M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, corapporteur.

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au sein de ce projet de loi, il me revenait plus particulièrement de suivre les dispositions relatives à la définition générale de la politique de santé, à la santé environnementale, à la santé au travail, à la formation des professionnels de santé, ainsi que les mesures dites « de simplification et d’harmonisation » qui sont regroupées au sein du titre V.

La simplification est en effet un objectif souvent affiché. Malheureusement, comme l’a déjà souligné le président Alain Milon, ce projet de loi, dans sa version issue de l’Assemblée nationale, se caractérisait plutôt par un foisonnement de dispositions à caractère plus déclaratif que normatif et déjà satisfaites par la législation actuelle ou entrant dans un degré de détail relevant du règlement ou de la circulaire.

La commission des affaires sociales s’est donc attachée à distinguer les mesures ayant un impact réel sur notre système de santé de celles dont la portée juridique ou pratique n’est pas avérée.

Ce n’est pas le fond de ces articles ou de ces amendements qui est ici en question. En effet, il ne s’agit pas de contester l’intérêt de telle ou telle action de santé publique, le rôle de telle ou telle profession de santé ou encore la pertinence de telle ou telle pratique professionnelle, mais simplement de conserver à la loi la fonction que lui assigne la Constitution, à savoir déterminer des principes fondamentaux.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous regrettons tous l’inflation législative et les lois bavardes. Le président de l’Assemblée nationale lui-même s’en inquiétait avec force à la fin du mois de juillet dernier dans la presse, déplorant « des lois trop volumineuses » et la propension du Gouvernement à « faire gonfler ses propres textes au cours de la procédure » avec des mesures nouvelles adoptées « sans étude d’impact, ni avis du Conseil d’État ». Autant de reproches qui semblent pleinement s’appliquer au présent projet de loi.

Il convient donc d’agir résolument pour mettre en accord notre volonté et nos pratiques, afin de garantir la qualité de la loi.

C’est pourquoi la commission des affaires sociales a supprimé les dispositions qui, à ses yeux, sont plutôt d’ordre réglementaire, les déclarations d’objectif dépourvues de portée normative, ou encore des demandes de rapports sur des questions pouvant déjà trouver leurs réponses dans les publications administratives ou scientifiques existantes.

C’est dans cet esprit que nous avons simplifié la rédaction de l’article 1er, qui définit les objectifs généraux de la politique de santé et n’a pas nécessairement à en énumérer tous les aspects.

S’agissant des dispositions relatives à la prévention, le chapitre IV du titre Ier traite des relations entre la santé et l’environnement. Il s’agit là d’un sujet majeur, dont l’importance ne fera que croître à l’avenir. Je tiens d’ailleurs à souligner ici que le Sénat a joué depuis longtemps un rôle d’aiguillon dans ce domaine, alertant régulièrement le Gouvernement sur les dangers que présentent pour la santé humaine les atteintes portées à l’environnement.

Le texte du Gouvernement ne comportait à l’origine que deux articles consacrés à ce problème.

Un premier article portait sur la pollution atmosphérique, ce qui rejoignait d’ailleurs les préoccupations exprimées par la récente commission d’enquête sénatoriale concernant le coût économique et financier de la pollution de l’air.

Un second article autorisait les préfets à prendre des mesures coercitives pour lutter contre la présence d’amiante dans les immeubles bâtis, répondant, là encore, à des enjeux soulevés de longue date par notre Haute Assemblée. Je pense bien entendu ici au rapport de la mission d’information de 2005 sur l’amiante, puis au rapport de suivi de cette mission d’information, qui a été rendu en 2014 par plusieurs de nos collègues.

Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, les députés ont adopté de nombreux articles additionnels, dont plusieurs sur l’initiative du Gouvernement. Ces articles prévoient notamment de confier de nouvelles missions à l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, de réglementer l’usage des brumisateurs, de lutter contre les espèces nuisibles ou bien encore de prévenir les risques liés au bruit. Si ces mesures sont quelque peu hétéroclites, elles vont dans le bon sens. La commission leur a donc apporté son soutien.

