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Article 2 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 2 (début)

Croissance, activité et égalité des chances économiques

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 2 (interruption de la discussion)

Article 2 (suite)

Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 2 du chapitre Ier du titre Ier, aux explications de vote sur l’amendement n° 4.

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Après le repas, qui a cassé un peu la dynamique, me voilà chargé de la tâche ardue de relancer le débat (Sourires.) à l’occasion de cet amendement du groupe CRC de suppression de l’article.

Mon collègue et ami Joël Labbé indiquera la position du groupe écologiste sur cet article 2. Pour l’heure, monsieur le ministre, je voudrais réagir à vos propos. Vous avez dit que l’on ne changeait rien, mais que l’on autorisait seulement la création de services nouveaux, ce qui sera source d’emplois.

Fort bien, mais les choses sont-elles aussi simples ? Si vous nous disiez : « Aujourd’hui, on ne croit plus vraiment aux grands services publics assurés par la SNCF, parce qu’on n’a pas les moyens de les financer, ils coûtent trop cher, c’est pourquoi on décide de faire autre chose », on pourrait comprendre. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Non, nous, nous ne comprendrions pas !

M. Jean Desessard. Je sais que vous ne seriez pas d’accord, ma chère collègue, mais il faut bien trouver de l’argent, c’est quand même un problème !

Mme Éliane Assassi. Mais il y en a, de l’argent !

Mme Sophie Primas. Chez les riches ! Dans les banques ! La finance ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Desessard. Oui, il y en a, il suffit d’en prendre aux actionnaires ; c’est une position qui peut se défendre, j’en conviens.

En tout cas, ce n’est pas ce que vous nous dites, monsieur le ministre : vous prétendez que le service public ferroviaire et les entreprises de transport routier vont tous deux prospérer.

Mais on peut vous rétorquer que si des lignes d’autocar à bas prix desservant des destinations très courues, très fréquentées s’ouvrent, cela ne pourra que réduire le nombre de clients de la SNCF (Mme Annie David approuve.), et donc sa rentabilité !

M. Jean Desessard. Cela pourrait même conduire à fermer des lignes ferroviaires. En tous les cas, la performance du service public ferroviaire en sera affectée. On ne peut donc pas affirmer que les deux services se développeront harmonieusement.

En revanche, compte tenu des difficultés de la SNCF, on peut décider d’encourager les gens à prendre l’autocar. Les tarifs de la SNCF, on le sait, sont élevés et je pense que la politique du tout–TGV y est pour quelque chose, car on a parfois englouti des milliards simplement pour gagner trois minutes de temps de transport.

Quoi qu’il en soit, la libéralisation du marché des autocars ne conduira pas au renforcement du service public.

Vous pouvez répondre qu’on fera en sorte que certaines destinations soient desservies par la SNCF et qu’une complémentarité s’instaurera entre le train et les services d’autocars privés. Mais il est clair que les deux services ne pourront pas se développer de la même façon, ce n’est pas possible.

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Giraud, pour explication de vote.

Mme Éliane Giraud. Je me permets d’intervenir, parce que j’entends beaucoup de choses qui me heurtent.

Ne confondons pas services publics et entreprises publiques. Aujourd’hui, nous devons répondre au besoin de mobilité de nos concitoyens. Certes, l’offre est déjà variée – on peut prendre l’avion ou le train et, de plus en plus, avoir recours au covoiturage –, de sorte qu’on dispose de moyens divers pour parcourir la France. Pour autant, on ne peut pas aller partout.

Monsieur le ministre, comme vous, je pense qu’il faut augmenter l’offre de transport. Augmenter l’offre ne signifie pas forcément créer de la concurrence. Pourquoi ? Parce que les coûts ne sont pas les mêmes : un car ne permet de transporter qu’une quarantaine de personnes, contre trois cents pour le train. Il faut donc envisager les données relatives au transport et à la mobilité dans leur ensemble.

Notre discussion ne me paraît pas se fonder sur des arguments totalement rationnels. D’après le calcul que j’ai fait, le prix du billet de TER qu’on acquitte ne représente que 25 % à 30 % de son coût réel. Cela signifie que le transport ferré est très subventionné. Sachez que la région Rhône-Alpes, dont je suis l’élue, va investir, aux côtés de l’État et des autres collectivités territoriales, plus de 1 milliard d’euros dans le cadre du contrat de plan, notamment pour financer de petites lignes existantes infrarégionales ou interrégionales, que nous ne voulons pas abandonner.

