M. Ronan Dantec. Le jour où l’on trouvera un consensus politique sur ce sujet, on pourra toujours ressortir cet amendement, que nous avons voulu réellement complet.

Il vise à garantir l’indépendance d’ERDF vis-à-vis de sa maison mère, EDF, afin de permettre, notamment, que les investissements décidés et payés par les consommateurs d’électricité via le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE, soient effectivement consacrés par ERDF aux investissements prévus et attendus par les autorités organisatrices et propriétaires des réseaux de distribution, et donc par nos concitoyens.

Nous proposons, en premier lieu, que l’opérateur ERDF, filiale à 100 % d’EDF, soit regardé avec sa société mère comme une entreprise verticalement intégrée, à l’instar de RTE.

Nous proposons, en deuxième lieu, que le président d’ERDF soit nommé en conseil des ministres et que les règles régissant son activité ainsi que celle de l’équipe dirigeante soient alignées sur les dispositions prévues pour RTE.

Nous proposons, en troisième lieu, que les pouvoirs de contrôle de la CRE soient renforcés sur le plan d’investissement d’ERDF qui lui est préalablement soumis. Il est prévu, à cette fin, que les bilans des investissements réalisés par les autorités organisatrices sont transmis à la CRE. Ainsi, en cas de non-réalisation d’un investissement prévu, le régulateur pourra déduire les montants concernés du TURPE de la période suivante.

Je ne suis pas certain de recueillir des avis favorables de la commission et du Gouvernement sur cet amendement… C’est peut-être un peu tôt ! Il me semble toutefois qu’il va dans le sens de l’histoire. L’idée-force consiste à reconnaître clairement que la distribution constitue un service public en situation de monopole.

Les producteurs, qui peuvent être privés ou publics, opèrent sur un marché concurrentiel, avec une nécessaire vérité des prix et un besoin de régulation, afin que le consommateur soit servi au mieux – Mme la ministre a très bien expliqué sa stratégie pour contenir les coûts. Il s’agit ensuite de trouver la bonne distance entre ces producteurs et le distributeur – on sait que les flux financiers entre eux sont parfois complexes et que le distributeur est indispensable à la bonne santé financière du producteur.

La bonne logique, à terme, est de reconnaître le distributeur comme un service public, selon un parallélisme des formes avec RTE, ce qui n’empêche pas de conserver un producteur public, car nous sommes tous attachés au service public dans le domaine de l’énergie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Dans les faits, l’indépendance existe puisque nous avons transposé dans notre droit les directives européennes qui exigent une séparation entre EDF, son distributeur ERDF et son transporteur RTE.

Nous sommes même allés plus loin en prévoyant très clairement la séparation des actifs alors qu’elle n’était pas exigée.

Dans la réalité, notre collègue soulève un problème sur lequel vous revenez les uns et les autres chaque fois que vous constatez l’affaiblissement du réseau de distribution dans vos départements. Vous vous plaignez, à juste titre, dès que le réseau faiblit, vous reprochez à ERDF de ne pas réaliser assez de travaux et vous en faites porter la responsabilité à la maison-mère, EDF, qui exigerait de se faire rémunérer pour son actionnariat à un niveau un peu trop élevé, ce qui empêcherait ERDF de consacrer plus d’argent aux travaux.

Récemment, lorsque nous avons auditionné le nouveau PDG d’EDF, plusieurs d’entre vous lui ont posé des questions à ce sujet. À l’occasion de l’un des derniers petits-déjeuners de travail que nous avons eus avec ERDF dans le cadre du groupe d’étude sur l’énergie – Roland Courteau pourra le confirmer –, au moins cinq ou six de nos collègues ont attiré l’attention des dirigeants d’ERDF sur l’insuffisance des investissements réalisés dans nos départements respectifs. C’est l’éternel problème auquel nous sommes confrontés.