En revanche, on peut regretter que la santé au travail apparaisse comme le parent pauvre de ce projet de loi. S’il offre une voie d’accès supplémentaire à la spécialité de la médecine du travail et constitue une réponse à certaines aspirations de reconversion ou de diversification des parcours professionnels, il est loin, à mon sens, de contribuer à l’indispensable renforcement de l’attractivité de cette filière médicale.

S’agissant de la formation des professionnels de santé, la commission a approuvé sans modification les articles relatifs au développement professionnel continu, aux stages des étudiants paramédicaux, aux statuts des assistants dentaires et des étudiants sages-femmes.

Enfin, il faut souligner que le projet de loi comprend un nombre inhabituel d’habilitations du Gouvernement à légiférer par ordonnances : dix articles visant plus d’une centaine de domaines.

Dans la mesure où plusieurs de ces sujets ne présentent pas un caractère purement technique, il nous a semblé indispensable que le Parlement puisse les examiner dans le cadre normal de la procédure législative. Je pense en particulier aux conditions de création, de gestion, d’organisation et de fonctionnement des centres de santé et des maisons de santé, à l’organisation de la transfusion sanguine, à l’accès aux soins de premier recours, aux règles relatives aux ordres des professions de santé, ou encore au droit applicable aux recherches biomédicales.

Mes chers collègues, la commission des affaires sociales a souhaité élaborer un texte adapté aux besoins de nos concitoyens et plus lisible, recentré sur des dispositions ayant un impact concret sur l’organisation et le fonctionnement de notre système de santé. Elle vous demande d’adopter ce projet de loi, ainsi modifié. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis.

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur les 209 articles du projet de loi de modernisation de notre système de santé, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ne s’est saisie que de 17 articles qui entrent directement dans le champ de sa compétence : 16 articles, pour l’essentiel ajoutés lors du débat à l’Assemblée nationale, traitent des questions de santé et d’environnement et un article, malheureusement le seul, est relatif à la lutte contre les déserts médicaux.

En ce qui concerne les aspects santé-environnement, la commission soutient la plupart des avancées du projet de loi : la prise en compte de la notion d’exposome, le renforcement de la surveillance des pollens et moisissures de l’air extérieur, l’amélioration des remontées d’information sur l’amiante et le plomb, la mise en place de valeurs de référence pour l’exposition au radon, l’encadrement des brumisateurs d’eau dans l’espace public ou encore l’interdiction des jouets au bisphénol A. Je me félicite que ces dispositions soient maintenues dans le texte élaboré par la commission des affaires sociales.

Toutefois, notre commission propose d’aller plus loin en ce qui concerne les appareils de bronzage : sur mon initiative, elle a adopté un amendement à l’article 5 quinquies E, afin d’interdire purement et simplement les cabines UV.

D’un point de vue scientifique, le doute n’est plus permis : on sait qu’une seule exposition en cabine UV avant l’âge de trente-cinq ans entraîne un « sur-risque » de développer un cancer de la peau de 59 %. On sait également que le nombre de mélanomes a triplé entre 1980 et 2005 : on compte 9 780 nouveaux cas et 1 620 décès.

Il est temps d’agir, et notre commission envoie un signal fort. Cette interdiction est d’ailleurs recommandée par l’Académie de médecine depuis de nombreuses années et déjà mise en œuvre au Brésil et en Australie.

Le débat en commission des affaires sociales a fait ressortir la nécessité de préciser les conditions d’entrée en vigueur d’une telle disposition. J’ai donc rectifié notre amendement, afin de bien renvoyer au pouvoir réglementaire le soin d’édicter ces mesures. Le plus important est que le principe de l’interdiction des cabines UV soit inscrit dans la loi !

