Sommaire

Présidence de M. Jean-Pierre Caffet

Secrétaire :

M. Claude Haut.

1. Procès-verbal

2. Croissance, activité et égalité des chances économiques. – Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Article 11 quater D (nouveau)

Amendement n° 247 rectifié de M. Alain Bertrand. – Rejet.

Amendement n° 201 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article additionnel après l'article 11 quater D

Amendement n° 351 rectifié de Mme Pascale Gruny. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 11 quinquies

Amendement n° 1563 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l'article 11 quinquies

Amendement n° 408 rectifié bis de M. Philippe Dominati. – Rejet.

Article 11 sexies (supprimé)

Mme Évelyne Didier

Amendement n° 959 de M. André Gattolin. – Retrait.

L’article demeure supprimé.

Article 11 septies (supprimé)

Amendement n° 960 de M. André Gattolin. – Retrait.

L’article demeure supprimé.

Article additionnel après l’article 11 septies

Amendement n° 1352 de Mme Marie-Christine Blandin. – Retrait.

Article 11 octies

M. Michel Le Scouarnec

Adoption de l’article.

Article 11 nonies (supprimé)

Articles additionnels après l'article 11 nonies

Amendements identiques nos 262 rectifié de M. Alain Bertrand et 293 rectifié bis de M. Michel Houel. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 295 rectifié de M. Maurice Antiste. – Rejet.

Amendement n° 581 rectifié de M. Jean-Pierre Vial. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 821 rectifié bis de M. Jacques Cornano. – Retrait.

Article 12 A (nouveau)

Amendement n° 723 de M. Jacques Bigot. – Rejet par scrutin public.

Adoption, par scrutin public, de l’article.

Rappel au règlement

Mme Éliane Assassi ; M. le président.

Article 12

M. Éric Bocquet

M. Jacques Bigot

M. Roger Karoutchi

Amendement n° 13 de Mme Éliane Assassi. – Rejet par scrutin public.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault

Amendement n° 1664 du Gouvernement. – Rejet par scrutin public.

Amendement n° 1342 de M. Joël Guerriau. – Rejet.

Amendement n° 196 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.

Amendement n° 364 rectifié de M. Michel Vaspart. – Retrait.

Amendement n° 186 rectifié de M. Gaëtan Gorce. – Retrait.

Amendement n° 716 de M. Roger Karoutchi. – Retrait.

Amendement n° 724 de M. Jacques Bigot. – Rejet.

Amendement n° 717 rectifié de M. Roger Karoutchi. – Adoption.

Amendements identiques nos 207 rectifié de M. Jacques Mézard, 275 rectifié quinquies de M. François Calvet, 606 rectifié bis de Mme Pascale Gruny et 1060 de Mme Éliane Assassi. – Rejet des quatre amendements.

Amendement n° 1697 de la commission. – Adoption.

M. Jacques Bigot

M. Roger Karoutchi

M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale.

Adoption, par scrutin public, de l’article modifié.

Article 13

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

Amendement n° 14 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 281 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.

Amendement n° 725 de M. Didier Guillaume. – Rejet.

Amendement n° 305 rectifié bis de M. Maurice Antiste. – Retrait.

Amendement n° 197 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 13 bis

Amendement n° 15 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendement n° 1618 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 363 rectifié de M. Michel Vaspart. – Retrait.

Amendement n° 199 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.

Amendement n° 282 rectifié quater de M. François Calvet. – Retrait.

Amendement n° 1063 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Amendements identiques n° 284 rectifié quater de M. François Calvet, et 374 rectifié de Mme Marie-Annick Duchêne. – Rejet des deux amendements.

Amendements identiques nos 229 rectifié de M. Jacques Mézard, 283 rectifié quater de M. François Calvet, 372 rectifié de Mme Marie-Annick Duchêne et 1061 de Mme Éliane Assassi. – Rejet des quatre amendements.

Amendements identiques nos 230 rectifié de M. Jacques Mézard, 650 rectifié bis de M. Henri Tandonnet et 1062 de Mme Éliane Assassi. – Retrait de l’amendement 650 rectifié bis ; rejet des amendements nos 230 rectifié et 1062.

Amendement n° 971 de M. Joël Labbé. – Rejet.

M. Jacques Bigot

Adoption de l’article.

Renvoi de la suite de la discussion.

3. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

Secrétaire :

M. Claude Haut.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures dix.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 11 quater C (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 11 quater D (nouveau)

Croissance, activité et égalité des chances économiques

Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (projet n° 300, texte de la commission n° 371, rapport n° 370, tomes I, II et III).

Nous poursuivons la discussion du texte de la commission spéciale.

TITRE Ier (SUITE)

LIBÉRER L’ACTIVITÉ

Chapitre II (SUITE)

Mobilité

M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre II du titre Ier, à l’article 11 quater D.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel après l'article 11 quater D

Article 11 quater D (nouveau)

Le I de l’article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes physiques et les personnes morales exerçant l’activité de fabrication de plats à consommer sur place et qui n’emploient pas plus de dix salariés peuvent s’immatriculer dans les conditions définies au deuxième alinéa du présent I. » ;

2° Au troisième alinéa, les mots : « le même » sont supprimés ;

3° Au 1°, les mots : « au deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « aux deuxième et troisième alinéas ».

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 505 n'est pas soutenu.

L'amendement n° 247 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

fabrication

ajouter le mot :

artisanale

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. L’amendement n° 247 rectifié prévoit que seuls les restaurateurs dont l’activité de fabrication des plats à consommer sur place est artisanale pourront bénéficier de l’appellation « artisan ».

Cette amélioration que nous soumettons à votre vote nous paraît apporter une clarification nécessaire afin que l’esprit de cet article ne puisse être contourné.

M. le président. L'amendement n° 201 rectifié, présenté par MM. Requier, Bertrand, Mézard, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Collombat, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer le mot :

peuvent

par le mot :

doivent

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. L’amendement n° 201 rectifié vise à introduire une seconde condition à l’obtention de la qualité d’artisan, à savoir l’immatriculation obligatoire aux répertoires des métiers, si les restaurateurs ne remplissent pas les conditions de qualification.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur de la commission spéciale. L’amendement n° 247 rectifié prévoit que l’inscription sur le registre des métiers pour les personnes exerçant une activité de fabrication des plats à consommer sur place est possible seulement lorsque cette activité présente un caractère artisanal.

L’amendement n° 201 rectifié, quant à lui, tend à rendre obligatoire, et non pas facultative, cette inscription dans ce cas.

S’agissant de l’amendement n° 247 rectifié, la précision paraît inutile et même incertaine juridiquement. La qualité d’artisan, d’un point de vue juridique, découle de l’inscription au registre des métiers : une activité de fabrication est artisanale dès lors que celui qui l’exerce est inscrit à ce registre.

Concernant l’amendement n° 201 rectifié, rendre obligatoire l’inscription au registre des métiers des personnes physiques ou morales exerçant une activité de fabrication des plats à consommer sur place reviendrait à imposer des formalités administratives et des coûts d’enregistrement à des dizaines de milliers de personnes qui ne tiennent pas forcément à détenir la qualité d’artisan.

Pour ces raisons, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 247 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 201 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 368 rectifié n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 11 quater D.

(L'article 11 quater est adopté.)

Article 11 quater D (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 11 quinquies (Texte non modifié par la commission)

Article additionnel après l'article 11 quater D

M. le président. L'amendement n° 351 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Calvet, Chasseing et Commeinhes, Mme Deromedi, MM. B. Fournier et Mayet, Mme Mélot et MM. Milon, Revet, de Raincourt et Vasselle, est ainsi libellé :

Après l’article 11 quater D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 46 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative et le dernier alinéa de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés sont abrogés.

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Pascale Gruny.

Mme Pascale Gruny. Cet amendement a pour objet de supprimer la majoration de 50 % de la taxe sur les surfaces commerciales, ou TASCOM, et ce pour trois raisons, de forme et de fond.

Il s’agit d’une nouvelle hausse de fiscalité, alors que le Gouvernement s’est engagé à ne plus créer de nouvelles taxes.

Cette majoration d’une taxe locale est affectée au budget de l’État ; la fiscalité locale ne saurait être utilisée pour combler le déficit de l’État.

Sur le fond, cette majoration de la TASCOM, sans concertation et sans étude d’impact préalable, conduit à stigmatiser et à augmenter de façon injustifiée la fiscalité déjà lourde pesant sur le commerce.

Contrairement à ce qui est prétendu, des secteurs économiques autres que la grande distribution seraient impactés : il en serait ainsi des concessionnaires automobiles, par exemple, qui ont besoin de surfaces de vente importantes pour exposer leurs véhicules et qui ne sont que rarement maîtres de ces surfaces, imposées par les constructeurs ; il en irait également ainsi pour le secteur de l’ameublement, qui correspond à un négoce traditionnel et non à de la grande distribution.

Une telle hausse de la TASCOM aurait un effet économique désastreux sur ces commerces.

Pour toutes ces raisons, il convient donc de supprimer cet article, qui introduit une mesure confiscatoire et dont les effets annoncés sur l’emploi en France seraient catastrophiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission spéciale émet un avis favorable sur cet amendement,…

M. Charles Revet. Très bien !

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. … le Sénat ayant, à la quasi-unanimité des groupes, voté la suppression de cet article lors de l’examen du collectif budgétaire.

Trois arguments ont présidé à la suppression de cet article : tout d’abord, l’introduction d’une surtaxe affectée à l’État sur une taxe affectée aux collectivités territoriales nuit à la lisibilité fiscale ; par ailleurs, cette surtaxe représente une augmentation d’impôt d’environ 200 millions euros, réalisée de façon hâtive et sans concertation avec les acteurs, alors que le Gouvernement s’est engagé à ne plus créer d’impôts supplémentaires ; enfin, l’assiette de la TASCOM n’est pas adaptée aux nouveaux modes de consommation, notamment les drive et la vente par internet.

Ainsi, cette nouvelle taxe sur les surfaces de vente « physiques » accélère les changements de mode de consommation au détriment de l’emploi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement fera preuve sur cet amendement de la même cohérence que la Haute Assemblée en émettant un avis qui ne peut être que défavorable.

Je veux rappeler quelques éléments.

D’abord, l’adoption de cet amendement obligerait à trouver 200 millions d’euros par ailleurs.

Ensuite, mes services ont examiné les possibilités juridiques d’assujettir aussi à la TASCOM les centres logistiques ou ce qu’on appelle les drive, ce qui n’est pas le cas à ce jour. Nous en avons parlé hier soir, il s’agit de mieux répartir la fiscalité entre ces différentes formes de commerce.

Par ailleurs, rien n’interdit que le produit de la majoration d’une taxe locale soit affecté à l’État. Inversement, je pourrais vous citer le cas de taxes additionnelles sur des impôts d’État qui sont affectées aux collectivités territoriales. De fait, cet argument n’est pas dirimant.

Enfin, je rappelle que l’engagement pris par le Président de la République de ne pas augmenter la fiscalité vaut à compter du 1er janvier 2015. En l’espèce, la présente disposition a été votée à la fin de l’année dernière, dans le cadre de la loi de finances pour 2015. Elle n’est donc pas concernée par cet engagement.

Je comprends parfaitement ce que peuvent ressentir les grandes surfaces concernées par cette hausse de la TASCOM. Mais voyons les choses sur le plan macroéconomique : après les réformes prises en matière de repos compensateur et l’interdiction à venir des sacs plastiques, cette hausse est en quelque sorte la contrepartie de ce que le secteur a perçu au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.

De plus, je ne suis pas persuadé que ce soit le secteur qui, au cours des trois dernières années, ait été le plus touché par la hausse de la fiscalité en net.

Voilà les éléments de clarification que je tenais à apporter afin d’éviter toute appréciation impropre sur cette question.

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Je voterai bien entendu cet excellent amendement de Mme Gruny, dont je suis d’ailleurs cosignataire. Il a le mérite de révéler quelles sont les pratiques de l’État : racler les fonds de tiroir pour équilibrer son budget, de surcroît après avoir réduit les dotations des collectivités locales, singulièrement celle des communes.

Cet exemple n’est pas isolé. Je me bornerai à citer le prélèvement très important que l’État a opéré sur les agences de l’eau, ce qui cause bien des problèmes aux collectivités locales.

Hier encore, on m’expliquait en outre que l’État récupère les crédits non consommés en fin d’année en raison des lourdeurs dans la gestion des dossiers alors que, légalement, ces crédits devraient revenir aux agences de l’eau. Je rappelle que ces fonds proviennent directement des abonnés à l’eau.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, vous comprendrez aisément que l’argument tenant aux engagements du président Hollande ne m’émeut pas beaucoup…

Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission spéciale. Vaste débat !

M. Jean Desessard. On pourrait en discuter longuement, surtout si l’on s’intéresse aux engagements qu’il avait pris sur les questions liées à l’écologie.

L’un de nos collègues, Jacques Bigot, a parlé hier d’un recours à géométrie variable à l’article 40.

M. Roger Karoutchi. C’est sûr !

M. Jean Desessard. Eh bien ! voilà un exemple.

Mme Nicole Bricq. Cet amendement n’aurait jamais dû être examiné en séance !

M. Jean Desessard. Aujourd’hui, cette « variabilité » porte sur 200 millions d’euros. Aussi, il faudra à un moment qu’on nous explique les règles d’utilisation de l’article 40. Moi-même, je suis souvent enclin à déposer des amendements quelque peu dépensiers ; j’aimerais alors qu’on me dise : « Monsieur Desessard, vous êtes autorisé à dépenser ! » (Sourires.)

En l’espèce, on discute de l’affectation du produit d’une surtaxe au profit de l’État au détour de la loi Macron. Je sais que M. le ministre a le dos large, que son texte concerne beaucoup de sujets, qu’il sera peut-être nécessaire de consacrer une semaine supplémentaire à son examen. Mais nous ne sommes tout de même pas obligés d’y introduire des mesures qui relèvent d’une loi de finances !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Jean Desessard m’a devancée : j’allais en effet justement demander pourquoi cet amendement ne s’est pas vu opposer l’article 40.

Je rappelle qu’il avait été question, dans le groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat, afin d’alléger le travail en séance, d’accorder avant l’examen des textes en séance une attention particulière aux amendements susceptibles de se voir opposer l’article 40. De fait, je m’interroge non pas sur le bien-fondé de la proposition faite par l’auteur de cet amendement, mais sur les raisons pour lesquelles cet article ne lui a pas été opposé, contrairement à ce qui aurait dû a priori advenir.

À tout le moins, il faudra que la commission des finances nous explique comment fonctionne cet article 40.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Je ne vais pas pleurer sur cette taxe en elle-même et je comprends que le Gouvernement veuille rectifier le tir au motif que certaines entreprises n’auraient tout de même pas dû bénéficier du CICE.

En revanche, ce qui m’ennuie, c’est que l’on utilise le véhicule de la TASCOM, laquelle me semblait d’abord destinée aux collectivités locales, et que l’on introduise du flou dans l’affectation du produit des différentes taxes, une taxe locale étant en l’occurrence affectée au budget de l’État.. Il faudrait quand même éviter de mélanger les genres !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’appeler votre attention : vous reprochez au Gouvernement d’avoir pris sans concertation une mesure, à savoir l’augmentation de la TASCOM, qui pénalise les grandes surfaces, lesquelles ne sont pas les plus à plaindre puisqu’elles ont bénéficié du CICE. J’attire votre attention sur le fait que cet amendement, tel qu’il est gagé, aura pour conséquence de faire payer les buralistes à due concurrence. Mais peut-être avez-vous mené ces derniers jours une concertation avec eux vous permettant de considérer qu’il était possible de gager ainsi votre amendement…

M. Charles Revet. Allons, monsieur le ministre ! Vous savez bien comment cela fonctionne !

M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, j’attire votre attention sur ce point !

Les buralistes, qui ont généralement moins bénéficié que d’autres du CICE, ne verront pas dans ce gage une illustration de la concertation fiscale. La comparaison de leur santé financière à celle des grandes surfaces devrait vous conduire à ne pas voter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 351 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11 quater D.

Article additionnel après l'article 11 quater D
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel après l'article 11 quinquies

Article 11 quinquies

(Non modifié)

I. – L’article L. 441-6 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) La première phrase du neuvième alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d’émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier. » ;

b) À la seconde phrase du même alinéa, les mots : « ce délai » sont remplacés par les mots : « le délai convenu entre les parties » ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au neuvième alinéa, pour les ventes de produits ou les prestations de services relevant de secteurs présentant un caractère saisonnier particulièrement marqué, les parties peuvent convenir d’un délai de règlement qui ne peut dépasser quatre-vingt-dix jours, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier. Un décret fixe la liste des secteurs concernés parmi ceux qui sont couverts par un accord conclu en application du III de l’article 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives. » ;

2° À la première phrase du premier alinéa du VI, les mots : « et onzième » sont remplacés par les mots : « , onzième et dernier ».

II. – Au premier alinéa du III de l’article 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives, les mots : « celui prévu au même neuvième alinéa » sont remplacés par les mots : « ceux prévus au même neuvième alinéa, sous réserve qu’ils soient expressément stipulés par contrat et qu’ils ne constituent pas un abus manifeste à l’égard du créancier et ».

M. le président. L'amendement n° 1563, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Par dérogation au neuvième alinéa, pour les ventes de produits ou les prestations de services relevant de secteurs présentant un caractère saisonnier particulièrement marqué, les parties peuvent convenir d’un délai de paiement qui ne peut dépasser le délai maximum applicable en 2014 en application d’un accord conclu sur le fondement de l’article 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit à l’allègement des démarches administratives. Ce délai doit être expressément stipulé par contrat et ne doit pas constituer un abus manifeste à l’égard du créancier. Un décret fixe la liste des secteurs concernés. » ;

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cinq secteurs économiques bénéficient aujourd’hui d’accords dérogatoires aux plafonds légaux des délais de paiement en raison de leur saisonnalité particulièrement marquée : les secteurs du jouet, de certains articles de sport, de l’horlogerie-bijouterie, du cuir et des matériels d’agroéquipement.

À l’issue de deux périodes transitoires, il apparaît que les spécificités de certains de ces secteurs ne permettront pas aux professionnels concernés de se conformer au plafond légal.

L’article 11 quinquies, tel qu’adopté par l’Assemblée nationale, visait précisément à leur permettre de conserver des délais plus longs à l’issue de la période transitoire.

Le présent amendement a pour objet d’autoriser le maintien des délais qui étaient appliqués jusqu’en 2014. Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoyait un plafond de 90 jours, ce qui constitue pour certains secteurs une augmentation du plafond incompatible avec l’objectif général de réduction des délais de paiement que s’est fixé le Gouvernement.

Cet amendement vise donc à prendre en compte la situation très spécifique des cinq secteurs que je viens d’évoquer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement tend à donner une pérennité aux accords dérogatoires concernant les délais de paiement, dans des secteurs marqués par une forte saisonnalité, secteurs que vient de rappeler M. le ministre.

L’Assemblée nationale, dans sa rédaction adoptée en première lecture, avait prévu de prolonger la dérogation existant aujourd’hui, dans la limite d’un délai maximum de paiement de 90 jours. Or cette rédaction semble ne pas permettre la prolongation de l’ensemble des accords dérogatoires. C’est pourquoi le Gouvernement en propose une plus souple, qui préserve le statu quo dans ces cinq secteurs.

Je souhaiterais néanmoins vous interroger plus spécifiquement, monsieur le ministre, sur la filière des jouets, pour laquelle le délai de 90 jours reste difficile à tenir.

La rédaction du Gouvernement, bien qu’elle soit plus souple que celle de l’Assemblée nationale, permet-elle de tenir véritablement compte de la situation ? Peut-on être certains que ce régime dérogatoire ne ramènera pas la filière des jouets aux délais de paiement du droit commun, soit 85 jours de façon permanente et 75 jours en fin d’année ?

Sous cette réserve, et en espérant obtenir de votre part des explications complémentaires, monsieur le ministre, la commission spéciale a émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Vous avez raison, madame le corapporteur, de souligner les difficultés particulières de ce secteur.

Les délais ayant été progressivement réduits, je tiens à les porter à votre connaissance.

En 2011, à la suite des accords postérieurs à la loi de modernisation de l’économie, ou loi LME, le délai était de 100 jours nets entre janvier et septembre et de 80 jours nets entre octobre et décembre. Ce délai a été, par accord dérogatoire, abaissé à 95 jours nets entre janvier et septembre, et à 75 jours nets entre octobre et décembre en 2013. Les accords prévoient, pour 2014, 85 jours nets sur les neuf premiers mois, 75 jours nets sur les trois derniers mois, et, pour 2015, 75 jours nets sur les neuf premiers mois, 70 jours nets sur les trois derniers mois.

Tous ces éléments figurant dans les accords dérogatoires que j’évoquais tout à l’heure ont ensuite fait l’objet de concertations. Il nous est apparu, à la suite de ces dernières, que le délai tel qu’il est prévu au travers du présent amendement peut être soutenu par cette filière.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1563.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11 quinquies, modifié.

(L'article 11 quinquies est adopté.)

Article 11 quinquies (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 11 sexies (supprimé)

Article additionnel après l'article 11 quinquies

M. le président. Les amendements identiques nos 109 rectifié ter et 278 rectifié ne sont pas soutenus.

L'amendement n° 408 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Grand, Chaize, Gilles et Allizard, Mme Cayeux, MM. G. Bailly, Charon et Chasseing, Mme Deromedi et MM. Duvernois et Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’article 11 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 312-1-4 du code monétaire et financier est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’établissement détenteur des comptes de paiement visés à l’alinéa précédent dispose d’un délai de trente jours pour procéder au règlement de la facture.

« À défaut de paiement dans les délais prévus, la somme est majorée d’office d’une somme égale à 10 % du solde du compte, pour chaque période mensuelle commencée en retard. »

La parole est à Mme Jacky Deromedi.

Mme Jacky Deromedi. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Cet amendement tend à permettre le règlement des obsèques dans un délai raisonnable, tant pour la famille que pour les entreprises. Néanmoins, il convient d’en supprimer le dernier alinéa qui ne précise pas si cette majoration est effectuée au bénéfice de l’héritier ou de l’entreprise funéraire.

M. Roger Karoutchi. Tout à fait !

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Par conséquent, la commission émet un avis favorable, sous réserve que cet amendement soit rectifié dans ce sens.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à compléter l’article L. 312-1-4 du code monétaire et financier, récemment modifié par la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.

Permettez-moi de vous rappeler les dispositions de cet article, afin que chacun puisse avoir présent à l’esprit les enjeux de la question : « La personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles du défunt peut obtenir, sur présentation de la facture des obsèques, le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite du solde créditeur de ces comptes ».

Cet amendement présente un problème de cohérence et d’articulation avec cet article précité, qui ne vise en aucune façon l’hypothèse d’un règlement direct des entreprises funéraires par les banques et n’a d’ailleurs pas vocation à l’encadrer.

Cet amendement ne nous paraît ni opérant ni souhaitable, parce qu’il tend, par le premier alinéa qu’il prévoit pour compléter l’article L. 312-1-4 du code monétaire et financier, à imposer expressément à la banque un délai de règlement de la facture, alors qu’il revient a priori à la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles du défunt de s’en charger, après prélèvement sur le compte des sommes nécessaires pour avancer le paiement de ces funérailles – c’est en tout cas en ce sens que l’article L. 312-1-4 du code monétaire et financier a été rédigé.

Je rejoins par ailleurs les remarques de Mme la corapporteur s’agissant du dernier alinéa.

Pour ces deux raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Madame Deromedi, acceptez-vous de rectifier cet amendement dans le sens suggéré par la commission, et donc de supprimer le dernier alinéa ?

Mme Jacky Deromedi. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 408 rectifié bis, présenté par M. P. Dominati, Mme Garriaud-Maylam, MM. Calvet, Grand, Chaize, Gilles et Allizard, Mme Cayeux, MM. G. Bailly, Charon et Chasseing, Mme Deromedi et MM. Duvernois et Gremillet, et ainsi libellé :

Après l’article 11 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 312-1-4 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’établissement détenteur des comptes de paiement visés à l’alinéa précédent dispose d’un délai de trente jours pour procéder au règlement de la facture.

La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Monsieur le ministre, dans une telle situation, le blocage de tous les fonds n’est-il pas automatique dès lors que le défunt n’a pas donné un pouvoir ? D’ailleurs, même s’il avait donné son accord, je ne suis pas certain qu’il en irait autrement : seul le notaire peut éventuellement procéder à ce déblocage.

En ouvrant cette possibilité, dès lors que les comptes du défunt sont créditeurs, cet amendement me semble utile, sous réserve de la rectification demandée par Mme la corapporteur et acceptée par Mme Deromedi.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. L’article du code monétaire et financier que j’évoquais permet déjà aujourd’hui d’éviter le gel de tous les avoirs.

En outre, même avec la rédaction suivante : « l’établissement détenteur des comptes de paiement visés à l’alinéa précédent [disposerait] d’un délai de trente jours pour procéder au règlement de la facture » – j’ai attiré l’attention de la Haute Assemblée sur ce point –, ce n’est pas l’établissement qui va payer.

Mme Évelyne Didier. Bien sûr !

M. Emmanuel Macron, ministre. D’ailleurs, si un contentieux apparaissait ultérieurement, l’établissement bancaire n’accepterait pas de payer.

En votant cet amendement, qui répond peut-être à une belle idée – mais celle-ci a déjà été traitée par le code monétaire et financier –, vous allez créer des problèmes juridiques entre les établissements bancaires, mesdames, messieurs les sénateurs. Ce dispositif ne pourrait perdurer, car on s’apercevrait rapidement de la nécessité de toiletter l’affaire.

La clé du problème est le déblocage des comptes au sein de l’établissement bancaire. Cela a été prévu par la législation lors d’une réforme récente, comme je viens de l’indiquer. N’allons surtout pas inscrire dans un article de loi que c’est l’établissement bancaire qui paie ! Cela incombe à la famille ou à ceux qui ont qualité pour avoir accès à l’argent, en vertu de l’article du code monétaire et financier que j’ai précédemment évoqué.

C’est pourquoi je maintiens mon avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Ayant une petite expérience en la matière, je peux vous dire que la situation est extrêmement compliquée, et qu’elle l’est encore plus en cas de litiges familiaux.

Je comprends très bien la motivation qui sous-tend cet amendement, et il est normal que la société des pompes funèbres soit payée dans des délais raisonnables. Néanmoins, imputer directement les dépenses funéraires sur le compte bancaire du défunt sera plus générateur de problèmes que de solutions.

En principe, la famille est prioritaire, avant la succession et les actions récursoires. Tout cela, je le redis, est d’une grande complexité, et je vous parle d’expérience.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je propose que nous votions cet amendement, quitte à améliorer ensuite la disposition au cours des travaux parlementaires.

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 408 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 11 quinquies
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 11 septies (supprimé)

Article 11 sexies

(Supprimé)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l’article.

Mme Évelyne Didier. L’article 11 sexies, introduit à l’Assemblée nationale par amendement du groupe écologiste et supprimé par la commission spéciale du Sénat, concerne un sujet déjà relativement ancien, qui traverse les débats parlementaires depuis que nous nous sommes à juste titre inquiétés de la question des comptes bancaires inactifs et des contrats d’assurance vie dits en déshérence. Il s’agit – faut-il le souligner ? – d’une position déjà exprimée, notamment lors du débat sur la séparation et la régulation des activités bancaires.

Même si les encours en jeu paraissent parfois assez peu de chose – n’oublions pas que le seul groupe BNP Paribas dispose d’un actif net bancaire équivalant pratiquement à celui de la France – et que nous parlons pour l’heure de sommes d’un montant global d’environ 5 milliards d’euros, il n’en demeure pas moins qu’il convient d’agir.

Rappelons que, en vertu de l’article 58, alinéa 2, de la loi organique sur les lois de finances, la commission des finances de l’Assemblée nationale a obtenu de la Cour des comptes un intéressant rapport sur la question, rapport contenant un certain nombre de recommandations et de mesures à prendre au titre de la loi et de dispositions réglementaires.

Nous n’avons jamais été des partisans forcenés de la mise en œuvre de la loi organique sur les lois de finances, vous le savez ; mais dès lors que les possibilités offertes par son article 58-2 existent, autant en faire usage !

Les préconisations figurant dans le rapport de la Cour des comptes publié en juin 2013, au chapitre des recommandations à suivre, à propos des avoirs bancaires non réclamés, puis en déshérence, étaient les suivantes :

« 1. Intégrer dans le code monétaire et financier une définition du compte inactif et les obligations qui s’imposent aux banques pour leurs modalités de gestion (loi et règlement) ;

« 2. appliquer une approche client (et non compte par compte) pour définir le compte inactif en complétant le 3° de l’article L. 1126-1 du code général de la propriété des personnes physiques (CG3P)(loi) ;

« 3. Instituer une obligation de consultation annuelle du RNIPP, par les établissements de crédit pour les comptes inactifs (loi) ;

« 4. Plafonner les frais de gestion prélevés par les établissements de crédit sur les comptes courants inactifs (loi) ;

« 5. Rendre obligatoire la consultation par les notaires de FICOBA dans le cadre d’une succession (loi). »

Des mesures visaient aussi les contrats d’assurance vie et de capitalisation non réclamés :

« 6. Renforcer l’information des souscripteurs en étendant l’obligation d’information annuelle du contractant aux contrats inférieurs à 2 000 euros et en prolongeant l’information sur l’échéance du contrat jusqu’au règlement des prestations pour les contrats à terme (loi) ;

« 7. Rendre obligatoire une consultation a minima annuelle du RNIPP par les organismes d’assurance, y compris pour les contrats de moins de2 000 euros, et autoriser, après avis de la CNIL, l’utilisation du NIR par les assureurs pour cette consultation (loi) ;

« 8. Prévoir que la revalorisation du capital garanti post mortem s’effectue dans les mêmes conditions que celles prévues au contrat avant le décès de l’assuré (loi) ;

« 9. Confier à l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) l’élaboration, en application de l’article L. 612-1 du code monétaire et financier, d’une recommandation de bonnes pratiques relative aux contrats d’assurance vie non réclamés ;

« 10. Rendre obligatoire la publication annuelle par chaque assureur du nombre et de l’encours des contrats non réclamés ainsi que de ceux qui font l’objet d’une recherche de bénéficiaires, sur la base d’un cadre méthodologique défini par l’Autorité de contrôle prudentiel (loi). »

Je ne sais pas si nous avons « coché » toutes les cases des recommandations de la Cour des comptes, dans l’état actuel de la loi, mais j’ai bien l’impression que l’amendement de nos collègues est une tentative dans ce sens.

Il me semble, en tout état de cause, que la question des comptes inactifs et des contrats en déshérence mérite amplement d’être traitée ici.

M. le président. L'amendement n° 959, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le douzième alinéa de l'article 1er de la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence est complété par une phrase ainsi rédigée :

« En cas de décès, ils demandent une copie de la déclaration de succession auprès des établissements compétents. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, si vous me le permettez, je défendrai en même temps l’amendement n° 960, dont l’inspiration est identique. Ces deux amendements visent, respectivement, à rétablir les articles 11 sexies et 11 septies qui ont été adoptés par l’Assemblée nationale.

Par ces amendements, il s’agit d’imposer aux banques et aux assurances, dès lors qu’elles ont connaissance du décès du titulaire d’un compte ou d’une assurance vie, de se faire communiquer sa déclaration de succession.

En effet, les établissements financiers sont parfois – souvent même – très prompts à retrouver les ayants droit lorsqu’il s’agit de créances. (Sourires.)

Mmes Évelyne Didier, Nathalie Goulet et M. Charles Revet. C’est très juste !

M. Jean Desessard. En revanche, dès qu’il s’agit d’épargne, d’insurmontables obstacles techniques et juridiques les en empêchent, car cette attitude est fructueuse pour eux.

D’après la Cour des comptes, l’encours des avoirs bancaires non réclamés est de 1,2 milliard d’euros, et, selon l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’encours des contrats d’assurance vie et de capitalisation non réclamés est de 4,5 milliards d’euros.

Les banques et les assurances qui font travailler pour leur compte ces sommes à tout le moins importantes ne sont pas très pressées d’en retrouver les bénéficiaires. Il faut donc absolument trouver les voies et moyens d'endiguer ce qui s’apparente à une spoliation.

Un premier pas pourrait consister, monsieur le ministre, à appliquer la loi du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence qui, en son article 8, comporte des dispositions en ce sens. Malheureusement, aucun décret d’application n’a encore été pris.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. L’amendement n° 959 a pour objet les comptes bancaires inactifs, tandis que l’amendement n° 960 vise les assurances vies en déshérence.

Monsieur Desessard, vous l’avez rappelé à l’instar de Mme Didier, ces deux sujets ont été largement abordés lors de l’examen de la loi Eckert, votée il y a moins d’un an. (Mme Nicole Bricq acquiesce.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Le Parlement s’est donc déjà saisi de ces dossiers, ainsi que le Gouvernement, bien entendu.

De plus, les mesures que vous proposez posent un problème en termes de respect de la vie privée,…

M. Roger Karoutchi. Pour les morts, le risque est limité… (Sourires.)

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. … qu’il s’agisse des comptes bancaires inactifs ou des assurances vie en déshérence. En effet, la déclaration de succession comporte de nombreux éléments que l’on ne souhaite pas forcément transmettre à son banquier.

En outre, cette disposition n’est pas nécessaire, étant donné que, lorsqu’ils règlent une succession, les notaires sont désormais tenus de consulter le fichier national des comptes bancaires et assimilés, le FICOBA.

Mme Évelyne Didier. Ce sont bien des problèmes de riches…

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Enfin, sur le plan formel, il conviendrait de préciser ce que vous entendez par « établissements compétents ».

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque vos collègues députés ont débattu de ce problème, je me suis engagé à apporter le maximum de clarifications à son sujet : je vais exposer ces précisions devant vous.

Tout d’abord, diverses difficultés juridiques sont liées au secret fiscal. En effet, de tels dispositifs contraindraient les agents des centres des finances publiques, auxquels les établissements bancaires s’adresseraient pour obtenir communication de la déclaration de succession, à dévoiler des informations couvertes par le secret fiscal. Ces dernières ne peuvent être communiquées qu’au profit des seuls tiers à même de se prévaloir d’une dérogation expressément prévue par la loi.

Une déclaration de succession contient des informations personnelles que les établissements de crédit et les sociétés d’assurances n’ont pas à connaître.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est vrai !

M. Emmanuel Macron, ministre. J’ajoute que la communication des déclarations de succession serait une procédure nettement disproportionnée au regard des besoins des établissements concernés.

Ensuite, ce dispositif nous placerait face à des difficultés opérationnelles. Un délai légal s’impose au dépôt de ces déclarations – il est, selon les cas de figure, de six ou de douze mois. De surcroît, sous un certain seuil d’actif successoral, le dépôt de ce document n’est pas obligatoire. Mieux, dans certains cas, aucune déclaration de succession n’est obligatoire. Je songe, par exemple, à la communauté universelle avec clause d’attribution au dernier vivant ou aux situations de renonciation des héritiers à la succession.

Par ailleurs, Mme la corapporteur a rappelé à juste titre l’existence de la loi du 13 juin 2014, dite « loi Eckert » : le dispositif institué par ce texte permettra de répondre efficacement aux préoccupations exprimées via l’amendement n° 959. L’obligation de consulter le registre FICOBA est d’ores et déjà en vigueur pour les notaires ! Ainsi, ces derniers auront connaissance des comptes bancaires détenus par le défunt. Le cas échéant, ils pourront s’adresser aux établissements bancaires détenteurs de ces comptes. Ce dispositif me semble ainsi être sécurisé.

Monsieur Desessard, quant au décret que vous avez mentionné, il vient d’être rédigé par le Conseil d’État. Il prendra effet dans les prochaines semaines, à coup sûr d’ici à l’été. Je souscris pleinement aux remarques que vous formulez à ce sujet : il convient de publier rapidement les décrets d’application. En l’espèce, ce travail a, de toute évidence, subi des retards excessifs.

Quant à l’amendement n° 960, qui a pour objet les assurances vie en déshérence, il m’inspire les mêmes réserves. Il tend à préciser que l’assureur dispose de quinze jours pour demander une copie de la déclaration de succession. Or, lorsqu’elle est obligatoire, cette déclaration doit être déposée auprès de l’administration fiscale dans les six mois qui suivent le décès. En cas de décès à l’étranger, ce délai est même porté à un an.

En outre, dans ce domaine également, la transmission de ce document poserait des problèmes au titre du secret fiscal.

Le dispositif par lequel l’assureur contacte le notaire chargé de la succession et l’administration fiscale est déjà détaillé à l’article 8 de la loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats en déshérence.

Pour résumer, s’agissant des banques, les décrets d’applications garantiront dès leur entrée en vigueur un dispositif satisfaisant, et s’agissant des assurances vie, les mêmes décrets permettront d’aller plus loin. En systématisant l’intervention des notaires, ils permettront de répondre aux préoccupations que vous exprimez.

À la lumière de ces explications, je vous invite à retirer ces deux amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. J’en suis convaincu, au cours des derniers mois, nous avons déjà accompli des progrès substantiels dans ces domaines !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, mes chers collègues, en cet instant de nos débats, permettez-moi de rappeler le travail accompli par notre collègue Hervé Maurey, qui s’est fortement engagé contre ce problème, face à la léthargie des institutions, que trahissent les difficultés mentionnées.

Hervé Maurey a consacré plusieurs rapports à ce sujet. Il a même déposé une proposition de loi relative aux contrats d’assurance sur la vie. Ce texte a été voté par le Sénat et transmis à l’Assemblée nationale, mais il n’a pas abouti… Puis, la loi Eckert a été adoptée en 2014. Compte tenu de son caractère très récent, je comprends que l’on ne souhaite pas la modifier dès à présent. Ses décrets d’application ne sont même pas encore adoptés.

Cela étant, j’attire l’attention du Gouvernement sur une impérieuse nécessité : les organismes bancaires et assurantiels responsables doivent rendre des comptes ! En effet, l’argent dont il s’agit doit être réinjecté dans l’économie. Nos entreprises en ont besoin. Partant, le problème éthique se double ici d’un problème économique, auquel il faut ajouter un problème juridique, que les pouvoirs publics sont en train de résoudre grâce à la récente loi Eckert.

Cette préoccupation est extrêmement importante. Le Sénat veillera à ce que les décrets d’application soient publiés et à ce que les dispositions législatives auxquelles ils se rapportent soient bien appliquées !

M. Charles Revet. Cela dépend du Gouvernement !

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, la commission des finances de la Haute Assemblée a beaucoup travaillé sur ces sujets. À ce titre, et avec tout le respect que j’ai pour la Cour des comptes, je reste très réservé quant aux estimations avancées…

M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. À juste titre !

M. Roger Karoutchi. Sincèrement, je serais curieux de savoir comment les magistrats de la rue Cambon peuvent évaluer à 1,2 milliard d’euros les sommes déposées sur des comptes dormants ! Comment les banques pourraient-elles indiquer le nombre de comptes dont les titulaires sont décédés ? Je doute qu’elles transmettent des informations de cette nature.

Certains comptes semblent inactifs et, dès lors, on peut estimer qu’ils appartiennent à un mort… Mais bien des personnes restent plusieurs années sans faire la moindre opération sur tel ou tel compte. Elles n’en sont pas moins bien vivantes !

M. Roger Karoutchi. Il ne faut pas s’inquiéter sans raison… (Sourires.)

En revanche – le Sénat a rappelé ce constat –, tout le monde s’accorde à reconnaître les problèmes qui se posent au sujet des assurances vie et des comptes après le décès de leur titulaire.

Certes, les notaires sont désormais tenus de consulter le registre FICOBA, mais je vous rappelle que nous avons débattu de ces questions, dans cet hémicycle, il y a un an à peine !

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Exactement !

M. Roger Karoutchi. La loi Eckert a été adoptée et les décrets d’application ne paraissent pas… Rien ne sert de poser toujours les mêmes problèmes et d’inscrire toujours les mêmes dispositions dans des textes de loi successifs, si ces derniers ne sont pas appliqués ! On ne sait pas combien de temps exigera l’élaboration des décrets d’application du présent texte. Il ne faudrait pas que nous revenions sur cette question en 2016, faute de disposer des décrets d’application des lois Eckert et Macron.

