Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je ne fais pas partie de la commission spéciale, mais il s’agit évidemment d’un sujet qui m’interpelle.

Que voulons-nous, mes chers collègues ? Nous opposons en permanence la pénalisation des utilisateurs à celle des prostituées. Ne pourrions-nous pas aller un peu plus loin ? Nous sommes des parlementaires ! Nous la voulons, cette abolition ! La prostitution, c’est l’esclavage, la violence la plus inhumaine qui soit !

Comment faire ? Abolir le délit de racolage, ce serait effectivement retirer aux forces de police la possibilité d’identifier les prostituées et, peut-être, de les aider à sortir de cet engrenage infernal. (Exclamations sur quelques travées du groupe socialiste.)

Bien entendu, il faut un parcours de sortie ; Mme la secrétaire d’État y a fait référence. Mais, pour aider ces femmes, il faut d’abord les identifier !

Aussi, je suis désolée, mais je ne suis pas pour la suppression du délit de racolage. Je pense que ce dispositif est un outil, certes insuffisant, peut-être mal adapté, mais nécessaire pour identifier ces femmes, qui sont effectivement des victimes. D’ailleurs, il n’y a pas de contradiction ; ce n’est pas parce qu’une femme sera conduite au poste de police pour racolage qu’elle ne sera pas une victime ! Les deux éléments peuvent être indépendants.

Au demeurant, selon une étude réalisée en 2014 par des universitaires britanniques – il ne me semble pas qu’elle ait été mentionnée dans cet hémicycle –, 98 % des prostituées sont hostiles à la pénalisation des clients, qui, selon elles, leur causerait une perte de revenus et les rendrait encore plus vulnérables.

S’il fallait choisir entre les deux mesures, j’opterais pour la pénalisation du client. Mais, en conscience, je préférerais voter à la fois contre la suppression du délit de racolage et pour la pénalisation des clients.

Je crois qu’il faut vraiment sortir de la situation actuelle. J’ai l’impression que nous tournons en rond depuis des années. Tout se passe comme si c’était un crime d’envisager que la prostitution puisse un jour devenir illégale et que nous puissions un jour enfin sauver les victimes – car ce sont bien des victimes ! – de la prostitution.

Et pardon si je ne suis pas consensuelle !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je rappelle que, intervenant sur l’article, je me suis prononcé pour une modification de l’article 225-10-1 du code pénal.

Je suis tout à fait favorable à la suppression du délit de racolage passif. Simplement, l’article 13 ne supprime pas seulement le délit de racolage passif ; il supprime le délit de racolage tout court !

Aujourd'hui, il y a le racolage qui se voit, par exemple dans la rue, mais, si on supprime totalement le délit de racolage, tous les moyens seront bons : internet, petites annonces, distributions de tracts, appels téléphoniques…

À mon sens, pour éviter que les personnes prostituées, c'est-à-dire les victimes, ne soient sanctionnées alors qu’elles ne le méritent pas – c’est bien notre objectif –, il suffit de modifier la rédaction de l’article 225-10-1 du code pénal, en retirant les mots : « y compris par une attitude même passive, ». Car c’est bien là qu’est le nœud du problème.

Si l’article 225-10-1 est supprimé, il n’y aura plus aucune disposition sur le racolage actif dans le code pénal.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Mais si ! J’ai répondu sur ce point !

M. Jean-Pierre Godefroy. J’ai bien entendu vos propos, madame la secrétaire d’État. Mais je souhaite bien du plaisir aux personnes qui seront chargées de vérifier ce qui relève de « l’exhibitionnisme » ou de « l’atteinte aux bonnes mœurs » : cela ne va pas forcément de soi !

Quant aux arrêtés des maires, ils concerneront essentiellement le stationnement ou l’interdiction sur certains lieux précis. Les maires ne pourront pas prononcer d’interdiction générale sur tout un territoire ; ce serait presque du réglementarisme.

Dans le même temps, le racolage sera complètement libre !

