Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire :

Mme Colette Mélot.

1. Procès-verbal

2. Ouverture de la seconde session extraordinaire de 2014-2015

3. Élection de deux sénateurs

4. Hommage à Hubert Haenel, ancien sénateur

5. Candidatures à une commission mixte paritaire

6. Demande d’avis sur deux projets de nomination

7. Organisme extraparlementaire

8. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de six projets de loi

9. Consultation des assemblées délibérantes de collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie sur une proposition de loi organique

10. Consultation du Congrès de la Nouvelle-Calédonie sur une proposition de loi organique

11. Candidature à une commission

12. Organisme extraparlementaire

13. Dépôt de documents

14. Communications du Conseil constitutionnel

15. Questions prioritaires de constitutionnalité

16. Décisions du Conseil constitutionnel relatives à trois questions prioritaires de constitutionnalité

17. Conférence des présidents

18. Modernisation de notre système de santé – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, corapporteur

Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur de la commission des affaires sociales

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable

M. Philippe Bas, en remplacement de M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois

Mme Françoise Laborde, corapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mme Annick Billon, corapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mme Catherine Génisson

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

Mme Aline Archimbaud

Mme Laurence Cohen

M. Gilbert Barbier

M. David Rachline

Mme Corinne Imbert

M. Gérard Roche

M. Yves Daudigny

Mme Marisol Touraine, ministre

Clôture de la discussion générale

Rappel au règlement

Mme Éliane Assassi, M. le président.

Article 1er

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur

M. François Commeinhes

Mme Aline Archimbaud

M. Jacques Cornano

Amendement n° 686 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.

Amendement n° 456 rectifié de Mme Catherine Génisson. – Rejet par scrutin public.

Amendement n° 857 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.

Amendement n° 77 rectifié de M. François Commeinhes. – Retrait.

Amendements identiques nos 687 de Mme Laurence Cohen et 908 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements.

19. Nomination de membres d’une commission mixte paritaire

20. Nomination d’un membre d’une commission

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

21. Modernisation de notre système de santé – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Article 1er (suite)

Amendement n° 298 rectifié de Mme Françoise Laborde. – Retrait.

Amendement n° 942 de Mme Aline Archimbaud. – Adoption.

Amendement n° 688 de Mme Laurence Cohen.

Amendements identiques nos 106 rectifié de M. François Commeinhes, 164 rectifié nonies de M. Alain Vasselle, 347 rectifié bis de Mme Anne-Catherine Loisier et 543 de M. Jean-Pierre Sueur. – L’amendement n° 164 rectifié nonies n’est pas soutenu.

Amendement n° 280 rectifié bis de M. Gilbert Barbier. – Après une demande de priorité par la commission, adoption par scrutin public, les amendements nos 106 rectifié, 347 rectifié bis et 543 devenant sans objet.

Amendement n° 308 rectifié de M. François Commeinhes. – Rejet.

Amendements identiques nos 588 rectifié de Mme Chantal Jouanno et 944 rectifié de Mme Aline Archimbaud. – Adoption des deux amendements.

Amendement n° 868 rectifié de M. Michel Amiel. – Rejet.

Amendements identiques nos 335 de M. Robert Navarro, 597 rectifié de Mme Chantal Jouanno et 1023 de Mme Aline Archimbaud. – Adoption des amendements nos 597 rectifié et 1023, l’amendement n° 335 n’étant pas soutenu.

Amendement n° 869 rectifié de M. Michel Amiel. – Retrait.

Amendement n° 689 de Mme Laurence Cohen. – Retrait.

Amendement n° 690 de Mme Laurence Cohen. – Adoption.

Amendement n° 78 rectifié de M. François Commeinhes. – Retrait.

Amendement n° 188 rectifié de M. Gilbert Barbier. – Retrait.

Amendement n° 881 rectifié de M. Michel Amiel. – Adoption.

Amendement n° 858 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.

Amendement n° 1116 rectifié de M. Jacques Cornano. – Retrait.

Amendement n° 691 de Mme Laurence Cohen. – Retrait.

Amendement n° 479 rectifié bis de Mme Catherine Génisson. – Adoption.

Amendement n° 40 rectifié de M. François Commeinhes. – Retrait.

Amendement n° 41 rectifié de M. François Commeinhes. – Rejet.

Amendement n° 870 rectifié de M. Michel Amiel. – Adoption.

Amendement n° 42 rectifié de M. François Commeinhes. – Retrait.

Amendement n° 1191 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 945 de Mme Aline Archimbaud. – Adoption.

Amendement n° 946 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 1er

Amendement n° 590 rectifié de Mme Chantal Jouanno. – Retrait.

Article 1er bis

Amendement n° 692 de M. Paul Vergès. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article additionnel après l’article 1er bis

Amendements identiques nos 107 rectifié de M. François Commeinhes, 165 rectifié septies de M. Alain Vasselle, 346 rectifié de Mme Anne-Catherine Loisier, 694 rectifié de Mme Laurence Cohen et 1085 rectifié de Mme Aline Archimbaud. – Adoption des amendements nos 346 rectifié, 694 rectifié et 1085 rectifié insérant un article additionnel, les amendements nos 107 rectifié et 165 rectifié septies n’étant pas soutenus.

Intitulé du chapitre Ier

Amendement n° 695 de Mme Laurence Cohen. – Adoption de l’amendement rédigeant l’intitulé.

Articles additionnels avant l'article 2

Amendement n° 693 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.

Amendement n° 883 rectifié bis de M. Michel Amiel. – Rejet.

Article 2 (supprimé)

Amendements identiques nos 457 de Mme Catherine Génisson, 646 du Gouvernement, 696 de Mme Laurence Cohen et 1025 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet, par scrutin public, des quatre amendements.

Amendement n° 878 rectifié de M. Michel Amiel. – Retrait.

L’article demeure supprimé.

Articles additionnels après l'article 2

Amendement n° 1027 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.

Amendement n° 458 de Mme Catherine Génisson. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 1031 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.

Amendement n° 1029 de Mme Aline Archimbaud. – Retrait.

Amendement n° 1030 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.

Amendement n° 459 de M. Georges Labazée. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 1026 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet.

Amendement n° 676 de M. Georges Labazée. – Retrait.

Article 2 bis A (supprimé)

Amendements identiques nos 697 de Mme Laurence Cohen et 1032 de Mme Aline Archimbaud. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements.

L’article demeure supprimé.

Renvoi de la suite de la discussion.

22. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire :

Mme Colette Mélot.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le procès-verbal de la séance du 23 juillet 2015 a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Ouverture de la seconde session extraordinaire de 2014-2015

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre communication des décrets de M. le Président de la République en date des 31 juillet, 28 août et 11 septembre 2015, portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du 14 septembre 2015.

Ces décrets vous ont été adressés les 3 et 28 août et le 11 septembre.

Acte est donné de cette communication.

En conséquence, la seconde session extraordinaire de 2014-2015 est ouverte.

3

Élection de deux sénateurs

M. le président. En application de l’article 32 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, j’ai reçu de M. le ministre de l’intérieur une communication de laquelle il résulte que, à la suite des opérations électorales du dimanche 6 septembre 2015, M. Bernard Delcros et M. Raymond Vall ont été proclamés élus respectivement sénateur du Cantal et sénateur du Gers.

Au nom du Sénat, je leur souhaite la plus cordiale bienvenue dans notre assemblée. (Applaudissements.)

4

Hommage à Hubert Haenel, ancien sénateur

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, Hubert Haenel nous a quittés le 10 août dernier, à l’âge de soixante-treize ans. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, se lèvent.)

J’ai tenu à lui rendre hommage, en présence de nombre de nos collègues et anciens collègues, aux côtés de Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, et de Philippe Richert, président du conseil régional d’Alsace, lors de ses obsèques, qui ont été célébrées le 14 août dernier dans ce village de Lapoutroie qui lui était si cher et dont il fut le maire de 1977 à 2001.

Je souhaitais que cette cérémonie au milieu des siens, qui s’est déroulée tout près de la forêt qu’il aimait arpenter, trouve aujourd’hui un écho dans l’hémicycle du Palais du Luxembourg, où Hubert Haenel représenta le département du Haut-Rhin durant vingt-quatre années, de 1986 à 2010.

Le Sénat de la République a en effet perdu l’une de ses figures les plus marquantes de ces dernières décennies.

La France elle-même a perdu l’un de ses grands juristes, membre du Conseil constitutionnel, un élu local et national d’exception et, plus encore, un homme de cœur et de convictions, aux passions multiples.

Hubert Haenel a accompli un parcours hors du commun. Sa vie, ou plutôt ses vies furent exceptionnellement riches.

Durant le quart de siècle qu’il passa au Sénat, la qualité humaine et la personnalité attachante de notre ami ont marqué tous ceux, encore nombreux dans cet hémicycle, qui l’ont côtoyé. La simplicité de son abord et la chaleur qu’il mettait dans les rapports humains accompagnaient une intelligence hors norme. Il avait ainsi créé, avec chacun de nous, des relations de travail et de confiance, toujours marquées par l’amitié.

Hubert Haenel avait une inébranlable ambition pour notre institution. Il saisit – je puis en témoigner – toutes les occasions qui se présentèrent pour renforcer le rôle et l’influence du Sénat. Il souhaitait en particulier donner aux parlements nationaux toute la place qui doit leur revenir dans la construction européenne. En tant que président de la délégation pour l’Union européenne, puis de la commission des affaires européennes, fonctions qu’il occupa avec enthousiasme de 1999 à 2010, le gaulliste Hubert Haenel défendit inlassablement ses convictions européennes et affirma sa certitude selon laquelle l’avenir de l’Europe passait, notamment, par une meilleure association des parlementaires nationaux aux évolutions communautaires.

Grâce à lui, le Sénat français fut toujours en première ligne du suivi et du contrôle des initiatives européennes par les parlements nationaux ; il fut même souvent à l’avant-garde. En la personne d’Hubert Haenel, qui incarnait un gaullisme moderne et européen, l’Europe perd aujourd’hui l’un de ses grands serviteurs et l’un de ses grands militants.

Mais les convictions européennes de notre ancien collègue ne l’empêchèrent pas de développer, à travers ses activités sénatoriales, ses passions multiples dans de nombreux autres domaines : les questions de défense, auxquelles le colonel de réserve de la gendarmerie Hubert Haenel consacra cinq ouvrages qui font encore aujourd’hui autorité ; la défense du monde rural, dont il était issu, qui le conduisit à réaliser de nombreux travaux sur les questions relatives à l’aménagement du territoire ; les transports ferroviaires, dont il était devenu « le » spécialiste et un expert reconnu ; sans parler, bien sûr, du monde de la justice, dont il était un professionnel écouté, et de sa région d’Alsace, à laquelle il était, chacun le sait, si profondément attaché.

Je n’ai cité ici que quelques-uns des multiples sujets sur lesquels la voix d’Hubert Haenel était écoutée. Mais ce serait réduire gravement la richesse de sa pensée que de ne pas évoquer la dimension spirituelle dans laquelle celle-ci s’inscrivait. Chrétien de forte conviction, fin connaisseur de l’Église catholique romaine et du droit canonique, celui qui fut président du groupe sénatorial France-Saint-Siège attachait en effet une importance majeure aux questions religieuses, auxquelles il consacra des écrits d’une grande hauteur de vues.

Hubert Haenel était un humaniste, un homme de cœur et un ami fidèle. C’est, je le sais, au nom du Sénat tout entier que je présente aujourd’hui, dans notre hémicycle, aux membres de sa famille et à tous ses proches, nos condoléances.

Son fils Martin a rappelé, lors de ses obsèques, ces phrases de L’hymne pour le futur – dont l’auteur est inconnu –, qu’Hubert Haenel aimait à citer et sur lesquelles je conclurai :

« Quand je mourrai, je veux qu’on sache que je ne suis pas mort. Je serai à chacun tout entier, présent. À chacun des amis, des aimés, des enfants. Ce que je n’aurai pu faire de mon vivant, je parviendrai enfin à le réaliser : être tout à chacun sans m’isoler de l’autre. […] Adieu ? Non. Au revoir ?... Disons : “à maintenant”. »

Madame la ministre, mes chers collègues, je vous invite maintenant à observer un moment de recueillement à la mémoire d’Hubert Haenel. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre, observent une minute de silence.)

5

Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre.

Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

6

Demande d’avis sur deux projets de nomination

M. le président. M. le Premier ministre, par lettre en date du 26 août 2015, m’a demandé de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de renouvellement du mandat de M. Jean-Marc Lacave aux fonctions de président-directeur général de Météo-France.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

M. le Premier ministre, par lettre en date du 8 septembre 2015, m’a demandé de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de M. François Villeroy de Galhau aux fonctions de gouverneur de la Banque de France.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission des finances.

7

Organisme extraparlementaire

M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein de la Commission nationale de contrôle des techniques du renseignement, que la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement vient de créer.

La commission des affaires étrangères et la commission des lois ont été invitées à présenter chacune une candidature.

Les nominations au sein de cet organisme extraparlementaire auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

8

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de six projets de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen :

– du projet de loi organique relatif à l’indépendance et l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société ;

– du projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de réutilisation des informations du secteur public ;

– du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires ;

– du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle ;

– du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie sur le règlement des obligations complémentaires liées à la cessation de l’accord du 25 janvier 2011 relatif à la coopération dans le domaine de la construction de bâtiments de projection et de commandement ;

– et du projet de loi autorisant la ratification du protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac.

9

Consultation des assemblées délibérantes de collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie sur une proposition de loi organique

M. le président. En application des articles 74 et 77 de la Constitution et des dispositions organiques propres à chacune des collectivités d’outre-mer concernées et à la Nouvelle-Calédonie, j’ai demandé, par courriers du 27 août 2015, la consultation :

– du conseil territorial de Saint-Martin,

– du conseil territorial de Saint-Barthélemy,

– du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon,

– de l’assemblée de la Polynésie française,

– de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna,

– et du Congrès de la Nouvelle-Calédonie

sur la proposition de loi organique n° 572 (2014-2015), présentée par M. Vincent Eblé et les membres du groupe socialiste et républicain, portant dématérialisation du Journal officiel de la République française.

10

Consultation du Congrès de la Nouvelle-Calédonie sur une proposition de loi organique

M. le président. En application de l’article 77 de la Constitution et de l’article 90 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, j’ai demandé, par courrier du 27 août 2015, la consultation du Congrès de la Nouvelle-Calédonie sur la proposition de loi organique n° 574 (2014-2015), présentée par Mme Catherine Tasca, M. Jean Pierre Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, relative au statut des autorités administratives indépendantes créées par la Nouvelle-Calédonie.

11

Candidature à une commission

M. le président. J’informe le Sénat que le groupe Union des Démocrates et Indépendants – UC a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des finances, en remplacement de M. Pierre Jarlier, démissionnaire d’office de son mandat de sénateur.

Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

12

Organisme extraparlementaire

M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer).

Conformément à l’article 9 du règlement, la commission des affaires économiques a été invitée à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

13

Dépôt de documents

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre les tableaux de programmation des mesures d’application :

– de la loi n° 2015-852 du 13 juillet 2015 visant à la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales ;

– de la loi n° 2015-762 du 29 juin 2015 modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer ;

– de la loi n° 2015-588 du 2 juin 2015 relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires ;

– de la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement ;

– de la loi n° 2015-136 du 9 février 2015 relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes ;

– de la loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne ;

– de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile.

Ils ont été respectivement transmis à la commission des lois, à la commission des finances et à la commission de l’aménagement du territoire ainsi qu’à la commission des affaires économiques pour les trois premiers, à la commission des lois et à la commission des affaires étrangères pour le quatrième, à la commission des affaires économiques ainsi qu’à la commission de l’aménagement du territoire pour le cinquième et à la commission des lois, à la commission des affaires européennes pour les sixième et septième.

Par ailleurs, j’ai reçu de M. le Premier ministre :

– l’avenant n° 2 à la convention du 29 novembre 2013 entre l’État et BPI Groupe, relative au programme d’investissements d’avenir, action « Programme de soutien à l’innovation majeure ». Il a été transmis à la commission des finances et à la commission des affaires économiques ;

– le rapport gouvernemental sur la faisabilité d’une voie d’accès individuelle au dispositif d’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante. Ce rapport a été transmis à la commission des affaires sociales ;

– le rapport sur les exportations d’armement de la France pour l’année 2015. Ce rapport a été transmis à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ;

– le rapport faisant état, pour l’année 2014, des actions en responsabilité engagées contre l’État du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice, des décisions définitives condamnant l’État à ce titre et du versement des indemnités qui en découlent, ainsi que des suites réservées à ces décisions, établi en application de l’article 22 de la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats. Ce rapport a été transmis à la commission des lois ;

– le rapport sur la modification de la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité, établi en application de l’article 6 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité. Ce rapport a été transmis à la commission des affaires économiques ;

– le rapport sur la mise en œuvre du contrat de génération pour l’année 2015, en application de l’article 7 de la loi n° 2013-185 du 1er mars 2013 portant création du contrat de génération. Ce rapport a été transmis à la commission des affaires sociales.

Acte est donné du dépôt de ces documents.

14

Communications du Conseil constitutionnel

M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat :

– par courrier en date du 23 juillet 2015, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi organique relative à la nomination du président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ;

– par courrier en date du mercredi 5 août 2015, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ;

– par courrier en date du jeudi 6 août 2015, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République ;

– par courriers en date du jeudi 13 août 2015, les textes de trois décisions qui concernent la conformité à la Constitution :

– de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ;

– de la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne ;

– de la loi relative au dialogue social et à l’emploi.

Acte est donné de ces communications.

15

Questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 14 septembre 2015, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles L. 1111-2, L. 5212-2, L. 5212-3 et L. 5212-14 du code du travail (Travailleurs handicapés) (2015-497 QPC).

Acte est donné de cette communication.

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 14 septembre 2015, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale (Régimes de retraite) (2015-498 QPC).

Acte est donné de cette communication.

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

16

Décisions du Conseil constitutionnel relatives à trois questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 24 juillet 2015, une décision du Conseil relative à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’accès administratif aux données de connexion (n° 2015-478 QPC).

Acte est donné de cette communication.

Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 31 juillet 2015, deux décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :

– l’incrimination de la création de nouveaux gallodromes (n° 2015-477 QPC) ;

– la solidarité financière du donneur d’ordre pour le paiement des sommes dues par son cocontractant ou un sous-traitant au Trésor public et aux organismes de protection sociale en cas de travail dissimulé (n° 2015-479 QPC).

Acte est donné de ces communications.

17

Conférence des présidents

M. le président. Je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents réunie le 22 juillet dernier, après la publication des décrets du Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire, et tenant compte des modifications de l’ordre du jour en date des 3 et 11 septembre 2015 :

SECONDE SESSION EXTRAORDINAIRE 2014-2015

Lundi 14 septembre 2015

À 16 heures, le soir et la nuit :

1°) Ouverture de la seconde session extraordinaire 2014-2015

2°) Lecture des conclusions de la conférence des présidents

3°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé (texte de la commission, n° 654, 2014-2015)

(La conférence des présidents a :

- attribué un temps de parole de dix minutes à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ;

- fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 11 septembre, à 17 heures ;

- fixé au jeudi 10 septembre, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.

La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements de séance le lundi 14 septembre, en début d’après-midi et à la suspension de l’après-midi, le mardi 15 septembre, le matin, en début d’après-midi et à la suspension de l’après-midi, et le mercredi 16 septembre, le matin et à la suspension de l’après-midi.)

Mardi 15 septembre 2015

À 14 heures 30 :

- Suite du projet de loi de modernisation de notre système de santé

À 16 heures, le soir et la nuit :

- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien

- Suite du projet de loi de modernisation de notre système de santé

Mercredi 16 septembre 2015

À 14 heures 30 :

- Suite du projet de loi de modernisation de notre système de santé

À 21 heures 30 et la nuit :

- Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’accueil des réfugiés en France et en Europe, en application de l’article 50-1 de la Constitution

- Suite de l’ordre du jour du matin

En outre, de 14 heures 30 à 15 heures :

- Scrutin pour l’élection d’un membre titulaire représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, en remplacement de M. Jean-Marie Bockel

Jeudi 17 septembre 2015

À 10 heures 30 :

1°) Suite du projet de loi de modernisation de notre système de santé

À 15 heures :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat)

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.)

À 16 heures 15 et le soir :

3°) Suite de l’ordre du jour du matin

Vendredi 18 septembre 2015

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi de modernisation de notre système de santé

Lundi 28 septembre 2015

À 10 heures :

1°) Suite du projet de loi de modernisation de notre système de santé

À 14 heures 30, le soir et la nuit :

2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord entre la République française et l’Union européenne visant à l’application, en ce qui concerne la collectivité de Saint-Barthélemy, de la législation de l’Union sur la fiscalité de l’épargne et la coopération administrative dans le domaine de la fiscalité (n° 418, 2014-2015)

(La conférence des présidents a fixé à trente minutes la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 25 septembre, à 17 heures.)

3°) Projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil du 26 mai 2014 relative au système des ressources propres de l’Union européenne (n° 552, 2014-2015)

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 25 septembre, à 17 heures.)

4°) Suite de l’ordre du jour du matin

Mardi 29 septembre 2015

À 14 heures 30, le soir et la nuit :

- Suite du projet de loi de modernisation de notre système de santé

Mercredi 30 septembre 2015

À 14 heures 30 et le soir :

1°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant l’approbation de l’accord France-Russie sur le règlement des obligations complémentaires liées à la cessation de l’accord du 25 janvier 2011 relatif à la coopération dans le domaine de la construction de bâtiments de projection et de commandement

2°) Suite du projet de loi de modernisation de notre système de santé

3°) Clôture de la seconde session extraordinaire 2014-2015

Session ordinaire 2015-2016

SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Jeudi 1er octobre 2015

À 10 heures 30 :

1°) Ouverture de la session ordinaire 2015-2016

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’actualisation du droit des outre-mer ou nouvelle lecture

(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 30 septembre, à 17 heures.)

3°) Suite du projet de loi de modernisation de notre système de santé

À 15 heures :

4°) Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3 et Public Sénat)

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.)

À 16 heures 15 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

5°) Suite de l’ordre du jour du matin

Éventuellement, vendredi 2 octobre 2015

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite et fin de l’examen des articles du projet de loi de modernisation de notre système de santé

Mardi 6 octobre 2015

À 14 heures 30 :

1°) Explications de vote des groupes sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé

(La conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 5 octobre, à 17 heures.)

De 15 heures 15 à 15 heures 45 :

2°) Vote par scrutin public sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé

(La conférence des présidents a décidé que le scrutin public serait organisé en salle des conférences pendant une durée de trente minutes à l’issue des explications de vote, en application du chapitre XV bis de l’Instruction générale du Bureau.)

À 15 heures 45 :

3°) Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé

Y a-t-il des observations sur les propositions de la conférence des présidents relative à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées.

18

 
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Discussion générale (suite)

Modernisation de notre système de santé

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Article 1er (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé (projet n° 406, texte de la commission n° 654, rapport n° 653, tomes I et II, avis nos 627 et 628).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le président, permettez-moi de vous adresser un salut particulier en ce jour où vous fêtez votre anniversaire ! (Exclamations et applaudissements.)

M. le président. Je vous remercie, madame la ministre !

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs et rapporteurs pour avis, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le projet de loi dont nous débutons l’examen est un texte pour l’égalité ; un texte pour les Français, pour leur vie quotidienne et pour l’avenir de leurs enfants ; un texte contre le fatalisme, le contre le déclinisme qui voudrait que notre pays, dans la tourmente internationale et face à la crise économique, soit devenu incapable d’offrir à chacune et à chacun les mêmes droits et les mêmes chances, en tenant compte des évolutions des besoins, des attentes et des contraintes.

En matière de santé, parler d’égalité a longtemps sonné comme une évidence dans un système fondé sur les grandes valeurs de la solidarité et de l’universalité. Pourtant, des millions de nos concitoyens sont confrontés à l’érosion de cette promesse républicaine, parce qu’ils sont moins informés que les autres sur la manière de préserver leur santé, parce qu’ils sont parfois contraints de renoncer à se soigner pour des raisons financières, parce qu’ils ont du mal à s’orienter et à se défendre dans un système devenu complexe.

Je parle de tous ces Français qui vivront moins longtemps que les autres, du fait de leur situation sociale. Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un fait : d’un bout à l’autre de la ligne B du RER, en région parisienne, en quelques dizaines de minutes de trajet, on perd trois ans d’espérance de vie ! Un cadre vit, en moyenne, sept ans de plus qu’un ouvrier ; cette réalité-là, nous ne pouvons pas l’occulter !

Ces inégalités prennent racine dès le plus jeune âge et se transmettent parfois de génération en génération. Plus inquiétant encore : elles se sont aggravées dans les années 2000, en raison de l’explosion des maladies chroniques, du vieillissement de la population et des nouveaux risques que notre environnement fait peser sur notre santé.

Songez que les familles ouvrières, qui comptaient en 2002 quatre fois plus d’enfants obèses que les familles de cadres, en comptent aujourd’hui dix fois plus ! Comment imaginer, face à une telle situation, qu’il soit possible de rester immobile, ou qu’il suffise d’approfondir des politiques qui ont montré leurs limites ?

L’ambition qui m’anime depuis trois ans est assumée : innover, adapter et moderniser, partout où cela est nécessaire, pour réduire les inégalités d’accès aux soins.

Je pense d’abord aux inégalités dans l’accès aux droits au sein de nos territoires. Les réduire est l’objectif du pacte territoire-santé, grâce auquel notre pays va franchir cette année le cap des 800 maisons de santé et des 400 médecins accompagnés pour leur installation dans les zones sous-dotées. Au service du même objectif d’égalité territoriale, j’ai mis fin au « tout-T2A », qui pénalisait les hôpitaux locaux, auxquels des financements spécifiques sont désormais accordés.

Je pense ensuite aux inégalités d’accès aux droits de chacun liées à des raisons financières. L’encadrement des dépassements d’honoraires, le coup d’arrêt donné aux mesures de désengagement de l’assurance maladie et le relèvement des plafonds de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, et de l’aide à la complémentaire santé, l’ACS, sont autant de mesures destinées à les réduire.

Au cours de sa réunion de demain matin, la commission des comptes de la sécurité sociale confirmera une nouvelle fois que, après plus de dix années de hausse, le montant qui reste à la charge des Français en matière de santé diminue régulièrement depuis 2012 ; elle constatera que cette diminution s’est poursuivie l’année dernière.

Oui, en un peu plus de trois ans à peine, de premiers résultats ont été obtenus ! Mais cette nouvelle donne ne saurait être un prétexte à l’immobilisme, à l’inaction : elle nous invite, au contraire, à maintenir le cap, en poursuivant et en amplifiant la modernisation de notre système de santé. Parce que les avancées des trois dernières années montrent que l’action porte ses fruits, nous devons continuer d’agir, avec une volonté et une ténacité encore plus grandes, pour que de nouveaux résultats soient au rendez-vous.

L’enjeu qui est aujourd’hui devant nous, et qui est au cœur du présent projet de loi, est de continuer à innover.

Nous devons innover, d’abord, dans l’organisation des soins, en passant d’un système aujourd’hui cloisonné et trop centré sur l’hôpital à une médecine de parcours et de proximité, structurée autour du médecin traitant et fondée sur lui, ainsi que, bien sûr, sur les besoins du patient.

Nous devons innover, ensuite, en matière de prévention, pour permettre à nos concitoyens de mieux protéger leur santé.

Nous devons innover, enfin, en matière de démocratie sanitaire, pour permettre aux Français de mieux s’informer, de décider et de se défendre.

En matière de santé, comme d’ailleurs dans d’autres domaines, notre pays a trop souffert de déclarations de principe. Les défis qui sont devant nous nous invitent à l’action, assurément, mais aussi et surtout à l’innovation, à l’inventivité et à l’audace.

L’audace, mesdames, messieurs les sénateurs, consiste à accepter de faire bouger les lignes, à reconnaître que des mesures fortes, nouvelles, parfois radicales, sont nécessaires, à assumer la confrontation avec certains conservatismes, avec certains immobilismes, avec certaines inquiétudes aussi, et avec des acteurs qui instrumentalisent trop facilement l’économie pour balayer les enjeux de santé publique.

Tels sont les fondements du projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter au nom du Gouvernement, et qui vise trois grands objectifs : mieux prévenir, mieux soigner dans la proximité et renforcer les droits.

S’agissant d’abord de la prévention, elle doit devenir le socle de notre système de santé. Il y a là, mesdames, messieurs les sénateurs, un tournant majeur. La prévention, tout le monde en parle, mais la vérité oblige à reconnaître qu’elle n’occupe pas aujourd’hui, dans notre système de santé, la place qui devrait être la sienne. De fait, nombre de maladies pourraient être évitées si nos concitoyens étaient aidés à mieux se protéger en adoptant de meilleures habitudes et de meilleurs comportements.

Il faut agir dès le plus jeune âge, car c’est le moment où les inégalités de santé, directement liées aux inégalités sociales, s’installent et se creusent. Mise en place d’un parcours éducatif en santé depuis la maternelle jusqu’au lycée, instauration du paquet de cigarettes neutre, interdiction de fumer en voiture en présence d’un mineur, création d’un délit d’incitation à la consommation excessive d’alcool, amélioration du dépistage des infections sexuellement transmissibles, mise en place d’un étiquetage nutritionnel clair et lisible des aliments, expérimentation de salles de consommation à moindre risque pour accompagner les toxicomanes les plus marginalisés vers le sevrage, protection des riverains, amélioration des dépistages et renforcement de la prévention des risques, y compris en prison : toutes ces mesures donneront corps à une véritable stratégie de prévention, une stratégie cohérente, innovante et efficace, qui marquera une étape historique pour la santé des Français.

En ce qui concerne le développement d’une médecine de proximité articulée autour du médecin traitant, deuxième volet du projet de loi, nous entendons faire tomber les barrières qui limitent l’accès aux soins, qu’elles soient géographiques, financières ou administratives. La généralisation du tiers payant, la création d’une lettre de liaison transmise par l’hôpital au médecin traitant dont le patient sort d’un établissement, l’instauration d’un numéro d’appel national unique pour joindre un médecin de garde en dehors des heures d’ouverture des cabinets médicaux, la mise en place des communautés territoriales professionnelles de santé, qui rendront possibles des parcours de soins coordonnés, le rétablissement du service public hospitalier et la création des groupements hospitaliers de territoire sont autant d’avancées déterminantes.

Ce projet de loi marque le passage d’une organisation « hospitalo-centrée » à un système qui fait du médecin généraliste le centre de gravité de la prise en charge du patient. Nous sommes loin, mesdames, messieurs les sénateurs, très loin d’une supposée étatisation de la médecine en France, épouvantail agité depuis des mois, quand la philosophie et la substance du projet de loi se situent à l’opposé. En vérité, mesdames, messieurs les sénateurs, nulle part dans ce texte vous ne trouverez trace d’une soumission de la médecine libérale à une quelconque organisation étatique !

Le renforcement des droits des patients et le développement de la transparence forment le troisième volet du projet de loi. Dans ce domaine, nous vous proposons d’ouvrir une nouvelle étape en reconnaissant au patient de nouveaux droits individuels et collectifs : renforcement du rôle des associations d’usagers, qui seront désormais présentes dans toutes les agences sanitaires nationales ; création de l’action de groupe en santé, qui, si l’on songe à certains scandales récents, aurait permis aux victimes de mieux se défendre ; droit à l’oubli pour d’anciens malades du cancer et, à terme, d’autres pathologies ; mise à disposition des données de l’assurance maladie, évidemment anonymisées, aux chercheurs, aux start-up et aux lanceurs d’alerte.

S’agissant de la transparence des relations entre les professionnels de santé et les acteurs industriels, toutes les conventions d’expertise et les avantages en nature, ainsi que les montants de ceux-ci, seront rendus publics, et chaque agence sanitaire sera désormais dotée d’un déontologue dont le rapport, public, fera état de l’ensemble des liens d’intérêts. Il faut mesurer, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il y a là un progrès majeur, car l’état actuel du droit, contrairement à ce que certains imaginent, ne permet pas de rendre obligatoire la déclaration des conventions d’expertise unissant des industriels et des professionnels de santé ; le présent projet de loi prévoit cette obligation.

Ce projet de loi, je l’ai élaboré dans l’échange et dans la concertation. Il a évolué au cours de cette concertation, et il continuera assurément d’évoluer ; telle est évidemment la raison d’être du travail parlementaire. Je n’en défendrai pas moins jusqu’au bout ses principes, sa cohérence et ses mesures structurelles et innovantes.

Plusieurs d’entre vous ont participé à l’un des 200 débats régionaux qui se sont tenus sur le territoire pour construire ce projet de loi, contribuant ainsi à la dynamique participative dont il est le fruit.

La concertation, le partage et la confrontation des points de vue, j’ai tenu à les poursuivre au Parlement. C’est ainsi que, à l’Assemblée nationale, les débats en première lecture ont conduit à des avancées dans deux directions.

D’une part, pour répondre aux inquiétudes des médecins libéraux, des précisions et des garanties nouvelles ont été introduites dans la lettre même du projet de loi, notamment en ce qui concerne l’organisation des parcours, structurée de façon explicite autour du médecin généraliste, et la généralisation du tiers payant, qui sera mise en œuvre de manière simple – c’est un engagement – et progressive d’ici à 2017, et associée à une garantie de rapidité de paiement inscrite dans la loi.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Mais les médecins n’ont pas été rassurés pour autant !

Mme Marisol Touraine, ministre. D’autre part, le travail avec les députés a permis d’aller plus loin, d’ouvrir des champs nouveaux. Ainsi, dans le domaine de la santé environnementale, l’information du public sera améliorée en matière de pollution de l’air. Par ailleurs, le concept d’exposome a été inscrit dans le projet de loi, et le bisphénol A interdit dans les jouets pour enfants. De même, en ce qui concerne les droits des femmes, l’accès à l’IVG a été renforcé au-delà de ce que le Gouvernement avait proposé, et le délai de réflexion a été supprimé.

C’est avec cette même volonté d’avancer et d’enrichir le texte que je viens devant vous, aujourd’hui, dans un contexte évidemment particulier.

En effet, la commission des affaires sociales du Sénat a supprimé ou significativement altéré plusieurs des mesures essentielles que défend le Gouvernement : la généralisation du tiers payant, la mise en place du paquet neutre, la suppression du délai de réflexion pour l’interruption volontaire de grossesse, le consentement présumé au don d’organes – qui existe pourtant depuis la loi Caillavet –, le rétablissement du service public hospitalier, l’action de groupe en santé ou l’ouverture de l’accès aux données en santé… La liste n’est pas exhaustive, mais elle est déjà impressionnante !

Au fond, c’est la colonne vertébrale même de la loi qui a été supprimée. Or, lorsque le corps n’a plus de colonne vertébrale, en règle générale, il a du mal à se tenir droit ! Le « corps » de la loi s’est donc amolli, affaissé et n’a plus qu’un lointain rapport avec l’engagement du Gouvernement en faveur de la réduction des inégalités, du renforcement de la proximité du système de santé et des droits de nos concitoyens.

Parce que je crois profondément, avec le Gouvernement, à la cohérence de ce texte, parce que j’ai à cœur de répondre aux attentes de nos concitoyens, qui veulent que nous allions de l’avant, je vous proposerai des amendements visant à réintroduire les mesures structurelles qui ont été supprimées par la commission. À l’évidence, défendre un tel texte devant vous, y compris après le travail réalisé en commission, est un enjeu démocratique pour le Gouvernement, tout comme l’est celui de porter ses engagements et ses convictions devant les Français. Il s’agit donc, pour le Gouvernement comme pour moi, d’un enjeu de cohérence et de crédibilité.

S’agissant des mesures supprimées en commission par la majorité sénatoriale, j’ai conscience que la probabilité que les amendements déposés par le Gouvernement soient adoptés est… relativement faible. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.) J’ai pourtant fait le choix de les présenter à nouveau, parce que je suis attachée au débat et parce que je respecte le rôle que joue le Sénat dans le travail parlementaire. En effet, il me semble à la fois respectueux et nécessaire que nous puissions débattre de ces mesures fondamentales devant les Français qui regardent nos discussions, et pas uniquement en commission. Mais je défendrai aussi ces amendements avec la conviction que la navette parlementaire redonnera au texte sa force et ses ambitions d’origine.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, porter une loi, c’est faire des choix, c’est défendre une vision de la société ! Ce projet de loi améliorera le quotidien des Français. Il y aura donc un avant et un après ce projet de loi.

J’ai pris l’engagement devant les Français de mieux les protéger, de faire progresser notre système de santé, afin qu’il reste l’un des meilleurs au monde – et alors même que les défis sont multiples –, en un mot, de faire vivre notre République sociale. Aussi, vous pouvez compter sur ma détermination pour le tenir.

Je resterai à l’écoute de toutes les suggestions que vous formulerez, de sorte que nous puissions aller dans le bon sens et contribuer à améliorer davantage la santé de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, corapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, annoncé de longue date, ce projet de loi « de santé » arrive devant le Sénat après une longue phase de préparation. Le Gouvernement a apporté des modifications substantielles à son propre texte et de très nombreuses dispositions supplémentaires – plus de 150 articles – ont été introduites lors de la première lecture à l’Assemblée nationale.

Ce texte juxtapose des dispositions d’importance extrêmement variable et portant sur un très grand nombre de sujets. De ce fait, il se révèle difficile à appréhender et se prête mal aux appréciations globales.

Si la commission des affaires sociales a profondément modifié beaucoup d’articles – elle en a aussi supprimé –, en raison d’oppositions de fond ou dans le souci de résister à la tentation de l’inflation législative, elle a également adopté sans modification, ou moyennant de simples corrections rédactionnelles, environ la moitié des 209 articles du texte transmis par l’Assemblée nationale.

