Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je vois que la saison 2 fait l’objet d’un teasing... (Sourires.) C’est vraiment comme dans certaines séries : l’épisode prend fin au moment où l’on est de plus en plus impatient de connaître la suite ! (Nouveaux sourires.) Il est vrai que, en l’occurrence, on attend également de connaître le début…

Bien sûr, quand on est au banc du Gouvernement, il vaut mieux éviter ne pas donner de bonnes ou de mauvaises notes aux orateurs, au risque d’en vexer certains. Au demeurant, qui suis-je pour juger ? Néanmoins, monsieur Delahaye, je tiens à vous en donner acte, vous dessinez un certain nombre de pistes assez précises : vous l’avez fait tout à l'heure à la tribune et vous le faites de nouveau avec vos amendements.

J’ai retenu cinq pistes, que vous avez énoncées clairement, bien que vous avanciez encore un peu masqué. Ici, vous proposez une réduction de 47 600 emplois équivalents temps plein, mais sans préciser quels emplois seraient concernés.

Pour connaître les propositions précises de l’autre groupe de la majorité sénatoriale, nous attendrons l’épisode 3 de la saison 2… (Nouveaux sourires.)

Mais il s’agit en l’occurrence de choses sérieuses qui ne prêtent pas à la plaisanterie.

Je maintiens ce que j’ai dit et je veux souligner que l’on demande aux fonctionnaires beaucoup plus d’efforts qu’on ne le dit souvent : un point d’indice gelé depuis longtemps, des mesures catégorielles qui se font rares, une popularité qui se dégrade – sans vouloir tomber dans l’excès, je pense plus particulièrement à certains services de l’État, qui sont parfois confrontés à des comportements agressifs.

Il faut vraiment arrêter de considérer que les emplois de la fonction publique constituent un trou noir ! J’ai du mal à comprendre comment on peut assimiler systématiquement les dépenses liées aux services rendus par l’intermédiaire de nos fonctionnaires à une gabegie.

Vous faites des comparaisons internationales, et vous avez raison. Vous me permettrez d’en faire également une, que je comptais mentionner à la tribune, mais que j’ai voulu vous épargner ce matin. Si l’on compare le PIB des principaux pays européens en 2008, c'est-à-dire au démarrage de la crise, à leur PIB actuel, on s’aperçoit que seuls deux pays ont retrouvé un niveau supérieur à celui qu’ils affichaient en 2008. Le premier est l’Allemagne, ce qui n’étonnera personne, et le second, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est la France.

La Grande-Bretagne, qui force l’admiration, semble-t-il, de l’ensemble des observateurs politiques, a un PIB encore très largement inférieur à celui de 2008. C’est aussi le cas, bien entendu, d’autres pays tels que l’Espagne et l’Italie.

La France, parce que la structure de sa dépense publique et de son économie n’est pas la même que celle de ses voisins, a « encaissé » la crise de façon plus douce, ou plutôt un peu moins dure – je prends garde aux mots que j’emploie, car celui qui a perdu son emploi durant cette période pourrait les trouver déplacés –, que la plupart de ses partenaires européens de puissance économique comparable. Certains parlent d’« amortisseurs sociaux ». À cet égard, reportez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, au graphique très intéressant qui figure en couverture du dossier de presse du projet de loi de finances.

En tout cas, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 19 est-il maintenu, monsieur Delahaye ?

M. Vincent Delahaye. J’ai noté avec plaisir que M. le secrétaire d'État se réjouissait à l’idée de revenir au Sénat puisqu’il nous a dit attendre la suite avec impatience. (Sourires.)

Quoi qu’il en soit, suivant l’avis de la commission, je retire mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 19 est retiré.

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote sur l’article.

M. Marc Laménie. Cet article, qui traite des moyens humains, mérite une attention particulière.

On parle toujours des effectifs de la fonction publique d’État, mais il ne faut pas oublier les deux autres fonctions publiques, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

S’agissant de la fonction publique d’État, dont il a été beaucoup question en commission des finances, les moyens humains de nos administrations sont, me semble-t-il, réellement très importants. Rappelons qu’il s’agit aussi d’assurer la présence de l’État sur l’ensemble de notre territoire.