Parlons franchement : les solutions apportées par la loi Eckert sont bonnes. Que l’on s’en tienne à l’équilibre qu’elles garantissent et que le Gouvernement publie les décrets d’application nécessaires !

Mmes Évelyne Didier et Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. Monsieur Desessard, l’amendement n° 959 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Nous pourrons revenir sur ces questions à la fin de l’examen de ce texte : il n’est pas nécessaire de se presser pour tous les décrets relatifs au présent projet de loi ! (Sourires.) La situation varie d’un article à l’autre…

Monsieur le ministre, vous reconnaissez que l’élaboration des décrets d’application a subi de grands regards, et vous-même soulignez combien cette situation est regrettable. Nous n’allons pas, aujourd’hui, nous lancer à la recherche du coupable,…

M. Jean Desessard. … même si nous sommes curieux de savoir qui a tant tardé à accomplir ce travail. Pour l’heure, je prends note de votre engagement.

Vous nous assurez qu’une solution pourra être trouvée d’ici à l’été. Je vous fais confiance et je retire donc l’amendement n° 959, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 959 est retiré.

En conséquence, l’article 11 sexies demeure supprimé.

Article 11 sexies (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel après l’article 11 septies

Article 11 septies

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 960, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le deuxième alinéa du 5° du I de l'article 3 de la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d'assurance vie en déshérence est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Si l'entreprise d'assurance n'a pas connaissance des coordonnées du bénéficiaire, elle dispose d'un délai de quinze jours, après réception de l'avis de décès, afin de demander une copie de la déclaration de succession auprès d'un notaire ou d'un centre des impôts. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 960 est retiré.

En conséquence, l’article 11 septies demeure supprimé.

Article 11 septies (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 11 octies (Texte non modifié par la commission)

Article additionnel après l’article 11 septies

M. le président. L'amendement n° 1352, présenté par Mme Blandin, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 11 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l’article 313-6-2 du code pénal, après les mots : « de manière habituelle », sont insérés les mots : « , sans indication de l'identité du vendeur ni de la valeur faciale du billet ».

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Mes chers collègues, cet amendement, rédigé avec l’aide précieuse de Marie-Christine Blandin, tend à renforcer une mesure élaborée sur l’initiative du Sénat et votée par le Parlement au titre de la loi du 12 mars 2012 tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles.

Afin de combattre le marché noir des billets de spectacles, concerts et autres événements sportifs, ce texte punit désormais de 15 000 euros d’amende « le fait de vendre, d’offrir à la vente ou d’exposer en vue de la vente […] des titres d’accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale ou à un spectacle vivant, de manière habituelle et sans l’autorisation du producteur, de l’organisateur ou du propriétaire des droits d’exploitation ». En cas de récidive, cette amende est portée à 30 000 euros.

Bien entendu, ces sanctions ne visent pas la revente occasionnelle d’un billet par un consommateur lorsqu’un spectateur réellement empêché cède sa place à prix coûtant. Vous l’aurez compris, il s’agit de lutter contre un véritable marché noir !

Certes, la législation en vigueur a mis un frein à ces pratiques, mais certains sites hébergés à l’étranger poursuivent ce commerce juteux et illégal.

En effet, si les sites en question ont parfois signé des partenariats avec des clubs de football ou des salles de spectacle en vue d’assurer la revente de billets en toute légalité, les pratiques de certains particuliers achetant un grand nombre de places pour les remettre en vente au double ou au triple du prix, et parfois plus cher encore, n’ont, hélas, pas cessé.

Ainsi, un billet pour le concert du groupe Muse à Arras, vendu à l’origine 50 euros, peut être proposé en toute illégalité à 150 euros sur le site Viagogo. Lorsque je l’ai découvert, ce nom m’a un peu surpris, mais, vérification faite, le site existe bel et bien, mes chers collègues ! (Sourires.)

M. Gérard Longuet. Et comme son nom l’indique… (Nouveaux sourires.)

M. Jean Desessard. Effectivement, avec un tel nom, tout est dit !

Certaines places pour David Gilmour, le guitariste des Pink Floyd, aux chorégies d’Orange, sont aujourd’hui proposées à plus de 800 euros.

M. Gérard Longuet. Et pour Mme Duflot, c’est beaucoup plus cher ? (Sourires sur les travées de l’UMP.)

M. Jean Desessard. Ces plus-values frauduleuses échappent bien entendu à l’administration fiscale.

Monsieur le ministre, certains sites, s’ils se conforment généralement à la loi, peuvent continuer, dans certains cas, à ne pas la respecter. Afin d’informer le consommateur, cet amendement tend donc à imposer la mention de l’identité du revendeur et de la valeur faciale du billet.

Dès lors, le spectateur saura au moins à quoi s’en tenir lorsqu’il achète des billets sur de tels sites. Certains clients se laissent encore abuser par ce marché noir, en croyant s’adresser, en toute bonne foi, à la billetterie officielle ! Il faut reconnaître que ces sites de revente sont particulièrement bien référencés.

Au total, la question qui se pose est celle de la légalité des pratiques desdits sites. De deux choses l’une : soit ces dernières sont jugées légales, auquel cas cet amendement tend à renforcer les conditions de revente ; soit elles sont considérées comme illégales, auquel cas il conviendrait de renforcer les sanctions qui ne semblent pas suffisamment dissuasives.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur de la commission spéciale. Monsieur Desessard, avec de telles dispositions, vous n’atteignez pas le but que vous visez, bien au contraire.

Cet amendement a pour objet l’élément matériel d’un délit que nous tous, dans cet hémicycle, souhaitons réprimer. Or, avec le dispositif que vous proposez, il suffirait que le vendeur indique son identité ou la valeur faciale du billet vendu pour échapper à toute sanction. La seconde information ne pose guère de problèmes : elle est, a priori, connue de tous. Dès lors que cette mention aurait été apportée, il n’y aurait plus d’infraction.

Mme Évelyne Didier. On ne sait pas !

M. François Pillet, corapporteur. En conséquence, les poursuites deviendraient extrêmement rares.

Ainsi défini, l’élément matériel du délit offre la possibilité d’éviter toute amende, et cela de manière extrêmement simple : il suffirait d’indiquer la valeur du billet ! Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable, afin de vous protéger. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Mes chers collègues, pas plus tard qu’hier soir, nous avons débattu du sens légistique des conjonctions de coordination. En l’occurrence, dans l’expression « sans indication de l’identité du vendeur ni de la valeur faciale du billet », je suis certaine que le « ni » équivaut à un « et ».

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Madame Didier, pour bien caractériser une infraction, il faut limiter le plus possible les risques liés à la description de son élément matériel ! Si un tel critère est fixé, un revendeur un peu astucieux pourra échapper à toutes les poursuites. À quel risque s’expose-t-on en indiquant la valeur faciale d’un billet de spectacle ?

Mme Évelyne Didier. Je le répète, monsieur le corapporteur, les deux critères seront exigés ! Au reste, Mme Blandin n’a pas coutume de proposer des dispositions fantaisistes.

M. François Pillet, corapporteur. Je maintiens, et le Gouvernement partage mon analyse, que l’amendement que vous soutenez tend à affaiblir l’élément matériel du délit !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. M. le corapporteur a raison sur ce point. De surcroît, les dispositions légales permettant de sanctionner ce type de comportements existent déjà : il est interdit de revendre un billet dix fois son prix initial sans l’accord du producteur du spectacle ou de l’émetteur du billet.

Si le site que vous évoquez se livre effectivement à cette pratique, le corapporteur a raison de chercher à mieux caractériser le fait, mais le risque est déjà couvert par la loi.

Le problème en l’espèce est donc le contrôle, qu’il faut, comme toujours, renforcer. La réponse se trouve plutôt, si je puis dire, in vivo que in vitro, c'est-à-dire à travers l’ajout d’une nouvelle disposition législative qui, d'une part, n’apporte pas toutes les garanties formelles et, d'autre part, apparaît superfétatoire au regard du droit existant.

M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 1352 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Je vais analyser plus avant le site Viagogo et me renseigner sur cette question ! (Sourires.)

Mme Blandin souhaitait affirmer l’existence d’un marché noir sur les billets contre lequel il faut lutter. Nous pensions proposer une solution, mais M. le corapporteur et M. le ministre ont jeté conjointement le doute sur son efficacité.

Je retire donc cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 1352 est retiré.

Article additionnel après l’article 11 septies
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article additionnel après l’article 11 octies

Article 11 octies

(Non modifié)

Le premier alinéa de l’article 4 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation est ainsi rédigé :

« Les vendeurs de produits peuvent pratiquer l’affichage d’un double prix pour un même bien : un prix de vente et un prix d’usage défini au second alinéa du présent article. »

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.

M. Michel Le Scouarnec. Cet article porte sur la définition du prix d’usage et du prix de vente.

D’après le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, ou CREDOC, « le consommateur […] se réfugie vers les valeurs simples et le durable », ainsi que vers « la consommation collaborative – seconde vie des objets, vide-greniers, plateforme de troc, covoiturage ou autopartage, prêt de machine à laver, etc. ». Il cherche ainsi à concilier économie et comportement durable, grâce à une démarche qui connaît un fort développement.

Ce changement de comportement de la part des consommateurs s’explique notamment par l’ampleur de la crise économique, qui les conduit non plus à accroître les achats malins – produits aux prix compétitifs, promotions, soldes –, qui restent stables ou diminuent en un an, mais à se satisfaire de peu. Nous évoquions hier ces consommateurs, en particulier, en votant à l’unanimité des mesures contre la grande pauvreté.

Nous touchons du doigt les inégalités économiques criantes entre les consommateurs dont le pouvoir d’achat est resté fort et les autres, qui sont contraints de faire la chasse aux bonnes affaires pour subvenir à leurs besoins.

La loi Hamon sur la consommation a introduit cette distinction entre prix d’usage et prix de vente. Pour nos concitoyens les plus modestes, cette nuance reste toutefois le marqueur de la baisse continue de leur pouvoir d’achat.

Depuis plusieurs mois, les signaux d’alerte se succèdent. La question des salaires et du pouvoir d’achat occupe une place de plus en plus prépondérante parmi les préoccupations des salariés. Le seul moyen de créer les conditions d’une relance durable par la consommation est l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés. Du reste, faire progresser les salaires, c’est aussi apporter des ressources supplémentaires à la protection sociale.

Cet article présente, certes, un intérêt pour certains produits, mais il ne résoudra en rien la perte de pouvoir d’achat subie par nos concitoyens.

Quoi de plus efficace que d’augmenter les salaires et les retraites, afin de permettre à des millions de familles de vivre mieux en consommant non pas moins, mais plus ? Voilà l’atout majeur qui conduira à relancer l’activité et la croissance !

Il n’est pas certain que les dispositions contenues dans cet article, comme dans les précédents, conduiront les consommateurs à nourrir un tel espoir.

M. le président. Je mets aux voix l'article 11 octies.

(L'article 11 octies est adopté.)

Article 11 octies (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 11 nonies (supprimé)

Article additionnel après l’article 11 octies

M. le président. L'amendement n° 334 n’est pas soutenu.

Article additionnel après l’article 11 octies
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Articles additionnels après l'article 11 nonies

Article 11 nonies

(Supprimé)

Article 11 nonies (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 12 A (nouveau)

Articles additionnels après l'article 11 nonies

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les quatre premiers sont identiques.

L'amendement n° 262 rectifié est présenté par MM. Bertrand, Mézard, Arnell, Esnol, Fortassin, Castelli et Collin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.

L'amendement n° 286 rectifié ter est présenté par Mme Schillinger, MM. Anziani, Tourenne, Madec, Patriat, Poher, Duran, F. Marc et Courteau et Mme Claireaux.

L'amendement n° 293 rectifié bis est présenté par M. Houel, Mme Mélot et MM. Laufoaulu, Calvet, Leleux, Lefèvre, Milon, Charon, Pierre, B. Fournier, Laménie et César.

L'amendement n° 858 rectifié bis est présenté par MM. Doligé, Cardoux et Commeinhes, Mme Garriaud-Maylam et MM. Grosdidier, Kennel, Pointereau et Saugey.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 11 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Après l'antépénultième alinéa de l'article L. 122-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° La reproduction, la représentation et l’adaptation totale ou partielle des pièces utilisées dans le but de permettre la réparation d’un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale et cela quelles que soient la nature et la consistance de l’œuvre protégée, sous réserve que lesdites pièces ne soient pas conçues et fabriquées par le titulaire des droits sur le produit complexe et qu’elles soient d’origine ou de qualité équivalente. » ;

2° L’article L. 513-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...) D’actes de reproduction, de commercialisation, d’exploitation et d’utilisation de pièces utilisées dans le but de permettre la réparation d’un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale et cela quel que soit l’objet du modèle déposé, sous réserve que lesdites pièces ne soient pas conçues et fabriquées par le titulaire des droits sur le produit complexe et soient d’origine ou de qualité équivalente. »

II. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2018, un rapport évaluant les impacts économiques et sociaux du I du présent article.

La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 262 rectifié.

M. Guillaume Arnell. Alors que ce projet de loi entend mettre fin aux rentes, s’attaquer aux situations monopolistiques et stimuler la croissance, le marché des pièces de rechange visibles en est absent. Utilisées notamment dans le secteur automobile, ces pièces destinées à la réparation des véhicules font actuellement l’objet d’un monopole des constructeurs.

Ces dernières années, leur prix a augmenté nettement plus vite que l’inflation – près de 29 %, contre 14 % entre 2001 et 2009. Cette situation est assez rare en Europe : en maintenant ce monopole par le biais d’une protection de ces pièces dans le code de la propriété intellectuelle au titre des dessins et modèles, la France figure parmi les exceptions.

Par le présent amendement, nous entendons mettre fin à cette situation en excluant la protection de ces pièces de carrosserie pour le seul marché secondaire des pièces de rechange, c’est-à-dire le marché de la réparation.

Cette initiative, qui a reçu le soutien d’associations de consommateurs, est préconisée par l’Autorité de la concurrence dans son rapport d’octobre 2012. Elle permettrait l’ouverture à la concurrence du marché des pièces de rechange visibles, que les équipementiers pourraient alors fournir, ce qui conduirait, in fine, à une baisse de leur prix.

J’ajoute que cette ouverture limitée aux pièces de carrosserie n’aurait aucun impact en matière de sécurité routière.

M. le président. L'amendement n° 286 rectifié ter n’est pas soutenu.

La parole est à M. Robert Laufoaulu, pour présenter l'amendement n° 293 rectifié bis.

M. Robert Laufoaulu. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 858 rectifié bis n’est pas soutenu.

L'amendement n° 295 rectifié, présenté par MM. Antiste, Desplan, Cornano, J. Gillot, Mohamed Soilihi, Patient et S. Larcher et Mme Jourda, est ainsi libellé :

Après l’article 11 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Après l’antépénultième alinéa de l’article L. 122-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° La reproduction, la représentation et l’adaptation totale ou partielle des pièces utilisées dans le but de permettre la réparation d’un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale et cela quelles que soient la nature et la consistance de l’œuvre protégée. » ;

2° L’article L. 513-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …) D’actes de reproduction, de commercialisation et d’exploitation des pièces utilisées dans le but de permettre la réparation d’un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale, et cela quel que soit l’objet du modèle déposé. »

La parole est à M. Jacques Cornano.

M. Jacques Cornano. Cet amendement tend à proposer la libéralisation de la vente des pièces détachées automobiles sur le marché secondaire des pièces de rechange, en excluant leur protection au titre des dessins et modèles comme du droit d’auteur. Il s’agit de laisser le consommateur libre d’accéder à des pièces de substitution et moins coûteuses, s’il le souhaite. Cette proposition ne concerne pas le marché aéronautique.

Le marché français des pièces détachées de carrosserie est structuré autour de monopoles de marques : chaque constructeur décide quel produit sera vendu et dans quelles conditions. Les constructeurs maîtrisent donc la production, même lorsque celle-ci est déléguée, comme la vente.

Par conséquent, non seulement les consommateurs n’ont pas l’occasion de bénéficier de véritables prix de marché déterminés dans un environnement concurrentiel, mais ils se voient également empêchés de choisir le type de pièces à installer dans leurs véhicules.

Cette difficulté est la conséquence d’une utilisation extensive de la réglementation sur la protection des dessins et modèles, qui vise initialement à protéger le dessin des automobiles dans leur ensemble.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Le sujet de la libéralisation des pièces détachées est récurrent. Certaines pièces de rechange, en particulier dans le secteur automobile, sont aujourd’hui protégées au titre des dessins et modèles, ainsi que du droit d’auteur.

Une telle protection n’existe pas dans tous les États membres de l’Union européenne. En pratique, les consommateurs français ont une liberté de choix limitée, puisqu’ils ne peuvent se procurer certaines pièces de rechange qu’auprès du constructeur.

Dans son avis du 8 octobre 2012, l’Autorité de la concurrence a critiqué cette situation, en préconisant de mettre un terme à cette exception de notre droit de la propriété intellectuelle, afin de favoriser la concurrence et de faire baisser les prix pour le consommateur. Nos constructeurs bénéficient donc, d’une certaine manière, d’une rente légale, et les équipementiers réclament également la libéralisation du marché.

Le moment est-il toutefois propice à une telle mesure, compte tenu de la fragilité économique de nos constructeurs automobiles et des emplois en jeu ? Quelque 96 % des pièces de carrosserie des constructeurs français sont produites dans l’Union européenne, dont 71 % en France. Les pièces de substitution présentes sur les marchés libéralisés, comme en Grande-Bretagne ou en Belgique, proviennent, elles, majoritairement de Taïwan.

Pour sortir de cette situation par le haut, l’impératif est aujourd’hui d’aider nos entreprises à s’adapter et à s’intégrer sur les marchés internationaux, en les rendant plus compétitives, me semble-t-il. Pour cela, il est nécessaire d’alléger globalement leurs charges et leurs contraintes. Il deviendra ensuite possible d’abroger des dispositions protectrices.

Il me paraît donc souhaitable d’en rester aujourd’hui au droit en vigueur, l’urgence étant d’abord de préserver les emplois du secteur et la sécurité des consommateurs.

La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement sur ces amendements, auxquels je suis, à titre personnel, défavorable.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce sujet est connu. Comme Mme la corapporteur le rappelait d'ailleurs à l’instant, il a fait l’objet d’un rapport de l’Autorité de la concurrence.

Plusieurs associations de consommateurs, en particulier l’UFC-Que Choisir, demandent régulièrement la suppression des dispositions du code de la propriété intellectuelle qui couvrent les dessins et modèles dans le secteur de l’automobile. Il est vrai que ces protections emportent l’augmentation des prix pour les consommateurs, alors que leur suppression aurait sans doute l’effet inverse.

Qui, dès lors, porterait la propriété de ces dessins et modèles ? Essentiellement les gros équipementiers de premier rang. Plutôt que d’aller acheter chez PSA ou chez Renault un phare ou un rétroviseur à changer, il faudrait aller les chercher chez Valeo ou chez Forecia.

Or la situation de ces sous-traitants de premier rang est aujourd’hui meilleure que celle des constructeurs automobiles. Ils se sont mieux sortis de la crise de ces dernières années : ils ont réduit leur exposition aux dix premiers constructeurs automobiles à quelque 15 % de leur chiffre d’affaires chacun et ils travaillent massivement pour de nombreux constructeurs internationaux.

Je souhaite rassurer Mme la corapporteur : ils sont devenus très compétitifs, c’est pour cela qu’ils se sont consolidés et qu’ils se portent bien.

Les constructeurs automobiles ont subi la crise de plein fouet, alors que le marché européen a vu ses volumes baisser. Cette tendance commence seulement à s’inverser. Le nombre de véhicules produits en France est passé d’environ 3,5 millions à 1,6 million, ainsi que je l’évoquais hier avec M. Jean Desessard au sujet du made in France.

L’industrie automobile est donc affaiblie et fait aujourd’hui face à des difficultés. La disposition proposée par cet amendement, dont la dimension consumériste est légitime, viendrait ajouter aux difficultés de ce secteur, tout en renforçant la chaîne de la filière qui se porte le mieux.

Mme la corapporteur souhaitait savoir si je partageais son avis négatif quant à l’opportunité d’une telle mesure. C’est le cas ! Il n’est pas temps, à mon sens, de procéder à cette réforme. Sans prétendre que le système fonctionne parfaitement, je tiens à noter que seize pays de l’Union européenne partagent nos pratiques de protection de la propriété intellectuelle et industrielle des grands constructeurs d’automobiles, ainsi, à peu de chose près, que les États-Unis.

La compétition internationale entre sous-traitants de premier rang se déroule dans cet équilibre. Si nous venions fragiliser la position de nos constructeurs automobiles dans la bataille contre leurs principaux compétiteurs – Dieu sait que, aujourd'hui, celle-ci est rude –, nous ne créerions ni activité ni croissance et nous déplacerions l’effet de rente économique que vous décrivez vers un secteur bien moins affaibli de la chaîne.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 262 rectifié et 293 rectifié bis.

Mme Nicole Bricq. Je comprends à la fois les arguments avancés par les auteurs des deux amendements identiques et ceux qui ont été présentés par Mme la corapporteur et M. le ministre. Mme Estrosi Sassone a donné son avis à titre personnel, mais je tiens à dire que nous avons eu ce débat en commission : l’un des amendements présentés a été retiré par son auteur et l’autre n’a pas été adopté.

Nos équipementiers se portent effectivement très bien. Avec plusieurs de mes collègues, dont Élisabeth Lamure et Jérôme Durain, nous nous sommes rendus, au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises, dans le département du Rhône, pour visiter le groupe Saint-Jean Industries. Cette entreprise magnifique, qui, du reste, rencontre des difficultés pour accéder au Fonds de modernisation des équipementiers automobiles – j’en ai d’ailleurs informé votre cabinet, monsieur le ministre –, travaille beaucoup, y compris pour des constructeurs concurrents des nôtres sur le marché européen notamment.

Toutefois, à l’heure d’internet, j’attire votre attention, mes chers collègues, sur le trafic important de pièces détachées qui se développe actuellement…

Mme Nicole Bricq. … dans les zones frontalières ou en Seine-Saint-Denis ; nos collègues élus de ce département pourront l’attester.

Mme Éliane Assassi. Il n’y a pas qu’en Seine-Saint-Denis !

Mme Nicole Bricq. C’est un véritable problème. Tout se passe au grand jour : il suffit de se promener dans certains endroits pour le constater.

Eu égard à cette réalité, l’argument de la propriété intellectuelle et celui de la sécurité ne tiennent pas. D’ailleurs, si ce trafic existe, c’est parce que le coût des pièces détachées est très élevé.

Mme Nicole Bricq. C’est là un véritable sujet. Le marché des pièces détachées est une rente. On défend, il est vrai, nos constructeurs automobiles. Je comprends parfaitement les arguments avancés par Mme la corapporteur et M. le ministre, mais la vie est ainsi faite que tout ne se passe pas toujours comme on voudrait.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Mes chers collègues, cette question est récurrente.

La comparaison européenne ne vaut qu’avec les pays qui comptent encore des industries automobiles dont les centres de décision se trouvent en Europe. Or, sur les vingt-sept membres de l’Union européenne, je crains qu’il n’y ait dans ce cas que l’Allemagne, la France et l’Italie ; pour le reste, les centres de décision des constructeurs éminents implantés dans d’autres pays européens sont situés dans l’un des trois pays cités.

Il faut donc comparer les pays européens qui ont des enjeux comparables, c'est-à-dire dont les centres de décision sont localisés en Europe, pour vérifier s’ils respectent comme nous la propriété intellectuelle des modèles et des dessins. On ne saurait en vouloir aux pays qui, n’ayant pas d’industrie automobile, défendront d’abord les consommateurs de ne pas s’intéresser aux constructeurs.

J’évoquerai, ensuite, un problème de principe, avant de formuler une observation technologique.

Le problème de principe concerne la propriété intellectuelle, qui représente un investissement considérable. Lorsque j’étais ministre de l’industrie, j’avais fait réaliser une étude comparative par les services de mon ministère : il apparaît qu’une voiture construite en rassemblant des pièces détachées achetées chez le constructeur coûterait environ cinq fois le prix de la voiture sortie d’usine.

L’observation formulée par l’UFC-Que Choisir est parfaitement pertinente : il n’y a aucun doute sur le fait que la propriété d’un modèle et d’un dessin conduit les constructeurs automobiles à déplacer le bénéfice de la vente initiale de l’automobile vers la réparation de celle-ci.

Pour dire la vérité, ils ne sont pas les seuls à adopter cette attitude. Safran, grand groupe industriel français, dont le succès est mondial, consent, au moment de la vente de ses réacteurs, des réductions pouvant aller – tenez-vous bien, mes chers collègues ! – jusqu’à 100 %, et ce pour une raison simple : la durée de vie d’un réacteur étant de trente ans, l’acheteur paie deux ou trois fois sa valeur initiale en rachetant des pièces détachées.

Dans le secteur automobile, afin de ne pas décourager le client, la stratégie industrielle consiste à reporter sur l’entretien le coût de l’amortissement de l’investissement, qui est extraordinairement lourd.

Cela me conduit à formuler une observation technologique.

La démarche de libéralisation des pièces détachées, défendue par les auteurs de ces amendements identiques, ainsi que les associations de consommateurs, n’est pas portée – sur ce point, je suis en désaccord avec M. le ministre – par les grands équipementiers, dont la situation financière est plutôt bonne, parce qu’ils travaillent au bénéfice des industriels automobiles, qui, eux aussi, se portent bien du fait de leur présence sur les marchés émergents.

Elle est plutôt portée par les petits industriels, qui, installés dans des pays où la propriété intellectuelle n’est jamais respectée, font preuve d’une très grande réactivité et mettent en place des technologies bien connues, telle que la numérisation des objets et, le cas échéant, l’impression en trois dimensions. Ce sont eux qui profiteront de cette mesure et développeront une industrie qui, en effet, partagera ses marges avec les consommateurs, au détriment de nos industriels.

Se pose donc une question de principe : défendons-nous la propriété ? Personnellement, je défends ce principe, y compris lorsqu’il y a, il est vrai, un transfert au détriment de l’usager et au bénéfice de l’acquéreur. Et pour des raisons de conjoncture, je soutiens plus encore cette démarche de fond. Mes chers collègues, vous n’aurez plus d’industries lourdes si la propriété intellectuelle des modèles et des dessins n’est pas respectée.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.

Mme Pascale Gruny. Je puis comprendre l’argument du pouvoir d’achat, mais il faut savoir si l’on veut conserver nos industries.

Même si la situation de nos constructeurs automobiles s’est un peu améliorée au cours de ces derniers mois, …

M. Gérard Longuet. C’est vrai !

Mme Pascale Gruny. … elle demeure encore compliquée.

Se pose ici la question de l’importation des pièces détachées, qui d’ailleurs ne proviennent pas forcément de l’Europe.

M. Gérard Longuet. Absolument !

Mme Pascale Gruny. Elles sont plutôt fabriquées en dehors des frontières européennes.

Je suis élue d’une région où l’industrie textile était florissante voilà quelques décennies encore. Or nous avons perdu tous nos emplois, simplement parce que nous avons acheté des tee-shirts fabriqués en Chine à un prix bien inférieur. Certes, les consommateurs ont alors eu un pouvoir d’achat supplémentaire. Toutefois, quand il n’y a plus d’emploi, il n’y a plus non plus de pouvoir d’achat.

Certains pays européens ont il est vrai adopté de telles mesures de libéralisation. Néanmoins, la directive européenne en vigueur demeure celle de 1998, parce que le Conseil européen ne s’est jamais mis d’accord pour autoriser la libéralisation des pièces détachées. Si la Commission européenne n’est pas parvenue à un accord en 2004, ni en 2008, c’est bien parce qu’il y a un problème.

Dans un texte dédié à la croissance, il faut privilégier nos emplois, parce qu’ils font cruellement défaut. Or le pouvoir d’achat passe par les emplois, et par des emplois en France.

M. le président. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour explication de vote.

M. Pierre Médevielle. Je rejoins les propos de Mme la corapporteur et de M. le ministre.

Je note que, lors des contrôles techniques, des problèmes de sécurité sont apparus dans les pays ayant libéralisé le commerce des pièces détachées ou dans lesquels le trafic des pièces détachées est florissant. Même si l’on peut numériser les pièces détachées et recourir à la 3D, se pose le problème de la composition de la pièce détachée. On s’est vite rendu compte qu’il y avait de graves problèmes en termes de qualité – je pense notamment aux plaquettes de frein –, ce qui met en cause la sécurité de l’usager lui-même et des autres. D’ailleurs, plus le prix de la pièce est bas, plus il est légitime de s’interroger sur la qualité de celle-ci.

Restons-en donc à la situation actuelle, qui apporte de la sécurité à tout le monde.

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour explication de vote.

M. Pascal Allizard. Il serait, en effet, sage d’en rester à la situation actuelle.

Concernant les pièces détachées, n’oublions pas qu’il existe trois marchés : la première monte, les pièces assemblées sur les chaînes de production ; la deuxième monte, les pièces installées dans le cadre de l’entretien courant du véhicule qui est encore produit en série ; enfin, l’after market, pour remplacer les pièces usagées, telles les plaquettes de frein, un exemple parfait en termes de sécurité.

On ne saurait globaliser le raisonnement sur les pièces détachées, comme le prévoient les auteurs des amendements identiques, car les situations industrielles sont extrêmement différentes. Il faut bien évidemment protéger la propriété intellectuelle, sans quoi il n’y aura plus d’investissement, ni de développement.

Concernant la première monte, ce sont des pièces de série, mais, pour ce qui concerne l’after market, les produits sont généralement fabriqués très loin, en Asie, au moyen, notamment, de la numérisation et d’imprimantes 3D, qui font des petits miracles. Si nous ne protégeons ni nos investissements ni nos emplois, nous nous exposons à des déboires plus grands encore.

N’oublions pas que les Asiatiques sont d’excellents commerçants ; ils mettent en place des politiques tarifaires très intelligentes. Si nous recourons à cette forme de trading, je ne crois pas que les prix baisseront. Au final, ils augmenteront, et nous aurons raté l’objectif économique et détruit encore un peu plus d’emplois.

C’est pourquoi il ne faut pas voter ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je serai bref après tout ce qui a été dit.

Pour ma part, je suis plutôt pour la libéralisation : après tout, un peu d’air ne nuit pas. (Sourires.) Néanmoins, j’entends bien ce que disent mes collègues Gérard Longuet et Pascal Allizard et je reconnais que nos industries ne se portent pas si bien que cela. Ce n’est donc pas le moment d’en rajouter.

Cependant, une fois n’est pas coutume, je suis en accord avec Mme Bricq. (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Cela arrive parfois !

M. Roger Karoutchi. C’est vrai, et même sur des points nettement plus importants ! (Nouveaux sourires.) Mais ne refaisons pas notre histoire politique !

Monsieur le ministre, allez sur certains « marchés » à Paris, dans la petite couronne,…

Mme Nicole Bricq. Dans la grande couronne !

M. Roger Karoutchi. … ou dans la grande couronne, en effet, madame Bricq, et vous verrez que les pièces détachées foisonnent. Si notre collègue Jean Desessard retourne sur Viagogo (Sourires.), ou sur d’autres sites d'ailleurs, il trouvera des pièces détachées à ne plus savoir que faire. Outre le marché des sacs Vuitton, il existe même aujourd'hui un marché asiatique pour les pièces détachées estampillées Renault ou Peugeot, alors que ces contrefaçons sont fabriquées à Taïwan, à Hong Kong ou ailleurs.

Il est bon que le Sénat défende le droit de la propriété intellectuelle et ne vote pas des amendements tendant à ouvrir la libéralisation, mais je crains que la réalité du marché ne soit tout autre. Certes, tout le monde ne consulte pas ces sites internet et tout le monde n’y a pas accès. En réalité, nous faisons appliquer ces principes par les honnêtes gens !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 262 rectifié et 293 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 295 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 508 rectifié n’est pas défendu.

Mme Nathalie Goulet. Quel dommage !

M. le président. L'amendement n° 581 rectifié, présenté par MM. Vial, Grand, Calvet, Milon, Charon, Longuet et Trillard, Mmes Deromedi et Lamure et MM. Commeinhes, Houel, Doligé, Vogel, Bouvard, Béchu, Revet, G. Bailly et B. Fournier, est ainsi libellé :

Après l’article 11 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la dernière phrase du premier alinéa de l’article L. 3332-11 du code de la santé publique, les mots : « en application du présent article » sont remplacés par les mots : « qu’avec l’avis favorable du maire de la commune ».

La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Une fois n’est pas coutume, je serai bref, monsieur le président : cet amendement est défendu avec conviction… (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Il s’agit là d’une proposition de bon sens.

L’article L. 3332-11 du code de la santé publique est assez restrictif en matière de transfert de débits de boisson entre communes d’un même département. Concrètement, une licence peut être transférée sur décision du préfet après avis des deux maires concernés, celui de l’établissement de départ et celui de l’établissement d’accueil.

La loi interdit le transfert de licence lorsqu’il s’agit du dernier débit de boisson existant sur la commune. L’auteur de cet amendement propose qu’un transfert soit possible dans ce cas, si le maire de la commune qui perd son débit de boisson en est bien sûr d’accord.

La commission est par conséquent favorable à l’adoption de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement.

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 581 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11 nonies.

L'amendement n° 821 rectifié bis, présenté par MM. Cornano, Antiste, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Patient et Karam, est ainsi libellé :

Après l’article 11 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la section 10 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation, est insérée une section ainsi rédigée :

« Section…

« Appellation de pâtissier et enseigne de pâtisserie

« Art. L. 121-82-… – Ne peuvent utiliser l’appellation de “pâtissier” et l’enseigne commerciale de “pâtisserie”, sur le lieu de vente au consommateur final ou dans des publicités à l’exclusion des documents commerciaux à usage strictement professionnel, les professionnels qui n’assurent pas eux-mêmes, à partir de matières premières choisies, brutes ou ayant subi une première transformation, la fabrication non industrielle, la mise en forme ainsi que la cuisson de pâtisseries, sur le lieu de vente au consommateur final.

« Art. L. 121-82-… – Cette dénomination peut également être utilisée lorsque la pâtisserie est vendue de façon itinérante par le professionnel, ou sous sa responsabilité, qui remplit les conditions précisées à l’article L. 121-80.

« Art. L. 121-82-… – La recherche et la constatation des infractions aux dispositions des articles L. 121-80 et L. 121-81 sont exercées dans les conditions prévues à l’article L. 121-2 et punies des peines prévues à l’article L. 121-6. »

La parole est à M. Jacques Cornano.

M. Jacques Cornano. Cet amendement vise à opérer une distinction entre la pâtisserie artisanale faite maison, avec les ingrédients et le savoir-faire d’un artisan pâtissier, et celle qui est fabriquée de façon industrielle, livrée et surgelée. En effet, il existe un vide juridique dans ce domaine.

L’appellation « fait maison » est liée au critère suivant : une fabrication à partir des ingrédients de base, soit de produits bruts, soit de produits ayant subi une première transformation ayant pour objet sa conservation, une fabrication non industrielle ou une fabrication sur le lieu de vente au consommateur final.

La vente en véhicules de tournée ou sur le marché n’interdit pas le bénéfice de cette appellation, sous réserve du respect des conditions précitées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. À l’instar de ce qui a été fait pour l’appellation « boulangerie », réservant cette appellation aux magasins où le pain est pétri et cuit, l’amendement vise à réserver l’appellation de pâtisserie aux pâtisseries artisanales avec fabrication sur place des produits. Cette disposition aménage donc une forme de souplesse : pourront s’appeler pâtisseries des magasins approvisionnés par une pâtisserie artisanale centrale.

Il est vrai que le développement de produits de pâtisseries surgelés menace la survie des pâtisseries artisanales. L’amendement vise donc à répondre à un vrai problème. Toutefois, ne nous précipitons pas : il importe de définir avec précision ce que l’on entend par pâtisserie artisanale.

Or la définition proposée ne prévoit pas d’exigence de qualification professionnelle du pâtissier. Par ailleurs, l’autorisation de la vente itinérante de pâtisserie est subordonnée au critère de reconnaissance de la qualification de boulangerie. Or on ne peut pas caler les critères de reconnaissance de la pâtisserie sur ceux de la boulangerie.

En bref, cher collègue, l’amendement que vous proposez part d’une bonne idée, mais ses dispositions présentent des insuffisances. Elles pourraient être retravaillées en vue d’une autre initiative parlementaire.

Par conséquent, dans cette attente, j’émets au nom de la commission spéciale un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a encadré l'utilisation de plusieurs termes, le « fait maison », entre autres, et quelques autres. Cette réglementation pose encore un certain nombre de difficultés aux professionnels. En effet, il est toujours difficile de plaquer un concept théorique sur la diversité de la gastronomie ou des pratiques artisanales françaises.

La secrétaire d’État Carole Delga a rencontré les professionnels mardi dernier, le 7 avril, justement pour réaliser un bilan de cette réglementation et pour identifier des pistes d’amélioration.

En outre, les termes « pâtissier » ou « pâtisserie » sont aujourd’hui employés non seulement par les quelque 3 800 pâtisseries en activité, mais aussi par une grande majorité des 32 000 boulangeries du pays. Nous risquons donc, sur ce point, d’ouvrir un nouveau front avec ces dernières, ce qui, je dois l’avouer, n’est pas une perspective qui m’enchante. (Sourires.)

En l'absence d’une évaluation des pratiques de ces établissements, il me paraît plus raisonnable de penser que l’adoption du présent amendement reviendrait à limiter considérablement les établissements pouvant se dire pâtissiers ou pâtisseries. Nous aurions donc à gérer un nombre important de problèmes, sans que le sort de celles et ceux qui auront le droit de conserver cette dénomination soit forcément amélioré.

Monsieur le sénateur, je vous inviterai donc plutôt, compte tenu de la complexité de ces sujets et, surtout, du fait que la pratique de loi du 17 mars 2014 n’est pas encore stabilisée, à retirer le présent amendement.

M. le président. Monsieur Cornano, l'amendement n° 821 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Jacques Cornano. Il s'agit ici d’un problème réel. Par conséquent, je retravaillerai cette proposition.

En attendant, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 821 rectifié bis est retiré.

Chapitre III

Conditions d’exercice des professions juridiques réglementées

Articles additionnels après l'article 11 nonies
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Rappel au règlement

Article 12 A (nouveau)

Il est créé un code de l’accès au droit et de l’exercice du droit, destiné à rassembler les dispositions législatives et réglementaires relatives, d’une part, à l’aide juridique et à l’accès au droit, et, d’autre part, à l’exercice du droit, à titre principal, par les professions juridiques ou judiciaires réglementées, et, à titre accessoire, par les autres professions.

M. le président. L'amendement n° 723, présenté par MM. Bigot, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. Notre amendement vise à supprimer la proposition, formulée par la commission, de créer un code de l’accès au droit et de l’exercice du droit.

M. le corapporteur, je peux le dire, critique le fait qu’il y ait des références, dans les textes que nous allons examiner tout à l’heure, au code de commerce. Il souligne que les professions réglementées ne peuvent pas faire l’objet d’un traitement par le code de commerce et qu’il convient donc d’inscrire les dispositions les concernant dans un autre code. Nous inventerions donc un code nouveau, le code de l’accès au droit, qui concernerait essentiellement la réglementation de ces professions.

Aujourd’hui, les textes existent. Il est possible d’y avoir accès, notamment avec les systèmes informatiques. Je ne suis pas sûr qu’une codification supplémentaire soit utile dans ce cas, d’autant plus qu’elle ne concernerait que les professions réglementées du droit, alors que, par ailleurs, on réfléchit à la façon de promouvoir l’interdisciplinarité, y compris dans des professions non pas du droit, mais du chiffre.

Cette mesure me paraît par conséquent prématurée et pas nécessairement utile. Telle est la raison d’être de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Nous avons effectivement proposé la création de ce code. L’accès au droit, c’est aussi la lisibilité du droit. Or nous avons dans ce domaine un exemple de l’absence quasi totale de lisibilité du droit.

Les auteurs de l’amendement rejettent l’idée de créer un code de l’accès au droit et de l’exercice du droit en développant deux arguments.

D’une part, les textes applicables aux professions du droit seraient déjà connus et facilement accessibles. Je n’en suis pas tout à fait certain !