Ce projet de loi représente le premier grand texte sur la santé depuis le vote en 2009 de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST ».

Cette loi a fait profondément évoluer l’organisation territoriale de notre système de santé. Ainsi, plus personne ne conteste, aujourd’hui, l’existence des agences régionales de santé, les ARS. J’observe d’ailleurs une tendance générale à vouloir confier à ces agences la mission de rechercher des solutions à tous les problèmes de soins ! Peut-être devrons-nous songer à recentrer les responsabilités des ARS sur quelques sujets essentiels, une fois que celles-ci auront réussi à s’adapter à la nouvelle organisation régionale.

Madame la ministre, votre texte ne remet pas fondamentalement en cause la loi HPST, même s’il y apporte des modifications. Certaines d’entre elles peuvent d’autant plus recueillir notre accord que, à l’époque, au Sénat, nous avions soutenu des positions dont on ne retrouvait plus trace dans le texte finalement adopté ; je pense notamment à la place des médecins au sein de l’hôpital.

En revanche, d’autres aspects de votre texte ont suscité de très sérieuses réserves de notre part, voire une franche opposition. Pour m’en tenir aux dispositions relatives à l’organisation des soins et aux établissements de santé, le texte issu des débats à l’Assemblée nationale comporte certaines évolutions plutôt positives par rapport au projet de loi d’origine. Toutefois, c’est en réaction à vos propositions initiales, à la suite de négociations in extremis, et alors que le texte allait être examiné en commission à l’Assemblée nationale, que de nouvelles orientations ont été adoptées.

Madame la ministre, vous nous avez dit avoir mené de larges concertations préalablement au dépôt du texte. (M. Jean-Baptiste Lemoyne s’exclame.) Cependant, pour qu’une véritable concertation ait lieu, il ne suffit pas de réunir les acteurs concernés. Encore faut-il entendre ce qu’ils ont à dire ! Les professionnels de santé l’ont tous fortement souligné : ce n’est qu’au dernier moment que leur avis a été pris en compte, et cela partiellement.

En instituant, à l’article 12, un service territorial de santé au public, le STSP, vous faisiez de ce projet de loi un texte d’hyper-administration, qui plaçait l’essentiel du pouvoir de décision entre les mains des directeurs généraux des ARS, et qui instaurait une forme de planification ambulatoire, inacceptable pour les praticiens libéraux. L’Assemblée nationale a remanié le texte en substituant au STSP une autre formule, celle de la communauté professionnelle territoriale de santé ou CPTS.

Néanmoins, la commission des affaires sociales a jugé indispensable de prendre davantage en compte les initiatives des professionnels de santé de terrain, sans lesquels rien ne peut se faire. Elle a donc remplacé les CPTS par les pôles de santé renforcés. En effet, il ne semble pas opportun de remettre en cause, lors de l’examen de chaque nouvelle loi de santé, des dispositifs qu’on a à peine eu le temps de faire fonctionner, a fortiori s’ils fonctionnent bien !

Les groupements hospitaliers de territoire prévus par l’article 27 – les fameux GHT – nous paraissent susceptibles d’offrir aux hôpitaux publics le moyen de s’adapter plus aisément aux besoins des territoires et de favoriser l’accès de tous et en toute sécurité à des soins de qualité. Cependant, compte tenu des remontées de terrain, la commission a jugé nécessaire de s’assurer que les équipes soignantes seraient à l’origine du projet médical des GHT et que ces derniers ne dépendraient pas d’une décision unilatérale des ARS. Nous estimons également important que les élus ne soient pas de simples spectateurs du fonctionnement des GHT et qu’ils puissent participer activement à la définition de leur stratégie.

D’autres modifications substantielles ont été introduites. Je pense notamment à celle apportée à l’article 26 avec le maintien des missions de service public pour les établissements de santé privés à but lucratif. Nous ne sommes certes pas opposés au rétablissement d’une étiquette « service public » pour les établissements publics ou non lucratifs, mais nous ne voyons aucune raison de pénaliser les établissements privés qui s’engagent à mener des missions de service public à tarif opposable.

J’en viens désormais à une mesure qui, pour nous, n’a pas sa place dans ce texte et qui cristallise les oppositions : il s’agit de la mise en place du tiers payant obligatoire et généralisé. La commission des affaires sociales estime que cette disposition, dont la mise en œuvre est complexe et qui rompt avec les modalités d’exercice de la médecine libérale, n’est pas véritablement nécessaire dès lors qu’elle s’applique déjà aux publics les plus fragiles et qu’elle a été largement adoptée par les médecins pour les patients atteints d’affections de longue durée.

S’agissant de l’accès aux soins, je signale d’ailleurs que la commission des affaires sociales a adopté deux amendements identiques de nos collègues Mmes Aline Archimbaud et Laurence Cohen, qui rendent automatique le renouvellement de l’aide à la complémentaire santé pour les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées.

Alors qu’elle n’apporte rien en termes d’accès aux soins des plus démunis, la généralisation du tiers payant suscite une crispation inutile, obérant tout progrès dans les discussions conventionnelles sur des sujets autrement plus urgents et importants pour notre système de santé. Pour l’ensemble de ces raisons, mais aussi pour des raisons que nous exposerons ultérieurement lors de l’examen des articles, nous avons donc supprimé l’article 18 du projet de loi.

Plus fondamentalement, on ne peut aujourd’hui discuter d’une loi de santé publique sans engager parallèlement une réforme permettant de financer durablement l’accès aux soins de tous. La réflexion ne devra pas seulement porter sur les sources de financement des dépenses sociales, mais aussi sur l’architecture même de la sécurité sociale. Cette dernière doit être pilotée par la seule autorité légitime pour définir la politique de santé dans notre pays, à savoir la ou le ministre.

À titre personnel, je suis également convaincu qu’il est possible de garantir la prise en charge intégrale des dépenses de santé par l’assurance maladie en procédant à une simplification drastique des structures de remboursement. De fait, dans la mesure où il n’aborde pas la question du financement pérenne des soins, ce texte demeure nécessairement incomplet.

Le présent projet de loi n’en demeure pas moins foisonnant, et je n’ai abordé que quelques-uns de ses nombreux aspects. Aussi, Mmes Catherine Deroche et Élisabeth Doineau, également corapporteurs de la commission des affaires sociales sur ce texte, interviendront au cours de la discussion générale pour évoquer successivement les autres chapitres de ce texte, en particulier celui de la prévention.

Ainsi que l’exposera Mme Doineau, notre commission a pris le parti de ne pas se payer de mots et de supprimer les dispositions déclaratoires, redondantes ou relevant d’autres textes. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est cette même ligne que nous avons suivie – durement, je dois l’avouer – lors de l’examen entamé cet après-midi en commission des amendements soumis à notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en matière de prévention – ce vaste sujet qui constitue la première partie de ce texte –, la commission des affaires sociales a adopté nombre des dispositions du projet de loi transmis par l’Assemblée nationale.

L’assouplissement des conditions d’accès à la contraception d’urgence des élèves du second degré, le renforcement de la lutte contre la consommation excessive d’alcool, en particulier chez les plus jeunes, l’information des jeunes adultes sur l’examen de santé gratuit, la signalétique nutritionnelle facultative complémentaire sur les emballages alimentaires ou encore l’encadrement de l’usage des appareils de bronzage artificiel sont autant de mesures qui nous paraissent aller dans le bon sens.

La commission a souhaité préciser l’article 5 quinquies B, relatif à l’information sur les photographies retouchées, afin d’en garantir la clarté et la constitutionnalité.

Elle a en revanche supprimé la création d’un délit pénal d’incitation à la maigreur excessive. Ainsi que l’avait montré dans son rapport notre collègue Patricia Schillinger en 2008, l’anorexie est une pathologie qui ne résulte pas d’une simple incitation, et cet article aboutirait à pénaliser, de manière contreproductive, un symptôme de la maladie.

Plusieurs autres dispositions de ce chapitre nous paraissaient ne pas devoir être maintenues, car elles prétendent, comme l’a souligné le président Milon, faire évoluer les pratiques de manière déclaratoire, sans prévoir de moyens correspondants ni de réelles modifications du droit en vigueur. Dans un souci de bonne législation, la commission a préféré les supprimer, même si les intentions étaient louables.

Le projet de loi comporte 20 articles consacrés à la lutte contre le tabagisme. La commission des affaires sociales en partage très clairement les objectifs. Près de quarante ans après la loi Veil et la création des zones non-fumeurs, la lutte antitabac reste en effet d’actualité.

Je ne reviens pas sur les ravages sanitaires que vous connaissez tous, mais cette question de santé publique tend à se doubler d’une question sociale : alors que le tabagisme recule chez les plus favorisés, il est très élevé chez les personnes à faibles revenus.

Face à ce constat, que faisons-nous ? Il est un levier dont nous connaissons l’efficacité : l’augmentation brutale de la fiscalité, donc des prix. Je rappelle que, en 2003, dans le cadre du premier plan cancer, une augmentation de 40 % des prix du tabac a permis une chute de 32 % de la consommation. Depuis lors, aucun ministre de la santé n’a eu le pouvoir de répéter cette opération. Rappelons-le, au 1er janvier 2015 aucune augmentation n’est intervenue.

C’est pourquoi nous soutenons la disposition, adoptée par l’Assemblée nationale, de cosignature par le ministre de la santé de l’homologation des prix du tabac, tout en étant vigilants sur le marché parallèle.

D’après la dernière étude réalisée pour le compte des industriels, nous savons tous qu’un quart des achats de tabac s’effectue hors du réseau des buralistes. L’administration des douanes confirme cet ordre de grandeur, tout en estimant à 20 %, et non à 5 %, la part des achats transfrontaliers légaux, ce qui change assez fortement la donne sur les priorités. Notre premier combat est donc de parvenir à une harmonisation fiscale au niveau européen, alors même que nos voisins mènent clairement une politique non coopérative.

En ce qui concerne les buralistes, nous devons être clairs sur les principes : nous ne pouvons pas soutenir les buralistes en difficulté en encourageant la consommation de tabac. En revanche, nous devons accompagner résolument l’évolution de cette profession vers la commercialisation d’autres biens et services, en repensant, de façon volontariste, leur place dans les services au public, notamment en zone rurale, où ils souffrent particulièrement.

Nous avons ainsi abordé les articles relatifs au tabac avec détermination, à travers l’interdiction de la publicité résiduelle, du mécénat, des arômes et additifs, de la vente aux mineurs et du tabagisme en voiture, mais aussi avec réalisme, en ce qui concerne les sanctions pénales, la taxation du chiffre d’affaires et l’harmonisation européenne, enfin avec pragmatisme, en ce qui concerne notamment la suppression des wagons vapoteurs dans le RER ou la distance entre les débits de tabac.

De même, un très large consensus s’est établi au sein de notre commission quant à la nécessité d’une harmonisation européenne des avertissements sanitaires présents sur les paquets de cigarettes. Nous pensons qu’elle constitue une étape importante, dans la mesure où certains de nos voisins n’apposent encore aucun avertissement sanitaire.

Cette harmonisation n’exclut pas que notre pays rallie un jour ses partenaires à l’idée du paquet neutre, mais dans le cadre d’une révision de la directive applicable à tous les États membres. Il nous a semblé qu’un engagement isolé de la France en Europe continentale sur ce point était prématuré pour un bénéfice incertain et, de toute façon, difficilement quantifiable pour cette seule mesure.

Le texte comporte par ailleurs d’importantes dispositions relatives, d’une part, à l’action de groupe en matière de santé, et, d’autre part, au régime de l’ouverture des données de santé. Il nous a semblé que la rédaction proposée était parvenue à un équilibre satisfaisant, permettant de garantir un juste milieu entre l’ouverture raisonnée des données de santé, qui était attendue depuis longtemps, et la protection des informations à caractère personnel.

Sur ces deux sujets, nous avons adopté plusieurs amendements d’ordre principalement technique, notamment sur l’initiative de notre collègue André Reichardt, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, permettant de clarifier, de préciser ou de renforcer les garanties figurant dans le texte. En outre, les dispositions relatives à la démocratie sanitaire ont fait l’objet d’un large accord.

En ce qui concerne le droit à l’oubli, le texte que nous allons examiner impose aux associations de malades, aux représentants des assureurs et aux pouvoirs publics de s’entendre pour permettre aux anciens malades du cancer ou de certaines affections chroniques d’accéder à une assurance-crédit dans les mêmes conditions que les personnes n’ayant pas d’antécédents.

La convention AERAS, c'est-à-dire « S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé », a ainsi été modifiée le 2 septembre dernier, afin de mettre en œuvre ce dispositif. En juillet dernier, la commission a choisi de s’en tenir au texte qui avait été proposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, privilégiant ainsi la démarche partenariale. Toutefois, on peut regretter que l’accord trouvé n’aille pas assez loin, et cela fera l’objet de débats en séance.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, telles sont les principales observations de la commission des affaires sociales concernant le volet prévention de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, corapporteur.

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au sein de ce projet de loi, il me revenait plus particulièrement de suivre les dispositions relatives à la définition générale de la politique de santé, à la santé environnementale, à la santé au travail, à la formation des professionnels de santé, ainsi que les mesures dites « de simplification et d’harmonisation » qui sont regroupées au sein du titre V.

La simplification est en effet un objectif souvent affiché. Malheureusement, comme l’a déjà souligné le président Alain Milon, ce projet de loi, dans sa version issue de l’Assemblée nationale, se caractérisait plutôt par un foisonnement de dispositions à caractère plus déclaratif que normatif et déjà satisfaites par la législation actuelle ou entrant dans un degré de détail relevant du règlement ou de la circulaire.

La commission des affaires sociales s’est donc attachée à distinguer les mesures ayant un impact réel sur notre système de santé de celles dont la portée juridique ou pratique n’est pas avérée.

Ce n’est pas le fond de ces articles ou de ces amendements qui est ici en question. En effet, il ne s’agit pas de contester l’intérêt de telle ou telle action de santé publique, le rôle de telle ou telle profession de santé ou encore la pertinence de telle ou telle pratique professionnelle, mais simplement de conserver à la loi la fonction que lui assigne la Constitution, à savoir déterminer des principes fondamentaux.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous regrettons tous l’inflation législative et les lois bavardes. Le président de l’Assemblée nationale lui-même s’en inquiétait avec force à la fin du mois de juillet dernier dans la presse, déplorant « des lois trop volumineuses » et la propension du Gouvernement à « faire gonfler ses propres textes au cours de la procédure » avec des mesures nouvelles adoptées « sans étude d’impact, ni avis du Conseil d’État ». Autant de reproches qui semblent pleinement s’appliquer au présent projet de loi.

Il convient donc d’agir résolument pour mettre en accord notre volonté et nos pratiques, afin de garantir la qualité de la loi.

C’est pourquoi la commission des affaires sociales a supprimé les dispositions qui, à ses yeux, sont plutôt d’ordre réglementaire, les déclarations d’objectif dépourvues de portée normative, ou encore des demandes de rapports sur des questions pouvant déjà trouver leurs réponses dans les publications administratives ou scientifiques existantes.

C’est dans cet esprit que nous avons simplifié la rédaction de l’article 1er, qui définit les objectifs généraux de la politique de santé et n’a pas nécessairement à en énumérer tous les aspects.

S’agissant des dispositions relatives à la prévention, le chapitre IV du titre Ier traite des relations entre la santé et l’environnement. Il s’agit là d’un sujet majeur, dont l’importance ne fera que croître à l’avenir. Je tiens d’ailleurs à souligner ici que le Sénat a joué depuis longtemps un rôle d’aiguillon dans ce domaine, alertant régulièrement le Gouvernement sur les dangers que présentent pour la santé humaine les atteintes portées à l’environnement.

Le texte du Gouvernement ne comportait à l’origine que deux articles consacrés à ce problème.

Un premier article portait sur la pollution atmosphérique, ce qui rejoignait d’ailleurs les préoccupations exprimées par la récente commission d’enquête sénatoriale concernant le coût économique et financier de la pollution de l’air.

Un second article autorisait les préfets à prendre des mesures coercitives pour lutter contre la présence d’amiante dans les immeubles bâtis, répondant, là encore, à des enjeux soulevés de longue date par notre Haute Assemblée. Je pense bien entendu ici au rapport de la mission d’information de 2005 sur l’amiante, puis au rapport de suivi de cette mission d’information, qui a été rendu en 2014 par plusieurs de nos collègues.

Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, les députés ont adopté de nombreux articles additionnels, dont plusieurs sur l’initiative du Gouvernement. Ces articles prévoient notamment de confier de nouvelles missions à l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, de réglementer l’usage des brumisateurs, de lutter contre les espèces nuisibles ou bien encore de prévenir les risques liés au bruit. Si ces mesures sont quelque peu hétéroclites, elles vont dans le bon sens. La commission leur a donc apporté son soutien.

En revanche, on peut regretter que la santé au travail apparaisse comme le parent pauvre de ce projet de loi. S’il offre une voie d’accès supplémentaire à la spécialité de la médecine du travail et constitue une réponse à certaines aspirations de reconversion ou de diversification des parcours professionnels, il est loin, à mon sens, de contribuer à l’indispensable renforcement de l’attractivité de cette filière médicale.

S’agissant de la formation des professionnels de santé, la commission a approuvé sans modification les articles relatifs au développement professionnel continu, aux stages des étudiants paramédicaux, aux statuts des assistants dentaires et des étudiants sages-femmes.

Enfin, il faut souligner que le projet de loi comprend un nombre inhabituel d’habilitations du Gouvernement à légiférer par ordonnances : dix articles visant plus d’une centaine de domaines.

Dans la mesure où plusieurs de ces sujets ne présentent pas un caractère purement technique, il nous a semblé indispensable que le Parlement puisse les examiner dans le cadre normal de la procédure législative. Je pense en particulier aux conditions de création, de gestion, d’organisation et de fonctionnement des centres de santé et des maisons de santé, à l’organisation de la transfusion sanguine, à l’accès aux soins de premier recours, aux règles relatives aux ordres des professions de santé, ou encore au droit applicable aux recherches biomédicales.

Mes chers collègues, la commission des affaires sociales a souhaité élaborer un texte adapté aux besoins de nos concitoyens et plus lisible, recentré sur des dispositions ayant un impact concret sur l’organisation et le fonctionnement de notre système de santé. Elle vous demande d’adopter ce projet de loi, ainsi modifié. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis.

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur les 209 articles du projet de loi de modernisation de notre système de santé, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ne s’est saisie que de 17 articles qui entrent directement dans le champ de sa compétence : 16 articles, pour l’essentiel ajoutés lors du débat à l’Assemblée nationale, traitent des questions de santé et d’environnement et un article, malheureusement le seul, est relatif à la lutte contre les déserts médicaux.

En ce qui concerne les aspects santé-environnement, la commission soutient la plupart des avancées du projet de loi : la prise en compte de la notion d’exposome, le renforcement de la surveillance des pollens et moisissures de l’air extérieur, l’amélioration des remontées d’information sur l’amiante et le plomb, la mise en place de valeurs de référence pour l’exposition au radon, l’encadrement des brumisateurs d’eau dans l’espace public ou encore l’interdiction des jouets au bisphénol A. Je me félicite que ces dispositions soient maintenues dans le texte élaboré par la commission des affaires sociales.

Toutefois, notre commission propose d’aller plus loin en ce qui concerne les appareils de bronzage : sur mon initiative, elle a adopté un amendement à l’article 5 quinquies E, afin d’interdire purement et simplement les cabines UV.

D’un point de vue scientifique, le doute n’est plus permis : on sait qu’une seule exposition en cabine UV avant l’âge de trente-cinq ans entraîne un « sur-risque » de développer un cancer de la peau de 59 %. On sait également que le nombre de mélanomes a triplé entre 1980 et 2005 : on compte 9 780 nouveaux cas et 1 620 décès.

Il est temps d’agir, et notre commission envoie un signal fort. Cette interdiction est d’ailleurs recommandée par l’Académie de médecine depuis de nombreuses années et déjà mise en œuvre au Brésil et en Australie.

Le débat en commission des affaires sociales a fait ressortir la nécessité de préciser les conditions d’entrée en vigueur d’une telle disposition. J’ai donc rectifié notre amendement, afin de bien renvoyer au pouvoir réglementaire le soin d’édicter ces mesures. Le plus important est que le principe de l’interdiction des cabines UV soit inscrit dans la loi !

En matière de lutte contre les déserts médicaux, les mesures mises en œuvre par le Gouvernement dans le cadre du pacte territoire-santé ne sont pas inutiles, mais elles ne permettront pas, à elles seules, de résoudre l’épineuse équation de la démographie médicale à l’horizon de 2020. Il faut, là aussi, aller plus loin. C’est d’ailleurs ce qu’avait recommandé le président Hervé Maurey dans son rapport de 2013 sur cette question.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la France n’a jamais compté autant de médecins – 198 365 en exercice régulier en 2015, dont 44,7 % de libéraux –, mais que ceux-ci n’ont jamais été aussi mal répartis sur le territoire. Les écarts de densité varient de 1 à 4 entre le département de l’Eure, qui compte 167 médecins pour 100 000 habitants, et Paris, qui en recense 678 pour 100 000 habitants.

Globalement, l’« exode médical » du centre de la France vers les régions littorales et la façade Est continue de s’aggraver. Même la région d’Île-de-France enregistre une diminution de 6 % du nombre de ses médecins entre 2007 et 2015.

Je vous rappelle, enfin, que si l’on observe la situation encore plus finement au niveau infradépartemental, on constate qu’il existe des déserts médicaux dans tous les départements, y compris les mieux dotés.

Par ailleurs, les écarts de densité varient également d’une spécialité à l’autre : en 2014, ils sont de 1 à 2 pour les médecins généralistes, de 1 à 8 pour les médecins spécialistes, de 1 à 9 pour les infirmiers libéraux, de 1 à 4 pour les masseurs-kinésithérapeutes, de 1 à 5 pour les sages-femmes et de 1 à 3 pour les chirurgiens-dentistes.

Finalement, le constat dressé par Hervé Maurey en 2013 ne change pas : quelque trois millions de Français vivent dans un désert médical. Et même, la situation s’aggrave. On est passé de 64 778 médecins généralistes en 2007 à quelque 58 104 en 2015, soit une baisse de 10,3 %. Une diminution supplémentaire de 6,8 % est à prévoir d’ici à 2020.

Quatre autres spécialités sont également en souffrance : la rhumatologie – en baisse de 10,3 % depuis 2009 –, la dermatologie – en baisse de 7,7 % depuis 2009 –, la chirurgie générale – en baisse de 4,7 % depuis 2009 – et l’otorhinolaryngologie – en baisse de 7,8 % depuis 2009.

Quatre départements sont d’ores et déjà totalement dépourvus de certaines spécialités, qui semblent pourtant nécessaires compte tenu du profil des populations : la Lozère ne dispose ainsi d’aucun neurologue ni rhumatologue, tandis que la Corse-du-Sud, la Creuse et la Meuse ne comptent aucun gériatre.

Dans l’ensemble, ces difficultés vont mécaniquement continuer à s’accentuer si aucune réponse forte n’est apportée : le « creux démographique » est attendu pour 2020.

Dans ce domaine, les dispositifs mis en place par presque tous les gouvernements successifs depuis le début des années quatre-vingt-dix, à caractère essentiellement incitatif, n’ont pas eu les effets escomptés. Par conséquent, notre commission a adopté, à l’unanimité, deux amendements visant à mettre en œuvre concrètement les propositions du rapport Maurey de 2013.

Le premier vise à avancer vers la professionnalisation des études de médecine. Au cours de mes auditions, j’ai appris à ma grande surprise que, chaque année, environ 25 % des médecins diplômés d’une faculté française décident finalement, au terme d’un long cursus d’études, de ne pas s’inscrire au tableau de l’ordre des médecins pour exercer une autre profession – dans le journalisme ou l’administration, par exemple. Ce sont autant de coûteuses années d’études de médecine qui sont financées en pure perte par la société.

À cela s’ajoute le problème plus spécifique de la médecine générale, qui ne séduit toujours pas les futurs praticiens : seulement 46 % des places ouvertes en médecine générale sont occupées par des internes.

Pour éviter que les jeunes diplômés n’abandonnent leur vocation au bout de onze ou de douze années d’études, la commission souhaite leur permettre d’appréhender le plus tôt possible les contours de leur futur métier, par le biais d’une expérience de terrain en amont de leur cursus. À l’heure actuelle, la France accuse un véritable retard en matière de professionnalisation des études de médecine. Des pays comme le Canada ou l’Estonie ont déjà complètement réorienté leurs mécanismes de formation vers l’immersion précoce.

Notre commission souhaite par conséquent ouvrir la brèche, en prévoyant que les études de médecine doivent favoriser « l’immersion précoce des étudiants dans un environnement professionnel ». Elle traduit cette volonté dans les faits en rendant obligatoire un stage d’initiation à la médecine générale dès le deuxième cycle des études de médecine.

Le pacte territoire-santé prévoit un tel stage, mais ne le rend pas obligatoire. L’arrêté du 8 avril 2013 prévoit quant à lui un stage ambulatoire obligatoire, mais il ne cible pas spécifiquement la médecine générale. Nous proposons simplement de fusionner les deux, afin d’obliger les universités à promouvoir cette voie.

En effet, empiriquement, on constate que plus les étudiants pratiquent la médecine générale, plus ils l’aiment et plus ils la choisissent. Nous devons donc surmonter l’obstruction de certaines universités qui considèrent que la médecine générale n’est pas une spécialité et font fi des stages pratiques.

Le second amendement vise à mettre en place un dispositif de régulation à l’installation des médecins, à l’instar de ce qui existe de longue date chez les pharmaciens et depuis 2008 pour la plupart des professionnels de santé : infirmiers, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes et chirurgiens-dentistes.

En complément des aides à l’installation dans les zones classées comme « très sous-dotées », ce dispositif prévoit une régulation des nouveaux conventionnements dans les zones « surdotées » fondée sur la règle « une entrée pour un départ ».

Son efficacité n’est plus à démontrer. Chez les infirmiers, par exemple, il a permis une progression des effectifs dans les zones « très sous-dotées » de 33,5 % entre 2008 et 2011, ainsi qu’une diminution des effectifs dans les « zones surdotées ». On pourrait citer d’autres exemples.

Inversement, lorsque le conventionnement sélectif prend fin, le solde des installations s’inverse à nouveau. Cet effet a pu être observé chez les masseurs-kinésithérapeutes lorsque le dispositif mis en place à la fin de 2011 a été annulé par le Conseil d’État le 17 avril 2014, pour défaut de base légale. On a alors observé une reprise presque immédiate des installations en zone surdotée à partir de l’arrêt du dispositif de régulation.

Au final, ce conventionnement sélectif complète utilement les mécanismes d’incitation en faveur des zones sous-dotées. Ce sont les deux piliers d’une même stratégie, qui ne peut fonctionner correctement si l’un vient à manquer.

Pour cette raison, la commission estime qu’il est temps d’appliquer la règle « une entrée pour un départ » aux médecins qui souhaitent s’installer dans les zones surdotées.

La commission des affaires sociales a effectué un pas dans cette direction, en prévoyant une obligation de négocier à partir de la prochaine convention médicale avec l’assurance maladie. Toutefois, ce système, que nous avions également étudié, pose problème.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis. En effet, l’obligation de négocier n’offre pas de garantie de succès.

Finalement, le nombre d’amendements présentés par notre commission est volontairement réduit, mais il s’agit de mesures courageuses et importantes pour la protection des populations et des territoires. Le Sénat en est le garant, et il nous appartient de faire primer l’intérêt général. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe socialiste. – M. Jean-Noël Cardoux applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, en remplacement de M. André Reichardt, rapporteur pour avis.

M. Philippe Bas, en remplacement de M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je me dois tout d’abord d’excuser André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois, retenu par un déplacement à l’étranger qui s’est quelque peu prolongé.

Il m’a chargé, dans la mesure de mes moyens, d’être son porte-parole pour vous dire combien il a été satisfait de l’excellente collaboration qui, comme toujours, s’est établie entre la commission des lois et la commission des affaires sociales.

Voici un texte qui, comme trop souvent hélas, est un regroupement de dispositions qui n’ont pas grand lien entre elles. (M. Yves Daudigny s’exclame.) De surcroît, de trop nombreux amendements adoptés par l’Assemblée nationale l’ont encore alourdi. Il en est devenu si volumineux qu’on peut même désormais parler d’un texte obèse. Un de plus !

D’ailleurs, certains de ces amendements piétinent largement les règles constitutionnelles de partage entre la loi et le règlement. Le président de la commission des affaires sociales y a été extrêmement vigilant, ce dont je le remercie.

Naguère, on appelait ce genre de texte fourre-tout servant de voiture-balai législative aux différentes dispositions préparées par les bureaux du ministère des affaires sociales un « projet de loi portant diverses dispositions d’ordre social ». Celui que nous examinons à partir d’aujourd’hui affiche des ambitions plus élevées, puisqu’il y est question de modernisation, mais la réalité n’a malheureusement pas changé.

Il ne m’appartient pas de m’étendre sur la disposition relative au tiers payant : la commission des affaires sociales a fait son travail, en montrant que cette proposition de réforme comportait plus d’inconvénients que d’avantages, point de vue que je partage entièrement.

De fait, la commission des lois s’est plus particulièrement prononcée sur des dispositions qui, comme souvent d’ailleurs en matière de santé, soulèvent des questions très importantes relatives aux droits des personnes. En effet, dans ce domaine, les questions fondamentales ne sont jamais absentes, comme on l’a encore vu voilà quelques mois lorsque nous avons débattu ensemble de la fin de vie.

La première de ces questions, c’est celle du don d’organes. Il y avait lieu ici de rechercher un bon équilibre entre la garantie du respect de la volonté de l’individu et le devoir de solidarité envers les malades, deux exigences tout à fait fondamentales l’une et l’autre.

Il me semble que, avec la commission des affaires sociales, nous sommes parvenus à un bon compromis. Il faut être attentif à ce que les dispositions législatives que nous votons ne scandalisent pas les familles et les proches, alors qu’il leur est déjà si difficile de faire leur deuil, d’autant que, lorsque se pose la question du prélèvement, l’origine du décès est généralement accidentelle.

Cette question du prélèvement d’organes intervient dans un contexte où le travail de deuil se fait de manière accélérée. Il se produit alors même que les proches et la famille constatent que le malade, qui a été placé sous assistance respiratoire pour préserver ses organes, continue à respirer malgré son état de mort clinique.

Le travail que font depuis un certain nombre d’années les infirmiers référents dans les services hospitaliers, notamment de réanimation, est de très grande qualité. Il faut se garder de le perturber. En accompagnant les proches, les familles, ces infirmiers leur permettent d’exprimer ce qu’ils connaissent de la volonté du défunt. C’est un travail indispensable, et jamais un service hospitalier n’exercera par un prélèvement une forme de violence sur la famille en l’absence de cet accompagnement.

Je me réjouis du travail qui a été fait et qui permettra au Sénat, une fois de plus, de montrer son souci de préserver un bon équilibre, respectueux du droit des personnes. Ce faisant, notre assemblée montre qu’elle a une connaissance précise de ce qui se passe réellement dans ces moments souvent tragiques, quand se pose la question du prélèvement d’organes.

J’en viens à l’action de groupe en matière de santé. Évidemment, elle n’a rien à voir avec le sujet qui précède, mais il s’agit là aussi de déroger à un principe fondamental de notre droit, selon lequel nul ne plaide par procureur.

En matière de santé, il faut prendre en compte la situation particulière de chaque individu victime d’un éventuel aléa thérapeutique, d’une erreur ou même d’une fraude dans l’élaboration d’un protocole médical ou dans la mise au point ou l’utilisation des médicaments. Les effets peuvent très différents pour les uns et pour les autres. C’est pourquoi on ne peut créer de dispositions générales.

La commission des affaires sociales a bien pris en compte notre préoccupation, et je l’en remercie. Sur ce point, nous sommes arrivés à un compromis tout à fait intéressant.

J’en arrive à l’ouverture des données de santé. Quel dommage de ne pas utiliser davantage, pour élaborer nos politiques de santé publique, les données si nombreuses et si précises qui sont réunies par nos caisses d’assurance maladie et centralisées à la Caisse nationale d’assurance maladie !

Je comprends la motivation sous-tendant le projet de loi, à savoir la nécessité que ces données ne restent pas au fond de nos ordinateurs. Dans le même temps, il convient de respecter le secret de la vie privée, auquel les exigences de la santé publique ne peuvent porter une atteinte excessive, les informations médicales touchant évidemment à la sphère la plus intime de la vie privée de chacun d’entre nous.

C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité assurer, là aussi, un encadrement suffisamment strict de l’exploitation de ces données, qui n’entrave pas le respect desdits principes fondamentaux tout en permettant d’aller bien au-delà.

J’aborderai, enfin, les dispositions relatives à l’hospitalisation sous contrainte. La liberté individuelle, qui a pour conséquence le principe du consentement aux soins libre et éclairé, trouve ses limites par la nécessité de protéger contre lui-même l’individu atteint de troubles psychiques aigus, mais également son entourage, voire la société, en tout cas les tiers, face au risque d’agression.

Le meilleur encadrement des mesures de contention, prévu à l’article 13 quater et résultant de la rédaction à laquelle nous sommes parvenus ensemble, me paraît, ainsi qu’à André Reichardt, tout à fait pertinent.

Une autre question peut-être plus administrative, mais hautement symbolique, a trait au statut de l’infirmerie psychiatrique de la ville de Paris, qui dépend de la préfecture de police. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ayant dénoncé cet état de fait, le projet de loi est l’occasion de tirer les conséquences de sa recommandation. C’est une question de principe, qui ne met pas en cause les équipes gérant cette structure, dont le professionnalisme et la grande qualité du travail sont au contraire parfaitement reconnus.

Cette structure sans équivalent se révèle toujours aussi utile. Il ne faut pas la supprimer, mais il est important qu’elle soit réintégrée dans le droit commun de la santé publique et soumise aux mesures de contrôle qui s’appliquent aux établissements psychiatriques. Tel est le sens du présent texte.

Mes chers collègues, la commission des lois vous propose donc d’adopter les articles dont elle s’est saisie, tel qu’ils ont été modifiés, sur son initiative, par la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, corapporteur.

Mme Françoise Laborde, corapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Annick Billon et moi-même allons vous présenter à deux voix le rapport que nous avons eu l’honneur de proposer à la délégation aux droits des femmes sur le projet de loi qui nous réunit aujourd’hui.

Nous n’avons évidemment pas abordé tous les aspects de la santé des femmes, tant ce sujet est vaste, mais nous nous sommes efforcés d’élargir l’information de la délégation à certains thèmes assez représentatifs de cette question.

Je veux parler principalement de la contraception d’urgence et des compétences des sages-femmes en matière d’interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse, de vaccination et de prescription de substituts nicotiniques aux femmes enceintes et à leur entourage.

Ce rapport et les 28 recommandations dont il est assorti ont été adoptés le 22 juillet dernier à la quasi-unanimité des membres la délégation. Il s’appuie sur deux constats : d'autre part, la nécessité de privilégier une approche de la santé qui prenne mieux en compte les enjeux spécifiques aux femmes – je vous présenterai cet axe dans un instant ; d'autre part, la consolidation des acquis en matière de santé sexuelle et reproductive – c’est ma collègue Annick Billon qui interviendra sur ce point.

J’évoquerai donc, pour ma part, certaines des conclusions de la délégation visant à une meilleure prise en compte des fragilités spécifiques aux femmes.

Parmi ces fragilités, celles qui relèvent des maladies cardiovasculaires ont plus particulièrement attiré notre attention. Selon la Fédération française de cardiologie, la prise en charge d’un infarctus pour les femmes se révèle trop souvent plus tardive que pour les hommes ; les femmes semblent moins nombreuses à recevoir un diagnostic exact ; le dépistage est insuffisant pour les femmes et leur rétablissement serait plus aléatoire que celui des hommes.

Les risques liés aux maladies cardiovasculaires pour les femmes sont donc insuffisamment connus, alors que ces pathologies représentent la première cause de mortalité pour les femmes et tuent huit fois plus que le cancer du sein.

Le constat de cette fragilité méconnue des femmes aux maladies cardiovasculaires a conduit la délégation à formuler une recommandation pour améliorer la sensibilisation des professionnels de santé sur ce point et mieux informer les femmes et leur entourage de ce danger.

Une association américaine, Go Red For Women, a pris l’initiative, depuis le mois d’avril dernier, d’en informer le public français sur certaines chaînes de télévision et avec le partenariat de quelques marques de luxe. À quand une véritable campagne nationale destinée au grand public ?

Dans le domaine du cancer, les informations que nous avons recueillies attestent que des progrès peuvent encore être accomplis en matière de prévention du cancer du col de l’utérus : l’une de nos recommandations vise à en tirer les conséquences pour le dépistage.

Autre risque majeur : l’augmentation du tabagisme féminin, directement responsable de l’accroissement sensible de la mortalité des femmes par cancer du poumon, alors que cette cause de mortalité a diminué pour les hommes. Une prévention précoce – préconisée par une autre de nos recommandations – est d’autant plus indispensable que, selon un rapport officiel, une femme sur six fumait encore quotidiennement, en 2010, au cours du troisième trimestre de sa grossesse.

C’est pourquoi nous vous proposerons de rétablir par amendement le suivi expérimental des femmes enceintes consommant régulièrement des produits du tabac, prévu à l’article 33 bis et supprimé par la commission des affaires sociales.

En ce qui concerne les violences, plus particulièrement sexuelles, dont les conséquences sur la santé sont évidemment considérables, il semble que le repérage des victimes par les professionnels de santé puisse encore être amélioré, notamment par une meilleure sensibilisation aux aspects juridiques de leur intervention.

Une autre recommandation concerne le soutien des associations qui permettent le suivi médical des femmes en situation de précarité, victimes en quelque sorte d’une « double peine » : nous comptons sur vous, madame la ministre, pour que les restrictions budgétaires ne se traduisent pas par une baisse des financements versés à ces organismes, qui réalisent sur le terrain un travail absolument remarquable.