Il reste que, du point de vue de la maîtrise des dépenses, la part du budget global qui est consacrée aux rémunérations est considérable puisque, avec un total de 121 milliards d’euros, elle en représente le tiers.

Il faut surtout raisonner en termes d’efficacité, en considérant tour à tour les grands ministères, ce qui n’est pas forcément simple.

Il convient également de tenir compte de ce que vous avez à juste titre souligné tout à l'heure, monsieur le secrétaire d’État, à savoir que les serviteurs de l’État, qui ont souvent une famille, sont aussi des consommateurs.

Si l’on se préoccupe de l’efficacité de l’action de l’État, force est d’entendre les remarques selon lesquelles il y aurait beaucoup de monde dans les administrations centrales, tandis que l’on constate sur le terrain que les services déconcentrés se dépeuplent, comme en témoigneront certainement de nombreux orateurs au cours de l’examen du projet de loi de finances.

Je veux donc insister sur ce double aspect : d’un côté, il y a des économies à faire à tous les niveaux, y compris en termes d’effectifs ; de l’autre, il convient de repérer, ministère par ministère, les postes les plus efficaces et les emplois les plus importants pour nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Les effectifs de la fonction publique constituent un sujet très sérieux. À cet égard, je remarque la précision du chiffre avancé par notre collègue Vincent Delahaye dans l’amendement qu’il vient de retirer ; si je fais un calcul rapide, cela fait 240 000 emplois sur cinq ans.

Comme l’a indiqué avec humour M. le secrétaire d'État, vous nous promettez, monsieur le rapporteur général, une « saison 2 » avec des surprises. En fait, ce teasing n’a d’autre objectif que de vous permettre d’arrêter un chiffre sur lequel puissent s’accorder toutes les familles de l’UMP et peut-être aussi du centre. Le seul qui soit sorti quelque peu du bois en faisant des propositions – et qui est aussi le challenger pour être le candidat de votre camp lors de la prochaine élection présidentielle –, c’est François Fillon. Au-delà des 100 milliards d’euros d’économies qu’il a proposées – sans nous indiquer lesquelles, du reste –, il a annoncé qu’il formulerait des propositions d’économies dans le domaine de la santé. C’était il y a bientôt deux mois, mais on n’a encore rien vu venir. Allons, ne soyons pas trop impatients !

En tout cas, dans son projet de programme, il a écrit qu’il fallait supprimer 600 000 postes de fonctionnaires. Il n’a pas été aussi précis que vous, monsieur Delahaye, puisque vous, vous parlez de 240 000 équivalents temps plein sur cinq ans.

Quelque temps plus tard, j’ai suivi la prestation, sur une grande chaîne de télévision, de M. Juppé, lequel a déclaré tout de go qu’il reprenait à son compte les 100 milliards d’euros d’économies – c’est-à-dire 150 milliards d’euros en ajoutant les 50 milliards d’euros que nous avons prévus sur cinq ans –, mais a qualifié de bêtise – je crois que c’est le mot qu’il a utilisé – la proposition de suppression de 600 000 fonctionnaires, au motif que c’était infaisable.

Monsieur le rapporteur général, j’ai noté que vous alliez faire des propositions une fois que vous aurez arbitré entre vos différentes factions. Nous les comparerons alors avec celles que je viens de citer, étant entendu qu’on peut parler de choses sérieuses tout en s’amusant un peu…

En attendant, il faut voter l’article 9 du projet de loi.

M. Alain Gournac. C’est confus !

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Je souhaite réagir à une expression que vous avez utilisée tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État. Sans doute vous êtes-vous exprimé avec votre spontanéité habituelle en déclarant qu’il fallait arrêter de parler d’un « trou noir » au sujet de la fonction publique.

M. Alain Gournac. Il y a des fonctionnaires de très bonne qualité !

M. Vincent Capo-Canellas. Dans ce débat, je voudrais que chacun mesure les enjeux, pèse ses mots et évite toute caricature.

