention de la pénibilité renchérirait le coût du travail. Cette assertion est complètement gratuite ! Sur quelle base vous fondez-vous pour dire cela ?

Je rappelle tout de même que le CICE et le pacte de responsabilité représentent 42 milliards d’euros en faveur des entreprises. En outre, le Premier ministre a mis aujourd’hui en place le comité d’évaluation des baisses de charges en présence de l’ensemble des partenaires patronaux et syndicaux.

M. André Reichardt, rapporteur. Combien d’emplois ?

Mme Nicole Bricq. Ne venez donc pas nous dire que nous renchérissons le coût du travail quand 42 milliards sont accordés aux entreprises pour qu’elles restaurent leur compétitivité, au bénéfice de l’emploi et de l’investissement ! (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Cela n’a rien à voir !

Mme Nicole Bricq. Nous ne l’acceptons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Je souhaite faire un rappel au règlement.

Mme Annie David. Sur le fondement de quel article ?

M. Bruno Retailleau. Vous avez cité, madame Bricq, des propos tenus dans un quotidien par l’un de nos collègues, à savoir Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, en les assimilant aux heures les plus sombres de notre histoire. Êtes-vous à ce point à bout d’arguments que vous osiez un tel rapprochement ? Franchement, ce n’est pas raisonnable !

Mme Nicole Bricq. Ce qu’il a dit, il fallait aussi l’oser !

Mme Sophie Primas. C’est votre interprétation !

M. Bruno Retailleau. Que, les uns et les autres, nous défendions nos points de vue avec passion, c’est parfaitement normal, mais il convient de le faire sans jamais mettre en cause ses collègues ni utiliser des procédés visant à les disqualifier quand on peine à contrer leurs arguments.

Je souhaite, madame la présidente, que vous puissiez jouer votre rôle pour apaiser des débats qui méritent une autre hauteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. Nous allons poursuivre nos débats sereinement, mon cher collègue.

La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 1 rectifié quinquies et 42 rectifié quater.

M. Olivier Cadic. Comme l’a dit M. Retailleau, personne au sein du groupe UDI-UC n’a parlé de supprimer la prise en compte de la pénibilité. Sénateur depuis peu, je suis interloqué, sidéré par certains propos que j’ai entendus.

Mme Annie David. Nous aussi sommes sidérés, et pourtant nous sommes là depuis plus longtemps que vous !

M. Olivier Cadic. Ce texte est-il de simplification ou de complication ?

Si nous débattons bien d’un projet de loi de simplification, alors il nous faut repenser fondamentalement la mise en place du dispositif relatif à la pénibilité.

En tant qu’entrepreneur,…

Mme Annie David. Ici, vous êtes sénateur !

M. Olivier Cadic. … je vous le dis, ce dispositif, en l’état, sera un enfer pour les entreprises. Il aura un effet dévastateur pour l’emploi, aussi dévastateur, selon certains, que la mise en œuvre des 35 heures.

J’ai dit en effet, madame Bricq, que le compte de prévention de la pénibilité allait renchérir le coût du travail. Si les formalités ne coûtaient rien,…

M. Philippe Dallier. Cela se saurait...

M. Olivier Cadic. … à quoi servirait de simplifier ? La simplification a bien pour objectif, si j’ai bien compris M. le secrétaire d’État, de faire des économies !

Le Premier ministre a dit qu’il aimait les entreprises. Si nous votons ces amendements de suppression, je peux vous dire que les entreprises apprécieront. Si le Gouvernement nous suit, il sera aimé des entreprises. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Lenoir. Je suis assez surpris, et même heurté, par l’argumentation que vous avez soutenue il y a un instant, monsieur le secrétaire d’État.

À vous entendre, ce projet de loi doit être examiné dans une perspective très restreinte : nous devons nous contenter de simplifier. Vous avez même souligné qu’il ne serait pas convenable de revenir sur des dispositions adoptées il y a peu par le Parlement.

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes tout simplement un sophiste. Le mot n’est pas injurieux…

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. C’est même un éloge !