D’autre part, la rédaction d’un code à droit constant serait un travail long et exigeant. Il s’agit du second argument, et il est certainement recevable. La codification constitue une entreprise exigeante et rigoureuse. Toutefois, vous conviendrez avec moi que cet argument s’appliquerait aussi à tout autre travail de codification. Or ce que la commission propose, c’est une codification à droit constant.

Surtout, je me situe, et c’est toute la volonté de la commission spéciale, dans l’axe fixé par le Premier ministre, qui a déclaré, au travers d’une circulaire du 23 mars 2013 : « En permettant une présentation rationalisée, à la fois ordonnée et cohérente, de l’ensemble des dispositions juridiques concernant un secteur, la codification constitue un moyen essentiel d’améliorer l’accessibilité et l’intelligibilité du droit. Elle représente un enjeu de simplification administrative important pour nos concitoyens, qui peuvent appréhender une réglementation dans un code plus commodément qu’en présence de textes épars ».

« Elle est également un facteur significatif d’attractivité pour notre pays, dans la mesure où elle favorise la lisibilité du droit français pour les entreprises comme pour les autres investisseurs ». Autant dire que le jeu en vaut la chandelle, me semble-t-il.

J’avoue que je partage entièrement l’opinion du Premier ministre sur ce point ! À titre personnel, je souhaiterais qu’il existe un texte supérieur posant que toute loi ou toute norme ne peut recevoir application que lorsqu’elle est codifiée, car cela réglerait le problème.

L’autre argument opposé par les auteurs de cet amendement de suppression est que les règles applicables aux professions juridiques et judiciaires réglementées sont suffisamment claires, disponibles et lisibles.

Mes chers collègues, je veux tout de même vous rappeler que nous trouvons encore des textes applicables datant de 1816 ou de 1817, ainsi que l’ordonnance de 1945 et, tenez-vous bien, la loi du 25 ventôse an XI. Ce corpus juridique est certainement facilement accessible, mais à la condition de pratiquer l’archéologie du droit !

De plus, le vocabulaire de certains textes date et renvoie à des concepts qui n’existent plus depuis plusieurs dizaines d’années. Il est encore fait mention, dans les textes actuels, des avoués des tribunaux de grande instance, dont il est vraisemblable qu’il n’en reste même plus un vivant aujourd’hui... Il est également fait mention de l’aide judiciaire, alors qu’on ne parle plus d’aide judiciaire, mais d’aide juridictionnelle ou d’aide juridique.

Enfin, et surtout, on voit bien que les différentes professions partagent des régimes communs. Je trouve qu’il est dommage de ne pas mettre en relief ce qui les rapproche et ce qui les distingue. Nous aurions l’occasion, avec ce code, d’œuvrer en ce sens.

J’ajouterai pour terminer trois observations.

La première concerne le présent texte. Le Gouvernement propose de soumettre les différentes professions à des règles identiques, s’agissant des tarifs, de l’installation, de la limite d’âge ou du salariat. Il a estimé que la proximité des déontologies des différentes professions pouvait tout à fait justifier que la prise de participation majoritaire de l’une d’entre elles au capital de sociétés relevant d’une autre profession juridique soit possible. Le code pourrait être le support de ces régimes communs défendus par le Gouvernement.

Ma deuxième observation vise certaines malfaçons législatives. À l’article 41 du texte que nous examinons, nous corrigeons un oubli du législateur, qui n’a pas étendu aux conseillers en propriété industrielle les possibilités de sollicitation personnalisée ouverte aux avocats par la loi de consommation. Comment cet oubli peut-il s’expliquer, alors que ces deux professions sont très proches, si ce n’est par le manque de clarté et d’unité des textes qui les régissent ?

J’en viens à ma troisième observation. À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a indiqué que l’insertion des dispositions tarifaires dans le code de commerce lui semblait justifiée par le fait que celles des administrateurs et des mandataires judiciaires s’y trouvaient déjà.

L’argument est très discutable. En effet, la seule raison pour laquelle ces tarifs se trouvent dans le code de commerce, c’est que ce dernier définit les régimes des procédures collectives. Les tarifs des administrateurs et des mandataires judiciaires ne s’y trouvent que par raccord.

Enfin, ce code présenterait l’avantage de mettre fin aux débats du type de ceux qui vont nous occuper tout à l’heure, pour savoir si tel point doit figurer dans le code de commerce, dans le code de procédure civile ou dans le code civil.

Voilà donc une œuvre qui, certes, demande du travail – je veux bien l'admettre –, mais qui relève de notre domaine et de notre responsabilité.

Je note d’ailleurs que M. le ministre avait proposé un amendement similaire. Toutefois, comme il fréquente le Sénat depuis quelques jours, la sagesse de notre assemblée l’a complètement imprégné et il y a renoncé ! (Sourires.)

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Avec l’examen de cet amendement, nous entamons une nouvelle période de notre travail collectif.

M. Pillet est un corapporteur extrêmement habile et sa profession de foi est convaincante pour ceux qui l’écoutent. Toutefois, la rédaction d’un nouveau code nécessitera beaucoup de travail.

M. Jean Desessard. Cela crée de l’emploi ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Certes, mon cher collègue, mais je crois que nos fonctionnaires ont mieux à faire, surtout dans la période actuelle.

Ce qui m’intéresse ici, parce que nous serons de nouveau confrontés au problème, c’est le début de l’intervention de mon collègue Bigot et la fin de l’intervention de M. le corapporteur. En effet, nous allons retrouver ce problème dans nombre d’amendements adoptés par la commission spéciale.

Monsieur le corapporteur, je crains que votre souci principal ne soit de retrancher du code de commerce un certain nombre de dispositions pour les rapatrier dans ce que vous appelez « le vrai droit », c’est-à-dire le droit civil.

M. François Pillet, corapporteur. Pas du tout !

Mme Nicole Bricq. Nous le verrons à l’occasion de la discussion sur les professions réglementées. Pour ma part, je pense que si ces dispositions figurent dans le code de commerce, c’est parce qu’il s’agit d’actes qui concernent la vie économique. Or c’est bien d’un texte sur l’économie que nous parlons.

Peut-être vous fais-je un procès d’intention. Néanmoins, vous avez souvent déposé des amendements qui visaient à retirer une prérogative au ministre de l’industrie pour la transférer à la chancellerie ou à transférer des dispositions qui sont à l’heure actuelle dans le code du commerce vers le code civil, parce que vous considérez qu’elles sont mal placées et que vous niez profondément que l’ensemble de ces professions et de ce qu’on appelle les intrants de l’économie affecte cette dernière. Tel est le principe de base qui a guidé votre réflexion.

C’est pourquoi il faut voter l’amendement n° 723 du groupe socialiste.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Puisqu’il faut que quelqu'un vole au secours du Premier ministre, je vais m’y employer… (Sourires.)

Sincèrement, quel citoyen de notre pays peut affirmer qu’il comprend tout à notre législation et à notre droit ? Qui peut nier que l’antienne selon laquelle « la loi est la loi et nul n’est censé l’ignorer » est devenue aujourd’hui une plaisanterie ?

M. Charles Revet. C’est certain !

M. Roger Karoutchi. Je songe à un film excellent qui a une cinquantaine d’années, La loi, c'est la loi, dans lequel le regretté Fernandel, qui joue le rôle d’un gendarme à la frontière italienne, prétend expliquer à tous les quidams qui passent par là ce qu’est la loi, alors qu’il ne la connaît pas lui-même ! (Sourires.)

Quand le Premier ministre insiste sur la nécessité de codifier le droit pour le rendre plus clair et plus accessible, pour que les citoyens ne soient plus obligés de naviguer entre des textes vieux de deux cents ans et des textes contemporains, quand M. le corapporteur souligne que le droit doit être rendu plus facile d’accès et plus compréhensible, je suis entièrement d’accord avec eux. Franchement, mes chers collègues, de qui est-ce la tâche, sinon des parlementaires ?

M. Charles Revet. Exactement !

M. Roger Karoutchi. Si nous ne nous soucions pas d’assurer la lisibilité de la loi par les citoyens, qui le fera ? Les administrations ? Les cabinets ministériels ? Certes non ! Au contraire, leur pouvoir vient essentiellement de ce qu’ils compliquent tout, tant et si bien qu’il n’y en a plus que quelques-uns à savoir de quoi l’on parle – je ne parle pas de votre cabinet, monsieur le ministre, qui est naturellement tout à fait transparent…

Oui, le droit doit être rendu plus lisible et plus accessible ! Évidemment, il y faut du travail, mais il vaut mieux travailler en ce sens qu’accumuler des lois qui bien souvent ne sont pas appliquées – ainsi de la loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence, dite loi « Eckert », qui aurait dû rendre inutiles les amendements de M. Desessard, mais dont nous nous sommes rendu compte que les décrets d’application n’avaient pas été publiés.

Le rôle du Parlement n’est pas de voter le plus de lois possible au cours d’une législature. Nous devons, mes chers collègues, veiller à la clarté et à l’accessibilité du droit, au service de la protection de nos concitoyens.

Pour ma part, j’affirme que la codification à laquelle la commission spéciale est attachée serait un progrès pour tous les citoyens, et pas seulement pour ceux qui savent. Il y a le pouvoir des sachants et le pouvoir du peuple ; je suis, pour ma part, pour que tout le monde ait accès au droit !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne voudrais pas que s’instaure un faux débat : il n’y a pas, d’un côté, les partisans de la codification et, de l’autre, ceux qui y seraient opposés.

M. Jean Desessard. Il semble pourtant que si !

M. Emmanuel Macron, ministre. Pas tout à fait, monsieur le sénateur, et cela pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, si la codification est une œuvre de simplification particulièrement utile à nos concitoyens, nous traitons présentement de la régulation de quelques professions, en particulier de professions juridiques qui ne sont pas les plus démunies sur le plan de l’accès au droit.

Mme Nicole Bricq. En effet !

M. Emmanuel Macron, ministre. À cet égard, monsieur Karoutchi, votre argumentation ne me paraît pas des plus robustes. Objectivement, les professionnels dont nous parlons ne seront guère en peine d’accéder aux règles qui régissent leur fonctionnement : moi qui les ai beaucoup côtoyés ces derniers mois, je puis vous assurer qu’ils les connaissent très bien, et même beaucoup mieux que les cabinets ministériels !

Mme Nicole Bricq. C’est évident !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ensuite, nombre de ces règles sont déjà codifiées, en particulier dans le code de commerce.

Ainsi, les règles relatives aux administrateurs et aux mandataires judiciaires figurent dans le code de commerce, parce que ces professionnels ont affaire à la matière économique ; de même pour celles qui concernent les greffiers de tribunaux de commerce, dont l’activité porte sur la matière commerciale et économique. Ces dispositions doivent-elles vraiment être retirées du code de commerce ? En quoi le fait de déplacer dans un autre code les règles relatives à ces professions, en particulier à leurs tarifs, serait-il un progrès fondamental du point de vue de la simplification ?

Enfin, simplifier consiste-t-il à créer des codes pour tout ? Ce qui m’effraie, moi, c’est le mécanisme de scissiparité : après avoir créé un code de l’accès au droit et de l’exercice du droit, pourquoi, dans cinq ou six ans, ne le couperait-on pas lui-même en deux pour en faire un autre ? En définitive, on obtiendra des codes qui ne seront pas plus longs que le code du travail suisse, dont on parle souvent : ils feront une quinzaine de pages.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous répète que les règles relatives aux administrateurs et aux mandataires judiciaires, ainsi qu’aux greffiers des tribunaux de commerce, notamment aux tarifs de ces professions, figurent dans le code du commerce. Nous proposons d’inscrire aussi dans ce code les règles qui s’appliquent aux commissaires-priseurs judiciaires, aux huissiers de justice et aux notaires. Si le problème tient à la loi du 25 ventôse an XI, codifions-la ailleurs ; mais, de grâce, ne créons pas un nouveau code pour cela !

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Monsieur le corapporteur, il est vrai que, à l’époque où nous avons, vous et moi, fréquenté les facultés de droit, on attendait davantage de codification. Depuis lors, des codes ont été établis, dont certains se recoupent : ainsi, on a dû inscrire dans le code de la consommation des dispositions du code civil, sans quoi le consommateur, dont on voulait faciliter l’information, aurait été obligé de naviguer entre les deux codes.

J’ai l’impression que, aujourd’hui, on oublie le rôle fondamental du numérique. De fait, il est sans doute plus facile, quand on est avocat, d’accéder aux règles de droit en consultant des sites internet comme Légifrance qu’en se rendant dans une bibliothèque pour se plonger dans un code relativement incompréhensible.

Par ailleurs, certaines dispositions figurent dans le code de l’organisation judiciaire. Va-t-on les en retirer ?

La vraie question n’est pas la création d’un code de l’accès au droit et de l’exercice du droit : c’est le symbole qu’il y aurait à ne plus traiter des professions réglementées dans le code de commerce. Celui-ci, du reste, devrait peut-être s’appeler code de commerce et de l’économie, parce qu’il ne concerne pas seulement les actes de commerce.

Pour ma part, je voterai l’amendement tendant à supprimer l’article 12 A.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. J’appuie, quant à moi, la position de la commission spéciale.

En effet, nous assistons à une judiciarisation tout à fait spectaculaire de la société : aujourd’hui, tout le monde fait des procès à tout le monde. Dans ce contexte, l’accès au droit est une vraie difficulté.

Mme Nicole Bricq. Nous parlons de professions juridiques… Le droit, ça les connaît !

Mme Nathalie Goulet. Sans doute, ma chère collègue, mais le code dont la commission spéciale propose la création n’a pas vocation à servir seulement aux professions réglementées : il doit servir aussi à ceux qui veulent s’informer à leur sujet.

De surcroît, la codification sera l’occasion d’un toilettage, qui rendra d’autant plus intéressante l’entreprise de clarification.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Les positions des uns et des autres sont arrêtées et j’ai bien conscience que je ne les ferai pas changer, même si j’étais en bonne compagnie avec la circulaire du Premier ministre…

Monsieur le ministre, je vous signale que les règles régissant les activités des notaires, des avocats et des commissaires-priseurs judiciaires, mais aussi d’autres professions, n’ont fait l’objet à ce jour d’aucune codification.

La codification que la commission spéciale défend vise à assurer une meilleure lisibilité du droit par l’ensemble de nos concitoyens ; elle n’a pas pour objet de retirer certaines dispositions du code de commerce. Par ailleurs, elle n’est pas, dans mon esprit, limitée aux tarifs des professions concernées : le nouveau code pourrait traiter aussi du régime juridique des activités, de leurs règles d’exercice, de leur discipline et de leur déontologie.

Mes chers collègues, l’œuvre de synthèse que la commission spéciale a prévue est nécessaire pour rendre les activités des professions dont nous parlons plus transparentes pour nos concitoyens.

Je maintiens donc avec force la position de la commission spéciale.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 723.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 138 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 308
Pour l’adoption 109
Contre 199

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'article 12 A.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 139 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 307
Pour l’adoption 199
Contre 108

Le Sénat a adopté.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.

Article 12 A (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 12

Mme Éliane Assassi. Je veux évoquer l’organisation de nos travaux. Sans remettre en cause la légitimité des scrutins publics, j’observe que nous ne sommes pas nombreux ce matin. Peut-être le serons-nous encore moins cette après-midi.

Or, hier au soir, la présidence a annoncé que nous lèverions la séance de ce jour à dix-neuf heures. Je voudrais avoir la confirmation de cet horaire, car j’ai entendu dire que la séance pourrait n’être levée qu’à vingt et une heures.

M. le président. Madame Assassi, je vous confirme que la séance d’aujourd'hui ne se poursuivra pas au-delà de dix-neuf heures.

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 13

Article 12

I. – Sont régis par les I à I quinquies du présent article les tarifs réglementés applicables aux prestations des commissaires-priseurs judiciaires, des greffiers de tribunaux de commerce, des huissiers de justice, des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires et des notaires.

Sauf disposition contraire, lorsqu’un professionnel mentionné au premier alinéa est autorisé à exercer une activité dont la rémunération est fixée par un tarif propre à une autre catégorie d’auxiliaire de justice ou d’officier public ou ministériel, sa rémunération est arrêtée conformément aux règles dudit tarif.

bis. – Les tarifs mentionnés au I prennent en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs, qui prennent notamment en compte les sujétions auxquelles sont soumises les professions en cause.

Par dérogation au premier alinéa du I bis, peut être prévue une péréquation des tarifs applicables à l’ensemble des prestations servies. Cette péréquation peut notamment prévoir que les tarifs des prestations relatives à des biens ou des droits d’une valeur supérieure à un seuil fixé par le ministre de la justice soient fixés proportionnellement à la valeur du bien ou du droit. Cette péréquation assure également une redistribution, au niveau national, d’une partie des sommes perçues au titre de ces tarifs proportionnels, au bénéfice d’un fonds propre à chaque profession destiné à financer, d’une part, la compensation des prestations accomplies à perte par les professionnels concernés et, d’autre part, l’indemnisation éventuelle par le créateur d’un nouvel office des titulaires d’office auxquels cette installation a causé préjudice.

Des remises peuvent être consenties lorsqu’un tarif est déterminé proportionnellement à la valeur d’un bien ou d’un droit en application du deuxième alinéa du présent I bis et lorsque le montant de ce tarif est supérieur à un seuil minimal défini par l’arrêté conjoint prévu au I ter. Pour chaque profession concernée par le présent article, un décret en Conseil d’État détermine quels autres types de remises peuvent être consentis par les intéressés sur le tarif des prestations qu’ils accomplissent, lorsque celles-ci entrent en concurrence avec celles, non soumises à un tarif, d’autres professionnels.

ter. – Le tarif de chaque prestation est arrêté par le ministre de la justice.

Ces tarifs sont révisés au moins tous les cinq ans.

quater. – Les commissaires-priseurs judiciaires, les greffiers de tribunaux de commerce, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires et les notaires affichent les tarifs qu’ils pratiquent, de manière visible et lisible, dans leur lieu d’exercice et sur leur site internet.

quinquies. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, précise les modalités d’application du I à I quinquies du présent article, notamment :

1° Les modes d’évaluation des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable ;

2° et 3° (Supprimés)

4° Les caractéristiques de la péréquation prévue au deuxième alinéa du I bis.

sexies. – Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 462-2, il est inséré un article L. 462-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 462-2-1 (nouveau). – À la demande du Gouvernement, l’Autorité de la concurrence donne son avis sur les prix et tarifs réglementés mentionnés, respectivement, au deuxième alinéa de l’article L. 410-2 et au I de l’article 12 de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Cet avis est rendu public.

« L’Autorité de la concurrence peut également prendre l’initiative d’émettre un avis sur les prix et tarifs réglementés mentionnés au premier alinéa. Cet avis est rendu public.

« L’engagement d’une procédure d’avis en application du présent article est rendue publique dans les cinq jours ouvrables, afin de permettre aux associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice ainsi qu’aux organisations professionnelles ou aux instances ordinales concernées d’adresser leurs observations à l’Autorité de la concurrence.

« Le Gouvernement informe l’Autorité de la concurrence de tout projet de révision des prix ou des tarifs réglementés mentionnés au premier alinéa. » ;

2° La première phrase de l’article L. 663-2 est ainsi rédigée :

« Les modalités de rémunération des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires sont fixées conformément aux I à I quinquies de l’article 12 de la loi n° ... du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, celles des commissaires à l’exécution du plan et des liquidateurs, par décret en Conseil d’État. » ;

3° Au premier alinéa de l’article L. 663-3, la référence : « de l’article L. 663-2 » est remplacée par la référence : « du I bis de l’article 12 de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » ;

4° À la fin du premier alinéa de l’article L. 743-13, les mots : « par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « en application des I à I quinquies de l’article 12 de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. »

II. – La première phrase du troisième alinéa de l’article L. 113-3 du code de la consommation est complétée par les mots : « du présent code, ainsi qu’aux prestations mentionnées aux I à I quinquies de l’article 12 de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ».

III. – L’article 1er de la loi du 29 mars 1944 relative aux tarifs des émoluments alloués aux officiers publics ou ministériels est abrogé. Toutefois, les dispositions tarifaires fixées en vertu de cet article demeurent en vigueur jusqu’à leur modification opérée conformément aux I à I quinquies du présent article.

IV. – Sont applicables à Wallis-et-Futuna :

1° Les I à I quinquies du présent article, ainsi que les articles L. 462-1, L. 462-4, L. 464-1, L. 663-2, L. 663-3 et L. 743-13 du code de commerce, dans leur rédaction résultant du présent article ;

2° L’article L. 113-3 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant du présent article.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.

M. Éric Bocquet. L’article 12 inaugure le début d’une longue discussion sur la réforme des professions réglementées, dont il a déjà été beaucoup question dans les médias ces dernières semaines. Je profite donc de ce premier article pour vous exposer notre vision générale sur ces professions, qui vaut évidemment pour les articles suivants.

L’État a délégué certaines prérogatives de puissance publique attachées à sa mission régalienne aux professions réglementées : huissiers de justice, notaires, commissaires-priseurs judiciaires, greffiers, administrateurs judiciaires, etc.

Actuellement, et en toute logique, c’est donc le ministère de la justice qui contrôle les conditions d’exercice de cette délégation et réglemente les tarifs et l’implantation desdites professions.

Ce faisant, il est le garant de la sécurité juridique de leurs actes et il peut veiller à l’indépendance de ces professionnels du droit, au respect des règles déontologiques et à l’absence de conflits d’intérêts.

Il veille également à l’accès de tous au droit en contrôlant le maillage territorial de ces professions et en évitant l’apparition de déserts juridiques dans des zones moins attractives, pour ne pas dire moins rentables.

Arguant de tarifications trop élevées des actes – selon une vision extrêmement caricaturale, qui ne correspond pas à l’ensemble de ces professions, mais à une minorité au sein de chacune d’elles –, le Gouvernement prétend y remédier en libéralisant les professions concernées, afin qu’elles contribuent à la vitalité de l’économie.

Ainsi, il veut introduire une concurrence tarifaire, une liberté d’installation et même une capitalisation des sociétés qui, elle, a été retirée du texte par la commission spéciale.

Notre vision est la suivante : si un problème existe concernant les tarifs ou l’implantation de ces professions, le meilleur moyen de les corriger réside encore dans le pouvoir de régulation dont dispose actuellement le ministère, qui lui donne toute latitude pour les corriger s’il le juge nécessaire et selon des besoins qu’il est le mieux à même d’analyser.

En outre, si l’on estime que certaines professions ont un revenu trop élevé, l’impôt sur le revenu ne constitue-t-il pas un instrument de régulation privilégié pour opérer une redistribution en fonction de ces revenus ? (M. Jean Desessard acquiesce.) Sans doute faudrait-il le réformer, et nous engageons le Gouvernement à le faire, mais, dans tous les cas, ce n’est pas la libéralisation à outrance des professions du droit qui apportera, selon nous, la solution.

Nous partageons donc les inquiétudes de ces professions réglementées du droit.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. Éric Bocquet. Toutefois, de grâce, que l’on ne vienne pas nous dire que nous défendons la rente ! Non seulement ce projet de loi ne créera aucun emploi et aucune croissance, mais, en plus, il aboutira in fine à une remise en cause du maillage territorial, avec le risque de créer des zones de concentration d’offices et des déserts juridiques.

Ces mesures portent atteinte à l’égalité d’accès de tous les citoyens à la justice en instaurant des tarifs différenciés. Il est important ici de rappeler que la justice et le droit ne peuvent être abordés sous un angle uniquement économique et que l’accès de tous au droit et à la sécurité juridique prime sur la rentabilité et la compétitivité. Marier le droit et le marché nous paraît quelque peu scabreux – c'est un peu comme marier la carpe et le lapin !

Certes, le projet de loi initial a été modifié et encadré, en partie à l’Assemblée nationale et au Sénat, mais il continue de s’appuyer sur les mêmes principes, qui restent tout autant critiquables.

Le premier principe est la déréglementation des tarifs et la création de seuils entre lesquels des négociations entre parties sont possibles, faisant primer la loi du fort au détriment de l’intérêt général.

Le deuxième principe est l’intrusion de l’Autorité de la concurrence dans la détermination de la politique tarifaire et des zones d’implantation, alors même que cette instance n’a pour but que d’étendre le dogme de l’autorégulation et du marché.

Le troisième principe est la liberté d’installation et la suppression du contrôle de l’État dans des zones où les professionnels sont jugés trop peu nombreux.

Enfin, le projet de loi s'appuie encore sur l’élargissement de la territorialité de la postulation des avocats du tribunal de grande instance à la cour d’appel, avec l’éloignement des avocats des citoyens.

Alors que rien ne permet d’affirmer qu’elles se traduiront par des créations d’emplois, les mesures concernant les professions réglementées poursuivent le travail d’ouverture débridée à la concurrence du marché du droit et ne règlent en rien le problème de l’accès à ce droit. Ce texte risque donc de faire disparaitre des milliers de ces professionnels délégataires d’une mission de service public au profit d’une grande profession du droit – d’inspiration anglo-saxonne, d’une certaine manière – dont le capital sera ouvert à tous et qui sera concentrée dans de grands cabinets aux abords des grandes villes.

Les usagers seront alors confrontés à une sorte de braderie de leur sécurité juridique, au profit de sociétés privatisées dont le moteur essentiel est la profitabilité. Voilà la philosophie portée par ces articles, et nous ne pouvons que nous y opposer fermement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Jean Desessard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, sur l'article.

M. Jacques Bigot. Nous allons aborder la série d’articles du projet de loi portant sur les professions réglementées.

Sans reprendre ce que j’ai dit en discussion générale, j’ai souvent entendu parler du marché du doit, et il existe bel et bien. Des gens y gagnent leur vie en pratiquant diverses activités, tandis que le droit lui-même participe au marché et à l’économie. La situation est donc complexe.

J’ai souhaité intervenir sur l’article 12, qui concerne les tarifs de ces professions réglementées. Ces tarifs ont un sens : dès lors que des officiers ministériels, des administrateurs ou des huissiers de justice, par exemple, ont un rôle fixé par l’État, il est logique que ce dernier en fixe aussi les tarifs, sauf à ouvrir entièrement ces professions à la concurrence, comme cela se pratique d'ailleurs pour d’autres professionnels du droit, comme ces auxiliaires de justice que sont les avocats, pour lesquels on envisage d'ailleurs, en se recommandant précisément de la liberté de la concurrence et des prix, de supprimer le tarif de la postulation, et cela avec le parfait accord de la profession.

S'agissant des autres professions, les tarifs réglementés s'imposent, car il faut trouver un juste équilibre.

Prenons l’exemple des actes de vente dressés par les notaires, dont je rappelle que le prix de revient a été largement amplifié par les textes successivement adoptés par le Parlement – aujourd'hui, faire un acte de cession immobilière suppose de très nombreux contrôles et prises de renseignements. Eh bien, ce coût est le même, quel que soit le prix du bien cédé, qu’il s'agisse de la vente d’un garage de 10 000 ou 15 000 euros – l’acte a alors une très faible valeur – ou de la vente d’un superbe appartement sur l’île Saint-Louis, qui en vaut bien plus.

M. Jacques Bigot. Certes, si la prestation n’est pas payée à son coût exact, elle doit l’être en fonction du montant de la valeur marchande du bien.

Quoi qu’il en soit, il est apparu – notamment avec le développement du marché immobilier et la progression de certains chiffres – que quelques professions gagnaient très bien leur vie, voire, pour d’aucuns, scandaleusement bien. Il faut donc trouver une manière de réviser le tarif – ce qui n’a pas été fait – ou de l’adapter, afin, peut-être, de parvenir à un équilibre.

M. le ministre avait initialement envisagé, dans son projet de loi, un corridor tarifaire dont il a reconnu depuis qu’il ne constituait pas la bonne solution. L’Assemblée nationale a proposé qu’il soit possible de consentir une remise dans une fourchette de prix comprise entre un plancher et un plafond. La commission, quant à elle, propose que l’on supprime le plafond et que le montant de la remise puisse en outre être librement fixé.

Pour ma part, je pense que les tarifs réglementés, par essence, ne sont pas du domaine de la concurrence et que le plus simple est de ne pas les dénaturer.

M. Jacques Bigot. En revanche, dans l’hypothèse où un tarif proportionnel crée des ressources atteignant un niveau jugé inadmissible, le Gouvernement pourrait logiquement décider que, au-delà d’un certain montant, un prélèvement est opéré pour nourrir un fonds de péréquation. (M. Jean Desessard applaudit.)

Ce fonds pourrait ensuite être mobilisé pour l’aide à l’accès au droit – peut-être dans ce code que la commission spéciale a voulu créer – et à l’installation de jeunes notaires, sans compensation auprès des notaires en place sur le secteur.

Par l’amendement que j’ai déposé sur cet article, je me suis contenté de reprendre le projet de la commission, en supprimant la remise et en instaurant un dispositif qui vise à alimenter le fonds de péréquation, lorsque le tarif fixé crée des ressources trop importantes.

Monsieur le ministre, monsieur le corapporteur, je livre ces propositions à votre réflexion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l'article.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, vous avez affaire à un hémicycle rempli de curiosité à votre égard. J’entends M. Bigot évoquer l’amendement qu’il a déposé pour modifier le texte de la commission. Le groupe CRC dit ce que j’aurais pu dire. Décidément, j’ai un problème ce matin, il faut que je me surveille ! Tout à l’heure, j’étais d’accord avec Mme Bricq, maintenant, c’est avec le groupe CRC… (Sourires.) C’est une vieille alliance classique depuis la Seconde Guerre mondiale ! (Nouveaux sourires.)

Vous avez déposé, monsieur le ministre, un amendement visant à récrire l’article 12, revenant finalement à quelque chose dont personne ne veut. Je ne sais pas comment vous faites !

Très sincèrement, quand j’ai vu arriver ce projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, j’ai cru que vous étiez le ministre qui allait libérer l’économie, créer des emplois et mieux répartir la richesse. J’ai cru que vous alliez rendre notre peuple productif, heureux et doté d’un meilleur pouvoir d’achat, grâce à une industrie requalifiée… (Sourires.)

J’irai même jusqu’à dire que nous attendions votre texte avec une sorte de gourmandise ! Il est enfin examiné par notre assemblée, et nous voilà confrontés à la question de ces pauvres notaires… Je dois l’admettre, monsieur le ministre, en me levant tous les matins, je ne pense pas immédiatement à cette profession pour œuvrer au redressement économique de la France ! Toutefois, je ne doute pas que tel soit votre cas.

Certes, des modifications peuvent être introduites. Certaines évolutions ont d’ailleurs eu lieu, M. Bigot l’a dit tout à l’heure. Ainsi le Parlement a-t-il accru les charges des notaires et revu les tarifications de certains actes, lors de l’adoption de textes relatifs au logement ou à l’immobilier. Dans la mesure où il s’agit d’une profession « réglementée », il est normal que le Parlement, en votant la loi, modifie les équilibres.

Rééquilibrer progressivement, ce n’est pas provoquer un tremblement de terre. Je n’évoquerai pas, monsieur le ministre, l’étude du cabinet Ernst & Young, à laquelle vous avez déjà fortement réagi, affirmant qu’elle était destinée à affoler le public. Celle-ci estime en effet que les mesures que vous proposez aboutiraient à une diminution de 10 % à 20 % du chiffre d’affaires de ces professions, ainsi qu’à la disparition d’environ 9 500 collaborateurs d’ici à 2020.

Je le rappelle, il s’agit d’une profession qui exerce une mission de service public, assure un maillage territorial et rend un service hautement sécurisé, préférable à l’insécurité juridique constatée dans certains pays européens ou nord-américains.

Si vous aviez simplement voulu modifier à la marge, comme le disait M. Bigot, certains éléments tarifaires, nous aurions compris. Or, en l’espèce, s’il ne s’agit pas d’une attaque frontale, les mesures proposées transforment les professions réglementées en quelque chose d’inacceptable.

Bien que je sois gaulliste, je pense être un libéral. Pour autant, je ne comprends pas votre volonté de déstabiliser des professions réglementées, qui fonctionnent, plutôt que d’apporter des modifications à la marge. Je le rappelle, la profession de notaire assure la sécurité juridique de tous les ménages français, qu’il s’agisse de leurs droits de succession ou des transactions relatives à leurs appartements.

Il existe tout de même d’autres privilèges dans le monde économique français, d’autres Bastilles à prendre ! Par pitié, monsieur le ministre, acceptez le texte de la commission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 13 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 101 est présenté par M. Navarro.

L'amendement n° 772 est présenté par MM. Ravier et Rachline.

L'amendement n° 1490 est présenté par M. Gremillet.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l’amendement n° 13.

M. Christian Favier. L’idée que les conditions dans lesquelles exercent les professions réglementées sont infraéconomiques n’est pas nouvelle. En 2011, déjà, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées la reprenait, et nous la contestions, comme nous le faisons aujourd'hui.

Pour nous, le droit, qui n’est pas une banale marchandise, ne peut être soumis à la loi du marché. Le considérer ainsi serait une faute politique et un coup porté à la notion même de service public. Le choix fait par le Gouvernement de réformer les professions judiciaires réglementées par le biais d’un texte émanant du ministre de l’économie est non de la garde des sceaux est révélateur de la place accordée aujourd'hui au service public national de la justice.

Cet amendement vise donc à supprimer l’article 12. À notre sens, la fin des services réglementés par l’État pour les professions de commissaire-priseur judiciaire, de greffier des tribunaux de commerce, d’huissier de justice, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire et de notaire ne traduit qu’une libéralisation et une mise en concurrence de ces professionnels.

Cette mise en concurrence, opérée par les prix, n’est finalement qu’une atteinte grave portée au service public, les professions concernées étant dépositaires d’une mission de service public.

La notion même de concurrence ne saurait s’appliquer à cette profession, qui travaille bien souvent de concert en s’associant ponctuellement selon les dossiers. Outre une déréglementation, l’article 12 du projet de loi, en accord sur le fond avec les rapports Darrois et Attali, vise à établir que la tarification des professions réglementées doit se faire en fonction des coûts réels.

Or, comme le soulignent des organisations de professionnels, les tarifs des actes relevant de l’accès à la justice sont aujourd'hui inférieurs aux coûts de leur production. L’adoption d’une telle mesure impliquerait donc une hausse des tarifs sur une partie non négligeable des prestations. Par ailleurs, les professions réglementées ne pratiqueraient pas les mêmes tarifs selon leur localisation géographique, les taxes locales et les loyers étant compris dans les coûts.

Cette remise en cause du maillage territorial des services publics et de l’égalité d’accès au droit ne peut évidemment qu’être condamnée.

Enfin, proposer une tarification en fonction des coûts ne peut en aucun cas favoriser une baisse des prix des actes pour les usagers. En effet, la tarification que vous nous proposez aujourd'hui est constituée du recouvrement des coûts, mais implique nécessairement une marge, mentionnée à l’alinéa 3. Ainsi, le professionnel n’a aucune raison de « se serrer la ceinture ».

Pour l’ensemble de ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à soutenir cet amendement de suppression de l’article 12.

M. le président. Les amendements nos 101, 772 et 1490 ne sont pas soutenus.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 13 ?

M. François Pillet, corapporteur. Comme je l’ai indiqué hier, la position du groupe CRC sur l’ensemble du texte, en particulier sur ces articles, est cohérente et respectable. Dans la lignée des propos tenus tout à l’heure par notre collègue Roger Karoutchi, je dois même dire que je pourrais signer, sans en changer beaucoup de mots, certaines de vos interventions, monsieur Bocquet. (Exclamations amusées.)

Mme Nicole Bricq. Encore la vieille alliance !

M. Emmanuel Macron, ministre. Rassurez-vous : j’arrive ! (Sourires.)

M. François Pillet, corapporteur. Madame Bricq, vous êtes en train de me reprocher ma gentillesse, ma courtoisie et ma délicatesse. Vous avouerez que ce sont des qualités qui permettent, de temps en temps, d’avoir des jugements favorables sur des gens qui ne partagent pas les mêmes idées.

Mme Nicole Bricq. Bien sûr !

M. François Pillet, corapporteur. En cet instant, je n’aborderai pas le fond de la discussion. Nous sommes défavorables à cet amendement de suppression de l’article, la commission ayant choisi non pas de supprimer, mais de corriger le texte.

Quoi qu’il en soit, à l’occasion des débats qui vont suivre, nous aurons l’occasion d’échanger un certain nombre de points de vue. Face à une position cohérente, je le répète, il ne s’agit pas de fuir le débat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. J’aurai le même avis, pour les mêmes raisons.

Toutefois, je tiens à revenir sur la raison de toute cette réforme et à répondre aux orateurs qui viennent d’intervenir.

Tout d’abord, M. Bigot l’a très bien dit, prétendre que le droit n’aurait aucun lien avec l’économie est une aberration. Nous parlons de professions dont le chiffre d’affaires atteint une vingtaine de milliards d’euros. Si ce n’est pas de l’économie, cela devrait être gratuit et relever de l’économie du don ! Ou alors, fonctionnarisons toutes ces bonnes personnes !

Mme Éliane Assassi. C’est du service public !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce n’est pas ce dont nous parlons, précisément. Permettez-moi de ne pas vous suivre dans la logique des trois petits singes, qui voudrait qu’on se bande les yeux, qu’on se bouche les oreilles et qu’on ferme la bouche : parce qu’il s’agit du droit, nous ne serions pas autorisés à nous pencher sur la question !

Une telle approche ne me paraît pas pertinente. Les professions réglementées participent de l’économie. Il est donc normal, monsieur Karoutchi, lorsqu’on évoque l’économie et la croissance, de réfléchir à ces questions, tout comme il est normal de s’intéresser à la grande distribution.

Certes, il s’agit sans doute de professions mieux organisées, plus bruyantes, qui trouvent des relais au sein de la Haute Assemblée comme à l’Assemblée nationale… Toutefois, pourquoi ne faudrait-il pas examiner leur situation ?

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ces professions relèvent, vous le disiez tout à l’heure, de réglementations parfois très anciennes, car il a souvent semblé préférable de ne pas s’en occuper… L’approche de mon prédécesseur a été conforme à son style. Il a d’ailleurs permis de faire avancer le dossier. Je n’ai pas adopté la même attitude, n’ayant jamais stigmatisé ou mis au pilori cette profession – vous ne m’avez jamais entendu tenir de tels propos, monsieur le sénateur. Au contraire, j’ai toujours reconnu sa contribution concernant l’accès au droit et la sécurité juridique.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire, je m’amuse d’entendre aujourd'hui votre majorité sénatoriale, qui est la majorité gouvernementale d’hier, défendre, la main sur le cœur, la sécurité juridique. C’est vous, et non pas le gouvernement, qui avez créé l’acte d’avocat et fait la première encoche dans la sécurité juridique, en particulier celle de l’acte authentique.

Nous avons décidé, pour tout ce qui relève du maillage territorial et de la sécurité juridique, de ne rien toucher. En revanche, force est de le constater, ces professions pratiquent des tarifs qui ne sont pas toujours transparents ; elles ont des règles d’organisation qui ne sont pas optimales et des principes en termes d’installation qui sont peu satisfaisants au XXIe siècle. Or notre intérêt porte sur ces trois sujets. Il ne s’agit pas d’une révolution ou d’un big bang, mais de l’introduction d’éléments concrets.

La réaction desdites professions, peut-être habituées à ne pas être au centre de l’attention, a justifié qu’on fasse de leur situation le cœur de ce projet de loi. Or tel n’était pas le cas à l’origine, cette question n’étant pas essentielle sur le plan de l’impact économique.

Si l’on suivait votre logique jusqu’au bout, monsieur Karoutchi, on ne changerait jamais rien. En effet, la grande réforme économique qui permettrait de relancer la croissance n’existe pas. Pour créer la croissance et l’activité, il faut mener une série de réformes, secteur par secteur. Il convient de se pencher sur une partie des services du droit, du secteur de l’énergie, de la distribution, etc. Chaque secteur économique justifie un déverrouillage. Un chiffre d’affaires d’une vingtaine de milliards d’euros, comme c’est le cas de celui de ces professions, est loin d’être insignifiant ; il est donc normal de s’en occuper.

Le présent article porte sur les tarifs. Je dois le dire, je défendrai tout à l’heure un amendement qui n’est pas un simple amendement de rétablissement du texte du Gouvernement.