C'est le sens de mon interpellation. Ma conviction profonde, c’est qu’il ne faut surtout pas pénaliser les personnes prostituées. Certes, dans les faits, la distinction n’est pas toujours aussi nette. Il y a une hiérarchie parmi les personnes qui se prostituent ; certaines sont victimes, quand d’autres sont à la fois victimes et exploiteuses. Tout n’est pas tout blanc !

Je ne voterai pas le rétablissement de l’article 225-10-1 dans sa rédaction actuelle, mais je pense que ce serait une erreur de supprimer toute référence au racolage dans le code pénal. À mon avis, nous devrions profiter de la navette pour réécrire le dispositif.

À cet égard, si nous optons pour un vote conforme sur les articles 13 et 16 de la proposition de loi, ils ne reviendront plus en discussion ; c’est le principe de l’entonnoir. Or la question du racolage mérite plus ample réflexion. Il y a sans doute besoin d’une rédaction plus cohérente. Il ne faut évidemment pas pénaliser les prostituées, qui sont des victimes. En revanche, il faut garder dans notre arsenal pénal des instruments de lutte contre le racolage, qui peut être actif, sous toutes ses formes.

Aujourd'hui, il est déjà très difficile, même avec les dispositions en vigueur, de faire condamner les personnes qui lancent certains types de messages sur internet. Avec la suppression du délit de racolage, cela deviendrait tout bonnement impossible !

Entendons-nous bien : mon propos n’est pas de casser la logique de la présente proposition de loi. Mais, encore une fois, je pense que c’est une faute de retirer toute référence au racolage dans le code pénal.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Outre la difficulté que j’ai évoquée précédemment, je suis troublée de constater combien la Haute Assemblée insiste sur tous les aspects positifs qu’il y aurait à maintenir le délit de racolage. En revanche, quand il s’agit de la pénalisation des clients, le président de la commission, notamment, parle de « légèreté » et notre assemblée ne creuse pas la question plus avant. Il y a donc deux poids, deux mesures !

Le Sénat s’accroche à une disposition qui n’a pas prouvé son efficacité – je l’ai dit dans mon propos liminaire, comme plusieurs de mes collègues – sans davantage réfléchir à la manière de faire reculer la prostitution, et donc de l’abolir.

Comme l’a souligné très justement Brigitte Gonthier-Maurin, ce texte repose sur quatre piliers. Pourtant, dès que l’on cherche à explorer des pistes importantes, les réactions sont tout à fait disproportionnées. On évoque tels et tels obstacles, qui semblent majeurs. Par exemple, il ne peut être question de s’attaquer au client. Pourquoi ? Mystère… Ce serait peut-être un crime de lèse-majesté ? Mais si les uns et les autres évoquent des motifs divers, on voit que se reforme une coalition pour que l’on ne touche pas au client. Est-ce à dire que le client est totalement irresponsable et hors du système prostitutionnel ? Tout tend pourtant à prouver le contraire !

Certains disent vouloir s’attaquer aux réseaux de proxénétisme, mais tout cela n’est qu’incantatoire. La proposition de loi ouvre un chemin, et un chemin important. Mais si vous vous accordez à reconnaître ici, la main sur le cœur, l’air extrêmement touché, que les prostituées sont des victimes, chers collègues, vous n’hésitez pas à emprunter le chemin traditionnel de la criminalisation et à pénaliser ces « pauvres femmes », comme vous dites non sans une certaine suffisance !

Au bout du compte, ce texte aura des répercussions extrêmement graves, car il va à l’encontre du projet gouvernemental et constituera pour le coup un appel d’air pour les clients comme pour les réseaux de proxénétisme, lesquels pourront continuer leur trafic allègrement.