M. Jean-Claude Lenoir. Le sophisme, dans l’Antiquité, était une forme d’éloquence très prisée par les philosophes, qui consistait à utiliser le même argument pour soutenir une chose et son contraire. Certains y ont excellé, mais Aristote y a mis fin, car la logique n’y trouvait plus son compte.

L’argument que vous avez défendu à l’instant va vous être retourné à l’article 7 de votre projet de loi, aux termes duquel – je résume, sans caricaturer – il faut détricoter la loi ALUR, que vous-même aviez votée alors que vous étiez député. Le Gouvernement prend donc l’initiative de remettre en cause les dispositions de cette loi tout à fait récente.

Dans ces conditions, pourquoi vous opposez-vous à ce que nous remettions en cause des dispositions récemment adoptées, alors que vous-même prenez la responsabilité, au grand dam de Mme Duflot, de le faire pour d’autres textes ? C’est là une argumentation fallacieuse, bien digne d’un sophiste.

Admettez donc, monsieur le secrétaire d’État, que l’on puisse aussi vouloir simplifier la vie des entreprises en abrogeant des dispositions ayant été adoptées malencontreusement voilà quelques semaines seulement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié quinquies et 42 rectifié quater.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 14 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l’adoption 187
Contre 152

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2 quinquies, et les amendements identiques nos 2 rectifié quinquies et 43 rectifié ter, d’une part, nos 3 rectifié quinquies et 44 rectifié ter, d’autre part, n'ont plus d'objet.

Mme Nicole Bricq. Il n’y a plus de compte pénibilité ! Vous avez supprimé un droit !

Chapitre II

Mesures concernant les procédures administratives

Articles additionnels après l'article 2 quinquies
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Article 4 (Supprimé)

Article 3

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi ayant pour objet :

1° De permettre à une autorité administrative, au sens de l’article 1er de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, d’accorder, à une personne qui le demande, une garantie consistant en une prise de position formelle, opposable à l’administration, sur l’application d’une norme à sa situation de fait ou à son projet. Cette garantie a pour objet de prémunir le demandeur d’un changement d’interprétation ou d’appréciation de l’administration qui serait de nature à faire naître une créance de l’administration à son encontre, à l’exposer à des sanctions administratives ou à compromettre l’obtention d’une décision administrative postérieure nécessaire à la réalisation de son projet ;

2° De permettre à une autorité administrative, au sens du même article 1er, de garantir, à une personne qui le demande et pendant une durée déterminée qui ne saurait excéder dix-huit mois, que lui seront appliquées, pour la délivrance d’une décision administrative nécessaire à la réalisation de son projet, certaines dispositions législatives ou réglementaires dans leur rédaction en vigueur à la date d’octroi de la garantie ;

2° bis (nouveau) De déterminer les conditions de publication et d’opposabilité aux tiers des actes octroyant les garanties mentionnées aux 1° et 2° ;

3° De préciser les conditions dans lesquelles le juge administratif peut être saisi d’un recours contre les actes octroyant les garanties mentionnées aux 1° et 2° et contre les éventuelles décisions administratives prises à la suite de ces actes, ainsi que ses pouvoirs lorsqu’il est saisi de tels recours ;

(nouveau) De déterminer les conditions dans lesquelles, lorsqu’une autorité administrative a refusé à une personne de lui octroyer une des garanties mentionnées au 1°, cette dernière peut saisir l’autorité administrative pour solliciter un second examen.

Les garanties mentionnées aux mêmes 1° et 2° ne peuvent concerner que l’application des dispositions du code du travail, du code rural et de la pêche maritime, du code de la consommation, du code du patrimoine, du code général de la propriété des personnes publiques, des dispositions relatives aux impositions de toute nature ou aux cotisations sociales ainsi que des codes et dispositions spécifiques à l’outre-mer dans les domaines couverts par ces codes.

II. – Les garanties mentionnées aux 1° et 2° du I :

1° Sont accordées sur la base d’un dossier préalable présenté à l’autorité administrative et décrivant loyalement la situation de fait ou le projet en cause ;

2° Peuvent être accompagnées, le cas échéant, d’un engagement de l’autorité administrative sur les délais dans lesquels les décisions administratives nécessaires à la réalisation du projet en cause pourront intervenir ainsi que d’informations sur les procédures d’instruction des demandes correspondantes, notamment la description des procédures applicables et les conditions de régularité du dossier. Cet engagement et ces informations sont susceptibles d’engager la responsabilité de l’autorité administrative ;

3° Peuvent être abrogées dans des conditions précisées par l’ordonnance à intervenir ;

4° Sont accordées dans le respect des exigences de l’ordre public et de la sécurité publique, des engagements internationaux et européens de la France et des principes de valeur constitutionnelle. – (Adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

(Supprimé)

Mme la présidente. L'amendement n° 81, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, et aux fins d’alléger les contraintes pesant sur les entreprises, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi aux fins de supprimer ou de simplifier les régimes d’autorisation préalable et de déclaration auxquels sont soumises les entreprises, de remplacer certains de ces régimes d’autorisation préalable par des régimes déclaratifs et de définir, dans ce cadre, des possibilités d’opposition de l’administration, des modalités de contrôle a posteriori et des sanctions éventuelles.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Cet amendement vise à rétablir l’article 4, supprimé en commission, afin de permettre au Gouvernement de procéder à une revue générale d’un grand nombre de règles relatives à l’exercice de certaines professions ou activités qui, aujourd’hui, relève d’un régime de déclaration ou d’autorisation administrative préalable, alors que, à notre sens, une simple déclaration suffirait.

Cette demande d’habilitation générale que le Gouvernement présente au Parlement est motivée par l’ampleur du travail à accomplir. Nous avons déjà procédé ainsi, voilà quelques mois, avec un autre projet de loi d’habilitation, en vue de consacrer le principe du « silence valant accord ». Il a fallu examiner près de 1 800 demandes adressées à l’administration par les entreprises ou les particuliers, pour vérifier la légitimité de chacune d’entre elles et déterminer s’il était envisageable ou pas de considérer que le silence de l’administration valait accord.

Il s’agit ici de permettre au Gouvernement de passer en revue l’ensemble des régimes d’autorisation préalable. Si nous n’obtenons pas l’habilitation demandée, nous ne pourrons pas agir.

Plusieurs centaines de professions sont concernées. Je prendrai pour seul exemple celle de photographe navigant, dont l’exercice relève aujourd'hui d’une autorisation préalable. À n’en pas douter, une simple déclaration suffirait : je ne vois pas très bien quel type de contrôle est opéré avant d’autoriser un photographe à exercer son activité sur un bateau…

Cette revue générale peut tout à fait être conduite en collaboration avec les rapporteurs. Je ne verrais aucun inconvénient à ce que la liste des professions concernées leur soit soumise, afin qu’ils puissent la compléter, l’amender, la valider, mais, je le répète, nous avons besoin d’une habilitation générale pour réaliser ce travail systématique. À défaut, nous ne pourrons simplifier l’exercice d’un certain nombre de métiers, ce qui serait dommage.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. André Reichardt, rapporteur. Le Gouvernement propose de rétablir, sans modification aucune, l’article 4 du projet de loi.

Je regrette que le Gouvernement n’ait pas répondu à la demande de la commission, qui souhaitait des précisions sur le contour exact de l’habilitation. Les services du ministère nous ont indiqué qu’il existait environ 3 000 régimes de déclaration ou d’autorisation préalable. Nous aurions aimé procéder avec vous à cette revue générale, monsieur le secrétaire d'État ; à tout le moins aurions-nous apprécié que des éléments d’information nous soient fournis. Cela nous aurait permis d’avancer.

Monsieur le secrétaire d’État, vous vous bornez à indiquer, dans l’objet de votre amendement, que l’habilitation est conforme à la Constitution. La commission n’en doutait pas !

Sans être opposée sur le principe à cette habilitation, la commission s’est interrogée sur les régimes ou les catégories de régimes auxquels souhaitait s’attaquer le Gouvernement, en portant une attention particulière aux régimes sensibles – ceux dont relèvent la collecte des données personnelles, l’autorisation d’ouverture dominicale des commerces, des activités économiques comme les taxis, les véhicules de tourisme avec chauffeur, etc. –, mais elle n’a pas obtenu de réponse ferme.

Le Gouvernement fait valoir des habilitations similaires que le Parlement lui a accordées en 2003 et en 2004. Or, en 2003, le Gouvernement n’a pas été habilité à supprimer purement et simplement les régimes d’autorisation, comme il le souhaite aujourd’hui ; il a seulement été autorisé à y substituer des régimes de déclaration, ce qui paraît assurément plus prudent dans l’absolu.

Alors que, à propos de l'article 27, la commission a reçu un accueil positif du Gouvernement, il n’en a pas été de même pour l'article 4. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. Je prends acte de la position de la commission, mais je la regrette, car nous avions là l’occasion de procéder à un travail intelligent et innovant sur les modalités par le biais desquelles le Gouvernement, bien que légiférant par ordonnance, pouvait associer le Parlement à la réflexion.

Je le répète, je n’aurais vu aucun obstacle à venir devant votre commission, bien avant la publication de l’ordonnance, pour présenter la liste exacte des professions susceptibles de passer d’un régime d’autorisation préalable à un simple régime déclaratif. Nous aurions alors innové, dans la mesure où, sans se dessaisir de ses prérogatives et du pouvoir que lui aurait confié le Parlement en l’habilitant à prendre une ordonnance, le Gouvernement aurait consulté les commissions parlementaires, selon des formes appropriées, avant de décider.

En maintenant la suppression de l’article 4, vous empêchez ce travail innovant et, d’une certaine manière, vous ne faciliterez pas le quotidien d’un certain nombre de professions qui auraient beaucoup gagné à la simplification envisagée.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. André Reichardt, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, nous étions d’autant plus attentifs à la réponse que vous réserveriez à notre proposition de travailler avec vos services sur le contenu effectif de cette habilitation que, il y a quelques mois à peine, à l’occasion de l’examen d’un projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures dont M. Mohamed Soilihi était rapporteur, nous avions déjà, sur l’initiative de la commission des lois, rejeté une demande d’habilitation identique à celle-ci : le Gouvernement n’avait alors pas davantage répondu à notre appel qu’aujourd’hui.

Nous aurions évidemment été désireux de travailler avec vous, comme cela a été le cas à propos de l’article 27. Cela n’a pas été possible, c’est pourquoi la commission a dû émettre ce matin, à son grand regret, un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Je suis assez partagé. Il est vrai que la demande d’habilitation présentée par le Gouvernement est large et trop imprécise. Il y a quelques mois, j’aurais émis un avis négatif catégorique, mais, comme je l’ai déjà précisé, des précédents existent depuis le mois de janvier dernier : toutes les ordonnances pour lesquelles le Gouvernement avait demandé une habilitation ont été publiées.

En outre, M. le secrétaire d’État s’est engagé à associer le Parlement, en particulier les rapporteurs des commissions concernées, à l’élaboration de l’ordonnance.

Pour l’ensemble de ces raisons, à titre personnel, j’invite mes collègues à faire confiance au Gouvernement. De toute façon, le Parlement exercera son contrôle.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l'article 4 demeure supprimé.

Article 4 (Supprimé)
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Article 6 (Texte non modifié par la commission)

Article 5

(Suppression maintenue)

Article 5
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Article additionnel après l'article 6

Article 6

(Non modifié)

I. – Le 8° de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales est abrogé.

II. – Le même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 2542-4, les références : « et 6° à 8° » sont remplacées par les références : « , 6° et 7° » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 2542-10, les références : « , 7° et 8° » sont remplacées par la référence : « et 7° » ;

3° Au I de l’article L. 2573-18, les mots : « , à l’exception de son 8° » sont supprimés.

Mme la présidente. L'amendement n° 29 rectifié, présenté par MM. Adnot et Guérini, Mme Jouve et MM. Navarro et Delattre, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à une heure du matin, afin de pousser plus avant l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Article 6 (Texte non modifié par la commission)
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Article 7

Article additionnel après l'article 6