Nous avons tout à fait conscience de l’effort accompli par l’ensemble de la fonction publique, nous apprécions sa qualité, nous savons que les temps sont durs pour tout le monde et qu’un certain nombre de services de l’État vivent aujourd’hui difficilement la réduction de leurs crédits. Si nous avions tous à cœur d’être réalistes, nous essaierions d’accompagner cette réduction des crédits, de repenser la fonction publique, de repenser les missions de l’État plutôt que d’appliquer le rabot plus ou moins uniformément, suscitant finalement une forme de désespoir, donnant le sentiment que nous ne croyons pas dans les services publics. En vérité, nous croyons dans les services publics, nous savons qu’il faut les adapter, nous savons que c’est difficile et nous savons qu’il faut se fixer un horizon financier. Il va donc falloir mener tout ce travail d’adaptation.

Nous avons conscience des enjeux, nous connaissons la qualité la fonction publique et nous souhaitons lui tenir un langage de vérité. Ce langage de vérité, c’est que les temps ne seront pas faciles et qu’il va falloir faire des efforts. Ces efforts, nous souhaitons les faire ensemble, dans le dialogue. C’est le sens de notre démarche.

Je ne veux pas entrer dans la polémique, mais, si le Gouvernement, dans le but de susciter des réactions, nous accuse de vouloir uniquement réduire le nombre de postes, il n’entre pas dans le fond du sujet. Le fond du sujet est le suivant : comment adapter l’ensemble de l’appareil d’État pour lui permettre de remplir ses missions de service public, auxquelles nous croyons, dans le respect des fonctionnaires ? Si l’on finance tout à crédit, un jour, les effectifs de la fonction publique devront être réduits brutalement. Tel n’est pas notre projet.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je n’ai pas accusé les sénateurs de mépriser la fonction publique. Si mes propos ont été interprétés ainsi, je suis prêt à les retirer.

Ce que je voulais dire, c’est que certains propos peuvent donner le sentiment que les fonctionnaires coûtent trop cher, que les dépenses en la matière sont inutiles.

M. Alain Gournac. Nous n’avons jamais dit cela !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Sur le fond, nous pourrons sans doute tomber d’accord, y compris sur la suite.

Vous avez parlé de « rabot ». Je vous demande instamment de me croire : nous n’avons pas passé le rabot, par exemple, sur les schémas d’emplois, qui ont fait l’objet d’une discussion avec l’ensemble des ministères.

Pardonnez-moi de citer ma propre contribution au débat, mais, lorsque je suis arrivé au secrétariat d’État au budget, en avril, j’ai rencontré l’ensemble des ministres à deux reprises et, pour la plupart d’entre eux, une troisième fois en présence du Premier ministre, comme cela arrive assez souvent parce qu’on n’a pas trouvé d’accord. Ces rencontres avaient pour but d’étudier avec les ministres les secteurs précis sur lesquels ils étaient capables de proposer des économies, les politiques – structurelles ou non –, sur lesquelles il était envisageable, par une réorganisation des services de tel ou tel organisme, de telle structure territoriale, de gagner des emplois.

De grâce, croyez bien que ce travail a été extrêmement difficile ! Non seulement les ministres, mais également leurs cabinets, leurs équipes, leurs administrations se sont livrés un examen très précis des choses. Dire que le but de l’opération consisterait simplement à « raboter » x %, c’est une contrevérité. Cela dit, c’est ma parole contre votre « ressenti ».

Par ailleurs, vous dites qu’il n’est pas possible de réaliser des économies budgétaires par une réduction du nombre d’emplois sans que les missions soient revues. C’est précisément ce que nous vous proposons dans la deuxième partie de ce projet de loi de programmation des finances publiques. Il s’agit de voir si certaines des missions de l’État sont pertinentes, si elles doivent être assurées par lui ou si elles doivent l’être par d’autres échelons administratifs, si elles doivent ou peuvent être – je vais prononcer un gros mot – « externalisées ». Bref, quelles sont les missions que l’État doit conserver et comment doit-il organiser leur exécution ?