S’agissant des risques environnementaux, on sait que l’exposition à des substances nocives au cours des périodes prénatale et périnatale et pendant l’adolescence a des conséquences tout au long de la vie. Il nous a donc semblé souhaitable de préconiser le renforcement de l’information des femmes enceintes, des parents et de tous les professionnels en contact avec de jeunes enfants, au sujet de la toxicité de certains produits.

Pour ce qui est de la maigreur excessive, nous soutenons le dispositif adopté par l’Assemblée nationale. Ce point fera l’objet de l’un des amendements que nous vous proposerons d’adopter.

Enfin, des chercheurs ont attiré notre attention sur le fait que les recherches biomédicales et l’exercice de la médecine ne sont pas exempts de stéréotypes masculins et féminins, ce qui peut être lié, d’après certaines sources, à une insuffisante représentation des femmes dans les essais thérapeutiques.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Françoise Laborde, corapporteur de la délégation aux droits des femmes. Aux États-Unis, les autorités ont pris la mesure des conséquences de ce déséquilibre depuis 1993. Il nous semble important de faire de même en France.

Enfin – nombre d’entre vous seront d’accord avec nous sur ce point –, à l’article 1er, nous vous proposerons un amendement qui vise précisément à réintégrer, dans le code de la santé publique, l’objectif d’égalité entre femmes et hommes et à en décliner les conséquences jusque dans les essais cliniques et thérapeutiques.

Mme Annie David. Nous n’avons pas été entendues !

Mme Françoise Laborde, corapporteur de la délégation aux droits des femmes. J’arrêterai là cet inventaire à la Prévert, parce que le temps passe et que j’aurai d’autres occasions de m’exprimer dans le cadre de la discussion des articles. Je dirai simplement que l’égalité entre hommes et femmes passe aussi par la santé. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – Mme Chantal Jouanno applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, corapporteur.

Mme Annick Billon, corapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les dispositions concernant le domaine de la santé sexuelle et reproductive revêtent, chacun le comprendra, une importance particulière pour la délégation aux droits des femmes.

Notre rapport y a consacré 16 recommandations portant sur la contraception, la procréation médicalement assistée, l’IVG et la profession de sage-femme.

S’agissant des mineurs, filles ou garçons, nous sommes convaincus que leur information en matière de contraception doit être renforcée.

Il faut le marteler : en France, quelque 6,7 % des jeunes filles de 12 à 17 ans ont déjà eu recours une fois à l’interruption volontaire de grossesse. C’est insupportable, car ces IVG pourraient être évitées si facilement ! Ce pourcentage dérangeant est sans aucun doute le signe d’un échec de l’information des jeunes en matière de contraception. Face à cet échec, notre responsabilité est collective.

Quelle que soit la bonne volonté des parents, la famille, nous en sommes convaincus, n’est pas le meilleur endroit pour aborder ces sujets délicats. Nous avons donc souhaité renforcer la sensibilisation des jeunes de deux manières.

Il convient d’abord de faire en sorte que les séances d’éducation à la sexualité prévues dans l’enseignement secondaire soient vraiment organisées. Au nombre de trois par an, ces séances se réduisent souvent à une seule : il faut les inscrire dans les lettres de mission des chefs d’établissement avec les moyens nécessaires.

Ensuite, il faut absolument favoriser l’accès des jeunes à une consultation médicale spécialement conçue pour eux, qui leur permette de recevoir toute l’information nécessaire en matière de contraception et de poser l’ensemble des questions qu’ils souhaitent, à une sage-femme ou à un médecin, sans crainte d’être jugés et dans des conditions leur garantissant la plus complète discrétion.

Ils pourraient se voir proposer ce rendez-vous avec l’envoi de leur carte vitale : il serait possible de s’inspirer de ce qui est organisé pour le dépistage de certains cancers à partir de cinquante ans. Un amendement vise à prévoir cette visite ; nous comptons beaucoup sur le soutien du Sénat et du Gouvernement.

Une autre recommandation concrétisée par un amendement tend, dans un esprit comparable, à soutenir l’article 3 bis, inséré par l’Assemblée nationale pour permettre la meilleure information possible sur les méthodes contraceptives. Nous ne sommes pas convaincues en effet que toutes les femmes reçoivent la totalité des informations qu’elles sont en droit d’attendre, sur un sujet aux conséquences importantes sur leur santé.

En revanche, la disposition « miroir » du projet de loi figurant à l’article 31 et concernant l’information sur les méthodes abortives et le libre choix de la méthode, maintenue par la commission des affaires sociales, rejoint une recommandation de la délégation ; nous nous en réjouissons.

S’agissant du « parcours du combattant » des femmes engagées dans un processus de PMA – l’assistance médicale à la procréation –, aucune disposition ne protège ces dernières. Nous leur proposerons donc, par un amendement, un régime d’autorisation d’absence analogue à celui qui est prévu pour les donneuses d’ovocytes, en rappelant que plus de 23 000 bébés naissent chaque année en France dans ce cadre.

J’en viens aux dispositions relatives à l’interruption volontaire de grossesse.

Nous avons retracé dans notre rapport les obstacles non négligeables, essentiellement d’ordre pratique, qui fragilisent en France l’accès à l’IVG et sont à l’origine de disparités sensibles entre les territoires : depuis dix ans, plus de 130 établissements de santé les pratiquant ont été fermés. Pour les femmes, les délais d’attente deviennent trop souvent excessifs.

Nous préconisons la mise en place, dans chaque hôpital public, d’un centre pratiquant des IVG, et considérons qu’il faut garantir aux professionnels les moyens nécessaires, dans le respect, bien évidemment, de la clause de conscience.

La délégation présentera des amendements visant à reprendre les dispositions suivantes et regrette qu’elles ne figurent plus dans le projet de loi modifié par la commission des affaires sociales : l’extension aux centres de santé de la pratique des IVG instrumentales ; l’élaboration d’un plan d’accès à l’IVG, dans chaque région, par l’agence régionale de santé ; la suppression du délai de réflexion d’une semaine entre les deux consultations préalables à l’IVG ; l’extension aux sages-femmes de la compétence en matière d’IVG médicamenteuse.

Nous soutenons cette dernière disposition, car elle peut améliorer l’accès à l’IVG. Néanmoins, les femmes ne doivent pas être conduites à y recourir par défaut. Les membres de la délégation sont très attachés au libre choix des femmes.

M. le président. Il va falloir conclure, ma chère collègue.

Mme Annick Billon, corapporteur de la délégation aux droits des femmes. Au reste, certains délais d’attente sont excessivement longs. À nos yeux, la première demande d’IVG devrait pouvoir être recueillie par un autre professionnel qu’un médecin. Tel est l’objet de l’un de nos amendements.

Enfin – ce sera le dernier thème de mon intervention –, le présent projet de loi consacre le rôle grandissant des sages-femmes, auxquelles sont confiées de nouvelles responsabilités. (Mme Françoise Laborde, corapporteur de la délégation aux droits des femmes, acquiesce.) Elles deviennent des partenaires indispensables de la santé des femmes, parallèlement à la diminution progressive du nombre de gynécologues médicaux.

Mes chers collègues, telles sont, pour l’essentiel, les orientations soutenues par la délégation aux droits des femmes, que Françoise Laborde et moi-même avons résumées préalablement à ce débat. Ce projet de loi a d’importantes implications en matière de santé sexuelle et reproductive. Il ne tient qu’à vous que le texte que nous nous apprêtons à élaborer ensemble en soit le reflet ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Beau succès ! (Sourires.)

Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, moderniser notre système de santé pour le rendre plus juste et mieux adapté aux réalités d’aujourd’hui : tel est l’objet du projet de loi dont nous devons débattre, et cela dans un contexte marqué par un paradoxe très prégnant : malgré son excellence, notre médecine se heurte, dans son organisation, aux inégalités sociales et territoriales.

La France peut s’enorgueillir d’un excellent système de santé. L’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, le considère comme l’un des meilleurs. Ce classement reflète la qualité des soins qu’offre la communauté soignante à nos concitoyens. Notre pays innove constamment et ouvre la voie sur le front des technologies nouvelles. À ce titre, il figure au troisième rang mondial pour les brevets de robotique médicale. Ce sont là des atouts, que nous devons concrétiser de manière plus offensive sur le plan économique.

Toutefois, reconnaissons que l’organisation de notre système de santé est trop cloisonnée, voire crispée et hospitalo-centrée, même si, sur le terrain, l’innovation, la transversalité et la coopération interprofessionnelle se développent davantage que ce qu’affirment les délégués des organisations professionnelles et les représentants syndicaux, d’autant que les jeunes générations s’expriment à la fois avec exigence et esprit d’ouverture.

Le paradoxe réside donc dans le fait suivant : notre excellence médicale se heurte aux inégalités sociales qui perdurent – Mme la ministre l’a rappelé : à soixante ans, l’espérance de vie d’un ouvrier est inférieure de sept ans à celle d’un cadre –, ainsi qu’aux inégalités territoriales qui se creusent – les déserts médicaux sont inégalement répartis sur notre territoire.

Par ailleurs, les besoins de santé et l’exercice des professions médicales ont évolué, face au développement des maladies chroniques comme au vieillissement de la population.

Garantir l’égalité de nos concitoyens au regard de la modernisation de notre système de santé et des progrès de la recherche : telle est la colonne vertébrale du texte dont nous allons débattre. À cet égard, j’évoquerai, à ce stade, les trois piliers sur lesquels repose le présent projet de loi.

Le premier pilier est celui de la prévention, qui, Mme la ministre l’a rappelé, constitue le socle de notre système de santé. Je songe à la prévention des maladies évitables, des pratiques addictives, notamment l’alcoolisme et le tabagisme, et des problèmes de nutrition, se traduisant tant par l’obésité que par la très grande maigreur ; ou encore à la prise en compte des enjeux de santé environnementale.

L’ensemble des mesures en question forme un programme très complet et structuré, au cœur duquel le public jeune est particulièrement ciblé. La lutte contre le tabagisme alimentera nos débats : ces derniers, j’en suis sûre, seront francs, loyaux et constructifs.

Le deuxième pilier pourrait s’intituler : « Le citoyen, acteur de sa santé, avec, comme premier correspondant, son médecin traitant ».

Le présent texte donne toute sa place aux soins primaires, permettant, grâce à la mise en place de communautés professionnelles de territoires de santé, aux acteurs de la médecine ambulatoire d’être les initiateurs de leur organisation. Ce dispositif lève d’emblée le reproche d’une organisation verticale, menée sur l’initiative des agences régionales de santé, les ARS. Néanmoins, ces dernières devront s’assurer du bon fonctionnement du dispositif.

Le tiers payant généralisé sera mis en place. Cette disposition technique, qui est également une mesure de justice, doit garantir, sans imposer un nouveau temps de travail administratif aux médecins, que l’argent ne soit pas un obstacle à l’entrée dans le cabinet médical. Les médecins traitants savent prendre en compte les difficultés financières de leurs patients.

Le Sénat consacrera, je l’espère, un grand débat à l’examen de l’article 18, que nous proposons de rétablir, au nom de la justice sociale. Madame la ministre, à cet égard, vous nous avez rassurés quant à l’application technique de cette disposition.

Le service public hospitalier est rétabli et donne toute sa force aux devoirs de notre nation envers ses concitoyens. Les groupements hospitaliers de territoire, les GHT, doivent optimiser l’offre hospitalière. De leur côté, les médecins et la communauté soignante dans son ensemble doivent prendre toute leur part à la constitution de ces structures.

Par ailleurs, les relations entre les médecines hospitalière et libérale vont être approfondies, autour de la notion du parcours de soins des malades – je songe en particulier à la lettre de liaison, qui deviendra obligatoire à la sortie de l’hôpital.

Le troisième et dernier pilier du présent texte renforce la démocratie sanitaire. Il s’agit d’offrir de nouveaux droits à tous les patients, à tous les citoyens, par la mise en œuvre des actions de groupe et la modernisation de l’open data, c’est-à-dire la possibilité d’accéder à des données anonymisées propices à la recherche et au progrès. Dans ce pilier, figure également le droit à l’oubli. L’enjeu, en l’espèce, c’est le respect de la dignité des patients guéris, aujourd’hui, du cancer, et, à l’avenir, d’autres maladies. Ces sujets ont d’ores et déjà donné lieu à des débats constructifs.

Les membres du groupe auquel j’appartiens n’ont pas voté ce texte à l’issue de l’examen mené par notre commission. En effet, si ces travaux préparatoires ont été de qualité – j’en remercie M. Milon, président de la commission et corapporteur de ce projet de loi, ainsi que les autres corapporteurs –, le débat en commission s’est souvent révélé contraint et idéologique. La majorité sénatoriale a cassé les principes de justice et de solidarité figurant dans le texte issu de l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Procaccia. N’exagérons rien, tout de même !

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Voilà un discours tout en nuances !

M. François Marc. « Cassé », c’est pourtant bien le mot !

Mme Catherine Génisson. Le débat était contraint : bon nombre des articles prêtant à discussion ont été supprimés purement et simplement par la majorité sénatoriale. Ainsi, nous avons été dans l’impossibilité de prolonger nos échanges à leur sujet.

En outre, sous couvert de rationalisation de l’écriture de la loi, on a refusé, au sein de la commission des affaires sociales, de tenir compte de divers sujets, comme « handicap et santé », « égalité entre les femmes et les hommes et santé » ou « santé environnementale et santé ».

Mme Nicole Bricq. Cela en dit long !

Mme Catherine Génisson. De surcroît, le débat s’est révélé idéologique. Je ne prendrai, à ce propos, que deux exemples.

Tout d’abord, les pôles de santé sont maintenus, alors que sont proposées les communautés professionnelles de territoire de santé. Ces dernières ont d’ores et déjà été largement négociées – Mme la ministre l’a dit –, parfois, d’ailleurs, avec tonicité, et obtenues par les acteurs de santé eux-mêmes.

Ensuite, le débat s’est révélé idéologique lorsque la commission a refusé de supprimer le délai de réflexion d’accès à l’IVG, au motif qu’il s’agit là d’un sujet éthique.

Mme Catherine Génisson. Mes chers collègues, le débat éthique, c’est Mme Simone Veil qui l’a mené,…

M. Didier Guillaume. Très bien !

Mme Catherine Génisson. … devant sa majorité, souvent conservatrice et parfois odieuse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) L’IVG a été votée grâce à l’engagement remarquable de Simone Veil et au soutien de la gauche. Aussi, les mesures proposées aujourd’hui ne sont que de simples adaptations du dispositif, destinées à le rendre plus efficace.

Madame la ministre, nous connaissons votre engagement, votre détermination et, qui plus est, votre force de conviction intangible. Vous trouverez, à vos côtés, les membres du groupe socialiste et républicain, dans un débat franc et loyal. En effet, le présent texte reçoit le soutien d’une majorité de nos concitoyens, au-delà de débats qui ont toute leur légitimité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. François Marc. Très bien !

(M. Jean-Pierre Caffet remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe écologiste ont été très déçus du sort réservé, en commission, au texte venu de l’Assemblée nationale.

Certes, nous sommes satisfaits de l’adoption de notre amendement tendant à assurer le renouvellement automatique de l’aide au paiement d’une complémentaire santé, l’ACS, pour les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, et de l’allocation de solidarité en faveur des personnes âgées, à savoir l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.

De même, nous sommes satisfaits de voir maintenue l’interdiction du bisphénol A dans les jouets, comme de la position responsable adoptée par la commission au sujet de l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque, du secret médical en prison ou encore du dépistage rapide des mineurs.

Néanmoins, nous restons très déçus par ce projet de loi dans son ensemble.

Sous couvert de « simplification de la loi », les amendements de suppression présentés par la majorité sénatoriale tendent à altérer le sens profond et les objectifs fondamentaux de ce texte. Je songe à la lutte contre les inégalités sociales et pour l’accès aux droits, à la prévention, à la santé environnementale, à l’égalité entre les hommes et les femmes ou encore à la solidarité envers les personnes handicapées.

Pour les membres du groupe auquel j’appartiens et, je le présume, pour d’autres sénateurs, ce sont là des objectifs stratégiques essentiels, qui donnent son sens à ce projet de loi. À nos yeux, ces sujets exigent un engagement de la part des parlementaires : nous ne pouvons pas rester muets. Je songe notamment aux articles 1er et 2.

Nous déplorons par exemple que le concept d’exposome ait disparu de la définition stratégique de la politique de santé. Nous y reviendrons au cours de nos discussions.

Nous déplorons les immenses reculs opérés sur le front de la prévention. Dans ce domaine, la disparition de diverses dispositions touchera directement la jeunesse, notamment les jeunesses étudiante et populaire.

Nous déplorons les attaques en règle menées contre l’IVG – d’autres orateurs les ont mentionnées –, sous le prétexte fallacieux que ces dispositions trouveraient mieux leur place dans un texte de loi relatif à la bioéthique.

Plus généralement, nous déplorons la disparition du principe d’égalité entre les hommes et les femmes : ce dernier a été tout simplement rayé des objectifs de notre politique de santé. Toutes ses occurrences ont été effacées du présent texte, en particulier au sujet des données sexuées figurant dans les rapports des médecins du travail.

Nous déplorons également la suppression de l’article 18, relatif à la généralisation du tiers payant. Ce choix a été opéré par pure idéologie, sans chercher à étudier les solutions techniques nécessaires à une prise en main facile par les médecins. Or, en ce moment même, un groupe de travail est à l’œuvre pour élaborer ces solutions techniques, de nature à rassurer les professionnels.

Nous déplorons, de surcroît, la suppression du paquet neutre – je reviendrai sur ce sujet.

Toutefois, ces regrets ne nous découragent pas pour autant. Les élus du groupe écologiste ont résolument fait le choix de continuer à jouer le jeu du travail parlementaire, en déposant plus de 200 amendements. En effet, l’opinion publique, souvent à travers l’expérience douloureuse de la maladie, est en train de prendre conscience de la réalité des alertes lancées, depuis des dizaines d’années, en matière de santé publique.

En France, plus de 80 % des dépenses remboursées par l’assurance maladie sont attribuables à des affections chroniques – cancer, diabète, maladies cardio-vasculaires, allergies, maladies respiratoires, etc. Ce sont là autant de pathologies dont l’apparition et l’aggravation sont, le plus souvent, liées à nos modes de vie et à la pollution de notre environnement. Si notre politique de santé ne s’adapte pas radicalement à cette réalité, le pire est à craindre, pour la santé de nos concitoyens et pour la survie de notre système d’assurance maladie.

Mes chers collègues, gardons cette réalité à l’esprit : pour une période d’à peine vingt ans, le surcoût dû aux maladies chroniques représente environ quatre fois la dette de l’assurance maladie, laquelle s’élève à 108 milliards d’euros, et deux fois l’intégralité de la dette sociale, laquelle s’établit à 209 milliards d’euros.

C’est sur la base de ces considérations préoccupantes que les membres du groupe écologiste ont choisi de faire entendre, lors de ces débats, leurs propositions, regroupées en quatre grands volets.

Bien entendu, je ne présenterai ces dispositions que très brièvement – en effet, mon temps de parole s’écoule –, mais nous les détaillerons au cours de nos débats.

Le premier volet comprend l’accès aux soins et aux droits, la lutte contre les inégalités sociales, la nécessité de simplifier les démarches administratives pour soulager à la fois les bénéficiaires des prestations de santé et les services de l’État, la lutte contre le non-recours et les refus de soins, la généralisation du tiers payant et le droit à l’oubli.

Le deuxième volet, c’est la santé environnementale. Nous avons déposé divers amendements à ce titre, ayant par exemple pour objet les perturbateurs endocriniens, les particules fines, la qualité de l’air intérieur, l’amiante, le mercure dentaire, les pesticides ou les nanomatériaux.

Le troisième volet est relatif à la prévention : il s’agit, entre autres enjeux, du renforcement de l’étiquetage nutritionnel, de la lutte contre l’obésité, du soutien à la protection maternelle et infantile et à la médecine scolaire, à la mobilisation contre le tabagisme, à la promotion du sport. S’y ajoute le dossier de la santé au travail.

Le quatrième et dernier volet a trait au secteur du médicament. Dans ce domaine, nous proposons de poursuivre et d’intensifier la lutte contre les conflits d’intérêts, pour la transparence, notamment en matière de fixation des prix ou pour la prévention et l’indemnisation des accidents médicamenteux.

Madame la ministre, vous l’avez compris, vous avez tout notre soutien sur un certain nombre de points essentiels. De même, nous espérons que les propositions que nous portons seront soutenues et reprises. J’ai d'ailleurs constaté que certains collègues avaient présenté des amendements ayant le même objet, ce qui nous nourrira notre débat.

Nous souhaitons que l’examen en séance du projet de loi de santé se déroule en bonne intelligence et que les questions de santé publique ne fassent pas constamment l’objet de postures partisanes ou idéologiques, car notre débat doit être à la hauteur des enjeux pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi était très attendu, d’autant plus que les politiques successives menées depuis de nombreuses années n'ont pas apporté de réponses satisfaisantes aux besoins en matière de santé. Pis, elles n'ont cessé d'affaiblir le système de santé publique, considérant la santé comme un bien de consommation.

Malheureusement, ce projet de loi est loin de répondre aux enjeux actuels, notamment à la nécessité de combattre les renoncements aux soins, qui concernent, d’après certaines évaluations, de 25 % à 30 % des Français.

Je reconnais toutefois le travail important d'élaboration de ce projet de loi, ainsi que celui qui a été mené par les trois rapporteurs de notre commission des affaires sociales, notamment au travers des nombreuses heures d'auditions réalisées.

Mes chers collègues, permettez-moi de commencer par souligner les dispositions qui nous paraissent, au groupe CRC, tout à fait positives. J'entends par là celles qui figurent encore dans ce texte, celles qui n'ont pas été supprimées par la majorité sénatoriale en commission !

Je pense notamment au titre Ier, qui vise à renforcer la prévention, l'accès à la contraception d'urgence pour les élèves du second degré, la lutte contre l'alcoolisation massive des jeunes et la lutte contre le tabagisme. Je ne peux pas détailler ces mesures qui, si elles sont véritablement mises en place, avec les moyens afférents, porteront leur fruit.

Je tiens également à exprimer ma grande satisfaction que, au-delà des clivages politiques, une majorité se soit dégagée, du moins en commission, pour soutenir l'expérimentation de salles de consommation à moindre risque. C'est un projet que j'ai beaucoup soutenu, convaincue de son utilité sanitaire, dans une perspective de réduction des risques et des dommages pour les usagers de drogue.

Je note enfin, avec intérêt, la volonté de reconnaître la place et le rôle des centres de santé dans notre système de soins. Assez souvent méconnus, voire dévalorisés, les centres de santé représentent au contraire un modèle innovant, prenant en compte les attentes exprimées par de jeunes professionnels en matière de travail d’équipe et répondant aux besoins du plus grand nombre – pas de dépassement d'honoraire, tiers payant, etc. Je salue donc cette avancée, qui pour se concrétiser nécessitera des moyens importants.

J'en viens à présent aux dispositions qui nous paraissaient importantes, mais qui ont été purement et simplement supprimées par la droite au sein de la commission des affaires sociales.

Je passe sur cette nouvelle mode de supprimer systématiquement toute demande de rapport. L'article 40 de la Constitution est déjà fort contraignant pour l'initiative parlementaire. Si à présent les rapports sont bannis, cela devient compliqué... (Mme Catherine Procaccia proteste.)

La généralisation du tiers payant a été vivement attaquée, notamment sous prétexte qu’elle entraînerait un surcroît de travail pour les médecins et qu’il serait difficile de mettre en place un tel système.

Sans négliger ce problème, nous soutenons cette mesure, car elle peut aider un certain nombre de patients. Toutefois, nous pensons qu'elle ne répond pas au problème du renoncement aux soins. Qu'apporte le tiers payant concernant les lunettes ou les prothèses dentaires ou auditives que la sécurité sociale ne rembourse pas, ou si ridiculement ?

La mesure véritablement juste, capable de faire reculer le renoncement aux soins et les inégalités qu’il suscite est, pour mon groupe, la prise en charge des soins à 100 %. C'est possible, et c'est un combat que nous aurions souhaité mener avec vous, madame la ministre. Il n’est d'ailleurs pas trop tard !

Une autre réécriture emblématique à nos yeux est celle de l'article 17 bis, qui visait à supprimer le délai de réflexion pour l'IVG. La droite a supprimé cet article au motif que la discussion devait se faire dans le cadre de la loi sur la bioéthique. Comment parler de bioéthique en 2015 pour un droit gagné par la lutte des femmes et voté en 1975 grâce au courage de Mme Veil ?

De même, la majorité sénatoriale a supprimé une disposition symbolique en termes d'égalité des droits et de non-discrimination, à savoir l'article 7 bis, qui autorisait enfin les personnes homosexuelles à donner leur sang. Je ne vais pas lancer le débat ici, mais, pour nous, il est essentiel que cette discrimination cesse et que la sécurité sanitaire soit le seul critère – le même appliqué à chacun.

J'en viens enfin à l'essence même du texte, madame la ministre, à sa philosophie générale, qui n'a pas réussi à nous convaincre.

Alors que vous étiez, à juste titre, tout comme l'ensemble de votre groupe, assez critique sur le contenu et le tournant marchand que la loi HPST faisait prendre au monde hospitalier et à son organisation, j'avoue avoir du mal comprendre que vous n'ayez pas fait le choix, en tant que ministre, d’abroger ce texte.

Nous constatons pourtant au quotidien les désastres qu'elle a suscités. L'hôpital public a été transformé en entreprise, avec un fonctionnement qui ne lui est absolument pas adapté. Pourquoi ne pas revenir sur la loi HPST ? Pourquoi continuer à accorder de tels pouvoirs aux directeurs d'ARS, ces « super préfets sanitaires », comme nous les avions appelés à l'époque ?

Vous vantez à juste titre la démocratie sanitaire, mais le conseil de surveillance remplace toujours le conseil d'administration, et le modèle de décision vertical, depuis le ministère jusqu’au directeur d'ARS en passant par le directeur d'hôpital, reste en vigueur, avec une logique financière et administrative qui prend le dessus sur la logique médicale.

De même, nous sommes inquiets de ces groupements hospitaliers de territoire, les GHT, qui ne nous apparaissent que comme une nouvelle occasion de fusionner, donc de fermer des établissements, des services, des lits.

Alors que, aujourd'hui, on compte de 1 200 à 1 300 hôpitaux, il serait question de constituer 100 GHT ! Où est le lien de proximité, où est la volonté de réduire les inégalités territoriales, alors que vous avez cité M. Emmanuel Vigneron dans votre propos ? Où est la démocratie sanitaire ? Après les mégapoles de la loi NOTRe, voici les mégahôpitaux. Une façon de légitimer toujours plus le privé.

Le projet de loi ne reflète pas, c'est le moins que l'on puisse dire, la prise de conscience que l'hôpital public va mal et qu’il souffre des politiques de réductions menées depuis des années : effectifs en flux tendus, offre de soins en diminution, délais trop longs, urgences asphyxiées... Je ne parle pas de la psychiatrie, car le temps m’est compté, mais il y aurait beaucoup à en dire et nous y reviendrons lors de l’examen des articles.

Je sais bien que l’on va me répondre que les budgets sont contraints et qu'il n'est guère possible de faire autrement. Les 3 milliards d'euros en moins pour les hôpitaux aggravent d’ailleurs encore leur situation désastreuse.

Toutefois, madame la ministre, nous avons d'autres propositions de financement susceptibles de redonner souffle et vigueur à une politique de santé publique digne de ce nom, qui s'appuie notamment sur une médecine de ville redynamisée.

Supprimons la T2A, ce système inadapté et inefficace, les franchises et forfaits hospitaliers et les exonérations de cotisations patronales, qui privent notre protection sociale de milliards d'euros. Mettons en place une nouvelle cotisation sur les revenus financiers des entreprises : sur une base de 317,9 milliards d'euros en 2010, il serait possible de dégager, en les soumettant au taux actuel de la cotisation patronale, quelque 41 milliards d’euros pour la santé, 26 milliards d’euros pour la retraite, 16 milliards d’euros pour la famille. Voilà quelques propositions qu’il faudrait prendre en compte.

Madame la ministre, les quelques avancées de ce texte ne seront que de l'affichage tant que le carcan financier imposé à l'ensemble des établissements de santé sera la boussole du Gouvernement.

La volonté du groupe CRC tout au long du débat sera de modifier cet état de fait et de défendre des amendements tendant à proposer une vraie politique de santé ambitieuse, qui fasse réellement reculer les inégalités, une politique de santé pour toutes et tous sur l’ensemble du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en janvier dernier, mon groupe politique a lancé le débat autour d'une question assez basique, j'en conviens : la médecine française est-elle toujours la meilleure du monde ?

Ce débat, certes limité dans le temps, s'est cependant révélé très intéressant. Malheureusement, vous n'aviez pas pu y assister, madame la ministre, mais Mme Ségolène Neuville l'a clos en ces termes : « Le Gouvernement compte sur le Parlement, sur le Sénat en particulier […], pour enrichir et améliorer le projet de loi de santé qui viendra prochainement en discussion devant la Haute Assemblée et qui sera défendu par Marisol Touraine. »

Nous y voilà, madame la ministre ! Nous sommes réunis pour débattre du dossier fort complexe de l'adaptation de notre système de santé aux évolutions de la société et de la science. Il me semble cependant que cette discussion ne s'ouvre pas sous les meilleurs auspices, et, à ce stade, je ferai simplement part de quelques observations générales qui m'inquiètent par rapport à cette volonté de dialogue.

Ma première observation porte sur la méthode parlementaire retenue, à savoir la procédure accélérée. C'est faire fi du Parlement que de lui demander d'expédier un texte aussi dense, aussi divers, aussi important dans son application en une seule navette. Un texte qui, des 57 articles que vous avez présentés, est passé à 209 à l'Assemblée nationale. Un texte qui, à mes yeux, s'il devait en rester là, porterait une atteinte gravissime à notre système. Même si ce dernier se doit d'être adapté aux changements de la médecine, une telle évolution ne peut se faire de cette manière.

Ma deuxième observation porte sur un autre problème formel. L'inscription de cette discussion à l'ordre du jour de la session extraordinaire ne peut être considérée comme satisfaisante, d’autres orateurs l’ont relevé, notamment parce qu’elle a obligé la commission à travailler « le pied au plancher », à la fin du mois de juillet dernier.

De plus, le temps de débat en séance publique est bien limité, étalé sur deux semaines, entrecoupé d'une semaine d'interruption et de débats, certes urgents et nécessaires, mais qui renvoient notre discussion sur ce dossier au second plan. Le temps consacré à l'étude des 1 200 amendements déposés ne sera guère supérieur à 35 heures, soit plus de 30 amendements à l'heure. Monsieur le président, il faudra être très vigilant !

M. le président. J’y veillerai, mon cher collègue.

M. Gilbert Barbier. Ce n’est ni crédible ni sérieux, et cela va encore aggraver l'antiparlementarisme, tout particulièrement au détriment de notre assemblée, dont on sait bien qu'elle est toujours dans le viseur du Gouvernement.

Ma troisième observation porte encore sur la forme et sur la manière dont ce projet de loi a été élaboré. Contrairement à ce que vous avez dit, madame la ministre, les représentants de nombreuses professions concernées – j’en ai rencontré beaucoup – pointent l’absence de concertation, et parfois même de simple consultation. Cela explique le flot de demandes et de remarques suscitées par le projet de loi, dont toutes ne sont sans doute pas justifiées, mais qui méritaient au moins une écoute, une explication, un dialogue.

Votre absence le week-end dernier au congrès de la CSMF, la Confédération des syndicats médicaux français, alors même que celle-ci ne passe pas pour la plus hostile à vos idées, a d’ailleurs été particulièrement remarquée.

J'en viens au fond. Ce projet est dominé par votre cheval de bataille, votre hobby horse, à savoir le tiers payant généralisé. Par cette proposition, vous espérez certainement mettre l’opinion publique derrière vous. Les soins gratuits pour tous, quelle aubaine ! Quelle conquête sociale !

Je pense au contraire que nos concitoyens aspirent avant tout à une prise en charge optimale de leur maladie. Le patient recherche l’excellence dans le soin dont il a besoin. Si les moyens de communication modernes lui permettent aujourd’hui de viser cette légitime optimisation, ce n'est pas une telle gratuité déguisée qui lui en apportera la certitude.

Selon moi, l’une des principales inégalités en la matière tient dans la possibilité d'accéder aux avancées les plus performantes des différentes spécialités, et non dans les contingences matérielles, qui sont importantes, mais qui ne constituent pas un critère déterminant.

Ce tiers payant généralisé aura permis au Gouvernement le très rare exploit de réunir dans le rejet de cette disposition tous les organes représentatifs de la profession médicale. Cette performance mérite d'être soulignée !

Toutefois, derrière votre obstination sur ce point, que se cache-t-il, sinon une volonté de mettre à bas le régime libéral qui, depuis plus d'un siècle, a rendu la médecine française performante, efficace, humaniste, en instaurant un dialogue singulier entre le médecin et son patient ? En effet, cette relation est indispensable pour établir une confiance mutuelle, à partir d'un maître mot : liberté – liberté du soignant, liberté du soigné.

L'adjectif « libéral » vient bien de « liberté ». La médecine libérale n'est rien d'autre que l'exercice de ce droit.

Ce que nos concitoyens doivent comprendre, c'est qu'en portant atteinte à la liberté de l'un, on fait disparaître celle de l'autre. La liberté du soignant est fondamentale dans la recherche de l'excellence revendiquée par le soigné. Par le biais du tiers payant généralisé, votre projet enferme dans un carcan étatique la dispensation des soins au nom d'un égalitarisme illusoire. Il conduira in fine à sa paupérisation.

Les expériences de médecine étatisée conduites dans un certain nombre de pays ont montré la limite de ce système. Que la médecine libérale ambulatoire ou hospitalière ait à évoluer, notamment par l'implication du citoyen dans son parcours de santé, personne n'en doute, mais ce n'est que grâce à un dialogue permanent qu'une réforme efficace peut aboutir.

Votre obstination sur ce point va occulter le reste du projet, qui comporte pourtant quelques avancées intéressantes, j'en conviens.

En matière de prévention, les intentions sont bonnes et généreuses. Il serait d'ailleurs souhaitable de distinguer les objectifs généraux des priorités, sachant que tout ne peut se faire en même temps, en raison de la situation financière tant de la sécurité sociale que de l'État. De grâce, soyons réalistes sur ce point !

Pour le reste, comme c’était déjà le cas pour certaines réformes antérieures, je ne vois pas poindre les mesures urgentes et nécessaires pour moderniser l’hospitalisation, notamment publique. Celle-ci est encore régie par la loi de 1970, voire celle de 1958 en ce qui concerne les centres hospitaliers universitaires, les CHU.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Barbier.

M. Gilbert Barbier. Ces lois ont eu leurs mérites, mais elles sont, pour une grande part, obsolètes au regard de l’évolution des pratiques médicales.

Les autres sujets qui fâchent sont passés sous silence : le numerus clausus, la validation des connaissances de certains praticiens exerçant dans les hôpitaux généraux, la surcapacité hospitalière, l’obsolescence de certains plateaux techniques, l’échec de la classification commune des actes médicaux – la CCAM –, le peu d’efficacité de la rémunération sur objectifs de santé publique – la ROSP –, et bien d’autres.

Au cours de ces débats, mes collègues du groupe RDSE et moi-même, dans notre diversité, essaierons de vous aider à bâtir une loi susceptible de répondre à un seul objectif : mieux prévenir, mieux soigner et mieux gérer le formidable potentiel humain que constitue le monde de la santé dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. David Rachline.

M. David Rachline. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, si le système de santé français fait notre fierté, c’est davantage grâce aux hommes et aux femmes qui y œuvrent chaque jour au service des autres avec dévouement, voire abnégation, auxquels il convient de rendre ici hommage, qu’en raison de son organisation et de son financement.

Ce projet de loi, présenté – c’est l’habitude ! – comme ambitieux, notamment dans sa nouvelle dénomination, comporte, dans la version issue de l’Assemblée nationale, des mesures organisationnelles correspondant bien à l’intitulé du texte, mais qui ont été passablement chahutées par une grande partie des professionnels de santé, quelques mesures d’ordre sanitaire et, bien évidemment, comme dans tout bon projet de loi socialiste, un certain nombre de mesures idéologiques. (Mme Catherine Génisson s’exclame.) Je me félicite du fait que le passage du texte en commission ait permis de supprimer la plupart de ces mesures idéologiques qui ne modernisent en rien notre système de santé, mais qui, au contraire, l’enferment dans une étatisation grandissante (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.), ou ces mesures qui accentuent la perte de repères morale de notre société, en particulier de sa jeunesse. Mais je me rassure : ce sont les derniers soubresauts de soixante-huitards sur le déclin, Dieu merci ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Je suis heureux que les concernés se soient reconnus ! (Mme Catherine Procaccia rit.)

La fronde d’une grande partie du monde médical contre ce projet de loi illustre, madame le ministre, le caractère idéologique de vos réformes. Il est pourtant impensable d’agir sur notre système de santé sans une réelle concertation avec l’ensemble des acteurs, en premier chef ceux qui œuvrent chaque jour auprès des malades.

Notre système de santé doit reposer sur une juste répartition entre le secteur public et le secteur privé, entre les hôpitaux, les cliniques et les libéraux, qu’ils soient médecins, infirmiers ou paramédicaux.

Il doit également reposer, j’y insiste fortement, sur une responsabilisation du patient et, plus largement, de tous les bénéficiaires. La santé a un coût et bien que ce soit l’État qui paie, ça ne coûte pas rien !

Mme Catherine Génisson. C’est faux, ce n’est pas l’État qui paie !