La commission n’a d’ailleurs pas opéré de suppression pure et simple, ce dont je la remercie. Il y a eu une avancée collective, qui a permis à l’esprit du texte de progresser, puisque, pour la première fois, chacun a reconnu que la fixation des tarifs nécessitait une plus grande transparence et une plus grande régularité. À mes yeux, c’est là le cœur de l’article.

On débattra tout à l’heure de la question des remises, qui a déjà été évoquée. Je voudrais que nous allions, en la matière, vers plus de simplicité.

Somme toute, on le voit bien, nous sommes en train de créer un mouvement, qui me paraît utile. En effet, rendre plus transparente la fixation des tarifs de ces professions, c’est bon pour l’ensemble de nos concitoyens, c’est bon aussi pour notre économie, car ces tarifs représentent un coût non négligeable pour les entreprises comme pour les ménages. Tout cela va donc dans la bonne direction.

Nous faisons collectivement œuvre utile, mesdames, messieurs les sénateurs. Il faut largement dépassionner les débats ; la réaction passionnée, elle, de certains n’est que le reflet du sentiment profond selon lequel il serait illégitime que le législateur s’occupe de textes qui remontent parfois, cela a été dit, à Louis XVIII ou encore avant.

Or nous avons tout de même le droit de moderniser le droit, monsieur Karoutchi, et moderniser l’économie passe aussi par là.

M. Roger Karoutchi. Vous avez tout à fait le droit de moderniser Louis XVIII, cela oui ! (Sourires.)

M. Emmanuel Macron, ministre. Tel est l’état d’esprit du Gouvernement. On avance et c’est faire œuvre utile par rapport à la démarche d’ensemble.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je suis surpris, monsieur le ministre, que vous réduisiez l’économie au secteur privé.

M. Emmanuel Macron, ministre. Non !

M. Jean Desessard. Le secteur de la santé représente des milliers d’emplois, et offre des services formidables ; or c’est une économie administrée ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.) On ne peut donc pas dire que toute l’économie relève du secteur privé.

Je pense aussi au service de l’eau, aux services municipaux en général ; énormément de services économiques sont gérés par les collectivités territoriales ou l’État.

M. Emmanuel Macron, ministre. On est d’accord !

M. Jean Desessard. Par ailleurs, vous semblez indiquer que tout ce qui date un peu n’est pas bon.

Quand Bruxelles a voulu remettre en cause la Caisse des dépôts et consignations, je peux vous dire, monsieur le ministre, que je n’étais absolument pas d’accord ! Pourtant, cette institution date de Napoléon. Elle est menacée tous les vingt ans, mais elle offre des services extrêmement intéressants.

Qu’il faille, à un certain moment, affiner les choses, actualiser les statuts, j’en conviens. Mais des outils mis en place en des temps éloignés rendent encore des services aujourd’hui.

M. Charles Revet. Il ne faut pas tout casser !

M. Jean Desessard. Dès lors, je m’inscris, sur ce point, dans la démarche du groupe CRC et de nos collègues – comment les appeler ? – de la droite républicaine. (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Les Républicains !

M. Jean Desessard. Nous nous situons donc, comme eux, dans cette perspective : les agents des professions dont nous parlons exercent une fonction de service public ; ils produisent notamment des actes assermentés. Nous défendons aussi l’égalité des tarifs.

C’est sur ce point, monsieur le rapporteur, que je ne comprends pas pourquoi la commission autorise les remises. La remise peut signifier le clientélisme, ou l’existence de clients privilégiés. Elle peut aussi impliquer la concurrence entre études. Il faut être logique : si on conserve la notion de service public, la concurrence ne doit pas avoir lieu, et l’égalité des tarifs comme la répartition sur tout le territoire doivent être assurées.

Je m’abstiendrai donc sur l’amendement déposé par le groupe CRC, car il peut être utile de revoir les conditions d’installation de ces études, ainsi que, peut-être, les tarifs, même si cela doit être fait avec mesure.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 140 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l’adoption 19
Contre 295

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.)

PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous reprenons l’examen du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 12.

L'amendement n° 1664, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Après le titre IV du livre IV, il est inséré un titre IV bis ainsi rédigé :

« TITRE IV BIS

« DE CERTAINS TARIFS RÉGLEMENTÉS

« Art. L. 444-1. – Sont régis par le présent titre les tarifs réglementés applicables aux prestations des commissaires-priseurs judiciaires, des greffiers de tribunaux de commerce, des huissiers de justice, des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires et des notaires.

« Art. L. 444-2. – Les tarifs mentionnés à l’article L. 444-1 prennent en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs.

« Par dérogation au premier alinéa du présent article, peut être prévue une péréquation des tarifs applicables à l’ensemble des prestations servies. Cette péréquation peut notamment prévoir que les tarifs des prestations relatives à des biens ou des droits d’une valeur supérieure à un seuil fixé par l’arrêté conjoint prévu à l’article L. 444-3 soient fixés proportionnellement à la valeur du bien ou du droit. Cette péréquation assure également une redistribution, au niveau national, des sommes perçues au titre de ces tarifs proportionnels et de celui des droits et émoluments de l’avocat en matière de saisie immobilière et de sûretés judiciaires visés à l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, au bénéfice d’un fonds interprofessionnel destiné à financer notamment l’aide juridictionnelle, l’accès au droit et les maisons de justice et du droit.

« Des remises peuvent être consenties lorsqu’un tarif est déterminé proportionnellement à la valeur d’un bien ou d’un droit en application du deuxième alinéa du présent article et lorsque le montant de ce tarif est supérieur à un seuil minimal défini par l’arrêté conjoint prévu à l’article L. 444-3 et inférieur à un seuil maximal défini par le même arrêté. Le montant des remises octroyées par un professionnel est fixe et compris dans des limites définies par voie réglementaire.

« Art. L. 444-3. – Le tarif de chaque prestation est arrêté conjointement par les ministres de la justice et de l’économie.

« Ces tarifs sont révisés au moins tous les cinq ans.

« Art. L. 444-3-1. – Les commissaires-priseurs judiciaires, les greffiers de tribunaux de commerce, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires et les notaires affichent les tarifs qu’ils pratiquent, de manière visible et lisible, dans leur lieu d’exercice et sur leur site internet.

« Art. L. 444-3-2. – Pour l’application de l’article L. 444-3, le ministre de l’économie peut recueillir :

« 1° toute donnée utile, auprès des professionnels mentionnés à l’article L. 444-1 ;

« 2° les informations statistiques précisées par voie réglementaire, auprès des instances représentatives de ces professionnels.

« Art. L. 444-4. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, précise les modalités d’application du présent titre, notamment :

« 1° Les modes d’évaluation des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable ;

« 2° Les caractéristiques de la péréquation prévue au deuxième alinéa de l’article L. 444-2.

« 3° La liste des informations statistiques mentionnées au 2° de l’article L. 444-3-2, et les modalités de leur transmission régulière.

2° Après l’article L. 462-2, il est inséré un article L. 462-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L 462-2-1. – À la demande du Gouvernement, l’Autorité de la concurrence donne son avis sur les prix et tarifs réglementés mentionnés, respectivement, au deuxième alinéa de l’article L. 410-2 et à l’article L. 444-1. Cet avis est rendu public. » ;

« L’Autorité de la concurrence peut également prendre l’initiative d’émettre un avis sur les prix et tarifs réglementés mentionnés au premier alinéa. Cet avis est rendu public au plus tard un mois avant la révision du prix ou du tarif en cause.

« L’engagement d’une procédure d’avis en application du présent article est rendue publique dans les cinq jours ouvrables, afin de permettre aux associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice ainsi qu’aux organisations professionnelles ou aux instances ordinales concernées d’adresser leurs observations à l’Autorité de la concurrence.

« Le Gouvernement informe l’Autorité de la concurrence, à la demande de celle-ci, de tout projet de révision des prix ou des tarifs réglementés mentionnés au premier alinéa, au moins deux mois avant la révision du prix ou du tarif en cause. » ;

3° À la première phrase de l’article L. 663-2, les mots : « des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires, » sont supprimés ;

4° Au premier alinéa de l’article L. 663-3, la référence : « L. 663-2 » est remplacée par la référence : « L. 444-2 » ;

5° À la fin du premier alinéa de l’article L. 743-13, les mots : « par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « en application du titre IV bis du livre IV du présent code ».

II. – La première phrase du troisième alinéa de l’article L. 113-3 du code de la consommation est complétée par les mots : « du présent code, ainsi qu’aux prestations mentionnées au titre IV bis du livre IV du code de commerce ».

III. – L’article 1er de la loi du 29 mars 1944 relative aux tarifs des émoluments alloués aux officiers publics ou ministériels est abrogé à une date fixée par décret, et au plus tard à l’expiration du douzième mois suivant la promulgation de la présente loi. Les arrêtés prévus à l’article L. 444-3 du code de commerce peuvent être adoptés avant cette date.

IV. – Sont applicables à Wallis-et-Futuna :

1° Les articles L. 444-1 à L. 444-4, L. 462-1, L. 462-4, L. 464-1, L. 663-2, L. 663-3 et L. 743-13 du code de commerce, dans leur rédaction résultant du présent article ;

2° L’article L. 113-3 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant du présent article.

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit d’un amendement cher au sénateur Roger Karoutchi. (Sourires.)

Cet amendement ne vise pas simplement à rétablir l’article 12 dans sa rédaction première. Tout d’abord, je tiens à le redire ici, la commission spéciale n’a pas absolument rejeté cet article pour promouvoir ses propres vues. Dans quelques instants, sera défendu un amendement du groupe socialiste, qui visera également à introduire des modifications.

Permettez-moi en quelques mots de donner l’esprit des points qui sont portés par le présent amendement.

D’abord, il s’agit d’apporter des éléments de clarification. En plus des notaires, d’autres professionnels pourront avoir des tarifs proportionnels, ce qui n’était pas le cas dans l’article initial du projet de loi.

Ensuite, à la lumière, d’ailleurs, des débats que vous avez eus en commission spéciale et du texte que vous avez élaboré, nous avons retenu une amélioration légistique visant à regrouper toutes les procédures d’avis de l’Autorité de la concurrence au même article du code de commerce.

Par ailleurs, le présent amendement prévoit l’inclusion des tarifs des émoluments de l’avocat en matière de saisie immobilière et de sûretés judiciaires dans le mécanisme de péréquation – c’est un ajout au texte.

Il y a deux sujets, finalement, qui sont en quelque sorte le dissensus. C’est une discussion que nous pourrons avoir avec le sénateur Bigot tout à l’heure, cet amendement aborde le sujet des remises. Comme vous l’avez souligné, durant le débat à l’Assemblée nationale, j’ai souhaité revenir sur le mécanisme initialement appelé de corridor, qui n’était pas adapté et qui était trop compliqué. Les parlementaires ont décidé par voie d’amendement, avec un avis favorable du Gouvernement, d’instaurer un principe de remise. Sans doute est-il possible d’améliorer encore ce système pour le rendre plus simple et plus lisible.

Les choses peuvent se voir de deux façons. Vous en avez exposé une, tout à l’heure, en défendant l’idée de tarifs déterminés. Le grand apport de cet article et, selon moi, le principal apport du projet initial du Gouvernement est d’instaurer un mécanisme de fixation transparent et régulier des tarifs, qui n’existait pas jusqu’alors. C’est le cœur, qui n’est pas remis en cause par les modifications de la commission spéciale. Je veux y insister, nous partageons collectivement une même philosophie sur ce point, et c’est important.

M. François Pillet, corapporteur. Tout à fait !

M. Emmanuel Macron, ministre. Par ailleurs, certains ont émis le désir de légiférer sur la remise. J’attire votre attention sur le fait que les remises se pratiquent déjà, mais sont insuffisamment encadrées par la loi et le règlement. Surtout, elles restent largement discrétionnaires. L’apport du texte est de prévoir ces remises, avec pour ambition ensuite de définir une limite par voie réglementaire en fixant un seuil au-dessus duquel elles peuvent être effectuées.

L’idée c’est qu’elles ne soient pas opérées client par client, de manière discrétionnaire, mais qu’elles soient affichées de manière transparente par le professionnel. Nous laissons toute latitude à celui-ci de promouvoir, s’il le souhaite, une politique de remise. Somme toute, dans certaines zones, cela peut constituer un élément d’attractivité pour les plus jeunes professionnels, mais encadré par la loi : nous proposons donc ici en quelque sorte un deuxième tarif réglementé.

En particulier pour les classes moyennes ou pour certaines entreprises, notamment sur les transactions les plus élevées, c’est une façon d’améliorer véritablement l’efficacité de certaines prestations. Cette mesure que rétablit l’amendement du Gouvernement constitue le principal distinguo avec l’amendement du groupe socialiste. Il me semble que nous devons avancer dans cette voie pour la rendre la plus simple et la plus transparente possible.

Enfin, sur l’alinéa 5 de l’article initialement voté par l’Assemblée nationale, c’est un dispositif équilibré de remises fixes pour les tarifs proportionnels dont l’assiette est comprise entre deux seuils fixés par voie réglementaire qui était prévu et qui est remis dans le présent amendement, et qui a la faveur du Gouvernement. Il convenait d’insister sur ce sujet.

Tels sont les différents points que je souhaitais évoquer pour défendre cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Avant d’expliquer pourquoi la commission a émis un avis défavorable, je vous donnerai mon sentiment sur les raisons à l’origine de l’espèce d’irritation qui s’est fait jour au sein de certaines professions réglementées et qui a gâché le débat sur ce texte.

Les professions réglementées, je l’ai constaté tout au long des auditions, ne sont absolument pas opposées à une réflexion sur les tarifs ni à une réforme. Cependant, – c’est sûrement tout à fait involontaire – selon la présentation qui en a été faite dans les médias, les professions réglementées n’ont pas évolué en nombre, ou très peu, de leur fait, parce qu’elles se seraient auto-protégées et les tarifs seraient ce qu’ils sont parce qu’elles étaient les seules à en décider. Or, monsieur le ministre, vous l’avez reconnu en filigrane, voire de manière expresse, ce n’est pas vrai. Le nombre de professionnels au sein des professions réglementées est fixé non par les professions, mais par le Gouvernement.

M. François Pillet, corapporteur. Les tarifs, ce ne sont pas les professions réglementées qui en décident. Les tarifs sont fixés non par les notaires, mais par le Gouvernement.

M. Jean Desessard. Exactement !

M. François Pillet, corapporteur. Voilà pourquoi, curieusement, l’opinion, par un effet de miroir, a critiqué ces professions en leur reprochant d’être immobiles et de se protéger par le biais de leurs tarifs, alors qu’elles n’ont strictement aucun pouvoir sur ces questions.

À mon avis, là est le nœud de l’irritation. Sans cette espèce de fumée ou de montage d’image dans l’opinion publique, les professionnels concernés ne se seraient pas crispés. Je tenais à le souligner, ne serait-ce que pour apaiser des débats qui, de toute façon, resteront très calmes cet après-midi.

En proposant cet amendement visant à une nouvelle rédaction intégrale, le Gouvernement réduit assez considérablement l’espace du débat sur cet article. La rédaction suggérée ici est tellement différente de celle qui est proposée par la commission que je pourrais, comme tout à l’heure pour l’amendement du groupe CRC, mettre un terme à la discussion en émettant purement et simplement un avis défavorable.

Néanmoins, je veux profiter de cette occasion pour débattre. Monsieur le ministre, je vais vous poser un certain nombre de questions afin que vos réponses nous permettent d’avancer dans la suite des débats et de la procédure parlementaire.

Votre amendement écrasant le texte de la commission, on pourrait en conclure que les deux dispositifs sont en opposition complète. Or, monsieur le ministre, vous le savez, mais, si ce n’est pas le cas, j’espère vous convaincre, nos accords sont beaucoup plus nombreux que nos divergences.

En premier lieu, nous sommes d’accord sur l’essentiel, à savoir les grands les principes qui traversent le texte et cet amendement. Vous souhaitez un établissement des tarifs plus transparent et plus clair, qui fasse intervenir un regard tiers. Nous aussi ! Les professions n’ont pas manifesté d’opposition majeure sur ce point. Vous souhaitez une péréquation et des remises tarifaires. Nous aussi !

Ne souhaitant pas laisser à nos échanges le goût du regret ou de l’incompréhension, je voudrais que vous précisiez certains points de votre analyse.

Le premier point concerne le texte susceptible d’accueillir ces dispositions. Vous souhaitez qu’elles soient insérées dans le code de commerce. La commission spéciale a préféré retenir la solution que vous avez vous-même promue à l’article 13 bis, à savoir intégrer directement ces dispositions dans la présente loi.

En effet, le code de commerce traite avant tout des actes des commerçants, ce qui est dissonant avec la qualité d’officier public ou ministériel des intéressés.

La commission spéciale a justement noté que l’argument selon lequel les tarifs des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires s’y trouveraient déjà ne permet pas de tirer quelque conclusion que ce soit. Monsieur le ministre, vous le savez bien, la seule raison de cette présence est que les procédures collectives se trouvent dans le code de commerce.

J’ajoute d'ailleurs qu’il ne s’agit pas à proprement parler des tarifs de la profession d’administrateur et de mandataire judiciaire mais de ceux de tous les professionnels qui interviennent sous mandat de justice dans ces procédures collectives.

Comme nous vous l’avons dit précédemment, si vous aviez poussé jusqu’au bout la logique de votre argument, vous auriez inscrit dans le code civil le tarif des notaires et dans le code des procédures civiles d’exécution celui des huissiers de justice.

Le deuxième point a trait à la compétence conjointe que vous réclamez pour fixer les tarifs avec le garde des sceaux. C’est une querelle dans laquelle je ne m’immisce qu’à pas légers. Cela ne nous est pas apparu raisonnable. Il n’est pas nécessaire, le Gouvernement parlant d’une seule voix, comme vous le montrez aujourd'hui. S’il s’agit de colorer l’appréciation du garde des sceaux d’une nuance économique, l’avis de l’Autorité de la concurrence, que nous avons conservé, est bien suffisant.

Cette compétence conjointe n’est pas raisonnable parce qu’il nous semble que la décision doit accompagner la responsabilité. Je ne crois pas que vous revendiquiez d’exercer, monsieur le ministre, comme vous le faites pour les experts-comptables, une tutelle conjointe sur les professions juridiques. Laissons donc la décision au ministre qui exerce cette tutelle, sinon, en partageant sa compétence, nous affaiblirions sa tutelle. De toute façon, je le répète, ce n’est pas le ministre qui décide, c’est le Gouvernement.

Le troisième point est relatif à la péréquation tarifaire et l’aide juridictionnelle.

Vous avez défendu, monsieur le ministre, lors de la discussion générale, le principe d’un prélèvement sur les sommes récoltées au titre de la péréquation pour abonder le financement de l’aide juridictionnelle, soulignant avec étonnement qu’il vous paraissait contradictoire de ne pas faire financer par les officiers publics ou ministériels l’accès au droit auquel ils prétendent, à juste titre, me semble-t-il, participer quotidiennement.

Pouvez-vous expliquer au Sénat pourquoi votre étonnement ne s’est pas étendu à d’autres professions du droit ? Il en est ainsi d’une partie non négligeable des avocats, qui n’ont pas d’activité judiciaire, ou de tous les autres professionnels qui pratiquent le droit à titre accessoire – je pense en particulier aux experts-comptables – et dont on pourrait exiger, en suivant le même raisonnement que le vôtre, qu’ils participent à l’effort commun d’accès au droit.

La commission spéciale s’est opposée à ce qu’en cette matière délicate des arbitrages partiels soient rendus. Pouvez-vous nous dire si le Gouvernement a décidé de limiter la réforme du financement de l’aide juridictionnelle au présent fonds de péréquation ou s’il a d’autres projets ? Dans le cas où il aurait d’autres projets, pouvez-vous nous expliquer pourquoi il a décidé de laisser traiter ce sujet de manière partielle, dans un texte consacré à la croissance économique, alors que nous en attendons un fondateur pour le XXIe siècle en matière de justice ?

Le quatrième point concerne la structure du dispositif de péréquation.

Monsieur le ministre, l’Assemblée nationale a fait le choix, que vous soutenez, d’un fonds interprofessionnel. Or cette interprofessionnalité, à notre avis, pose problème.

En effet, la péréquation mise en œuvre par le fonds peut se concevoir comme un correctif des insuffisances de la péréquation tarifaire puisque cette dernière est construite pour un panier de prestation moyen. Or ce panier ne constitue pas la réalité de l’activité de toutes les études : certaines bénéficieront d’un panier beaucoup plus rémunérateur, selon leur situation géographique et le bassin économique dans lequel elles sont situées, et d’autres d’un panier bien moins profitable. La péréquation financière compense partiellement cette inégalité de situation. Il y a donc un lien entre péréquation tarifaire et péréquation financière, et il est logique que l’une comme l’autre soient organisées au sein de chaque profession. Sinon, cela revient à faire payer par d’autres professionnels – donc d’autres clients – les imperfections du système de péréquation tarifaire retenu pour une seule profession.

Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, comment vous justifiez cela. Vous comprenez bien que ce débat est propre à éclairer des corrections qui pourraient intervenir dans la suite du travail parlementaire.

En outre, la commission spéciale souhaiterait que vous lui indiquiez précisément les raisons de votre hostilité au remboursement, par le fonds de péréquation, des indemnités qu’un nouvel arrivant doit à ses confrères auxquels son installation porte préjudice. Cette mesure me paraissait pourtant présenter un caractère social. Les notaires ne sont pas tous des fils d’archevêque ! (M. le président de la commission spéciale sourit.) Certains deviennent notaires en suivant des études de droit grâce à l’ascenseur républicain, lorsque celui-ci n’est pas en panne. Ces jeunes, grâce à leurs capacités, à leurs valeurs, seront sélectionnés par le concours que nous vous proposerons d’instaurer pour créer leur étude. Au bout de six ans, il leur sera éventuellement demandé de participer à l’indemnisation de leurs confrères préexistants sur le terrain.

J’avoue que cette proposition de la commission spéciale me paraissait posséder un caractère social. Il m’étonne donc que vous refusiez que le fonds de péréquation puisse aussi servir cet objectif.

Le cinquième point a trait au mécanisme des remises tarifaires.

La commission spéciale a fortement modifié le dispositif des remises tarifaires que vous proposez de rétablir parce qu’il lui a semblé contradictoire avec les objectifs assignés au texte.

En effet, nous en avons discuté, le dispositif que vous proposez ne concerne que des transactions portant sur des biens dont la valeur est comprise entre un seuil plancher et un seuil plafond, c’est-à-dire des transactions de moyenne gamme. Curieusement, les transactions sur les biens de haut de gamme, c'est-à-dire les plus rémunératrices, sont ainsi mises à l’abri de toute concurrence par le biais de la remise.

Au contraire, les prestations de moyenne gamme, qui ne sont pas les plus rémunératrices, pourraient, elles, être soumises à cette remise. Or c’est précisément celles-ci qui, dans les petites études assurant le maillage territorial, dans les études de chefs-lieux de canton, assurent l’équilibre économique de la structure. Paradoxalement, le mécanisme de la remise risque de mettre en péril les unités économiques les plus fragiles…

M. Jean Desessard. Bien sûr !

M. François Pillet, corapporteur. … et de préserver les plus rentables.

Monsieur le ministre, je pense que ce mécanisme est dangereux pour le maillage territorial des officiers publics ou ministériels. Il est, à mon avis, contraire au principe d’une juste concurrence encadrée. Je souhaiterais que vous nous expliquiez pourquoi vous souhaitez préserver les transactions les plus rémunératrices et frapper, au contraire, celles qui assureront, compte tenu de la réévaluation des tarifs, la rentabilité économique des études. Si vous nous indiquiez tout à l’heure que vous nous avez parfaitement compris, monsieur le ministre, qu’il n’y aura plus de plafond et que nous ne débattrons que du plancher, ce serait déjà une avancée importante. Resterait alors à fixer le montant dudit plancher.

La commission a défendu un mécanisme beaucoup plus simple et plus juste consistant en une remise possible, sur les droits proportionnels, immobiliers ou non, pour un émolument supérieur à un seuil fixé par arrêté ministériel. Ainsi, vous aurez la main.

En outre, monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner les raisons de votre opposition au dispositif adopté par la commission spéciale autorisant les officiers publics ou ministériels à consentir des remises sans limite pour les prestations tarifées qu’ils accomplissent lorsque ces prestations sont identiques à celles que d’autres agents économiques effectuent en honoraires libres ? Votre amendement vise à supprimer les remises, ce qui reviendrait par exemple à interdire à un notaire, s'agissant de la rémunération sur les transactions immobilières, de procéder à des remises sur un champ d’activité dans lequel il est en concurrence avec d’autres professionnels qui, eux, peuvent fixer librement leur rémunération.

Monsieur le ministre, la parole sera bientôt à la défense, vous vous exprimerez en dernier ; je ne vous répondrai pas. Nous serons très attentifs aux réponses précises que vous nous apporterez à l’issue des explications de vote en vue de trouver un accord. Vous comprendrez que la commission spéciale émette un avis défavorable sur votre amendement, mais cet avis est expliqué et exprimé dans un climat singulièrement participatif.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour explication de vote.

M. Henri Tandonnet. Nous sommes, avec l’article 12, au cœur du problème de la réglementation des professions titulaires d’un office, dite « professions réglementées ».

Je relève trois problèmes essentiels : les tarifs, le fonds de péréquation et les remises. La situation a évolué, monsieur le ministre, avec votre amendement, mais je vous incite à vous rapprocher de la position de la commission spéciale, qui a réalisé un travail de fond important et présente une proposition équilibrée.

Les professions réglementées sont tout à fait prêtes à définir des tarifs de manière ouverte et transparente. Concernant la définition de ces tarifs, nous avons précisé que les critères sur la base desquels est définie la rémunération « prennent notamment en compte les sujétions auxquelles sont soumises les professions en cause ».

Pour prendre un exemple, les notaires ont des sujétions importantes en ce qui concerne la publication des actes aux hypothèques et il convient de reconnaître que la profession notariale a réalisé des efforts considérables à cet égard. Ils sont à la pointe en matière de transmission électronique des actes, faisant réaliser d’énormes économies au service de la publicité foncière qui inscrit en un clic dans ses tablettes les actes émanant des études. Cette sujétion, qui a fait l’objet d’un investissement continu, depuis de nombreuses années, de la part des notaires, doit obtenir une rémunération.

N’oublions pas non plus que les notaires sont solidaires entre eux, ce qui est rare dans une profession. Les maniements de fonds sont ainsi garantis par la profession et par les notaires entre eux.

Il convient d’ajouter, ce qui est rarement évoqué, que les notaires récupèrent 22 milliards d'euros d’impôts au profit de l’État et des collectivités territoriales sans que cela coûte un sou aux services de l’État et au ministère des finances. Je trouve que vous n’êtes guère reconnaissant envers les notaires en les traitant ainsi, monsieur le ministre.

Ces sujétions doivent donc être prises en compte dans cette tarification.

La profession de greffiers des tribunaux de commerce, que l’on montre du doigt, a tout de même mis en place, au fil des ans, un accès numérique facile au registre du commerce.

Je renvoie aussi à l’ensemble des informations concernant les procédures collectives. Lorsque l’on a besoin d’un renseignement, on s’aperçoit qu’il vaut mieux s’adresser aux greffes des tribunaux de commerce qu’aux greffes des tribunaux de grande instance. On le constate également outre-mer, où les tribunaux de grande instance n’ont pas pu installer de registre du commerce accessible, difficulté qui sera abordée ultérieurement dans le projet de loi.

Il faudra tenir compte de tous ces services dans les tarifs. En effet, ces professions réglementées ont souvent été à l’initiative de systèmes très performants.

Pour ce qui concerne le fonds de péréquation, monsieur le ministre, la proposition de la commission spéciale va dans le sens que vous souhaitez, qui est de favoriser l’installation des jeunes.

Vous ciblez ce fonds de péréquation vers le service de l’aide juridictionnelle. Vous taxez certains professionnels du droit. J’ai appris que vous alliez taxer les quelques émoluments perçus par les avocats postulants, après un à deux ans de procédure, sur quelques malheureuses saisies immobilières. Ce n’est pas cohérent !

Le dispositif que nous proposons est cohérent, lui, puisqu’il s’agit de la création d’un fonds de péréquation par profession destiné à favoriser l’installation des jeunes. Comment voulez-vous qu’un jeune élabore un projet d’entreprise, monsieur le ministre, s’il doit payer six ans plus tard à des confrères une indemnité résultant de sa compétence et de son travail, indemnité qu’il n’est pas en mesure de chiffrer initialement ? Aucune banque ne lui assurera les fonds nécessaires à la création de cette entreprise !

Nous vous proposons un fonds de péréquation destiné à ces jeunes, financé par la profession, qui permettra de rémunérer tous les petits actes accomplis par les professions réglementées comme les notaires. Je pense notamment aux actes d’échange faits en pure perte au profit des collectivités territoriales, par exemple lors du redressement des chemins ruraux.

Je terminerai mon propos par le problème des remises. Il faut savoir que les remises sont déjà possibles chez les notaires à partir d’un émolument de 80 000 euros. Il faudrait trouver le plafond qui permette d’appliquer une remise aux actes les plus importants tout en assurant une rémunération équitable.

Mme la présidente. Vous avez dépassé votre temps de parole, mon cher collègue.

M. Henri Tandonnet. Puisque nous sommes samedi, une journée pendant laquelle les terrains de football et de rugby sont occupés, c'est comme si vous aviez, monsieur le ministre, une équipe de Ligue 1, avec beaucoup de libéros, et que vous vous présentiez face au Stade toulousain. Vous faites une OPA du ministère de l’économie sur le ministère de la justice. Vous pouvez comprendre que les spectateurs ne soient pas vraiment contents de voir arriver des joueurs de Ligue 1, même les meilleurs ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Tout d’abord, j’annonce la couleur : les écologistes ne voteront pas l’amendement proposé par le Gouvernement.

M. Charles Revet. Au moins, c’est tranché !

M. Jean Desessard. Même s’il reste un certain nombre de choses à revoir, le texte de la commission est plus proche de notre philosophie.

Monsieur le ministre, on ne comprend pas exactement où vous voulez en venir. Je ne sais pas si c'est une équipe de rugby ou de football (Sourires.), mais, pour le moment, la philosophie de votre texte n’apparaît pas clairement.

Vous voulez des remises pour les PME, pour les actes importants… Si l’on considère que c'est un service public, on met en place une péréquation qui permette un maillage territorial. On sait très bien que, s’agissant de la vente d’un bien en Île-de-France, plus on se rapproche de Paris, plus la commission du notaire est importante. Au lieu de prévoir une remise, il serait préférable que, au-delà d’un certain seuil, les notaires alimentent un fonds de péréquation permettant l’installation dans les territoires ruraux ou dans les zones défavorisées, que ce soit en région parisienne ou ailleurs.

Si vous estimez que la rémunération touchée est presque « abusive », pourquoi ne pas instaurer une telle péréquation ? C'est tout de même simple de faire de la solidarité territoriale ! On nous dit souvent que ce n’est pas possible, par manque de moyens. Mais, là, vous semblez dire que les moyens existent. Il est même envisageable d’aider à l’installation. Alors, pourquoi ne pas le faire ? Je le redis, nous sommes opposés au système des remises.

Vous avez également avancé l’argument selon lequel le système actuel de remises serait opaque.

Je rappelle d’abord que ces remises ne dépendent pas du seul notaire : il est obligé d’en référer à la chambre des notaires. Une autorisation de la corporation est donc au moins nécessaire.

Pour rendre les choses plus transparentes, il suffirait tout simplement de dire que la chambre des notaires doit déclarer les remises au ministère, qui les rendrait publiques. Je ne vois pas quel est le problème. Vous avez aujourd’hui tous les leviers pour agir dans le sens que vous prônez ; pourtant, le texte ne correspond pas tout à fait à vos objectifs. Qu’est-ce que cela signifie exactement ?

M. le rapporteur l’a dit, l’ouverture des études dépend du Gouvernement, plus précisément du ministère de la justice ; les tarifs dépendent aussi du Gouvernement, tout comme les mesures pour améliorer la transparence. Quant à la péréquation, on peut y travailler aujourd’hui. Les remises portent atteinte au principe du service public, alors que nous sommes un certain nombre ici au Sénat à vouloir conserver un service public du notariat.

Si vous trouvez que le service fourni est de mauvaise qualité, je suis prêt à en discuter avec vous. Même si je défends le principe d’un service public, les notaires doivent toujours être contrôlés. On peut leur faire confiance, mais la confiance, elle se mérite ! (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.) Je suis favorable à la mise en place d’un système de contrôle qualité de la profession. Les notaires reconnaissent qu’ils touchent de bonnes commissions sur certaines opérations, mais avancent qu’elles leur permettent de trouver un équilibre avec les petites affaires. On pourrait vérifier que les petites affaires sont bien suivies, que les notaires mettent autant d’application à traiter les petites que les grandes.

Je le redis, nous sommes prêts à discuter du rôle de service public que jouent les notaires et de la façon dont ils assument ce rôle. Nous sommes d’accord pour la péréquation pour l’installation territoriale. Nous sommes également d’accord pour le contrôle qualité. On peut revoir les tarifs, mais cela relève de vos attributions.

Pour toutes ces raisons, nous ne comprenons ni votre amendement ni le sens de la réforme. Nous voulons aller dans le sens d’une modernisation, d’une actualisation du service public du notariat, mais tel n’est pas l’objet de votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui se conçoit bien s’énonce clairement : j’aimerais y arriver, mais le sujet n’est pas simple.

Nous débattons de professionnels réglementés pour lesquels un tarif est fixé. La logique du tarif, c’est d’avoir des coûts pertinents et une rémunération raisonnable. C'est l’équilibre qu’il faut trouver par une péréquation interne à l’étude même, quelle que soit d’ailleurs la profession réglementée. Cet équilibre profite aux usagers, aux clients, parce que, je l’ai déjà dit, pour un certain nombre d’actes, le coût réel pour l’officier ministériel est bien plus important que ses émoluments.

La compensation doit s’effectuer par le biais de cette péréquation interne. Néanmoins, on le sait, vient un moment où cette dernière est largement profitable et, de ce point de vue, on peut considérer que la mise en concurrence des professionnels pourrait profiter aux consommateurs. Soyons clairs, les remises actuelles, ce n’est pas de la mise en concurrence, c'est un geste ponctuel, qui s’explique par des relations amicales ; cela peut éventuellement être une manière d’attirer un promoteur qui ramènera de la clientèle.

Alors, comment organiser la mise en concurrence ? Franchement, aucune des propositions – pas plus la vôtre, monsieur le ministre, que celle de l'Assemblée nationale ou celle du rapporteur – n’atteint cet objectif.

Une véritable mise en concurrence consisterait à faire la même chose que pour les avocats, en supprimant tout numerus clausus. Ce n’est pas ce qu’on veut et ce n’est pas ce que je souhaite parce que les officiers ministériels jouent un rôle particulier, protecteur. Il est important, me semble-t-il, que nous le maintenions dans notre pays.

Dans ce contexte, la seule solution serait de réfléchir à une péréquation externe.

M. Jacques Bigot. On vous organise une compensation, mais lorsque le gain est trop important, le surplus est reversé à un fonds de l’accès au droit, lequel sera, je n’en doute pas, inséré dans le code de l’action au droit que vous avez appelé tout à l’heure majoritairement de vos vœux. Ce fonds permettra d’abonder plusieurs actions, et pourquoi pas, effectivement, la compensation des conséquences défavorables pour quelques études notariales de la création de nouvelles études.

Il y a un point que je ne comprends pas dans la proposition gouvernementale, même si je suis prêt à m’y rallier s’il n’y a pas d’autre solution : le système plancher-plafond. Je sais que les notaires ne comprennent pas non plus la proposition de la commission sur la suppression du plafond. Ils craignent que seules les études qui ont les affaires les plus importantes, les plus « juteuses » si vous me permettez l’expression, puissent vraiment jouer le jeu de la concurrence et qu’elles se mettent à faire du dumping. C'est une conséquence qu’on ne mesure pas.

Aujourd’hui, nous ne sommes pas capables d’organiser la concurrence dans cette profession. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé, au nom du groupe socialiste, un amendement à l’article 12 dont je regrette qu’il ne soit pas débattu en même temps que l’amendement du Gouvernement, car nous aurions peut-être pu trouver un accord.

Pour l’instant, j’avoue que je ne comprends pas comment fonctionnera la profession de notaire et comment nous assurerons le maintien de notaires dans des zones où les valeurs marchandes ne sont pas telles qu’ils puissent forcément gagner beaucoup d’argent.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, ce matin, lorsque j’ai évoqué le fait que vous alliez présenter un amendement de réécriture de l’article 12, vous m’avez répondu : j’ajuste, mais je ne réécris pas. Or les orateurs, même M. Bigot à l’instant, considèrent qu’à l’arrivée on ne sait plus où on est,…

M. Charles Revet. C’est un peu embêtant !

M. Roger Karoutchi. … car plus rien ne fonctionne.

Vous pouvez dire que vous souhaitez amender le texte de la commission spéciale sur tel ou tel élément, mais, en réalité, avec votre amendement n° 1664, vous sortez de la logique qu’elle a suivie. C'est le nom d’une bière, mais, en l’occurrence, vous essayez d’en faire un panaché (Rires.), un mélange entre le texte de l’Assemblée nationale et celui de la commission spéciale. Eh bien, le résultat est imbuvable ! (Nouveaux rires.)

D’un côté, il y a le texte de l'Assemblée nationale, rigide, contraignant et impraticable ; de l’autre, celui de la commission spéciale, qui relève d’une logique différente et que vous pouvez amender. Mais vous voulez faire un mélange des deux pour aboutir à un système auquel on ne comprend plus rien ! Comment survivront les études de notaire qui ne gagnent pas beaucoup d’argent ? Comment ferez-vous la péréquation ? Comment assurerez-vous le maillage ? Comment concilier votre système avec le fait que les notaires restent des officiers ministériels chargés d’une mission de service public ?

Au final, cela fait trois mois qu’on évoque ce sujet et que les professions réglementées s’inquiètent. Monsieur le ministre, vous avez évoqué, ce qui n’est pas très gentil pour nous, le fait que ces professions ont plus facilement accès aux parlementaires, car elles sont bien organisées. Certes, mais il y en a d’autres moins bien organisées et qui ont parfois plus encore l’écoute des parlementaires.

La vérité, c’est qu’il y a une inquiétude de la profession, qui a le sentiment d’une remise en cause globale. Vous prétendez que telle n’est pas du tout votre intention, mais en réalité, à la lecture de votre amendement, on se rend compte que c'est bien le cas.

M. Emmanuel Macron, ministre. Non !

M. Roger Karoutchi. Mais si ! Vous avez conservé la logique de l’Assemblée nationale, sur laquelle vous cherchez à plaquer quelques aménagements proposés par la commission spéciale : cela ne fonctionne pas !

Monsieur le ministre, si vous voulez garder le texte de l'Assemblée nationale, nous n’y serons pas favorables, parce qu’il prévoit une solution rigide et complètement absurde, mettant totalement sous couvert la profession. Certes, celle-ci doit être transformée et doit accepter un certain nombre d’évolutions, mais elle ne doit pas être remise en cause dans ses fondements. Cela n’a pas de sens, parce que c'est une profession qui fonctionne bien. Il y aurait bien d’autres secteurs de l’économie française à transformer et à faire évoluer...

Monsieur le ministre, le groupe UMP a demandé un scrutin public sur votre amendement, si vous le maintenez. (M. le ministre sourit.) Vous êtes un homme de raison. M. Bigot vous propose de débattre pour arriver à un accord et M. le rapporteur vous a posé un certain nombre de questions afin d’essayer de trouver un compromis. À votre place, pour trouver une porte de sortie, rassurer la profession et montrer que le Gouvernement est à l’écoute, je chercherai un accord avec le rapporteur, que nous voterions tous. Nous sommes parvenus à l’unanimité hier sur le gaspillage alimentaire ; il pourrait en aller de même sur cette question, si l’on trouve un système qui fonctionne, qui est logique et qui permet de faire évoluer le notariat sans le déstabiliser. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour explication de vote.