Quant à vous, monsieur Dantec, vous allez beaucoup plus loin dans l’indépendance, en réécrivant toute une partie du code de l’énergie !

Le problème est réel. Nous devons être vigilants sur l’état de nos réseaux de distribution. Pour ma part, je considère qu’ils sont toujours assez faibles : nous devons donc exiger qu’ERDF réalise des travaux suffisants dans tous nos départements.

Quoi qu’il en soit, vous l’aurez compris, monsieur Dantec, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Le sujet ayant été abondamment développé, je me contenterai de me rallier à l’avis de M. le rapporteur : retrait ou avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Dantec, l'amendement n° 843 est-il maintenu ?

M. Ronan Dantec. Oui, madame la présidente. J’ai écouté attentivement M. le rapporteur, et je ne suis pas sûr qu’il ait répondu à la question que j’ai posée à travers mon amendement : si nous allions jusqu’à un système de type RTE pour ERDF, quelles seraient finalement les incidences sur la transparence des coûts ? Ce serait, à mon avis, beaucoup plus simple, y compris pour le TURPE, et la maîtrise publique resterait toujours aussi forte.

Il doit y avoir une bonne raison de refuser ma proposition, mais je ne suis pas sûr de l’avoir totalement entendue dans la bouche du rapporteur.

Je maintiens donc cet amendement et le range dans un classeur, pour l’avenir ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 843.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l’article 42
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Article 42 bis B (nouveau)

Article 42 bis A (réservé jusqu’après l’article 43)

Article 42 bis A (réservé jusqu’après l’article 43)
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Article 42 bis

Article 42 bis B (nouveau)

I. – L’article L. 452-1 du code de l’énergie est ainsi modifié :

1° Après la première phrase du troisième alinéa, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :

« La méthodologie visant à établir un tarif de distribution de gaz naturel applicable à l’ensemble des concessions exploitées par ces gestionnaires de réseau de gaz naturel peut reposer sur la référence à la structure du passif d’entreprises comparables du même secteur dans l’Union européenne sans se fonder sur la comptabilité particulière de chacune des concessions. Pour le calcul du coût du capital investi, cette méthodologie fixée par la Commission de régulation de l’énergie peut ainsi se fonder sur la rémunération d’une base d’actifs régulée, définie comme le produit de cette base par le coût moyen pondéré du capital, établi à partir d’une structure normative du passif du gestionnaire de réseau » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel incluent une rémunération normale qui contribue notamment à la réalisation des investissements nécessaires pour le développement des réseaux et des installations. »

II. – À la première phrase du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 452-2, les mots : « méthodologies » sont remplacés par les mots : « méthodes ». – (Adopté.)

Article 42 bis B (nouveau)
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Articles additionnels après l'article 42 bis

Article 42 bis

L’avant-dernier alinéa du I de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque l’inventaire de ces besoins est effectué à l’aide d’une méthode statistique, le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité soumet préalablement les résultats de son estimation à l’approbation des maîtres d’ouvrage mentionnés à la première phrase du présent alinéa, qui complètent le cas échéant ces résultats afin de prendre en compte les besoins supplémentaires résultant des mesures réelles effectuées sur le terrain pour contrôler le respect des niveaux de qualité mentionnés à l’article L. 322-12 du code de l’énergie. » – (Adopté.)

Article 42 bis
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Article 43

Articles additionnels après l'article 42 bis

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 918, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 42 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au titre V du livre III du code de l’énergie, il est inséré un chapitre unique ainsi rédigé :

« CHAPITRE UNIQUE

« Consommateurs électro-intensifs

« Art. L. 351-1. – Les entreprises fortement consommatrices d’électricité, dont l’activité principale est exposée à la concurrence internationale, peuvent bénéficier, pour tout ou partie de leurs sites, de conditions particulières d’approvisionnement en électricité. En contrepartie, elles s’engagent à adopter les meilleures pratiques en termes d’efficacité énergétique.