Contrairement à ce que vous affirmez, quand vous défendez au Sénat le rétablissement du délit de racolage, vous déniez aux prostituées leur qualité de victimes. Tout le travail de réinsertion s’en trouve laminé. Or les spécialistes – non pas Robert Badinter, mais des psychologues et des psychanalystes – s’accordent à dire que, pour qu’une victime se reconstruise, il faut qu’elle soit reconnue comme telle et donc que l’on sorte du déni.

Aujourd'hui, le Sénat piétine des principes essentiels, au nom de je ne sais quelle certitude fondée sur des images préconçues, pour mieux éviter de considérer la prostitution pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une violence ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Michelle Meunier, rapporteur. Je serai brève, car Laurence Cohen vient de résumer ma pensée.

Nous nous sommes beaucoup focalisés ces derniers mois sur les articles 16 et 17. J’en veux pour preuve le fait que la commission spéciale n’est pas revenue, au mois de juillet dernier, sur l’abrogation prévue à l’article 13. Or il est brutalement proposé ici de supprimer cet article. C’est une erreur, qui vide la proposition de loi de toute sa philosophie.

Il s’agissait d’élaborer un texte équilibré, ne faisant pas reposer l’entière responsabilité de la prostitution sur les seules prostituées, mais mettant en cause également les clients.

À titre personnel, je ne voterai pas cet amendement, qui vise à rétablir le délit de racolage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié, tendant à supprimer l’article 13.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Mmes et MM. les secrétaires m’informent qu’il y a lieu de procéder au pointage des votes. Cette opération prenant un certain temps, nous allons interrompre maintenant nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 13, au résultat, après pointage, du scrutin n° 112 sur l'amendement n° 1 rectifié.

Voici donc le résultat du scrutin n° 112 :

Nombre de votants 334
Nombre de suffrages exprimés 323
Pour l’adoption 162
Contre 161

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 13 est supprimé.

Article 13 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées
Intitulé du chapitre II (précédemment réservé)

Article 14

(Non modifié)

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

1° À la première phrase du 2° du I de l’article 225-20, la référence : « 225-10-1, » est supprimée ;

2° À l’article 225-25, les mots : « , à l’exception de celle prévue par l’article 225-10-1, » sont supprimés.

II. – Au 5° de l’article 398-1 et au 4° du I de l’article 837 du code de procédure pénale, la référence : « 225-10-1, » est supprimée.

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Vial et Pillet, Mme Deroche, MM. Grosdidier, Courtois et Gournac, Mmes Kammermann et Troendlé et MM. Buffet et B. Fournier, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Il s’agit d’un amendement de conséquence.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 14 est supprimé et l'amendement n° 41 n’a plus d’objet.

Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes :

L'amendement n° 41, présenté par Mme Meunier, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

4 ° du

par les mots :

sixième alinéa du

Article 14 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées
Article 14 ter

Intitulé du chapitre II (précédemment réservé)

M. le président. Nous en sommes parvenus à l’intitulé du chapitre II, précédemment réservé.

L'amendement n° 19 rectifié bis, présenté par Mmes Blondin et Lepage, M. Courteau, Mmes E. Giraud, Monier, Tocqueville, Jourda et Guillemot, MM. Kaltenbach, Carvounas, Berson, Tourenne, Desplan et Roger, Mme D. Michel, MM. Filleul, Madrelle et Lalande, Mme Ghali, MM. Manable et Miquel, Mmes Cartron, Génisson, Conway-Mouret et Bataille et M. Durain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi l’intitulé de ce chapitre :

Protection des victimes de la prostitution et création d’un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle

La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Il s’agit non seulement de protéger et d’accompagner les personnes prostituées, mais également d’instituer un véritable parcours de sortie de la prostitution, en collaboration étroite avec les associations.

Ce dispositif est essentiel pour offrir aux personnes prostituées une alternative crédible à l’activité prostitutionnelle, tout en leur apportant un soutien global sur le plan social, notamment en matière d’accès au logement et aux soins.