Nous réserver différentes possibilités nous permettra demain de disposer d’une offre de transport attractive, dont le rapport qualité-prix sera moins intéressant dans certains cas et plus intéressant dans d’autres. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas craindre cette ouverture des services de transport non urbains par autocar, qui, je le rappelle, est soumise à conditions ; les choses se passeront bien, je le crois. Ces questions relativement simples doivent donc pouvoir être examinées, comme vous l’avez dit, monsieur Desessard, dans une ambiance qui ne soit pas surchauffée.

Monsieur le ministre, nous avons besoin de cette offre, y compris pour valoriser le transport ferroviaire dans nos régions et sur l’ensemble du territoire. C’est pourquoi je soutiens votre proposition. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Bricq. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Nous, écologistes, considérons que les transports collectifs sont des modes de déplacement d’avenir : le transport ferroviaire, le transport par autocar, évidemment, le covoiturage, les taxis… Nous soutenons l’ensemble des moyens de déplacement doux.

S’agissant de la dérégulation, de la libéralisation – c’est bien de cela qu’il s’agit – du transport par autocar, je veux dire que ce moyen de transport a un rôle à jouer, notamment pour desservir les territoires ruraux, qui, par les temps qui courent, se sentent désertés au sens propre du terme, déconnectés. Dans ce domaine, il y a un travail énorme à accomplir. Mais, de grâce, cessons de démolir, de déstructurer le réseau ferroviaire existant et sauvons ce qui peut encore être sauvé ! Bien des lignes doivent continuer à exister et à être exploitées au titre du service public.

Le groupe écologiste ne votera pas l’amendement de suppression de l’article 2 ; il ne votera pas non plus contre, il s’abstiendra, dans l’attente de voir ce qui se passera par la suite. Nous sommes d’accord pour accorder une place au privé dans le transport par autocar, à la condition d’une régulation par les pouvoirs publics : celle-ci est absolument nécessaire. C’est pourquoi nous voterons l’amendement n° 155 rectifié de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann. L’avenir passe par une prise en compte à la fois des exigences du service public et par une ouverture régulée en direction du secteur privé. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 124 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 327
Pour l’adoption 21
Contre 306

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1028, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Christine Prunaud.

Mme Christine Prunaud. Malgré vos différentes interventions, monsieur le ministre, et comme vous avez pu le constater, nous ne sommes absolument pas convaincus du bien-fondé du développement d’une offre de transport par autocar longue distance sous la houlette d’opérateurs privés, sans respect a priori des normes environnementales, commerciales et sociales.

Le développement de l’offre par autocar serait la solution aux problèmes de la SNCF ? La SNCF aurait été infantilisée et très subventionnée, comme vient de le dire notre collègue Giraud ? C’est oublier que le transport ferroviaire, la gestion et le développement de nos infrastructures essentielles ne sont pas une activité comme une autre, ne sont pas un service marchand comme un autre. Dès lors, vous comprendrez que nous ne pouvons souscrire aux orientations sous-tendues par l’article 2. Nous ne voulons pas supprimer de kilomètres, nous ne voulons pas renoncer à l’entretien de ce réseau. Nous avons une autre conception du bien commun. Ne nous trompons pas : c’est non pas du TGV qu’il s’agit, mais bien des TET et des TER.

Vous l’avez dit, monsieur le ministre, la possibilité d’ouvrir une ligne d’autocar subventionnée, de recourir à une délégation de service public existe déjà, c’est un fait, principalement dans les zones rurales dont nous sommes ici plusieurs représentantes et représentants. Cela nous semble suffisant et conforme aux principes posés par la décentralisation et à la responsabilité de l’État, garant de l’unité et de l’équilibre de notre territoire.

Vous considérez que l’on répond mieux aux besoins des citoyens en raisonnant à partir de l’ouverture au privé, à la concurrence. Nous, nous pensons au contraire qu’il faut réfléchir à une réponse plus collective fondée sur le partage, la concertation, l’égalité des territoires et la maîtrise publique.