« Les catégories de bénéficiaires sont définies par voie réglementaire, en tenant compte de critères choisis parmi les suivants :

« 1° Le rapport entre la quantité consommée d’électricité et la valeur ajoutée produite définie aux articles 1586 ter à 1586 sexies du code général des impôts ;

« 2° Le degré d’exposition à la concurrence internationale ;

« 3° Le volume annuel de consommation d’électricité ;

« 4° Les procédés industriels mis en œuvre.

« Les conditions particulières mentionnées au premier alinéa sont définies pour chacune de ces catégories. Pour en bénéficier, les entreprises et les sites visés au premier alinéa doivent adopter un plan de performance énergétique qui tient compte des meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable et disposer d’un agrément délivré par l’autorité administrative.

« En cas de non-respect des engagements d’efficacité énergétique, l’autorité administrative peut retirer le bénéfice des conditions particulières mentionnées au premier alinéa et prononcer la sanction pécuniaire prévue à l’article L. 142-31 du présent code, dans les conditions définies aux articles L. 142-30 à L. 142-36. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Cet amendement vise à régler le problème des électro-intensifs.

Sur cette question qui exige une analyse très fine, nous avons travaillé en liaison avec les présidents des commissions des affaires économiques du Sénat et de l’Assemblée nationale.

Comment donner à nos entreprises électro-intensives un accès compétitif à l’énergie, sans enfreindre les règles européennes de libre concurrence – nous avons en particulier examiné les avantages que nos voisins allemands confèrent à leur industrie, qui est compétitive depuis de longues années grâce à ces mesures – ni faire augmenter significativement les tarifs des particuliers en contrepartie des tarifs consentis aux industries, car il faut bien que quelqu’un paye ?

L’équilibre technique qui a été trouvé est retranscrit dans cet amendement, dont j’ose dire qu’il est le fruit d’une co-construction.

Cet amendement, de même que l’amendement n° 912, à l’article 43, s’appuie sur trois logiques : premièrement, la définition des entreprises électro-intensives, à qui serait consentie une réduction sur le tarif d’accès au réseau pouvant aller jusqu’à 90 % ; deuxièmement, la mise en place du mécanisme d’interruptibilité, à travers l’amendement n° 925 rectifié, qui tend à insérer un article additionnel après l’article 43 ; enfin, troisièmement, la possibilité d’une compensation des coûts du carbone.

Comme je le disais précédemment, ces dispositions s’inspirent du modèle allemand et permettront à nos industriels de se rapprocher des conditions de compétitivité de nos voisins. Elles peuvent être mises en place très rapidement, bien évidemment sous un contrôle des autorités européennes.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 964, présenté par M. Vial, est ainsi libellé :

Amendement n° 918, alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° Le rapport entre le coût de l’électricité consommée, toutes taxes et transport compris, sans prendre en compte pour le calcul de ce dernier le prix de l’électricité résultant des conditions particulières d’approvisionnement prévues au premier alinéa, et le coût de production des installations concernées.

La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement n° 191 rectifié quater, qui est en discussion commune avec l’amendement n° 918.

Mme la présidente. Pour la clarté des débats, je vais d’ores et déjà appeler cet amendement n° 191 rectifié quater, présenté par MM. Vial, Milon, Calvet, Carle et Longuet, Mme Troendlé, MM. Legendre, Lefèvre, Karoutchi et Laménie, Mme Deromedi, MM. Saugey, Vogel, Bizet, B. Fournier et Morisset, Mme Morhet-Richaud, M. Revet, Mmes Cayeux et Mélot et MM. Mandelli, P. Leroy et Portelli, et ainsi libellé :

Après l’article 42 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre VII du titre III du livre III du code de l’énergie est complété par une section ainsi rédigée :

« Section ...