En matière de lutte contre les déserts médicaux, les mesures mises en œuvre par le Gouvernement dans le cadre du pacte territoire-santé ne sont pas inutiles, mais elles ne permettront pas, à elles seules, de résoudre l’épineuse équation de la démographie médicale à l’horizon de 2020. Il faut, là aussi, aller plus loin. C’est d’ailleurs ce qu’avait recommandé le président Hervé Maurey dans son rapport de 2013 sur cette question.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la France n’a jamais compté autant de médecins – 198 365 en exercice régulier en 2015, dont 44,7 % de libéraux –, mais que ceux-ci n’ont jamais été aussi mal répartis sur le territoire. Les écarts de densité varient de 1 à 4 entre le département de l’Eure, qui compte 167 médecins pour 100 000 habitants, et Paris, qui en recense 678 pour 100 000 habitants.

Globalement, l’« exode médical » du centre de la France vers les régions littorales et la façade Est continue de s’aggraver. Même la région d’Île-de-France enregistre une diminution de 6 % du nombre de ses médecins entre 2007 et 2015.

Je vous rappelle, enfin, que si l’on observe la situation encore plus finement au niveau infradépartemental, on constate qu’il existe des déserts médicaux dans tous les départements, y compris les mieux dotés.

Par ailleurs, les écarts de densité varient également d’une spécialité à l’autre : en 2014, ils sont de 1 à 2 pour les médecins généralistes, de 1 à 8 pour les médecins spécialistes, de 1 à 9 pour les infirmiers libéraux, de 1 à 4 pour les masseurs-kinésithérapeutes, de 1 à 5 pour les sages-femmes et de 1 à 3 pour les chirurgiens-dentistes.

Finalement, le constat dressé par Hervé Maurey en 2013 ne change pas : quelque trois millions de Français vivent dans un désert médical. Et même, la situation s’aggrave. On est passé de 64 778 médecins généralistes en 2007 à quelque 58 104 en 2015, soit une baisse de 10,3 %. Une diminution supplémentaire de 6,8 % est à prévoir d’ici à 2020.

Quatre autres spécialités sont également en souffrance : la rhumatologie – en baisse de 10,3 % depuis 2009 –, la dermatologie – en baisse de 7,7 % depuis 2009 –, la chirurgie générale – en baisse de 4,7 % depuis 2009 – et l’otorhinolaryngologie – en baisse de 7,8 % depuis 2009.

Quatre départements sont d’ores et déjà totalement dépourvus de certaines spécialités, qui semblent pourtant nécessaires compte tenu du profil des populations : la Lozère ne dispose ainsi d’aucun neurologue ni rhumatologue, tandis que la Corse-du-Sud, la Creuse et la Meuse ne comptent aucun gériatre.

Dans l’ensemble, ces difficultés vont mécaniquement continuer à s’accentuer si aucune réponse forte n’est apportée : le « creux démographique » est attendu pour 2020.

Dans ce domaine, les dispositifs mis en place par presque tous les gouvernements successifs depuis le début des années quatre-vingt-dix, à caractère essentiellement incitatif, n’ont pas eu les effets escomptés. Par conséquent, notre commission a adopté, à l’unanimité, deux amendements visant à mettre en œuvre concrètement les propositions du rapport Maurey de 2013.

Le premier vise à avancer vers la professionnalisation des études de médecine. Au cours de mes auditions, j’ai appris à ma grande surprise que, chaque année, environ 25 % des médecins diplômés d’une faculté française décident finalement, au terme d’un long cursus d’études, de ne pas s’inscrire au tableau de l’ordre des médecins pour exercer une autre profession – dans le journalisme ou l’administration, par exemple. Ce sont autant de coûteuses années d’études de médecine qui sont financées en pure perte par la société.

À cela s’ajoute le problème plus spécifique de la médecine générale, qui ne séduit toujours pas les futurs praticiens : seulement 46 % des places ouvertes en médecine générale sont occupées par des internes.