Mme la présidente. L'amendement n° 155 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jourda et Claireaux, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 3111-17. – Les entreprises de transport public routier de personnes établies sur le territoire national qui ont passé avec l'État une convention à durée déterminée dans les conditions prévues aux articles L. 1221-3 à L. 1221-6 peuvent assurer des services réguliers interrégionaux. Ces conventions sont soumises à l'avis préalable des régions et départements concernés.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Comme je l’ai indiqué précédemment, je suis hostile à cette ouverture à la concurrence. Cela étant, j’ai bien compris qu’une majorité des membres de cette assemblée y était favorable. Afin de préserver l’esprit de service public, l’égalité des territoires et l’intérêt général, je propose donc de réguler cette ouverture. À ce jour, pour prendre l’exemple de l’Île-de-France, même si je ne propose bien évidemment pas de reproduire à l’identique ce modèle, il existe des cas où l’offre de transport privée s’inscrit dans un cadre d’intérêt public.

Afin de s’assurer que l’ouverture de lignes nationales d’autocar soit régulée par les pouvoirs publics et ne fasse pas une concurrence déloyale aux lignes de transport ferroviaire, cet amendement vise à inscrire cette ouverture dans le cadre de conventions de service public.

Mme la présidente. L'amendement n° 1017 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après le mot :

national

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

qui ont passé avec l’État une convention à durée déterminée dans les conditions prévues aux articles L. 1221-3 à L. 1221-6 peuvent assurer des services réguliers interrégionaux. Ces conventions sont soumises à l’avis conforme des régions et départements concernés.

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que celui de Marie-Noëlle Lienemann.

L’alinéa 6 de l’article 2 est l’une des dispositions clés du projet de loi. Il dérégularise le transport par autocar et vise à le développer considérablement au détriment du transport ferroviaire. Les fermetures de lignes et la réduction des dessertes annoncées par la SNCF le montrent. Notre pays dispose pourtant d’un maillage ferroviaire exceptionnel – parfois sous-utilisé et trop souvent dégradé – qui est une richesse pour son développement. Pourquoi contribuer aujourd’hui à le réduire aussi fortement ?

Vous avez évoqué l’intelligence, monsieur le ministre. Je me contenterai humblement de relever les non-sens de l’article 2.

Non, le transport de voyageurs par route n’est certainement pas le plus écologique ! S’il se conçoit sur des petites et moyennes distances, sur de plus grandes, il s’agit d’un non-sens en termes de transition énergétique.

C’est également un non-sens économique, car, dans les prix qui seront pratiqués par les sociétés de transport routier de voyageurs, ne seront pas incluses la destruction permanente des infrastructures routières et la charge qui incombera à la collectivité et aux contribuables. Là encore, nous sommes confrontés à l’illustration du concept suivant : privatisation des bénéfices, socialisation des coûts.

C’est un non-sens en matière de sécurité routière. Je ne dramatiserai pas le sujet, mais la présence accrue d’autocars sur les routes et les autoroutes n’est pas une bonne nouvelle dans ce domaine.

C’est un non-sens en matière de droits sociaux avec une concurrence exacerbée.

C’est un non-sens concernant les créations d’emplois. Oui, on pourra certainement en observer dans le transport routier, mais combien d’emplois seront détruits dans le ferroviaire, y compris dans l’industrie ferroviaire, qui est pourtant très importante dans notre pays ?

C’est un non-sens, enfin, en matière de développement du territoire, avec l’abandon d’un nombre considérable de lignes et de dessertes ferroviaires.

Voilà pourquoi notre amendement prévoit – c’est un minimum – que les entreprises privées de transport de voyageurs signent des conventions de service public.

Mme la présidente. L'amendement n° 336, présenté par MM. Joyandet et Raison, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

sous réserve qu’ils ne concurrencent pas une liaison préexistante assurée par un transport express régional ou un train d’équilibre du territoire.

La parole est à M. Michel Raison.

M. Michel Raison. Monsieur le ministre, vous souhaitez libérer les énergies dans le domaine du transport. Vous avez raison, et je vous soutiens.