Nous avons ciblé d’ores et déjà un certain nombre de politiques, en particulier la politique du logement, exemple qu’on cite très souvent.

L’un des principaux reproches que nous étions quelques-uns – y compris, parfois, dans les rangs de l’ancienne majorité parlementaire – à faire à la RGPP, c’est qu’elle n’avait pas donné lieu à cette revue des missions. C’est un long et difficile travail parce que, bien entendu, chacun reste attaché à ce que l’État continue d’assumer toutes ses missions, lesquelles sont toujours prioritaires.

Je rappelle ce que disait Michèle André tout à l’heure : les rapporteurs spéciaux – et ils sont nombreux – estiment tous que les crédits budgétaires des missions dont ils ont la charge sont insuffisants.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas tout à fait exact !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous verrons s’il y a des exceptions ; auquel cas, je les saluerai.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Article 9
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019
Article 11

Article 10

(Supprimé)

Mme la présidente. L'amendement n° 29, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – L'objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ne peut, à périmètre constant, excéder les montants suivants, exprimés en milliards d'euros courants :

 

2015

2016

2017

476,6

486,8

498,3

 

II. – L'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale mentionné par la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 tel que modifié par l’article 55 de la loi n° … du … de financement de la sécurité sociale pour 2015 ne peut, à périmètre constant, excéder les montants suivants, exprimés en milliards d'euros courants :

 

2015

2016

2017

182,3

186,0

189,5

 

Cet amendement a déjà été défendu et la commission a fait part de son avis défavorable.

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 10 demeure supprimé.

Article 10 (Supprimé)
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019
Article 12

Article 11

I. – (Non modifié) Les collectivités territoriales contribuent à l’effort de redressement des finances publiques, selon des modalités à l’élaboration desquelles elles sont associées.

II. – Il est institué un objectif d’évolution de la dépense publique locale, exprimé en pourcentage d’évolution annuelle et à périmètre constant.

La dépense publique locale, exprimée en valeur, est définie comme la somme des dépenses réelles en comptabilité générale des sections de fonctionnement et d’investissement, nettes des amortissements d’emprunts. Il est déduit de ce montant le coût cumulé, à partir de 2014, des normes nouvelles applicables aux collectivités territoriales, tel qu’il est calculé par le Conseil national d'évaluation des normes prévu à l’article L. 1212-1 du code général des collectivités territoriales.

III. – Cet objectif est déterminé après consultation du Comité des finances locales.

Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. La fixation d’un objectif de dépenses pour les collectivités locales nous semble bel et bien une atteinte délibérée au principe de libre administration des collectivités locales, reconnu par la Constitution. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons eu long débat en commission sur cet objectif d’évolution de la dépense publique locale, autrement dit l’Odedel.

À ce propos, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous cherchez des recettes, je pourrais vous en proposer une : il s’agirait d’instaurer une taxe sur les sigles ! (Sourires.)

Je précise à Mme Didier que cet objectif d’évolution n’est pas contraignant ; dès lors, il ne contrevient pas au principe de libre administration des collectivités.

Faut-il encadrer de manière pluriannuelle l’évolution de la dépense publique locale ? Pourquoi pas ? Mais il faut alors prévoir un certain nombre de conditions, sur lesquelles nous reviendrons dans un instant.

Supprimer purement et simplement cet objectif d’évolution de la dépense publique locale nous empêcherait malheureusement d’avoir ce débat qui me permettra d’exprimer la position de la commission. C’est la raison pour laquelle celle-ci émet un avis défavorable sur le présent amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Madame Didier, non sans vous avoir fait part de mon souhait de vous voir retrouver votre voix et la vigueur que je vous connais en tant que Lorrain et ancien député de Meurthe-et-Moselle, je dois vous dire que je partage l’avis du rapporteur général : cet article ne soulève aucun problème constitutionnel dans la mesure où l’Odedel n’a pas de valeur contraignante ; c’est un simple indicateur.