C’est pourquoi nous souhaitons, par cet amendement, rétablir l’intitulé initial du chapitre II, tout en tenant compte des apports de la commission spéciale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Michelle Meunier, rapporteur. La commission spéciale s’en était remise à la sagesse du Sénat sur cet amendement. Toutefois, la création d’un parcours de sortie de la prostitution n’ayant pas été retenue, il me paraîtrait plus sage, par cohérence, de retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Même avis.

M. le président. Madame Blondin, l'amendement n° 19 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Maryvonne Blondin. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié bis.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

Chapitre II bis

Prévention et accompagnement vers les soins des personnes prostituées pour une prise en charge globale

Intitulé du chapitre II (précédemment réservé)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées
Article 15

Article 14 ter

Le livre Ier du code de la santé publique est complété par un titre VIII ainsi rédigé :

« Titre VIII

« Réduction des risques relatifs à la prostitution

« Art. L. 1181-1. – La politique de réduction des risques en direction des personnes prostituées consiste à prévenir les infections sexuellement transmissibles ainsi que les autres risques sanitaires, les risques sociaux et psychologiques liés à la prostitution.

« Les actions de réduction des risques sont conduites selon des orientations définies par un document national de référence approuvé par décret. »

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 14 ter s’inscrit pleinement dans la philosophie de cette proposition de loi, qui vise à offrir un accompagnement à la fois social et sanitaire aux personnes prostituées.

À cet égard, je voudrais souligner qu’il est incohérent d’avoir rétabli le délit de racolage : les personnes prostituées sont ainsi considérées comme des criminelles, tandis que cet article vise, légitimement, à mieux prendre en compte leur santé.

L’article 14 ter a en effet pour objet de définir le cadre dans lequel doit s’inscrire la politique de réduction des risques sanitaires pour les personnes prostituées. On le sait, du fait des conditions de vie difficiles de nombre d’entre elles, le dépistage et la prévention des maladies et des infections sexuellement transmissibles sont pratiqués assez rarement, malgré le travail effectué par des associations de terrain, dont il convient de souligner la pugnacité, les moyens n’étant pas toujours au rendez-vous.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En ce sens, je souscris aux modifications apportées au texte par la commission spéciale et tendant à préciser que, si le rôle de l’État doit être réaffirmé, celui des autres acteurs est tout aussi essentiel.

En outre, l’emploi du terme « dommages » ne me semble pas approprié. Il est préférable de parler de réduction des risques pour les personnes prostituées, via une politique d’information et de dépistage régulier.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe CRC votera l’article 14 ter.

M. le président. Je mets aux voix l'article 14 ter.

(L'article 14 ter est adopté.)

Chapitre III

Prévention des pratiques prostitutionnelles et du recours à la prostitution

Article 14 ter
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées
Article 15 bis A

Article 15

Après l’article L. 312-17-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 312-17-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 312-17-1-1. – Une information sur les réalités de la prostitution est dispensée dans les collèges et les lycées par groupes d’âge homogène. Elle porte également sur les enjeux liés aux représentations sociales du corps humain. » – (Adopté.)

Article 15
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées
Article 15 bis

Article 15 bis A

(Supprimé)

Article 15 bis A
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées
Article 16 (supprimé)

Article 15 bis

Le premier alinéa de l’article L. 312-16 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Après la première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :

« Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. Elles contribuent à l’apprentissage du respect dû au corps humain. » ;

2° À la deuxième phrase, les mots : « Ces séances pourront » sont remplacés par les mots : « Elles peuvent » ;

3° À la troisième phrase, le mot : « pourront » est remplacé par le mot : « peuvent ». – (Adopté.)

Chapitre IV

(Division et intitulé supprimés)

Article 15 bis
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Article 17 (supprimé)

Article 16

(Supprimé)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l’article.

M. Jean-Pierre Godefroy. Comme je l’ai indiqué précédemment, j’aurais aimé que nous puissions aborder les articles 13 et 16 simultanément.