M. David Rachline. Les déficits de notre système de santé diminueront d’abord par une prise de conscience collective et par la responsabilisation de chacun. Le risque est grand, aujourd’hui, qu’à force de générosité pour tous avec l’argent des Français, et qu’à force d’accepter un véritable gaspillage des prestations de santé, notre système de santé, dont nous sommes si fiers, ne s’effondre.

Je doute que la généralisation du tiers payant, au-delà de la difficulté technique de sa mise en œuvre, constitue un moyen de responsabiliser les patients. Le fait d’avancer les frais médicaux permet en effet de prendre conscience de leur coût. Il est d’ailleurs étonnant que ceux qui rechignent à avancer les quelques euros d’une consultation soient souvent ceux qui possèdent le dernier téléphone à la mode (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.), quand ce n’est pas – cela arrive aussi parfois – la dernière BMW ! (Même mouvement.)

Une sénatrice du groupe socialiste et républicain. Caricatural !

M. David Rachline. Les personnes qui souffrent de précarité sont en effet déjà assurées de bénéficier du tiers payant.

Nous connaissons votre propension à infantiliser nos citoyens et à imposer dans leur vie l’omniprésence de l’État, mais nous, nous croyons en la responsabilisation de chacun. Il est temps, particulièrement dans le domaine de la santé, de laisser nos concitoyens redevenir pleinement adulte et se prendre en main, ce qui n’exclut bien évidemment en rien le principe de solidarité.

De surcroît, je ne trouve pas dans ce projet de loi de mesures visant à lutter contre la fraude, qui, nous le savons tous, est un fléau pour les finances de notre système de santé.

M. Dominique Watrin. Voilà bien un discours de droite extrême !

Mme Éliane Assassi. C’est votre ritournelle favorite, qui revient avec chacune de vos interventions !

M. David Rachline. Notre système de santé est aujourd’hui déficitaire. Pour restaurer l’équilibre des comptes sociaux, il me semble nécessaire de donner la priorité aux Français. Cela pourrait commencer par l’instauration d’un délai de carence d’un an de résidence et de cotisation continue en France pour bénéficier de tous les avantages de la sécurité sociale, ou encore par une aide médicale d’urgence, ou AME, réservée aux seuls cas d’urgence vitale, mais également par la récupération des sommes dues par d’autres États à nos caisses.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Rachline.

M. David Rachline. Je conclus.

Le roi d’Arabie Saoudite, entre deux bains sur nos plages privatisées, gardées et masculinisées, a-t-il remboursé les millions que son pays nous doit ?

Ce n’est qu’en responsabilisant les bénéficiaires et en accordant la priorité à nos propres compatriotes que nous parviendrons à préserver et à moderniser notre système de santé ! (Mme Evelyne Yonnet s’exclame.)

Mme Éliane Assassi. Qu’entendez-vous donc par « propres » ?

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales et rapporteur, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, j’aimerais tout d’abord avoir quelques mots d’amitié et de soutien envers notre collègue René-Paul Savary, qui aurait dû intervenir à la tribune en tant qu’orateur du groupe mais qui a hélas subi un accident il y a quelques jours. Je lui souhaite un prompt et complet rétablissement. Son travail et son engagement dans la préparation de l’examen du projet de loi de santé ont été indispensables tant pour la commission des affaires sociales que pour notre groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Isabelle Debré. C’est vrai ! Bravo !

Mme Corinne Imbert. Il va bien, je m’en réjouis. J’ai tenu à l’associer à mon projet d’intervention afin qu’il puisse s’exprimer à travers moi. Il y aura donc un peu de René-Paul Savary dans mes propos.

La Haute Assemblée s’apprête à discuter d’un projet de loi qui sort tout juste d’une convalescence estivale. Lors de son examen en juillet dernier par les commissaires aux affaires sociales, la majorité sénatoriale s’est en effet employée à soigner un grand corps malade. Je salue à ce propos l’investissement essentiel des trois rapporteurs, le président Milon et les sénatrices Deroche et Doineau.

Comme ce gouvernement en est devenu coutumier, le texte présenté est un véritable inventaire, où se mêlent dispositifs de prévention, de santé publique et de formation, touchant aux professions, aux missions, aux établissements et aux structures de santé.

C’est un arsenal qui n’a de modernisation du système que l’intitulé : dans les faits, il étatise et bureaucratise l’existant. Je ne voudrais pas qu’il conduise à envelopper notre système de santé dans un épais brouillard qui lui serait nocif.

Les professionnels de santé se sont élevés unanimement contre les dispositions initiales, qui ont provoqué un tollé et entraîné des manifestations massives. Tous les acteurs concernés par cette réforme ont vécu l’autisme du Gouvernement comme un signe de mépris, les concertations n’ayant commencé qu’après le dépôt du texte à l’Assemblée nationale.

La majorité sénatoriale a pris ses responsabilités et s’est engagée dans un processus de réécriture du projet de loi, afin qu’il n’oppose pas, mais qu’il rassemble et rationalise.

Concernant la prévention et la promotion de la santé, ce texte aborde l’accès des jeunes à la contraception d’urgence, la lutte contre la consommation excessive d’alcool, la promotion d’une alimentation équilibrée, mais aussi la lutte contre la maigreur excessive et la lutte contre le tabac et vous proposez d’expérimenter ce que l’on appelle communément des « salles de shoot ». Certaines de ces dispositions ne nous posent pas de problème.

Les articles relatifs aux actions de promotion de la santé en milieu scolaire ne permettent toutefois aucun progrès concret en la matière. Les textes législatifs et réglementaires en vigueur assignent déjà une double mission à l’école : suivre l’état de santé des élèves et contribuer à leur éducation à la santé. On ne voit donc pas quel objectif poursuivent ces nouvelles dispositions qui se superposent à l’existant, sinon le seul affichage politique.

Il en va de même en ce qui concerne la prohibition de la publicité concernant l’abus d’alcool. L’amendement porté par notre collègue Gérard César, sénateur de la Gironde, au cours de l’examen du projet de loi sur la croissance et l’activité sera de nouveau discuté durant ce débat. Il ne vise aucunement à remettre en question la loi Evin ni à contester l’excès de la consommation d’alcool, notamment chez les jeunes.

Les dispositions relatives à la nutrition nous paraissent discutables. Les symboles ou les indicateurs de couleur pour les denrées alimentaires en sont un exemple : deviendrons-nous obèses délibérément en ne consommant que des produits rouges ? Serons-nous en pleine santé en ne consommant que du vert ? L’intention semble louable, mais ce dispositif n’offrira qu’un indicateur, et son effet dans la lutte contre l’obésité restera très marginal : une couleur ne change pas un comportement, même si elle peut y contribuer.

Enfin, il y a lieu de rappeler ici qu’il ne faut pas confondre maigreur et anorexie. Dans les dispositions concernant le mannequinat, l’instauration d’un critère unique, comme l’indice de masse corporelle, ou IMC, peut apparaître inefficace. Nous allons vous proposer d’avoir recours à la médecine du travail pour poser un regard expert et régulier sur les professionnels de la mode.

Mme Corinne Imbert. Venons-en à votre projet de paquet neutre. Chacun est bien sûr conscient de la nocivité du tabac et nul ne peut ignorer ses effets directs et néfastes sur la santé. Est-il cependant pertinent d’instaurer le paquet neutre alors même que la directive européenne prévoit un cadre en contraignant déjà les fabricants à respecter de nouvelles normes sur les emballages de cigarettes ? Bien évidemment, non ! D’autant que cette mesure emportera deux effets négatifs : elle encouragera l’achat des cigarettes aux frontières ou au marché noir et elle aggravera les difficultés des buralistes, qui constituent aujourd’hui l’un des derniers réseaux de commerçants d’une telle dimension à l’échelle nationale et que nous devons accompagner dans l’évolution de leur profession.

Oui, fumer tue, madame la ministre, mais mal réformer asphyxie ! Pourquoi s’inscrire dans une démarche de surtransposition des directives européennes ?

Nous assumons notre choix de supprimer le paquet neutre au profit du texte européen, qui conduira à recouvrir à 65 % le paquet de messages dissuasifs, au lieu de 40 % actuellement.

Vous auriez fait preuve d’un vrai courage en abordant la problématique de l’uniformisation européenne des tarifs du tabac. C’est aussi en menant une politique de prévention globale à l’échelle européenne que nous pourrons obtenir des résultats tangibles, plutôt qu’en sanctionnant à outrance en France.

Concernant les salles de consommation à moindre risque, dites « salles de shoot », la commission des affaires sociales a souhaité maintenir leur expérimentation. Nous vous proposerons d’informer les maires et de les associer avant de prendre les décisions d’expérimentation. Celles-ci n’excluant pas le contrôle, nous ferons preuve d’une extrême vigilance quant aux résultats des créations de ces espaces qui devront être très encadrés.

La grande variété des sujets abordés par le texte du Gouvernement est aussi symbolisée par les mesures relatives, notamment, à l’interruption volontaire de grossesse, ou IVG. Cela a été déjà largement évoqué.

Nous avons ainsi relevé, non sans surprise, la suppression du délai de réflexion de sept jours pour une IVG, la possibilité offerte aux centres de santé de pratiquer des IVG chirurgicales, la compétence accordée aux sages-femmes pour la réalisation des IVG médicamenteuses et la réforme du don d’organe.

Si nous ne contestons pas l’intérêt de certaines de ces mesures, nous considérons qu’elles méritent un large débat. À nos yeux, ces dispositions n’ont pas leur place au sein du présent projet de loi qui prétend moderniser notre système de santé, elles auraient davantage leur place dans une loi bioéthique.

Venons-en à présent au passage en force à l’étatisation systématisée, érigée en véritable socle idéologique et dogmatique de cette réforme. L’évolution des agences régionales de santé, ou ARS, symbolise cette orientation. Elles sont promises à un bel avenir, voire à une promotion certaine : elles deviendront peut-être demain des préfectures régionales de santé.

Ainsi, les ARS deviennent des superstructures bureaucratiques, dans le but essentiel de contrôler, d’imposer les cadres d’exercice de la médecine libérale et hospitalière.

Mme Catherine Génisson. Mais non, c’est faux !

Mme Corinne Imbert. Nous sommes, bien entendu, farouchement opposés à toute perte de liberté, de quelque ampleur soit-elle, car il s’agit d’une garantie de qualité et de continuité pour les soins comme pour le suivi des patients.

Opposer sans cesse le secteur public au secteur privé est une erreur : ils sont complémentaires et ils doivent interagir pour être efficaces.

M. Gilbert Barbier. Très bien !

Mme Corinne Imbert. La commission propose donc de redonner aux établissements privés la possibilité d’effectuer des missions de service public.

Mme Catherine Génisson. C’est fait !

Mme Corinne Imbert. Vous dites, madame la ministre, que la désertification médicale en milieu rural constitue aujourd’hui un sujet prioritaire. Vous avez raison, et c’est également le cas dans certains secteurs urbains. Plusieurs facteurs expliquent cette situation. C’est une vraie question d’aménagement du territoire. Que proposez-vous ? La suppression des pôles de santé, pour les remplacer par des communautés professionnelles de santé !

La commission et la majorité sénatoriale ont réintroduit les pôles de santé, véritables outils de coopération, et souhaité les renforcer. Ils fonctionneront d’autant mieux qu’ils correspondront à des projets élaborés par les professionnels eux-mêmes. Il est indispensable d’améliorer l’offre de soins à partir de ces instruments. Souvenez-vous que ceux qui soignent, ce ne sont ni les murs ni les dispositifs, mais les professionnels de santé.

Je tiens également à soutenir la mesure adoptée par notre commission, sur proposition des rapporteurs, relative à l’obligation de négocier, dans le cadre de la convention médicale, autour de l’installation des médecins en zone dite « sous-dotée ».

Enfin, nous souhaitons que le contrat d’engagement de service public destiné aux étudiants et aux internes soit développé, mieux connu et plus attractif. Toutes ces mesures montrent qu’il est possible de concilier liberté d’installation et prise en compte des besoins des territoires, et surtout des patients.

Ainsi, la liberté de choix du patient doit être préservée. La garantie d’être soigné par un praticien qui ne soit pas commis d’office est primordiale. L’accès aux soins ne doit pas être concentré et contraint, il doit être, avant tout, structuré pour être performant.

Via un amendement de notre rapporteur Catherine Deroche, la commission a également fait le choix de préserver l’activité des médecins libéraux, et notamment celle des associations de permanence des soins, dans l’organisation de la permanence des soins ambulatoires.

En effet, cette mission de service public est assurée par les médecins libéraux, en collaboration avec les établissements de santé. Mais certaines ARS avaient décidé de supprimer la permanence des soins ambulatoires entre minuit et huit heures du matin, ce qui allait à l’encontre du dispositif prévu.

La commission a également maintenu la création des groupements hospitaliers de territoire, les GHT, tout en modifiant le paradigme initial : le projet médical doit être partagé entre les professionnels, et non pas être la résultante d’une décision imposée par l’unique volonté de l’ARS.

Fait inédit qui peut nous inciter à la vigilance concernant cette mesure, les ARS reçoivent depuis janvier 2015 des injonctions pour mettre en place des GHT sans projet médical préalable, alors que la loi n’est même pas votée. Quel sens de l’anticipation ! Votre volonté de rationaliser les coûts, que nous pouvons comprendre et que nous partageons, tout en maintenant des services adaptés aux soins, ne doit pas vous conduire à inverser les rôles !

Mme Corinne Imbert. Les commissaires ont également fait le choix de valoriser au sein du projet de loi les professionnels de la santé, en rétablissant, par exemple, l’ordre infirmier. Un ordre est garant de l’éthique d’une profession et de ses bonnes pratiques ; qui pourrait s’en plaindre ?

En tant que pharmacienne d’officine, j’approuve les dispositions visant à innover pour la qualité des bonnes pratiques, le bon usage du médicament et la sécurité des soins. Je rappelle que la loi de répartition qui régit notre installation permet un remarquable aménagement du territoire, garant de la proximité, mais que ce réseau devient fragile.

Je souhaite aussi vous appeler à une grande vigilance, madame la ministre, concernant le développement de la pharmacie numérique. Il n’y a pas lieu d’aller au-delà de ce qui se fait aujourd’hui. Un développement trop important et mal encadré serait une porte ouverte dans notre pays à la mise sur le marché de faux médicaments, fléau mondial dont vous n’ignorez pas l’existence et qui est aujourd’hui plus rémunérateur que le trafic de drogues.

Enfin, comment évoquer ce projet de loi sans parler de la généralisation du tiers payant ?

C’est une fausse bonne idée, une promesse vaine, un choix de facilité et non de responsabilité, une perte de conscience du coût réel de la santé. Oui, nous souhaitons maintenir ce dispositif pour les patients les plus fragiles. Mais il est totalement déraisonnable de généraliser ce mécanisme.

Dans le cadre du parcours de soins, le projet de loi oublie les nouvelles technologies liées à la télémédecine ou à la télétransmission des examens, qu’il faut encadrer. C’est aussi par ces voies nouvelles de l’innovation technologique que l’on pourra tendre vers l’équité de la prise en charge des patients.

On nous dit qu’il n’y a jamais eu autant de médecins, mais qu’ils seraient mal répartis. C’est donc bien l’organisation qu’il faudrait revoir.

La formation des médecins n’est pas toujours en adéquation avec les besoins de la population et des territoires. Plus on technocratise l’organisation, plus on aura besoin de médecins. C’est la conséquence évidente de cette loi.

Les économistes disent volontiers que la médecine à l’acte produit trop d’actes et que la médecine salariée n’en produit pas assez. Cette loi va dans le sens d’une médecine salariée, ce qui veut bien dire qu’il faudra former davantage de médecins. Et je rejoins la pensée de notre collègue René-Paul Savary, qui est intervenu de nombreuses fois sur ce sujet : étatiser la médecine conduit inévitablement à augmenter le numerus clausus.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, mon groupe défend le maintien de la médecine libérale, la complémentarité du secteur privé et du secteur public, ainsi que la liberté d’initiative. En ce qui concerne le coût de la santé, ce projet de loi ne règle en rien le problème économique, à savoir que la sécurité sociale est en déficit structurel et que les complémentaires sont excédentaires. Le tiers payant généralisé ne fera qu’accroître ce différentiel entre secteur déficitaire et secteur excédentaire !

Madame la ministre, vous remettez en cause, à terme, le libre choix du patient puisqu’il est prévu, derrière ce texte, que le parcours de soins sera organisé par ceux qui auront le pouvoir financier, à savoir les complémentaires !

La liberté, c’est avant tout le choix de leur médecin pour les patients et le choix de leur installation pour les médecins. Avec toutes ces remises en cause, les patients seront pénalisés et les médecins, démotivés.

Ce sera une atteinte au choix, une atteinte à la liberté du patient, donc l’amplification d’une médecine à deux vitesses. Vous jouez là un jeu dangereux !

Mes chers collègues, ce projet de loi hospitalo-centré dont nous nous apprêtons à discuter, au-delà du fait qu’il ne règle en rien les problèmes de santé qui nous préoccupent tous, est un véritable « fourre-tout » ne proposant aucune modernisation, pas plus aux patients qu’aux professionnels de santé.

Souvenez-vous de cette question que se posait déjà Socrate en son temps : « Existe-il pour l’homme un bien plus précieux que la santé ? »

À ce titre, nous ne pouvons pas laisser passer ces mesures insidieuses qui bouleverseraient profondément notre système de santé, sauf à constater dans quelques années qu’il serait trop tard pour sauver la médecine libérale. Je n’ose imaginer la situation que nous connaîtrions alors : les meilleurs spécialistes partis à l’étranger, un secteur public hospitalier vidé de ses meilleurs éléments et un secteur privé bridé dans ses initiatives.

M. Georges Labazée. C’est assez...

Mme Corinne Imbert. J’ai bientôt terminé, mon cher collègue, rassurez-vous !

Madame la ministre, ne cassez pas la motivation des professionnels de santé. Ils n’exercent pas un métier par défaut ; ils l’exercent avec dévouement et passion dans l’intérêt de leurs patients ! Souvenez-vous aussi de ce que tous les étudiants en santé ont entendu au cours de leurs études : surtout, et d’abord, ne pas nuire ! S’il vous plaît, ne nuisez pas à notre système de santé que beaucoup de pays nous envient ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche.

M. Gérard Roche. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe UDI-UC, j’aimerais aborder cette discussion de manière résolument positive, car l’organisation de la santé est l’affaire de tous.

Le texte qui nous est soumis est le fruit d’un véritable travail de colégislation. C’est donc dans une optique de collaboration constructive entre le Gouvernement et le Parlement que nous l’envisageons.

De fait, pour l’heure, chaque étape de la navette législative a apporté sa pierre à l’édifice. Nous espérons bien, madame le ministre, pouvoir y ajouter la nôtre au cours de cette lecture.

Cette loi de santé était attendue par les professionnels, par les patients et, plus généralement, par l’ensemble des citoyens. On en connaît les raisons. On observe aujourd’hui une discordance entre la qualité des services prodigués et les difficultés d’accès aux soins dans les territoires. De plus, la société a changé : elle a vieilli, tandis que des problèmes spécifiquement liés à la santé des jeunes se sont fait jour. Enfin, il ne faut pas oublier le problème lancinant du coût de la santé.

Ce que l’on attendait était donc une loi-cadre qui modernise le système principalement dans trois directions : le développement de la prévention, l’amélioration de l’accessibilité des soins et la simplification globale du parcours de soins. Ce sont bien les thèmes qui sont abordés par le projet gouvernemental. Ils ne sont donc pas éludés.

Ces orientations générales sont louables, mais émaillées de dispositions fortement contestées sur lesquelles nous reviendrons, bien sûr, au fil de nos longs – et peut-être même très longs - débats.

On peut même légitimement se demander si certains des sujets abordés n’auraient pas dû faire l’objet de lois à part entière plutôt que d’être ainsi survolés par le biais d’amendements, tant ils nous paraissent importants.

Sur cette base, nos collègues députés se sont emparés du texte pour le faire quadrupler de volume. Pour être honnête, comment les en blâmer ? On ne peut pas, d’un côté, défendre l’initiative parlementaire et, de l’autre, la fustiger lorsqu’elle trouve à s’exprimer. Mais c’est ce qui a donné à cette loi-cadre des faux airs de loi fourre-tout.

À ce stade du travail parlementaire, il fallait un juge de paix. C’est le rôle qu’entend jouer le Sénat aujourd’hui, sous la houlette du président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, ainsi que des rapporteurs Catherine Deroche et Élisabeth Doineau dont je salue, au passage, le travail très important réalisé en amont.

Après son examen en commission, le texte est plus équilibré, mais certainement pas détricoté. Il demeure tout de même encore trois fois plus volumineux que le projet initial. Notre commission a en effet conservé nombre des apports de l’Assemblée nationale.

Sur le fond, l’effort de colégislation se retrouve dans chacune des grandes parties du projet.

En matière de prévention, nous ne pouvons que nous féliciter de voir abordés des sujets aussi importants que la lutte contre l’alcoolisme, l’obésité, l’anorexie, le tabagisme, la drogue, et même les cabines de bronzage.

Pour ne parler que de l’une des mesures les plus emblématiques du texte, l’expérimentation des salles de shoot, je crois pouvoir dire que nombre de parlementaires étaient au départ sceptiques. Or les médecins addictologues, unanimes pour soutenir l’expérimentation, ont su convaincre certains de nos collègues.

M. Gérard Roche. Dans le même temps, nous ne pouvons que soutenir l’effort fourni par notre commission pour tempérer l’ardeur du Gouvernement sur le paquet neutre.

Pourquoi surtransposer la directive européenne avant même de disposer de l’évaluation des expériences menées à l’étranger ? La même question peut se poser pour l’article 11 quater, qui interdit la présence de bisphénol A dans les jouets et amusettes. Là encore, il y a sur transposition de directive...

En ce qui concerne la simplification et l’amélioration de la lisibilité du système, la systématisation des lettres de liaison entre la ville et l’hôpital, la relance nécessaire du dossier médical personnalisé, le DMP, et la réinscription dans la loi du service public hospitalier sont des avancées notables.

Je voudrais toutefois insister sur le fait que, si une réorganisation territoriale de l’offre de soins est indispensable, elle ne peut être réalisée que de façon coordonnée et concertée avec les professionnels de santé et les élus. Par exemple, bon nombre de médecins généralistes que j’ai rencontrés souhaitent que l’organisation des soins primaires et celle des soins de second recours soient nettement individualisées dans le cadre des communautés professionnelles territoriales de santé.

C’est aussi la condition de la réussite du groupement hospitalier de territoire, le GHT, créé par l’article 27 du présent texte. Or nous sommes inquiets de constater que des GHT commencent, d’ores et déjà, à se constituer avant même que la loi soit votée...

J’en terminerai par l’amélioration de l’accès aux soins.

À ce sujet, le débat a été focalisé, et je dirais même pollué, par la généralisation du tiers payant.

Que le tiers payant bénéficie aux assurés les plus modestes, nous y sommes, bien sûr, totalement favorables. Or c’est déjà le cas en partie, puisque le tiers payant bénéficie à toutes les personnes dont le niveau de revenu est inférieur ou égal au seuil de pauvreté monétaire. Dans certains cabinets médicaux, m’a-t-on dit, cela représente actuellement 30 % des consultations.

Peut-être aurait-on pu élargir la tranche des bénéficiaires du tiers payant à d’autres personnes aux revenus encore trop modestes. Mais l’étendre à tous les assurés conduit à une banalisation de l’acte. C’est alimenter la « bobologie » qui plombe l’activité médicale.

Ce que les médecins attendent, c’est une reconnaissance de leur profession. Leur mission consiste en effet, dans la réalité des faits, en une prise en charge globale des personnes, et même des familles : le médecin est celui qui soigne, qui écoute, qui conseille...

De plus, dans le fond, certains praticiens vivent le tiers payant comme un moyen détourné d’annoncer la fin de l’exercice libéral. Pourtant, et c’est un fait nouveau, nombre d’entre eux accepteraient cette évolution en contrepartie de conditions de travail compatibles avec la qualité de vie à laquelle ils aspirent.

À nos yeux, la participation du bénéficiaire relève beaucoup plus de la moralisation du système et la question de l’accessibilité des soins dépasse de loin le débat sur la généralisation du tiers payant.

Le texte porte certaines mesures encourageantes.

Ainsi en est-il de l’article 12 bis qui, tel que modifié par la commission, revient à renforcer les pôles de santé pour regrouper les professionnels du premier recours en coordination avec ceux du second recours.

C’est aussi le cas de l’article 15, lequel, encore une fois amendé par la commission, crée un numéro véritablement unique tout en préservant l’activité des médecins libéraux regroupés en associations de permanence des soins – SOS médecins, pour ne pas le nommer –, qui se sentaient menacés par le dispositif initialement proposé.

L’accès aux soins, c’est aussi la question du temps médical, qui induit les problèmes des délégations d’actes entre professionnels, et de l’émergence de nouvelles professions. Ici encore, le texte va dans le bon sens, même si cette tendance, inévitable à terme, n’est encore qu’esquissée. Nous pensons qu’il faudra aller plus loin.

Enfin, on ne peut parler d’accès aux soins sans aborder le débat sur la désertification médicale. Nous l’aurons à l’occasion de l’examen de l’article 12 quater A, par lequel notre commission crée une obligation de négocier sur le conventionnement des médecins souhaitant s’installer en zones sous-denses et sur-denses. C’est une piste. Certains de nos collègues ont une position beaucoup plus contraignante, qui a déjà été exposée au cours de cette discussion générale.

On peut toutefois d’emblée regretter que le texte n’ait pas davantage mis l’accent sur l’orientation des étudiants en médecine vers la médecine généraliste et l’exercice regroupé. En effet, même s’il s’agit du plus beau métier du monde, son exercice solitaire pose de plus en plus problème. Or c’est bien le médecin généraliste qui constitue la porte d’entrée du parcours de soins auquel, madame la ministre, vous tenez tant ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, mesdames, monsieur les rapporteurs, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi s’inscrit dans un contexte de transformations majeures en matière de santé publique. L’ouverture en juin dernier à Paris – vous étiez présente, madame la ministre – d’un nouveau centre de recherche et développement consacré aux maladies rares par le laboratoire Alexon à l’Institut Imagine, pôle européen qui associe recherche et soins des maladies génétiques, confirme l’excellence de la recherche médicale et scientifique française, que concrétisent le grand nombre de brevets déposés et de premières mondiales réalisées dans nos centres hospitaliers universitaires.

L’innovation française est en pointe grâce aux professionnels et aux personnels de santé qui la font vivre au quotidien, et au Gouvernement, qui y prend toute sa part. Il vient notamment de financer, dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, plusieurs projets de recherche de grande ampleur dans le domaine de la santé associant la recherche fondamentale, la recherche clinique et les entreprises.

Les nouvelles thérapies ont aussi un coût que nous ne connaissions pas jusqu’alors : nous y avons été confrontés très récemment s’agissant du traitement de l’hépatite C. Il est aussi de la responsabilité de l’État, parce que la nation est constitutionnellement garante de la protection de la santé, au sens large où la définit l’OMS, d’en assurer l’accès à tous les patients.

À cet égard, le projet de loi ne comporte pas de dispositions financières, que la cohérence budgétaire réserve, à juste titre, aux lois de financement de la sécurité sociale. Toutefois, la situation de nos comptes sociaux conditionne, bien sûr, la viabilité de nombre de mesures qu’il comporte, de même qu’elle conditionne l’accès de tous aux nouveaux traitements et à l’innovation, que seul un système de financement solidaire permet.

Je mentionne simplement – nous y reviendrons de manière précise en novembre prochain – qu’en 2014 tous les soldes des branches se sont améliorés par rapport à 2013 et que le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse a été réduit de moitié. Ce contexte globalement plus favorable doit être souligné. Rappelez-vous quelle était la situation en 2009 au moment de l’adoption de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST. Les perspectives étaient alors extrêmement sombres et nous avons changé cela, il n’est pas inutile de le rappeler.

Aux impératifs d’adaptation et de transformation de notre système de santé que nécessite l’investissement dans la recherche et l’innovation, à ceux que nous imposent les mutations démographiques et épidémiologiques que nous connaissons s’ajoute un impératif plus catégorique encore : celui de la justice sociale. C’est ce à quoi le présent projet de loi entend répondre.

Le rapport statistique annuel du Secours catholique, le rapport de la DREES, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, sur l’état de santé de la population, l’enquête de l’Observatoire de l’égalité d’accès aux soins de mai 2015 établissent le même constat : si l’état de santé en France est globalement bon, il comporte de nombreuses et notables disparités entre territoires et catégories sociales. L’existence et l’importance des problèmes de santé sont d’abord liées à la position sociale et au niveau d’études. Ainsi, ce sont souvent les mêmes populations les moins favorisées qui cumulent les facteurs défavorables. Selon la hiérarchie sociale, le gradient social de santé diminue ou augmente, de même que les inégalités de recours aux soins : la vision non corrigée ou mal corrigée est aussi corrélée au niveau de vie et à des facteurs socioéconomiques.

Dans un tel contexte, ne pas soutenir le principe de la généralisation du tiers payant constitue un grave déni de réalité et de justice.

Pour répondre au défi majeur de l’accès aux soins et dans le cadre des orientations fixées par la stratégie nationale de santé, ce projet de loi fait de la prévention le socle de la politique publique, structure le parcours de santé autour des soins primaires, fait évoluer les métiers et favorise la recherche, clarifie la gouvernance de la politique de santé, renforce la transparence et la démocratie sanitaire.

Santé scolaire, contraception, dépistage, refondation du service public hospitalier, pratiques avancées, droit à l’oubli, action de groupe : une très grande part de ce projet est approuvée par les Français, et, quoi qu’elle en dise, également par notre commission des affaires sociales, au-delà des suppressions qui ont été évoquées, puisqu’il est mentionné dans le rapport que « plus d’une centaine d’articles » ont été adoptés « sans modification ou moyennant de simples précisions rédactionnelles ».

La généralisation du tiers payant a essentiellement focalisé l’attention. Il est vrai que la perspective des élections professionnelles du 12 octobre prochain prête à la surenchère. Elle n’explique ni ne justifie toutefois d’autres excès proches de la caricature s’agissant des salles de consommation à moindre risque ou de la suppression du délai de réflexion pour l’IVG. Il est vrai aussi qu’il n’y a pas si longtemps certains demandaient le rétablissement du délit d’auto-avortement et la prison pour ces femmes en détresse.

Reconnaissons à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes un courage certain pour avoir résisté à la violence verbale et aux attaques auxquelles il a été donné libre cours. Jusqu’où serait-on allé si le projet avait comporté, comme certains le proposaient, une installation déconventionnée en zone sur-dotée, la suppression des régimes spéciaux ou l’unification du régime général et des complémentaires ?

En réalité, ce projet n’a pas suscité, comme le soulignent les rapporteurs de la commission, « une réaction de profond rejet » : nombre de représentants des professions de santé que nous avons auditionnés nous ont dit en approuver l’essentiel. Chers collègues de la majorité sénatoriale, un effet d’optique médiatique vous aura fait prendre une partie pour le tout.

Madame la ministre, à vos côtés, nous avancerons dans ce débat de manière pragmatique et sereine, avec la même ambition pour la justice et la République sociale que celle que vous avez exprimée dans votre propos ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je tiens d’abord à remercier l’ensemble des intervenants pour la qualité de leurs interventions et de leurs interpellations. Je ne répondrai pas dans le détail aux diverses interrogations relatives à l’ensemble des sujets que comporte ce projet de loi ; nous aurons l’occasion d’entrer dans des débats plus approfondis au moment de l’examen des articles.

Je souhaite rassurer M. Barbier : si mes calculs arithmétiques, qui diffèrent des siens, sont justes, c’est près de soixante-quinze heures que nous devrions passer ensemble dans cet hémicycle, ce qui nous donnera largement le temps de débattre de tous les sujets !

Je veux, bien évidemment, remercier tout particulièrement Catherine Génisson, Yves Daudigny et Aline Archimbaud non seulement d’avoir apporté, au nom de leurs groupes, leur soutien à ce projet de loi, mais aussi d’avoir mis en évidence la logique et la cohérence des objectifs de ce texte et le caractère structurel de toute une série de mesures.

Je dois le dire, j’ai été quelque peu étonnée de la longue présentation de M. Bas, laquelle visait à montrer que le projet de loi était, au fond, inutile sur un certain nombre de points : il est assez osé d’expliquer que les mesures qui ont été supprimées n’avaient pas de caractère normatif, lorsqu’on se rappelle qu’elles visaient la généralisation du tiers payant, la mise en place du paquet neutre, la suppression du délai de réflexion pour l’interruption volontaire de grossesse, le rétablissement du service public hospitalier, l’action de groupe en santé – j’en passe et des meilleures ! Lorsqu’il a estimé qu’il ne s’agissait pas de mesures normatives, que ces mesures ne portent pas une vision de notre système de santé, j’ai eu un peu de mal à le suivre, ainsi que les autres intervenants qui sont allés dans cette direction.

J’assume pleinement, au nom du Gouvernement et en mon nom propre, le fait qu’il y ait des différences de visions, d’approches, de conceptions de ce que doit être un projet de santé au service de notre société, de la solidarité, de nos concitoyens, pour l’accès aux soins.

Il ne suffit pas de dire à une tribune ou ailleurs que l’on est favorable à la prévention. Je l’ai dit, la prévention est sans doute le mot le plus largement utilisé et partagé dans notre pays. Mais encore faut-il être capable de se retrouver sur des instruments concrets qui permettent de décliner cet objectif. Je suis moi aussi favorable à la responsabilité de nos concitoyens : je ne crois pas du tout qu’en matière de santé l’État puisse se substituer à la volonté des citoyens d’avoir des comportements favorables à leur santé.

Néanmoins, je veux récuser avec la plus grande force l’idée que la responsabilité tomberait du ciel, sans qu’il soit tenu compte des réalités sociales et culturelles et des incitations de groupe.

Où est la responsabilité d’un « gamin » – je choisis ce terme volontairement – de 12 ans qui commence à fumer à la sortie du collège pour faire comme ses copains, comme le groupe social auquel il appartient ? En agissant de la sorte, il tombe sous la dépendance du tabac, puisque la nicotine rend dépendant, dont il sera ensuite très difficile de sortir. À ce niveau-là, il n’y a pas de responsabilité.

Où est la responsabilité des hommes et des femmes qui, pour des raisons culturelles, ne savent pas décrypter les indications, d’ailleurs incompréhensibles, figurant sur les paquets alimentaires ?

Où est la responsabilité d’hommes et de femmes qui, venus de milieux sociaux modestes, se retrouvent confrontés à des comportements alimentaires qui les conduisent, eux et leurs enfants, vers l’obésité et donc souvent le diabète ? Il n’y a pas, là non plus, de responsabilité.

C'est la responsabilité de la puissance publique de permettre à chacune et à chacun de s’informer, d’être accompagné et soutenu. C'est à cela que nous travaillons.

Par ailleurs, je tiens à dire qu’il n’est pas question avec ce projet de loi de revenir à la loi HPST, dont la page est tournée. Or ceux qui veulent remettre en cause le rétablissement du service public hospitalier veulent revenir à la loi HPST.

Lorsqu’on veut, comme l’a fait la commission, supprimer les communautés professionnelles territoriales de santé et proposer le rétablissement des pôles renforcés, c'est aussi revenir à la loi HPST, alors même que les dispositions avaient été négociées avec les professionnels eux-mêmes.

Aujourd'hui, nous devons avoir une exigence d’anticipation. Ce n’est pas en rétablissant ce qui existait il y a cinq ou dix ans que nous ferons face aux défis du moment. Nous devons nous engager à adopter des mesures nouvelles pour l’égalité territoriale, et j’entends d’ailleurs celles et ceux qui veulent davantage de dispositions favorisant une meilleure répartition des professionnels dans nos territoires. Ce matin, en Haute-Saône, le Président de la République a annoncé des objectifs encore plus ambitieux que ceux que j’avais fixés voilà quelques années en matière d’ouverture de maisons de santé, d’installation de médecins dans les territoires sous-dotés, de formation de médecins correspondants du SAMU pour faciliter l’accès aux soins urgents.

Nous pouvons faire preuve d’une volonté renforcée, car nous avons atteint plus rapidement que prévu les objectifs que j’avais fixés il y a trois ans, ce qui montre que la politique du Gouvernement produit des résultats.

Alors, faut-il aller vers des mesures qui ne seraient pas seulement incitatives, mais davantage sinon coercitives, du moins contraignantes ? Je dois dire que je ne sais plus qui je dois écouter à la droite de cet hémicycle, entre ceux qui reprochent, de manière assez idéologique, à ce projet de loi d’être un texte d’étatisation et ceux qui, dans le même élan, demandent que l’on impose aux médecins leur lieu d’exercice. Je vous laisse, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale et de l’opposition au Gouvernement, arbitrer entre vos contradictions...

Enfin, parce que la proximité est une exigence pour nous, sur laquelle nous reviendrons très longuement au cours du débat, je veux vous rassurer, madame Cohen – même si je ne suis pas certaine d’y arriver –, quant aux groupements hospitaliers de territoires. Ceux-ci sont précisément faits pour instaurer des coopérations entre les établissements afin de sauver les établissements de proximité. C'est par la mise en place de projets médicaux territoriaux que nous pourrons maintenir des hôpitaux de proximité, dont les missions seront articulées avec celles d’établissements plus importants. C'est de cette façon que nous pourrons éviter de succomber à une logique financière et faire du projet médical la priorité.

Je terminerai en répondant à Mme Imbert, qui s’inquiétait que nous remettions en cause, au travers de nos débats et de ce projet de loi, la déontologie des professionnels de santé qui interdit de nuire aux patients. Car la prohibition de la nuisance relève bien de la déontologie des professionnels de santé, et non d’un principe posé par Socrate.