Pour ma part, loin de certaines positions qui peuvent paraître un peu extrémistes, j’ai toujours le souci de rechercher un équilibre. C’est pourquoi – c’est l’objet de l’amendement que j’ai cosigné avec Alain Joyandet – j’ai cherché à aboutir à un compromis entre deux types de transports de voyageurs : d’une part, les TER, qui sont parfois des trains, mais pas toujours, et parfois des transports routiers, dont l’exploitation est souvent confiée, après appel d’offres, à des entreprises privées, et, d’autre part, les TET, auxquels nous tenons tous mais dont l’équilibre financier – c’est peu de le dire – reste fragile.

Nous devrions pouvoir créer des lignes nouvelles de transport routier de personnes, à condition de prendre la précaution qu’elles ne concurrencent pas inutilement ou anormalement les lignes de TET ou de TER préexistantes. Comme l’a rappelé Mme Lienemann en évoquant la péréquation, le secteur public compte certaines lignes routières de TER – dans le secteur ferroviaire, je n’en connais point – qui parviennent à l’équilibre financier. Or prenons garde à ne pas créer une concurrence qui pourrait leur être fatale.

Mme la présidente. L'amendement n° 1018, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

sur les liaisons qui, au 1er janvier 2015, ne sont pas déjà assurées par une entreprise de transport ferroviaire, ou par un service conventionné par autocar

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Les dispositions du projet de loi apparaissent insuffisantes pour protéger correctement les services publics de transports, en particulier ferroviaires. Le développement de l’autocar risque de déstabiliser les liaisons ferroviaires les plus fragiles, tels les trains d’équilibre du territoire, mais également les TER interrégionaux.

Dans un contexte de resserrement de leurs contraintes budgétaires et de l’importance des investissements que nécessite la régénération ou l’entretien des infrastructures, de nombreux acteurs – État, régions, SNCF, RFF – vont être tentés de transférer massivement sur route nombre de liaisons assurées aujourd’hui par le rail. Si nous souhaitons que l’offre de transport par autocar soit complémentaire de l’offre de transport ferroviaire et ne vienne pas s’y substituer, il importe de préciser que les entreprises de transport public routier de personnes ne pourront assurer de services réguliers non urbains que sur les seules liaisons qui ne sont pas déjà assurées par le rail.

Tel est le sens du présent amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 424, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

Les véhicules de transport sont conformes aux meilleures normes environnementales existantes lors de la mise en service de la ligne ou à l’occasion du renouvellement des véhicules, en tenant compte des contraintes, notamment kilométriques, inhérentes au service rendu. Un décret précise les conditions de mise en œuvre de cette disposition, en particulier le type de ligne concerné, le rythme d'équipement des flottes et le délai d'entrée en vigueur de cette disposition.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Il nous semble important de prévoir des mesures afin de limiter les effets en termes de pollution du transport par autocar. Nous proposons donc, au travers de notre amendement, que tout véhicule de transport de personnes nouvellement immatriculé doive se conformer aux meilleures normes environnementales, ce qui sera le cas des nouvelles flottes d’autocars qui vont se constituer ou être renouvelées. Ainsi, une entreprise qui souhaite ouvrir une ligne d’autocar devra mettre sur le marché les véhicules répondant aux meilleurs critères environnementaux, à savoir la norme Euro 6.

Toutefois, cet amendement permet une certaine souplesse dans le choix de la flotte d’autocars, dans la mesure où il tient compte du fait que, sur certaines longues distances, il est pour le moment difficile de recourir à des autocars électriques ou roulant au GNV, le gaz naturel pour véhicules. Est ainsi prévu le renvoi à un décret pour préciser le type de lignes concernées, le rythme d’équipement des flottes et le délai d’entrée en vigueur de cette disposition.

Après le vote d’une loi sur la transition énergétique et quelques mois avant la tenue d’une conférence sur le climat, cet amendement nous semble justifié et son adoption serait bienvenue.

Mme la présidente. L'amendement n° 1019, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Ces services se conforment aux normes sociales en vigueur dans le secteur des transports et notamment aux règles fixées par les accords collectifs de branche.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Nous avons tous en tête le problème des travailleurs détachés, que nous aborderons à la fin de nos travaux. En attendant, cet amendement de repli vise à inscrire dès maintenant dans le projet de loi que le droit du travail en vigueur sera bien respecté, tant pour garantir aux salariés l’exercice de leur activité dans de bonnes conditions que pour assurer la sécurité des passagers qui seront transportés sur ces lignes nouvelles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. La commission spéciale a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 1028, en cohérence avec sa position sur l’article 2. L’avis est également défavorable sur les amendements nos 155 rectifié et 1017 rectifié, qui vont à l’encontre de la réforme proposée et donc du développement du transport par autocar.

L’amendement n° 336 tend à réduire considérablement la portée de la réforme proposée. Même si un service ferroviaire existe déjà sur la liaison concernée, il peut ne pas répondre entièrement à la demande : le trafic peut être saturé, le billet trop cher ou le service de piètre qualité. Dès lors, il peut être pertinent d’ouvrir une ligne de transport par autocar. Il conviendra bien évidemment que la SNCF s’adapte en conséquence pour améliorer la qualité de son service et réduire ses coûts.

Monsieur Raison, le fait que nous ayons, en commission spéciale, adopté un seuil de 200 kilomètres en dessous duquel l’autorité organisatrice de transport peut limiter ou interdire une ligne de transport par autocar est de nature à renforcer la protection des services conventionnés vis-à-vis d’une concurrence éventuelle des services de transport par autocar. Pour toutes ces raisons, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur votre amendement.

L’amendement n° 1018 étant similaire au précédent, la commission spéciale a également émis un avis défavorable.

Monsieur Labbé, l’article 1er bis, qui a été introduit par l’Assemblée nationale, me semble déjà répondre à votre souci légitime de limiter les effets du développement des transports par autocar sur l’environnement. La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 424.

S’agissant, enfin, de l’amendement n° 1019, il ne me semble pas utile d’insérer une telle disposition dans la loi à cet endroit. Il est évident que les services de transport devront respecter les normes sociales en vigueur dans le secteur. Il ne me paraît pas nécessaire d’alourdir inutilement la rédaction de l’article 2. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Je souhaiterais revenir sur quelques-uns des arguments qui ont été avancés.

En termes d’emplois, pour prolonger la discussion que nous avons eue tout à l’heure, je vous renvoie à l’étude précise de France Stratégie, qui prévoit la création nette de 22 000 emplois. Le terme « nette » montre bien que sont aussi pris en compte les effets potentiels dans d’autres secteurs. J’y reviendrai, même si ceux-ci sont largement à relativiser.

En termes économiques, j’ai déjà eu l’occasion de le dire, la filière ferroviaire n’a pas attendu l’ouverture de lignes d’autocar pour être en difficulté. Cette situation, qui nous préoccupe également, résulte notamment de la baisse de la commande publique, qu’il s’agisse des TGV ou d’autres types de modèles. En fait, cette question a une dimension largement européenne.

Les transports ferroviaires ne seront pas affectés par l’ouverture de lignes d’autocar. Je veux bien qu’on agite les peurs ou qu’on mette en avant des certitudes a priori. Personnellement, j’en ai peu, et j’essaie de me fier aux faits. Parmi les pays qui ont ouvert ce secteur de manière comparable voilà une vingtaine d’années – nous avons donc un certain recul –, il y a la Suède, qui n’est pas connue pour être un modèle ultralibéral. Dans ce pays, la part modale du transport ferroviaire a augmenté de 3 % depuis 1990, date à laquelle on a ouvert le transport par autocar. Au Royaume-Uni, la hausse a été de 2 %. On ne constate donc aucune cannibalisation d’un mode de transport sur l’autre, mais plutôt une complémentarité.

Historiquement, la France a commis une erreur en pensant qu’un moyen de transport épuisait la totalité des mobilités pour nos concitoyens. Or, pour se rendre d’un point A à un point B, certains prendront le train, d’autres leur véhicule et une troisième catégorie s’y rendra en avion.

Soyez cohérents, allez au bout de votre raisonnement : interdisez les liaisons aériennes là où il existe des liaisons ferroviaires ! La multimodalité est une réalité sur notre territoire. Le Gouvernement propose simplement de la compléter. Au reste, sans chercher à vous doubler par votre gauche,…

Mme Laurence Cohen. C’est très difficile !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est même impossible !

M. Emmanuel Macron, ministre. … force m’est de dresser ce constat : d’une certaine manière, vous acceptez que l’avion, qui est plus cher, concurrence le train, mais vous refuser que le car, qui est moins cher, vienne le concurrencer. Tout cela n’est pas très cohérent.

Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. C’est vrai !

Mme Cécile Cukierman. Le service public, ce n’est pas ça !