« Art. L. 337-... – Dans la mesure où elles peuvent justifier de leur capacité à moduler leur consommation électrique afin de renforcer la sûreté du système électrique, notamment dans les périodes où la production électrique nationale est excédentaire ou déficitaire et/ou investissent dans des moyens de production additionnels sobres en énergie, les entreprises grandes consommatrices d’énergie et dont l’activité principale est exposée à la concurrence internationale peuvent bénéficier d’un tarif spécifique de fourniture.

« La Commission de régulation de l’énergie garantit le respect, par toute personne qui bénéficie ou qui contribue au présent dispositif, des dispositions d’ordre législatif, réglementaire ou contractuel applicables audit dispositif.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, après avis de la Commission de régulation de l’énergie. Ce décret définit :

« 1° les critères permettant d’identifier les entreprises susceptibles de bénéficier du dispositif ;

« 2° les modalités de calcul du tarif de fourniture ;

« 3° les modalités de contractualisation de ce dispositif dont la durée ne peut être inférieure à quinze ans ;

« 4° les moyens de contrôle et de sanction de la commission de régulation de l’énergie dans le cadre du suivi du présent dispositif. »

Veuillez poursuivre, monsieur Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Madame la ministre, les dispositions que vous nous présentez sont très intéressantes. Toutefois, vous avez procédé à un tir d’artillerie massif, si j’ose m’exprimer ainsi, et je voudrais m’assurer que nous parlons bien de la même chose.

Le sous-amendement n° 964 a pour objet de consolider la situation des entreprises électro-intensives en précisant leurs critères de définition.

En effet, l’une des premières questions qui va se poser lors de la mise en place de ce dispositif est de savoir quels vont en être les bénéficiaires, c’est-à-dire ce que l’on entend par « électro-intensifs » ou « hyper-électro-intensifs ».

Compte tenu de la présence, dans certains secteurs, de cycles économiques parfois très marqués, le critère de valeur ajoutée, proposé par le Gouvernement, peut ne pas paraître satisfaisant. Certains industriels, structurellement hyper-électro-intensifs, pourraient ainsi se retrouver, au gré de la conjoncture, à la frontière de l'éligibilité aux dispositifs d'aide.

Le critère proposé par mon sous-amendement rend compte, de manière plus stable dans le temps, de la nature électro-intensive d'une industrie. En bref, ce sous-amendement vise à cerner le mieux le possible ce qu’est une entreprise électro-intensive.

Madame la ministre, je reviendrai sur trois des points que vous avez abordés dans la présentation de votre amendement.

Le premier est le coût du transport. Rendons à César ce qui est à César : je salue le rapporteur, qui a souligné très tôt dans notre débat qu’il serait bon que nous puissions nous aligner sur la position allemande.

J’ai évoqué tout à l'heure la présentation du projet de loi par votre prédécesseur, madame la ministre. Il avait invité son homologue allemand. Celui-ci avait montré qu’il n’y avait pas d’incompatibilité entre le soutien au développement durable et le soutien à l’industrie. Il avait même dressé une liste d’avantages.

Les Allemands ont évidemment été « interpellés », pour dire les choses pudiquement, par l’Europe. Ils ont donc proposé une largesse à Bruxelles : payer 10 % du prix du transport. Il nous est aujourd'hui proposé de nous aligner sur ce dispositif. Cette harmonisation me semble une bonne chose. Je remercie le rapporteur d’avoir formulé cette proposition et Mme la ministre de l’avoir reprise.

Le deuxième point est l’interruptibilité. C’est quelque chose de très précis. Nos voisins en font abondamment usage. Nos amis italiens sont même allés jusqu’à braver Bruxelles en insérant une disposition contestée dans un texte. Cette disposition ayant été écartée par leur Cour de cassation, ils ont dû la réécrire.

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Nous aborderons ce sujet ultérieurement !

M. Jean-Pierre Vial. Je souhaitais répondre à Mme la ministre, mais, puisque vous me dites que nous y reviendrons plus tard, je m’arrête là.

Madame la ministre, je ne suis pas opposé à un rapprochement avec votre proposition. Je voudrais toutefois souligner deux points.

Tout d'abord, dans votre amendement, il n’est pas question de la durée d’application de la mesure. Or, cette durée, les industriels ont besoin de la connaître, et cela pour une raison très simple : ils ont besoin de cette garantie pour s’engager dans des investissements, a fortiori s’il s’agit, non plus seulement de moderniser des sites, mais d’en créer. En l’absence de cette garantie, le dispositif sera très intéressant, mais sans effet.

Par ailleurs, vous affirmez que le dispositif est proche du fonctionnement du marché capacitaire. Or ma proposition a été conçue – je suis un peu gêné, car nous abordons les amendements dans un ordre qui ne me permet pas d’en décrire facilement l’articulation – comme un volet complémentaire du marché capacitaire, comprenant l’effacement et l’interruptibilité.

Ce dispositif-là nécessite des moyens. Madame la ministre, si vous nous dites que le Gouvernement est prêt à faire ce qu’aucun gouvernement, j’en conviens, n’a fait depuis la loi NOME, je serai le premier à me rallier à votre proposition.

C’est parce que je sais que le Gouvernement ne peut pas s’engager dans cette voie que je propose un dispositif flexible, permettant aux industriels d’obtenir la mise à disposition de l’énergie disponible. En effet, vous l’avez compris, le grand problème que nous rencontrons, c’est que plus l’énergie renouvelable est mise sur le réseau, plus il y a d’énergie disponible, sans pour autant que cette énergie soit intégralement utilisée. Comme on n’est pas capable de stocker l’énergie, les industriels proposent d’adapter leur outil de production.

Madame la ministre, j’aimerais que vous nous apportiez des précisions. J’aimerais aussi que vous preniez l’engagement de prévoir une durée d’au moins quinze ans, afin que les industriels aient une perspective garantie.

Peut-être faudrait-il mettre sur pied une mission pour valider l’ensemble des mesures, compte tenu de leur technicité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?

M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. J’ai bien entendu les propos de Jean-Pierre Vial, qui a insisté à juste titre sur les inquiétudes des entreprises électro-intensives. Je le remercie de reconnaître que l’ensemble des mesures du projet de loi vont dans le bon sens.

Je me réjouis que le Gouvernement ait déposé l’amendement n° 918. Il montre ainsi qu’il est soucieux, comme Jean-Pierre Vial – d’autres collègues sont également intervenus sur ce sujet lors de la discussion générale –, d’aider les entreprises électro-intensives, qui sont dans une situation défavorable face à leurs concurrents allemands, car les autorités allemandes font preuve d’une ingéniosité extraordinaire pour leur donner des avantages sans que le couperet européen leur tombe sur le dos.

Madame la ministre, le mécanisme que vous proposez représente une première étape. Je sais – Jean-Pierre Vial en est lui aussi conscient – que votre marge de manœuvre est limitée dans la mesure où Bruxelles nous suit en quelque sorte mètre par mètre.

L’amendement vise à répondre à la nécessité de préserver la compétitivité de nos entreprises électro-intensives pour maintenir l’activité et l’emploi en France, mais également à un enjeu environnemental : faute de bénéficier de prix de l’électricité suffisamment compétitifs – ce serait l’idéal –, ces entreprises pourraient être contraintes de délocaliser leur production dans des pays aux législations moins vertueuses en matière de gaz à effet de serre, ce qui entraînerait des « fuites de carbone ».

Les catégories de bénéficiaires seront définies par voie réglementaire, selon des critères tenant compte de leur consommation d’électricité rapportée à la valeur ajoutée produite – critère d’électro-intensivité –, de leur exposition à la concurrence internationale – critère de marché –, du volume d’électricité consommée sur l’année et des procédés industriels mis en œuvre, c’est-à-dire l’utilisation massive de l’électricité comme intrant indispensable au procédé industriel, en l’absence de solution technique alternative.

Ce dispositif viendrait conforter et renforcer certaines dispositions que notre commission a modifiées, comme la réduction du TURPE prévue par l’article 43, ou introduites, comme la modulation de la redevance hydraulique, prévue par l’article 28, et la compensation des coûts indirects du CO2, prévue par l’article 44 ter.

L’amendement n° 918 est donc plus que bienvenu, et la commission y est très favorable.

Monsieur Vial, je vous demande de retirer le sous-amendement n° 964. J’ai bien compris que vous souhaitiez que le critère du rapport entre la quantité consommée d’électricité et la valeur ajoutée soit remplacé par un autre critère : le rapport entre le coût de l’électricité consommée et le coût de production. Je pense qu’il vaut mieux se rallier au ratio proposé par le Gouvernement : d'une part, la valeur ajoutée est mesurée par les services fiscaux, tandis que le coût de production est difficile à évaluer ; d'autre part, ce ratio est plus euro-compatible, dans la mesure il est retenu, par exemple, dans les lignes directrices européennes sur les aides de l’État.

Je vous invite à retirer également l’amendement n° 191 rectifié quater, car la préférence de la commission va à l’amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 964 et sur l’amendement n° 191 rectifié quater ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Je demande, moi aussi, le retrait du sous-amendement n° 964. En effet, les règles communautaires, et notamment les récentes lignes directrices sur les aides de l’État en matière d’énergie, utilisent la valeur ajoutée comme référence pour identifier les entreprises considérées comme électro-intensives. Or, vous le savez, la Commission européenne suit nos travaux avec beaucoup d’attention. Nous devons donc être vigilants, tout en utilisant au maximum nos marges de manœuvre ; c’est le sens de mon amendement.

Le critère que je propose permet aussi un meilleur ciblage des entreprises, même si le coût de production est un élément complémentaire très important. Pour tenir compte de votre observation, monsieur Vial, nous proposons d’utiliser la valeur ajoutée moyenne sur plusieurs années, afin de lisser les fluctuations. Cette proposition ne répond certes pas à votre souhait de prendre comme base le coût de production, ce qui serait en effet logique puisque le coût de production dépend des intrants, et donc de l’énergie. Cependant, le rapport entre la quantité consommée d’électricité et la valeur ajoutée constitue lui aussi un indicateur fort du caractère électro-intensif d’une entreprise. En outre, ce rapport n’est qu’un des critères pris en compte.

Vous avez soulevé la question de la pérennité du dispositif. Je peux vous rassurer : la pérennité est inscrite dans le projet de loi, qui prévoit une application rapide et sans limite de durée.

Je vous invite à retirer également l’amendement n° 191 rectifié quater, qui deviendra sans objet si l’amendement du Gouvernement est adopté.

Mme la présidente. Monsieur Vial, le sous-amendement n° 964 et l’amendement n° 191 rectifié quater sont-ils maintenus ?

M. Jean-Pierre Vial. Je salue les avancées réalisées par la commission et, à travers son amendement, par le Gouvernement.

En ce qui concerne le sous-amendement n° 964, je m’en rapporte à vos explications, monsieur le rapporteur, et je le retire.

En ce qui concerne l’amendement n° 191 rectifié quater, vous nous avez apporté des précisions, madame la ministre. Même si la durée demandée par les industriels n’est pas inscrite dans le texte, la loi devrait permettre de répondre à leur demande dans le cadre de conventions.

Je ne voudrais pas qu’il y ait de malentendu sur la philosophie et le fondement de ce dispositif très novateur. Vous avez souligné que nous étions sous le regard de l’Europe. Je souhaite que l’Europe regarde nos travaux avec beaucoup d’attention.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Pour s’en inspirer ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Vial. Nous avons parlé de l’hydroélectricité, de l’interruptibiltié et du marché capacitaire. Je ne dirais pas que nos voisins en abusent, mais ils l’utilisent abondamment. Je ne suis pas certain que leurs dispositifs soient très durables, car l’Europe les regarde aussi avec beaucoup d’attention. En revanche, le dispositif que nous proposons est éminemment durable, car il s’agit de permettre aux industriels d’aller chercher l’énergie disponible tout en adaptant leur outil de travail grâce à des procédés de production plus économes en énergie.

Avec cet amendement, nous sommes au cœur des fondamentaux de la transition énergétique. Il serait utile qu’un groupe de travail soit créé pour vous aider dans votre action, madame la ministre. Nous touchons là au troisième volet de l’accompagnement ; il s’agit d’un changement de paradigme.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 964 est retiré.

La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote sur l’amendement n°918.

M. Ronan Dantec. L’amendement du Gouvernement est vraiment très important. Son adoption aurait des conséquences économiques notables.

Je suis assez d’accord avec ce qu’a dit Jean-Pierre Vial, qui travaille beaucoup sur ces questions. La logique de sa proposition est intéressante ; à mon avis, il faudra y revenir.

Je me pose des questions assez précises. L’amendement du Gouvernement vise à permettre aux entreprises fortement consommatrices d’électricité de « bénéficier, pour tout ou partie de leurs sites, de conditions particulières d’approvisionnement en électricité ». Cette formulation est relativement vague. Je me posais notamment la question de savoir si cela pouvait concerner une part ETS – Emissions Trading Scheme – sur le coût de production électrique.

Ainsi, nous avons aujourd’hui un charbon produisant de l’électricité à faible coût, ce qui est un vrai désastre environnemental. Il s’agit d’un point d’accord avec le président Lenoir. Il nous faut donc absolument monter le coût de la tonne carbone via le système ETS, lequel est prévu à cet effet.

Madame la ministre, si nous réussissons à augmenter ce coût, cela signifierait-il que, pour ces électro-intensifs soumis à la concurrence internationale, nous ne percevrions plus la part ETS, par exemple ? Est-ce envisageable ?

Il s’agit d’un premier point important, mais, derrière, d’autres questions assez complexes vont se poser. En effet, nous pouvons imaginer que la part ETS sur une production allemande tombe dans les caisses de l’État allemand, tandis que les Allemands nous feraient bénéficier d’un prix sans ETS.

Le sujet est complexe, et je souhaite que vous nous apportiez des précisions, car je crains que nous ne nous dirigions vers un système qui ne serait pas le meilleur. En effet, face à la concurrence internationale, qui est le problème majeur qui se pose à nous en matière d’environnement, nous allons toujours vers le moins-disant, c’est-à-dire que, finalement, nous tendons vers la suppression de la régulation carbone, alors que nous devrions nous interroger sur la façon de lutter contre des concurrences déloyales à nos frontières en ajoutant une taxation sur des produits venant d’autres pays qui, eux, n’appliqueraient pas de taxation carbone.

Une telle attitude serait plus logique, non seulement à l’égard de la Chine, pays auquel tout le monde pense actuellement, mais également du Canada et des États-Unis, dans le cadre des négociations TAFTA.

Or j’ai le sentiment que nous ne sommes pas capables d’intégrer le coût environnemental dans une régulation internationale et que les dispositifs que nous proposons reviennent in fine à nous exonérer, nous aussi, d’un effort environnemental.

À mon sens, vous avez en partie perçu ce risque puisque vous avez beaucoup insisté sur le fait que les électro-intensifs devaient évidemment s’engager dans la voie de l’efficacité énergétique, ce qui est, je pense, la réponse que vous souhaitez apporter à ce problème. Néanmoins, à mon avis, il s’agit d’un système assez dangereux, qui est plutôt révélateur d’une certaine impuissance à faire entrer le coût environnemental dans les échanges internationaux.

Madame la ministre, je voudrais vraiment que vous nous apportiez une réponse précise sur cette question, réponse qui conditionnera notre vote.