Je la renvoie pour ma part à Nietzsche, autre grand philosophe, pour qui « la plus perfide façon de nuire à une cause est de la défendre intentionnellement avec de mauvaises raisons ».

Aussi, madame la sénatrice, j’espère que le débat que nous aurons au cours des prochaines semaines portera non sur la capacité de nuire ni sur la nuisance, mais au contraire sur la solidarité et sur la capacité d’aider et d’accompagner de manière bienveillante l’ensemble de nos concitoyens. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La discussion générale est close.

Rappel au règlement

 
 
 

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.

Mme Éliane Assassi. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 36 du règlement. Je m’interroge sur le déséquilibre de la discussion générale de ce projet de loi, qui est important et dont l’examen nous conduira à siéger pendant plusieurs journées pour essayer autant que faire se peut – en tout cas, c’est notre ambition – de l’améliorer. En effet, l’ensemble des groupes politiques, tous confondus, a disposé d’une heure pour s’exprimer, alors que les rapporteurs ont disposé ensemble d’une heure et quart. Il me semble que cela doit nous faire réfléchir, notamment quant au respect du règlement.

C’est pourquoi je me permets ce rappel au règlement ; toutefois, puisque la conférence des présidents a lieu demain soir, je prolongerai le débat à cette occasion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Madame la présidente Assassi, cette décision avait été adoptée lors de la précédente conférence des présidents.

Mme Éliane Assassi. Pas en ce qui concerne les rapporteurs !

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi relatif à la santé

TITRE LIMINAIRE

RASSEMBLER LES ACTEURS DE LA SANTÉ AUTOUR D’UNE STRATÉGIE PARTAGÉE

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I. – Le livre IV de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 1411-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-1. – La politique de santé relève de la responsabilité de l’État.

« Elle vise à assurer la promotion de conditions de vie favorables à la santé et l’amélioration de l’état de santé de chacun au meilleur coût.

« Elle concerne :

« 1° La surveillance et l’observation de l’état de santé de la population et l’identification de ses principaux déterminants ;

« 2° La réduction des risques éventuels pour la santé liés à l’environnement et aux conditions de travail, de transport, d’alimentation et de consommation de produits et de services ;

« 3° La préparation et la réponse aux alertes et aux crises sanitaires ;

« 4° La lutte contre les épidémies ;

« 5° La prévention individuelle et collective des maladies et de la douleur, des traumatismes et des pertes d’autonomie par l’information et l’éducation à la santé de chacun tout au long de la vie ;

« 6° L’organisation du système de santé et sa capacité à assurer l’accessibilité et la continuité des soins par la coopération de l’ensemble des professionnels de santé quel que soit leur mode d’exercice ;

« 7° La réduction des inégalités sociales et territoriales de santé ;

« 8° La qualité et la sécurité des soins et des produits de santé ;

« 9° La promotion des activités de formation, de recherche et d’innovation dans le domaine de la santé ;

« 10° La formation initiale et continue et la démographie des professions de santé ;

« 11° L’information de la population et sa participation, directe ou par l’intermédiaire d’associations, aux débats publics sur les questions de santé et aux processus d’élaboration et de mise en œuvre de la politique de santé. » ;

2° L’article L. 1411-1-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-1-1 – La politique de santé est conduite dans le cadre d’une stratégie nationale de santé définie par le Gouvernement.

« La stratégie nationale de santé détermine, de manière pluriannuelle, des domaines d’action prioritaires et des objectifs d’amélioration de la santé et de la protection sociale contre la maladie.

« Préalablement à son adoption ou à sa révision, le Gouvernement procède à une consultation publique sur les objectifs et les priorités du projet de stratégie nationale de santé.

« La mise en œuvre de la stratégie nationale de santé fait l’objet d’un suivi annuel et d’une évaluation pluriannuelle, dont les résultats sont rendus publics.

« Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent article. » ;

3° L’article L. 1411-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-2. – Les organismes gestionnaires des régimes d’assurance maladie concourent à la mise en œuvre de la politique de santé dans le cadre de leurs compétences et dans le respect des conventions les liant à l’État.

« Ils poursuivent des objectifs, définis par l’État et par les agences régionales de santé en fonction des spécificités de chaque région, de continuité, de coordination, de qualité des soins et de répartition homogène de l’offre de prévention et de soins sur le territoire. » ;

4° Après le mot : « lors », la fin de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 1411-3 est ainsi rédigée : « de l’élaboration de la stratégie nationale de santé. » ;

5° Le 1° de l’article L. 1411-4 est ainsi rédigé :

« 1° De contribuer à l’élaboration, au suivi annuel et à l’évaluation pluriannuelle de la stratégie nationale de santé ; »

6° Au premier alinéa du 1° de l’article L. 1431-2, les références : « L. 1411-1-1 et L. 1411-2 » sont remplacées par les références : « L. 1411-1 et L. 1411-1-1 ».

II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Les troisième et quatrième alinéas du I de l’article L. 111-2-1 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« En partenariat avec les organisations représentatives des professionnels de santé et les associations agréées en application de l’article L. 1114–1 du code de la santé publique, les organismes gestionnaires des régimes d’assurance maladie concourent, dans les conditions prévues à l’article L. 1411-2 du même code, à la mise en œuvre de la politique de santé définie par l’État. » ;

2° Après le mot : « des », la fin du treizième alinéa de l’article L. 161-37 est ainsi rédigée : « domaines d’action prioritaires et des objectifs de la stratégie nationale de santé mentionnée à l’article L. 1411-1-1 du code de la santé publique. »

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, corapporteur.

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Nous débutons l’examen de ce projet de loi avec l’article 1er, qui redéfinit les objectifs de la politique de santé et les principes généraux présidant à son élaboration, sa mise en œuvre dans le cadre d’une stratégie nationale de santé, son évaluation et sa révision.

Au vu de tous les amendements relatifs à cet article, j’ai le sentiment de porter les ciseaux de la censure « idéologique », si j’en crois ce que j’ai entendu. Pour autant, j’ai aussi indiqué précédemment combien le travail des rapporteurs a visé la sobriété législative. À travers nos réponses et nos avis, qui seront plutôt défavorables, j’aurai donc sans doute le privilège d’entendre vos remarques, voire plus. (Sourires.)

J’indique par ailleurs que l’article 1er tend à rendre plus cohérente la structuration de deux articles du code de la santé publique : les articles L. 1411–1 et L. 1411–2. Il écarte ainsi les dispositions redondantes – ou qui nous ont apparu telles – ou sans réelle portée normative ; je sais néanmoins que cela ne plaira pas davantage à certains d’entre vous.

Les dispositions du présent article ont en effet vocation à se présenter comme un dispositif chapeau. L’objectif n’est donc pas de citer l’ensemble des publics visés par la politique de santé ni tous les moyens par lesquels celle-ci doit être mise en œuvre ; il s’agit de définir de manière synthétique – j’insiste sur ce point – les finalités de la politique de santé et les principes généraux qui doivent présider à sa mise en œuvre, son évaluation et sa révision.

Le présent article s’adresse à nos concitoyens pris dans leur ensemble, d’où l’exigence de lisibilité que nous avons cherché à satisfaire. Les chapitres ultérieurs du code déclinent ensuite ces dispositions en fonction du public visé, des thématiques et des moyens à mettre en œuvre.

Ainsi, pour toutes ces raisons, nous sommes bien évidemment opposés à la suppression de cet article et nous serons conduits à donner un avis défavorable aux amendements visant à revenir sur la rédaction adoptée par la commission.

M. le président. La parole est à M. François Commeinhes, sur l'article.

M. François Commeinhes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 1er de ce projet de loi introduit le principe de responsabilité de l’État dans la conduite de la politique de santé. L’État devrait ainsi, pour répondre aux défis que doit relever notre système de santé, garantir un juste équilibre, au cœur de cette réforme, entre le service public hospitalier et la médecine libérale, socle du parcours de santé de nos concitoyens.

Or le texte adopté par l'Assemblée nationale allait précisément dans un sens opposé, et reposait sur une contradiction doublement inacceptable : d’une part, un mouvement d'étatisation de la gouvernance de la santé, pensé contre les médecins libéraux, et, d’autre part, une montée en puissance des organismes complémentaires et des grands groupes. Je salue donc ici le travail de la commission des affaires sociales du Sénat, qui a su remettre ce texte sur la voie de la cohérence et du bon sens ; mais le chemin est encore long et je fais le vœu que ces séances puissent le déblayer.

Dans un contexte difficile, l’encouragement au développement d'une médecine plurielle et sa modernisation devraient être les objectifs de toute réforme réaliste et ambitieuse. C’est malheureusement le contraire que porte le présent projet de loi qui, au réalisme du terrain, préfère le dogmatisme bureaucratique.

C’est pourquoi je vous proposerai, mes chers collègues, en ce qui concerne la conduite de la politique de santé, une définition équilibrée de son exercice à travers l’amendement n° 40 rectifié, ainsi qu’un amendement de repli – le n° 41 rectifié – et un amendement de philosophie similaire – le n° 77 rectifié.

Il me paraît également capital que le secteur sanitaire et social ainsi que l’action pour le handicap fassent l’objet d’une inscription importante dans cet article ; ce sera l’objet d’amendements que je soumettrai à votre vote.

Globalement, le présent article résume à lui seul la philosophie de ce texte : un État qui prendrait des décisions pour quelques intérêts, mais surtout pas l’intérêt général, et qui refuserait le dialogue avec ceux qui auront à assumer au quotidien cette loi, à savoir les médecins ; un État qui sait mieux que les patients et les médecins ce qui est juste pour eux-mêmes ; un État centralisé, avec un hôpital public aux ordres d’agences régionales de santé omnipotentes ; enfin, un État qui coopte et « clive » son système de santé.

Madame la ministre, nos concitoyens sont attachés à la liberté et à l’indépendance de leurs soignants. Avec cette réforme, c’est la fin du système conventionnel à la française. Une telle réforme ne peut être appliquée à la nation sans qu’un débat digne de ce nom leur explique clairement les enjeux.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, sur l’article.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 1er avait le mérite de proposer une nouvelle définition des objectifs de la politique de santé, des principes généraux présidant à son élaboration, sa mise en œuvre dans le cadre d’une « stratégie nationale de santé », son évaluation et sa révision. Le travail mené à l’Assemblée nationale sur ce thème a d’ailleurs montré l’utilité du travail parlementaire, puisque cet article a été ainsi largement complété.

La commission des affaires sociales du Sénat – ou plutôt sa majorité – a pris la direction inverse, en le remplaçant brutalement et d’un seul coup par une nouvelle rédaction, présentée il y a encore quelques heures, lors de notre précédente réunion de commission, comme non négociable.

C’est sous prétexte de rendre le texte moins obèse, plus efficace et de le simplifier que les rapporteurs de la majorité de la commission des affaires sociales ont en réalité rédigé un texte complètement renouvelé, qui écarte des sujets aussi importants que la santé environnementale, l’égalité entre hommes et femmes, la prévention en général et plus précisément envers les jeunes, le sport et la santé – en ce qui concerne les personnes en situation de handicap, j’ai entendu qu’un amendement vise à aborder cette question et je m’en réjouis.

Le groupe écologiste du Sénat présentera donc plusieurs amendements. Tout d’abord, nous proposerons de rétablir l’article dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale. En guise de repli, nous tenterons de réintroduire les différents sujets que je viens d’évoquer.

J’ai entendu votre appel, madame la rapporteur, en faveur de la sobriété législative et contre les redondances. Il ne s’agit en l’occurrence pas du tout de cela ! Il s’agit d’affirmer quelques principes fondamentaux qui doivent donner tout son sens à la loi !

M. le président. La parole est à M. Jacques Cornano, sur l'article.

M. Jacques Cornano. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis de l’examen par la Haute Assemblée du projet de loi de modernisation de notre système de santé. Hasard du calendrier : ce texte est présenté au moment où le groupe Monsanto est condamné en appel pour la toxicité d’un herbicide.

Néanmoins, permettez-moi, avec nos collègues de l’Assemblée nationale, de regretter l’absence d’un volet propre aux outre-mer. En effet, le Président de la République souhaitait renouer avec l’excellence de notre système de santé et renforcer l’hôpital public, en particulier dans nos outre-mer.

Il entendait notamment lutter contre les déserts médicaux, en favorisant une meilleure répartition des médecins par la création de pôles de santé de proximité dans chaque territoire. Il souhaitait aussi accélérer la mise en œuvre effective du plan santé outre-mer, procéder à une mise à plat du financement des établissements de santé, élaborer un plan d’équipements en structures d’accueil des personnes âgées en concertation avec les collectivités territoriales et soutenir les programmes de dépollution agricole. Enfin, il ambitionnait de prendre en compte de manière globale le caractère archipélagique de certains départements, notamment celui de la Guadeloupe, dans la conception et la mise en œuvre des décisions publiques.

Qu’en est-il de ces engagements aujourd’hui ? L’île de Marie-Galante, dont je suis représentant, mérite une couverture sanitaire digne. Or nous avons eu le regret de constater que notre territoire a été sacrifié pour des questions de rentabilité, alors même que l’île est en « classe 3 » dans le plan stratégique régional de santé de 2010. En d’autres termes, cela signifie que la population est âgée, socialement défavorisée et en surmortalité. Ainsi, désormais, en cas d’urgence, les patients sont transportés par hélicoptère au centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre, à trente minutes de vol, alors même qu’un seul hélicoptère est prévu pour les six îles.

En outre, quelles garanties avons-nous quant à la prise en charge idoine de la population en cas de catastrophe naturelle comme un séisme ou un cyclone ? À la fin du mois d’août dernier, la zone Caraïbes a essuyé la tempête Erika, qui a fait quatre morts et vingt disparus chez nos amis de la Dominique, proche de Marie-Galante, en raison des inondations et des glissements de terrain.

Par ailleurs, nous subissons directement un des effets du réchauffement climatique, à savoir la pollution aux algues sargasses. Ce phénomène a des effets incontestables sur la santé de nos concitoyens, du fait de la putréfaction de ces algues et de la rémanence des odeurs nauséabondes qu’elle engendre. Ainsi, l’exposition durable depuis quatorze mois de la population de Capesterre-de-Marie-Galante à ces émanations, même à des doses dites « faibles », a conduit à une hausse significative des consultations chez les médecins spécialistes.

Enfin, je conclus en évoquant les maladies dites « tropicales », tels la dengue ou le chikungunya, qui font des ravages dans nos territoires.

N’y a-t-il pas là une occasion de faire de nos territoires ultramarins et, par voie de conséquence, de la France un laboratoire d’excellence dans la recherche ?

M. le président. L'amendement n° 686, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Madame la ministre, mes chers collègues, nous avons bien entendu Mme la rapporteur, Élisabeth Doineau, nous rappeler ce qu’elle disait en commission ce matin – à savoir la volonté des rapporteurs de n’accepter aucun amendement qui tendrait à modifier le présent article tel qu’il a été réécrit par la commission – et qu’elle serait évidemment en opposition avec le présent amendement de suppression.

Néanmoins, il semble important au groupe CRC de vous le présenter tout de même, puisque l’article 1er est la colonne vertébrale du présent projet de loi. Il définit la philosophie générale du texte et les principes fondamentaux de la politique de santé en France.

Or tel que la commission des affaires sociales l’a réécrit, il comporte de nombreux points de rupture avec notre conception du système public de santé. Il s’agit en réalité ici du prolongement de la logique de la loi HPST et donc de la privatisation de l’hôpital, menée depuis plusieurs années déjà.

Comme le soulignait notre collègue Laurence Cohen, cet article prépare les futures réorganisations des services de santé dans le seul objectif de réaliser des économies nouvelles pour l’État. Cette compétitivité, à laquelle nous sommes opposés, consiste à penser que le problème principal de notre système de santé serait ses dépenses abyssales qui nécessiteraient de réduire l’offre des soins.

Au contraire, nous estimons qu’il faut concevoir la santé à partir des besoins des patients, car ceux-ci fournissent les informations nécessaires pour l’organisation d’un système de santé qui soit public, de qualité et accessible à tous.

Il s’agit bien là d’une vision à l’opposé de celle qui est inscrite à l’article 1er. Cette vision – c’est la nôtre – consiste à envisager le système de santé autour de l’usager et met la démocratie au cœur de son organisation.

Alors que la question de la santé est la deuxième préoccupation des Françaises et des Français selon un récent sondage, nous refusons de définir la politique de santé dans les termes réducteurs et financiers de cet article.

Nous estimons que les priorités de la politique de santé devraient être la lutte contre les inégalités sociales et régionales, l’amélioration des taux de remboursement et un investissement massif dans la prévention des maladies.

C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l’article 1er.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Bien évidemment, pour l’ensemble des raisons que j’évoquais tout à l'heure et sur lesquelles je ne reviens pas, l’avis de la commission est défavorable.

Mme Éliane Assassi. C’est bien dommage ! Au reste, il faudra davantage argumenter dans le débat…

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Nous en aurons l’occasion !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Quel est l’objectif du Gouvernement à travers l’article 1er ? Il s’agit de fixer le cadre et les objectifs d’une politique de santé. Il s’agit d’indiquer, pour la première fois, que la prévention est un enjeu majeur de la politique de santé, laquelle ne peut pas être réduite à une politique de soins. Il s’agit de déterminer quels sont les acteurs de la politique de la santé, quelle est la place de l’État, de la puissance publique dans la définition des objectifs et l’élaboration de la politique de santé, la déclinaison de celle-ci et son évaluation.

Pour toutes ces raisons, l’article 1er est absolument fondamental. C’est un article fondateur de ce texte de loi.

Je regrette, pour ma part, les modifications qui y ont été apportées en commission des affaires sociales. J’aurai l’occasion d’y revenir, notamment s’agissant de la suppression de certaines références.

Je souhaite donc que nous puissions rétablir l’article 1er tel qu’adopté par l’Assemblée nationale.

Pour autant, je ne crois pas qu’il soit judicieux de supprimer l’article dans sa totalité, même dans sa rédaction issue de la commission des affaires sociales du Sénat.

Aussi, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 686.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.

M. Alain Milon, corapporteur. Tout d'abord, monsieur le président, la commission retire sa demande de scrutin public pour la mise aux voix de cet amendement.

Ensuite, mes chers collègues, je veux répéter que, tout à l'heure, lors de la réunion de la commission, Mme la rapporteur a simplement voulu expliquer que l’ensemble des amendements présentés modifiaient en profondeur la rédaction de l’article 1er – article de portée générale et servant de chapeau au projet de loi – que nous avions proposée. Elle l’a fait par honnêteté, et non pour vous empêcher de parler.

Au reste, je rappelle à Mme Archimbaud que, lors de cette réunion, lorsque j’ai demandé si quelqu'un souhaitait prendre la parole au sujet de ses amendements, personne ne l’a fait ! Nous ne vous avons donc pas empêchée de parler. Vous n’avez pas pris la parole, ce qui n’est pas la même chose.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Très bien !

Mme Éliane Assassi. C’est mesquin, et ce n’est pas très respectueux des relations entre parlementaires…

M. Alain Milon, corapporteur. Le respect doit venir des deux côtés !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. J’ai bien entendu que Mme la ministre n’était pas favorable à la suppression de l’article.

Cependant, il faut tout même bien voir que, sur un certain nombre d’aspects, l’article réécrit par la commission des affaires sociales est totalement à l’opposé de l’article initial.

En outre, comme l’a dit ma collègue Annie David, nous déplorons qu’il ait été particulièrement impossible de faire bouger les choses en commission – nous ne disons pas que nous n’avons pas pu prendre la parole.

En effet, tous les amendements que nous avons défendus pour améliorer la rédaction du texte – le groupe communiste républicain et citoyen avait déposé des amendements de repli pour enrichir le texte – ont été refusés, qu’il s’agisse de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la place des personnes handicapées ou encore de la question des ayants droit.

Du coup, il nous est compliqué d’accepter l’article 1er, qui ne crée pas les conditions d’un grand système de santé publique.

C’est pourquoi nous maintenons notre amendement de suppression.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Mme Aline Archimbaud. Je partage bon nombre des critiques exprimées par nos collègues du groupe CRC sur le texte tel qu’il résulte des travaux de la commission, mais je voterai contre cet amendement.

En effet, comme nous ignorons le sort qui sera réservé aux amendements déposés à l’article 1er, y compris ceux qui tendent à rétablir celui-ci dans sa version initiale, j’estime qu’il vaut mieux garder un article, de façon à avoir au moins un support à amender. Par précaution, je considère donc qu’il est préférable de conserver la version de la commission, au cas où l’on ne parviendrait pas à s’accorder sur une meilleure rédaction de l’article 1er, qui est fondamental, puisqu’il définit toute la stratégie du projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous voterons contre cet amendement, non pas que nous ne soyons pas d’accord sur certains points, bien au contraire, mais, comme l’a si bien dit Mme la ministre, la suppression de l’article 1er nous empêcherait de présenter un amendement tendant à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, corapporteur.

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Madame Archimbaud, je suis d’accord avec vous : il vaut mieux que le Sénat ne vote pas cet amendement. Cela lui permettrait soit d’amender le texte adopté par la commission des affaires sociales, soit d’en proposer une autre rédaction – M. Godefroy évoquait, par exemple, le texte initial du Gouvernement.

Je veux vous dire que, si nous n’avons sans doute pas la même vision du cadre qui doit être retenu, j’ai essayé de respecter l’avis de la commission des affaires sociales tel que défini à l’issue de ses travaux de la fin du mois de juillet dernier.

Mes chers collègues, j’entends bien que vous avez travaillé tout l’été pour rédiger tous ces amendements, que je respecte évidemment profondément. Chacun a toute légitimité pour présenter ses amendements et susciter le débat dans cet hémicycle, mais comprenez que, par cohérence avec la philosophie définie avec mes collègues corapporteurs, j’émette sur nombre d’entre eux un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 686.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 456 rectifié, présenté par Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, M. Bigot, Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

A. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

I. – Le livre IV de la première partie est ainsi modifié :

1° À la fin de l’intitulé du chapitre Ier du titre Ier, le mot : « publique » est supprimé ;

2° L’article L. 1411-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-1. – La Nation définit sa politique de santé afin de garantir le droit à la protection de la santé de chacun.

« La politique de santé relève de la responsabilité de l’État.

« Elle tend à assurer la promotion de conditions de vie favorables à la santé, l’amélioration de l’état de santé de la population, la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé et l’égalité entre les femmes et les hommes et à garantir la meilleure sécurité sanitaire possible et l’accès effectif de la population à la prévention et aux soins. Elle est conduite dans le cadre d’une stratégie nationale de santé définie par le Gouvernement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. La stratégie nationale de santé détermine, de manière pluriannuelle, des domaines d’action prioritaires et des objectifs d’amélioration de la santé et de la protection sociale contre la maladie. Un volet de la stratégie nationale de santé détermine les priorités de la politique de santé de l’enfant.

« La politique de santé comprend :

« 1° La surveillance et l’observation de l’état de santé de la population et l’identification de ses principaux déterminants, notamment ceux liés à l’éducation et aux conditions de vie et de travail. L’identification de ces déterminants s’appuie sur le concept d’exposome, entendu comme l’intégration de l’ensemble des expositions pour la vie entière. L’analyse des risques pour la santé de la population prend en compte l’ensemble de l’exposome, c’est-à-dire l’ensemble des facteurs non génétiques qui peuvent influencer la santé humaine ;

« 2° La promotion de la santé dans tous les milieux de vie, notamment dans les établissements d’enseignement et sur le lieu de travail, la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé et la réduction des risques pour la santé liés à l’alimentation, à des facteurs d’environnement et aux conditions de vie susceptibles de l’altérer ;

« 3° La prévention collective et individuelle, tout au long de la vie, des maladies et de la douleur, des traumatismes et des pertes d’autonomie, notamment par la définition d’un parcours éducatif de santé de l’enfant, par l’éducation pour la santé et par le développement de la pratique régulière d’activités physiques et sportives à tous les âges ;

« 4° L’animation nationale des actions conduites dans le cadre de la protection et de la promotion de la santé maternelle et infantile mentionnée à l’article L. 2111-1 ;

« 5° L’organisation des parcours de santé. Ces parcours visent, par la coordination des acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux, en lien avec les usagers et les collectivités territoriales, à garantir la continuité, l’accessibilité, la qualité, la sécurité et l’efficience de la prise en charge de la population ;

« 6° La prise en charge collective et solidaire des conséquences financières et sociales de la maladie, de l’accident et du handicap par le système de protection sociale ;

« 7° La préparation et la réponse aux alertes et aux crises sanitaires ;

« 8° La production, l’utilisation et la diffusion des connaissances utiles à son élaboration et à sa mise en œuvre ;

« 9° La promotion des activités de formation, de recherche et d’innovation dans le domaine de la santé ;

« 10° L’adéquation entre la formation initiale des professionnels de santé et leurs exercices ultérieurs en responsabilité propre ;

« 11° L’information de la population et sa participation, directe ou par l’intermédiaire d’associations, aux débats publics sur les questions de santé et de risques sanitaires et aux processus d’élaboration et de mise en œuvre de la politique de santé.

« La politique de santé est adaptée aux besoins des personnes en situation de handicap et de leurs aidants familiaux. Elle tend à assurer l’accès effectif de la population à la prévention et aux soins et concourt à l’objectif d’équité territoriale. À cet effet, elle tient compte des spécificités géographiques, démographiques et saisonnières.

« Préalablement à son adoption ou à sa révision, le Gouvernement procède à une consultation publique sur les objectifs et les priorités du projet de stratégie nationale de santé.

« Tout projet de réforme portant sur la politique de santé, à l’exclusion des projets de loi de financement de la sécurité sociale et de loi de finances, envisagé par le Gouvernement fait l’objet d’une concertation préalable avec l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, l’Union nationale des professionnels de santé et l’organisation représentative des associations des usagers agréées conformément à l’article L. 1114-1 du présent code. La composition et le fonctionnement de l’organisation représentative des associations des usagers agréées sont déterminés par décret en Conseil d’État.

« La stratégie nationale de santé fait l’objet, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, d’un suivi annuel et d’une évaluation pluriannuelle, dont les résultats sont rendus publics. » ;

3° L’article L. 1411-1-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-1-1. – Les actions de promotion de la santé reposent sur la concertation et la coordination de l’ensemble des politiques publiques pour favoriser à la fois le développement des compétences individuelles et la création d’environnements physiques, sociaux et économiques favorables à la santé. Des actions tendant à rendre les publics-cibles acteurs de leur propre santé sont favorisées. Elles visent, dans une démarche de responsabilisation, à permettre l’appropriation des outils de prévention et d’éducation à la santé. » ;

4° L’article L. 1411-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-2. – Les organismes gestionnaires des régimes d’assurance maladie concourent à la mise en œuvre de la politique de santé et des plans et programmes de santé qui en résultent, dans le cadre de leurs compétences et dans le respect des conventions les liant à l’État.

« Ils poursuivent les objectifs, définis par l’État et déclinés par les agences régionales de santé, visant à garantir la continuité, la coordination et la qualité des soins offerts aux assurés, ainsi qu’une répartition territoriale homogène de l’offre de services de prévention et de soins. » ;

5° Après le mot : « lors », la fin de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 1411-3 est ainsi rédigée : « de l’élaboration de la stratégie nationale de santé. » ;

6° L’article L. 1411-4 est ainsi modifié :

a) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° De contribuer à l’élaboration, au suivi annuel et à l’évaluation pluriannuelle de la stratégie nationale de santé ; »

b) Après le 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° De contribuer à l’élaboration d’une politique de santé de l’enfant globale et concertée. » ;

7° Le chapitre Ier du titre Ier est complété par un article L. 1411-9 ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-9. – Les services de santé mentionnés à l’article L. 1411-8 contribuent, chacun dans le cadre des missions qui lui sont imparties, à la politique de santé définie à l’article L. 1411-1. » ;

8° Au premier alinéa du 1° de l’article L. 1431-2, les mots : « publique définie en application des articles L. 1411-1-1 et L. 1411-2 » sont remplacés par les mots : « définie en application des articles L. 1411-1 et L. 1411-1-1 ».

II. – L’article L. 2111-1 est complété par un 5° ainsi rédigé :

« 5° Des actions de prévention et d’information sur les risques pour la santé liés à des facteurs d’environnement, sur la base du concept d’exposome. »

B. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

I. – Les troisième et quatrième alinéas du I de l’article L. 111-2-1 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« En partenariat avec les organisations représentatives des professionnels de santé et les associations agréées en application de l’article L. 1114-1 du code de la santé publique, les organismes gestionnaires des régimes d’assurance maladie concourent, dans les conditions prévues à l’article L. 1411-2 du même code, à la mise en œuvre de la politique nationale de santé définie par l’État. »

II. – Après le mot : « des », la fin du treizième alinéa de l’article L. 161-37 est ainsi rédigée : « domaines d’action prioritaires et des objectifs de la stratégie nationale de santé mentionnée à l’article L. 1411-1-1 du code de la santé publique. »

III. – Au premier alinéa de l’article L. 182-2, les mots : « publique et » sont remplacés par les mots : « et des plans et programmes de santé qui en résultent ainsi que ».

La parole est à Mme Evelyne Yonnet.

Mme Evelyne Yonnet. L’article 1er est un article de principe. Comme cela a été dit tout à l'heure, il est la colonne vertébrale de ce projet de loi de santé. Il s’agit de définir les objectifs de la politique de santé.

Dans leur volonté de simplification, les rapporteurs en ont supprimé des pans indispensables, ainsi que cela a été maintes fois répété en commission. Il est donc nécessaire de rétablir l’article 1er dans une version moins lacunaire.

Comment est-il possible d’exclure de la définition des objectifs de la politique de santé le handicap, l’égalité entre les femmes et les hommes, pour ne citer que ces seuls exemples ?

Mesdames, monsieur les rapporteurs, vous avez complètement exclu le concept d’« exposome », dont l’inscription dans ce texte marquait une avancée réelle pour la reconnaissance des dommages environnementaux sur la santé et donc pour la prise en compte de ces dommages par les politiques de santé.

Le concept d’exposome ou l’égalité entre les hommes et les femmes ne vous semblent-ils pas assez généraux ? Sont-ils redondants ?

La réécriture de l’article 1er par les rapporteurs est non pas une clarification, mais un réel élagage de ses dispositions.

C’est pourquoi nous vous proposons cette nouvelle rédaction, qui modifie à la marge la version de l’Assemblée nationale pour des raisons rédactionnelles ou pour introduire des précisions proposées notamment par la Conférence nationale de santé.

Est également précisé le concept de « prévention partagée », qui tend à permettre une meilleure implication et une plus grande participation des publics cibles dans le cadre de concertation et de coordination de l’ensemble des politiques publiques.

M. le président. L'amendement n° 857, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le livre IV de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À la fin de l’intitulé du chapitre Ier du titre Ier, le mot : « publique » est supprimé ;

2° L’article L. 1411-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-1. – La Nation définit sa politique de santé afin de garantir le droit à la protection de la santé de chacun.

« La politique de santé relève de la responsabilité de l’État.

« Elle tend à assurer la promotion de conditions de vie favorables à la santé, l’amélioration de l’état de santé de la population, la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé et l’égalité entre les femmes et les hommes et à garantir la meilleure sécurité sanitaire possible et l’accès effectif de la population à la prévention et aux soins. Elle est conduite dans le cadre d’une stratégie nationale de santé définie par le Gouvernement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. La stratégie nationale de santé détermine, de manière pluriannuelle, des domaines d’action prioritaires et des objectifs d’amélioration de la santé et de la protection sociale contre la maladie. Un volet de la stratégie nationale de santé détermine les priorités de la politique de santé de l’enfant.

« La politique de santé comprend :

« 1° La surveillance et l’observation de l’état de santé de la population et l’identification de ses principaux déterminants, notamment ceux liés à l’éducation et aux conditions de vie et de travail. L’identification de ces risques s’appuie sur le concept d’exposome, entendu comme l’intégration de l’ensemble des expositions pour la vie entière. L’analyse des risques pour la santé de la population prend en compte l’ensemble de l’exposome, c’est-à-dire l’ensemble des facteurs non génétiques qui peuvent influencer la santé humaine ;

« 2° La promotion de la santé dans tous les milieux de vie, notamment dans les établissements d’enseignement et sur le lieu de travail, la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé et la réduction des risques pour la santé liés à des facteurs d’environnement et aux conditions de vie susceptibles de l’altérer ;

« 3° La prévention collective et individuelle des maladies et de la douleur, des traumatismes et des pertes d’autonomie, notamment par la définition d’un parcours éducatif de santé de l’enfant, par l’éducation pour la santé tout au long de la vie et par le développement de la pratique régulière d’activités physiques et sportives à tous les âges ;

« 4° L’animation nationale des actions conduites dans le cadre de la protection et de la promotion de la santé maternelle et infantile mentionnée à l’article L. 2111-1 ;

« 5° L’organisation des parcours de santé. Ces parcours visent, par la coordination des acteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux, en lien avec les usagers, à garantir la continuité, l’accessibilité, la qualité, la sécurité et l’efficience de la prise en charge de la population ;

« 6° La prise en charge collective et solidaire des conséquences financières et sociales de la maladie, de l’accident et du handicap par le système de protection sociale ;

« 7° La préparation et la réponse aux alertes et aux crises sanitaires ;

« 8° La production, l’utilisation et la diffusion des connaissances utiles à son élaboration et à sa mise en œuvre ;

« 9° La promotion des activités de formation, de recherche et d’innovation dans le domaine de la santé ;

« 10° L’adéquation entre la formation initiale des professionnels de santé et leurs exercices ultérieurs en responsabilité propre ;

« 11° L’information de la population et sa participation, directe ou par l’intermédiaire d’associations, aux débats publics sur les questions de santé et de risques sanitaires et aux processus d’élaboration et de mise en œuvre de la politique de santé.

« La politique de santé est adaptée aux besoins des personnes en situation de handicap et de leurs aidants familiaux. Elle tend à assurer l’accès effectif de la population à la prévention et aux soins et concourt à l’objectif d’équité territoriale. À cet effet, elle tient compte des spécificités géographiques, démographiques et saisonnières.

« Préalablement à l’adoption ou à la révision de la stratégie nationale de santé, le Gouvernement procède à une consultation publique, selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État. Cette consultation porte sur les objectifs et les priorités du projet de stratégie nationale de santé.

« Tout projet de réforme portant sur la politique de santé, à l’exclusion des projets de loi de financement de la sécurité sociale et de loi de finances, envisagé par le Gouvernement fait l’objet d’une concertation préalable avec l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, l’Union nationale des professionnels de santé et l’organisation représentative des associations des usagers agréées conformément à l’article L. 1114-1. La composition et le fonctionnement de l’organisation représentative des associations des usagers agréées sont déterminés par décret en Conseil d’État.

« La stratégie nationale de santé fait l’objet, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, d’un suivi annuel et d’une évaluation pluriannuelle, dont les résultats sont rendus publics. » ;

3° L’article L. 1411-1-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-1-1. – Les actions de promotion de la santé reposent sur la concertation et la coordination de l’ensemble des politiques publiques pour favoriser à la fois le développement des compétences individuelles et la création d’environnements physiques, sociaux et économiques favorables à la santé. » ;

4° L’article L. 1411-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-2. – Les organismes gestionnaires des régimes d’assurance maladie concourent à la mise en œuvre de la politique de santé et des plans et programmes de santé qui en résultent, dans le cadre de leurs compétences et dans le respect des conventions les liant à l’État. » Ils poursuivent les objectifs, définis par l’État et déclinés par les agences régionales de santé, visant à garantir la continuité, la coordination et la qualité des soins offerts aux assurés, ainsi qu’une répartition territoriale homogène de l’offre de services de prévention et de soins. » ;

5° Après le mot : « lors », la fin de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 1411-3 est ainsi rédigée : « de l’élaboration de la stratégie nationale de santé. » ;

6° L’article L. 1411-4 est ainsi modifié :

a) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° De contribuer à l’élaboration, au suivi annuel et à l’évaluation pluriannuelle de la stratégie nationale de santé ; »

b) Après le 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° De contribuer à l’élaboration d’une politique de santé de l’enfant globale et concertée. » ;

7° Le chapitre Ier du titre Ier est complété par un article L. 1411-9 ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-9. – Les services de santé mentionnés à l’article L. 1411-8 contribuent, chacun dans le cadre des missions qui lui sont imparties, à la politique de santé définie à l’article L. 1411-1. » ;

8° Au premier alinéa du 1° de l’article L. 1431-2, les mots : « publique définie en application des articles L. 1411-1-1 et L. 1411-2 » sont remplacés par les mots : « définie en application de l’article L. 1411-1 ».

II. – L’article L. 2111-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Des actions de prévention et d’information sur les risques pour la santé liés à des facteurs d’environnement, sur la base du concept d’exposome. »

III. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Les troisième et quatrième alinéas du I de l’article L. 111-2-1 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« En partenariat avec les organisations représentatives des professionnels de santé et les associations agréées en application de l’article L. 1114-1 du code de la santé publique, les organismes gestionnaires des régimes d’assurance maladie concourent à la mise en œuvre de la politique nationale de santé définie par l’État, dans les conditions prévues à l’article L. 1411-2 du même code. » ;

2° Après le mot : « des », la fin du treizième alinéa de l’article L. 161-37 est ainsi rédigée : « domaines d’action prioritaires et des objectifs de la stratégie nationale de santé mentionnée à l’article L. 1411-1 du code de la santé publique. » ;

3° Au premier alinéa de l’article L. 182-2, les mots : « publique et » sont remplacés par les mots : « et des plans et programmes de santé qui en résultent ainsi que ».

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Cet amendement va dans le même sens que le précédent.

Nous proposons tout simplement de rétablir l’article 1er dans sa version d’origine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Ces deux amendements reviennent sur la nouvelle rédaction de l’article 1er que nous avons proposée.

La commission y est évidemment défavorable, pour les raisons déjà évoquées – toujours les mêmes.