M. Emmanuel Macron, ministre. Si l’on s’en tient aux faits, si l’on s’efforce d’examiner les cas où des expériences ont été menées in vivo, on constate que l’ouverture à la concurrence des lignes d’autocar n’a pas réduit la part modale du transport ferroviaire.

Mme Laurence Cohen. Et les régions payent la facture !

Mme Éliane Assassi. Comparez ce qui est comparable !

M. Emmanuel Macron, ministre. Enfin, en termes environnementaux, je vous renvoie à ce que j’ai dit précédemment : les normes Euro 6 sont plus contraignantes que nombre d’autres normes dans ce secteur. Les nouveaux autocars mis en circulation seront deux fois moins polluants que ceux de 2013 et treize fois moins polluants que ceux de 2001. J’ajoute que, dans ce domaine, les impacts écologiques ont été mesurés au regard des taux de remplissage respectifs des trains et des autocars : sur cette base, les éléments que vous mettez en avant sont largement remis en cause.

Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 1028.

Sur les amendements nos 155 rectifié et 1017 rectifié, j’émets un avis défavorable, pour une raison comparable à celle que j’ai invoquée il y a quelques instants.

Madame Lienemann, on peut ouvrir un secteur sans qu’il soit nécessairement conventionné dans sa totalité. À l’heure actuelle, il est déjà possible de conventionner des lignes d’autocar à l’échelle des régions et des départements : ce point n’exige donc pas une réforme. L’ouverture proposée ne passe pas par le conventionnement. En revanche, dans sa rédaction initiale, le projet de loi indique que la régulation de cette activité passe par l’avis conforme de l’ARAFER. En effet, cette procédure est garante d’une cohérence pour l’ensemble de notre territoire. De surcroît, elle assure la prise en compte des intérêts et des équilibres territoriaux.

L’adoption de l’amendement no 336 aboutirait, en quelque sorte, à un retour en arrière. Aujourd’hui, au sein de nos territoires, certaines lignes d’autocar doublent des lignes de train. De fait, je le rappelais à l’instant, ces deux services sont complémentaires et peuvent être parallèles. Or la restriction que cet amendement tend à apporter nous empêcherait de telles complémentarités.

Le souci que tend à traduire l’amendement n° 336 est précisément celui que le Gouvernement s’est efforcé de transcrire dans le texte, au fil de son élaboration, en prévoyant l’avis conforme de l’ARAFER, et, pour les liaisons inférieures à 100 kilomètres glissants, l’avis préalable des autorités organisatrices de transports. Ces dispositions ont été modifiées par votre commission spéciale dans un sens qui me semble trop restrictif. Nous débattrons de cette question en temps voulu.

Cela étant, les modes de régulation prévus par le Gouvernement et par la commission spéciale répondent, l’un comme l’autre, à la préoccupation exprimée via l’amendement n° 336, sans instaurer un système créant un rapport d’exclusion lorsqu’une liaison ferroviaire existe. Voilà pourquoi je demande le retrait de cet amendement.

En outre, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 1018.

À mon sens, l’amendement n° 424 est déjà satisfait par l’article 1er bis du projet de loi, en vertu duquel un décret fixera les normes environnementales que devront respecter les autocars. En conséquence, je demande son retrait.

Enfin, je sollicite le retrait de l’amendement n° 1019. En matière de transports, la réglementation sociale est fixée par le livre III de la première partie du code des transports, en particulier par l’article L. 1311-1, qui est on ne peut plus clair : les dispositions du code du travail s’appliquent aux entreprises de transport routier, « sous réserve des dispositions particulières ou d’adaptation prévues par le présent code ».

Je le rappelle, la réforme dont nous débattons ne concerne, précisément, que les entreprises de transport routier. Ce domaine est bien couvert par les règles définies au titre du code des transports.

Là est l’innovation du présent texte. Aujourd’hui, le transport par covoiturage existe en France, mais il n’est pas régulé. En l’espèce, nous visons un mode de transport collectif plus efficace encore que le covoiturage, à savoir l’autocar, et nous proposons de mieux le réguler en le réservant aux seules entreprises de transports. Aussi, je le répète, cet amendement est pleinement satisfait. Il n’est même pas nécessaire de se référer à l’article 96 bis du projet de loi.