M. Pierre Médevielle. J’irai dans le même sens que M. Tandonnet, tout en complétant ses propos.

Monsieur le ministre, comme M. Karoutchi et l’ensemble de mes collègues dans cette assemblée, je ne comprends pas pourquoi vous vous êtes intéressé aux notaires. Vous avez dit ce matin que vous n’aviez pas stigmatisé cette profession : je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. En effet, quand vous avez été auditionné par notre groupe, vous avez évoqué le fait que les notaires étaient des professionnels qu’on ne voyait jamais, car on était reçu par des clercs habilités.

M. Jean Desessard. C'est souvent vrai !

M. Pierre Médevielle. Je crois que cela peut arriver dans des études parisiennes.

M. Jean Desessard. Je le confirme !

M. Pierre Médevielle. Néanmoins, il y a plusieurs types d’offices. Je peux vous garantir qu’il est des offices, en milieu rural, où les notaires font un travail remarquable, rendent service à la population et souvent, donnent des consultations gratuites de droit rural, dont ils sont spécialistes.

Sur le plan financier, comme Henri Tandonnet l’a souligné, les notaires opèrent des levées de fonds de l’ordre de 22 milliards d’euros au profit de l’État et des collectivités territoriales. Il me semble que, dans le droit latin, l’acte notarié n’est pas un produit commercial. Je ne sais donc pas si l’Autorité de la concurrence est bien placée pour intervenir en la matière.

On sait très bien – nous en avons déjà parlé en commission – que la déréglementation crée des zones blanches et des zones suréquipées. Cette conséquence est logique ! Nous l’avons vu avec les médecins – je vous ai, d'ailleurs, présenté des comparaisons entre la situation des médecins et celle des pharmaciens. Et cela n’a rien à voir avec le numerus clausus, puisque nous sommes maintenant inondés de diplômés en médecine qui viennent de l’étranger, notamment d’autres pays européens.

Je crois que les notaires veulent continuer à exercer leur profession. Pour ce qui concerne la péréquation, ils ne veulent pas être assistés. Ils veulent s’assumer. Je pense qu’ils ne méritent pas le traitement qu’on veut leur infliger.

J’espère donc, monsieur le ministre, comme tous mes collègues, que vous vous en remettrez à la sagesse de la commission spéciale, qui a effectué un travail remarquable sur ce texte, et que vous retirerez cet amendement.

MM. Roger Karoutchi et Charles Revet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Je serai bref. Monsieur le ministre, ce qui est remarquable dans nos débats de cet après-midi, c’est que vous êtes totalement isolé. Personne n’accepte votre amendement,…

M. Charles Revet. En effet ! Personne ne le comprend !

M. François Pillet, corapporteur. … hormis peut-être Mme Bricq, qui, exceptionnellement, ne s’est pas encore exprimée... (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. J’ai de bonnes lectures ! (Mme Nicole Bricq brandit un magazine.)

M. Jean Desessard. S’il n’en reste qu’une…

M. François Pillet, corapporteur. J’y insiste une dernière fois : ce n’est pas la réforme des tarifs des notaires qui relancera la machine économique de manière considérable dans les quinze jours qui suivront la promulgation de la loi.

Puisque tous les sénateurs semblent prêts à écouter, à travailler et à rechercher un texte avec vous et les membres de votre groupe et puisque vous avez montré une certaine ouverture lors des débats à l’Assemblée nationale, vous avez la possibilité de retirer votre amendement, ici, au Sénat. Nous pourrions alors rediscuter de ce sujet et auditionner de nouveau les professions concernées par le texte, auquel celles-ci doivent adhérer – je suis disponible pour m’y remettre rapidement –, de manière à aboutir à un résultat.

Vous avez été ouvert à l’Assemblée nationale. Vous pouvez l’être au Sénat, qui, vous l’avouerez, est particulièrement à l’écoute et objectif et où l’ambiance, vous l’avouerez tout autant, est particulièrement calme et agréable.

Pour terminer, je veux répondre à mon collègue au sujet des remises : la position que vous défendez – l’absence totale de remises – n’est pas du tout inaudible. Cela va, d'ailleurs, dans le sens de ce que je viens de vous dire.

Sachez toutefois que, si la commission spéciale a retenu cette rédaction sur les remises, c’est parce que les notaires n’y étaient pas du tout opposés. Bien au contraire ! Cela dit, peut-être les notaires accepteraient-ils finalement un système interdisant toute remise, si nous le leur proposions.

Je veux, sur ce dernier point, vous convaincre que le débat mériterait peut-être de mûrir. Avec le printemps et l’été, tout mûrit… (M. le ministre sourit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je veux répondre aux différents points soulevés par M. le rapporteur.

Permettez-moi toutefois de faire deux remarques liminaires.

Premièrement, monsieur Karoutchi, nous avons convergé. J’ai fait preuve d’esprit d’ouverture, parce que la commission a très largement repris les apports de la proposition du Gouvernement.

Je tiens à ce que l’on remette les choses à l’endroit : le maul d’idées, pour filer la métaphore rugbystique employée par certains (Sourires.), progresse bien vers la proposition du Gouvernement.

M. Roger Karoutchi. Pas du tout !

M. Emmanuel Macron, ministre. Au demeurant, si tout allait très bien, madame la marquise (Nouveaux sourires.), nous n’en serions pas là !

Je crois que, contrairement à ce que vous avez déclaré, la commission reconnaît que cela valait quand même la peine d’avancer.

M. Roger Karoutchi. Alors, restons-en là !

M. Emmanuel Macron, ministre. Deuxièmement, monsieur Médevielle, je veux rappeler que, y compris lorsque j’ai été auditionné par les membres de votre groupe, j’ai toujours montré le plus grand respect à l’égard de ces professionnels et toujours salué la qualité des prestations qu’ils fournissent. À aucun moment, je ne les ai stigmatisés ! (M. Pierre Médevielle s’exclame.)

Toutefois, il est vrai que, lorsque nous avons évoqué la pluralité des situations des offices, j’ai déclaré que, dans les grandes études, en particulier parisiennes, de nombreuses prestations étaient assurées sans que les clients concernés aient jamais vu un notaire ! En effet, il arrive souvent que ceux-ci aient uniquement affaire à un clerc habilité. Ce n’est pas manquer de respect que de décrire le réel. Au reste, je ne dis pas que c’est une généralité ! En particulier, cela n’arrive jamais dans les territoires les plus ruraux (M. Pierre Médevielle s’exclame de nouveau.), où les études sont beaucoup plus petites et n’emploient que rarement des clercs habilités.

Telle est réalité des choses. Elle justifie que les uns et les autres soient traités différemment et explique l’une des réformes contenues dans le texte du Gouvernement, concernant les clercs habilités.

Je veux maintenant revenir sur les différents points qui ont été soulevés par M. le rapporteur. Ils sont tous importants.

Premièrement, je veux évoquer la question du code de commerce. Vous le savez – j’ai déjà eu l’occasion de le dire –, je ne suis pas un fétichiste. Cela facilite nos débats ! La commission a proposé la création d’un nouveau code. Pour ma part, dans un souci de pragmatisme, j’ai essayé d’inscrire les dispositions relevant de l’article 12 dans un code existant. Il ne me semblait pas aberrant que l’inscription d’éléments relatifs à la réglementation des tarifs se fasse dans le code de commerce. À cet égard, la réaction qu’a suscitée ce choix est complètement disproportionnée, d’autant que plusieurs tarifs de certaines des professions concernées figurent déjà dans ce code, qui traite quand même de certaines professions réglementées, et pas seulement des commerçants ni du gouvernement d’entreprise ! Au demeurant, si le notaire est un officier public ministériel, il emploie aussi des secrétaires, des clercs habilités, des collaborateurs… Cela s’appelle bien une petite entreprise !

M. Emmanuel Macron, ministre. Les dispositions relatives aux tarifs ou encore aux procédures collectives trouvent aussi leur place dans le code de commerce. Il en va de même des dispositions afférentes aux ventes aux enchères publiques, qui touchent directement certaines de ces professions réglementées.

Deuxièmement, la coresponsabilité, dans la fixation des tarifs, du ministre de la justice et du ministre de l’économie relève de la même logique. En effet, il n’est pas aberrant que le ministre de l’économie, qui est responsable des tarifs, cosigne les tarifs de chaque prestation, comme il le fait, d'ailleurs, pour beaucoup d’autres biens et services. C’est pourquoi nous avions prévu une compétence conjointe. Mais en aucun cas celle-ci ne vaudra pouvoir disciplinaire du ministre de l’économie ni ne viendra empiéter sur le rôle pleinement reconnu au garde des sceaux en matière de liberté d’installation – nous y reviendrons – ou encore sur celui qu’il peut avoir notamment sur le plan disciplinaire ou sur les questions d’honorabilité. On ne parle que des tarifs ! Aussi, il me semble qu’il faut remettre les choses à leur place et qu’il n’y a pas d’aberration.

Troisièmement, sur le sujet du fonds de péréquation interprofessionnel, je tiens à remercier M. Desessard pour les propos qu’il a tenus.

Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement décrit la situation et démontré l’objectif du Gouvernement et la pertinence de son amendement. Les professions réglementées nous ont souvent dit que nous ne pouvions pas revenir sur leurs tarifs, une péréquation existant déjà entre les conseils gratuits qu’elles délivrent et les tarifs plus ou moins élevés des différentes prestations qu’elles fournissent, les tarifs plus élevés permettant de compenser les choses. En réalité, la compensation s’opère rarement au sein d’un seul et même office notarial. Il y a une péréquation macro-économique, mais elle n’avait pas de réalité jusqu’à présent.

Le fonds de péréquation que le Gouvernement veut créer permettra justement que des transferts soient opérés au sein de la profession, pour que les offices qui sont en meilleure santé puissent aider les plus petits. (M. Jean Desessard opine.) C’est même la première fonction de ce fonds.

Et pourquoi avons-nous prévu un plafond en matière de remises tarifaires ? Précisément pour que la péréquation se fasse sur la base des tarifs les plus hauts.

Mmes Catherine Deroche et Dominique Estrosi Sassone, corapporteurs. Non !

M. Emmanuel Macron, ministre. Si, mesdames ! Ce sont les tarifs les plus hauts qui alimenteront le fonds de péréquation.

Je vais y revenir. Je suis ouvert sur ce sujet – je pense que l’on peut progresser –, mais j’estime que cette logique doit être préservée. Nous ne sommes pas allés au bout de la discussion. Pour cette raison, je ne retirerai pas mon amendement.

La logique du texte gouvernemental était bien celle d’un fonds de péréquation nourri par les tarifs les plus élevés des offices les mieux portants et permettant de procéder à une péréquation afin de préserver le maillage territorial. Et que personne ne vienne me dire que le projet de loi vient menacer celui-ci, alors qu’il crée un dispositif qui permettra justement de rendre plus solvables les petits offices notariaux ! C’est un apport notable du texte.

Ensuite, ce fonds permet une seconde péréquation, entre professions, précisément pour aider à l’accès au droit. D'ailleurs, pour répondre à une question qui m’a été posée, nous venons d’inscrire une autre profession – celle d’avocat – dans l’amendement du Gouvernement. Nous suivons donc votre logique. Cependant, nous ne l’inscrivons que pour les tarifs réglementés : autrement dit, les autres tarifs ne seront pas concernés par l’abondement au fonds de péréquation.

Au reste, que ces professionnels du droit aient considéré qu’il était inopportun qu’ils puissent financer l’accès au droit me paraît déplacé, quand leur revendication principale porte précisément sur l’obtention du statut d’officier public ministériel. Il est normal que les professionnels qui pratiquent des tarifs réglementés participent au fonds !

Sur ce point, je veux pleinement lever une ambiguïté qui a été soulevée – à juste titre, parce que ce point relève du niveau réglementaire. Nous proposons de nous en tenir aux tarifs réglementés sur les marchés en concurrence. Autrement dit, les actes réalisés par les professionnels du droit qui ne relèvent pas strictement des tarifs réglementés doivent être totalement sortis de ce giron. Seuls les tarifs des prestations en monopole doivent être régulés.

Par conséquent, toutes les prestations des notaires qui ne sont pas en situation de monopole – je reprends l’exemple que vous avez pris, monsieur le rapporteur – doivent échapper à la péréquation. Ce sera fait par voie réglementaire. Votre question nous a permis de clarifier nos intentions sur ce point, qui ne figure pas dans la loi. Il était important de le faire.

Enfin, derrière ce fonds, se pose la question de l’indemnisation. En effet, je continue à penser que ce fonds doit être abondé par les tarifs les plus élevés.

Je vous ai rappelé la philosophie du fonds, que la commission, d'ailleurs, a préservée, et je m’en félicite. Néanmoins, la commission a réduit sa portée en termes de financement de l’accès au droit, alors que c'est à cet objectif que ces professionnels doivent fondamentalement contribuer, et lui a assigné une nouvelle finalité : l’indemnisation. Je dois vous dire que cet ajout ne me met pas totalement à l’aise.

En effet, dans nos propositions relatives à la libre installation de ces professionnels – j’anticipe le débat que nous aurons sur ce sujet, mais tout cela fait système –, nous disons, finalement, qu’il y a trois zones.

Tout d’abord, il est des zones où des professionnels du droit manquent, des déserts notariaux relatifs. Certes, – je vous rassure, monsieur Médevielle – on n’en trouve pas dans votre département : ces zones sont plutôt dans les couronnes métropolitaines, notamment en Seine-Saint-Denis.

C’est tout l’objet de la cartographie objective que nous avons réalisée : définir des endroits où la libre installation sera possible, parce qu’elle ne lèse personne et, même, améliore l’accès au droit et à ses professions.

Ensuite, il y a des zones normalement pourvues – manifestement, votre territoire en fait partie. Pour ces zones, le système actuel demeurera.

Enfin, il est des zones intermédiaires, où existe un manque, relatif, identifié sur le plan quantitatif, sans que nous soyons sûrs que la libre installation ne déstabilisera pas les études notariales en place. Mais, après avoir examiné attentivement cette question et échangé avec le Conseil d'État, nous nous sommes dit que, si des professionnels en place devaient être pénalisés par cette nouvelle installation, ce ne serait pas du fait de la loi : cela viendrait de la déstabilisation progressive.

Nous avons donc repris la philosophie du décret de 1971, que nous avons élevé au niveau de la loi, en prévoyant que la compensation éventuelle d’une perte de revenus des professionnels en place ne doit pas se faire de manière immédiate : il faut un certain temps pour identifier la nécessité de l’indemnisation – ce sont les fameuses six années, qui figurent dans le décret de 1971.

S’il s’avère que, dans cette zone intermédiaire, le nouveau professionnel a créé une perte durable de chiffre d’affaires, et donc une perte pour les autres professionnels en place, il est normal qu’il l’indemnise. Ce n’est pas illégitime, puisque, d’une certaine manière, il a pris du chiffre d’affaires et de la clientèle… (M. Jean Desessard s’exclame.) Monsieur Desessard, votre relative indignation sur ce sujet est intéressante ! Sachez toutefois qu’aujourd'hui pas un professionnel ne s’installe sans acheter la clientèle de celui qui l’a précédé. C’est le principe.

S’il y a une clientèle à prendre, qu’elle soit libre ou insatisfaite, une indemnisation sera nécessaire. (M. Vincent Delahaye s’exclame.) Toute clientèle se paie, aucun notaire ne cède sa clientèle à titre gratuit, ou alors présentez-le-moi, car cela m’intéresse, même à titre personnel. (Sourires.)

On indemnise justement ce droit de présentation de la clientèle. En l’occurrence, le nouvel entrant, qu’on laisserait s’installer par une libre administration relative en zone intermédiaire, a pris une clientèle sans totalement l’acheter, il est normal qu’il vienne la compenser.

Ce n’est pas au fonds, et donc à l’ensemble de la profession, de le faire, sinon on va entrer dans un débat immédiat : la profession aura intérêt à empêcher l’installation de nouveaux entrants, en raison des risques d’indemnisation.

Tout ce débat que nous avons depuis des mois, qui a parfois été déplaisant, comme vous l’avez justement souligné, dur, alors même qu’il n’est pas fondamental pour la croissance macroéconomique, est aussi lié au fait que le système – pour ma part, je n’incrimine ici personne – ne fonctionne pas depuis des décennies.

En 2009, nous avons compté sur la bonne volonté, mais cela n’a pas fonctionné. Aussi, nous avons dû mettre un coup de bélier dans ce système, car ceux qui sont dans la place ont refusé des évolutions, à savoir davantage ouvrir la profession, favoriser l’accès des jeunes ou changer la logique des tarifs.

Nous avons en quelque sorte produit collectivement une forme de conservatisme qui n’est pas bon pour notre économie et qui n’est pas conforme à l’idée que l’on se fait de la méritocratie républicaine.

Je vous rassure, monsieur le sénateur, il ne s’agit pas de tout renverser. On ne change pas ce qui fonctionne. On ne touche qu’aux tarifs et à la libre installation, et ce de manière relative.

Néanmoins, tout ce tintouin est la preuve qu’il était nécessaire d’agir pour un peu bouger. Donc, nous faisons œuvre utile. Nous cheminons. Au-delà de nos divergences relatives, il existe un cœur de principes sur lequel nous nous rallions collectivement, qui est aussi le fruit du travail accompli par la commission, laquelle est entrée dans la logique initiale du texte. Aussi, contrairement à M. le sénateur Karoutchi, je ne pense pas qu’il y ait deux logiques. Vous avez adopté la logique initiale du texte (M. Roger Karoutchi hoche la tête en signe de doute.), et je vous en remercie.

Sur le sujet de la remise, on peut encore travailler. Je reste ouvert à la poursuite du dialogue. À ce stade, je ne retirerai pas mon amendement, mais je pense que nous pouvons encore œuvrer pour faire les derniers petits pas nécessaires, qui sont secondaires par rapport au chemin déjà parcouru.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je vais faire plaisir à M. le rapporteur : je suis admirative de l’habileté avec laquelle il présente sa position.

Je ne comptais pas m’exprimer car, je dois le dire, j’ai été perturbée par la manière dont la direction de la séance a organisé nos travaux. L’amendement du Gouvernement est isolé. On m’a dit que cela avait été fait à la demande de la commission spéciale.

Mme Nicole Bricq. Néanmoins, cela signifie que tous les amendements des sénateurs, dont celui du groupe socialiste qui traite des remises et de la péréquation, ne sont pas discutés. Or nous devrions être dans une discussion commune, car le dialogue ne se fait pas entre le rapporteur et le Gouvernement, mais avec l’ensemble des parlementaires.

Concernant les notaires et la prétendue stigmatisation de la profession, je suis très à l’aise : par prévention, j’ai reçu la chambre des notaires de Seine-et-Marne bien avant que la discussion s’engage avec le Gouvernement et que la commission spéciale à l’Assemblée nationale et au Sénat soit en place, afin d’écouter leurs doléances.

Le ministre a ouvert la discussion au début de l’été dernier, elle est donc de longue durée et je suppose que tous les parlementaires, quelle que soit leur couleur politique, se sont adressés dans leur département, comme j’ai pu le faire, aux huissiers, ceux-ci étant au départ très opposés au texte du Gouvernement.

Pour des raisons familiales, j’ai un notaire à la campagne ; j’ai également un notaire à Paris. Je suis donc à même de comprendre que les frais de structure ne sont pas les mêmes à la campagne qu’en ville, notamment en plein cœur de Paris. Pour autant, je ne voudrais pas suggérer que les offices notariaux parisiens sont particulièrement juteux.

Je connais bien ce que pratiquent les départements en termes de droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO. Le gouvernement, dans sa généreuse bonté,…

Mme Catherine Procaccia. Un peu trop généreuse, d’ailleurs !

Mme Nicole Bricq. … a laissé les départements enchérir le coût des transactions par le biais des DMTO. (Mme Catherine Procaccia s’exclame.) Tout le monde y met du sien. À défaut de régler au fond les problèmes des départements, on leur dit qu’ils peuvent augmenter les droits, ce dont ils ne se sont pas privés, ce qui augmente le coût des cessions.

Il me semble que les positions respectives du Gouvernement et du rapporteur sont claires. Néanmoins, concernant la commission, ce que je n’apprécie pas dans cette discussion, c’est le principe de défiance selon lequel un certain nombre de professions ne relèvent pas de l’économie. Comme M. le ministre l’a souligné, ces professions représentent tout de même 20 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien par les temps qui courent. Par conséquent, il est normal que l’État se préoccupe de ces professions réglementées. Pour ma part, je défends l’État, qui est incarné actuellement par nous tous quelque part, mais aussi par le Gouvernement et sa majorité.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Contrairement à Mme Bricq, je ne trouve pas que les positions soient claires, alors même que j’écoute attentivement le débat depuis le début.

Mme Nicole Bricq. Qu’on discute les amendements alors !

M. Vincent Delahaye. Je ne comprends pas pourquoi M. le ministre souhaite absolument maintenir son amendement, qui me paraît être effectivement un mix entre la position de l’Assemblée nationale et celle du Sénat.

Une commission spéciale a travaillé sur ce sujet ; n’en faisant pas partie, je n’ai pu suivre dans le détail les travaux. Mais j’avoue que je ne comprends pas – monsieur le ministre, vous n’avez pas été clair sur ce sujet – quelles sont les positions de la commission spéciale que vous ne partagez pas, que ce soit en matière de tarif, de remises ou de péréquation.

Je ne suis absolument pas opposé aux professions réglementées, je trouve d’ailleurs que jusqu’à présent elles fonctionnaient plutôt bien. En effet, dans ma ville, un office a été créé très récemment, et le nouveau titulaire n’a pas acheté la clientèle, mais a créé sa propre clientèle. Une jeune notaire s’est installée et elle développe son activité normalement.

Dans certains secteurs, il est sans doute nécessaire de combler des manques ; dans d’autres, il faut peut-être développer la concurrence. Cependant, il est possible de parvenir à une position commune. Monsieur le ministre, vous avez dit que vous étiez prêt à en discuter. Mais vous avez également dit : je ne retire rien. C’est dommage, car en écoutant les positions des uns et des autres, il me semble que nous ne sommes pas si loin de trouver un accord, alors que pour l’instant nous restons bloqués.

J’aimerais vraiment comprendre les raisons de fond pour lesquelles vous ne partagez pas le résultat du travail de la commission spéciale. À quoi sert-il alors de travailler si vous ne donnez pas suite à ces travaux ?

M. Roger Karoutchi. Nous allons passer l’après-midi là-dessus !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Jean Desessard. Il va dire qu’on examine un amendement à l’heure !

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je souhaite revenir sur la question soulevée par Mme Bricq, que je peux comprendre.

Néanmoins, c’est la commission spéciale qui a demandé la disjonction de l’amendement du Gouvernement – je veux donc absoudre la direction de la séance, si besoin est, de quelque responsabilité en la matière. Nous l’avons fait dans un souci de clarté des débats, madame Bricq, afin de ne pas écraser la masse des amendements.

Mme Nicole Bricq. Ce sont les amendements des sénateurs qui sont écrasés !

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Madame Bricq, vous avez eu la parole tout à l’heure et vous l’aurez de nouveau si Mme la présidente vous la redonne, mais, pour l’instant, c’est moi qui l’ai !

M. Charles Revet. Très bien !

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. À défaut de cette disjonction, M. le ministre aurait dû répondre à la suite d’une litanie de présentations d’amendements et la discussion aurait été particulièrement confuse.

Le Gouvernement propose une réécriture globale de l’article dans la rédaction retenue par la commission. M. le rapporteur a présenté le travail de la commission, qui doit être salué, car il est très fouillé !

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission de spéciale. Même s’il peut y avoir des divergences, tout le monde s’accorde pour dire que M. le rapporteur a proposé à la commission et au Sénat un travail extrêmement pointu. M. le ministre a présenté, avec le même talent, la vision du Gouvernement. Ce débat honore dans son ensemble, me semble-t-il, le Sénat et la démocratie parlementaire.

Avant d’entamer la discussion, j’ai simplement demandé à M. le rapporteur – je n’ai pas de consigne à lui donner – de prendre le temps de débattre, car ce sujet est un point clef du texte, tout le monde en convient.

Nous avons souhaité qu’il y ait ce débat général. Vous allez pouvoir présenter vos amendements, ensuite la discussion aura lieu et, le cas échéant, nous regarderons les choses.

Il me semblait logique d’avoir au préalable cette présentation globale. Le débat pourra rebondir au fur et à mesure. L’objectif était de clarifier le débat, c’est-à-dire d’opposer les visions pour voir ensuite s’il existe des points de convergence. Voilà le travail qu’on fait l’un et l’autre, et je pense que ce débat est utile.

M. Roger Karoutchi. Si l’amendement du Gouvernement est retiré !

M. Jacques Bigot. Je demande la parole.

Mme la présidente. Mon cher collègue, vous vous êtes déjà exprimé, et je vous demande donc d’être très bref. Vous avez la parole.

M. Jacques Bigot. Cette explication de vote sera brève, madame la présidente. L’organisation du débat, le fait que l’amendement du Gouvernement soit isolé, pour discuter ensuite des autres amendements est regrettable, car il n’y a pas de forte divergence. Il y a une question sur l’étendue de l’usage du fonds de péréquation et une discussion entre le rapporteur et le ministre sur l’application de la réserve. Pour notre part, nous considérions plutôt qu’il ne fallait pas instaurer de remise.

M. Karoutchi veut faire croire que M. le ministre serait opposé aux notaires, alors que la droite du Sénat les soutiendrait. D’une part, ce n’est pas le sujet et, d’autre part, c’est faux !

Par conséquent, en soutien au Gouvernement, nous voterons cet amendement, en espérant – car le scrutin public donnera sans doute le résultat que l’on sait – que l’amendement que nous proposons pourra être adopté ; nous verrons bien.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1664.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 141 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 337
Pour l’adoption 108
Contre 229

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1342, présenté par MM. Guerriau, Kern, Bonnecarrère et Longeot, Mme Morin-Desailly et M. Cadic, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Supprimer les mots :

des greffiers des tribunaux de commerce,

II. – Alinéa 8

Supprimer les mots :

les greffiers des tribunaux de commerce,

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

M. Philippe Bonnecarrère. Cet amendement vise à retirer les greffiers des tribunaux de commerce du champ d’application des dispositions de l’article 12.

Cette profession, en tant que telle, n’est pas soumise à des modalités de concurrence. Comment cela serait-il possible entre juridictions ?

Par ailleurs, il s’agit d’une profession dont les tarifs, qui ont fortement baissé dans la période récente, sont à la disposition des pouvoirs publics.

Dans ces conditions, comment serait-il possible d’adopter une approche « pro-concurrence » ? En effet, on ne choisit pas le ressort du tribunal de commerce dont on relève.

Mme la présidente. L'amendement n° 196 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer les mots :

des greffiers des tribunaux de commerce,

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Cet amendement est, pour le groupe RDSE, le premier d’une longue série sur la question des professions réglementées.

Le sujet revêt un enjeu majeur pour les territoires ruraux et périphériques. De nos discussions, et plus encore de vos réponses, monsieur le ministre, dépend probablement notre appréciation globale sur le projet de loi, comme a pu vous l’indiquer le président Mézard dans un autre contexte.

La France compte aujourd’hui près de 230 greffiers répartis dans 135 offices de greffe. Le salaire mensuel moyen d’un greffier de tribunal de commerce – qui réalise chaque année environ 5 millions d’actes majeurs – est de 31 700 euros.

Ces rémunérations élevées s’expliquent par la nature ambivalente de la profession : les greffiers des tribunaux de commerce ne sont pas des fonctionnaires, contrairement à ceux des autres tribunaux, mais des professionnels libéraux.

Les greffiers des tribunaux de commerce exercent donc à titre privé, en situation de monopole. De fait, les greffiers des tribunaux de commerce sont en situation de monopole pour de nombreux actes de procédure : ils sont, par exemple, les seuls habilités à la transcription des débats et à la conservation des jugements. Ils sont rémunérés à l’acte selon un tarif réglementé par décret.

La véritable question est celle de la clarification de leur statut. La question de leur fonctionnarisation pourrait même se poser. Il aurait ainsi mieux valu réfléchir à une réforme en profondeur de leur statut afin de savoir s’ils rentrent véritablement dans le champ de l’article 12 du présent projet de loi.

Cet amendement vise donc à retirer la mention des greffiers des tribunaux de commerce de l’article 12.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Il n’a échappé à personne, à raison des débats qui viennent d’avoir lieu, que la commission spéciale a créé une construction globale, avec des garanties globales.

Dès lors, il serait contraire à sa position, à sa logique, de vouloir peu à peu exclure une profession réglementée après l’autre. Je ne puis qu’émettre un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis défavorable.

Je voudrais cependant apporter toute réponse dans la mesure où le groupe RDSE fait de cette question un point particulièrement structurant.

Nous proposons d’appliquer aux greffiers des tribunaux de commerce la même régulation tarifaire que celle dont nous parlons depuis quelques instants. Il s’agit donc simplement de mettre en place une rémunération raisonnable et un dispositif transparent. Comment peut-on être contre ?

Or il apparaît aujourd’hui que les greffiers des tribunaux de commerce, malgré des baisses de tarif récentes – plus de 60 %, ce qui montre qu’on avait tout de même de la marge –, sont tout de même à l’origine d’un prélèvement sur l’économie, certes pour partie justifié.

Cette révision régulière des tarifs nous permettra justement de voir si nous sommes face à une rémunération raisonnable telle que définie. Si tel est bien le cas, je ne vois pas où est le risque de révolution pour ces professionnels.

Nous avons besoin de transparence, surtout pour une profession réglementée dont les tarifs ont été – il faut bien le dire, sans stigmatiser qui que ce soit – résolument excessifs ces dernières décennies. Une telle situation n’est pas bonne pour notre économie et, en l’occurrence, ce sont véritablement nos entreprises qui le paient.

Je voudrais enfin apporter une clarification : l’Alsace-Moselle, qui a son régime propre, et les territoires d’outre-mer, où le système est public et où il n’est donc pas question de greffes privés de tribunaux de commerce, ne sont pas concernés par la réforme.

Je souhaitais remettre quelque peu les choses en perspective. Je partage totalement l’avis du rapporteur : on ne peut détricoter, profession par profession, ce qui est décidé pour l’ensemble des professions réglementées de manière équilibrée.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1342.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 196 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 364 rectifié, présenté par MM. Vaspart, Doligé, Pointereau, Laménie, Calvet, Commeinhes et Charon, Mme Deseyne et MM. Revet, de Nicolaÿ, César et Vasselle, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Remplacer les mots :

des administrateurs judiciaires, des mandataires judiciaires et des notaires

par les mots :

des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires

II. – Alinéa 8

Supprimer les mots :

et les notaires

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Dans beaucoup de villes et d'agglomérations, les études notariales sont souvent composées d'un ou de deux notaires, et parfois de plusieurs dizaines de collaborateurs salariés.

Abaisser la tarification aura pour effet de mettre en difficulté un grand nombre d'études dans les petites villes et dans la ruralité, alors même que le service rendu est indispensable à toutes les populations de cette ruralité et contribue sans nul doute à l'aménagement des territoires ruraux.

En mettant ces petites et moyennes études en difficulté, nous courons le risque d'en accentuer la concentration, ce qui conduira à diminuer leurs effectifs.

Le Gouvernement a la possibilité de créer des charges supplémentaires, notamment dans les zones où les études ont pris des dimensions anormales. Il s’agit donc bien d’un problème de régulation, dont le Gouvernement a la maîtrise.

Baisser les tarifs, notamment en milieu rural, n’augmentera pas le pouvoir d'achat de nos concitoyens : dans une vie, combien de fois en moyenne vont-ils chez le notaire pour la rédaction d'actes, étant rappelé que le conseil est gratuit ? (Mme Catherine Procaccia opine.)

Pour cet ensemble de raisons, nous proposons, à travers cet amendement, d'exclure les notaires du champ des professions juridiques réglementées visées à cet article, et plus généralement dans ce texte.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement prévoit l’exclusion totale des notaires du dispositif tarifaire sur lequel nous nous sommes entendus voilà quelques instants.

Cela revient à détricoter totalement ce que nous avons fait, raison pour laquelle, monsieur Revet, je vous suggère de retirer cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Revet, l'amendement n° 364 rectifié est-il maintenu ?

M. Charles Revet. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 364 rectifié est retiré.

L'amendement n° 186 rectifié, présenté par M. Gorce, Mme Jourda, M. Aubey et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La fixation des tarifs prend en compte les conditions de l'équilibre économique des offices situés dans les départements dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 1,5 fois le potentiel financier moyen par habitant des départements et le revenu par habitant est inférieur à 1,5 fois le revenu moyen par habitant des départements.

La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. Il s’agit simplement de préciser que la fixation des tarifs doit prendre en compte les conditions de l’équilibre économique des offices situés dans les départements dont le potentiel financier par habitant est inférieur à 1,5 fois le potentiel financier moyen par habitant des départements et le revenu par habitant est inférieur à 1,5 fois le revenu moyen par habitant des départements.

Il s’agit en général des départements dans lesquels les activités des notaires ne sont pas suffisamment importantes et où le maintien des notaires passe aussi par le fait que les tarifs prennent bien en compte ce besoin de péréquation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Cet amendement est assez ingénieux : il vise à introduire, dans les paramètres d’élaboration des tarifs, les bases de calcul de la dotation globale de fonctionnement, la DGF.

À mon sens, c’est un système très compliqué. Le Gouvernement s’appuiera plutôt sur un tarif représentatif de la moyenne des offices,…

M. François Pillet, corapporteur. … et justement de ceux des départements compris dans la fourchette proposée à travers cet amendement.

Pour pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Comme M. le rapporteur, je comprends l’objectif visé par les auteurs de cet amendement.

Les différentes expertises qui ont été menées par l’Autorité de la concurrence, par l’Inspection générale des finances ou par différentes missions parlementaires montrent que les départements ruraux ne sont pas les plus carencés. Au contraire : en Aveyron, par exemple, on compte proportionnellement trois fois plus de notaires qu’en Seine-Saint-Denis.

Les prix immobiliers différant d’une région à l’autre, les notaires de ces départements dressent des actes portant sur des transactions moins élevées qu’en milieu urbain. La piste que vous esquissez à travers cet amendement est donc intéressante.

Toutefois, je vous suggère de ne pas élever une telle disposition au niveau de la loi.

M. Jean Desessard. Bien sûr !

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous avons un mécanisme. D’ailleurs, votre amendement, nous en reparlerons, vise aussi à le simplifier – c’était un petit point de dissensus –, mais il s’inscrit dans le même esprit.

Le Gouvernement s’engage à prendre en compte, par voie réglementaire, les critères pertinents – potentiel financier par habitant et revenu par habitant – que vous retenez.

À l’aune de cet engagement, je vous invite à retirer votre amendement.

Mme la présidente. Monsieur Bigot, l'amendement n° 186 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Bigot. L’amendement a été soutenu. Je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 186 rectifié est retiré.

Je suis saisie de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 716, présenté par MM. Karoutchi, Danesi, Milon et Calvet, Mme Canayer, MM. Mayet et Mandelli, Mmes Des Esgaulx et Imbert, MM. Charon et Laménie, Mme Mélot, MM. Cambon et Houel, Mmes Hummel, Primas, Duchêne et Procaccia, MM. Fouché, Leleux, Vogel, Chaize et Laufoaulu et Mmes Bouchart et Micouleau, est ainsi libellé :

Alinéas 4 et 12

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Il est des « miracles du samedi » (Sourires.) : après avoir entendu les propos tenus depuis ce matin et par le rapporteur et par le président de la commission spéciale et par le ministre – car moi j’écoute tout le monde ! (Nouveaux sourires.) –, je retire l’amendement n° 716.

M. Jean Desessard. C’est intelligent, monsieur Karoutchi !

M. Emmanuel Macron, ministre. M. Karoutchi se rallie à la motion majoritaire ! (Sourires.)

Mme la présidente. L’amendement n° 716 est retiré.

L'amendement n° 724, présenté par MM. Bigot et Sueur, Mme Génisson et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 4

1° Deuxième phrase

Après les mots :

ministre de la justice

insérer les mots :

et le ministre chargé de l’économie

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce fonds est enfin destiné à financer l’aide juridictionnelle, l’accès au droit et les maisons de justice et du droit.

II. - Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. L’amendement du Gouvernement n’ayant pas reçu la faveur du Sénat, nous examinons le texte issu des travaux de la commission.

Le présent amendement, dont j’ai déjà beaucoup parlé, vise à insérer après les mots « ministre de la justice » les mots « et le ministre chargé de l’économie » à l’alinéa 4 de l’article 12.

Il est d’autres domaines, notamment en matière médicale et pharmaceutique, où des décisions tarifaires sont cosignées par le ministre des affaires sociales et le ministre de l’économie. Il ne me paraît donc pas choquant d’envisager une cosignature du ministre de la justice et du ministre de l’économie sur de tels sujets. Mais là n’est pas l’essentiel.

Cet amendement vise également à compléter l’alinéa 4 par une phrase ainsi rédigée : « Ce fonds est enfin destiné à financer l’aide juridictionnelle, l’accès au droit et les maisons de justice et du droit. » Il s’agit de faire en sorte que ce fonds ne finance pas exclusivement l’installation de nouveaux notaires.

Enfin, nous proposons de supprimer la notion de remise, à savoir l’alinéa 5.

Mme la présidente. Les amendements nos 102, 588 et 587 ne sont pas soutenus.

L'amendement n° 717, présenté par MM. Karoutchi, Milon et Calvet, Mme Canayer, MM. Mayet et Mandelli, Mmes Des Esgaulx et Imbert, MM. Charon et Laménie, Mme Mélot, MM. Cambon et Houel, Mmes Hummel, Primas, Duchêne et Procaccia, MM. Fouché, Leleux, Vogel, Chaize et Laufoaulu et Mmes Bouchart et Micouleau, est ainsi libellé :

Alinéa 5, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Cet amendement n’est, lui, pas retiré, d’autant que j’ai cru entendre M. le ministre me donner raison avant même que je ne le présente en déclarant que les actes soumis à la concurrence des autres professionnels du droit ne doivent pas être soumis à un tarif réglementé. En conséquence, la disposition prévue dans la seconde phrase de l’alinéa 5 n'a pas lieu d'être.

Mme la présidente. Les cinq amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 207 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.

L'amendement n° 275 rectifié quinquies est présenté par M. Calvet, Mmes Primas et Bouchart, MM. Perrin, Raison, Vogel et B. Fournier, Mme Deseyne, M. Milon, Mme Deromedi, M. Grand, Mme Micouleau, MM. Médevielle et Laménie et Mme Lamure.

L'amendement n° 413 est présenté par M. Navarro.

L'amendement n° 606 rectifié bis est présenté par Mme Gruny, MM. Commeinhes et Mayet, Mme Mélot et MM. Pierre, Revet et Vasselle.

L'amendement n° 1060 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 9

Supprimer les mots :

, pris après avis de l’Autorité de la concurrence,

II. – Alinéas 14 à 18

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 207 rectifié.

M. Guillaume Arnell. Cet amendement vise à supprimer l’emprise tentaculaire de l’autorité administrative indépendante qu’est l’Autorité de la concurrence.

Le projet de loi fait de cette institution la clé de voûte de tout le code de commerce, comme si son intervention constituait le remède à toutes les rentes de situation, aux corporatismes et autres blocages identifiés par le texte. C’est oublier que l’Autorité de la concurrence n’est pas un organisme totalement neutre, qui répondrait à une « idée » platonicienne du bien et du juste définis ontologiquement par des principes immuables, universels et indépendants de l’intellect. Elle-même n’est que le reflet d’une certaine idée politique de la concurrence, dont les règles doivent être fixées par le Parlement. Nous refusons que de telles entités accaparent de plus en plus le débat politique sous couvert de neutralité.

Comme le soulignait en 2010 le vice-président du Conseil d’État, M. Jean-Marc Sauvé, « les autorités administratives indépendantes ne sauraient devenir un mode d’administration de droit commun. »

Mme Évelyne Didier. Tout à fait !

M. Guillaume Arnell. « Le recours à cette catégorie juridique particulière doit rester adapté et raisonné. »

Comme vous le savez, le groupe du RDSE a demandé la création d’une commission d’enquête sénatoriale sur le bilan et le contrôle des autorités administratives indépendantes, dont le nombre n’a cessé de croître. Confier toujours plus de missions à ces autorités revient à remettre en cause la summa divisio entre pouvoir exécutif, pouvoir législatif et autorité judiciaire.