Nous parlions tout à l’heure de notre capacité à prévoir et de la difficulté de l’exercice de prévision. Or les dépenses des collectivités territoriales sont bien des dépenses publiques.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. La Constitution dispose que les collectivités territoriales s’administrent librement dans le cadre fixé par la loi. De fait, donc, l’État ne les « pilote » pas ; tout au plus peut-il fixer un certain nombre de règles, décider de plafonds, mettre des taquets – par exemple en matière de taux d’imposition – encore que ces plafonds ne soient pas contraignants, « mordants », comme l’on dit.

Lorsque nous recevons les comptes des collectivités territoriales, assez tardivement, après la clôture des exercices, nous sommes souvent très surpris. Autant, s’agissant des comptes de l’État, nous sommes capables assez rapidement de dresser un bilan de l’exécution du budget et de la conformité de celui-ci aux prévisions, autant, s’agissant des collectivités territoriales, nous avons souvent d’énormes surprises – bonnes ou mauvaises – par rapport à nos prévisions.

À travers cet article 11 du projet de loi programmation des finances publiques, nous nous contentons modestement de définir un indicateur qui servira de point de repère, sans caractère contraignant. Il n’y a là rien que de très normal puisque les dépenses des collectivités territoriales sont des dépenses publiques. Voilà l’objectif du Gouvernement. C’est pourquoi celui-ci émet un avis défavorable sur votre amendement, madame la sénatrice.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Monsieur le secrétaire d’État, je ne voterai pas cet amendement tendant à supprimer l’article 11, mais je voudrais néanmoins revenir sur les chiffres d’évolution de la dépense publique locale pour 2015 tels qu’ils étaient définis dans le texte initial.

Pour 2015, donc, vous souhaitez que sa progression ne dépasse pas 0,3 %. Paradoxalement, pour 2016 et 2017, vous fixez cet objectif à respectivement 1,8 % et 1,9 %.

Je ne sais pas si vous liez cet objectif au taux de croissance espéré, mais ce qui est absolument certain, c’est que celui de 0,3 % pour 2015 ne sera jamais respecté. Puisque la dotation globale de fonctionnement va baisser, imaginons que l’ensemble des collectivités réduisent à due concurrence leurs dépenses de fonctionnement. Ce serait peut-être envisageable, mais tous ceux d’entre nous qui sont élus locaux savent que ce n’est pas possible d’une année sur l’autre. Environ 60 % de nos dépenses étant des dépenses de personnel, elles ne peuvent pas être diminuées aussi rapidement que cela.

Pour le reste, quand vous considérez les dépenses contraintes que sont le gaz et l’électricité, dont le prix augmente, et les dépenses d’intervention – même si elles ne sont pas forcément très importantes en pourcentage et qu’il est peut-être envisageable d’agir sur elles –, il est clair que, compte tenu de la structure des budgets communaux et intercommunaux, il n’est absolument pas sérieux de fixer cet objectif à 0,3 %.

La courbe devrait être inversée et il faudrait fixer cet objectif de 0,3 % à quatre ou cinq ans, afin que les collectivités aient le temps d’intégrer le non-remplacement des fonctionnaires qui partent à la retraite. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrions y arriver.

Je ne voterai donc pas cet amendement parce que la commission des finances a choisi une autre logique, mais je tenais à signaler que le chiffre affiché par le Gouvernement pour 2015 est absolument irréaliste.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 30, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Cet objectif s’établit comme suit :

Taux d’évolution de la dépense locale en valeur – exprimé en comptabilité générale

 

2014

2015

2016

2017

Objectif d’évolution de la dépense publique locale

1,2 %

0,3 %

1,8 %

1,9 %

Dont évolution de la dépense de fonctionnement

2,7 %

1,8 %

2,2 %

1,9 %

 

II. – Alinéa 3, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

III. – Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

Cet amendement a déjà été défendu et la commission a fait part de son avis défavorable.