Pour éviter que les jeunes diplômés n’abandonnent leur vocation au bout de onze ou de douze années d’études, la commission souhaite leur permettre d’appréhender le plus tôt possible les contours de leur futur métier, par le biais d’une expérience de terrain en amont de leur cursus. À l’heure actuelle, la France accuse un véritable retard en matière de professionnalisation des études de médecine. Des pays comme le Canada ou l’Estonie ont déjà complètement réorienté leurs mécanismes de formation vers l’immersion précoce.

Notre commission souhaite par conséquent ouvrir la brèche, en prévoyant que les études de médecine doivent favoriser « l’immersion précoce des étudiants dans un environnement professionnel ». Elle traduit cette volonté dans les faits en rendant obligatoire un stage d’initiation à la médecine générale dès le deuxième cycle des études de médecine.

Le pacte territoire-santé prévoit un tel stage, mais ne le rend pas obligatoire. L’arrêté du 8 avril 2013 prévoit quant à lui un stage ambulatoire obligatoire, mais il ne cible pas spécifiquement la médecine générale. Nous proposons simplement de fusionner les deux, afin d’obliger les universités à promouvoir cette voie.

En effet, empiriquement, on constate que plus les étudiants pratiquent la médecine générale, plus ils l’aiment et plus ils la choisissent. Nous devons donc surmonter l’obstruction de certaines universités qui considèrent que la médecine générale n’est pas une spécialité et font fi des stages pratiques.

Le second amendement vise à mettre en place un dispositif de régulation à l’installation des médecins, à l’instar de ce qui existe de longue date chez les pharmaciens et depuis 2008 pour la plupart des professionnels de santé : infirmiers, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes et chirurgiens-dentistes.

En complément des aides à l’installation dans les zones classées comme « très sous-dotées », ce dispositif prévoit une régulation des nouveaux conventionnements dans les zones « surdotées » fondée sur la règle « une entrée pour un départ ».

Son efficacité n’est plus à démontrer. Chez les infirmiers, par exemple, il a permis une progression des effectifs dans les zones « très sous-dotées » de 33,5 % entre 2008 et 2011, ainsi qu’une diminution des effectifs dans les « zones surdotées ». On pourrait citer d’autres exemples.

Inversement, lorsque le conventionnement sélectif prend fin, le solde des installations s’inverse à nouveau. Cet effet a pu être observé chez les masseurs-kinésithérapeutes lorsque le dispositif mis en place à la fin de 2011 a été annulé par le Conseil d’État le 17 avril 2014, pour défaut de base légale. On a alors observé une reprise presque immédiate des installations en zone surdotée à partir de l’arrêt du dispositif de régulation.

Au final, ce conventionnement sélectif complète utilement les mécanismes d’incitation en faveur des zones sous-dotées. Ce sont les deux piliers d’une même stratégie, qui ne peut fonctionner correctement si l’un vient à manquer.

Pour cette raison, la commission estime qu’il est temps d’appliquer la règle « une entrée pour un départ » aux médecins qui souhaitent s’installer dans les zones surdotées.

La commission des affaires sociales a effectué un pas dans cette direction, en prévoyant une obligation de négocier à partir de la prochaine convention médicale avec l’assurance maladie. Toutefois, ce système, que nous avions également étudié, pose problème.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis. En effet, l’obligation de négocier n’offre pas de garantie de succès.

Finalement, le nombre d’amendements présentés par notre commission est volontairement réduit, mais il s’agit de mesures courageuses et importantes pour la protection des populations et des territoires. Le Sénat en est le garant, et il nous appartient de faire primer l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe socialiste. – M. Jean-Noël Cardoux applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, en remplacement de M. André Reichardt, rapporteur pour avis.

M. Philippe Bas, en remplacement de M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je me dois tout d’abord d’excuser André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois, retenu par un déplacement à l’étranger qui s’est quelque peu prolongé.