Mme Éliane Assassi. Nous sommes d’accord !

M. Guillaume Arnell. Concernant les professions réglementées plus particulièrement, il apparaît que l’arbitrage du ministère de la justice est amplement suffisant, puisque le présent texte confie au garde des sceaux le pouvoir de créer de nouveaux offices en fonction de critères dynamiques et à intervalles réguliers.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l'amendement n° 275 rectifié quinquies.

Mme Chantal Deseyne. L'avis de l'Autorité de la concurrence est superfétatoire. En effet, les services de l'État, tant ceux de la Chancellerie que le bureau des services financiers et des professions réglementées de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, direction rattachée au ministère de l'économie, traitent déjà de ces questions et disposent des moyens nécessaires pour réaliser ces missions.

Par ailleurs, le coût de l'intervention de l'Autorité de la concurrence ne paraît pas compatible avec la politique de réduction des dépenses publiques.

Mme la présidente. L'amendement n° 413 n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Pascale Gruny, pour présenter l'amendement n° 606 rectifié bis.

Mme Pascale Gruny. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l'amendement n° 1060.

M. Éric Bocquet. L’article 12 est contestable dans sa philosophie même. L’Autorité de la concurrence, dont la vocation est exclusivement économique et qui a pour mission de s’assurer de l’absence d’entraves à la concurrence, n’a aucune compétence pour émettre un avis sur des professions du droit relevant du ministère de la justice. Nous proposons donc de supprimer toute référence à cette autorité administrative indépendante et donc toute intervention de sa part dans la fixation des tarifs des professions réglementées. Son avis sur les tarifs ne peut en effet être guidé que par un esprit qui entre en totale contradiction avec celui des professions juridiques réglementées, puisqu’il fait l’impasse sur leurs missions, qui relèvent de l’intérêt général, pour ne les envisager que comme une activité marchande ordinaire.

L’intérêt des professions du droit n’est pas tant d’être concurrentielles que d’être de qualité, accessibles à tous, sur tout le territoire, à des tarifs donnés, et ce afin de garantir la sécurité juridique de tous les citoyens, préoccupations qui sont bien éloignées de celles de l’Autorité de la concurrence.

Mme la présidente. L'amendement n° 1482 n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

M. François Pillet, corapporteur. Comme l’ont indiqué ses auteurs, l’amendement n° 724 présente trois objets assez distincts.

Tout d’abord, il vise à rétablir la compétence conjointe du ministre de l’économie et du ministre de la justice dans la fixation des tarifs. Nous nous sommes déjà expliqués sur ce point ; je n’y reviens pas.

Ensuite, il tend à supprimer le mécanisme des remises. J’ai déjà indiqué qu’une telle mesure était en soi tout à fait acceptable, mais pas dans le cadre que la commission spéciale ou le Gouvernement s’efforcent de construire.

Enfin, il a pour objet de restaurer l’affectation du fonds à l’abondement de l’aide juridictionnelle. Là encore, je me suis expliqué lorsque j’ai donné mon avis sur l’amendement du Gouvernement.

L’amendement n° 724 étant contraire au texte de la commission spéciale comme à la position du Gouvernement, je ne peux qu’émettre un avis défavorable.

Je comprends parfaitement l’intention des auteurs de l’amendement n° 717, mais, compte tenu des précisions qui ont été apportées précédemment par M. le ministre et qui demandent à être confirmées – je pense en particulier au cas des prestations qui entrent en « conflit » avec celles qui sont effectuées par d’autres professionnels –, je suggère le retrait.

Quant aux quatre amendements identiques, qui visent à supprimer l’intervention de l’Autorité de la concurrence dans la détermination des critères d’autorisation des nouveaux tarifs, ils sont en complète contradiction avec tout ce qui a été construit jusqu’à présent ; l’avis de la commission spéciale est par conséquent défavorable. Je rappelle d’ailleurs un argument : il me paraît normal, pour une raison que j’ai expliquée, que le ministère de la justice conserve ses compétences actuelles relativement à certaines professions réglementées et que l’Autorité de la concurrence, et non le ministère de l’économie, émette un avis. Nous pensons être ainsi parvenus à un équilibre.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’avis est également défavorable sur les quatre amendements identiques.

L’amendement n° 724 contient plusieurs dispositions intéressantes : il reprend pour l’essentiel des éléments de l’amendement gouvernemental n° 1664 et n’en diffère que sur la question des remises, dont nous avons déjà discuté. Aussi, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Concernant l’amendement n° 717, j’en partage l’objet, mais la suppression de la seconde phrase de l’alinéa 5 me semble excéder quelque peu l’objectif visé.

Il y a donc deux possibilités, monsieur Karoutchi : soit vous vous en remettez à mon engagement de prendre les décrets d’application ; soit vous acceptez de rectifier votre amendement en rédigeant ainsi la seconde phrase de l’alinéa 5 : « Pour chaque profession concernée par le présent article, un décret en Conseil d’État détermine les prestations accomplies en concurrence avec celles, non soumises à un tarif, d’autres professionnels, et qui ne sont pas soumises à un tarif réglementé. » Cette rédaction me semble à la fois mieux correspondre à l’objet de votre amendement et à la position du Gouvernement.

Mme la présidente. Monsieur Karoutchi, qu’en pensez-vous ?

M. Roger Karoutchi. J’accepte volontiers de rectifier mon amendement dans le sens suggéré par le Gouvernement.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 717 rectifié, présenté par MM. Karoutchi, Milon et Calvet, Mme Canayer, MM. Mayet et Mandelli, Mmes Des Esgaulx et Imbert, MM. Charon et Laménie, Mme Mélot, MM. Cambon et Houel, Mmes Hummel, Primas, Duchêne et Procaccia, MM. Fouché, Leleux, Vogel, Chaize et Laufoaulu et Mmes Bouchart et Micouleau, et ainsi libellé :

Alinéa 5, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Pour chaque profession concernée par le présent article, un décret en Conseil d'État détermine les prestations accomplies en concurrence avec celles, non soumises à un tarif, d'autres professionnels, et qui ne sont pas soumises à un tarif réglementé.

Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 724.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 717 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 207 rectifié, 275 rectifié quinquies, 606 rectifié bis et 1060.

Mme Évelyne Didier. Avec cet article, nous sommes en présence d’une logique de fond : sortir le plus possible d’activités du secteur public pour les faire entrer dans le secteur marchand.

Quand je vous entends dire « La réforme, la réforme, la réforme ! », j’entends en même temps la petite musique de l’Europe, qui, outre le pacte de stabilité et la règle des 3 %, exige que le plus d’activités possible soient soumises à la concurrence, d’où l’intervention de l’Autorité de la concurrence.

Comme l’a dit notre collègue Médevielle, les prestations fournies par les professions juridiques réglementées sont assimilables à des services publics. C’est pourquoi nous pensons, comme lui et comme d’autres, que ces professions doivent rester sous le contrôle de l’État, en l’occurrence du ministère de la justice, et qu’elles ne doivent pas relever d’une logique marchande.

Au début, on fera semblant de maintenir ces activités dans les territoires ruraux, mais on sait bien ce qu’il adviendra par la suite : si les notaires, les huissiers et toutes les autres professions juridiques réglementées n’ont pas la possibilité de trouver un équilibre entre ce qui est rentable pour eux et ce qui l’est moins – je pense notamment au cas de l’aide juridictionnelle pour les avocats –, progressivement, de larges pans des territoires en province, et pas seulement dans les zones rurales d’ailleurs, se retrouveront dépouillés, c’est-à-dire qu’on verra ces professions se concentrer dans les endroits où il y a matière à faire beaucoup d’argent, comme cela s’est produit pour les laboratoires.

Telle est la logique à l’œuvre dans cet article, et il fallait que cela fût clairement dit.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Je soutiens l’amendement de nos collègues du RDSE, qui a été admirablement défendu.

Si l’avis que l’Autorité de la concurrence est appelée à exprimer publiquement en amont est favorable à la décision du Gouvernement, cela laisse présager la façon dont elle pourrait se prononcer ultérieurement ; si cet avis est défavorable, cela ouvre un conflit. Il est difficile pour une autorité qui a vocation à être saisie pour trancher des conflits de donner son avis ex ante.

J’approuve l’architecture générale de l’article 12 tel que l’a rédigé la commission spéciale, mais cet appel à l’avis public de l’Autorité de la concurrence sera source d’équivoques et ouvrira des conflits permanents. C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, même si cela n’a aucune importance puisque le texte sera adopté, je ne suis pas favorable au fait qu’on sollicite l’avis public de l’Autorité de la concurrence.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Je remercie notre collègue Longuet de s’être exprimé avec mesure en nous faisant part de la position qui a toujours été la sienne.

J’ai cru comprendre que vous vous abstiendrez, mon cher collègue, décision tout à fait raisonnable pour le législateur responsable que vous êtes. En effet, le travail que nous avons accompli cet après-midi serait entièrement mis à bas si ces quatre amendements identiques étaient adoptés.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous, monsieur le corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. J’y survivrai ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Le travail de construction du texte ne date pas de cet après-midi ; comme l’a dit M. le ministre, le Gouvernement a donné un coup de bélier à la suite duquel les notaires se sont mobilisés, ce qui a conduit la commission spéciale du Sénat à temporiser par rapport à la position du Gouvernement.

La logique qui s’est dégagée cet après-midi des différentes interventions, c’est celle du service public et de la solidarité territoriale pour aider aux installations là où c’est nécessaire.

M. Jean Desessard. Je le répète, la position de la commission spéciale est à mi-chemin : vous dites qu’il est envisageable d’introduire de la concurrence, que des remises peuvent être consenties, mais sans expliquer à quoi elles vont servir.

Pour ma part, je me range à l’avis selon lequel la logique qui doit prévaloir, c’est celle du service public. Dès lors, que vient faire là l’Autorité de la concurrence ? Quelle est son utilité ? C’est le Gouvernement qui fixera les tarifs en veillant à respecter ces impératifs de maintien d’un service public sur l’ensemble du territoire national.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Il est vrai que l’intrusion de l’Autorité de la concurrence dans le dispositif a « irrité » et suscité beaucoup de réactions.

Dans une logique de dialogue avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement, la commission spéciale a finalement estimé qu’il ne fallait pas supprimer la référence à l’Autorité de la concurrence. Nous avons conscience que cette disposition peut heurter, mais le travail d’une grande subtilité juridique mené par le corapporteur a permis de gommer très largement cet aspect « irritant » et a eu le mérite de parvenir à un équilibre ; je recommande de le préserver.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Nous sommes entre nous, ce samedi après-midi, et c’est fort agréable.

La première solution s’étant révélée extrêmement désagréable, on essaie là de nous faire avaler une potion un peu moins amère.

Pour ma part, je vais suivre la commission spéciale, qui a accompli un travail remarquable, dans cet exercice de mithridatisation.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très bien !

Mme la présidente. Ma chère collègue, la séance étant retransmise en direct sur Public Sénat, notre audience est un peu plus large que ce que vous imaginez. (Sourires.)

Je mets aux voix les amendements identiques nos 207 rectifié, 275 rectifié quinquies, 606 rectifié bis et 1060.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 1697, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 24, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II. – Après l’alinéa 24

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Toutefois, les dispositions tarifaires fixées en vertu de cet article demeurent en vigueur jusqu'à leur modification opérée conformément aux I à I quinquies du présent article.

III. – Alinéa 26

Remplacer les références :

L. 462-1, L. 462-4, L. 464-1

par la référence :

L. 462-2-1

La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination rédactionnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1697.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote sur l'article.

M. Jacques Bigot. En commission spéciale, monsieur le corapporteur, vous avez dit souhaiter que la discussion de ce projet de loi soit l’occasion de montrer la plus-value qu’apporte le Sénat. Je n’ai pas le sentiment que les modalités d’examen de l’article 12 illustrent cette volonté.

Vous avez adopté une stratégie consistant à séparer l’examen de l’amendement du Gouvernement de celui des autres amendements, ce qui n’a pas permis d’engager une discussion globale et de comprendre pourquoi certains voulaient introduire de la concurrence dans ces professions réglementées et tarifées, et selon quelles modalités. Or, vous avez pu le constater, nous n’avons pas la même position que la commission spéciale sur le sujet, nous sommes même plus en retrait.

La majorité sénatoriale est convaincue de la nécessité de réformer ces professions, dont l’organisation date maintenant d’un certain temps. Mais, plutôt que de mettre ses pas dans ceux du Gouvernement, qui n’est pas issu de ses rangs, elle a préféré laisser son empreinte, allant même jusqu’à vouloir mettre l’avis de l’Autorité de la concurrence « sous réserve ». Or, dans une société de marché où l’on envisage que les coûts des actes des professions réglementées et leur rémunération soient aussi soumis au contrôle d’une instance, l’Autorité de la concurrence a toute sa place.

Je ne retrouve pas dans la manière dont vous avez abordé ce débat l’état d’esprit dans lequel vous souhaitiez vous inscrire au départ. C’est dommage ! C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas l’article 12.

M. Charles Revet. Cela mérite réponse !

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je ne comptais pas intervenir, mais je trouve l’intervention de notre collègue un peu excessive.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Roger Karoutchi. La technique parlementaire est ce qu’elle est : l’amendement du Gouvernement visant à réécrire l’article 12 – c’est l’équivalent inversé, si je puis dire, d’un amendement de suppression d’article –, examiner préalablement les autres amendements n’aurait eu aucun sens. C’est pourquoi la commission spéciale a choisi d’appeler l’amendement du Gouvernement en premier. Je le répète, elle a usé là d’une technique parlementaire tout à fait classique dans laquelle il ne faut voir aucune volonté d’isoler cet amendement des autres.

Contrairement à M. Bigot, je considère que nous avons eu sur cet article 12, qui a suscité bien des débats dans la presse, dans la société et chez les professionnels concernés, des discussions tout à fait correctes et équilibrées. Les uns et les autres ont pu défendre leurs positions, qui ne manqueront pas d’alimenter les travaux de la commission mixte paritaire ou d’autres textes que pourrait être amené à défendre le Gouvernement. Je veux en remercier le président de la commission spéciale, l’ensemble des corapporteurs et le ministre

Au contraire de notre collègue, je considère que, sur l’article 12, le Sénat a fait un bon travail dont il peut se montrer fier.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Monsieur Bigot, qui n’a pas supprimé, sur mon initiative, l’article 12 ? C’est nous ! Qui a conservé le principe de la péréquation ? C’est nous ! Qui a maintenu les remises ? C’est nous ! Qui a gardé l’Autorité de la concurrence ? C’est nous ! Qui a gardé le principe du coût pertinent ? C’est nous ! Qui a ajouté dans son calcul les sujétions que subissent les professions réglementées ? C’est nous ! Qui a fait un pas pour trouver des solutions et éviter que les professions réglementées descendent dans la rue ? C’est nous ! Qui a permis d’aboutir à un texte permettant à la Chancellerie de retrouver de l’air, alors que les professions, insuffisamment consultées et écoutées, estimaient qu’on était allé trop loin et qu’elles avaient été stigmatisées au départ ? C’est nous ! C’est la commission spéciale du Sénat qui a permis d’avoir ce débat !

Si nous avions eu une deuxième lecture, si la procédure accélérée n’avait pas été engagée, nous serions sans doute parvenus à un accord. Je vous ai cent fois tendu la main. C’est pourquoi je trouve que les reproches que vous formulez à l’encontre de la commission spéciale et, indirectement, à mon endroit sont parfaitement illégitimes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12, modifié.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission spéciale.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 142 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 313
Pour l’adoption 186
Contre 127

Le Sénat a adopté.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

Article 12
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 13 bis (début)

Article 13

I. – La loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est ainsi modifiée :

1° Les III à VI de l’article 1er sont abrogés ;

2° L’article 5 est ainsi rédigé :

« Art. 5. – Les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires, sous les réserves prévues à l’article 4.

« Ils peuvent postuler devant l’ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel.

« Par dérogation au deuxième alinéa, les avocats ne peuvent postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établi leur résidence professionnelle ni dans le cadre des procédures de saisie immobilière, de partage et de licitation, ni au titre de l’aide judiciaire, ni dans des instances dans lesquelles ils ne seraient pas maîtres de l’affaire chargés également d’assurer la plaidoirie. » ;

2° bis (nouveau) Après l’article 5, il est inséré un article 5-1 ainsi rédigé :

« Art. 5-1 (nouveau). – Par dérogation au deuxième alinéa de l’article 5, les avocats inscrits au barreau de l’un des tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre peuvent postuler auprès de chacune de ces juridictions. Ils peuvent postuler auprès de la cour d’appel de Paris quand ils ont postulé devant l’un des tribunaux de grande instance de Paris, Bobigny et Créteil, et auprès de la cour d’appel de Versailles quand ils ont postulé devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

« La dérogation du dernier alinéa de l’article 5 leur est applicable. » ;

3° Le second alinéa de l’article 8 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’association ou la société peut postuler auprès de l’ensemble des tribunaux de grande instance du ressort de cour d’appel dans lequel un de ses membres est établi et devant ladite cour d’appel par le ministère d’un avocat inscrit au barreau établi près l’un de ces tribunaux.

« Par dérogation au deuxième alinéa, l’association ou la société ne peut postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établi un de ses membres ni dans le cadre des procédures de saisie immobilière, de partage et de licitation, ni au titre de l’aide judiciaire, ni dans des instances dans lesquelles ce dernier ne serait pas maître de l’affaire chargé également d’assurer la plaidoirie. » ;

4° L’article 8-1 est ainsi modifié :

a) À la deuxième phrase du deuxième alinéa, les mots : « les trois » sont remplacés par les mots : « le délai d’un » ;

b) (Supprimé)

5° Les quatre premiers alinéas de l’article 10 sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Les honoraires de postulation, de consultation, d’assistance, de conseil, de rédaction d’actes juridiques sous seing privé et de plaidoirie sont fixés en accord avec le client.

« En matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires, les droits et émoluments de l’avocat sont fixés sur la base d’un tarif déterminé selon des modalités prévues par décret.

« Sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.

« Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.

« Toute fixation d’honoraires qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. » ;

6° Le 4° de l’article 53 est abrogé.

II. – (Supprimé)

III. – Les articles 1er, 5, 8, 8-1, 10 et 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans leur rédaction résultant du présent article, sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

III bis. – Le présent article est applicable sur le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon aux membres du corps des agréés aux îles Saint-Pierre et Miquelon.

En matière administrative, les agréés en exercice à Saint-Pierre-et-Miquelon peuvent postuler devant la cour administrative d’appel territorialement compétente pour connaître des appels interjetés à l’encontre des jugements du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon.

IV. – Les articles 1er, 5, 8 et 53 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 précitée, résultant des 1° à 3° et du 6° du présent I, sont applicables à titre expérimental dans le ressort de deux cours d’appel pendant trois ans à compter du premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi. Les cours d’appel concernées sont déterminées par un arrêté du garde des sceaux.

Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet article aborde trois questions importantes.

La première concerne la postulation dans le ressort des cours d’appel que le Gouvernement voudrait rendre définitive et généraliser et que la commission spéciale souhaiterait voir passer, dans un premier temps, par une phase d’expérimentation. Cette question est déterminante pour l’avenir de la profession,…

M. François Pillet, corapporteur. Absolument !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … car elle pourrait annoncer la mort des petits barreaux dans des départements déjà affectés par la disparition de nombreux services publics. L’accès au droit pour les justiciables serait ainsi remis en cause, comme il l’a été avec la fermeture de nombreux tribunaux. Ce serait un pas de plus vers un traitement inéquitable sur nos territoires, contraire aux principes de notre République.

Le Gouvernement a su mettre en avant les principes républicains en ce début d’année. Il conviendrait aujourd’hui de les voir se réaliser par des actes pour tous les citoyens, quel que soit leur lieu de résidence.

Passer par une phase d’expérimentation pourrait effectivement permettre une étude d’impact dans le réel, mais nous savons tous que c’est aussi la porte ouverte à la généralisation à plus ou moins brève échéance.

Comme l’indique le rapport, « le risque d’une dévitalisation de certains territoires doit être pris en considération ». Des avocats situés sur le territoire du tribunal peuvent se voir dépossédés de nombreux dossiers – 70 % à 80 % selon le bâtonnier de Libourne. Cela peut conduire aussi à une réelle précarisation de la profession, comme le précise une note de l’observatoire du Conseil national des barreaux, qui « fait apparaître que, dans le classement des dix barreaux dans lesquels les revenus moyens des avocats sont les plus faibles, on retrouve cinq des barreaux situés dans une zone de multipostulation : trois barreaux de la cour d’appel de Paris – Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Essonne – ainsi que les barreaux de Libourne et d’Alès ».

L’expérimentation ayant été effectuée dans ces villes, on peut s’appuyer sur les effets produits. Pourquoi alors vouloir en ajouter une autre ? De notre point de vue, c’est inutile ! Nous y sommes opposés dans la mesure où nous en connaissons déjà les résultats. Programmer ainsi la mort des petits barreaux, la précarisation de la profession, y compris en passant par cette phase, n’est à nos yeux pas acceptable.

La deuxième question a trait à un assouplissement du régime de création des bureaux secondaires, dès lors que ce sont des bureaux réels avec une véritable activité.

La commission spéciale a maintenu la demande d’autorisation qui devait, dans le texte présenté au Sénat, se transformer en simple information du barreau.

La troisième question porte sur la décision de soumettre, dans le texte initial, à la DGCCRF les conventions d’honoraires des avocats. Le bâtonnier serait en quelque sorte dessaisi de cette question, puisqu’il ne serait pas associé aux perquisitions éventuelles, et le secret professionnel risque donc de ne pas être garanti.

Cet article, tel qu’il ressort des travaux de la commission spéciale, représente un progrès indéniable par rapport au texte d’origine, à la seule exception de l’expérimentation pour la postulation dans le ressort des cours d’appel.

M. Éric Bocquet. Très bien !

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 14 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 288 rectifié bis est présenté par M. Détraigne, Mme Férat, MM. Savary, Guerriau, Kern, Longeot et Canevet, Mme Loisier, MM. Bockel, Roche, Marseille et Jarlier, Mme Joissains, M. Namy et Mme Billon.

L'amendement n° 338 est présenté par M. Joyandet.

L'amendement n° 769 est présenté par MM. Ravier et Rachline.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour présenter l’amendement n° 14.

M. Jean-Pierre Bosino. L’article 13, dans sa version initiale, étendait le périmètre de postulation des avocats du tribunal de grande instance à la cour d’appel. Bien que très largement atténué en commission spéciale, cet article n’en conserve pas moins son esprit d’origine, qui aboutit à un bouleversement complet de la carte judiciaire. J’en profite pour préciser que cet élargissement n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact, ce qui mériterait au moins un renvoi à la commission.

La commission spéciale a certes restreint le dispositif pour ne plus en faire qu’une expérimentation dans le ressort de deux cours d’appel pendant une durée de trois années. Cependant, la seule attitude positive à nos yeux aurait été de supprimer ces dispositions en l’absence d’évaluation.

Cette expérimentation peut sembler constituer un petit progrès, mais, en réalité, elle entérine le principe même de cette extension, tout en ne l’assumant pas, et remet en cause le monopole de la postulation des avocats dans le ressort de chaque tribunal de grande instance. Cela est d’autant plus vrai qu’une expérimentation de l’extension du périmètre de postulation des avocats a déjà été réalisée à Bordeaux, Libourne, Nîmes et Alès et qu’elle n’a pas produit d’effets positifs, bien au contraire.

Cet élargissement aura des conséquences sur l’équilibre économique et numérique des barreaux, notamment dans les régions rurales, mais pas seulement, et sur le maillage territorial de la justice. En portant le périmètre de postulation des avocats du tribunal de grande instance à la cour d’appel, on constatera l’apparition de déserts juridiques – après les déserts médicaux –, ce qui remettra en cause l’accès de tous les citoyens à la justice.

La diminution du nombre d’avocats dans les barreaux où les effectifs sont moindres constitue une source de difficultés juridiques : l’éloignement de l’avocat des justiciables, sans compter la répercussion en termes de coût que cet éloignement ne manquera pas d’avoir pour ces derniers. Ce phénomène d’élargissement aboutira en effet à une concentration des cabinets d’avocats autour de la cour d’appel, au regroupement de ces professionnels dans les mêmes zones, voire dans les mêmes cabinets, en fait, comme pour les notaires, là où ils pourront gagner de l’argent.

Une étude menée par le Conseil national des barreaux démontre que cette mesure affecterait en priorité les cabinets de petite taille situés dans les barreaux aux effectifs plus réduits, loin des grandes villes. Cela signifie donc tout simplement la fin d’une justice de proximité, par une concentration excessive de la présence des avocats dans de grandes villes, au détriment des zones moins peuplées, déjà désertées par les services publics.

Mme la présidente. Les amendements nos 288 rectifié bis, 338 et 769 ne sont pas soutenus.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 14 ?

M. François Pillet, corapporteur. Encore un sujet difficile ! Abordons-le avec la responsabilité et la sagesse qui nous caractérisent…

La suppression ou la modification de la postulation emporterait des conséquences très importantes pour le maillage territorial. Je m’explique : la postulation oblige un justiciable à passer par un avocat situé dans le ressort du tribunal de grande instance auprès duquel le dossier est attrait, ce qui procure à cet avocat une clientèle, locale ou provenant d’autres barreaux, et donc un chiffre d’affaires.

Si vous supprimez totalement la postulation, ce qui, je le crois, est l’objectif de certains à terme, que se passera-t-il ? Les cabinets d’avocats se regrouperont au siège de la cour d’appel et ouvriront éventuellement un bureau secondaire, forain, dans les villes du ressort de cette cour d’appel.

Si les barreaux n’ont plus assez, voire plus du tout d’avocats par suite de la baisse de leur chiffre d’affaires global, à qui demanderez-vous d’assurer les gardes à vue le samedi, le dimanche ou la nuit, de se rendre devant le juge d’instruction ou dans une gendarmerie située à l’autre extrémité du département ?

M. François Pillet, corapporteur. Certes, je le répète, la postulation procure aux avocats un chiffre d’affaires, mais, en contrepartie, ils assurent un service public à travers les gardes à vue et l’aide juridictionnelle.

M. François Pillet, corapporteur. Aussi une réforme de la postulation exige-t-elle la plus grande prudence.

On peut parfaitement comprendre les motifs sur lesquels se fondent les auteurs de cet amendement de suppression. Néanmoins, vous l’aurez compris mes chers collègues, je suis avant tout pragmatique : comment se poursuivra la navette parlementaire si nous supprimons purement et simplement cet article ? Le texte du Gouvernement sera rétabli par l’Assemblée nationale, et le Sénat n’aura pas pu apporter une plus-value pourtant fondée sur une analyse intelligente de l’économie locale. Voilà pourquoi j’ai proposé d’instaurer un autre système. Ce dernier, je le concède, n’est pas parfait, mais il présente un avantage : si, comme je le pense, le dispositif du Gouvernement est dangereux, une expérimentation permettra de le démontrer. À l’inverse, si l’on observe que cette réforme n’a pas d’effets négatifs, elle pourra être mise en œuvre.

M. Charles Revet. Ce système, c’est l’apport du Sénat !

M. François Pillet, corapporteur. Tout cela, me direz-vous, ce sont des mots… Mais nous sommes d’ores et déjà en mesure d’analyser les effets d’une suppression ou d’un éclatement de la postulation. En effet, nous pouvons nous référer aux expérimentations menées par les barreaux de Bordeaux et Libourne et les barreaux de Nîmes et Alès.

Comme toujours, lorsqu’une mesure n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact assez précise, on peut dire tout et n’importe quoi à son sujet. Néanmoins, je dispose en la matière de bonnes références, au nombre desquelles l’étude menée par la Chancellerie dans laquelle le bâtonnier de Libourne indique que, depuis la mise en place de la multipostulation, les avocats ont perdu 70 % à 80 % des dossiers de postulation… Ce n’est pas fabuleux pour le barreau considéré !

M. Jean-Pierre Bosino. C’est bien ce que nous disons !

M. François Pillet, corapporteur. Par ailleurs, une note de l’observatoire du Conseil national des barreaux en date du 7 octobre 2014 – j’attends qu’elle soit contredite, ce qui, jusqu’à présent, n’a pas été pas le cas – dresse le constat suivant : parmi les dix barreaux où les revenus moyens des avocats sont les plus faibles figurent cinq des barreaux situés dans une zone de multipostulation. Il s’agit de trois barreaux de la cour d’appel de Paris, ceux de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et de l’Essonne, et des barreaux de Libourne et d’Alès.

Ainsi, les seuls documents dont nous disposons nous conduisent à penser que le terrain est défavorable au projet du Gouvernement. Voilà pourquoi je propose d’attendre ! De toute façon, ce n’est pas cette mesure qui va nous permettre de rembourser la dette nationale d’ici à quinze jours.

M. Roger Karoutchi. Allez savoir ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. François Pillet, corapporteur. Évaluons avec précision l’impact de la mesure gouvernementale par la voie d’une expérimentation, dont, au demeurant, les précisions que je viens d’apporter ne rendent pas compte de façon exhaustive. En effet, l’impossibilité de postulation ne s’étend pas à tout le ressort de la cour d’appel de Bordeaux, dont dépend Libourne. Pour ma part, je demande une expérimentation beaucoup plus large afin d’obtenir des résultats beaucoup plus précis.

Cette solution n’est pas idéale, je le sais, mais, si nos collègues députés émettent le souhait de ne pas aller trop loin, c’est la seule qu’ils peuvent éventuellement accepter.

M. Jean-Pierre Bosino. C’est de la technique parlementaire !

M. François Pillet, corapporteur. Voilà pourquoi, même si je comprends les positions radicales qui se font jour sur ce sujet, je vous propose cette solution. Je suis conscient qu’elle ne plaît à personne. Malgré cela, elle pourra peut-être satisfaire tout le monde si chacun se lance à la recherche d’un consensus. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.

M. Philippe Bonnecarrère. Plusieurs membres du groupe UDI-UC ont, à l’instar des sénateurs du groupe CRC, déposé un amendement tendant à supprimer cet article. On le voit, le sujet divise les groupes politiques. Pour ma part, pour les raisons que M. le corapporteur vient d’exposer, l’expérimentation proposée par la commission spéciale me semble pertinente.

À travers l’article 13, deux questions sont posées : celle de la postulation – faut-il ou non la conserver ? – et celle de sa territorialisation.

Sauf erreur de ma part, le maintien de la postulation ne fait pas débat. D’ailleurs, l’enjeu financier est, à mon sens, nul pour le Gouvernement. Ce dernier a déjà obtenu la suppression des états de frais, exception faite des procédures de saisie immobilière ou de licitation. J’ajoute que, si l’on cherchait à porter atteinte à la postulation, on se heurterait aussitôt à un problème, celui de la responsabilité des professionnels : la responsabilité d’un professionnel vis-à-vis de ses clients, vis-à-vis des usagers, joue notamment, dans le cadre de la postulation, vis-à-vis de la juridiction. Dès lors, le constat est clair : la postulation est bel et bien indispensable.

Reste la question de la territorialisation.

M. Bosino, au nom du groupe CRC, et M. le corapporteur viennent de nous détailler les arguments en faveur du maintien de la postulation au niveau de chaque tribunal de grande instance. Je souscris globalement à ces motifs. En matière judiciaire, gardons-nous de créer une France à deux vitesses !

Si vous me permettez un raccourci sans doute un peu hasardeux, je dirai que, en concentrant la postulation au niveau des cours d’appel, on appliquerait en quelque sorte une loi MAPTAM au monde de la justice. En d’autres termes, on mènerait, dans ce domaine, une politique de métropolisation. Pour ma part, je suis favorable au maintien d’un maillage territorial. Cependant, je constate que, face à cette question, les avocats eux-mêmes sont partagés. Les membres de la profession sont très majoritairement favorables à une postulation au niveau de chaque tribunal de grande instance, mais quelques avis divergents se sont également exprimés.

Au total, deux motifs justifient, à mon sens, le choix de s’en tenir au texte de la commission.

D’une part – M. Pillet l’a clairement expliqué –, le système présenté par M. le corapporteur constitue une solution équilibrée. Nous pourrions souhaiter une suppression pure et simple de l’article 13, mais, en la matière, il convient d’éviter un affrontement avec l’Assemblée nationale. Cet argument est pertinent. Nous connaissons tous le point de vue de Gérard Larcher, qui privilégie un travail de coconstruction législative entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Cette méthode est, du reste, le propre du bicamérisme.

D’autre part, si, en définitive, malgré sa pertinence, la proposition de notre commission spéciale n’emportait pas l’adhésion du Gouvernement, j’invoquerai un second argument : en imposant une postulation au niveau des cours d’appel, on créerait des coûts supplémentaires pour la justice française.

M. François Pillet, corapporteur. Très bon argument !

M. Philippe Bonnecarrère. Je m’explique : quel que soit le degré de perfectionnement des systèmes informatiques encadrant les procédures de mise en état – il s’agit du réseau privé virtuel des avocats, que l’on nomme, dans le jargon, le RPVA –, toutes les procédures conserveront nécessairement leurs spécificités. À un moment ou un autre, le praticien et le magistrat devront s’entretenir de vive voix, nonobstant la qualité des tuyauteries informatiques aujourd’hui en place.

M. François Pillet, corapporteur. Exactement !

M. Philippe Bonnecarrère. Ce dialogue entre les conseils et les magistrats exige bel et bien la territorialisation. Si l’on porte atteinte à cette dernière, la gestion des dysfonctionnements exigera de nouveaux dispositifs.

Monsieur le ministre, en d’autres termes, plus on voudra concentrer la postulation au niveau des cours d’appel, plus on aura besoin de magistrats et de greffiers pour traiter les problèmes qui ne manqueront pas de se produire.

Ainsi, que l’on raisonne, comme M. le corapporteur, dans la perspective d’une coconstruction entre l’Assemblée nationale et le Sénat ou que l’on se fonde sur des impératifs de technique économique, le système élaboré par la commission spéciale apparaît comme une solution de sagesse.

Certes, au sein du groupe UDI-UC, des positions divergentes ont pu s’exprimer quant à la suppression de cet article, mais, pour ma part, j’estime que la direction indiquée par M. Pillet est la bonne. Voilà pourquoi je voterai contre l’amendement n° 14.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très bien !

M. François Pillet, corapporteur. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Ne nous trompons pas de débat et distinguons clairement les enjeux. De quoi parlons-nous ?

Historiquement, la postulation relevait de la profession d’avoué. Elle s’exerçait devant les tribunaux de grande instance, uniquement dans un certain nombre de matières, dont l’ampleur s’amenuise de plus en plus, et pour lesquelles on considérait qu’un auxiliaire de justice, l’avoué, devait déposer les écrits. Quant à l’avocat, il pouvait, ensuite, venir plaider.

Lorsqu’un justiciable doit être représenté, il ne peut être représenté que par un avocat. En contrepartie, ce dernier peut relever de n’importe quel barreau de France et peut se présenter devant toutes les juridictions, qu’il s’agisse des conseils de prud’hommes, des chambres sociales des cours d’appel, des tribunaux correctionnels, etc. Nous débattons donc d’un nombre de cas extrêmement limités.

J’entends ici ou là que la postulation est un moyen de défendre les territoires. Au reste, la Chancellerie n’est sans doute pas tout à fait hostile à cette procédure, car celle-ci permet de faire face à un réel problème : comment, demain, pourrons-nous disposer d’avocats assurant l’aide juridictionnelle si ces professionnels ne disposent pas d’un petit monopole, celui de la postulation, qui, cela étant, va sans doute fondre comme neige au soleil ?

La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale maintient un certain nombre de procédures – saisies immobilières, etc. –, qui resteront réservées aux avocats et qui seront assorties d’émoluments. Mais, dans les autres domaines, la profession à laquelle j’ai appartenu jusqu’au 1er avril 2014,…

M. Christian Cambon. Ça s’entend !

M. Jacques Bigot. … devra se bouger.

Je suis entré au barreau de Strasbourg en 1975. À cette époque, on y comptait 140 avocats. À l’heure actuelle, ils sont plus de 1 000 ! En réalité, les avocats devraient aujourd’hui conseiller à leurs jeunes confrères de s’inscrire à un petit barreau, non parce qu’il est petit mais parce que les habitants de son ressort ont besoin d’avocats, y compris pour plaider ailleurs. Voilà ce que doit faire la profession : se battre, comme on le ferait dans un secteur concurrentiel, en s’efforçant d’être présente sur le terrain.

Pourquoi certains barreaux de la grande couronne parisienne manquent-ils d’avocats ? Parce que la clientèle de ces territoires relève essentiellement de l’aide juridictionnelle et parce que les honoraires perçus à ce titre ne permettent pas à un avocat de vivre convenablement.

Mme Nicole Bricq. Et voilà !

M. Jacques Bigot. Ce problème, lui non plus, n’a pas encore été réglé par les gouvernements successifs, quels qu’ils soient.

Au sujet de la présence territoriale, la véritable question est la suivante : comment la profession va-t-elle s’organiser pour inciter les jeunes diplômés à s’installer dans les barreaux qui manquent d’avocats ? Je note que les médecins font face au même problème. Aujourd’hui, les jeunes praticiens veulent rester dans leur secteur universitaire, exercer dans les grandes villes. Il faut les aider à voir la réalité en face : mieux vaut être riche dans une petite province, quitte à prendre un TGV pour se rendre de temps à autre à Paris ou dans une grande ville, que rester pauvre dans une vaste agglomération. C’est ce qu’il faut expliquer aux élèves des écoles d’avocats, et ce dès leur admission !

À terme, les dispositions du présent texte poseront certes des problèmes en termes d’organisation territoriale. Peut-être devons-nous, au titre du code de l’accès au droit dont la commission spéciale souhaite la rédaction, nous poser la question suivante : comment faire pour qu’un justiciable français bénéficie effectivement d’une défense, quels que soient ses moyens, même si, pauvre ouvrier, il doit se défendre devant les prud’hommes ou devant un tribunal de grande instance, parce qu’il est à l’initiative ou fait l’objet d’une demande de divorce ?

Pour ces raisons, la suppression de l’article 13 me semble inutile. À force de repousser les décisions, on empêche l’évolution des choses. On a su, en un temps, avec la réforme de la carte judiciaire, supprimer divers tribunaux de grande instance. A-t-on alors réfléchi au fait que le justiciable de Dole devrait aller à Lons-le-Saunier, malgré les carences des réseaux de transports en commun ? En tout cas, on ne s’est pas préoccupé du sort des avocats. Les avocats sont restés à Dole mais les tribunaux, eux, sont partis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. En ce samedi après-midi, j’aurais bien besoin de l’assistance des avocats de mon groupe pour m’éclairer… En tout cas, je constate qu’il y en a ici qui connaissent très bien le sujet.

J’aimerais savoir quelle est la position de l’Assemblée nationale. Souhaite-t-elle étendre la postulation ou pas ? J’ai cru comprendre que la commission spéciale du Sénat voulait conserver la postulation et l’étendre aux cours d’appel. En fait, je n’ai pas bien compris s’il s’agissait d’une extension ou d’un glissement.

Monsieur le corapporteur, dans votre volonté de tendre la main, de ne pas vous opposer frontalement à l’Assemblée nationale, vous vous êtes dit qu’il fallait adopter une position médiane. Toutefois, je peine à comprendre : si nos collègues députés souhaitent étendre la postulation et que vous êtes plutôt favorable à cette procédure, que vous la défendez au nom de l’intérêt des territoires... (M. François Pillet, corapporteur, manifeste son désaccord.)

Apparemment, votre position est plus nuancée ; je n’ai donc pas compris, ce n’est pas grave ! (Sourires.) Toujours est-il que vous vous êtes prononcé pour la conciliation avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement. Si nous pouvions être éclairés sur ce que souhaitent vraiment le Gouvernement et l’Assemblée nationale, nous pourrions ainsi savoir où nous en sommes.

Vous affirmez avoir panaché la position du Sénat et celle de l’Assemblée nationale afin de trouver un équilibre. Or, pour parvenir à un équilibre, il faut être deux ! Je pose donc la question au groupe socialiste et au ministre : acceptez-vous cet équilibre ou le remettrez-vous en cause en commission mixte paritaire ? Si la solution qui va nous être soumise ne devait pas être soutenue par le ministre ni conservée par l’Assemblée nationale, peut-être devrions-nous plutôt assumer nos positions sans nous préoccuper de cet équilibre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. La question de la suppression de la postulation se pose depuis longtemps et revient comme mars en carême.