L'amendement n° 17 rectifié bis, présenté par M. Germain, Mme M. André, MM. Chiron, Botrel, Raoul, Lalande, F. Marc, Raynal, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

III. - Le Gouvernement présente devant les commissions chargées des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, en préalable à l’examen du projet de loi de finances de l’année, les hypothèses retenues pour le calcul de l’objectif d’évolution de la dépense publique locale.

Cet objectif est déterminé après consultation du Comité des finances locales et ensuite suivi, au cours de l’exercice, en lien avec ce comité.

La parole est à M. Jean Germain.

M. Jean Germain. Le texte de l’amendement du Gouvernement ne fait pas référence au Comité des finances locales, le CFL. Aussi avons-nous réintroduit la présentation à ce dernier. Il nous paraît en outre plus indiqué que le suivi soit assuré par les élus locaux en même temps que par les parlementaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ce débat est extrêmement intéressant : faut-il ou non un objectif d’évolution de la dépense publique locale ? La commission a considéré que, dès lors que cet objectif n’était pas contraignant, il pouvait être envisagé, mais en fixant des conditions. C’est pour pourquoi elle a profondément modifié le texte du Gouvernement.

Première condition : les collectivités territoriales doivent être associées à la définition de l’objectif. Or elles ne l’ont pas été. Elles n’ont même pas été consultées sur son principe.

Deuxième condition : il faut que soient prises en compte les hypothèses qui sous-tendent cet objectif. À cet égard, la commission s’est livrée à une analyse relativement approfondie et il apparaît que, parmi les hypothèses en question, il en est deux qui ne sont pas acceptables.

La première a déjà été évoquée : il s’agit de l’effet récessif de l’évolution de la dépense locale sur l’investissement. En effet, la trajectoire de l’indice telle qu’elle est fixée par le Gouvernement va conduire mécaniquement à diminuer assez fortement l’investissement des collectivités. Cela est chiffré de manière très précise dans le rapport de la commission. Il n’est évidemment pas possible d’accepter un objectif qui aurait non seulement pour effet de diminuer les dépenses de fonctionnement – sur ce point, nous pourrions à la rigueur avoir un débat –, mais surtout les dépenses d’investissement des collectivités.

La seconde hypothèse qui nous conduit à rejeter la trajectoire de l’Odedel proposée tient à son effet sur les taux d’imposition locale. Derrière l’objectif d’évolution de la dépense publique locale, il y a évidemment des dépenses et des recettes. Il faut tenir compte, dans les recettes, de l’évolution spontanée des bases, que nous avons isolée. Mais, au-delà de cette évolution spontanée des bases, nous considérons que, sur la période couverte par la loi de programmation, les collectivités seront nécessairement amenées – je vous renvoie au rapport annexé au projet de loi – à augmenter leurs taux d’imposition de manière à dégager 5 milliards d’euros supplémentaires.

Nous assistons donc, de fait, à un transfert de la fiscalité nationale : l’État fait reposer l’effort, et l’impopularité de l’effort, sur les collectivités qui, de l’aveu même du Gouvernement, puisque cela figure dans le rapport annexé, seront obligées d’accroître leurs taux d’imposition. J’en veux d’ailleurs pour preuve les dernières propositions qui fleurissent, telle celle d’une hausse des taux sur les résidences secondaires.

On va donc donner aux collectivités la possibilité d’augmenter les impôts, comme on l’a fait pour les départements avec le déplafonnement des droits de mutation à titre onéreux. C’est ce que nous avons mis en avant dans le rapport.

Par conséquent, autant on peut ne pas être hostile par principe à un objectif d’évolution de la dépense locale, autant on ne peut qu’être en désaccord avec la trajectoire de l’Odedel tel qu’il nous est proposé par le Gouvernement.

Telles sont les principales raisons – il en existe bien d’autres – pour lesquelles nous sommes défavorables à l’amendement n° 30, par lequel le Gouvernement entend rétablir son dispositif.

Quant à l’amendement présenté par notre collègue Jean Germain, il tend à mieux associer le Comité des finances locales à la définition de l’objectif et surtout à son suivi. Compte tenu de la rectification dont cet amendement a fait l’objet, il me semble utile et l’avis est favorable.