Il m’a chargé, dans la mesure de mes moyens, d’être son porte-parole pour vous dire combien il a été satisfait de l’excellente collaboration qui, comme toujours, s’est établie entre la commission des lois et la commission des affaires sociales.

Voici un texte qui, comme trop souvent hélas, est un regroupement de dispositions qui n’ont pas grand lien entre elles. (M. Yves Daudigny s’exclame.) De surcroît, de trop nombreux amendements adoptés par l’Assemblée nationale l’ont encore alourdi. Il en est devenu si volumineux qu’on peut même désormais parler d’un texte obèse. Un de plus !

D’ailleurs, certains de ces amendements piétinent largement les règles constitutionnelles de partage entre la loi et le règlement. Le président de la commission des affaires sociales y a été extrêmement vigilant, ce dont je le remercie.

Naguère, on appelait ce genre de texte fourre-tout servant de voiture-balai législative aux différentes dispositions préparées par les bureaux du ministère des affaires sociales un « projet de loi portant diverses dispositions d’ordre social ». Celui que nous examinons à partir d’aujourd’hui affiche des ambitions plus élevées, puisqu’il y est question de modernisation, mais la réalité n’a malheureusement pas changé.

Il ne m’appartient pas de m’étendre sur la disposition relative au tiers payant : la commission des affaires sociales a fait son travail, en montrant que cette proposition de réforme comportait plus d’inconvénients que d’avantages, point de vue que je partage entièrement.

De fait, la commission des lois s’est plus particulièrement prononcée sur des dispositions qui, comme souvent d’ailleurs en matière de santé, soulèvent des questions très importantes relatives aux droits des personnes. En effet, dans ce domaine, les questions fondamentales ne sont jamais absentes, comme on l’a encore vu voilà quelques mois lorsque nous avons débattu ensemble de la fin de vie.

La première de ces questions, c’est celle du don d’organes. Il y avait lieu ici de rechercher un bon équilibre entre la garantie du respect de la volonté de l’individu et le devoir de solidarité envers les malades, deux exigences tout à fait fondamentales l’une et l’autre.

Il me semble que, avec la commission des affaires sociales, nous sommes parvenus à un bon compromis. Il faut être attentif à ce que les dispositions législatives que nous votons ne scandalisent pas les familles et les proches, alors qu’il leur est déjà si difficile de faire leur deuil, d’autant que, lorsque se pose la question du prélèvement, l’origine du décès est généralement accidentelle.

Cette question du prélèvement d’organes intervient dans un contexte où le travail de deuil se fait de manière accélérée. Il se produit alors même que les proches et la famille constatent que le malade, qui a été placé sous assistance respiratoire pour préserver ses organes, continue à respirer malgré son état de mort clinique.

Le travail que font depuis un certain nombre d’années les infirmiers référents dans les services hospitaliers, notamment de réanimation, est de très grande qualité. Il faut se garder de le perturber. En accompagnant les proches, les familles, ces infirmiers leur permettent d’exprimer ce qu’ils connaissent de la volonté du défunt. C’est un travail indispensable, et jamais un service hospitalier n’exercera par un prélèvement une forme de violence sur la famille en l’absence de cet accompagnement.

Je me réjouis du travail qui a été fait et qui permettra au Sénat, une fois de plus, de montrer son souci de préserver un bon équilibre, respectueux du droit des personnes. Ce faisant, notre assemblée montre qu’elle a une connaissance précise de ce qui se passe réellement dans ces moments souvent tragiques, quand se pose la question du prélèvement d’organes.

J’en viens à l’action de groupe en matière de santé. Évidemment, elle n’a rien à voir avec le sujet qui précède, mais il s’agit là aussi de déroger à un principe fondamental de notre droit, selon lequel nul ne plaide par procureur.