Lorsque nous avions examiné la réforme de la carte judiciaire portée par Mme Dati, nous avions été quelques-uns à mettre en garde le gouvernement de l’époque contre les graves difficultés à venir, surtout en l’absence d’étude d’impact. Puis les avoués près la cour d'appel ont été supprimés, ce qui a également emporté des conséquences négatives.

Aujourd’hui – j’ai écouté notre corapporteur et notre collègue Philippe Bonnecarrère avec beaucoup d’attention –, nous risquons de provoquer une raréfaction des personnels en mesure de porter les actions en justice, en particulier en matière pénale. N’oublions pas que la présence d’un avocat est requise lors de la garde à vue, à certains moments de la procédure, comme l’exige la Cour européenne des droits de l’homme, et que les procédures accélérées se multiplient. Nous avons donc besoin de permanence du droit. Je le dis d’autant plus que mon département a la chance – ce n’est pas le seul – d’avoir conservé deux tribunaux de grande instance, en particulier parce qu’il accueille à Argentan une importante prison.

Les effets matériels des propositions qui nous sont faites sur les relations avec la justice me paraissent très inquiétants. À mon sens, nous subissons une nouvelle fois le contrecoup de la suppression des avoués. Certes, certains n’étaient que des boîtes aux lettres, mais beaucoup donnaient un sérieux coup de main en matière de procédure. Cet échelon-là a disparu.

Au moment de la suppression des avoués, certains d’entre nous avaient proposé d’aller jusqu’au bout, de supprimer la postulation et de revoir entièrement le système. Une fois de plus, nous restons au milieu du gué.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.

M. Guillaume Arnell. Pour le groupe du RDSE, la postulation n’est pas un droit octroyé aux avocats, mais une garantie pour les justiciables. La question du maillage territorial nous semble en outre essentielle.

Je vais ajouter un peu de piment au débat – après tout, c’est une spécialité de ma région. Pourquoi ne pas instaurer une postulation départementale, en lieu et place de la postulation dans le ressort de chaque tribunal de grande instance et de la cour d’appel ? Ainsi, le problème du maillage territorial serait réglé.

Mme Évelyne Didier. Ce serait la fin des petits tribunaux.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 179 n'est pas soutenu.

L'amendement n° 281 rectifié, présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Ils peuvent postuler devant l’ensemble des tribunaux de grande instance du département dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle.

II. - Alinéas 6 à 12

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Il est retiré.

Mme la présidente. L'amendement n° 281 rectifié est retiré.

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 725, présenté par MM. Guillaume, Bigot, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 15

Rétablir le b) dans la rédaction suivante :

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’avocat satisfait à ses obligations en matière d’aide judiciaire et de commission d’office au sein du barreau dans le ressort duquel est établie sa résidence professionnelle et au sein du barreau dans le ressort duquel il dispose d’un bureau secondaire. » ;

II. – Alinéa 23

Rétablir le II dans la rédaction suivante :

II. – Le III de l’article L. 141-1 du code de la consommation est complété par un 16° ainsi rédigé :

« 16° Du troisième alinéa de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans le respect du secret professionnel mentionné à l’article 66-5 de la même loi. »

III. – Alinéas 27 et 28

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

IV. – Les 1° à 3° et le 6° du I du présent article entrent en vigueur le premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi.

La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. C’est vrai, comme l’a souligné notre collègue Nathalie Goulet, que certains territoires pourront être confrontés à une pénurie d’avocats, notamment lorsqu’il s’agira de répondre aux exigences de la Cour européenne des droits de l’homme, à savoir la présence de l’avocat lors de la garde à vue ou pour certaines procédures, mais cette situation est le fruit d’une responsabilité collective. Les jeunes sont souvent intéressés par le droit pénal, mais ils considèrent que, en dehors des grandes affaires, sa pratique n’est pas assez lucrative. Le fonds d’accès au droit doit permettre de mieux rémunérer cette activité. Si l’on assurait la solvabilité de leurs clients sur un territoire donné, ils s’y installeraient, pour peu qu’ils ne refusent pas de vivre dans le monde rural, mais c’est un autre sujet...

On ne peut pas perpétuellement retarder les choses. L’Assemblée nationale a adopté une solution de compromis : ne pas supprimer la postulation dans toute la France et la réserver aux ressorts des cours d’appel. Pardonnez-moi de revenir à ma région, mais c’est celle que je connais le mieux ; il n’est pas difficile aujourd’hui d’aller de Strasbourg à Colmar ou à Mulhouse ou de Mulhouse à Strasbourg ou à Saverne. Jadis, on devait aller à cheval au tribunal de grande instance ; aujourd’hui, il suffit de prendre sa voiture ou le TER pour y être rapidement. N’oublions pas non plus que l’informatique, notamment grâce au RPVA, permet d’avoir un contact avec les juridictions.

Tôt ou tard, le monopole de la postulation disparaîtra. Retarder cette évolution, qui adviendra quoi qu’il arrive, n’a pas d’intérêt. C’est la raison pour laquelle mon groupe a repris le texte de l’Assemblée nationale, lequel n’est déjà qu’une politique des petits pas. En revanche, ce qui restera, en tout cas je le souhaite, c’est la présence d’avocats, de professionnels du droit qui ont prêté serment, qui ont une déontologie, pour représenter les justiciables, qu’il s’agisse de grandes entreprises, de petites, de moyennes ou de particuliers, que l’on oublie trop souvent dans cette discussion sur la réforme des professions réglementées.

Mme la présidente. L’amendement n° 180 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 725 ?

M. François Pillet, corapporteur. Contrairement à l’amendement du Gouvernement, qui tendait à rédiger intégralement l’article, le présent amendement ne s’attache qu’aux aspects du texte que la commission spéciale a modifiés. Toutefois, il produit exactement les mêmes effets.

Tout d’abord, il vise à supprimer l’expérimentation de la postulation. J’espère que le vote qui a déjà eu lieu sur cette question va se reproduire.

Ensuite, il tend à rétablir la disposition imposant à un avocat ouvrant un bureau secondaire de satisfaire à ses obligations en matière d’aide judiciaire au sein du barreau dans le ressort duquel est situé ce bureau secondaire. L’adoption de cette mesure conduirait à une curieuse situation : l’alinéa 6 du présent article interdit aux avocats de postuler, au titre de l’aide judiciaire, dans un ressort différent de celui où ils ont leur résidence professionnelle. Ces deux obligations entrent donc en contradiction. D’un côté vous obligeriez un avocat à accepter d’être commis d’office dans un tribunal quand, de l’autre, vous lui interdiriez d’y postuler.

Plutôt que de chercher absolument à rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale, il conviendrait de régler cette contradiction. En outre, une telle évolution confronterait les barreaux à des difficultés de fonctionnement. Un avocat se trouverait soumis à l’autorité d’un bâtonnier au barreau principal et sous celle d’un autre dans le bureau secondaire, qui effectuerait les commissions d’office.

Enfin, l’amendement a pour objet de rétablir la compétence de la DGCCRF pour contrôler les conventions d’honoraires. C’est un point sur lequel j'ai appelé l’attention du Gouvernement dès les auditions. S’il ne s’agit que de constater la remise, ou non, d’un document fixant le mode de rémunération de l’avocat – la convention d’honoraires –, nous n’y voyons aucun inconvénient. En revanche, s’il s’agit de s’assurer que ce document est suffisamment complet ou qu’il correspond bien à ce que l’avocat doit prévoir pour son client au regard de l’affaire, alors il faudra accéder au fond du dossier, au risque de violer le secret professionnel. Seul le bâtonnier est habilité à une telle intrusion.

J’ajoute que la DGCCRF pourrait déployer lors de ce contrôle l’ensemble de ses prérogatives, y compris ses pouvoirs de perquisition ou de saisie. Or le texte de l’amendement ne contient pas de dispositions relatives à l’intervention du bâtonnier, pourtant prévue pour une perquisition en matière pénale.

Concernant les deux premiers points de l’amendement, l’avis de la commission ne peut être que défavorable. Sur le troisième, si ce que la DGCCRF m’a précisé au cours de son audition se confirme, c’est-à-dire que son contrôle ne sera que formel et ne visera qu’à garantir l’existence d’une convention sans, à aucun moment, empiéter sur le secret professionnel de l’avocat, nous n’y sommes pas opposés.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je le dis d’emblée, l’avis du Gouvernement est favorable, mais je veux profiter de ce moment pour évoquer le fond de la réforme, ce que je n’ai pas encore fait, ce qui me permettra d’apporter les éclaircissements demandés par M. Desessard.

C’est un fait, nous ne parviendrons pas à un accord avec la commission spéciale. Je crois vraiment qu’elle est trop frileuse sur le sujet.

Ne jouons pas à nous faire peur ! De quoi parlons-nous ? Il n’est question ici que du droit civil. En matière pénale ou prud’homale, il n’y a pas de postulation territoriale. C’est la conséquence logique de la suppression des avoués votée en 2011.

Comment expliquer que, dans une affaire pénale, l’avocat peut aller plaider à l’autre bout de la France, et donc a fortiori dans la cour d’appel voisine, alors qu’en matière familiale, pour divorcer à Annecy si vous vous trouvez à Chambéry, vous devez passer par la postulation ? Cette situation entraîne un coût pour nos concitoyens et conduit à rendre une moins bonne justice. Au regard de l’organisation générale de notre système juridique, elle constitue véritablement un archaïsme inexplicable.

L’évolution que nous proposons risque-t-elle d’emporter une profonde déstabilisation ? Le chiffre d’affaires de la profession d’avocat s’élève à 11 milliards d’euros environ. La postulation représente 50 millions d’euros. Sauf à ce que cette somme soit concentrée dans quelques barreaux que la réforme anéantirait, elle n’est pas significative d’un point de vue macroéconomique. Il ne s’agit que d’un ajustement, qui ne touche en rien à l’essentiel de la matière de la profession.

J’ai bien entendu les chiffres qu’a cités M. le corapporteur à propos des barreaux d’Alès et de Nîmes, mais sont-ils vraiment la conséquence de l’expérimentation qui a été menée ? Je n’en suis pas certain, et nous n’en avons d’ailleurs pas la preuve. Quelle était la situation avant la réforme ? D’ailleurs, la profession d’avocat n’a jamais pu fournir les chiffres arguant du fait qu’il serait catastrophique de mettre fin à la postulation territoriale.

Cela a été rappelé, nous avons déjà fait un compromis : la postulation n’a pas été supprimée, elle a été élargie au ressort des cours d’appel. Certaines affaires, qui ont été définies, restent du ressort du tribunal de grande instance, même pour ce qui concerne les affaires civiles, et continueront à être plaidées avec la postulation ; on a déjà procédé à des aménagements. On ne saute donc pas dans le grand bain.

Procéder à une expérimentation, alors même que cette réforme est relativement logique, très marginale et qu’elle a déjà fait l’objet d’un compromis, ce n’est pas, selon moi, à la hauteur de l’enjeu qui est le nôtre.

Cela a également été dit, il existe un système d’informatisation des actes. Il est déployé à 80 %, précisément en matière civile. L’automaticité de la postulation sera supprimée, mais, si besoin est, cela n’empêche pas de rencontrer le magistrat, ce qui est possible, concernant la cour d’appel, dans de nombreux territoires, ou de choisir un correspondant ; cette liberté demeure.

Très honnêtement, la réforme est encadrée, aménagée, marginale et va dans le sens de l’histoire. Eu égard à l’ampleur du sujet et à la réforme que nous sommes en train de mettre en place, avançons !

Monsieur le corapporteur, prévoir, dans un an, une expérimentation sur trois ans, cela signifie qu’on ne bougera pas avant 2019.

M. François Pillet, corapporteur. Mais pourquoi bouger ?

M. Emmanuel Macron, ministre. On bouge pour améliorer le bon fonctionnement du droit.

Concernant les affaires civiles, cela nous évite d’en rester à un système de postulation territoriale au niveau du tribunal de grande instance, à l’instar de ce qui a été fait en 2011 pour les avoués. D’ailleurs, votre majorité sénatoriale, qui était alors aux affaires, était pour ! La réforme concernant les avoués était, je peux vous le dire, beaucoup plus substantielle ; elle a d’ailleurs donné lieu à indemnisation, ce qui n’est pas le cas de la réforme que nous proposons.

Allons au bout de la logique. Je le répète, ne jouons pas avec les peurs. Bien au contraire, l’enjeu est circonscrit. Nous apporterons ainsi un meilleur service à nos contribuables. Honnêtement, ne cédons pas aux mauvais corporatismes en voulant différer la réforme.

Mme la présidente. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Je formulerai simplement une observation.

Vous partez du présupposé selon lequel votre réforme est la bonne. La force de l’expérimentation est de vérifier si tel est bien le cas.

Mme Nicole Bricq. On attend alors…

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je déplore que Mme le garde des sceaux ne soit pas parmi nous pour nous faire part de sa position sur ce sujet à la fois très intéressant et très important, car ces professions dépendent de son ministère.

Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. On fait comme si c’était la même chose sur tout le territoire.

On fait comme si les tribunaux de grande instance traitaient globalement toujours les mêmes affaires, quel que soit le lieu où l’on se trouve.

On fait comme si les cabinets d’avocats ou les différentes professions judiciaires avaient les mêmes revenus à Paris, à Bordeaux ou à Briey, dans le nord de la Meurthe-et-Moselle. Mais le problème des moyennes, c’est qu’elles ne s’appliquent à personne.

Monsieur le ministre, il ne s’agit absolument pas de jouer avec les peurs ; là n’est pas le problème. Mais, objectivement, nous rencontrons déjà des difficultés sociales dans des territoires assez déshérités comme les nôtres, que certains connaissent…

Mme Évelyne Didier. Le tribunal d’instance fonctionne avec un barreau, certes pas très important, mais il fonctionne. En tout cas, les habitants du territoire peuvent y trouver les services dont ils ont besoin.

Notre collègue Bigot a indiqué qu’il n’y avait aucune difficulté pour aller de Colmar à Strasbourg. Mais, là encore, en termes de mobilité, tous les territoires ne sont pas égaux.

M. François Pillet, corapporteur. C’est vrai !

Mme Évelyne Didier. Je ne veux pas faire peur, c’est un constat : nous risquons vraiment de voir apparaître des territoires déshérités. Déjà qu’il est compliqué de s’adresser à la justice, mais là, je suis prête à parier que nous allons créer un déséquilibre complet, dans certains territoires en tout cas. Les justiciables devront se passer de ces services, faute de moyens.

Monsieur le ministre, vous ne voulez pas entendre parler d’expérimentation.

Mme Nicole Bricq. Il y en a eu !

Mme Évelyne Didier. Mais quand on les décide, ce serait bien d’aller jusqu’au bout ! Sur ce point, je rejoins M. le corapporteur. Et quand l’expérimentation ne donne pas satisfaction, il ne faut pas la balayer d’un revers de la main. Je vous assure qu’il n’y aura tout simplement plus d’avocats dans certains barreaux.

Certes, la postulation ne représente pas un volume énorme, mais tout mis bout à bout, cela finissait par faire quelque chose d’à peu près correct. Les avocats iront s’installer à Metz, Nancy, Strasbourg ou ailleurs, ce qui entraînera, de fait, la suppression des petits tribunaux d’instance, ainsi que des petits barreaux. Telle est la réalité !

Ne dites pas, monsieur le ministre, que nous disons n’importe quoi ! Je ne suis pas d’accord avec votre façon de discréditer nos propos au seul motif que nous n’avons pas la même position que vous. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Permettez-moi tout d’abord d’apporter une information complémentaire à M. le corapporteur.

Les agents de la DGCCRF sont habilités et, lors des contrôles, le secret sera préservé, car les conventions sont « anonymisées ».

M. François Pillet, corapporteur. Ce n’est inscrit nulle part, monsieur le ministre, mais si vous m’en donnez acte…

M. Emmanuel Macron, ministre. Je vous en donne acte ; j’ai déjà clarifié ce point à l'Assemblée nationale et pris cet engagement. D’ailleurs, aujourd'hui, c’est déjà le cas pour les contrôles auxquels procèdent les agents de la DGCCRF, qui ont dû vous le confirmer lors de vos auditions.

Madame Didier, je me réjouis de constater qu’une réponse vaille, selon vous, exclusion de l’argumentation de l’autre.

Mme Éliane Assassi. Pas de posture !

M. Emmanuel Macron, ministre. Depuis le début de nos travaux, j’ai plutôt eu le sentiment que telle était la posture que vous aviez adoptée à mon endroit ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Mais si nous faisons le même constat…

Permettez-moi de formuler quelques remarques.

Détrompez-vous, aujourd'hui, les avocats les plus pauvres sont non pas en province, mais à Paris. Par ailleurs, cette réforme va plutôt réduire le coût pour les justiciables, car la postulation a un coût.

On ne va pas interdire aux avocats de travailler dans un TGI ; on va justement leur permettre de plaider devant le TGI voisin ou la cour d’appel, pour ce qui concerne les affaires civiles, alors que ce n’est pas possible aujourd'hui. L’expérimentation doit donc être mesurée à l’aune non pas du barreau – ce sont les chiffres qui ont été avancés –, mais du professionnel. L’avocat gagnera peut-être moins d’argent dans le barreau dont il dépend, mais il pourra plaider ailleurs. Je ne peux pas dire aujourd'hui ce qui se passera à l’avenir, mais il est évident qu’on accroît ainsi leurs possibilités de plaider en matière civile. Sachez, madame la sénatrice, que, en matière pénale, ils peuvent le faire non pas dans le ressort de la cour, mais dans toute la France.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 725.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 305 rectifié bis est présenté par MM. Antiste, Cornano, S. Larcher, J. Gillot, Desplan et Patient et Mme Jourda.

L'amendement n° 515 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Roche, Médevielle, Pozzo di Borgo, Kern et Jarlier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Toute contestation relative à la fixation et au recouvrement des honoraires dus par le client à l’avocat, ainsi qu’à la demande de dommages et intérêts liée à un défaut d’information et de conseil préalable de l’avocat quant aux conditions de sa rémunération, relève de la procédure prévue aux articles 53 et 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat.

La parole est à M. Serge Larcher, pour présenter l’amendement n° 305 rectifié bis.

M. Serge Larcher. Cet amendement vise à permettre le prononcé par le bâtonnier de la responsabilité de l’avocat vis-à-vis de son client quand il a manqué à son devoir d’information préalable sur les conditions de sa rémunération. En effet, le bâtonnier est déjà compétent pour juger du montant des honoraires.

Dans un souci de simplification – la procédure simplifiée du décret de 1991 auprès du bâtonnier étant plus rapide que la procédure judiciaire – et afin d’assurer la pleine effectivité des nouvelles dispositions de la loi imposant la convention d’honoraires aux avocats, nous proposons que le bâtonnier puisse juger à la fois du montant des honoraires et de la bonne information initiale sur leur montant. Il n’est pas simple pour les consommateurs de déterminer à coup sûr lequel de ces deux interlocuteurs – le bâtonnier ou l’autorité judiciaire – est compétent pour trancher un litige.

Mme la présidente. L’amendement n° 515 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 305 rectifié bis ?

M. François Pillet, corapporteur. En matière de contrôle des honoraires, le bâtonnier a un rôle d’arbitre. Il vérifie si les honoraires dus dans le cadre de l’exécution d’un mandat sont conformes aux usages, selon la formule habituellement utilisée. Cependant, lorsque la contestation porte non pas sur le chiffrage des honoraires, mais sur le fait que l’avocat aurait commis une faute dans l’exercice de son mandat, il s’agit d’une action d’une nature totalement différente.

L’adoption de cet amendement visant à soumettre au bâtonnier ces deux litiges remettrait en cause une jurisprudence constante de la Cour de cassation – l’arrêt du 10 mars 2004, confirmé par un arrêt du 26 mai 2011 –, selon laquelle le bâtonnier n’est pas le juge de la responsabilité.

Le contrôle de la responsabilité suppose d’apprécier une faute dans l’exécution du mandat, un lien de causalité, un préjudice ; je ne développerai pas plus la mise en œuvre de ce contrôle.

Je ne puis émettre un avis favorable sur cet amendement. Adopter cette mesure reviendrait à modifier considérablement le rôle du bâtonnier, en faisant de lui une juridiction à part entière, ce que, me semble-t-il, aucun bâtonnier de France ne souhaite.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour les mêmes raisons, je demande à M. Larcher de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Larcher, l'amendement n° 305 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Serge Larcher. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 305 rectifié bis est retiré.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 181 est présenté par M. Bouvard.

L'amendement n° 197 rectifié est présenté par MM. Mézard, Barbier, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 22

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

… Avant l’article 54, il est inséré un article 54 A ainsi rédigé :

« Art. 54 A. – La consultation juridique consiste en une prestation intellectuelle personnalisée tendant, sur une question posée, à la fourniture d’un avis ou d’un conseil fondé sur l’application d’une règle de droit en vue, notamment, d’une éventuelle prise de décision. »

L’amendement n° 181 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 197 rectifié.

M. Guillaume Arnell. La consultation juridique n’est définie à aucune étape de la réglementation de l’exercice du droit, alors qu’elle constitue la pierre angulaire du dispositif contenu dans la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

Pourtant, la consultation juridique n’est pas un acte anodin pour qui la sollicite. Son exercice à titre principal est réservé aux seuls professionnels juridiques réglementés. Nous proposons de définir cet acte pour clarifier le champ d’intervention de l’avocat au bénéfice du citoyen, afin de réduire de façon significative les difficultés d’interprétation et les contentieux en résultant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. La commission spéciale a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui a déjà été repoussé en commission.

Mon cher collègue, vous proposez d’introduire dans la loi la définition jurisprudentielle actuelle de la consultation juridique. Permettez-moi d’appeler votre attention sur plusieurs points.

Le caractère jurisprudentiel de la définition actuelle ne soulève aucune difficulté particulière. D’ailleurs, si l’on poussait la logique jusqu’au bout, il serait cohérent de définir « la rédaction d’acte sous seing privé », qui constitue, avec la consultation, l’autre prestation délivrée par les professionnels de droit.

En outre, la définition proposée diffère de celle de la jurisprudence, selon laquelle la consultation juridique peut se définir « comme une prestation intellectuelle personnalisée qui tend à fournir un avis, parfois un conseil, qui concourt, par les éléments qu’il apporte, à la prise de décision du bénéficiaire de la consultation ». C’est une définition très large.

Enfin, la définition proposée pose un problème délicat à l’égard des obligations en matière de lutte contre le blanchiment. En effet, dans le système TRACFIN, les avocats sont exonérés de toute obligation déclarative s’agissant des consultations juridiques qu’ils effectuent pour leurs clients, sauf lorsqu’elles sont directement fournies à des fins de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme ou lorsque l’avocat sait que son client les demande à cette fin.

Dans cette perspective, une définition trop large de la consultation juridique qui permettrait qu’elle puisse concerner autre chose que des prises de décision ou qui mettrait le conseil sur le même plan que l’avis aurait pour effet d’étendre le champ de la déclaration TRACFIN et de diminuer d’autant l’efficacité du dispositif.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 197 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Article 13
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 13 bis (interruption de la discussion)

Article 13 bis

I. – Les notaires, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires peuvent librement s’installer dans les zones où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services.

Ces zones sont déterminées par une carte établie par le ministre de la justice, après avis de l’Autorité de la concurrence rendu conformément à l’article L. 462-4-1 du code de commerce. Elles sont définies de manière détaillée au regard de critères précisés par décret, notamment sur la base d’une analyse économique et démographique de l’évolution prévisible du nombre de professionnels installés.

À cet effet, cette carte identifie les secteurs dans lesquels, pour renforcer la proximité ou l’offre de services, la création de nouveaux offices de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire apparaît utile.

Afin de garantir une augmentation progressive du nombre d’offices à créer, de manière à ne pas causer de préjudice anormal aux offices existants, cette carte est assortie de recommandations sur le rythme d’installation compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels dans la zone concernée.

Cette carte et l’avis de l’Autorité de la concurrence sont rendus publics. La carte est révisée tous les deux ans.

II. – Dans les zones mentionnées au I, le ministre de la justice fait droit à la demande de création d’office de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire qui lui est adressée, lorsque le demandeur remplit, par ailleurs, les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises et qu’aucune autre demande de création d’office n’entre en concurrence avec elle.

Lorsque plusieurs demandes concurrentes de créations d’office lui sont adressées, le ministre de la justice nomme les titulaires après classement des candidats suivant leur mérite.

Lorsqu’une zone mentionnée au I apparaît suffisamment pourvue en raison des installations intervenues, ou lorsque la création de nouveaux offices n’apparaît plus conforme aux recommandations mentionnées à l’avant-dernier alinéa du I, le ministre de la justice peut refuser l’installation de nouveaux officiers.

Si, dans un délai de six mois à compter de la publication de la carte mentionnée au I, le ministre de la justice constate un nombre insuffisant de demandes de créations d’office au regard des besoins identifiés, il procède, dans des conditions prévues par décret, à un appel à manifestation d’intérêt en vue d’une nomination dans un office vacant ou à créer ou de la création d’un bureau annexe par un officier titulaire.

Si l’appel à manifestation d’intérêt est infructueux, le ministre de la justice confie la fourniture des services d’intérêt général en cause, selon le cas, à la chambre départementale des notaires, à la chambre départementale des huissiers de justice ou à la chambre des commissaires-priseurs judiciaires concernée. Le ministre de la justice précise, en fonction de l’insuffisance identifiée, le contenu et les modalités des services rendus. À cet effet, une permanence est mise en place dans une maison de justice et du droit. La chambre concernée répartit, entre les officiers publics ou ministériels de son ressort, les charges et sujétions résultant du présent II.

III. – Dans les zones, autres que celles mentionnées au I, le ministre de la justice peut refuser une demande de création d’office, après avis de l’Autorité de la concurrence rendu dans un délai de deux mois après le dépôt de la demande de création d’office. Cet avis est rendu public. Le refus est motivé au regard, notamment, des caractéristiques de la zone et du niveau d’activité économique des professionnels concernés.

IV. – Lorsque la création d’un office porte atteinte à la valeur patrimoniale d’un office antérieurement créé, le titulaire de ce dernier est indemnisé, à sa demande, par le titulaire du nouvel office dont la création a causé ce préjudice.

La valeur patrimoniale de l’office antérieurement créé correspond à celle du fonds libéral d’exercice de la profession avant la création du nouvel office.

Le cas échéant, les parties saisissent le tribunal de grande instance de leur désaccord sur le montant ou la répartition de l’indemnisation.

La demande d’indemnisation doit être accompagnée d’une évaluation précise du préjudice et des pièces justificatives.

La demande doit être introduite dans un délai de six ans après la création du nouvel office. Le juge peut prévoir un étalement dans le temps du versement de l’indemnité par le titulaire du nouvel office, dans la limite de dix ans. Si le titulaire du nouvel office cesse d’exercer ses fonctions avant l’expiration de ce délai, les indemnités sont dues par son successeur.

Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles le fonds de péréquation professionnelle mentionné au deuxième alinéa du I bis de l’article 12 de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques prend en charge, pour le compte du titulaire du nouvel office, l’indemnisation à laquelle il est tenu.

V. – Le chapitre II du titre VI du livre IV du code de commerce est complété par un article L. 462-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 462-4-1. – Le ministre de la justice peut saisir pour avis l’Autorité de la concurrence de toute question relative à la liberté d’installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires.

« L’Autorité de la concurrence adresse au ministre de la justice toutes recommandations en vue d’améliorer l’accès aux offices publics ou ministériels dans la perspective de renforcer la cohésion territoriale des prestations et d’augmenter de façon progressive le nombre d’offices sur le territoire. Ces recommandations sont rendues publiques au moins tous les deux ans. Elles sont assorties de la carte mentionnée au I de l’article 13 bis de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

« La demande d’avis relative à l’élaboration de la carte mentionnée au I de l’article 13 bis de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques est rendue publique, dans un délai de cinq jours, afin de permettre aux associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice, aux instances ordinales des professions concernées ainsi qu’à toute personne remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour être nommée par le ministre de la justice en qualité de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire, d’adresser à l’Autorité de la concurrence ses observations.

« Lorsque l’Autorité de la concurrence délibère en application du présent article, son collège comprend deux personnalités qualifiées nommées par décret pour une durée de trois ans non renouvelable. »

VI. – L’article L. 462-4-1 du code de commerce, dans sa rédaction résultant du présent article, est applicable à Wallis-et-Futuna.

VII. – Le présent article ne s’applique pas dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

VIII (nouveau). – Le présent article entre en vigueur le premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 15 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 771 est présenté par MM. Ravier et Rachline.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 15.

Mme Évelyne Didier. Je tiens à vous rassurer, monsieur le ministre, nous n’avons rien contre votre personne ; nous exprimons simplement notre point de vue. Je vous invite d’ailleurs à vous rapprocher de votre éminent collègue Christian Eckert, qui est élu du même territoire que moi et qui vous le confirmera.

Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’article 13 bis. En effet, cet article instaure la liberté d’installation des professions réglementées du droit, revenant sur le numerus clausus et remplaçant le dispositif d’autorisation préalable par un principe de liberté d’installation encadrée. Ce dispositif se trouve actuellement sous le contrôle du ministre de la justice.

Le garde des sceaux dispose d’une visibilité et d’un pouvoir stratégique sur la carte de la justice et prend en compte l’exigence d’accès de tous les citoyens au service public de la justice. Nous ne voyons donc aucune raison de libéraliser les implantations et de déposséder le ministre du pouvoir de décider de la création de nouveaux offices. Le ministre paraît au contraire le mieux placé pour prendre une telle décision, puisqu’il est le seul à disposer d’une vision d’ensemble et d’une capacité de régulation stratégique, qui, concernant des professions déréglementées, ayant par délégation des missions de service public, est en l’occurrence tout à fait appropriée.

L’article 13 bis a certes été réécrit par la commission spéciale dans un sens qui restreint cette liberté d’implantation, mais, tout en l’encadrant, il la valide et en fait un principe de fonctionnement légitime.

La commission spéciale a limité le champ d’exercice de cette liberté à des zones identifiées par le ministère lui-même et dans lesquelles un déficit d’offices serait constaté par lui. Seules ces zones font l’objet d’une liberté d’installation totale. Dans les autres zones non carencées, les nouvelles implantations ne seraient pas libres mais soumises à l’approbation du ministre.

Bien que ne s’exerçant que dans les zones dans lesquelles l’implantation d’offices est jugée utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services, cette liberté nous paraît peu compatible avec les exigences d’égal accès des citoyens à la justice partout sur le territoire.

Enfin, cette solution risque de fragiliser l’équilibre existant entre les offices.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons de supprimer cet article.

Mme la présidente. L’amendement n° 771 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 15 ?

M. François Pillet, corapporteur. La position de la commission spéciale est identique à celle qu’elle a eue précédemment sur les autres amendements de suppression d’un article. Nous aurons l’occasion d’être plus explicites dans la suite du débat pour éclairer vos avis, qui ne changeront probablement pas.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 1618, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Les notaires, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires peuvent librement s’installer dans les zones où l’implantation d’offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l’offre de services.

Ces zones sont déterminées par une carte établie conjointement par les ministres de la justice et de l’économie, sur proposition de l’Autorité de la concurrence en application de l’article L. 462-4-1 du code de commerce. Elles sont définies de manière détaillée au regard de critères précisés par décret, notamment sur la base d’une analyse démographique de l’évolution prévisible du nombre de professionnels installés.

À cet effet, cette carte identifie les secteurs dans lesquels, pour renforcer la proximité ou l’offre de services, la création de nouveaux offices de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire apparaît utile.

Afin de garantir une augmentation progressive du nombre d’offices à créer, de manière à ne pas causer de préjudice anormal aux offices existants, cette carte est assortie de recommandations sur le rythme d’installation compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels dans la zone concernée.

Cette carte est rendue publique et révisée tous les deux ans.

II. – Dans les zones mentionnées au I, lorsque le demandeur remplit les conditions mentionnées au deuxième alinéa du présent II, le ministre de la justice ne peut refuser une demande de création d’office de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire.

Un décret précise les conditions dans lesquelles le ministre de la justice nomme dans un office les personnes remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour être nommées en qualité de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire.

Si, dans un délai de six mois à compter de la publication de la carte mentionnée au I, le ministre de la justice constate un nombre insuffisant de demandes de créations d’office au regard des besoins identifiés, il procède, dans des conditions prévues par décret, à un appel à manifestation d’intérêt en vue d’une nomination dans un office ou de la création d’un bureau annexe par un officier titulaire.

Si l’appel à manifestation d’intérêt est infructueux, le ministre de la justice confie la fourniture des services d’intérêt général en cause, selon le cas, à la chambre départementale des notaires, à la chambre départementale des huissiers de justice ou à la chambre des commissaires-priseurs judiciaires concernée. Le ministre de la justice précise, en fonction de l’insuffisance identifiée, le contenu et les modalités des services rendus. À cet effet, une permanence est mise en place dans une maison de justice et du droit. La chambre concernée répartit, entre les officiers publics ou ministériels de son ressort, les charges et sujétions résultant du présent II.

III. – Dans les zones, autres que celles mentionnées au I, où l’implantation d’offices supplémentaires de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire serait de nature à porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants et à compromettre la qualité du service rendu, le ministre de la justice peut refuser une demande de création d’office, après avis de l’Autorité de la concurrence rendu dans un délai de deux mois après le dépôt de la demande de création d’office. Cet avis est rendu public. Le refus est motivé au regard, notamment, des caractéristiques de la zone et du niveau d’activité économique des professionnels concernés.

IV. – Lorsque la création d’un office porte atteinte à la valeur patrimoniale d’un office antérieurement créé, le titulaire de ce dernier est indemnisé, à sa demande, par le titulaire du nouvel office dont la création a causé ce préjudice.

La valeur patrimoniale de l’office antérieurement créé correspond à celle du fonds libéral d’exercice de la profession avant la création du nouvel office.

En cas de désaccord sur le montant ou sur la répartition de l’indemnisation, les parties peuvent saisir le juge de l’expropriation, qui fixe le montant de l’indemnité dans les conditions définies au livre III du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

La demande d’indemnisation doit être accompagnée d’une évaluation précise du préjudice et des pièces justificatives.

La demande doit être introduite dans un délai de six ans après la création du nouvel office. Le juge peut prévoir un étalement dans le temps du versement de l’indemnité par le titulaire du nouvel office, dans la limite de dix ans. Si le titulaire du nouvel office cesse d’exercer ses fonctions avant l’expiration de ce délai, les indemnités sont dues par son successeur.

V. – Le chapitre II du titre VI du livre IV du code de commerce est complété par un article L. 462-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 462-4-1. – L’Autorité de la concurrence rend au ministre de la justice, qui en est le garant, un avis sur la liberté d’installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires.

« Elle fait toutes recommandations en vue d’améliorer l’accès aux offices publics ou ministériels dans la perspective de renforcer la cohésion territoriale des prestations et d’augmenter de façon progressive le nombre d’offices sur le territoire. Elle fait également des recommandations afin de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux offices publics ou ministériels, sur la base de données sexuées et d’une analyse de l’évolution démographique des femmes et des jeunes au sein des professions concernées. Ces recommandations sont rendues publiques au moins tous les deux ans. Elles sont assorties de la carte mentionnée au I de l’article 13 bis de la loi n° … du … pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

« L’ouverture d’une procédure visant à l’élaboration de la carte mentionnée à l’alinéa précédent est rendue publique, dans un délai de cinq jours suivant la date de cette ouverture, afin de permettre aux associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice, aux instances ordinales des professions concernées ainsi qu’à toute personne remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises pour être nommée par le ministre de la justice en qualité de notaire, d’huissiers de justice ou de commissaire-priseur judiciaire, d’adresser à l’Autorité de la concurrence leurs observations.

« Lorsque l’Autorité de la concurrence délibère au titre du présent article, son collège comprend deux personnalités qualifiées nommées par décret pour une durée de trois ans non renouvelable. »

VI. – L’article L. 462-4-1 du code de commerce, dans sa rédaction résultant du présent article, est applicable à Wallis-et-Futuna.

VII. – Le présent article ne s’applique pas dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Dans un délai de deux ans suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité d’étendre l’application du présent article à ces trois départements.

La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je vais indiquer rapidement les principaux points de l’article 13 bis, tel qu’il ressort des travaux de la commission spéciale du Sénat, que le Gouvernement souhaite modifier.

Le premier est la définition des zones utiles. Il est prévu, dans le texte de la commission spéciale, que ces zones soient définies par le ministre de la justice après avis de l’Autorité de la concurrence. La détermination des zones telles que proposées par notre amendement vise à ce que l’Autorité de la concurrence établisse une carte objective et que, sur ce fondement, la décision soit prise par les deux ministres.

Le deuxième point est le mécanisme de classement au mérite si plusieurs candidats à l’installation existent dans une zone utile. Cette mesure nous paraît relever du domaine réglementaire : elle correspond aux modalités de nomination par le ministre de la justice d’un officier public ou ministériel.

Le troisième point est le refus d’installation dans les zones utiles prononcé par le ministre de la justice si un nombre suffisant d’offices s’est installé après la publication de la cartographie. Ce refus intervient sans avis de l’Autorité de la concurrence. À mes yeux, la libre installation doit être automatique dès lors que la zone est déclarée utile pendant deux ans. Ce délai, court, doit permettre d’éviter un surnombre et justifie une révision régulière. C’est toute la philosophie de la proposition initiale du Gouvernement, qui a été confortée par l’Assemblée nationale.

Le quatrième point est relatif au contentieux de l’indemnisation liée à la perte de valeur patrimoniale d’un office. Le texte de la commission spéciale confie ce contentieux au juge judiciaire et non plus au juge de l’expropriation. Or le Conseil constitutionnel a reconnu que la valeur d’un office revêtait un caractère patrimonial. Dès lors, le juge de l’expropriation peut être compétent.

Le cinquième point concerne le fonds de péréquation – j’ai eu l’occasion de m’en expliquer -, prévu à l’article 12. Aux termes de l’alinéa 17 du texte de la commission spéciale, ce fonds peut servir à l’indemnisation à laquelle le titulaire d’un nouvel office est tenu. Nous souhaitons que l’atteinte à la valeur d’un office existant par un nouvel entrant soit reconnue sur la base d’une analyse locale et au cas par cas. Pourquoi ? Parce que si une perte de chiffre d’affaires est constatée, la compensation équivaudra en quelque sorte au rachat d’une clientèle. Le titulaire d’un office a davantage de solvabilité après six ans d’exercice qu’un jeune professionnel qui doit racheter une clientèle lors de son installation.

Tels sont les points essentiels – je m’en tiens à une présentation synthétique, parce que je me suis déjà exprimé sur l’article 12 – que cet amendement tend à modifier.

Madame Didier, soyez pleinement rassurée : j’ai pu mesurer depuis le début de nos débats la qualité de nos échanges.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Pillet, corapporteur. Le fait que vous ayez été synthétique, monsieur le ministre, va me conduire à l’être un peu moins. La commission spéciale souhaite en effet profiter de l’occasion que vous lui offrez pour obtenir des explications plus précises au sujet des modifications que vous avez apportées au texte rédigé par les députés.

Encore une fois, je rappelle, ce qui m’évitera la volée de bois vert de tout à l’heure, que la commission spéciale a validé certains des principes de votre projet de loi : la liberté d’installation encadrée dans les zones carencées, l’avis de l’Autorité de la concurrence et l’indemnisation des concurrents. Comme à l’article 12, et pour la même raison, nous avons supprimé le principe d’une compétence partagée entre le ministre de la justice et le ministre de l’économie.

Le premier point sur lequel j’appelle votre attention est celui concernant les demandes concurrentes dans les zones de libre installation. Or votre texte ne contient pas un mot sur le sort qu’il conviendrait de réserver à ces candidatures. Vous indiquez que cette question ressortit au domaine réglementaire. Je n’en suis pas certain ; le principe étant la libre installation, je pense qu’il est nécessaire que la loi l’encadre.