Au Danemark, une commission du code pénal est chargée de conclure à l’opportunité d’adopter ou de modifier une législation. Ce pays a renoncé à s’engager dans la voie de la pénalisation du client, estimant que les mesures adoptées en Suède et en Norvège étaient inopportunes et que, dans la pratique, la mise en œuvre d’un tel dispositif législatif avait une incidence défavorable sur le sort des personnes prostituées.

Le rapport de cette commission souligne en outre que, au regard des expériences suédoise et norvégienne, les effets positifs d’une pénalisation du sexe marchand seraient limités. Seules des actions intensives de la police – le rapport parle de raids, de razzias – pourraient avoir une efficacité, encore ne serait-elle que momentanée. Il ajoute que l’effet secondaire probable d’une interdiction serait de rendre le travail des prostituées plus difficile et de donner un pouvoir exorbitant au client. Certains services de police suédois ont confirmé à la commission que les femmes se prostituant loin des yeux sont plus souvent la cible de violences.

Les policiers danois, qui travaillent en collaboration avec leurs collègues suédois, ont une position très tranchée : ils estiment que consacrer du temps à la « chasse au client » serait au détriment de la conduite des enquêtes sur les trafiquants.

La pénalisation des clients rendra-t-elle les personnes prostituées moins dépendantes de ces derniers ? Personnellement, je ne le pense pas, car le client, courant le risque d’être sanctionné, sera au contraire en position de force dans la négociation avec la personne prostituée, qui devra malgré tout rapporter autant d’argent qu’aujourd’hui au réseau dont elle dépend. On risque ainsi d’aboutir au résultat inverse de celui que nous souhaitons.

En outre, il ne faudrait pas que l’adoption de telles dispositions ne conduise des personnes se prostituant aujourd'hui de façon indépendante à recourir, pour pouvoir continuer à travailler, à des réseaux. Il n’y aurait rien de pire que de faire tomber des personnes prostituées actuellement indépendantes dans les griffes des réseaux organisés !

J’ai suggéré à plusieurs reprises en commission de ne pénaliser que les clients des personnes prostituées sous contrainte. On m’objecte que ce ne serait pas praticable, mais j’estime que nous aurions dû travailler davantage le texte pour y introduire cette notion de contrainte, qui me paraît importante. Cela permettrait de lutter contre les réseaux, tout en garantissant aux personnes prostituées non soumises à contrainte de pouvoir exercer librement leur activité. Adopter une position brutale, de principe, de pénalisation des clients risque malheureusement de se retourner contre les personnes concernées. Tel n’est pourtant pas notre objectif.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.

M. Roland Courteau. Je considère pour ma part que la suppression de l’article 16 a vidé en partie de sa substance la proposition de loi. Il sera proposé de rétablir cet article qui instaure une pénalisation du client en prévoyant une contravention pour sanctionner le recours à la prostitution d’une personne majeure.

Cela a été déjà dit, cet article est indispensable à l’équilibre et à la cohérence du texte. Il s’agit de réaffirmer clairement la position abolitionniste de la France et d’affirmer concrètement que nul n’est en droit d’exploiter la précarité et la vulnérabilité d’une personne pour lui imposer un acte sexuel contre rémunération, ni de disposer du corps d’autrui.

Qui peut accepter cette domination du corps de l’autre par l’argent ? Qui peut accepter cette aliénation du corps humain ? En proposant de rétablir l’article 16, nous entendons enfin inverser les responsabilités. Nous estimons en effet que les personnes prostituées sont, pour la plupart, des victimes. Les responsables sont, bien sûr, les proxénètes, mais aussi les clients, que nous voulons dès lors sanctionner. Oserai-je les qualifier de « clients prostitueurs » ? Oui, sans hésitation, car ils participent à l’exploitation du corps humain, ce qu’il faut leur faire comprendre par la pénalisation.

Nous ne voulons plus continuer à accepter que, sous prétexte qu’un client a payé pour cela, il puisse disposer à sa guise du corps de la personne prostituée. Selon moi, ce sont les proxénètes et les clients qui mettent en péril la santé des personnes prostituées. Ce sont les clients qui prétendent pouvoir acheter un corps. Qui oserait accepter cette marchandisation des corps ? À partir du moment où l’on maintient le délit de racolage, il faut responsabiliser le client en le sanctionnant. Il s’agit d’établir un rapport de force en faveur des prostituées, qui sont en fait des victimes.

Il faut donc aller dans le sens de la responsabilisation du client, ce qui passe par sa pénalisation. Ce sera un signal fort adressé aux réseaux de proxénétisme, et je fais le pari que, en s’attaquant à la demande, on dissuadera efficacement les réseaux proxénètes d’investir sur un territoire où la législation nationale est moins favorable à la réalisation de profits criminels.

C’est pourquoi je voterai les amendements tendant à rétablir l’article 16, dont le dispositif s’inscrit tout à fait dans la logique du système abolitionniste français, qui vise à décourager la prostitution.

Rappelons que le protocole de Palerme et la convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, dite convention de Varsovie, demandent aux États de « décourager la demande », qui est à l’origine de la traite des êtres humains.

Comment se satisfaire de la situation actuelle, où les prostituées sont considérées comme des délinquantes et les clients comme des innocents ? Comment lutter contre les violences à l’égard des femmes ou œuvrer pour l’égalité entre les filles et les garçons si l’on maintient le droit pour les clients de la prostitution d’exploiter le corps de l’autre, moyennant quelque argent ? Certains nous disent qu’il faut lutter contre les archaïsmes : en voilà un, particulièrement indigne, que je veux combattre, par la responsabilisation du client et sa pénalisation ! C'est aussi comme cela que l’on reconnaîtra que la femme a une place égale à celle de l’homme ! (M. Philippe Kaltenbach applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.

Mme Laurence Cohen. Nous en arrivons à la partie la plus médiatisée de cette proposition de loi, relative à l’interdiction de l’achat d’actes sexuels. Cette question a cristallisé toute l’attention, bien souvent au détriment du reste du texte. Je regrette, avec la majorité des membres de mon groupe, que la commission spéciale nouvellement formée ait confirmé la décision de la précédente de supprimer l’article 16.

Pourquoi est-il important pour nous de revenir au texte voté par l'Assemblée nationale ?

Chacun le sait, la France est, depuis 1960 et la ratification de la Convention des Nations unies, un pays abolitionniste. La République reconnaît depuis lors que « la prostitution et le mal qui l’accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine et mettent en danger le bien-être de l’individu, de la famille et de la communauté ».

Il paraît donc indispensable de mettre fin aujourd’hui à cette violence que constitue la prostitution. Comment réfuter que celui qui paye attend la pleine satisfaction de ses exigences, s’arrogeant tous les pouvoirs ? Les témoignages recueillis durant le procès dit « du Carlton » ont d’ailleurs mis en lumière cette réalité. Si les clients décrivaient ces relations tarifées comme des « parties fines entre amis » ou des « pratiques libertines », les mots utilisés par les prostituées relevaient quant à eux du champ lexical de la violence.

Au travers des amendements visant à rétablir l’article 16, nous entendons inscrire l’achat d’actes sexuels dans la catégorie des infractions, pour marquer un interdit. Refuser la pénalisation des clients, c’est tolérer des violences sexuelles et le fait qu’on fasse du corps une marchandise, un commerce.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Laurence Cohen. Les arguments qui nous sont opposés portent sur la difficulté de constater un tel délit, sur l’aggravation de la situation des prostituées, sur le constat de l’existence d’une certaine misère sexuelle à laquelle la prostitution serait la seule réponse. On avance maintenant la notion de prostitution contrainte, ce qui sous-entend qu’il y aurait une prostitution librement choisie, alors que l’on peut montrer, chiffres à l’appui, qu’elle est extrêmement minoritaire.

M. Roland Courteau. Exactement !