En matière de santé, il faut prendre en compte la situation particulière de chaque individu victime d’un éventuel aléa thérapeutique, d’une erreur ou même d’une fraude dans l’élaboration d’un protocole médical ou dans la mise au point ou l’utilisation des médicaments. Les effets peuvent très différents pour les uns et pour les autres. C’est pourquoi on ne peut créer de dispositions générales.

La commission des affaires sociales a bien pris en compte notre préoccupation, et je l’en remercie. Sur ce point, nous sommes arrivés à un compromis tout à fait intéressant.

J’en arrive à l’ouverture des données de santé. Quel dommage de ne pas utiliser davantage, pour élaborer nos politiques de santé publique, les données si nombreuses et si précises qui sont réunies par nos caisses d’assurance maladie et centralisées à la Caisse nationale d’assurance maladie !

Je comprends la motivation sous-tendant le projet de loi, à savoir la nécessité que ces données ne restent pas au fond de nos ordinateurs. Dans le même temps, il convient de respecter le secret de la vie privée, auquel les exigences de la santé publique ne peuvent porter une atteinte excessive, les informations médicales touchant évidemment à la sphère la plus intime de la vie privée de chacun d’entre nous.

C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité assurer, là aussi, un encadrement suffisamment strict de l’exploitation de ces données, qui n’entrave pas le respect desdits principes fondamentaux tout en permettant d’aller bien au-delà.

J’aborderai, enfin, les dispositions relatives à l’hospitalisation sous contrainte. La liberté individuelle, qui a pour conséquence le principe du consentement aux soins libre et éclairé, trouve ses limites par la nécessité de protéger contre lui-même l’individu atteint de troubles psychiques aigus, mais également son entourage, voire la société, en tout cas les tiers, face au risque d’agression.

Le meilleur encadrement des mesures de contention, prévu à l’article 13 quater et résultant de la rédaction à laquelle nous sommes parvenus ensemble, me paraît, ainsi qu’à André Reichardt, tout à fait pertinent.

Une autre question peut-être plus administrative, mais hautement symbolique, a trait au statut de l’infirmerie psychiatrique de la ville de Paris, qui dépend de la préfecture de police. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ayant dénoncé cet état de fait, le projet de loi est l’occasion de tirer les conséquences de sa recommandation. C’est une question de principe, qui ne met pas en cause les équipes gérant cette structure, dont le professionnalisme et la grande qualité du travail sont au contraire parfaitement reconnus.

Cette structure sans équivalent se révèle toujours aussi utile. Il ne faut pas la supprimer, mais il est important qu’elle soit réintégrée dans le droit commun de la santé publique et soumise aux mesures de contrôle qui s’appliquent aux établissements psychiatriques. Tel est le sens du présent texte.

Mes chers collègues, la commission des lois vous propose donc d’adopter les articles dont elle s’est saisie, tel qu’ils ont été modifiés, sur son initiative, par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, corapporteur.

Mme Françoise Laborde, corapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Annick Billon et moi-même allons vous présenter à deux voix le rapport que nous avons eu l’honneur de proposer à la délégation aux droits des femmes sur le projet de loi qui nous réunit aujourd’hui.

Nous n’avons évidemment pas abordé tous les aspects de la santé des femmes, tant ce sujet est vaste, mais nous nous sommes efforcés d’élargir l’information de la délégation à certains thèmes assez représentatifs de cette question.

Je veux parler principalement de la contraception d’urgence et des compétences des sages-femmes en matière d’interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse, de vaccination et de prescription de substituts nicotiniques aux femmes enceintes et à leur entourage.

Ce rapport et les 28 recommandations dont il est assorti ont été adoptés le 22 juillet dernier à la quasi-unanimité des membres la délégation. Il s’appuie sur deux constats : d'autre part, la nécessité de privilégier une approche de la santé qui prenne mieux en compte les enjeux spécifiques aux femmes – je vous présenterai cet axe dans un instant ; d'autre part, la consolidation des acquis en matière de santé sexuelle et reproductive – c’est ma collègue Annick Billon qui interviendra sur ce point.

J’évoquerai donc, pour ma part, certaines des conclusions de la délégation visant à une meilleure prise en compte des fragilités spécifiques aux femmes.

Parmi ces fragilités, celles qui relèvent des maladies cardiovasculaires ont plus particulièrement attiré notre attention. Selon la Fédération française de cardiologie, la prise en charge d’un infarctus pour les femmes se révèle trop souvent plus tardive que pour les hommes ; les femmes semblent moins nombreuses à recevoir un diagnostic exact ; le dépistage est insuffisant pour les femmes et leur rétablissement serait plus aléatoire que celui des hommes.

Les risques liés aux maladies cardiovasculaires pour les femmes sont donc insuffisamment connus, alors que ces pathologies représentent la première cause de mortalité pour les femmes et tuent huit fois plus que le cancer du sein.

Le constat de cette fragilité méconnue des femmes aux maladies cardiovasculaires a conduit la délégation à formuler une recommandation pour améliorer la sensibilisation des professionnels de santé sur ce point et mieux informer les femmes et leur entourage de ce danger.

Une association américaine, Go Red For Women, a pris l’initiative, depuis le mois d’avril dernier, d’en informer le public français sur certaines chaînes de télévision et avec le partenariat de quelques marques de luxe. À quand une véritable campagne nationale destinée au grand public ?

Dans le domaine du cancer, les informations que nous avons recueillies attestent que des progrès peuvent encore être accomplis en matière de prévention du cancer du col de l’utérus : l’une de nos recommandations vise à en tirer les conséquences pour le dépistage.

Autre risque majeur : l’augmentation du tabagisme féminin, directement responsable de l’accroissement sensible de la mortalité des femmes par cancer du poumon, alors que cette cause de mortalité a diminué pour les hommes. Une prévention précoce – préconisée par une autre de nos recommandations – est d’autant plus indispensable que, selon un rapport officiel, une femme sur six fumait encore quotidiennement, en 2010, au cours du troisième trimestre de sa grossesse.

C’est pourquoi nous vous proposerons de rétablir par amendement le suivi expérimental des femmes enceintes consommant régulièrement des produits du tabac, prévu à l’article 33 bis et supprimé par la commission des affaires sociales.

En ce qui concerne les violences, plus particulièrement sexuelles, dont les conséquences sur la santé sont évidemment considérables, il semble que le repérage des victimes par les professionnels de santé puisse encore être amélioré, notamment par une meilleure sensibilisation aux aspects juridiques de leur intervention.

Une autre recommandation concerne le soutien des associations qui permettent le suivi médical des femmes en situation de précarité, victimes en quelque sorte d’une « double peine » : nous comptons sur vous, madame la ministre, pour que les restrictions budgétaires ne se traduisent pas par une baisse des financements versés à ces organismes, qui réalisent sur le terrain un travail absolument remarquable.

S’agissant des risques environnementaux, on sait que l’exposition à des substances nocives au cours des périodes prénatale et périnatale et pendant l’adolescence a des conséquences tout au long de la vie. Il nous a donc semblé souhaitable de préconiser le renforcement de l’information des femmes enceintes, des parents et de tous les professionnels en contact avec de jeunes enfants, au sujet de la toxicité de certains produits.

Pour ce qui est de la maigreur excessive, nous soutenons le dispositif adopté par l’Assemblée nationale. Ce point fera l’objet de l’un des amendements que nous vous proposerons d’adopter.

Enfin, des chercheurs ont attiré notre attention sur le fait que les recherches biomédicales et l’exercice de la médecine ne sont pas exempts de stéréotypes masculins et féminins, ce qui peut être lié, d’après certaines sources, à une insuffisante représentation des femmes dans les essais thérapeutiques.