La commission spéciale a prévu que le ministre de la justice ouvre un concours afin de classer les demandeurs par ordre de mérite avant de désigner ceux qui pourront créer un office. Nous avons fait avancer les choses puisque certains amendements prévoyaient que ce soit le premier professionnel qui dépose son dossier qui obtienne l’office, ce qui était un peu curieux.

De la même manière, compte tenu des créations déjà intervenues, il est nécessaire de prévoir la situation où l’offre ou la proximité de services est devenue satisfaisante avant que la carte ait été révisée. Dans ce cas, je persiste à penser qu’il faut donner au ministre de la justice toute latitude pour refuser les demandes d’installation qui lui seraient encore adressées. Je suppose qu’il s’agit là d’une compétence à laquelle vous ne tenez pas, monsieur le ministre…

Si vous n’êtes pas d’accord avec le dispositif prévu par la commission spéciale, pouvez-vous nous dire précisément comment ces demandes concurrentes doivent être traitées ?

Le deuxième point sur lequel je souhaite insister est celui des zones intermédiaires. Vous l’avez dit à plusieurs reprises avec raison lors des débats, il existe trois types de zone. Or le dispositif que vous proposez en distingue deux. Il en laisse une troisième dans l’ombre : entre les zones où la proximité ou l’offre de services est insuffisante et celles où la création d’un office nouveau porterait atteinte à l’exploitation des offices existants, il y a celle où l’offre de services est satisfaisante et où un office pourrait être créé sans forcément compromettre la qualité du service ni porter atteinte à l’exploitation d’autres offices. Dans ce cas-là, j’élargis la possibilité de créer des offices.

Dans le silence du texte, on ne sait pas si le ministre de la justice pourrait ou non refuser une nouvelle demande de création d’un office. Noter une telle lacune dans le texte relève peut-être du juridisme. En tout cas, la question de la conformité de cette disposition à la Constitution, compte tenu de la jurisprudence constitutionnelle relative à l’incompétence négative du législateur, se pose.

J’appelle votre attention sur le fait qu’à plusieurs reprises, à l’Assemblée nationale et lors de la discussion générale, vous avez évoqué ces trois zones alors que le texte n’en propose que deux. Nous avons comblé cette lacune.

Le troisième et dernier point dont je souhaiterais que nous débattions est le dispositif d’indemnisation des concurrents lésés. Le choix fait par le Gouvernement de confier le soin de fixer cette indemnité au juge de l’expropriation – c’est peut-être là aussi du juridisme, mais après tout on attend de nous de voter des lois qui soient compatibles avec celles qui préexistent – me paraît surprenant. Certes, une telle mesure s’inspire du dispositif d’indemnisation des avoués, mais il s’agissait à l’époque de la suppression d’une profession et d’une indemnisation par l’État, pour un motif d’intérêt général. Les situations ne sont donc pas les mêmes. Le juge de l’expropriation connaît des litiges entre un particulier et une personne publique. Or, dans le cas qui nous occupe, il s’agit d’un contentieux entre personnes privées pour un préjudice portant sur une perte de chiffre d’affaires. Cela doit relever de la compétence du tribunal de grande instance.

Nous serons bien sûr attentifs aux réponses exhaustives que vous nous apporterez. Il est vraisemblable qu’elles ne combleront pas toutes nos attentes. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement, en espérant que ce ne soit qu’à titre conservatoire.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Il y a bien trois zones dans le texte que nous proposons.

Premièrement, il y a les zones dites « carencées », dans lesquelles un appel d’offres est organisé. En effet, pourquoi forcément envisager un concours ? Il peut y avoir d’autres procédures. C’est la raison pour laquelle il appartient à un décret de le préciser. Vous avez d’ailleurs tout à fait raison de dire que c’est au garde des sceaux d’en décider.

Deuxièmement, il y a les zones dites « libres », c’est-à-dire celles dans lesquelles l’installation d’un nouveau professionnel ne porte pas atteinte à l’équilibre en place. Il est néanmoins prévu un droit de veto, parce qu’il ne s’agit pas d’une liberté complète d’installation. Cette deuxième zone est identifiée par la cartographie.

Troisièmement, il y a les zones dites « interdites », c’est-à-dire celles dans lesquelles toute nouvelle installation porterait atteinte à l’équilibre des professionnels qui sont déjà installés.

En conséquence, on distingue trois logiques d’installation.

Dans les zones qui sont carencées de manière manifeste, un appel d’offres est organisé, qui peut prendre la forme d’un examen, pour que des professionnels puissent s’installer librement. L’examen peut être un concours, mais on constate que les délais sont parfois très longs. D’autres procédures beaucoup plus souples existent, qui permettent de valoriser les acquis de l’expérience. À qui veut-on laisser la possibilité de s’installer ? Plusieurs types de candidats peuvent se présenter : de jeunes notaires désireux de créer leur office, mais aussi des notaires salariés. Dès lors, il convient de prendre en compte non seulement l’honorabilité, les diplômes et les autres critères habituellement considérés, mais également les acquis de l’expérience. Une grande vigilance s’impose donc dans la définition des modalités de sélection ; c’est pourquoi ce travail est renvoyé au pouvoir réglementaire.

Dans les zones intermédiaires, où il n’y a pas de carence mais où les équilibres ne sont pas menacés, les installations seront libres, mais le garde des sceaux disposera d’un droit de veto ; nous instaurons donc une régulation, parce que nous ne sommes pas sûrs des résultats que donnera ce système. Dans ce cas de figure, nous avons également prévu un régime d’indemnisation et, suivant les recommandations du Conseil d’État, l’intervention du juge de l’expropriation, destinée à apporter une garantie procédurale et justifiée par la perte de valeur patrimoniale qu’un professionnel pourrait prouver avoir subie du fait de l’installation d’un jeune confrère.

Quant à la troisième zone, le système actuel y sera maintenu sans changement : les professionnels qui veulent céder leur place continueront, en vertu du droit de présentation, à soumettre la succession de leur office au garde des sceaux, qui peut l’accepter ou non.

J’espère vous avoir mieux fait comprendre l’organisation que nous avons conçue, les raisons pour lesquelles nous avons prévu la compétence du juge de l’expropriation et celles pour lesquelles l’Autorité de la concurrence aura le rôle que j’ai évoqué.

M. François Pillet, corapporteur. Je n’ai pas abordé cet aspect !

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est parfaitement exact, monsieur le corapporteur ; je tenais simplement à insister de nouveau sur le rôle d’objectivation qui sera confié à cette instance.

Quoi qu’il en soit, je vous remercie d’avoir, sur toutes ces questions, suivi la logique du projet de loi initial. De fait, la commission spéciale n’a pas remis en cause les principes fondamentaux du système que nous avons conçu. De légers désaccords subsistent néanmoins au sujet de certains aménagements, s’agissant notamment des trois zones ; c’est pourquoi le Gouvernement a présenté l’amendement n° 1618.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos explications. L’inconvénient d’en fournir, c’est qu’on s’expose à susciter de nouvelles questions…

Vous proposez de définir trois zones : en gros, une zone où l’on met le paquet, une autre où l’on calme et une autre où l’on expérimente. Seulement, qu’est-ce qui empêche le Gouvernement de le faire aujourd’hui, puisque la garde des sceaux a le pouvoir de créer des études ? Faut-il penser que les ministères sont à ce point bloqués qu’on n’ose plus rien faire sans le vote d’une loi ? C’est une explication possible, quoique vous n’en ayez rien dit. (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.) Pourquoi donc ne dites-vous pas au Premier ministre : aidez-moi à convaincre la garde des sceaux de relancer la création d’études ?

Monsieur le ministre, je ne comprends véritablement pas ce qui, à l’heure actuelle, empêche le Gouvernement de définir des zones et de lancer dans certaines d’entre elles des appels d’offres.

Il y a un autre aspect qui ne me paraît pas clair. Je m’excuse de vous parler aussi directement, car j’aimerais poursuivre jusqu’au bout de cette semaine les bons rapports que nous entretenons, d’autant que vous avez donné des explications intéressantes et que nous aurons l’occasion de nous fâcher la semaine prochaine. (Sourires.)

Voici de quoi je veux parler. Actuellement, lorsqu’ils veulent reprendre une étude, les notaires salariés passent une sorte de concours. Vous dites qu’il faut tenir compte de leur expérience, ce que je puis comprendre. Seulement, le concours n’est-il pas dès lors remis en cause ? Ou bien s’agit-il de prendre en considération l’expérience parallèlement au concours ? Je n’ai pas très bien compris vos intentions, d’autant que vous avez également expliqué qu’il fallait favoriser l’installation des jeunes, qui, par nature, n’ont pas beaucoup d’expérience.

Peut-être voulez-vous dire qu’un brassage est nécessaire entre les jeunes et ceux qui sont expérimentés ; mais qu’est-ce qui empêche de réaliser ce brassage aujourd’hui ? À moins que vous ne songiez à remettre en cause le concours, lequel présente l’avantage, comme M. le corapporteur l’a fait observer, de pouvoir être passé par tout le monde, et pas seulement par les fils d’archevêque.

Vous voyez, monsieur le ministre, que votre louable effort d’explication m’a inspiré des questions nouvelles.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est un fait, monsieur Desessard, que le système est aujourd’hui bloqué. Il faut, pour l’ouvrir, créer les conditions d’une plus grande objectivité. Assurer l’objectivité, c’est précisément l’objet des dispositions défendues par le Gouvernement ; du reste, c’est également celui des dispositions adoptées par la commission spéciale, qui permettraient déjà de débloquer les choses.

Je vous rappelle que, en 2009, lorsque des discussions se sont tenues avec le précédent gouvernement, les professionnels eux-mêmes avaient reconnu qu’il fallait ouvrir l’accès à la profession ; seulement, les mesures n’ont pas été prises.

M. Jean Desessard. Sauf en Île-de-France !

M. Emmanuel Macron, ministre. Demandez à M. le président de la commission spéciale s’il y a eu une création massive d’offices notariaux en Seine-Saint-Denis ! Au contraire, ce département en manque cruellement.

M. Jean Desessard. Je voulais parler de Paris !

M. Emmanuel Macron, ministre. De fait, les déserts notariaux existent – nous les connaissons bien.

En créant les conditions d’une transparence et d’une objectivité plus grandes, la réforme que la garde des sceaux et moi-même défendons vise à résoudre le blocage actuel du système, qui résulte du jeu d’acteurs qui s’est progressivement constitué en vertu d’un phénomène sociologique qui se produit dans différents secteurs professionnels.

En ce qui concerne les professionnels auxquels nous voulons permettre d’accéder à la création d’office dans les zones carencées, je n’ai peut-être pas été suffisamment clair. Bien sûr, les jeunes diplômés remplissant toutes les conditions requises de diplômes, de stages et d’honorabilité – tous critères dont la définition appartient à la garde des sceaux – pourront se porter candidat. Toutefois, si nous instaurions seulement un concours de type académique, ces jeunes diplômés frais émoulus des études, très au fait des dernières jurisprudences, disposeraient d’une forme d’avantage, au détriment de notaires salariés qui aspirent à créer leur propre office.

Aujourd’hui, un notaire peut faire la totalité de sa carrière en tant que salarié. Or les différences de rémunération sont substantielles entre un notaire salarié, un notaire associé et un notaire qui a son propre office. Pour qu’un notaire devienne associé, il faut que son confrère qui tient l’office le lui propose, en vertu du principe d’affectio societatis ; la décision appartient donc à celui qui l’emploie. C’est pourquoi l’accès à la création d’un office doit être ouvert aux notaires salariés, qui doivent avoir la liberté de faire ce choix.

Telle est, monsieur Desessard, la raison pour laquelle je suis prudent en ce qui concerne les modalités de la sélection, qui pourrait prendre la forme d’un examen de type académique, mais aussi d’un appel d’offres ou d’un concours dans le cadre duquel les compétences académiques seraient prises en considération, mais aussi valorisés les acquis de l’expérience.

En définitive, la Chancellerie devra réaliser un travail très fin pour aménager les conditions d’un juste accès à la création d’office et prendre en compte les aspirations de l’ensemble des professionnels du secteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Je déplore que ce débat entre M. le ministre et notre corapporteur, extrêmement technique, ait lieu en séance publique, alors qu’il aurait pu se tenir en commission spéciale, si nous avions choisi, non pas d’associer le ministre à tous nos travaux – nous étions d’accord pour ne pas le faire –, mais de l’auditionner pour débattre avec lui.

Faut-il que le juge de l’expropriation intervienne ou bien un autre magistrat du tribunal de grande instance ? Franchement, c’est une question de détail !

Mes chers collègues, alors que nous sommes d’accord sur le fond, cette discussion donne l’impression qu’on veut pinailler sur des points de détail pour se prévaloir d’être à l’origine, plutôt que le Gouvernement, de telle ou telle mesure ; je trouve que cette démarche n’a pas d’intérêt, et je regrette que ces débats très techniques n’aient pas eu lieu en commission spéciale.

M. Jean-Pierre Bosino. Derrière la technique, il y a de la politique !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Je n’ai pas réagi avant cet instant, mais je suis un peu lassé d’entendre que la commission spéciale n’aurait pas passé assez de temps à étudier le projet de loi.

Je rappelle que la commission spéciale a été constituée dès le mois de janvier et que, contrairement à celle de l’Assemblée nationale, elle a choisi de procéder à des auditions. Lors de ces auditions, qui ont été nombreuses, elle a entendu l’ensemble des membres du Gouvernement intéressés par le projet de loi. Je remercie le Gouvernement d’avoir accepté que tous, en particulier la garde des sceaux, se rendent à notre invitation. Au cours de ces auditions, qui ont été longues, tous nos collègues ont eu la possibilité, à la suite de nos corapporteurs, d’interroger chacun des membres du Gouvernement. Nous avons accompli un travail très approfondi.

Nous avons également pris le temps d’examiner le texte proposé par chacun des corapporteurs, ainsi que les différents amendements, même si nous n’avons pas consommé l’intégralité du temps qui nous avait été imparti, chacun ayant fait des efforts dans une période préélectorale qui n’était pas la plus propice au travail. Nous n’avons jamais écourté nos débats !

Quant à M. le corapporteur, à qui revenait la matière la plus complexe, il a toujours pris le temps d’exposer sa vision et de laisser le débat prospérer, comme il le fait depuis le début de la discussion en séance publique. J’ai moi-même veillé à ce que le débat ait lieu.

Monsieur Bigot, vous déplorez que des points de détail surgissent dans le débat en séance publique. Chacun sait que le diable est dans les détails ; c’est particulièrement vrai sur des sujets juridiques comme ceux dont nous traitons, qui méritent une discussion en séance publique.

Mme Éliane Assassi. Exactement ! On appelle ça le débat d’amendements !

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Dès le début des travaux de la commission spéciale, des demandes se sont manifestées, venant y compris de votre groupe, monsieur Bigot, pour que les amendements des corapporteurs soient examinés hors la présence des membres du Gouvernement ; cette demande a été formulée, en particulier, par l’ancien président de la commission des lois. M. le ministre a bien voulu comprendre que telle est la tradition du Sénat. Je pense que cette méthode n’a pas nui au travail parlementaire.

Au reste, nous souhaitions que le débat prospère en séance, parce que la séance publique est utile ; elle doit rester le moment où chacun de nos collègues peut prendre la parole pour apporter sa contribution au débat, même s’il n’est pas membre de la commission.

Mme Éliane Assassi. Tout à fait !

Mme la présidente. La parole est à M. François Pillet, corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. Je ne puis pas rester sans réagir après l’intervention de M. Bigot. En effet, j’ai tenu soixante-dix auditions, ouvertes à tous ; j’en ai même fait certaines deux fois, pour m’assurer que mes propositions étaient sérieuses et admissibles.

En ce qui concerne le travail que nous avons mené avec le ministère de l’économie, j’ai organisé, en plus de l’audition solennelle de M. le ministre, une audition, ouverte à tous, de plusieurs membres de son cabinet. À cela se sont ajoutées deux auditions particulières organisées à ma demande et une audition informelle à laquelle M. le ministre a pris l’heureuse initiative de me convier. Au total, cinq auditions ont donc eu lieu.

Madame Bricq, je vois que vous hochez la tête. Vous pouviez très bien venir…

Mme Nicole Bricq. Je n’ai pas été invitée !

M. François Pillet, corapporteur. Vous vous arrangerez avec M. le ministre.

Au cours de ces différentes auditions, toutes les questions dont nous débattons cet après-midi ont été abordées. Aussi, je ne puis pas laisser dire, parce que le groupe socialiste a décidé de rétablir brutalement le texte adopté par l’Assemblée nationale, que nos avancées seraient insuffisantes. Nous sommes les seules à en avoir fait !

Chaque fois que j’ai demandé une audition, je l’ai obtenue, et M. le ministre lui-même m’a proposé une audition supplémentaire ; je le remercie pour cela, ainsi que les membres de son cabinet.

Et n’oubliez pas les diverses rencontres qui se déroulent au moment des suspensions de séance pour tenter de s'entendre sur différents points concernant les articles…

Enfin, je vous indique, nonobstant votre propos, que le travail parlementaire est aussi un travail de détail.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Monsieur Bigot, certes, ce débat est très technique. Mais dans nos départements respectifs, quelle que soit notre formation – vous êtes avocat, j’ai un diplôme de médecin, d’autres sont chefs d’entreprise… –, nous sommes tous sollicités depuis des mois par les professions réglementées.

Alors je suis sincèrement satisfaite – je pense qu’il en va de même de nombre d’entre vous, mes chers collègues – de pouvoir, cet après-midi, entendre M. le ministre, M. le corapporteur et chacun d’entre vous s'exprimer sur ces sujets. Il ne s’agit pas simplement d’un débat de commission ! Oui, je suis heureuse que, dans cet hémicycle, nous puissions débattre de l’un des points forts du projet de loi que nous examinons !

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1618.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de vingt-cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 363 rectifié, présenté par MM. Vaspart, Calvet, Commeinhes et Pointereau, Mme Deseyne et MM. Laménie, de Nicolaÿ, Doligé, Revet, Charon, César et Vasselle, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

Supprimer les mots :

Les notaires,

II. – Alinéa 3

Après les mots :

nouveaux offices

supprimer les mots :

de notaire,

III. – Alinéa 6

Après les mots :

création d’office

supprimer les mots :

de notaire,

IV. – Alinéa 10

Supprimer les mots :

à la chambre départementale des notaires,

V. – Alinéa 19

Après les mots :

liberté d’installation

supprimer les mots :

des notaires,

VI. – Alinéa 21

Après les mots :

en qualité de

supprimer les mots :

de notaires,

La parole est à Mme Chantal Deseyne.

Mme Chantal Deseyne. L’amendement n° 364 rectifié déposé sur l’article 12 n’ayant pas été adopté, je retire le présent amendement, qui est dans le même esprit.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Parfait !

Mme la présidente. L'amendement n° 363 rectifié est retiré.

L'amendement n° 199 rectifié, présenté par MM. Mézard, Barbier, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2, première phrase

Supprimer les mots :

, après avis de l’Autorité de la concurrence rendu conformément à l’article L. 462-4-1 du code de commerce

II. – Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

Cette carte est rendue publique et révisée tous les deux ans.

III. – Alinéa 11

1° Première phrase :

Supprimer les mots :

, après avis de l’Autorité de la concurrence rendu dans un délai de deux mois après le dépôt de la demande de création d’office

2° Deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

IV. - Alinéas 18 à 22

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. La logique est la même que précédemment : l'Autorité de la concurrence ne doit pas voir ses attributions étendues de manière si extensive qu’elle deviendrait coproductrice de la réglementation.

Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 282 rectifié quater est présenté par M. Calvet, Mme Micouleau, M. Médevielle, Mmes Deromedi et Bouchart, MM. Perrin, Raison, Vogel, B. Fournier et Commeinhes, Mme Deseyne, MM. Milon, Grand et Laménie et Mme Lamure.

L'amendement n° 414 est présenté par M. Navarro.

L'amendement n° 634 rectifié bis est présenté par Mme Gruny, M. Mayet, Mme Mélot et MM. Pierre, Revet et Vasselle.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

I. - Alinéa 2, première phrase

Supprimer les mots :

, après avis de l'Autorité de la concurrence rendu conformément à l'article L. 462-4-1 du code de commerce

II. - Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

Cette carte est rendue publique et révisée tous les deux ans.

III. - Alinéas 18 à 22

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l’amendement n° 282 rectifié quater.

Mme Chantal Deseyne. Je retire cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 282 rectifié quater est retiré.

Les amendements identiques nos 414 et 634 rectifié bis ne sont pas soutenus.

L'amendement n° 1063, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2, première phrase

Supprimer les mots :

, après avis de l’Autorité de la concurrence rendu conformément à l’article L. 462-4-1 du code de commerce

II. – Alinéa 5, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Cette carte est rendue publique.

III. – Alinéas 18 à 22

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. De la même manière que nous nous sommes opposés, lors de l’examen de l’article 12, à l’introduction de l’Autorité de la concurrence dans la procédure de détermination des tarifs des professions réglementées, nous nous opposons maintenant à son introduction dans la réflexion concernant l’élaboration de cartes relatives aux zones d’implantation des nouveaux offices des professions susvisées.

Parce que ces professions ne concernent pas des activités purement marchandes et concurrentielles, parce qu’elles traitent du rapport des citoyens au droit et de l’accès à la justice, parce qu’elles sont, sans être complètement sous la tutelle du ministère de la justice, réglementées par ce dernier pour garantir la réalisation des missions de service public dans le respect de l’intérêt général, la responsabilité de la détermination de l’implantation de nouveaux offices ne peut incomber à l’Autorité de la concurrence.

Or nous retrouvons, au sein de l’article 13 bis traitant de la réglementation de l’installation des professions juridiques, l’intervention de l’Autorité de la concurrence. Il est prévu que celle-ci donne un avis sur la carte établie par le ministre de la justice pour déterminer les zones où l’implantation et la création de nouveaux offices sont libres en raison d’un besoin identifié en termes de proximité ou d’offre.

Il est également prévu, aux alinéas 19 à 22 de cet article, que le garde des sceaux puisse saisir pour avis l’Autorité de la concurrence de toute question relative à la liberté d’installation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires, et qu’elle puisse adresser des recommandations au ministre de la justice relatives à l’augmentation du nombre d’offices sur le territoire.

Nous demandons donc la suppression de toute mention de l’Autorité de la concurrence dans le présent article visant l’installation et la création d’offices de professions réglementées. En effet, cette autorité administrative n’est ni légitime ni compétente en la matière. Sa vocation est exclusivement économique et idéologique, puisqu’elle doit favoriser la libre concurrence et qu’elle est guidée par le dogme de l’autorégulation théorisé par Adam Smith sous le nom de « main invisible », ce qui est en l’occurrence antinomique avec des délégations de service public réglementées qui, par définition, ne peuvent être entièrement concurrentielles.

Le meilleur interlocuteur en l’espèce reste encore le ministère de la justice, et l’intervention de l’Autorité de la concurrence, loin de lui être utile, introduit un premier jalon dans la volonté de libéralisation de ces professions, libéralisation que nous combattons.

Mme la présidente. L’amendement n° 340 n’est pas soutenu.

Les cinq amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 284 rectifié quater est présenté par M. Calvet, Mme Micouleau, M. Médevielle, Mmes Deromedi et Bouchart, MM. Perrin, Raison, Vogel et B. Fournier, Mme Deseyne, MM. Milon et Laménie et Mmes Mélot et Lamure.

L'amendement n° 374 rectifié est présenté par Mmes Duchêne et Primas et M. Gournac.

L'amendement n° 416 est présenté par M. Navarro.

L'amendement n° 567 rectifié est présenté par MM. A. Marc et Commeinhes.

L'amendement n° 671 rectifié bis est présenté par Mme Gruny et MM. Mayet, Pierre, Revet et Vasselle.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 6 et 21

Remplacer les mots :

d'expérience

par les mots :

de diplôme

La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l'amendement n° 284 rectifié quater.

Mme Chantal Deseyne. Le présent projet de loi entend imposer à toute personne sollicitant son installation en tant que notaire de satisfaire à des conditions d'expérience.

Les dispositions actuelles régissant la nomination des notaires exigent la possession d'un diplôme d'aptitude à ces fonctions, ce qui assure la qualité des candidats et l'équité.

La seule référence à l'expérience ne peut suffire pour l'exercice d'une délégation de puissance publique. Le présent amendement tend ainsi à remplacer les mots « d'expérience » par les mots « de diplôme ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, pour présenter l’amendement n° 374 rectifié.

Mme Marie-Annick Duchêne. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. Les amendements identiques nos 416, 567 rectifié et 671 rectifié bis ne sont pas soutenus, de même que les amendements nos 118 rectifié, 365 et 341.

Les six amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 229 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.

L'amendement n° 283 rectifié quater est présenté par MM. Calvet et Grand, Mme Micouleau, M. Médevielle, Mmes Deromedi et Bouchart, MM. Perrin, Raison, Vogel, B. Fournier et Commeinhes, Mme Deseyne, MM. Milon et Laménie et Mme Lamure.

L'amendement n° 372 rectifié est présenté par Mmes Duchêne et Primas et M. Gournac.

L'amendement n° 415 est présenté par M. Navarro.

L'amendement n° 651 rectifié bis est présenté par Mme Gruny, MM. Chasseing et Mayet, Mme Mélot et MM. Pierre, de Raincourt, Revet et Vasselle.

L'amendement n° 1061 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces six amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 11

1° Première phrase

Après la référence :

I,

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

le ministre de la justice refuse la création d'office dans un délai de deux mois après le dépôt de la demande de création d'office.

2° Deuxième phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 229 rectifié.

M. Guillaume Arnell. Le présent amendement tend à permettre au ministre de la justice de ne pas accéder à une demande de création d’office si elle est de nature à porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants ou à compromettre la qualité du service rendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l’amendement n° 283 rectifié quater.

Mme Chantal Deseyne. En effet, le ministre de la justice doit pouvoir refuser la demande de création s’il est avéré que cette création est de nature à porter atteinte à la continuité de l'exploitation des offices existants ou à compromettre la qualité du service rendu. De fait, dès lors qu'il n'y a pas de carence, il n'est pas justifié d'envisager la possibilité d'une nouvelle installation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, pour présenter l’amendement n° 372 rectifié.

Mme Marie-Annick Duchêne. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Les amendements nos 415 et 651 rectifié bis ne sont pas soutenus.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 1061.

Mme Éliane Assassi. L’article 13 bis, dans sa nouvelle rédaction, crée un système de zones comprenant des zones d’implantation libres, déterminées par le ministre de la justice et qui correspondent à des secteurs dans lesquels le nombre d’offices paraissant insuffisant, l’implantation de nouveaux offices pourrait renforcer la proximité juridique.

Dans les autres zones, où l’implantation n’est donc pas libre, le projet de loi prévoit que le ministre de la justice peut refuser une demande de création d’office. Pourtant, s’il ne s’agit pas d’une zone où une éventuelle carence a été constatée, le garde des sceaux n’a aucune raison d’autoriser l’ouverture d’un nouvel office, ce qui déstabiliserait l’équilibre des offices existants.

Au-delà, autoriser une telle implantation dans des zones non prioritaires, alors que le ministère de la justice définit lui-même les zones présentant un besoin de création, paraît complètement illogique. Maintenir en l’état l’alinéa 11 de l’article 13 bis revient, en réalité, à conserver le principe de dérégulation, peut-être en le camouflant…

C’est pourquoi nous proposons que le ministre de la justice refuse systématiquement toute création d’office dans ces zones.

Nous souhaitons ainsi, au travers de cet amendement, maintenir l’idée de deux zones distinctes et d’une liberté d’installation contrôlée par le garde des sceaux uniquement dans les zones que celui-ci aura identifiées comme présentant une offre insuffisante en matière de professions juridiques.

Mme la présidente. Les quatre amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 119 rectifié est présenté par M. Grand et Mme Cayeux.

L'amendement n° 230 rectifié est présenté par MM. Mézard, Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Collombat.

L'amendement n° 650 rectifié bis est présenté par MM. Tandonnet et Médevielle, Mme Joissains, MM. Gabouty, Détraigne, Bonnecarrère, Canevet, Kern, Roche, Longeot et Guerriau, Mmes Férat, Gatel et Loisier, MM. Cigolotti, Bockel, Delahaye, Marseille, Pozzo di Borgo, Namy et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants - UC.

L'amendement n° 1062 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 21

Remplacer les mots :

d’expérience

par les mots :

de diplôme

L’amendement n° 119 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 230 rectifié.

M. Guillaume Arnell. Bien que cet amendement soit très proche d’un autre, je me fais fort de le présenter, car la nuance qu’il comporte me semble utile au débat.

Le projet de loi prévoit que le ministre de la justice pourra faire droit à la demande de création d’offices de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire qui lui est adressée lorsque le demandeur remplit, par ailleurs, les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises.

Concrètement, cela signifie que ces nominations seront discrétionnaires, et rien ne garantit que les candidats détiennent les compétences nécessaires à l’exercice des missions de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire. Quid de la qualité du conseil qui sera dispensé aux clients ?

Aujourd’hui, sept années d’études après le baccalauréat sont nécessaires pour devenir notaire. Après avoir suivi des études juridiques jusqu’au master 1, donc à bac +4, les aspirants notaires doivent choisir entre deux types de formation, l’une universitaire, l’autre professionnelle. Dans les deux cas, ils doivent effectuer un stage rémunéré.

Pour devenir huissier, il faut obtenir un master 1 de droit ou un diplôme reconnu comme équivalent, puis réaliser un stage de deux années clôturé par le passage de l’examen.

Pour ce qui concerne les commissaires-priseurs judiciaires, deux diplômes sont requis pour s’inscrire à l’examen : l’un en droit et l’autre en histoire de l’art, en arts appliqués, en archéologie ou en arts plastiques. L’un de ces diplômes doit être au moins une licence, et l’autre de niveau bac +2 au minimum. Par ailleurs, quatre-vingt-dix euros sont demandés au titre de l’inscription à l’examen ; ce versement devrait être supprimé, afin de garantir un égal accès de tous à cet examen public.

Ces exigences scolaires sont loin d’être superflues, quand on connaît la complexité du droit et l’importance que le conseil juridique aura pour ceux qui le demandent.

S’il est nécessaire d’ouvrir ces professions, il est également salutaire de préserver leur niveau d’exigence en matière de compétences !

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour présenter l’amendement n° 650 rectifié bis.

M. Henri Tandonnet. Monsieur le ministre, vous l’avez remarqué, un grand nombre d’amendements tendent à remplacer les mots « d’expérience » par les mots « de diplôme ». Il faut dire que les différentes professions concernées ont été fortement préoccupées par cette référence à l’expérience. Il s'agit en effet de professions réglementées, pour l’accès desquelles les diplômes sont essentiels.

Parmi les conditions requises, l’aptitude est mentionnée. Je suppose que ce terme recouvre la notion de diplôme. Mais il faudrait clairement le préciser, ce qui permettrait de rassurer les professionnels. Alors, les amendements que j’ai évoqués pourraient être retirés.

Mme la présidente. La parole est M. Jean-Pierre Bosino, pour présenter l’amendement n° 1062.

M. Jean-Pierre Bosino. Je souhaite rappeler que l’article 13 bis, tout en introduisant la déréglementation des implantations et de la création des offices dans certaines zones, pourrait remettre en cause l’exigence d’un diplôme pour l’accès aux professions de notaire et d’huissier, ainsi qu’à l’ensemble des professions juridiques réglementées, et déréglementer ainsi cet accès.

En effet, l’alinéa 21 de cet article fait référence aux personnes « remplissant les conditions de nationalité, d’aptitude, d’honorabilité, d’expérience et d’assurance requises » pour être nommées par le ministre de la justice dans les différentes professions précédemment évoquées.

Aucune condition de diplôme n’est clairement visée, Henri Tandonnet vient de l’indiquer, la notion d’aptitude étant bien trop floue. Les conditions d’aptitude et d’expérience ne paraissent pas à même de garantir la qualité professionnelle et la formation des personnes exerçant des professions chargées de missions de service public relevant de la justice. D’ailleurs, monsieur le ministre, dans l’une de vos interventions, vous avez bien utilisé le mot « diplôme ».

En revanche, le projet de loi entend imposer à toute personne sollicitant son installation en tant que notaire, commissaire-priseur judiciaire ou huissier de justifier d’une durée d’expérience, ce qui limite l’entrée des jeunes dans la profession.

Pour ce qui concerne les notaires, les dispositions actuelles régissant leur nomination exigent la possession d’un diplôme d’aptitude aux fonctions de notaire, ce qui assure la qualité des candidats et permet l’équité dans l’accès à la profession et la bonne réalisation du service rendu, dans une vocation d’intérêt général, à laquelle ces professionnels sont attachés.

La seule référence à l’expérience ne peut pas suffire pour l’exercice d’une délégation de puissance publique. Il faut qu’un diplôme garantisse l’acquisition d’un certain nombre de compétences contrôlées.

C’est pourquoi il est proposé de remplacer les termes « d’expérience » par les mots « de diplôme ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements restant en discussion ?

M. François Pillet, corapporteur. Sur l’amendement n° 199 rectifié, qui vise à supprimer l’avis de l’Autorité de la concurrence pour la définition des zones carencées dans lesquelles l’installation d’un office serait libre, la commission spéciale émet un avis défavorable. Compte tenu des débats qui se sont déroulés cet après-midi, je n’ajouterai pas d’autre commentaire.

La commission spéciale est également défavorable à l’amendement n° 1063.

Les amendements identiques nos 284 rectifié quater et 374 rectifié tendent à remplacer la condition d’expérience requise pour devenir notaire, huissier de justice ou commissaire-priseur judiciaire par une condition de diplôme. Or cette condition de diplôme – je le dis avec fermeté – est d’ores et déjà incluse dans celle d’aptitude. Le problème est donc réglé.

En outre, supprimer toute référence à la notion d’expérience pourrait conduire à autoriser la titularisation de diplômés qui n’auraient jamais accompli de stage professionnel. Or, actuellement, au cours de la préparation au diplôme supérieur de notariat, par exemple, les candidats doivent accomplir un stage de deux ans.

Pour dissiper toute crainte, j’ajoute que le droit en vigueur prévoit déjà la validation des acquis de l’expérience des clercs de notaire, des mandataires judiciaires ou des avocats.

Finalement, les amendements proposés sont en retrait par rapport au droit en vigueur. J’en suggère donc le retrait, pour éviter d’avoir à émettre un avis défavorable.

Les amendements identiques nos 229 rectifié, 283 rectifié quater, 372 rectifié et 1061 visent à obliger le ministre de la justice à refuser toute installation dans une zone autre que carencée. Je le répète, il existe trois zones. Une seule n’est pas carencée, et il convient d’y conserver une certaine souplesse.

Par ailleurs, ces amendements sont en retrait par rapport au droit en vigueur. À titre d’exemple, leur adoption aurait pour conséquence d’interdire au garde des sceaux la création d’un nouvel office dans une grande ville ou à Paris.

J’ajoute que, en tout état de cause, il paraît raisonnable de conserver au ministre de la justice une certaine liberté d’appréciation, d’autant que M. le ministre nous a indiqué tout à l’heure que celui-ci n’en avait pas abusé pendant la période antérieure au dépôt du projet de loi.

La commission spéciale est donc défavorable à ces amendements identiques.

Quant aux amendements nos 230 rectifié, 650 rectifié bis

M. Henri Tandonnet. Je retire cet amendement, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 650 rectifié bis est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le corapporteur.

M. François Pillet, corapporteur. La commission spéciale demande aux auteurs des amendements nos 230 rectifié et 1062, qui portent également sur la question du diplôme, de bien vouloir les retirer. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 199 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1063.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 284 rectifié quater et 374 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 229 rectifié, 283 rectifié quater, 372 rectifié et 1061.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 230 rectifié et 1062.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 592 rectifié n’est pas soutenu.

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 971, présenté par MM. Labbé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 12 à 17

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. La liberté d’installation accordée par le présent texte permettra au ministère de la justice de définir des zones prioritaires d’installation, dans lesquelles celle-ci sera libre. Le système serait suffisamment encadré pour éviter les dérives. Dans les zones déjà correctement dotées, le ministère de la justice pourra refuser les nouvelles installations.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de créer un système d’indemnisation des offices préexistants, d’une part, parce que les garanties que je viens d’évoquer sont de nature suffisante pour éviter les dérives, d’autre part, parce que cela découragerait l’installation de nouveaux entrants, en raison du risque pesant sur leur activité au vu du montant de l’’indemnisation que l’on pourrait leur réclamer jusqu’à six ans après leur installation.

Il est également à noter que le maintien de ces dispositions signifierait un manque de confiance dans l’administration de la justice, puisque celle-ci pourrait être remise en question.

Nous en avons débattu ce matin, monsieur le ministre, l’idée, c’est qu’il faut indemniser, les études alentour pouvant constater, au bout de six ans, une perte de revenus. Mais elle est contraire non seulement à votre idée selon laquelle il convient de permettre l’installation de nouveaux notaires dans les endroits où celle-ci est nécessaire, mais également à votre idée selon laquelle il faut améliorer la qualité du service rendu. Il peut en effet arriver qu’un notaire ne réponde jamais au téléphone et traite les affaires avec beaucoup de retard. Je ne dis pas que c’est le cas pour l’ensemble de la profession. Toutefois, on ne peut pas affirmer que tous les notaires sont formidables !

Cela étant, si de nouvelles personnes s’installent, acquièrent une clientèle, parce que, justement, elles sont jeunes, serviables, compétentes, actives et disponibles, pourquoi devraient-elles indemniser les professionnels qui travaillent mal ? Il y a là un problème, d’autant que, vous nous l’avez dit ce matin, il faut payer les charges. Aujourd'hui, quand une étude se crée, le professionnel se fait sa clientèle.

Tout cela est un peu contradictoire avec votre esprit libéral, monsieur le ministre !

Mme la présidente. L’amendement n° 594 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 971 ?

M. François Pillet, corapporteur. Monsieur Desessard, il convient de bien distinguer les professions libérales, qui ne sont pas toutes de même nature.

Lorsque vous permettez l’installation d’un nouveau notaire, vous créez un office, vous lui donnez droit à un monopole. Ce faisant, vous affectez le monopole de ceux qui sont déjà en place et vous les lésez. L’indemnisation est donc de droit. Si vous supprimez celle-ci, vous vous heurtez à un problème constitutionnel.

Un avocat, en revanche, qui a passé son examen, n’a plus qu’à acheter sa plaque et à l’apposer sur la façade de l’immeuble.

En l’espèce, la commission spéciale ne peut donc qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement, car les dispositions qu’il prévoit sont anticonstitutionnelles.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 971.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Les amendements nos 594 rectifié et 339 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote sur l’article.

M. Jacques Bigot. Avec les membres de mon groupe, je reconnais que la commission spéciale n’a pas voulu empêcher complètement l’installation de nouveaux notaires pour répondre aux besoins.

Je regrette bien évidemment que, sur certains points, nous n’ayons pu trouver un accord. À titre personnel, pour ce qui concerne la carte, je suis plus sensible à ce qu’elle soit établie après avis de l’Autorité de la concurrence et non sur sa proposition. Au demeurant, nous aurions pu en discuter à un autre moment.

Mon groupe, qui reconnaît le travail effectué en la matière, s’abstiendra sur cet article. Il ne votera pas contre, ce qui ne changerait d’ailleurs pas grand-chose au résultat !

Personnellement, je rentrerai serein dans mon département, puisque, de toute façon, il est prévu à l’alinéa 24 de l’article 13 bis que celui-ci ne s’applique pas dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. (Sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13 bis.

(L'article 13 bis est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vais maintenant lever la séance. En effet, dans la mesure où nous devons impérativement arrêter nos travaux à dix-neuf heures, nous n’aurions pas le temps d’examiner sereinement les dix-neuf amendements déposés sur l’article 14.

Nous avons examiné 88 amendements au cours de la journée ; il en reste 1152.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 13 bis (début)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Discussion générale

3

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 13 avril 2015 à seize heures, le soir et la nuit :

Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (n° 300, 2014-2015).

Rapport de Mmes Catherine Deroche, Dominique Estrosi Sassone et M. François Pillet, fait au nom de la commission spéciale (n° 370, tomes I, II et III, 2014-2015).

Texte de la commission (n° 371, 2014-2015).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures trente.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART