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Dépôt de documents

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la contre-expertise de l’évaluation socio-économique du projet de nouvel hôpital Charles-Nicolle du centre hospitalier universitaire de Rouen accompagnée de l’avis du Commissariat général à l’investissement sur ce projet, la contre-expertise de l’évaluation socio-économique du projet de source européenne de spallation, ESS, accompagnée de l’avis du Commissariat général à l’investissement sur ce projet, la contre-expertise de l’évaluation socio-économique du projet de pôle Nation de l’université Sorbonne Nouvelle accompagnée de l’avis du Commissariat général à l’investissement sur ce projet, la contre-expertise de l’évaluation socio-économique du projet de pôle biologie-pharmacie-chimie de l’université Paris-Sud du plateau de Saclay accompagnée de l’avis du Commissariat général à l’investissement sur ce projet, la contre-expertise de l’évaluation socio-économique du projet de reconstruction du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre accompagnée de l’avis du Commissariat général à l’investissement sur ce projet.

Acte est donné du dépôt de ces documents.

Ils ont été transmis à la commission des finances, à la commission des affaires économiques ainsi qu’aux commissions intéressées.

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Dossier législatif : proposition de loi sur la participation des élus locaux aux organes de direction des deux sociétés composant l'Agence France locale
Discussion générale (suite)

Agence France locale

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi sur la participation des élus locaux aux organes de direction des deux sociétés composant l'Agence France locale
Article unique (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et apparentés, de la proposition de loi sur la participation des élus locaux aux organes de direction des deux sociétés composant l'Agence France locale, présentée par M. Gérard Collomb et plusieurs de ses collègues (proposition n° 536 [2013-2014], texte de la commission n° 316, rapport n° 315).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Anziani, coauteur de la proposition de loi et rapporteur.

M. Alain Anziani, coauteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’Agence France locale a été créée le 22 octobre 2013 pour répondre aux besoins de financement des collectivités territoriales. En raison de la rareté des liquidités, du changement d’orientation du Crédit agricole, de la disparition de Dexia, du poids des emprunts toxiques dans les budgets locaux, des règles prudentielles du comité de Bâle qui imposaient aux établissements bancaires d’augmenter leurs fonds propres, les collectivités territoriales ne parvenaient plus, ou en tout cas plus suffisamment, à financer leurs projets. Certaines sont allées directement sur les marchés financiers pour lever des fonds. C’était une bonne solution, mais elle était uniquement accessible aux collectivités territoriales les plus grandes. C’est la raison pour laquelle la plupart des associations d’élus ont porté un autre projet.

L’Agence France locale a comme particularité d’être détenue à 100 % par des collectivités territoriales. Elle a été créée par et pour les collectivités. Pour y adhérer, une collectivité doit obtenir une note de 1 à 5,99 sur une échelle allant de 1 à 7. À cela s’ajoute le fait que leur investissement ne pourra pas être financé en totalité par des fonds levés par l’Agence.

L’Agence France locale est scindée en deux sociétés anonymes : la société territoriale, qui est chargée du pilotage et de la gestion stratégique, et la société financière, qui est en quelque sorte le bras séculier puisqu’elle exerce de façon autonome l’activité de levée de fonds sur les marchés. Les créateurs de l’Agence ont essayé de bien distinguer les deux fonctions : d’un côté, la fonction d’orientation avec la présence des élus ; de l’autre, la fonction de gestion opérationnelle confiée, notamment, à un directoire constitué uniquement de banquiers nommés par le conseil de surveillance.

La proposition de loi de Gérard Collomb – je vous demande d’ailleurs de bien vouloir excuser notre collègue qui a été retenu à Lyon par des obligations – vise à clarifier le statut des élus locaux au sein de cette agence et à éviter que ceux-ci ne rencontrent des difficultés que nous connaissons bien. J’ajoute qu’une proposition de loi rédigée dans les mêmes termes est portée par Jacques Pélissard à l’Assemblée nationale et qu’une seconde proposition de loi, à caractère organique celle-ci, a été déposée sur le bureau du Sénat mais n’a pas encore été inscrite à notre ordre du jour.

La proposition de loi modifie plusieurs dispositions du code général des collectivités territoriales et, par voie de conséquence, du code électoral. Vous trouverez les détails dans mon rapport écrit ; je ne m’y attarderai donc pas. L’idée est la suivante : appliquer aux membres siégeant au sein de l’Agence les mêmes dispositions que celles qui s’appliquent aux élus siégeant dans les instances des sociétés d’économie mixte ou des sociétés publiques locales. Initialement, l’article unique contenait trois points : la commission a conservé les deux premiers, mais le troisième a été supprimé, et j’indiquerai pourquoi.

Premier point : un élu municipal, départemental ou régional siégeant au sein d’une instance de l’Agence peut-il être considéré comme intéressé à l’affaire lors de l’adoption, par sa propre collectivité, d’une délibération portant sur les relations de cette même collectivité avec l’une des deux instances dirigeantes ? Le risque est très limité, mais, pour éviter d’entacher d’illégalité la délibération, la proposition de loi vise à préciser que l’élu n’est pas intéressé à l’affaire. Je précise que cette notion n’a rien à voir avec la prise illégale d’intérêts.

Deuxième point : l’élu qui lève des fonds pour sa collectivité risque-t-il de se voir qualifié d’« entrepreneur de service local » ? Oui, c’est possible ! Nous proposons donc d’écarter cette éventualité en exonérant l’élu de toute présomption de qualification d’entrepreneur de service local.

Dernier point : l’élu peut-il être poursuivi dans le cadre de sa responsabilité civile ? Même s’il est faible, le doute existe. Cependant, en accord avec Gérard Collomb, la commission a supprimé de la proposition de loi la disposition qui écartait toute responsabilité civile personnelle de l’élu, car elle est contraire à la directive Résolution, qui précise la notion de responsabilité civile et pénale.

Mes chers collègues, je crois que le texte est tout à fait équilibré : il vise à protéger les membres de l’Agence dans des conditions extrêmement précises. En tant que rapporteur et coauteur de la proposition de loi avec Gérard Collomb, je vous invite donc à l’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, grâce à la mobilisation du Gouvernement, des parlementaires et des élus locaux, les collectivités territoriales disposent depuis le début de l’année 2015 d’un instrument de financement solidaire de leurs investissements : l’Agence France locale.

La gestation de cette agence a été très longue. Il nous a fallu franchir de nombreuses étapes : l’adoption de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, l’adoption de l’acte constitutif de l’Agence et de son pacte d’actionnaires, l’installation dans les locaux lyonnais, que j’ai eu l’honneur de visiter, l’avis de la Commission européenne relatif à la conformité du dispositif par rapport au droit des aides d’État et l’autorisation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Aujourd’hui, cette agence est pleinement opérationnelle. Elle procédera d’ailleurs dans les tout prochains jours à sa première émission groupée.

Cette nouvelle structure, il nous faut en mesurer la portée. Car, dans un modèle comme le nôtre, au sein duquel les finances publiques restent largement centralisées, la création d’une telle agence de financement constitue un approfondissement important pour le mouvement de décentralisation. Elle témoigne de la confiance qu’a le Gouvernement dans les collectivités locales. Elle témoigne également de la capacité d’initiative du monde local, de son aptitude à construire de manière coordonnée des projets innovants, professionnels et solidaires au service de l’action publique.

Cette agence, créée et pilotée par les collectivités, leur permet, quelle que soit leur taille, d’accéder de manière simple et mutualisée au marché obligataire. Ainsi, les collectivités bénéficient à la fois de taux attractifs et de bonnes garanties de sécurité, ce qui est de nature à favoriser l’investissement public local dans des projets utiles à l’ensemble de nos concitoyens.

L’Agence apporte par ailleurs une réponse adaptée aux défaillances du marché du financement des collectivités territoriales. La crise du crédit intervenue en 2012 ne nous a que trop montré les effets engendrés par de telles défaillances. L’Agence France locale apportera une garantie structurelle aux collectivités territoriales qui choisiront d’en être membres. N’oublions pas que la situation des taux d’intérêt et de la disponibilité du crédit que nous connaissons aujourd’hui est conjoncturelle !

Par la proposition de loi dont nous allons débattre cet après-midi, vous souhaitez sécuriser les conditions de participation des élus représentant leur collectivité territoriale dans les instances dirigeantes de l’Agence France locale. C’est un objectif auquel le Gouvernement souscrit également. En effet, il semble évident que l’une des conditions de réussite de la nouvelle Agence France locale réside dans une participation effective des élus locaux au sein de ses instances dirigeantes, que ce soit le conseil d’administration de la société territoriale ou le conseil de surveillance de la société financière. La création du statut protecteur particulier que vous proposez semble ainsi à même de garantir l’exercice efficace par les élus locaux de leur mandat social, au nom de la collectivité territoriale ou du groupement qu’ils représentent.

Le Gouvernement ne voit pas de raison de s’opposer aux dispositions dérogatoires introduites par cette proposition de loi, qui s’inspirent de celles aujourd’hui applicables aux élus mandataires siégeant au sein d’une société publique locale. Il a donc décidé de vous soutenir.

Par ces dispositions, les élus siégeant au sein d’une instance de l’Agence ne peuvent être considérés comme intéressés à l’affaire lors de l’adoption, par leur collectivité, d’une délibération portant sur les relations de cette même collectivité avec l’une des deux instances dirigeantes. Cela signifie également qu’ils sont protégés du risque de se voir qualifiés d’« entrepreneur de service local », sujet qui nous avait intéressés au plus haut point lors du premier débat organisé par l’Association des maires de France sur l’Agence.

Le Gouvernement est également satisfait de la suppression de l’alinéa 4 par votre commission des lois : cette disposition sur l’exonération des élus locaux de leur responsabilité civile au titre de leur fonction était effectivement contraire à une disposition de la directive européenne Résolution, dont la transposition devrait intervenir très prochainement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, le Gouvernement souscrit aux objectifs qui sont les vôtres. Avec l’Agence France locale, nous allons garantir un accès stable, durable et important à des financements de qualité pour l’ensemble de nos collectivités. Nous allons faciliter l’investissement local et le développement de services publics pour nos concitoyens. Je me réjouis donc de voir que les élus nationaux et locaux sont fortement mobilisés et impliqués dans ce dossier.

Je me permets d’ajouter un mot sur un sujet ne figurant pas à l’ordre du jour de cette discussion, mais sur lequel un certain nombre de sénateurs – sans parler des élus locaux – nous ont déjà interrogés. Si je souhaite en parler à la tribune, c’est que nous allons prochainement avoir l’occasion d’y réfléchir collectivement. Il s’agit des incompatibilités entre mandat exécutif et présidence d’une organisation locale, notamment lorsque l’élu est président de droit. C’est dans ce cas que des problèmes existent. Il nous faut regarder précisément quelles conséquences cette situation entraîne.

Peut-être pourrions-nous profiter de la commission mixte paritaire relative à la proposition de loi Sueur-Gourault pour réfléchir aux conditions d’exercice du mandat local. Il me semble que ce sujet pourrait être réglé facilement, ce qui éviterait bien des inquiétudes à nos élus locaux.

Quoi qu’il en soit, je tiens à vous remercier de cette proposition de loi, à même d’aplanir les dernières difficultés et de permettre à l’Agence de travailler sereinement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd’hui vise à permettre aux élus locaux, membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance des deux sociétés composant l’Agence France locale, de participer aux délibérations sans être inquiétés dans l’exercice de leur mandat local ou de leurs responsabilités au sein même de l’Agence. Il ne s’agit donc pas d’exprimer un vote favorable ou non sur l’existence de l’Agence France locale, dont nous avons soutenu la création lors des débats organisés par l’Association des maires de France. Il s’agit ici de voter un texte visant un nombre certes infime d’élus, mais portant sur des enjeux et des sommes inversement proportionnels à ce petit nombre.

Cela nous invite à nous interroger sur la pertinence d’un statut dérogatoire aux pratiques actuelles. Ce peut être parfois compliqué, mais le principe de réalité fait qu’aujourd’hui un élu se déporte systématiquement lors du vote, par exemple, d’une subvention pour une association dont il est membre ou qu’il préside. Dans le cas présent, l’élu prendrait part à une décision à laquelle on ne peut dire qu’il n’a aucun intérêt direct. Même si les élus sont responsables, rigoureux et toujours soucieux de l’intérêt général, être juge et partie est une position inconfortable, à laquelle nous ne pouvons adhérer.

Parler de l’Agence France locale c’est, de fait, poser la question du financement de nos collectivités. Alain Anziani rappelle dans son rapport que nos collectivités territoriales sont aujourd’hui confrontées à la « crise des leviers traditionnels de financement des investissements locaux » : depuis 2008, les banques ne prennent quasiment plus aucun risque. Même si certains nous disent aujourd’hui que les signaux reviennent au vert, nous constatons sur le terrain que les banques continuent à ne prendre aucun risque pour aider les collectivités territoriales, sinon des risques réduits. Comme le souligne encore le rapport, le volume moyen proposé par les établissements de crédit ne représente que 28 % des sommes demandées.

M. le rapporteur met également en évidence la situation des collectivités confrontées à la fois à la fin de Dexia et aux emprunts toxiques souscrits avant 2009. L’envol du cours du franc suisse met chaque jour un peu plus en péril les finances du millier de communes, départements ou régions ayant souscrit ce type d’emprunts. En effet, plus de la moitié de ces collectivités territoriales – près de 900 sur 1 600 – ont contracté des emprunts indexés sur cette devise. On ne peut que partager l’inquiétude grandissante des élus concernés.

La commune de moins de 9 000 habitants, dans le département de la Loire, dont j’ai été l’élue jusqu’en 2011, fait face à un taux d’intérêt de 27,65 % depuis janvier dernier. Cela revient pour elle à rembourser annuellement, et ce jusqu’en 2035, 951 000 euros, soit neuf fois le capital restant dû de 2,5 millions d’euros ! Quand on sait qu’une somme de 800 000 euros équivaut à 10 % du budget de fonctionnement de cette commune, on comprend qu’il s’agit d’une situation impossible, sauf à ne plus assurer certaines missions essentielles telles que, par exemple, la cantine scolaire ou le déneigement.

Nous regrettons, madame la ministre, que vous ne fassiez pas preuve du même volontarisme dans la recherche d’une solution évitant aux contribuables de payer la note des errements passés – notamment ceux des banques – que celui que vous avez montré pour soutenir le développement de l’Agence France locale. Allez-vous enfin – nous vous avions déjà interpellée sur ce sujet à la fin de l’année dernière – solliciter les autres acteurs impliqués dans ce scandale, dont ils tirent toujours d’importants bénéfices financiers ? Je pense bien évidemment aux banques d’investissement – françaises ou étrangères –, qui sont nombreuses et bien souvent célèbres… Ces établissements doivent aujourd’hui prendre leurs responsabilités et contribuer à l’assainissement des budgets de nos collectivités, en contrepartie des emprunts toxiques. Ils doivent régler une partie de la note. C’est aussi de cette façon que nous redonnerons un peu de souffle à nos collectivités territoriales.

Il faudrait que la Société de financement local, la SFIL – donc l’État –, qui a hérité des prêts de Dexia, menace d’attaquer en justice ces banques d’investissement pour avoir caché leurs marges à Dexia au moment de la construction de ces emprunts structurés, dits toxiques. Or, pour l’instant, elles ne sont toujours pas inquiétées.

Vous l’aurez compris, notre groupe ne votera pas la proposition de loi, même si nous sommes à la veille de la tenue de l’assemblée générale de l’Agence. Nous pensons que ce statut particulier ne répond pas aux besoins de financement de nos collectivités territoriales et qu’il ouvre beaucoup d’autres questions sans y apporter de réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, le coauteur et interprète de cette proposition de loi ayant présenté ses différents aspects, la structure de l’organisation de l’Agence et ses modalités d’intervention, je ferai l’économie d’un long discours.

S’il était attendu et qu’il coule de source, ce texte n’en est pas anodin pour autant. Il vient mettre un point final à une histoire commencée en 2008 et qui s’est poursuivie avec la chute de la maison Dexia, laquelle finançait près de 40 % des prêts aux collectivités territoriales. Et ne parlons pas des aventures exotiques de certains banquiers, comme cela a été souligné en langage plus diplomatique, qui ont préféré aller s’enrichir ailleurs plutôt que de prêter aux collectivités territoriales ! Si ces banquiers ne prêtaient pas aux collectivités à l’époque et qu’ils y sont encore réticents, ce n’est pas pour des raisons de prudence, mais parce que ces opérations ne sont pas assez lucratives. Il était donc urgent – Mme la ministre a dit avec élégance que la réponse à cette urgence avait un peu tardé – de reconstituer un système de financement des collectivités territoriales. Ce système repose donc désormais sur deux piliers.

Après une période de bricolage durant laquelle la Caisse des dépôts et consignations débloquait au cas par cas quelques milliards d’euros pour faire face aux échéances, avec le concours de la Banque postale, la création de la SFIL et de sa filiale, la Caisse française de financement local, ou CAFFIL, en charge des refinancements, a permis l’émergence d’un système bancaire dédié au financement des collectivités territoriales.

Reste, comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen du texte en commission, que la fameuse CAFFIL a hérité de Dexia tout un ensemble de créances pourries qui demeurent dans les bilans. D’où l’exercice de prestidigitation ayant présidé à la mise en place d’un certain nombre de dispositions visant à atténuer les effets, sur les finances de l’État, des emprunts toxiques. Toutefois, rien ne dit que nous sommes à l’abri d’une nouvelle catastrophe…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est vrai !

M. Pierre-Yves Collombat. C'est la raison pour laquelle j’ai toujours pensé qu’il était utile – ce qui semble un peu exotique en France, alors qu’un tel système est très courant dans d’autres pays, notamment aux États-Unis – de permettre aux collectivités territoriales d’emprunter directement sur les marchés, d’émettre des obligations.

Tel est l’objet de l’Agence de financement des collectivités, devenue Agence France locale, dont la création a été autorisée par un amendement à la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires. C’est certainement tout ce qui restera de cette loi…

M. André Reichardt. C’est sévère ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)

M. Pierre-Yves Collombat. Cette création est une très bonne idée. Elle a d'ailleurs été soutenue par l’essentiel des associations – l’Association des maires de France, au premier chef, mais je suis content de pouvoir dire que l’Association des maires ruraux de France a modestement appuyé le projet. Je me félicite aussi que l’on ait fait en sorte que l’Agence ne soit pas un outil réservé aux grandes collectivités : les petites pourront en bénéficier sous certaines conditions de température et de pression… Je n’y insiste pas. Je pense que ce système nous permettra de faire face aux prochaines échéances.

L’objet strict de la proposition de loi est de sécuriser les élus qui auront un rôle de décideurs au sein de l’Agence. Je n’y insiste pas non plus.

Je souhaite revenir sur le problème de la responsabilité des élus, que j’ai déjà abordé en commission. Madame la ministre, vous avez évoqué la commission mixte paritaire sur ce qui ressemble un peu, de très loin, dans le brouillard, à un statut de l’élu. Bien que M. Anziani nous ait rappelé qu’il ne s’agit pas du problème de la prise illégale d’intérêts, mais de quelque chose de tout à fait différent, j’aimerais que l’on sécurise le statut des élus qui agissent non pas en leur nom personnel mais au nom de leur collectivité, afin qu’ils ne soient pas ennuyés alors qu’ils n’ont aucune intention de nuire ni aucune volonté d’enrichissement personnel.

C’est avec plaisir que notre groupe soutiendra unanimement la proposition de loi. Sous ses dehors anodins, elle nous rappelle que nous revenons de loin. Il est heureux que nous soyons sortis de cette période où nous avons tâtonné pendant trop longtemps. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites sur cette proposition de loi, qui est très spécifique, puisqu’elle a pour objet de préciser le statut des élus qui siégeront dans les instances dirigeantes de l’Agence France locale.

La création d’une agence de financement des collectivités locales a été décidée par le biais d’un amendement gouvernemental au projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires. M. Collombat estime que c’est tout ce qui restera du texte. En tout cas, c’est un élément important, qui, selon moi, n’a pas été suffisamment débattu. L’amendement gouvernemental ayant été adopté il y a presque deux ans jour pour jour, on peut en effet considérer que la gestation a été longue, madame la ministre…

L’Agence répond à l’attente qu’avaient exprimée un certain nombre de collectivités dans une période de panique conjoncturelle au sujet de leur financement : disparition de l’opérateur historique et principal Dexia, emprunts toxiques affectant beaucoup de budgets locaux – ils en affectent toujours beaucoup, d'ailleurs –, note de la France abaissée, contraintes supplémentaires imposées aux banques par le comité de Bâle... Reste que je ne connais aucune collectivité confrontée à ce type de problème dans mon département. Mais, après tout, proposer un système de financement complémentaire, pourquoi pas ?

Les objectifs initiaux étaient très ambitieux : 50 % des collectivités devaient adhérer à l’Agence ; 4 milliards d'euros de financement étaient prévus. J’ignore si ces objectifs sont toujours d’actualité, mais, pour le moment, nous en sommes très loin : seules soixante-dix-huit collectivités adhèrent à l’Agence, qui ne possède que 36 millions d'euros de fonds propres. L’Agence n’en est cependant qu’à ses premiers pas. On peut considérer qu’elle va grossir et attirer d’autres collectivités.

Je ne reviendrai pas sur le choix des collectivités qui peuvent accéder aux financements de l’Agence. Je ne connais pas le détail des notations. Je sais qu’il faut obtenir une note allant de 1 à 5,99 sur une échelle de 1 à 7 pour pouvoir adhérer à l’Agence, mais j’ignore si 50 % des collectivités pourraient en bénéficier.

Le problème de la mutualisation du risque inhérente au fonctionnement de l’Agence doit être regardé de très près. Je pense que les élus qui piloteront l’Agence y feront attention. C’est nécessaire, car toutes les collectivités ne sont pas gérées de la même façon.

M. André Reichardt. Absolument !

M. Vincent Delahaye. J’en viens à l’objet de la proposition de loi : faut-il prévoir un statut particulier pour les élus qui siégeront au sein de l’Agence ? Le groupe UDI-UC s’est posé la question. Nous sommes contents que la partie relative à la responsabilité civile ait été retirée du texte, car son opportunité n’était pas évidente. La commission des lois a travaillé sur ce sujet ; nous aurions aimé que la commission des finances y travaille également. Un avis juridique du Conseil d'État n’aurait pas non plus été inutile.

Il est évident que les élus qui représentent leur collectivité dans les instances dirigeantes de l’Agence ne doivent pas être considérés comme des entrepreneurs de services locaux. En revanche, je me demande s’il est légitime qu’ils ne soient pas considérés comme étant intéressés à l’affaire quand leur collectivité délibère sur un financement accordé par l’Agence. Lorsqu’on étudie les comptes administratifs, les ordonnateurs doivent sortir de la salle et ils ne participent pas au vote. De même, les élus membres du conseil d'administration d’une société d’économie mixte ne participent pas au vote lorsque leur collectivité délibère sur des sujets relatifs à cette SEM ; en tout cas, c’est ainsi que les choses se passent dans ma collectivité. Je ne comprends pas pourquoi les élus qui représentent leur collectivité dans les instances dirigeantes de l’Agence n’adoptent pas cette attitude. Nous pourrions ainsi résoudre le problème sans avoir besoin d’affirmer qu’ils ne sont pas considérés comme étant intéressés à l’affaire.

Même si le groupe UDI-UC s’interroge sur ce point – nous espérons avoir des réponses aux observations que je viens de formuler –, il a décidé de voter la proposition de loi. En effet, nous ne voulons pas entraver les premiers pas de l’Agence, dont la création répond à la demande d’un certain nombre de collectivités. Nous souhaitons les encourager à avancer dans cette direction. Nous les appelons toutefois à gérer l’Agence avec prudence, car le système peut comporter des risques ; je le dis à l’intention des auteurs de la proposition de loi, mais aussi de tous les membres de l’Agence.