Madame Yonnet, vous avez qualifié notre travail d’« élagage ». Nous avons justement cherché à rendre moins touffues les successions de données qui finissent par cacher l’essentiel. Quant à l’essentiel, nous avons essayé de le préserver.

Mais peut-être pourrons-nous nous retrouver sur d’autres éléments que vous voulez rendre essentiels.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Les deux amendements ont en commun de viser au rétablissement de la version de l’article 1er adoptée par l’Assemblée nationale.

Bien évidemment, je souscris à cette démarche, puisqu’il s’agit de rétablir la promotion de la santé, le parcours de santé, la politique de santé de l’enfant, le concept d’« exposome » ou encore l’adaptation aux besoins spécifiques des personnes handicapées. Mme Yonnet l’ayant excellemment expliqué, je n’y reviens pas.

Cependant, l’amendement que celle-ci a présenté va plus loin : il tend à apporter des améliorations complémentaires, par exemple en évoquant explicitement la sécurité sanitaire des aliments, en confortant la notion de prévention tout au long de la vie, en soulignant le rôle des collectivités territoriales ou encore en complétant la définition de la promotion de la santé.

C’est la raison pour laquelle j’émets un avis favorable sur cet amendement et je demande à Mme Archimbaud de bien vouloir retirer son amendement à son profit.

M. le président. Madame Archimbaud, acceptez-vous de retirer l’amendement n° 857 au profit de l’amendement n° 456 rectifié ?

Mme Aline Archimbaud. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 857 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 456 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 239 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l’adoption 136
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 77 rectifié, présenté par MM. Commeinhes, Karoutchi et Mayet, Mme Hummel, M. Houel, Mme Mélot, MM. Calvet et Charon et Mme Deromedi, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 1411-1. – Pour mettre en œuvre la politique de santé et assurer l'équilibre de l'offre de soins dans les territoires, la Nation s'appuie sur les établissements de santé publics et privés ainsi que sur les professionnels de santé libéraux.

La parole est à M. François Commeinhes.

M. François Commeinhes. Il convient de réécrire cet alinéa de façon plus ouverte et afin de mieux prendre en compte la place des établissements de santé et des professionnels libéraux.

En rappelant l'association de tous les acteurs à la mise en œuvre de la politique de santé de la nation, la loi renforce la cohésion de notre système de santé et favorise l'efficacité de la réponse aux besoins de l'ensemble de la population tout en garantissant la liberté de choix, caractéristique première de notre organisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. La commission reste fidèle à son texte et émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. Monsieur Commeinhes, l'amendement n° 77 rectifié est-il maintenu ?

M. François Commeinhes. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 77 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 687 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 908 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Supprimer les mots :

au meilleur coût

La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 687.

M. Dominique Watrin. L’alinéa 4 de cet article 1er prévoit que « la politique de santé vise à assurer la promotion de conditions de vie favorables à la santé et l’amélioration de l’état de santé de chacun au meilleur coût ».

Ces trois derniers mots nous paraissent particulièrement dangereux. Nous sommes parfaitement conscients du fait qu’il est nécessaire de s’assurer que l’argent public soit correctement utilisé pour améliorer la santé des patients et soigner ces derniers.

Cependant, eu égard au contexte et aux réalités de terrain, nous sommes tout aussi conscients du fait que cette expression « meilleur coût » peut servir de justification à la réorganisation de services hospitaliers, à la fermeture de maternité, de services d’urgence ou d’hôpitaux de proximité, par exemple.

Le groupe CRC a toujours refusé la vision comptable en matière de services rendus pour l’intérêt général. Nous refusons encore davantage de suivre une logique qui consisterait à soigner les malades en fonction des coûts occasionnés et non de soigner tous les malades au meilleur coût.

Cette vision du système de santé n’est pas notre conception de la protection sociale globale, fondée sur l’égalité et la solidarité. C'est la raison pour laquelle nous demandons, à travers cet amendement, la suppression de cette mention.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 908.

Mme Aline Archimbaud. Il s’agit d’un amendement identique.

Nous sommes évidemment très soucieux des deniers publics qu’il faut éviter de gaspiller. À cet égard, au cours de la discussion générale, nous avons formulé plusieurs propositions : tout ce qui permet de renforcer la prévention et favoriser l’accès aux soins va dans le sens d’une réduction des coûts considérable.

Toujours est-il que l’expression « au meilleur coût » est très ambiguë : elle stigmatise les malades en leur laissant entendre, dès l’alinéa 4 de l’article 1er de la loi, qu’ils coûtent cher à la solidarité nationale.

Il nous semble déplacé de les culpabiliser dans cet article, d’autant que des textes financiers – je songe notamment au projet de loi de finances pour 2016 – vont nous permettre de discuter de ces questions.

Nous examinons aujourd’hui un projet de loi relatif à la santé publique, avec la bienveillance qui s’impose à l’égard des malades.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Le meilleur coût n’est pas le moindre coût.

C’est bien avec une attention particulière portée aux problématiques de territoires et de pathologies rencontrées sur certains territoires que nous avons mené nos travaux. Nous avons cherché à déterminer avec des professionnels de santé le niveau d’efficience que nous pouvons atteindre pour préserver notre système de santé.

C’est en poursuivant cet objectif que nous avons inscrit cette mention dans le texte, laquelle nous a d’ailleurs été soufflée par un professeur de médecine. Je n’ai donc pas le sentiment de chercher à culpabiliser l’ensemble des Français à travers cette idée d’efficience de la politique de santé de notre pays.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements identiques.

Il faut savoir distinguer les objectifs de la politique de santé du cadre dans lequel se décline cette politique.

Le Gouvernement est très attentif à la bonne utilisation des ressources publiques – j’en suis moi-même très soucieuse. Je rappellerai à ceux qui voudraient donner des leçons en matière de gestion financière que le déficit de la sécurité sociale était de 21 milliards d’euros en 2011 et de 13 milliards d’euros en 2014, tous éléments confondus.

Nous ne nous désintéressons évidemment pas des enjeux financiers. Toutefois, l’objectif de la politique de santé – et c’est tout le sens de l’article 1er – n’est pas de répondre à ces enjeux, mais d’apporter le meilleur soin possible à la population, de garantir les conditions de prise en charge, de définir des priorités et des éléments qui doivent s’imposer à l’ensemble des acteurs.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 687 et 908.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 240 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 155
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

Mes chers collègues, il est dix-neuf heures vingt-cinq. La commission devant se réunir pour examiner la suite des amendements en discussion, je vous propose de suspendre la séance pour la reprendre à vingt et une heures trente. (Assentiment.)

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Discussion générale

19

Nomination de membres d’une commission mixte paritaire

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre.

La liste des candidats établie par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Bruno Retailleau, Jean-Pierre Leleux, Mme Colette Mélot, M. David Assouline, Mme Sylvie Robert et M. Patrick Abate ;

Suppléants : MM. Dominique Bailly, Gilbert Bouchet, Mme Françoise Cartron, MM. René Danesi, Loïc Hervé, Guy-Dominique Kennel et Mme Françoise Laborde.

20

Nomination d’un membre d’une commission

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union des démocrates et indépendants-Union centriste a présenté une candidature pour la commission des finances.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Bernard Delcros membre de la commission des finances, en remplacement de M. Pierre Jarlier, démissionnaire d’office de son mandat de sénateur.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

21

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Article 1er

Modernisation de notre système de santé

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 1er.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Article additionnel après l’article 1er

Article 1er (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 298 rectifié, présenté par Mmes Laborde, Billon, Jouanno et Gonthier-Maurin, MM. Amiel, Requier, Guérini et Castelli, Mmes Malherbe et Blondin, M. Bonnecarrère, Mmes Bouchoux et Gatel, MM. Guerriau, L. Hervé et Houpert, Mmes Jouve et Morin-Desailly et M. Kern, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par un membre de phrase et une phrase ainsi rédigés :

ainsi que l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle encourage une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les essais cliniques et thérapeutiques.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement vise à réintégrer la mention de l’égalité entre femmes et hommes parmi les objectifs impartis à la politique de santé. En effet, l’indication d’une « réduction des inégalités sociales » qui figure dans le texte de la commission ne saurait comprendre à elle seule l’objectif d’égalité entre femmes et hommes que nous soutenons.

Le cas des maladies cardiovasculaires illustre la nécessité d’exprimer clairement cet objectif d’égalité, ces maladies étant la première cause de mortalité chez les femmes. Elles concernent aussi, contrairement aux idées reçues, les femmes jeunes : plus de 11 % des femmes victimes d’un infarctus ont moins de cinquante ans. Pourtant, selon la Fédération française de cardiologie, les femmes ne bénéficient pas d’un dépistage suffisant dans ce domaine et sont souvent prises en charge trop tard.

La législation américaine encourage le recrutement de sujets féminins pour tous les essais cliniques, dès lors qu’un projet de recherche est financé par des fonds publics. Une publication scientifique américaine récente appelle à une prise de conscience de l’importance des différences sexuelles en médecine et recommande aux scientifiques de les considérer comme un fil directeur dans le cadre de la recherche.

Cet amendement vise donc à faire prendre conscience du fait que notre médecine gagnerait à intégrer plus systématiquement la dimension des différences entre femmes et hommes, car l’égalité commence par la santé.

Tout à l’heure, par manque de temps, je n’ai pas pu expliciter la notion de lutte contre les clichés. Il faut le souligner, cette orientation n’est pas préconisée pour le seul bénéfice des femmes : il suffit de voir les progrès permis par une meilleure connaissance de la sensibilité des hommes à l’ostéoporose ou à l’anorexie. (Mme Annick Billon applaudit.)

M. le président. L'amendement n° 942, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que l'égalité entre les femmes et les hommes

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Cet amendement est presque identique à celui que vient de présenter ma collègue. Son objet, qui vient d’être parfaitement explicité, est le même.

Il semble en effet possible de privilégier une approche de la santé prenant mieux en compte les spécificités des femmes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements entendent réaffirmer l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes auquel doit tendre la politique de santé.

On ne peut bien évidemment que souscrire à cet objectif, que la commission des affaires sociales partage pleinement. Toutefois, notre droit comporte déjà des dispositions fixant ce principe. Je pense notamment à l’article 1er de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui date du mois d’août 2014. Il privilégie une approche transversale, en conférant à l’État, aux collectivités territoriales, ainsi qu’à leurs établissements publics la mission de mettre en œuvre une politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes, selon une approche intégrée. Ce texte leur impose également de veiller à l’évaluation de l’ensemble de leurs actions.

C’est en tenant compte de ces observations que la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. L’objectif d’égalité en matière de santé entre les femmes et les hommes est évidemment un objectif important. Il avait été inscrit à l’article 1er de ce projet de loi, mais a été supprimé par la commission.

Cela étant, la rédaction de ces deux amendements n’est pas exactement identique. Je vous demande donc, madame Laborde, de bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui de Mme Archimbaud, sur lequel j’émets un avis favorable. En effet, vous faites explicitement référence, dans l’amendement n° 298 rectifié, à « une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les essais cliniques ». Or, si un tel objectif doit être atteint, il me paraît difficile de passer par la loi pour l’imposer.

M. le président. Madame Laborde, l’amendement n° 298 rectifié est-il maintenu ?

Mme Françoise Laborde. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 298 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’amendement n° 942.

Mme Laurence Cohen. Contrairement à ce que dit Mme la rapporteur, il est toujours nécessaire d’affirmer le besoin d’égalité entre les femmes et les hommes, notamment pour ce qui concerne la santé.

Au demeurant, les explications données par Mme la ministre me conviennent : ces deux amendements se rejoignent, mais l’un est plus pertinent que l’autre.

Je formulerai simplement une réserve. Il est en effet proposé d’insérer cette mention à l’alinéa 4. Pour notre part, s’agissant de la réduction des inégalités sociales et territoriales en matière de santé, nous avions proposé de compléter l’alinéa 12, et non l’aliéna 4, qui introduit la notion de « santé au meilleur coût ». Nous avions d’ailleurs reçu le soutien de Mme la ministre s’agissant du retrait de cette mention.

Ainsi, l’amendement n° 942 ne nous paraît-il pas compléter l’alinéa approprié. Toutefois, dans la mesure où nous tenons beaucoup à cette notion d’égalité entre les femmes et les hommes en matière de santé, nous le voterons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 942.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 688, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

, l’adaptation aux besoins des personnes handicapées et de leurs aidants familiaux

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Le projet de loi a pour ambition de lutter contre les inégalités en matière de santé. Permettez-moi de reprendre ce que disait notre collègue Aline Archimbaud : ce texte doit suivre un fil conducteur, celui de la bienveillance due aux malades.

Les personnes handicapées et leur famille sont concernées au premier chef par ces inégalités, l’accès à la santé n’allant pas de soi pour les personnes handicapées. L’accès aux soins est encore plus complexe lorsqu’il s’agit de personnes handicapées mentales, pour lesquelles la prévention demeure souvent inaccessible, avec une communication malaisée ou encore la non-prise en compte de l’accompagnement familial ou médico-social. Pour ces patients, les conséquences sont des ruptures dans le parcours de soins et de santé ou un parcours fractionné.

Les associations qui agissent pour la reconnaissance de ces difficultés demandent que cet article 1er prenne en compte la nécessité d’une adaptation aux besoins des personnes handicapées et de leurs aidants familiaux. Elles estiment que plus de huit millions d’aidants non professionnels, souvent familiaux, jouent aujourd’hui un rôle central dans l’aide et l’accompagnement d’un proche dépendant de son entourage pour les actes de la vie quotidienne, en raison d’un handicap ou d’une maladie. Le rôle d’aidant peut avoir des retentissements graves sur la santé, qui doivent être bien pris en compte par les acteurs professionnels qui le côtoient.

Dès lors, il est nécessaire que la définition de la politique de santé prenne en compte ces spécificités, si l’on ne souhaite pas, dans les faits, exclure ces personnes d’un accès à la santé dans le système ordinaire.

Mes chers collègues, au vu de l’importance de cet amendement et à la suite du débat qui s’est tenu en commission, je demande un scrutin public.

M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 106 rectifié est présenté par MM. Commeinhes, Calvet, Charon et Houel.

L'amendement n° 164 rectifié nonies est présenté par MM. Vasselle, D. Robert, Cornu, Trillard, Cambon et Laufoaulu, Mme Deromedi, MM. Saugey, J.P. Fournier, César, B. Fournier et G. Bailly, Mme Mélot, M. Gilles, Mme Lopez, M. Dassault, Mme Gruny et M. Pointereau.

L'amendement n° 347 rectifié bis est présenté par Mme Loisier, MM. Marseille, Kern, Guerriau, Canevet, Cadic, Médevielle, L. Hervé et Maurey, Mme Gatel et M. Bockel.

L'amendement n° 543 est présenté par M. Sueur, Mmes Campion et Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mme Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La politique de santé est adaptée aux besoins des personnes handicapées et de leurs aidants familiaux. » ;

La parole est à M. François Commeinhes, pour présenter l’amendement n° 106 rectifié.

M. François Commeinhes. Parmi les différentes actions qui composent la politique de santé, redéfinies par l’amendement adopté en commission des affaires sociales, aucune mention spécifique au handicap n’apparaît. Pourtant, l’accès à la santé pour les personnes handicapées mentales ne va pas de soi. Le monde de la santé s’adapte difficilement, à la marge, à la singularité du handicap mental dans ses pathologies ou ses modes d’expression. Une prévention inaccessible, une communication malaisée ou encore la non-prise en compte de l’accompagnement familial ou médico-social sont autant de facteurs qui aboutissent à des ruptures ou à un fractionnement des parcours de soins et de santé.

Par ailleurs, plus de huit millions d’aidants non professionnels, souvent familiaux, jouent aujourd’hui un rôle central dans l’aide et l’accompagnement d’un proche dépendant de son entourage pour les actes de la vie quotidienne, en raison d’un handicap ou d’une maladie. Le rôle d’aidant peut avoir des retentissements graves sur la santé, qui doivent être bien pris en compte par les acteurs professionnels qui le côtoient.

Ne pas prévoir, dès la définition de la politique de santé, une prise en compte de ces spécificités, c’est exclure ces personnes, dans les faits, d’un accès à la santé dans le système ordinaire. Cet amendement vise donc à ce que l’ensemble de la politique de santé prenne en compte les besoins spécifiques des personnes handicapées et de leurs aidants familiaux.

M. le président. L'amendement n° 164 rectifié nonies n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour présenter l’amendement n° 347 rectifié bis.

Mme Anne-Catherine Loisier. Cet amendement a été largement défendu. J’insisterai simplement sur les aspects liés à la prévention, soulignés par Mme la ministre au cours de son intervention liminaire.

Par cet amendement, il s’agit d’agir préventivement en faveur des personnes en situation de handicap.

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour présenter l’amendement n° 543.

Mme Claire-Lise Campion. Cela a été dit, les différentes actions qui composent la politique de santé ont été redéfinies par l’amendement adopté en commission des affaires sociales. De ce fait, les mentions spécifiques aux personnes handicapées et à leurs aidants familiaux ont disparu.

Alors que l’accès à la santé est un élément fort de notre pacte républicain, ce droit, en réalité, s’étiole : l’accès à la santé des personnes handicapées est loin d’aller de soi. Cet amendement est donc essentiel, puisqu’il vise à réaffirmer que l’ensemble de la politique de santé doit prendre en compte les besoins spécifiques des personnes handicapées et de leurs aidants familiaux.

Le groupe socialiste demande également un scrutin public sur ces amendements identiques.

M. le président. L'amendement n° 280 rectifié bis, présenté par MM. Barbier, Mézard et Guérini, Mme Laborde et MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Vall, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La politique de santé est adaptée aux besoins des personnes handicapées. » ;

La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. L’article 1er vise à définir la politique que nous souhaitons mener en matière de santé. Ayant une portée générale, il n’a pas à entrer dans un certain nombre de détails et de précisions. C’est la raison pour laquelle je l’avais voté en commission, au mois de juillet dernier, tel qu’il avait été rédigé par les rapporteurs.

Il existe malgré tout un domaine un peu particulier : celui de la prise en compte du handicap, qui constitue un chapitre important en matière de santé publique. Il est donc essentiel, compte tenu de l’extrême diversité des pathologies – handicap physique, handicap psychologique, handicap mental –, que le terme « handicap » figure à l’article 1er.

J’avais à l’origine déposé un amendement identique à celui de mes collègues, mais j’ai préféré rectifier mon amendement pour supprimer les mots « et de leurs aidants familiaux ». Le cas des aidants familiaux constitue en effet une question spécifique. Cette rédaction permettra d’englober tous les problèmes auxquels les personnes handicapées peuvent être confrontées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. La commission est tout à fait en phase avec le problème que vous soulevez, mes chers collègues. Nous sommes nous aussi sensibles à la place des personnes handicapées dans la politique de santé.

Concernant les aidants familiaux, nous souhaiterions que vous teniez compte de ce que vient de dire notre collègue Gilbert Barbier. N’oubliez pas non plus que le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement traite de cette question.

Pour notre part, nous pensons que le handicap seul doit être pris en compte à l’article 1er. C’est pourquoi je demande aux auteurs des amendements nos 688, 106 rectifié, 347 rectifié bis et 543 de se rallier à la rédaction proposée par notre collègue Gilbert Barbier.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est favorable à ces amendements, qui ont le mérite de rétablir une petite partie, tout à fait essentielle, du texte initial, à savoir celle qui portait sur la prise en compte de la spécificité des besoins de santé des personnes en situation de handicap et de leurs aidants familiaux. On voit en effet qu’accompagner des personnes handicapées – pas seulement des personnes handicapées d’ailleurs – peut générer des difficultés de santé spécifiques.

Je prendrai donc le contre-pied de Mme la rapporteur, en demandant le retrait de l’amendement n° 280 rectifié bis de M. Barbier au profit des amendements qui mentionnent les aidants familiaux.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, corapporteur. La commission demande le vote par priorité de l’amendement n° 280 rectifié bis(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas démocratique !

M. le président. Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je dois dire que je suis un peu étonnée par cette demande, qui me paraît disproportionnée par rapport aux enjeux. Je ne saisis pas la logique qui conduit à traiter de façon différente des amendements extrêmement proches les uns des autres.

Cela étant, je souhaite que le débat se déroule dans de bonnes conditions. Puisque M. le président de la commission des affaires sociales demande la priorité, je ne m’y oppose pas. Mais que les choses soient claires pour chacun : si l’amendement n° 280 rectifié bis est adopté, nous ferons le deuil d’une prise en charge globale des personnes handicapées et de leurs aidants. Je m’en remets donc, sur cet amendement, à la sagesse du Sénat, tout en soulignant ma préférence pour les amendements plus globaux.

M. le président. La priorité est ordonnée.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 280 rectifié bis.

Mme Annie David. Alors que nous entamons tout juste la discussion des articles, qui va nous conduire à nous fréquenter assidûment pendant les jours et les nuits qui viennent, je considère cette demande de priorité comme une atteinte au débat démocratique.

Plusieurs amendements visaient à prendre en compte les personnes handicapées et leurs aidants familiaux. Leur énoncé étant plus global, ils amélioraient davantage le projet de loi. Considérer la situation des personnes handicapées tout en négligeant leurs aidants familiaux constituerait une erreur grave, voire une faute politique. Les aidants, qu’ils accompagnent le handicap ou le vieillissement, sont des femmes et des hommes qui contribuent de manière essentielle au succès de notre système de santé publique. Les mépriser de la sorte est indigne du débat que nous avons eu en commission et de celui que nous devrions avoir ici même en séance.

Cette demande de priorité n’est pas digne de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission. C’est pourquoi mon groupe votera contre l’amendement n° 280 rectifié bis, non parce que nous nous opposons à la prise en charge des personnes handicapées – chacun l’aura bien compris –, mais parce que nous pensons qu’il est injuste de dissocier les personnes handicapées de leurs aidants familiaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Mme Aline Archimbaud. Le groupe écologiste n’avait pas déposé d’amendement sur ce sujet, mais nous étions solidaires de la démarche de nos collègues.

Comme cela a été rappelé, les aidants familiaux, ce sont plus de huit millions de personnes en France, des situations très douloureuses… Nous avons tous des exemples en tête ! Je suis choquée par ce procédé.

Mme Laurence Cohen. C’est un coup de force !

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.

Mme Claire-Lise Campion. Au nom du groupe socialiste, je voudrais à mon tour dire notre étonnement, notre incompréhension et, plus encore, notre colère devant la méthode adoptée. Il s’agit vraiment d’un très mauvais coup porté au monde du handicap, en particulier à tous les aidants familiaux qui accompagnent les personnes handicapées.

Cette demande de priorité sur l’amendement le plus restrictif ne répond pas aux attentes des Français concernés. Elle est d’autant plus inacceptable et incompréhensible que nous disposions de quatre amendements émanant des différents groupes politiques de notre assemblée, soulignant à l’unisson le rôle des aidants.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Qu’est-ce qu’un aidant familial ? C’est une personne qui compte dans sa famille une personne handicapée et qui aide cette personne handicapée. Qu’on ne vienne pas me dire autre chose, je connais ce sujet mieux que personne !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Oui, je suis moi-même un aidant familial !

Mme Annie David. Nous le sommes tous !

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je fais par conséquent partie de cette population normale qui aide une personne handicapée – j’ai chez moi une personne handicapée – et qui par ailleurs fait partie de la population générale, laquelle bénéficie de la loi de santé. Dans ces conditions, pourquoi mentionner dans le texte les aidants familiaux si ceux-ci sont déjà couverts par la loi de santé au titre de leur appartenance à la population générale ?

Les personnes handicapées ont toute leur place dans le texte, comme l’a dit Mme la rapporteur. Mais s’il faut inclure les aidants familiaux, pourquoi, à ce compte, ne pas intégrer les conjoints des aidants, les enfants – lorsque je ne suis pas disponible, ce sont mes enfants qui me relaient – ou d’autres personnes ?

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Si nos amendements ont été déposés, c’est parce que les associations de personnes handicapées que nous avons auditionnées ont fortement insisté sur la reconnaissance des aidants familiaux, qui font souvent face à une grande détresse.

Nous sommes réunis ici non pas pour parler de nos cas personnels, mais pour accompagner l’ensemble des personnes concernées par le problème du handicap. Il serait à ce titre tout à fait positif que le Sénat prenne également en compte les aidants familiaux.

Je trouvais d’ailleurs assez cavalier que la première rédaction de nos rapporteurs ne comporte pas un mot sur les personnes handicapées. Le débat en commission des affaires sociales, notamment l’intervention de Gilbert Barbier – il faut le dire –, a permis de faire bouger les lignes, ce dont je me réjouis. Reste qu’il n’a jamais été question du genre de procédé que l’on veut nous imposer ce soir. Nous assistons en réalité à une sorte de course, qui n’est pas digne des parlementaires, à qui fera voter son amendement. On en profite pour cliver sur ce sujet la droite et la gauche, afin de pouvoir dire : « c’est finalement l’amendement de M. Barbier qui est adopté ». Ce procédé politique ne me semble absolument pas correct.

Je demande que l’on cesse de fonctionner ainsi et que l’on clarifie les méthodes qui doivent prévaloir au sein de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. J’ai peu de chose à ajouter aux arguments de Mme Cohen. Nous ne sommes pas dans cet hémicycle pour évoquer nos situations particulières, si difficiles à vivre soient-elles. Les aidants jouent un rôle essentiel et nombre d’entre eux, comme en attestent les témoignages que nous avons reçus, se trouvent dans des situations de grande difficulté. C’est la raison pour laquelle des amendements ont été déposés dans les mêmes termes, toutes tendances politiques confondues.

Il est vrai que les arguments avancés en commission par notre collègue Gilbert Barbier sur un amendement qui intégrait alors la question des aidants familiaux ont permis de faire réfléchir M. Milon.

Je dénonce donc le procédé utilisé, qui augure mal de la qualité de nos débats futurs. Pour notre part, nous souhaitons une discussion constructive et sereine. Là, c’est un très mauvais coup qui est porté !

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. Je regrette d’être personnellement mis en cause.

M. Gilbert Barbier. Sommes-nous ici pour nous livrer pendant des heures à un affrontement bloc contre bloc ? N’est-il pas préférable de chercher en commun des solutions d’intérêt général ? C’était mon seul objectif en présentant cet amendement. Et cela ne me poserait aucun problème si Mme Cohen le sous-amendait.

J’ai simplement pris en compte ce qui a été indiqué en commission. Nous sommes tous sensibles à la question des aidants familiaux. Mais, comme l’a souligné M. Milon – c’est ce qui m’a conduit à rectifier mon amendement –, elle ne relève pas directement de la santé publique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. Gilbert Barbier. Il s’agit avant tout d’un problème d’accompagnement social, ce qui n’est pas vraiment l’objet du présent projet de loi.

Au sein de la Haute Assemblée, nous souhaitons tous – nous en avons encore eu la confirmation aujourd'hui – une référence au handicap dès l’article 1er. Cela me semble nécessaire compte tenu de la spécificité du problème.

Mon intention n’est évidemment pas d’humilier qui que ce soit. Je cherche simplement une solution de consensus,…

Mme Laurence Cohen. Nous en avions déjà une !

M. Gilbert Barbier. … et je pense que nous pouvons y parvenir avec mon amendement. (M. Claude Malhuret applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur de la commission des affaires sociales. En commission, lors des débats sur l’article 1er, qui pose un cadre général, l’examen d’amendements relatifs aux personnes handicapées et aux aidants familiaux avait donné lieu à des discussions sur différents sujets, dont la perte d’autonomie. M. Barbier avait alors noté, à juste titre, que nous étions là sur une problématique tout autre que la mention explicite du handicap.

À titre personnel, j’aurais préféré qu’il soit fait référence au « handicap » plutôt qu’aux « besoins des personnes handicapées ». Une telle rédaction aurait, me semble-t-il, été plus large. Mais ce n’est pas le choix qui a été retenu. L’essentiel à mes yeux est bien de faire figurer le terme « handicap » à l’article 1er.

Je partage l’analyse de mon collègue Alain Milon. Il me paraît peu opportun de mentionner à ce stade les aidants familiaux – d’ailleurs, cela ne se limite pas forcément au handicap ; il peut s’agir aussi, par exemple, de cancers en phase terminale –, qui font partie de la population générale, car tout le monde peut être soumis aux souffrances et aux difficultés de la vie, même s’ils sont évidemment concernés de facto par un texte sur la santé.

Encore une fois, le plus important est que l’amendement de M. Barbier permette de mentionner le handicap dès l’article 1er. En l’occurrence, la compétition entre groupes politiques n’est pas de mise. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Je mets aux voix, par priorité, l'amendement n° 280 rectifié bis.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 241 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 223
Pour l’adoption 204
Contre 19

Le Sénat a adopté.

En conséquence, les amendements nos 688, 106 rectifié, 347 rectifié bis et 543 n’ont plus d'objet.

L'amendement n° 308 rectifié, présenté par MM. Commeinhes et G. Bailly, Mme Deseyne, MM. Houel et Houpert, Mmes Mélot et Deromedi et MM. Charon et Calvet, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après les mots :

d’alimentation

insérer les mots :

, d’hydratation

La parole est à M. François Commeinhes.

M. François Commeinhes. La promotion de l’hydratation est insuffisamment présente dans les politiques de santé publique. Les messages sanitaires se focalisent essentiellement sur la limitation de la consommation de boissons sucrées sans encourager suffisamment la consommation d’eau. Or celle-ci a tendance à baisser chez les enfants, les adolescents et les adultes, comme le montre une étude du CREDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, portant sur la consommation de boissons entre 2007 et 2013. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de mentionner l’hydratation comme partie intégrante de la politique de santé, afin de l’ériger au rang de priorité de santé publique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. L’alimentation, dont il est effectivement fait mention à l’alinéa 7, inclut déjà, outre la nutrition, l’hydratation.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 308 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 588 rectifié est présenté par Mme Jouanno et M. Médevielle.

L'amendement n° 944 rectifié est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’analyse des risques pour la santé de la population prend en compte l’ensemble de l’exposome, c’est-à-dire l’ensemble des facteurs non génétiques qui peuvent influencer la santé humaine.

La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 588 rectifié.

Mme Chantal Jouanno. Cet amendement vise à réintroduire la notion d’exposome à l’alinéa 7, qui concerne la réduction des risques.

Cette notion assez nouvelle, introduite dans le troisième plan national santé-environnement, ou PNSE 3, vise à intégrer dans les politiques de santé publique l’exposition d’une personne tout au long de sa vie à différentes nuisances, qu’elles soient de nature environnementale ou liées à des comportements de vie inadaptés. C’est d’autant plus important que l’évolution des maladies chroniques – vous y avez tous fait référence lors de la discussion générale – ne s’explique pas seulement par le vieillissement ; la forte augmentation de l’incidence de certaines formes de cancer chez les enfants en témoigne.

Des études de cohorte ont très bien montré les effets de l’exposition à de faibles doses tout au long de sa vie, par exemple, au bisphénol A. Je pourrais également évoquer la pollution de l’air – il y a d’ailleurs eu un rapport sur le sujet au Sénat –, que l’Organisation mondiale de la santé a classée première cause actuelle de mortalité dans le monde.

Il serait important d’introduire une telle notion dans la loi. Cela donnerait une base solide à différentes études, notamment des études de cohorte. D’ailleurs, en France, nous avons un problème quant à leur financement, même si nous avons fait des progrès en la matière.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 944 rectifié.

Mme Aline Archimbaud. L’explosion actuelle des maladies chroniques ne peut pas s’expliquer uniquement par le vieillissement de la population ou l’amélioration du dépistage.

Depuis une bonne dizaine d’années, de nombreuses études scientifiques mettent en avant la pertinence, voire la centralité de la notion d’exposome, qui permet d’avoir une vision complète de l’ensemble des expositions aux agents chimiques, physiques ou infectieux auxquels un individu est soumis tout au long de sa vie.

C’est évidemment l’interaction entre différents facteurs qui provoque les maladies. Or l’exposition à de tels éléments est l’un de ces facteurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Comme l’a rappelé notre collègue Chantal Jouanno, la notion d’exposome est apparue récemment. Elle a été intégrée au deuxième chapitre du PNSE 3, qui couvre la période 2015-2019. Selon les termes du plan, il s’agit d’établir « le corpus d’indicateurs permettant d’obtenir une vision globale et intégrée de l’historique des expositions aux agents chimiques, physiques et infectieux ».

Pour nous, une telle précision sur les moyens de mise en œuvre de la politique de santé a plus sa place au sein de ce plan que dans la loi, dont la lettre doit demeurer générale. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. L’introduction de la notion d’exposome découle à la fois du travail parlementaire qui a pu s’engager et de la conférence environnementale qui s’est tenue à Paris l’hiver dernier. C’est une avancée significative. Un tel indicateur permet d’apprécier les effets de l’ensemble des facteurs environnementaux sur la santé. Bien entendu, il se décline ensuite dans toute une série de mesures d’évaluation.

Dans cet article 1er, qui est un article-cadre, cette précision paraît importante. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Après les explications apportées conjointement par Mmes Jouanno et Archimbaud, ainsi qu’après l’avis favorable donné par Mme la ministre, le groupe socialiste votera ces deux amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 588 rectifié et 944 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 868 rectifié, présenté par MM. Amiel, Barbier, Mézard et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Remplacer les mots :

individuelle et collective

par les mots :

et le dépistage individuels et collectifs

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Il s’agit de mieux préciser les éléments essentiels à la définition d'une politique de santé. Il convient d’intégrer à cette dernière le dépistage, outil important de la médecine moderne dite prédictive et ayant déjà fait ses preuves dans la lutte contre certains cancers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cet amendement vise à préciser que la politique de santé concerne non seulement la prévention, mais aussi le dépistage des maladies. Cette précision n’apparaît pas utile, car le terme de prévention, qui inclut la prévention primaire – réduire les risques –, secondaire – dépister – et tertiaire – limiter les conséquences des maladies installées – est suffisamment large pour satisfaire cet amendement.

L’adoption de cet amendement poserait en outre un problème rédactionnel puisqu’il y est question de dépister des douleurs.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable. L’objectif visé au travers de l’amendement ne peut qu’être partagé. Cependant, la prévention comprend les actions de dépistage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 868 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 335 est présenté par M. Navarro.

L'amendement n° 597 rectifié est présenté par Mmes Jouanno et Férat, M. Guerriau et Mme Billon.

L'amendement n° 1023 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par les mots :

et par le développement de la pratique régulière d’activités physiques et sportives à tous les âges

L’amendement n° 335 n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l'amendement n° 597 rectifié.

Mme Chantal Jouanno. Cet amendement vise à intégrer explicitement la mention de l’activité physique au sein de la définition de la politique de santé publique. Je n’insisterai jamais assez, mes chers collègues, sur l’importance de pratiquer une activité physique trente minutes tous les jours afin de se maintenir en bonne santé. De nombreuses études ont montré l’impact positif d’une telle pratique.

Nous aurons l’occasion d’examiner de nombreux amendements sur ce sujet dans la suite de l’examen du texte. Néanmoins, il me paraît important d’intégrer une telle précision dès l’article 1er.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 1023.

Mme Aline Archimbaud. La suppression de cette mention de l'activité physique et sportive en commission au Sénat va à l’encontre du bon sens et de la demande des Français en matière de santé publique. C’est d'autant plus regrettable que de multiples études internationales mettent en évidence les bienfaits d'une activité physique adaptée en matière de prévention primaire, secondaire ou tertiaire.

Cette suppression est une régression majeure après les espoirs soulevés par les débats en première lecture à l'Assemblée nationale, qui ont montré que l'activité physique et le sport étaient une thérapeutique non médicamenteuse efficace et digne d'être enfin inscrite dans la politique de santé publique. Cet amendement vise donc à rétablir la mention de l'activité physique et sportive à l’article 1er.

La pratique d’une activité physique comme le vélo représente des économies potentielles pour la sécurité sociale estimées à 1,21 euro par kilomètre parcouru selon une étude d’Atout France. L’Organisation mondiale de la santé estime, quant à elle, qu’une part modale du vélo qui s’élèverait à 10 % permettrait d’économiser 10 milliards d'euros par ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Même si l’activité sportive est évidemment un moyen efficace pour rester en bonne santé, au même titre que d’autres pratiques, la commission n’a pas souhaité maintenir cette mention.

Le sport santé est déjà une réalité aujourd’hui au quotidien. Il contribue à la mise en œuvre de la politique de santé et se traduit par de nombreux projets et partenariats. Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable, même si ces amendements ne rétablissent que partiellement la version initiale du texte.

Il est évidemment important non seulement de rappeler, mais également d’inscrire dans un texte sur la santé que le sport et l’activité physique – qui n’est pas forcément du sport – contribuent à une bonne santé.

Contrairement à ce que sous-entend la commission, il n’y a pas si longtemps que nous avons pris la mesure de l’impact favorable sur la santé de la pratique sportive et de l’activité physique, y compris par rapport à des pathologies très lourdes.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.

M. Alain Milon, corapporteur. L’alinéa 10 de l’article 1er prévoit que la politique de santé concerne « la prévention individuelle et collective des maladies et de la douleur, des traumatismes et des pertes d’autonomie par l’information et l’éducation à la santé de chacun tout au long de la vie ». Les auteurs de ces amendements, estimant que le texte est insuffisant, souhaitent le compléter par la mention de l’activité physique et sportive. C’est faire peu confiance aux médecins qui, lors des consultations, conseillent leurs patients, y compris en ce qui concerne l’activité physique.

Si le texte mentionne qu’il faut pratiquer une activité physique et sportive, pourquoi ne préciserait-il pas également qu’il ne faut pas fumer, boire ou trop manger, ni surtout manger trop gras ?

Le texte, tel qu’il est rédigé par la commission, est largement suffisant. Faisons confiance aux médecins pour le reste. En revanche, si vous n’avez pas confiance en eux, votez ces amendements ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Le rôle des médecins est de conseiller les malades. Ils savent évidemment ce qu’ils doivent dire à leurs patients, en particulier en ce qui concerne la pratique d’une activité physique.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Mme Patricia Schillinger. Comme l’ensemble du groupe socialiste et républicain, je suis tout à fait d’accord avec ce que vient de dire Mme la ministre.

Inscrire une pratique dans la loi, c’est se mettre sur la voie de l’appliquer. Je rappelle que Strasbourg est une ville en expérimentation qui subventionne les abonnements dans les salles de sport. Or nous constatons que nos administrés sont de plus en plus nombreux à pratiquer une activité sportive, notamment grâce aux médecins qui poussent leurs patients en ce sens.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est la preuve qu’il est inutile d’inscrire cette mention dans la loi !

Mme Patricia Schillinger. On nous le dit tous les jours : nos concitoyens font de moins en moins de sport, y compris les enfants, lesquels devraient pourtant pratiquer une heure de sport par jour. Effectuez un comptage et vous verrez que nous en sommes loin !

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.

Mme Chantal Jouanno. Je tiens à apporter une précision. La pratique du sport est un sujet différent de la lutte contre le tabagisme ou autres que vient d’évoquer M. Milon. En effet, notre système politique a placé les médecins dans une situation compliquée, car ils sont chargés d’autoriser ou d’interdire la pratique d’un sport dans tous les cas. C’est la grande difficulté ! C’est très étonnant d’ailleurs. En réalité, ce devrait être l’inverse : ils ne devraient interdire la pratique d’un sport que dans des cas exceptionnels. Ce n’est donc pas un problème de défiance à l’égard des médecins.

Ce sujet avait été évoqué en 2010, lorsque j’étais ministre, lors des assises du sport. Tous les acteurs réunis autour de la table, dont des médecins et notamment des médecins sportifs, avaient demandé à cette occasion qu’une expérimentation similaire à celle actuellement conduite à Strasbourg soit mise en place dans différents endroits de France. Ils avaient en particulier demandé que soit inscrite explicitement dans une loi sur la santé l’importance d’une l’activité sportive et physique – car Mme la ministre a raison, il n’y a pas que le sport : l’activité physique en général doit également être prise en compte.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. J’entends vos arguments, madame Jouanno, néanmoins il n’est pas juste d’affirmer que le médecin a pour seule mission d’autoriser ou non une pratique sportive. La majeure partie des médecins généralistes face à des patients souffrant de certaines pathologies – maladies chroniques, problèmes de surpoids ou autres – vont bien évidemment leur indiquer qu’il est important pour la santé de pratiquer une activité sportive, de la même manière qu’ils dispensent des conseils sur toutes les autres règles ayant trait à l’hygiène de vie.

Inscrire une telle mention dans la loi ne changera pas forcément la pratique des médecins, qui recommandent tous, en général, d’avoir une activité physique, de la même manière qu’ils ne manquent pas de donner des conseils en matière de nutrition, de consommation d’alcool ou de tabac. Mme Schillinger vient de nous dire qu’une expérimentation est menée à Strasbourg en faveur du sport. C’est la preuve que les notions de ville sportive, d’action sportive et de sport santé sont bien intégrées dans les politiques des collectivités locales.

Compléter l’article 1er par une telle mention vous fera peut-être plaisir, mais n’apportera pas grand-chose de plus au texte !

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.

M. Gérard Roche. Le débat est intéressant. La question de savoir si cette mention doit figurer ou non dans le texte est presque un détail. Ce qui est important, c’est de savoir quelle place doit tenir le sport dans notre société de plus en plus sédentaire.

Nous savons tous depuis longtemps que le sport joue un rôle préventif. Mais nous savons également maintenant que le sport a aussi un rôle curatif. De nombreuses personnes diabétiques ou ayant été soignées pour un cancer sont incitées à pratiquer de la gym ou de l’actimarche. Il est important d’encadrer ces patients pour qu’ils sachent vers quelles structures se tourner. Seuls, ils ne pourront rien faire. Des groupes doivent se former pour les accueillir et leur permettre d’avoir accès à ce « plus » thérapeutique. Ces personnes doivent pouvoir s’épanouir, retrouver un bien-être et diminuer les risques de rechute grâce à une pratique sportive. La pratique d’une activité physique permet aussi de créer des liens et de resocialiser des personnes isolées par la maladie. L’aspect curatif du sport est à mon avis très important.

Le reste de mon intervention sera un peu hors sujet, madame la ministre, mais le problème me semble grave. On l’a souligné tout à l’heure, les jeunes ne pratiquent plus de sport, ils sont obèses, etc. Mais un autre danger guette nos concitoyens : un certain nombre d’entre eux, après la quarantaine, certainement par coquetterie ou peur du vieillissement, se lancent dans des sports extrêmes sans y être préparés. Ils font des triathlons, parcourent 180 kilomètres en vélo, courent un marathon et nagent 4 kilomètres. Ils participent à des treks de 90 kilomètres, avec des dénivelés de 1 000 ou de 2 000 mètres. À la fin de certaines courses, on voit arriver des gens au bout du rouleau. Tous ces individus mettent leur vie et leur santé en danger. La pratique des sports extrêmes est donc un problème sur lequel il faudrait que nous nous penchions.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. L’article 1er a pour objet de fixer les grandes lignes de la politique de santé publique. Mentionner ici la pratique physique nous ferait entrer dans un certain nombre de détails, ce qui me gêne un peu. Comme l’a souligné à juste titre M. Milon, il est important de préserver la portée générale de cet article et de rester simple.

Je ne conteste pas l’importance du sport en matière de santé publique, mais une telle recommandation n’a pas valeur d’injonction. Comment un médecin pourrait-il obliger ses patients à faire du sport ? Il ne peut que délivrer des conseils.

Bref, votons des textes lisibles. À mon avis, il n’est pas justifié de compléter ainsi l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. J’ai du mal à comprendre depuis un certain temps les positions des rapporteurs sur les sujets évoqués.

Je ne suis pas intervenu sur la question des aidants familiaux – et ce n’est plus le moment de le faire –, mais je veux dire que je reste interrogatif pour ce qui concerne le sport.

Le projet de loi de modernisation de notre système de santé accorde, pour la première fois certainement dans l’histoire, une place très importante à la prévention. Or, on le sait bien, la prévention est de toute évidence liée à l’activité sportive. Dès lors, pourquoi s’opposer à faire figurer dans le texte le développement de la pratique régulière d’activités physiques et sportives ?

Certes, les médecins peuvent inviter certains de leurs patients, lors de consultations, à pratiquer le sport. Mais quid des personnes en bonne santé, qui ne consultent pas ? Or elles ont, elles aussi, intérêt à faire du sport.

Je ne comprends pas pourquoi certains s’opposent aujourd'hui à faire figurer dans un texte de santé publique les notions d’activités physiques et sportives. Quant à l’autorisation de pratiquer certains sports et à la question des sports extrêmes, c’est autre chose.

Les débats que nous avons ce soir sont quelque peu surprenants.

Mme Annie David. Très surprenants !

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Mme Aline Archimbaud. Le projet de loi de modernisation de notre système de santé ne s’adresse pas qu’aux médecins. J’en suis persuadée, les médecins sont, pour leur part, convaincus de la nécessité d’avoir une activité physique régulière. Mais la loi concerne tous les citoyens. C’est pourquoi il importe de rappeler les objectifs fondamentaux de prévention, en les déclinant concrètement. Pourquoi ne pas accepter de faire figurer dans la loi le développement de la pratique régulière d’activités physiques et sportives ?

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 597 rectifié et 1023.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 869 rectifié, présenté par MM. Amiel, Barbier, Mézard et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Après le mot :

soins

insérer les mots :

curatifs et palliatifs

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Dans le cadre de l’examen de la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, les nombreux professionnels ainsi que les acteurs associatifs qui ont été auditionnés par les rapporteurs n’ont cessé de déplorer la grande misère des soins palliatifs, dont l’accès est faible.

La distinction de ces soins et la coordination de ceux-ci sont un enjeu majeur de la modernisation de la médecine. Outre les soins curatifs, la médecine doit s’efforcer de prendre en charge la douleur lors du suivi du patient, et ce, notamment, grâce aux soins palliatifs. C’est pourquoi il est essentiel de distinguer ces deux types de soins, les soins curatifs et les soins palliatifs, dans la définition de la politique de santé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cet amendement vise à préciser que l’accès aux soins permis par la politique de santé concerne à la fois les soins curatifs et les soins palliatifs.

Lors de l’élaboration de son texte, la commission a estimé que cette précision n’était pas nécessaire à cet endroit du code de la santé publique. En effet, les objectifs de la politique de santé sont énoncés en termes généraux. De plus, la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie entend modifier d’autres articles du code, afin de renforcer la vocation palliative de la médecine.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement même s’il faut évidemment développer les soins palliatifs lors de la mise en place d’une prise en charge de la fin de vie.

Dans le cadre du projet de loi que nous examinons, les soins englobent toute une série de soins différents : les soins palliatifs, les soins curatifs, et d’autres soins encore. On pourrait imaginer des sous-catégories de soins – des soins reconstructeurs, des soins réparateurs –, qui, prises indépendamment les unes des autres, auraient toute leur justification. Toutefois, toutes ces catégories sont comprises dans la définition générale de l’objectif d’une politique de santé.

C’est pour cette raison que j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 869 rectifié, et non par défiance à l’égard du développement des soins palliatifs. À entrer trop dans les détails, on finit par s’interroger sur ce qui n’est pas explicitement inscrit dans la loi. Et ce qui n’est pas explicitement mentionné semble alors ne plus faire partie de la loi.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.

M. Alain Milon, corapporteur. Sans vouloir revenir sur le débat précédent, il fallait entrer dans le détail en matière de santé, alors qu’il faudrait s’en tenir à des généralités en matière de soins.

Je suis moi aussi quelque peu perturbé, monsieur Daudigny : si l’on entre – pourquoi pas ? – dans le détail dans le domaine de la santé, comme on nous y a incités, en inscrivant dans la loi le développement de la pratique régulière d’activités physiques et sportives, mais sans aller – heureusement ! – plus loin, il faut aussi, si l’on veut être cohérent, entrer dans le détail dans le domaine des soins. Or, à ce stade, il n’y a plus de cohérence !

M. Jean-Claude Requier. Puisqu’il en est ainsi, je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 869 rectifié est retiré.

L'amendement n° 689, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par les mots :

et l’égalité entre les femmes et les hommes

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Eu égard à l’adoption d’un amendement visant à introduire à l’alinéa 4 la notion d’égalité entre les femmes et les hommes, que nous avons voté de bon cœur, même si j’ai relevé le fait que cette disposition ne figurait peut-être pas à la bonne place, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 689 est retiré.

L'amendement n° 690, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 12

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« … La prise en charge collective et solidaire des conséquences financières et sociales de la maladie, de l’accident et du handicap par le système de protection sociale ;

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement vise à réintroduire l’alinéa 13 du projet de loi tel qu’il a été adopté par l'Assemblée nationale.

Je tiens à rappeler ici que nous avons eu l’occasion de débattre, au mois de mars dernier, en première lecture, du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. Le texte initialement consacré à la perte d’autonomie à tous les âges de la vie a finalement été réduit à la perte d’autonomie des personnes vieillissantes. C’est pourquoi nous voulons réintroduire l’alinéa 13, que la commission a supprimé, car celui-ci constituait, à nos yeux, un bon signal.

On estime qu’il y a en France 700 000 personnes handicapées et 600 000 personnes invalides. Que prévoit le texte de la commission pour leur permettre de vivre le plus longtemps possible chez elles, de décider de leur vie, réaliser leurs projets, travailler, se soigner ? Je suis au regret dire aux corapporteurs que le texte ne prévoit rien !

Pour notre part, nous estimons que seule la solidarité de la société est à même de prendre en charge ces défis. Dès lors, il importe d’affirmer dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé, comme l’a fait l'Assemblée nationale, que la stratégie nationale de santé prend en charge de manière collective et solidaire les personnes accidentées et handicapées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Il nous semble que ces dispositions ne relèvent pas à proprement parler de la politique de santé. Elles relèvent davantage du code de la sécurité sociale et de l’organisation de notre système de protection sociale. D’ailleurs, l’amendement n° 690 mentionne clairement la charge collective et solidaire des conséquences financières et sociales de la maladie. C’est pourquoi la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement : le caractère solidaire de la prise en charge de la politique de santé et de la politique de santé elle-même est un élément constitutif de notre organisation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 690.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 78 rectifié, présenté par MM. Commeinhes, Charon et Calvet, Mmes Deromedi et Hummel, M. Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La politique de santé est le moyen, pour l’État, d’agir en faveur de l’effectivité du droit, pour les usagers du système de santé, d’accéder selon leurs besoins à des soins, à une hospitalisation, à un accueil ou un accompagnement médico-social, à la compensation de leur handicap ou de leur perte d’autonomie, en tant que ce droit relève des droits et obligations à caractère civil au sens du premier alinéa de l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme des libertés fondamentales. » ;

La parole est à M. François Commeinhes.

M. François Commeinhes. Le présent amendement vise à faire reconnaître l’applicabilité du 1 de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme aux droits des usagers du système de santé.

Le premier enjeu de cette reconnaissance réside, notamment, dans l’obligation, pour le système de santé national, de permettre l’accès à ce droit de manière impartiale et dans un délai raisonnable.

Le second enjeu tient à rendre possible l’invocation, devant toute juridiction compétente pour connaître d’un litige afférent, des garanties processuelles prévues par le texte conventionnel.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cet amendement nous a posé quelques problèmes de compréhension. En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je suis également défavorable à cet amendement, car je ne suis pas certaine de voir, dans le cadre du projet de loi que nous examinons, la portée de la référence à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cette référence s’insère très mal dans ce texte. C’est pourquoi je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut j’y serai défavorable.

M. le président. Monsieur Commeinhes, l'amendement n° 78 rectifié est-il maintenu ?

M. François Commeinhes. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 78 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 188 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Requier et Vall, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Tout projet de réforme portant sur la politique de santé, à l'exclusion des projets de loi de financement de la sécurité sociale et de loi de finances, envisagé par le Gouvernement fait l'objet d'une concertation préalable avec l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire, l'Union nationale des professionnels de santé, les conseils nationaux des ordres des professions de santé et l'organisation représentative des associations des usagers agréées conformément au présent article. La composition et le fonctionnement de l'organisation représentative des associations des usagers agréées sont déterminés par décret en Conseil d'État. » ;

La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Je le retire au profit de l’amendement n° 881 rectifié !

M. le président. L'amendement n° 188 rectifié est retiré.

L'amendement n° 881 rectifié, présenté par MM. Amiel, Mézard et Guérini, Mme Malherbe et MM. Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Requier et Vall, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Tout projet de réforme portant sur la politique de santé, à l'exclusion des projets de loi de financement de la sécurité sociale et de loi de finances, envisagé par le Gouvernement fait l'objet d'une concertation préalable avec l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire, l'Union nationale des professionnels de santé, les représentants des collectivités territoriales et l'organisation représentative des associations des usagers agréées conformément à l'article L. 1114–1. La composition et le fonctionnement de l'organisation représentative des associations des usagers agréées sont déterminés par décret en Conseil d'État. » ;

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à mentionner l’ensemble des organismes et personnes qui doivent être consultés sur tout projet de réforme portant sur la politique de santé. N’oublions pas les élus locaux !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Que les élus locaux ne soient pas spectateurs, c’est évidemment ce que nous souhaitons, tant dans le cadre de la politique de santé publique que dans celui de la politique des territoires. Toutefois, l’article L. 1411-1 du code de la santé publique, que le présent amendement vise à compléter, n’a pas vocation à énumérer l’ensemble des organismes associés à la concertation préalable à toute réforme de la politique de santé.

Par ailleurs, il convient de noter que la création d’une organisation représentative des associations des usagers ne fait pas consensus parmi ces mêmes associations. C’est ce que nous avons entendu au cours des auditions que nous avons organisées.

Pour cette double raison, la commission des affaires sociales n’a pas jugé opportun de maintenir cette disposition dans le texte transmis par l'Assemblée nationale. En conséquence, elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Concernant les avis, les choses semblent d’ores et déjà à peu près rodées (Sourires.) : je suis, pour ma part, favorable à cet amendement.

Je tiens d’ailleurs à préciser que les associations de représentants des usagers ont fini par converger vers une position consensuelle et sont favorables à la rédaction proposée. Il me semble donc utile d’inscrire le rôle des collectivités territoriales dans le projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 881 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 858, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle prend en compte les facteurs individuels liés à la personne, à sa situation sociale, à ses pratiques et à son environnement.

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Le diagnostic de certaines pathologies est parfois rendu compliqué du fait de spécificités propres à la personne qui en est atteinte. Prendre en compte les particularités du patient du fait de sa situation sociale, de ses pratiques ou de son environnement est souvent un moyen de pallier les difficultés du diagnostic et d’y apporter les traitements les mieux adaptés.

Telles sont les précisions que cet amendement vise à apporter à la définition des objectifs de notre politique de santé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cette précision n’a pas sa place à l’article L. 1411-1-1 du code de la santé publique dans la rédaction issue des travaux de la commission, car celui-ci concerne la procédure d’élaboration et de révision de la politique de santé.

En outre, la précision proposée apparaît redondante avec les autres dispositions de l’article 1er du projet de loi.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement.

Les facteurs que vous souhaitez voir pris en compte relèvent de la politique de santé. Or vous voulez les réintroduire dans le cadre de la stratégie nationale de santé. Il s’agit d’un débat entre la stratégie nationale de santé et la politique de santé. La politique de santé est plus vaste, tandis que la stratégie nationale de santé est une manière de décliner, à un moment donné, la politique de santé.

Dans la mesure où les critères évoqués sont pris en compte dans la politique de santé, ils le seront nécessairement, à un moment donné, dans le cadre d’une stratégie plus opérationnelle.

M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 858 est-il maintenu ?

Mme Aline Archimbaud. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 858 est retiré.

L’amendement n° 1116 rectifié, présenté par MM. Cornano, J. Gillot, Karam et Masseret, Mmes Blondin et Jourda et MM. Cazeau, Antiste, Desplan, Patient et S. Larcher, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle se décline dans un programme de santé publique pour les outre-mer, autour de grandes priorités préalablement définies, sur la base d’un calendrier réaliste et d’une programmation budgétaire pluriannuelle.

La parole est à M. Jacques Cornano.

M. Jacques Cornano. Cet amendement reprend les recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport du 12 juin 2014 intitulé La santé dans les outre-mer, une responsabilité de la République.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. La commission des affaires sociales sollicite le retrait de cet amendement, qui devrait être satisfait, dans quelques instants, par l’adoption de l’article 1er bis du projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Cornano, un amendement relatif aux outre-mer devant être présenté à l’article 1er bis, il me paraît en effet souhaitable que vous retiriez le vôtre.

M. le président. Monsieur Cornano, l’amendement n° 1116 rectifié est-il maintenu ?

M. Jacques Cornano. S’il est satisfait, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 1116 rectifié est retiré.

L’amendement n° 691, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Après les mots :

consultation publique

insérer les mots :

des représentants des collectivités territoriales, des représentants des personnels, des représentants des professionnels de santé et des usagers

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Si le projet de loi prévoit que les organisations représentatives des professionnels de santé et les associations agréées concourent à la mise en œuvre de la politique de santé dans le cadre de leurs compétences, il ne prévoit pas leur association à la consultation préalable à l’adoption et à la révision des objectifs et des priorités du projet de stratégie nationale de santé. Or, même si j’ai bien entendu ce que vient de dire Mme la ministre, cette association nous paraît nécessaire, tout comme celle des représentants des collectivités territoriales et des représentants des personnels. En effet, chacune de ces catégories a une expérience reconnue dans son domaine.

Cet amendement, qui vise à préciser la notion de consultation publique, s’inscrit dans une démarche globale consistant à redonner de la place aux collectivités territoriales, aux professionnels de santé et aux représentants du personnel, ainsi qu’aux usagers, dans les prises de décision, quelles qu’elles soient. C’est ainsi que l’on tendra vers une véritable démocratie sanitaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Vous ne serez pas surpris que la commission des affaires sociales ait émis un avis défavorable sur cet amendement, car j’ai déjà plusieurs fois expliqué que l’article 1411-1 du code de la santé publique n’avait pas vocation à énumérer l’ensemble des organismes ou des partenaires devant être consultés préalablement à l’adoption ou à la révision par le Gouvernement de la stratégie nationale de santé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Il me semble, monsieur Watrin, que votre amendement est satisfait. Par ailleurs, la démarche quelque peu restrictive consistant à mentionner certains acteurs devant être consultés risque de conduire à en écarter d’autres qui pourraient l’être également, ce qui serait, à mon avis, le résultat inverse de celui que vous recherchez. Dès lors, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Les dispositions relatives à la concertation et à la consultation sont importantes et donneront lieu à la publication d’un décret ; celui-ci est actuellement en voie de finalisation, puisqu’il convient qu’il paraisse assez rapidement après l’adoption du projet de loi.

M. le président. Monsieur Watrin, l’amendement n° 691 est-il maintenu ?

M. Dominique Watrin. Notre intention n’était pas d’inscrire dans le projet de loi une liste exclusive d’autres personnes ou organismes pouvant être associés à la concertation préalable à la définition des priorités de la politique de santé et à la mise en œuvre de celle-ci. Puisque Mme la ministre nous assure que ceux que nous avons cités feront partie des participants à la consultation publique que le futur décret précisera (Mme la ministre le confirme.), il n’y a aucune raison que nous maintenions notre amendement. Je remercie Mme la ministre d’avoir pris en compte notre proposition.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.

M. Alain Milon, corapporteur. Entrer trop dans les détails, c’est écarter les acteurs qui ne sont pas mentionnés : les rapporteurs l’expliquent depuis le début de ce débat. Je tenais à le faire observer, sans doute par taquinerie…

M. le président. L’amendement n° 691 est retiré.

L’amendement n° 479 rectifié bis, présenté par Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mmes Yonnet, D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 22

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

... Après l’article L. 1411-1-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1411-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 1411-1-… – Des actions de prévention partagée, tendant à rendre les publics-cibles acteurs de leur propre santé, sont favorisées. Elles visent, dans une démarche de responsabilisation, à permettre l’appropriation des outils de prévention et d’éducation à la santé. »

La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Cet amendement vise à compléter les initiatives institutionnelles d’accès à la prévention et de promotion de la santé. Il tend à favoriser des actions de proximité et de prévention partagée permettant de renforcer l’implication et la participation des publics cibles. Il s’agit de favoriser une démarche de concertation et de coordination pour l’ensemble des politiques publiques de santé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cet amendement précise le cadre de réalisation des actions de promotion de la santé. Après avoir entendu ses auteurs et débattu de leur proposition, la commission a décidé de s’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée. Vous voyez, chers collègues, que la commission est capable d’ouverture et même d’évolution !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. La question de la prévention partagée me paraît tout à fait fondamentale. En effet, si les acteurs institutionnels, les professionnels médicaux et médico-sociaux, sont tous très engagés dans le domaine de la prévention, de nombreuses expériences menées en France et à l’étranger, s’agissant notamment de la lutte contre le tabagisme des jeunes, ont montré que les résultats obtenus sont bien meilleurs lorsque les publics cibles sont eux-mêmes acteurs des messages et des actions de prévention. Il est donc particulièrement opportun d’inscrire dans la loi la notion de prévention partagée et l’objectif de responsabilisation. Je remercie Mme la rapporteur et Mme la ministre pour les positions qu’elles viennent de prendre à l’égard de cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 479 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 40 rectifié, présenté par MM. Commeinhes, Charon, César et Calvet, Mme Deromedi, MM. D. Robert, P. Leroy, Malhuret, B. Fournier et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 25

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les associations d’usagers agréées par les agences régionales de santé, les établissements de santé publics et privés ainsi que les professions libérales du secteur sanitaire et social aident à la définition de cette politique de santé par le biais de la démocratie sanitaire. » ;

La parole est à M. François Commeinhes.

M. François Commeinhes. La démocratie sanitaire est un élément essentiel de nature à permettre à l’ensemble des acteurs du système de santé, qui tous contribuent à la politique de santé, de s’impliquer dans l’élaboration et dans la mise en œuvre de celle-ci, dont ils assurent la vitalité en organisant la représentation des associations d’usagers agréées. La démocratie sanitaire constitue aussi un facteur de développement d’une réponse adaptée aux besoins de soins ; elle contribue à éclairer l’État dans le pilotage du système de santé et dans la définition de sa politique.

À cet effet, faire vivre la démocratie sanitaire implique de développer la concertation et le débat public, d’améliorer la participation des acteurs de santé et des usagers du système de santé à tous les niveaux de la gouvernance du système et de promouvoir les droits individuels et collectifs des usagers. Puisque la démocratie sanitaire concerne l’ensemble des parties prenantes du système de santé, usagers comme professionnels, elle doit impliquer les associations d’usagers agréées, les établissements de santé publics et privés et les professions libérales du secteur sanitaire et social.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Mon cher collègue, votre intention est partagée par tous, singulièrement par la commission des affaires sociales. Néanmoins, comme je l’ai déjà plusieurs fois expliqué, il ne convient pas de faire mention des différents acteurs concernés. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; si vous le maintenez, j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Commeinhes, l'amendement n° 40 rectifié est-il maintenu ?

M. François Commeinhes. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 40 rectifié est retiré.

L’amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Commeinhes et Charon, Mme Mélot, MM. Houel, B. Fournier, César, Malhuret, P. Leroy et D. Robert, Mme Deromedi et MM. Lemoyne et Calvet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 25

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les établissements de santé publics et privés et les professionnels de santé libéraux contribuent à la mise en œuvre de la politique de santé pour assurer l’équilibre de l’offre de soins dans les territoires. » ;

La parole est à M. François Commeinhes.

M. François Commeinhes. Les établissements de santé publics et privés sont soumis à des autorisations sanitaires délivrées par les représentants de l’État. C’est donc sur l’ensemble de ces acteurs, qu’ils soient publics ou privés, que l’État s’appuie pour mettre en œuvre la politique de santé. Rappeler l’association de tous les acteurs à la mise en œuvre de la politique de santé renforcerait la cohésion du système de santé et favoriserait l’efficacité de la réponse aux besoins de santé de l’ensemble de la population, tout en garantissant la liberté de choix qui caractérise notre système de santé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Mon cher collègue, vous proposez de prévoir explicitement l’association des établissements de santé et des professionnels de santé libéraux à la mise en œuvre de la politique de santé, afin d’assurer l’équilibre recherché de l’offre de soins sur les territoires. Il nous a paru que cette précision serait redondante avec les alinéas 11, 12 et 25 de l’article 1er. Par ailleurs, je répète que cet article n’a pas vocation à mentionner l’ensemble des acteurs contribuant à la mise en œuvre de la politique de santé. Pour ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 870 rectifié, présenté par MM. Amiel, Mézard et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Vall, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 28

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

… Après le 3° de l'article L. 1411-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« … De contribuer à l'élaboration d'une politique de santé de l'enfant et de la famille globale et concertée. » ;

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. La santé de l’enfant est trop souvent envisagée indépendamment de son environnement. Or, pour bien la prendre en charge, il est essentiel, selon nous, d’adopter une démarche globale, qui s’attache aussi à l’entourage familial de l’enfant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Mon cher collègue, vous proposez de préciser les missions du Haut Conseil de la santé publique en faisant référence à la politique de santé de l’enfant et de la famille.

L’article L. 1411-4 du code de la santé publique définit les missions confiées à cet organisme en termes généraux : il le charge de contribuer à l’élaboration et à l’évaluation de la politique de santé, de « fournir aux pouvoirs publics, en liaison avec les agences sanitaires, l’expertise nécessaire à la gestion des risques sanitaires ainsi qu’à la conception et à l’évaluation des politiques et stratégies de prévention et de sécurité sanitaire » et de « fournir aux pouvoirs publics des réflexions prospectives et des conseils sur les questions de santé publique ».

Vous constatez, monsieur Arnell, que les différents publics auxquels s’adresse la politique de santé ne sont pas énumérés par ces dispositions générales. De fait, l’ensemble des dispositions relatives à la politique de santé de la famille, de la mère et de l’enfant sont regroupées dans la deuxième partie du code de la santé publique.

Dans ces conditions, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; j’y serai défavorable s’il est maintenu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Pour ma part, j’émets un avis favorable sur cet amendement ; il vise à rétablir à l’article 1er du projet de loi deux alinéas adoptés par l’Assemblée nationale, qui font ressortir l’importance que revêtent, du point de vue de la santé publique, les enjeux liés aux familles, en particulier aux enfants. L’enfance, la jeunesse et les familles sont l’un des fils directeurs du projet de loi. Nous savons bien, en effet, que les conditions de santé sont le plus souvent déterminées dans la petite enfance. (Mme Françoise Laborde acquiesce.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 870 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Commeinhes, Charon, Calvet et Lemoyne, Mme Deromedi, MM. Karoutchi, D. Robert, P. Leroy, Malhuret, César, B. Fournier et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :

Alinéa 32

Après les mots :

les organismes gestionnaires des régimes d'assurance maladie

insérer les mots :

, de même que les associations d’usagers agréées par les agences régionales de santé, les établissements de santé publics et privés ainsi que les professions libérales du secteur sanitaire et social, les établissements de santé publics et privés et les professionnels de santé libéraux,

La parole est à M. François Commeinhes.

M. François Commeinhes. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 42 rectifié est retiré.

L'amendement n° 1191, présenté par Mmes Deroche et Doineau et M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

... Au 6° de l’article L. 321-1, les mots : « des programmes prévus par » sont remplacés par le mot : « de ».

La parole est à Mme Élisabeth Doineau, corapporteur.

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1191.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 945, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – En lien avec les objectifs définis dans la stratégie nationale de santé, l’analyse des risques environnementaux et leur réduction s’inscrivent dans le plan national de prévention des risques liés à l'environnement, mentionné à l’article L. 1311-6 du code de la santé publique.

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise à garantir la place de la santé environnementale au cœur de la stratégie nationale de santé, ainsi que l’application du troisième plan national santé-environnement. Il s’agit de connecter entre eux les outils de nos politiques de santé publique, afin que ceux qui concernent la politique environnementale ne restent pas en dehors de la stratégie nationale de santé, mais qu’ils lui soient pleinement intégrés, afin que la santé environnementale soit placée au cœur de l’ensemble du dispositif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Cet objectif est certes louable, mais il nous semble relever de la responsabilité du Gouvernement. En effet, c’est à lui qu’il appartient de garantir une mise en œuvre cohérente de la stratégie nationale de santé dans le cadre de son action interministérielle.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, parce que la prise en compte de l’impact de l’environnement sur la santé est explicitement identifiée comme l’une des composantes primordiales de la stratégie nationale de santé.

Je ne reviendrai pas sur les propos que j’ai eu l’occasion de tenir au sujet de l’élaboration d’un plan national santé-environnement tous les cinq ans, qui est inscrite dans le code de la santé publique. Cela montre bien que les enjeux environnementaux sont désormais pris en compte dans le cadre de l’élaboration des politiques de santé et de la stratégie nationale de santé.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.

M. Alain Milon, corapporteur. Quelque chose m’échappe certainement… C’est probablement dû à un manque d’intelligence de ma part, ce dont je vous prie de bien vouloir m’excuser.

Tout à l’heure, on a évoqué la notion d’exposome, ce qui signifie que l’on a déjà parlé de l’exposition aux problèmes environnementaux. Au travers de cet amendement, on revient une fois de plus sur le sujet…

Si vous voulez, on pourra aussi en parler à l’article 2, à l’article 3, à l’article 4 ou encore à l’article 200 ! Or cet objectif figure déjà dans le texte. On ne va pas l’inscrire cinquante fois ! Ça suffit ! (M. Bruno Retailleau applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.

Mme Chantal Jouanno. Je peux peut-être vous aider à comprendre…

La notion d’exposome ne représente qu’une partie des sujets concernés par la santé environnementale.

Mme Chantal Jouanno. Nous en sommes aujourd’hui au troisième plan national santé-environnement. Or, quelles que soient les déclarations, les PNSE concernent des domaines extrêmement ciblés. Ils coexistent avec les politiques de santé publique, mais les deux évoluent malheureusement en parallèle et non de manière convergente.

Il serait donc extrêmement intéressant que l’on puisse clairement établir dans la loi le fait que le PNSE s’inscrit dans la politique de santé publique. Ainsi, le secrétaire d’État chargé de l’écologie n’aurait plus le sentiment qu’on ne le laisse réaliser que des petites choses dans son coin et que l’essentiel en matière de santé publique se fait ailleurs.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.

Mme Evelyne Yonnet. Une loi est un document opposable. Par conséquent, il est important que les choses y figurent d’une façon claire et précise.

Si la rédaction de l’article 1er n’avait pas été totalement dénaturée en commission par la majorité sénatoriale, on n’en serait pas à déposer des amendements pour en retrouver la substance initiale. Nous défendons des amendements qui visent à restaurer des objectifs comme la politique environnementale, les aidants familiaux, le handicap, etc.

M. le président. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.

M. Alain Milon, corapporteur. Dire que la majorité sénatoriale a dénaturé cet article, c’est faux ! Nous avons voulu lui donner une portée générale afin que tout puisse y figurer. En y introduisant des détails… (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Mes chers collègues, c’est Mme Jouanno elle-même qui a dit que l’exposome était une petite chose, un détail !

Mme Frédérique Espagnac. Ce n’est pas ce qu’elle a dit !

M. Alain Milon, corapporteur. On insère un détail ici, on en insère un autre là : comment ne pas en oublier ? Au bout du compte, le texte qu’adoptera notre assemblée n’aura pas la portée générale que souhaite lui donner la majorité sénatoriale.

Pour finir, et sans vouloir donner de leçon à qui que ce soit, je vous invite à relire la lettre 79 des Lettres persanes de Montesquieu.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 945.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 946, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – La stratégie nationale de santé a pour objectif de réduire de 25 % le taux de maladies chroniques d’ici à 2030, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, notamment en lien avec le plan mentionné à l’article L. 1311-6.

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. La comparaison entre la France et le Japon, pays au niveau de développement et au système d’assurance maladie similaires, est instructive : selon le rapport établi en 2011 par l’Organisation mondiale de la santé sur les maladies non transmissibles, le taux de maladies chroniques est de 419 pour 100 000 personnes en France, contre 337 pour 100 000 personnes au Japon. On peut en déduire que, si la France avait le même taux de maladies non transmissibles que le Japon, le nombre d’affections de longue durée, dont le coût global en 2008 était estimé à 79 milliards d’euros, serait réduit de 25 %.

Mon amendement vise à fixer dans la loi un objectif chiffré de réduction du taux de maladies chroniques de 25 % à l’horizon de 2030. Cet objectif traduirait la volonté, qui s’est d’ailleurs manifestée plusieurs fois ce soir au travers d’amendements, de véritablement réorienter les politiques afin qu’un effort manifeste soit réalisé notamment en matière de prévention primaire. De surcroît, cela aurait un impact non négligeable non seulement sur l’équilibre de la caisse nationale d’assurance maladie, mais aussi sur le mieux-vivre de nos concitoyens, qui sont de plus en nombreux à être touchés par ces maladies.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Nous partageons l’ambition de réduire les maladies chroniques. Seulement, le fait de fixer un objectif chiffré est d’ordre réglementaire. Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la sénatrice, je suis désolée, mais le Gouvernement émet également un avis défavorable sur votre amendement.

Si je faisais preuve de mauvais esprit, je dirais que l’on pourrait atteindre l’objectif que vous visez si nos concitoyens vivaient moins longtemps. En effet, l’augmentation des maladies chroniques s’explique aussi par l’allongement de la durée de la vie. Vous conviendrez avec moi que réduire l’espérance de vie des Français n’est pas l’objectif recherché. (Sourires.)

Plus sérieusement, nous serions confrontés à des difficultés extraordinairement élevées pour mesurer la réduction des maladies chroniques : telle ou telle maladie doit-elle être comptabilisée individuellement ou l’être comme maladie associée ? Les modes d’évaluation donneraient lieu à des travaux extrêmement longs.

En outre, à force de fixer des objectifs chiffrés, on ne se donne pas les moyens de mettre en place des politiques plus qualitatives. C’est très exactement ce qui s’est passé avec la loi de 2004, qui prévoyait toute une série de plans de santé publique accompagnés d’objectifs. Or, à l’arrivée, cela n’a abouti qu’à une multiplication de plans sans coordination, sans articulation, qui n’ont pas donné naissance à une véritable politique globale de santé publique.

Les organismes compétents ont besoin d’indicateurs au niveau réglementaire. Que ces organismes se fixent eux-mêmes des objectifs est une bonne chose. Toutefois, on ne peut pas inscrire un objectif de cette nature dans la loi.

M. Yves Daudigny. Tout à fait d’accord !

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Mme Aline Archimbaud. Notre préoccupation demeure, mais nous allons retirer notre amendement et essayer d’en améliorer la rédaction. Il serait manifestement nécessaire de continuer à travailler sur le sujet.

M. le président. L'amendement n° 946 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Article 1er bis

Article additionnel après l’article 1er

M. le président. L'amendement n° 590 rectifié, présenté par Mme Jouanno, M. Médevielle, Mme Billon et M. Guerriau, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1311–6 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ce plan est intégré à la stratégie nationale de santé définie à l’article L. 1411–1 et mis en œuvre avant le 1er janvier 2020. »

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Je retire cet amendement !

M. le président. L'amendement n° 590 rectifié est retiré.

Article additionnel après l’article 1er
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Article additionnel après l’article 1er bis

Article 1er bis

Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la première partie du code de la santé publique est complété par un article L. 1411-10 ainsi rétabli :

« Art. L. 1411-10. – La stratégie nationale de santé mentionnée à l’article L. 1411-1-1 fixe des objectifs propres aux outre-mer à partir d’une évaluation des données épidémiologiques et des risques sanitaires spécifiques aux collectivités mentionnées à l’article 73 de la Constitution ainsi qu’aux collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et des îles Wallis et Futuna.

« Elle prend en compte le développement de la coopération régionale en outre-mer dans le domaine de la santé.

« L’État peut proposer à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie de s’associer par convention, dans le respect de leurs compétences, à la mise en œuvre des plans et programmes qui résultent de la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé. »

M. le président. L'amendement n° 692, présenté par M. Vergès, Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle s’appuie sur des données statistiques fiables et pérennes, permettant une comparaison avec les départements de France métropolitaine, et portant sur les grandes problématiques de santé publique d’une part et sur la question de la coopération régionale d’autre part.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement que je présente au nom de notre groupe et plus particulièrement au nom de notre collègue Paul Vergès vise à ce que des données statistiques fiables et pérennes puissent enfin être prises en compte pour la politique de santé publique dans les outre-mer. En effet, le rapport public thématique de la Cour des comptes publié en juin 2014 et intitulé La santé dans les outre-mer, une responsabilité de la République précise qu’il n’existe pas d’étude statistique exhaustive retraçant les dépenses de santé outre-mer.

Dans ce même rapport, le mot « statistiques » est souvent associé à ceux de « incomplètes », « hétérogènes », « malaisément comparables », « approximatives », « inexistantes », « illusoires ». Dans certains départements, comme Mayotte ou encore la Guyane, ces données sont partielles, voire inexistantes.

Dans les collectivités d’outre-mer, les statistiques exhaustives, sur les densités médicales par exemple, font défaut. Il s’agit d’un avis partagé par le ministère des affaires sociales et de la santé lui-même. En effet, en réponse au rapport de la Cour des comptes, celui-ci a estimé qu’« il convient d’être prudent sur la fiabilité des données statistiques se rapportant à l’outre-mer, en particulier s’agissant des territoires autres que les DOM, ainsi que par rapport à certaines comparaisons qui paraissent comporter des biais méthodologiques ».

Dès lors, même si l’on enregistre quelques progrès, il est impossible d’évaluer l’impact des politiques publiques menées localement et de définir des objectifs répondant aux caractéristiques et réalités ultramarines.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons, mes chers collègues, de voter cet amendement. Comme je le disais ce matin en commission, c’est bien de statistiques fiables et pérennes dont les départements d’outre-mer ont besoin pour pouvoir mettre en œuvre cette politique de santé publique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. L’alinéa 2 de l’article 1er bis précise que la stratégie nationale de santé sera adaptée aux territoires d’outre-mer à partir d’une évaluation des données épidémiologiques.

À titre personnel, je n’ose imaginer que des statistiques puissent ne pas être fiables et pérennes.

Mme Élisabeth Doineau. La commission vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, madame David ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. La problématique que vous soulevez, madame la sénatrice, est réelle. Toutefois, l’amendement n° 827, qui sera examiné ultérieurement dans la discussion, me semble mieux rédigé en prévoyant que « toute statistique déclinée au niveau local » comporte nécessairement des données chiffrées concernant les collectivités d’outre-mer. L’objectif que vous visez sera donc atteint en s’inscrivant dans une stratégie d’ensemble. C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Madame David, l’amendement n° 692 est-il maintenu ?

Mme Annie David. Madame la ministre, je vous remercie d’avoir reconnu que la problématique soulevée par cet amendement est réelle, contrairement à Mme la rapporteur, qui a probablement été distraite par M. Retailleau lorsque j’exposais nos arguments…

Dans la mesure où l’amendement n° 827 répond à notre préoccupation, nous retirons l’amendement n° 692.

M. le président. L'amendement n° 692 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er bis.

(L'article 1er bis est adopté.)

Article 1er bis
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Intitulé du chapitre Ier

Article additionnel après l’article 1er bis

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.

L'amendement n° 107 rectifié est présenté par MM. Commeinhes et D. Robert, Mme Hummel, MM. Houel et Charon et Mme Deromedi.

L'amendement n° 165 rectifié septies est présenté par MM. Vasselle, Cornu, Cambon, Laufoaulu, Trillard, Saugey, César, B. Fournier, D. Bailly et Calvet, Mmes Mélot et Lopez, M. Dassault et Mme Gruny.

L'amendement n° 346 rectifié est présenté par Mme Loisier et MM. Kern, Guerriau, Cadic, Canevet et Médevielle.

L'amendement n° 694 rectifié est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 1085 rectifié est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement une étude relative à la santé des aidants familiaux portant notamment sur l’évaluation des risques psychosociaux, des pathologies particulières liées à la fonction d’aidant et des coûts sociaux engendrés.

Les amendements nos 107 rectifié et 165 rectifié septies ne sont pas soutenus.

La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour présenter l'amendement n° 346 rectifié.

Mme Anne-Catherine Loisier. Quelque huit millions d’aidants non professionnels jouent un rôle central dans l’aide et l’accompagnement d’un proche. Cet amendement vise donc à ce que soient menées une analyse des risques psychosociaux qui pèsent sur les aidants proches et des études épidémiologiques sur les pathologies et leurs coûts sociaux afin de mettre en place une réelle politique de santé et une stratégie nationale de santé efficaces en matière de prévention et d’accompagnement des aidants.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 694 rectifié.

Mme Laurence Cohen. J’espère que l’examen de cet amendement permettra de dépasser les oppositions très dommageables que nous avons eues tout à l’heure en évoquant la souffrance des accompagnants.

Je réaffirme avec l’ensemble de mon groupe que la fatigue physique et psychique, les enjeux affectifs et le stress impliqués par cette fonction majeure, combinés à l’isolement des aidants familiaux, ont de vives répercussions sur leur propre santé. Selon un récent rapport, les aidants familiaux représentent près de 24 %, des arrêts maladies non prévus de courte durée, compris entre trois et cinq jours, et le taux d’absence non prévu de cette population, qualifiée tout à l’heure comme étant « tout venant », est de 40 % supérieur à celui des salariés n’ayant pas de personnes à charge.

Il est vraiment urgent que la politique de santé telle qu’elle est prévue par le présent projet de loi dans son article 1er se saisisse de ce sujet et en mesure l’importance. Le sujet a pour l’instant été traité seulement à mi-chemin. Nous avons parlé en effet des personnes handicapées, ce qui constitue un premier progrès, mais nous n’avons pas encore débattu du cas des aidants familiaux. Tel est précisément le sens de ces amendements identiques. Nous sommes une nouvelle fois plusieurs sur différentes travées à les avoir déposés. J’espère que les rapporteurs sauront entendre nos voix.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 1085 rectifié.

Mme Aline Archimbaud. La fatigue physique et psychique, les enjeux affectifs et le stress que cette fonction majeure implique, combinés à l’isolement des aidants familiaux, ont de vives répercussions sur leur propre santé.

J’insiste donc, à la suite de mes collègues, sur la nécessité de mener à la fois une analyse des risques psychosociaux qui pèsent sur les aidants proches et des études épidémiologiques sur les pathologies et leurs coûts sociaux afin de pouvoir mettre en place une politique de santé et une stratégie nationale de santé efficaces en matière de prévention et d’accompagnement des aidants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Élisabeth Doineau, corapporteur. Votre préoccupation est partagée non seulement par la commission des affaires sociales, mais aussi par l’ensemble des élus locaux. Nous avons vu se multiplier sur les territoires – sur les vôtres aussi, je l’espère – les initiatives concernant les aidants familiaux, qui ne sont d’ailleurs pas exclusivement liés au problème du handicap. Il existe en effet de nombreux groupes de paroles et d’aide pour prendre en charge les personnes en difficulté et soulager les aidants.

Par ailleurs, je rappelle que la CNSA, la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, a récemment publié un rapport très complet, qui demandera sans doute à être fréquemment actualisé, qui devrait vous apporter satisfaction.

Comme nous l’avons déjà souligné avec mes collègues rapporteurs, nous n’approuvons pas nécessairement les demandes de rapport. Nous vous invitons plutôt à regarder les travaux déjà existants sur ces sujets pour améliorer l’accompagnement des aidants et résoudre les problèmes auxquels ils sont confrontés.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. À dire vrai, je suis assez d’accord avec Mme la rapporteur. Il existe déjà des rapports et des études sur le sujet. D’autres encore verront le jour dans le cadre de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Je ne suis donc pas certaine que la publication d’un nouveau rapport soit un élément déterminant.

Néanmoins, je suis sensible à la demande qui est exprimée. C’est pourquoi j’avais émis précédemment un avis favorable sur des amendements dont l’objet était de prendre en considération les enjeux de santé concernant les aidants, et non uniquement les personnes handicapées.

Compte tenu de ces deux arguments – entre le cœur et la raison en quelque sorte –, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 346 rectifié, 694 rectifié et 1085 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 242 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l’adoption 196
Contre 150

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er bis.

TITRE IER

RENFORCER LA PRÉVENTION ET LA PROMOTION DE LA SANTÉ

Chapitre Ier

Soutenir les jeunes pour l’égalité des chances en santé

Article additionnel après l’article 1er bis
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Articles additionnels avant l'article 2

M. le président. L'amendement n° 695, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi l’intitulé de cette division :

Soutenir les jeunes pour l’égalité des droits en santé

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à corriger le titre du chapitre Ier, qui s’intitule « soutenir les jeunes pour l’égalité des chances en santé ».

Le groupe CRC estime que parler « d’égalité des chances » ne correspond pas à la réalité de la vie des populations, surtout en matière de santé. C’est pourquoi nous préférons parler « d’égalité des droits ».

Maintenir le titre initial reviendrait à sous-entendre que les conditions de vie, l’appartenance sociale, l’accès matériel aux structures de soins et la connaissance du fonctionnement du système de santé n’ont pas de conséquences en matière d’accès aux soins pour les jeunes. Or, nous le savons bien, il existe de véritables inégalités sociales et territoriales, que nous devons combattre.

Nous sommes convaincus que nous devons prendre en compte les nombreux travaux réalisés sur ce sujet. Je pense notamment à ceux du géographe Emmanuel Vigneron, que nous avons d’ailleurs reçu à la commission des affaires sociales et qui nous a beaucoup apporté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission est favorable à la modification de l’intitulé du chapitre Ier.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends bien votre objectif, madame la sénatrice, mais je reste convaincue que l’intitulé actuel du chapitre Ier y répond mieux que la rédaction que vous proposez.

L’égalité des droits existe dans notre pays. On peut ensuite se demander s’il s’agit de droits formels ou réels. L’enjeu est de faire en sorte que ces droits puissent s’exercer dans un contexte marqué par des différences sociales, des différences territoriales, des différences culturelles. C’est tout cela qu’il faut prendre en compte. Il faut donc transformer les droits en chance objective pour chacune et chacun. Il doit être conféré à chaque citoyen, au-delà de ses propres droits, la chance de pouvoir en user et de les faire fructifier.

Je reste donc attachée à l’intitulé actuel du chapitre Ier, qui me semble bien plus conforme à vos objectifs et intégrer bien davantage la diversité des situations subjectives, culturelles, politiques et territoriales qui font obstacle au bon exercice des droits.

Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. Pour une fois – ce n’est pas souvent –, je suis d’accord avec Mme le ministre.

Nous avons tous les mêmes droits. L’enjeu, c’est l’égalité des chances, c’est-à-dire que ces jeunes puissent accéder à ces droits en dépit de leur situation géographique, de leur situation sociale. L’égalité des droits est garantie par la Constitution. De ce fait, l’intitulé actuel du chapitre Ier me paraît préférable.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je ne partage pas, évidemment, les points de vue qui viennent d’être exposés.

Je voudrais bien qu’on m’explique ce qu’on entend par l’expression « égalité des chances en santé » ! Nous ne sommes pas tous égaux à la naissance : certaines personnes peuvent avoir des problèmes d’ordre génétique, d’autres peuvent être affectées de handicaps, et, de fait, l’égalité des chances en matière de santé n’existe pas en tant que telle. Les droits restent à conquérir.

Mes chers collègues, bien que le principe d’égalité soit inscrit dans la Constitution, si l’égalité des droits était garantie pour tous sur tout le territoire, cela se saurait !

Nous légiférons constamment pour faire reculer les inégalités sociales et territoriales, de manière que nos concitoyens et nos concitoyennes bénéficient des mêmes droits. Aussi, parler d’« égalité des chances en santé » ne me semble juste ni sur le plan politique ni par rapport à la réalité. Je le répète, pour quantité de facteurs qui, pour certains, ne sont pas de nature sociale ou économique, nous ne sommes pas égaux à la naissance. C’est pourquoi je plaide pour que soit reconnue l’égalité des droits en matière de santé. Cela me semble correspondre davantage à la réalité du combat qui est mené.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 695.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’intitulé du chapitre Ier du titre Ier est ainsi rédigé.

Intitulé du chapitre Ier
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Article 2 (supprimé)

Articles additionnels avant l'article 2

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 693, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le soutien des jeunes enfants, avant l’entrée dans les dispositifs scolaires, pour l’égalité des droits en santé nécessite l’accompagnement des parents pendant les premières années de vie de l’enfant. Les politiques familiales de la Caisse nationale des allocations familiales et le service départemental de la protection maternelle et infantile mettent en place des actions de promotion de la santé qui concourent à l’amélioration de la santé des enfants et des parents.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. La santé des jeunes est un objectif prioritaire visé par le présent projet de loi, conformément aux orientations de la stratégie nationale de santé. Ce texte occulte cependant la santé des jeunes enfants âgés de moins de trois ans qui ne sont pas scolarisés.

Selon l’UNICEF, en France, le taux de pauvreté des enfants est passé de 15,6 % à 18,6 % entre 2008 et 2012, ce qui correspond à une augmentation d’environ 440 000 enfants pauvres. Quant à l’enquête du SAMU social de Paris de 2014 réalisée auprès de familles hébergées à l’hôtel, elle est également alarmante : plus de 80 % des familles sont sous le seuil de pauvreté, près de huit familles sur dix et deux enfants sur trois sont en insécurité alimentaire.

Ces différents constats rendent nécessaire le développement d’actions à l’égard des parents et des enfants avant leur scolarisation. Ces actions destinées au développement de la petite enfance sont en effet indispensables non seulement pour améliorer l’état de santé des enfants, mais également pour soutenir les parents et pour agir ainsi sur les déterminants de santé.

Nous demandons donc, par cet amendement, que soit promue la santé dès la petite enfance.

M. le président. L'amendement n° 883 rectifié bis, présenté par MM. Amiel, Mézard et Guérini, Mme Laborde et MM. Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Requier et Vall, est ainsi libellé :

Avant l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le soutien des jeunes enfants, avant l'entrée dans les dispositifs scolaires, pour l'égalité des chances en santé nécessite l'accompagnement des parents pendant les premières années de vie de l'enfant. Les politiques familiales de la Caisse nationale des allocations familiales et le service départemental de la protection maternelle et infantile mettent en place des actions de promotion de la santé qui concourent à l'amélioration de la santé des enfants et des parents.

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement est quasi identique au précédent, lequel a été fort bien défendu.

L’égalité des chances en santé nécessite l’accompagnement des parents pendant les premières années de vie de l’enfant. Nous proposons à cette fin de donner un rôle majeur à la Caisse nationale des allocations familiales et aux services départementaux de la protection maternelle et infantile, la PMI.

J’espère que nos collègues nous suivront dans cette voie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces deux amendements sont quasi identiques, à ceci près que l’un retient la notion d’égalité des droits en santé, cependant que l’autre vise la notion d’égalité des chances en santé. L’un et l’autre tendent à réaffirmer la nécessité d’un accompagnement des parents pendant les premières années de la vie de l’enfant. Leurs auteurs proposent que la CNAF et les services de la PMI « mettent en place des actions de promotion de la santé qui concourent à l’amélioration de la santé des enfants et des parents. »

La commission des affaires sociales partage cette préoccupation, mais elle exprime plusieurs réserves, qui la conduisent à émettre un avis défavorable.

En effet, la portée normative de la première phrase de ces amendements ne semble pas assurée et les dispositions de la seconde phrase relèvent de l’action sociale extralégale des caisses d’allocations familiales qui est organisée par voie de circulaire et est satisfaite par le droit en vigueur.

Il convient de rappeler à cet égard l’article L. 2111-1 du code de la santé publique, qui est ainsi rédigé :

« L’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale participent, dans les conditions prévues par le présent livre, à la protection et à la promotion de la santé maternelle et infantile qui comprend notamment :

« 1° Des mesures de prévention médicales, psychologiques, sociales et d’éducation pour la santé en faveur des futurs parents et des enfants ;

« 2° Des actions d’accompagnement psychologique et social des femmes enceintes et des jeunes mères de famille, particulièrement les plus démunies ;

« 3° Des actions de prévention et de dépistage des handicaps des enfants de moins de six ans ainsi que de conseil aux familles pour la prise en charge de ces handicaps ;

« 4° La surveillance et le contrôle des établissements et services d’accueil des enfants de moins de six ans ainsi que le contrôle, la surveillance et l’accompagnement des assistants maternels mentionnés à l’article L. 421–1 du code de l’action sociale et des familles. »

Compte tenu de ces dispositions, il ne nous paraît pas fondé de réaffirmer par ailleurs dans la loi la nécessité d’un accompagnement de la petite enfance.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de ces deux amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

La raison n’est pas que l’objectif de leurs auteurs ne lui paraît pas défendable. Mais le code de la santé publique prévoit déjà les actions proposées dans ces deux amendements, qui sont donc satisfaits.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 693.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 883 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 2
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Articles additionnels après l'article 2

Article 2

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les quatre premiers sont identiques.

L'amendement n° 457 est présenté par Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.

L'amendement n° 646 est présenté par le Gouvernement.

L'amendement n° 696 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 1025 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le II de l’article L. 121-4-1 est ainsi modifié :

a) Le 2° est complété par les mots : « et à l’égard des services de santé » ;

b) Le 3° est complété par les mots : « , et la promotion des liens entre services de santé scolaire, services de prévention territorialisée, services de santé ambulatoire et services hospitaliers » ;

c) Après le même 3° , il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :

« 3° bis La coordination des actions conduites dans le cadre de la protection et de la promotion de la santé maternelle et infantile avec les missions conduites dans les écoles élémentaires et maternelles ; »

d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Elle est conduite, dans tous les établissements d’enseignement, y compris les instituts médicaux éducatifs, conformément aux priorités de la politique de santé et dans les conditions prévues à l’article L. 1411-1-1 du code de la santé publique, par les autorités académiques en lien avec les agences régionales de santé et en lien avec les collectivités territoriales et les organismes d’assurance maladie concernés. Elle veille également à sensibiliser l’environnement familial des élèves afin d’assurer une appropriation large des problématiques de santé publique. » ;

2° Après la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 541-1, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Les élèves bénéficient également d’actions de promotion de la santé constituant un parcours éducatif de santé conduit conformément au dernier alinéa du II de l’article L. 121-4-1. »

II. – Après la troisième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2325-1 du code de la santé publique, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Les élèves bénéficient également d’actions de promotion de la santé constituant un parcours éducatif de santé conduit dans les conditions prévues au dernier alinéa du II de l’article L. 121-4-1 du code de l’éducation. »

La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 457.

Mme Michelle Meunier. Nous déplorons souvent le grand cloisonnement de nos dispositifs de santé publique dans leur fonctionnement quotidien. C’est d’autant plus vrai en matière de médecine scolaire : les médecins et les infirmières sont confrontés, dans leur pratique quotidienne, à de grandes difficultés pour assurer la continuité de la prise en charge des enfants, souvent par manque de lien avec les autres acteurs de santé tels que les médecins de ville ou la PMI.

La coordination des différents acteurs de santé est un élément essentiel d’amélioration de notre système et de l’efficacité, en particulier en matière de prévention.

Pour créer les conditions d’une politique publique de santé scolaire cohérente à tous les échelons, il est donc essentiel pour nous que les acteurs de la prévention soient clairement identifiés et travaillent plus en complémentarité dans le cadre de réseaux : réseaux internes à l’éducation nationale au plan national, rectoral et départemental, bien sûr, mais aussi réseaux externes de partenariats multiformes avec les collectivités locales, les services, les acteurs de santé extérieurs au système scolaire ou le milieu associatif.

Les liens entre les services de santé scolaire, les services de prévention territorialisée, les services de santé ambulatoire et les services hospitaliers doivent être développés. Il convient d’élaborer le cadre législatif de ce rapprochement et de cette coordination. Il nous faut créer ainsi les conditions de l’articulation entre les acteurs relevant d’une part, de l’éducation nationale et, d’autre part, du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes pour une meilleure prise en charge globale et transversale de l’enfant.

Déjà, lors de l’examen de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, nous avions, au Sénat, plaidé pour introduire une définition, élaborée conjointement par le ministère de l’éducation nationale et celui de la santé, d’un contenu et d’une périodicité des bilans de dépistage obligatoire dans le cadre de la médecine scolaire.

C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de rétablir l’article 2 dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 646.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je l’ai indiqué tout à l’heure dans mon intervention liminaire, le Gouvernement a la volonté de rétablir les dispositions qui ont été supprimées par la commission des affaires sociales du Sénat et qui lui paraissent les plus importantes et les plus structurantes du présent projet de loi. Je présenterai des amendements à cette fin.

L’article 2, préalablement à sa suppression par la commission susvisée, permettait d’établir un parcours éducatif en santé. Pourquoi ce parcours ? Tout le monde le constate, la santé se construit dès l’enfance : c’est à cette période que des réflexes, des comportements, des habitudes doivent être acquis. Les inégalités en matière de santé s’établissent à ce moment-là, inégalités non pas en termes de droits objectifs, mais inégalités liées aux conditions de vie, à la capacité d’être informé, d’acquérir des bons réflexes, et ce quels que soient le milieu social, les habitudes culturelles des parents, le lieu d’habitation, l’école fréquentée.

L’enjeu fondamental, c’est d’en finir non pas avec l’opposition, mais avec la séparation qui existe aujourd’hui entre ce qui se passe dans le secteur de la santé de ville et ce qui se passe à l’école, de faire en sorte que les priorités de santé publique telles qu’elles sont définies pour le pays soient intégrées dans un parcours éducatif. Celui-ci ne sera pas évidemment un cours de santé, mais, à partir de la maternelle et jusqu’au lycée, les programmes d’enseignement et les activités scolaires mettront en avant les priorités et les messages d’information et de prévention.

Pour la première fois, véritablement, un projet de loi prévoit de mettre en cohérence les objectifs de santé publique définis par le ministère chargé de la santé et les actions menées en faveur de la santé des enfants au sein de l’éducation nationale.

L’article 2 est donc très important. C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous en propose le rétablissement.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 696.

Mme Annie David. Nous souscrivons pleinement à l’objectif que vient de rappeler Mme la ministre, à savoir inscrire clairement la promotion de la santé à l’école comme l’une des composantes essentielles de la politique de santé et insister sur la nécessité d’une bonne articulation entre la santé en milieu scolaire et les priorités de la stratégie nationale de santé.

De surcroît, à la suite de l’adoption par l’Assemblée nationale de deux amendements en séance publique, l’article 2 prévoyait que cette mission de promotion de la santé à l’école serait aussi conduite dans les instituts médicaux éducatifs et qu’elle veillerait également « à sensibiliser l’environnement familial des élèves afin d’assurer une appropriation large des problématiques de santé publique. »

Nous approuvons totalement ces objectifs et remettons en cause les doutes émis par la commission des affaires sociales du Sénat, même si celle-ci a soulevé une interrogation très pertinente portant sur les moyens pouvant y être associés.

À cette occasion, nous saluons d’ailleurs la demande de nos collègues de droite d’une augmentation de la dépense publique. De notre côté, nous ne sommes pas dupes et nous attendons avec impatience l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2016, qui, nous l’espérons, apportera des réponses à ce souci légitime de ressources.

Quoi qu’il en soit, comment se dire ambitieux pour la santé des jeunes et supprimer l’article 2 du présent texte ? C’est un signal très négatif adressé au monde de l’éducation qui réclame au contraire des mesures afin de renforcer l’égal accès à la santé pour les jeunes.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter cet amendement de rétablissement, qui va véritablement dans le sens d’un renforcement de la prévention et de la promotion de la santé. Cela commence par la santé scolaire.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 1025.

Mme Aline Archimbaud. Les motifs qui sous-tendent cet amendement sont identiques : nécessité d’une mise en cohérence et d’une gouvernance claire de la politique de santé à l’école. Cela suppose que les actions de promotion de la santé en milieu scolaire soient conduites conformément aux orientations nationales de la politique de santé.

Lorsque les parlementaires ont évoqué ce sujet lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, on leur a répondu qu’il relevait plutôt d’un projet de loi relatif à la santé. Par conséquent, aujourd’hui, parlons-en et instituons de la cohérence. Je partage ce point de vue : l’apprentissage de la santé doit commencer dès l’enfance, donc dès l’école.

M. le président. L'amendement n° 878 rectifié, présenté par MM. Amiel et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Le code de l'éducation est ainsi modifié :

1° Le II de l'article L. 121-4-1 est ainsi modifié :

a) Le 2° est complété par les mots : « et à l'égard des services de santé » ;

b) Le 3° est complété par les mots : « , et la promotion des liens entre services de santé scolaire, services de prévention territorialisée, services de santé ambulatoire et services hospitaliers » ;

c) Après le même 3°, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :

« 3° bis La coordination des actions conduites dans le cadre de la protection et de la promotion de la santé maternelle et infantile avec les missions conduites dans les écoles élémentaires et maternelles ; »

d) Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Elle est conduite, dans tous les établissements d'enseignement, y compris les instituts médicaux éducatifs, conformément aux priorités de la politique de santé et dans les conditions prévues à l'article L. 1411-1-1 du code de la santé publique, par les autorités académiques en lien avec les agences régionales de santé et en lien avec les collectivités territoriales et les organismes d'assurance maladie concernés. Elle veille également à sensibiliser l'environnement familial des élèves afin d'assurer une appropriation large des problématiques de santé publique.

« La promotion de la santé est mise en œuvre sous la coordination et l'animation des médecins de l'éducation nationale. Les infirmiers de l'éducation nationale y participent » ;

2° Après la troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 541-1, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Les élèves bénéficient également d'actions de promotion de la santé constituant un parcours éducatif de santé conduit conformément au dernier alinéa du II de l'article L. 121-4-1. »

II. – Après la troisième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 2325-1 du code de la santé publique, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Les élèves bénéficient également d'actions de promotion de la santé constituant un parcours éducatif de santé conduit dans les conditions prévues au dernier alinéa du II de l'article L. 121-4-1 du code de l'éducation. »

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. La suppression de l’article 2 par la commission est dommageable, eu égard à la grande misère de la médecine scolaire. Il convient donc de rétablir cet article tout en apportant des précisions, et d’affirmer que les actions de promotion de la santé en milieu scolaire sont conduites « par les autorités académiques en lien avec les agences régionales de santé ». Cela va sans dire, mais mieux vaut l’écrire...

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces cinq amendements tendent à rétablir l’article 2 du projet de loi qui a été supprimé par la commission des affaires sociales au mois de juillet dernier.

Cet article visait à indiquer que les actions de promotion de la santé en milieu scolaire sont conduites conformément aux orientations nationales de la politique de santé par les autorités académiques en lien avec les ARS.

La commission ne peut évidemment que partager l’idée selon laquelle l’école constitue un lieu privilégié pour les actions de promotion de la santé dès le plus jeune âge. Qui pourrait, dans cet hémicycle, s’opposer à un parcours éducatif de santé ?

La commission a cependant souhaité supprimer l’article 2, car son adoption ne permettrait aucune avancée concrète dans ce domaine. Les textes législatifs et réglementaires en vigueur assignent déjà une double mission à l’école : suivre l’état de santé des élèves et contribuer à leur éducation à la santé. Celle-ci fait partie du socle commun de connaissances, de compétences et de culture prévu à l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation. Elle est formalisée dans le projet d’école et le projet d’établissement. Dans les collèges et les lycées, le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté la met en pratique. Sur le terrain, les divers partenaires extérieurs, institutionnels et associatifs, apportent leur concours en menant des actions de prévention et d’information ou en développant des ressources pédagogiques.

S’agissant des ARS, l’article L. 1431-2 du code de la santé publique leur assigne déjà la mission de mettre en œuvre à l’échelon régional la politique de santé en liaison avec les autorités compétentes dans le domaine de la santé scolaire et universitaire. À ce titre, « elles définissent et financent des actions visant à promouvoir la santé, à éduquer la population à la santé et à prévenir les maladies, les handicaps et la perte d’autonomie »

L’émergence d’un parcours éducatif de santé pose surtout la question des moyens et du temps pouvant y être consacrés. Or, comme cela est indiqué dans l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, les orientations définies à l’article 2 ne reposeront sur aucun dispositif supplémentaire : « la mise en place de la mesure relève des politiques académiques et d’établissement. Elle est donc financée, à moyen constant, par les ressources de l’éducation nationale et des agences régionales de santé […] dans le cadre des projets régionaux de santé. » L’article 2 n’est d’ailleurs pas nécessaire pour permettre le redéploiement de crédits tel qu’il est prévu dans certains amendements. Enfin, l’étude d’impact ne vise aucun texte d’application de cet article.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur les amendements tendant à le rétablir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 878 rectifié ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Requier, je vous demande de bien vouloir vous rallier aux amendements identiques qui viennent d’être présentés, et, en conséquence, de retirer votre amendement, qui tend à ajouter un alinéa supplémentaire.

Cela étant, des textes réglementaires d’application de l’article 2 seront pris, lesquels définiront, de la maternelle au lycée, la nature de ce parcours éducatif et les éléments qui doivent être portés à la connaissance des élèves.

Par ailleurs, le Haut Conseil de la santé publique a déclaré à de très nombreuses reprises que la mise en place d’éléments d’information à l’école était le point de départ pour réduire significativement les inégalités.

Je tiens à le souligner encore une fois, le programme d’enseignement ne comportera pas une heure dédiée à la santé, de huit à neuf heures ou de onze heures à midi. En revanche, dès la maternelle, des activités pourront viser l’hygiène : ainsi, le jardinage, souvent pratiqué, sera l’occasion de se laver les mains pour les enfants et d’évoquer l’importance de ce geste pour la santé.

Il s’agit, au travers de l’article 2, d’intégrer les enjeux de santé dans les programmes de français – par exemple avec des dictées ciblées sur ces sujets –, de mathématiques, d’histoire, etc.

M. Jean-Claude Requier. Je retire l’amendement n° 878 rectifié !

M. le président. L’amendement n° 878 rectifié est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 457, 646, 696 et 1025.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 243 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 155
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, l'article 2 demeure supprimé.

Article 2 (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Article 2 bis A (supprimé) (début)

Articles additionnels après l'article 2

M. le président. L'amendement n° 1027, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 6° du II de l’article L. 121–4–1 du code de l’éducation est complété par les mots : « qui peuvent rencontrer un infirmier ou un médecin de l’éducation nationale dès qu’ils en font la demande ou si leur état de santé physique, psychique ou cognitif a des conséquences sur leur apprentissage ».

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Il est essentiel que les élèves puissent avoir un accès rapide aux infirmiers et médecins de l’éducation nationale dès que le besoin s’en fait sentir. Cet accès peut, par exemple, permettre une détection précoce des troubles de l’apprentissage. Il renforcera aussi l’égalité d’accès aux soins pour l’ensemble des élèves du système scolaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement vise à préciser que, dans le cadre de la mission de promotion de la santé à l’école, les élèves ont accès à un infirmier ou à un médecin de l’éducation nationale dès qu’ils le demandent. Certes, on connaît les difficultés auxquelles fait face la médecine scolaire, mais ce principe figure déjà dans la loi. L’inscrire ad vitam aeternam dans tous les textes ne résoudra pas le problème de la médecine scolaire. Il faut se donner les moyens d’appliquer la loi existante. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable, car le principe, auquel je souscris, figure déjà à l’article L. 121-4-1 du code de l’éducation. Votre volonté est exaucée, madame la sénatrice !

M. le président. Madame Archimbaud, l’amendement n° 1027 est-il maintenu ?

Mme Aline Archimbaud. Nous présenterons ultérieurement des amendements visant à valoriser davantage les réseaux de médecins scolaires, à instituer une coopération plus étroite entre ces derniers et l’ensemble des réseaux de professionnels de santé qui nous semblent sous-employés. Ce serait sans doute une façon de répondre à la difficulté rencontrée.

Nous avons déposé le présent amendement pour souligner l’existence d’une vraie difficulté. Quand pourrons-nous traiter réellement cette question et, surtout, trouver des solutions concrètes ? Je veux bien retirer mon amendement, mais, dans ce cas, le problème demeurera.

Nous connaissons tous des établissements où, hélas !, il faut vraiment être très malade ou faire face à un très grave problème pour pouvoir rencontrer le médecin scolaire. Il s’agit là d’une situation préoccupante, sur laquelle nous tenions à insister. Nous y reviendrons un peu plus tard dans la suite de nos débats.

M. le président. L’amendement n° 1027 est retiré.

L'amendement n° 458, présenté par Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mmes Yonnet, D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l’article L. 121-4-1 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Des acteurs de proximité non-professionnels de santé concourent également à la promotion de la santé. Des actions tendant à rendre les publics-cibles acteurs de leur propre santé sont favorisées. Elles visent, dans une démarche de responsabilisation, à permettre l’appropriation des outils de prévention et d’éducation à la santé. »

La parole est à Mme Evelyne Yonnet.

Mme Evelyne Yonnet. Cet amendement tend à préciser le champ de la mission de promotion de la santé à l’école, notamment pour ce qui concerne les acteurs et les actions visés à l’article L. 121-4-1 du code de l’éducation.

Il s’agit de compléter des initiatives institutionnelles existant déjà en matière de prévention et d’éducation à la santé par des actions de proximité et de prévention partagées favorisant la participation des publics cibles.

À l’école, comme dans la société en général, les politiques publiques doivent s’adapter à leurs cibles tout en les impliquant, pour qu’elles se sentent concernées et responsabilisées. En d’autres termes, il faut faire à la fois pour et avec : c’est ce que l’on appelle la prévention partagée.

Si de telles initiatives existent déjà, il nous semble nécessaire de les développer et de les généraliser, à la lumière de leur réussite. Tel est l’objet du présent amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement tend à reconnaître la contribution des acteurs de proximité non-professionnels de santé à la promotion de la santé à l’école. Or cette catégorie nous a paru assez peu intelligible.

S’il s’agit de partenaires associatifs, de nombreuses associations agréées par le ministère de l’éducation nationale interviennent déjà à l’école dans le domaine de l’éducation à la citoyenneté et à la santé. Je songe, par exemple, à l’association des paralysés de France, l’APF, ou encore à des associations comme Avenir santé France, les centres régionaux d’information et de prévention du sida, les CRIPS, au mouvement pour le planning familial, à l’association Enfance et partage, etc.

Il revient au chef d’établissement de se prononcer quant à la demande que les représentants des associations doivent formuler pour chaque intervention.

Dans ces conditions, il n’a pas paru nécessaire à la commission de prévoir de nouvelles dispositions législatives. Aussi, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Cet amendement tend à assortir d’un cadre juridique des actions qui se développent actuellement sur le terrain : des acteurs qui ne relèvent pas des champs éducatif ou sanitaire au sens strict concourent d’ores et déjà à des actions en faveur de la santé des enfants, y compris en milieu éducatif. Aussi, j’émets, pour ma part, un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 458.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.

L'amendement n° 1031, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l’article L. 312-17-3 du code de l’éducation, après le mot : « enseignements », sont insérés les mots : « des repas, notamment autour de l’introduction de produits biologiques, ».

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Le code de l’éducation prévoit une information et une éducation à l’alimentation. Si le lien entre l’alimentation et la santé est primordial, il paraît nécessaire de le rendre explicite.

À nos yeux, l’un des moyens d’agir en ce sens serait de rappeler que l’on peut introduire des produits biologiques dans les repas.

M. Jean-Claude Requier. Méfiez-vous des contrefaçons !

Mme Aline Archimbaud. Je ne développerai pas davantage cette piste. J’indique simplement qu’il me semble pédagogiquement intéressant de sensibiliser les enfants, qui sont les futurs citoyens, de manière directe et concrète, lorsqu’on leur distribue des repas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Cet amendement tend à préciser que l’éducation des élèves à l’alimentation est dispensée dans le cadre des repas scolaires, notamment autour de l’introduction de repas biologiques.

Selon nous, il n’appartient pas à la loi de définir les modalités selon lesquelles est mise en œuvre l’éducation des élèves à l’alimentation.

M. Jean-Claude Requier. C’est du ressort des familles, non de l’école !

Mme Catherine Deroche, corapporteur. De plus, sur le terrain, de nombreuses collectivités se sont déjà engagées pour l’introduction de produits biologiques dans les cantines scolaires de leur ressort. Il ne semble donc pas nécessaire d’inscrire, dans le présent projet de loi, une telle possibilité. La commission émet par conséquent un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le lien entre santé et alimentation relève non pas du domaine de la loi, mais de directives, d’arrêtés, ou, le cas échéant, de circulaires émanant du ministère de l’éducation nationale.

Ainsi, madame Archimbaud, vous pouvez constater que le site internet Éduscol réunit toute une série d’informations et de conseils aux enseignants et aux chefs d’établissement, en matière d’alimentation, et quant au lien entre santé et alimentation.

Aussi, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1031.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1029, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 312-17-3 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de partenariat portant sur l’éducation à la santé entre un ou plusieurs établissements d’enseignement et un organisme représentant un intérêt privé, la convention de partenariat et les outils de communication sont validés par l’agence régionale de santé et respectent les recommandations du programme mentionné à l’article L. 3232-1 du code de la santé publique. »

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. L’article L. 312-17-3 du code de l’éducation porte sur l’éducation à l’alimentation dans les écoles. Or, depuis plusieurs années, on observe que nombre de groupes d’intérêts privés sont présents au sein des établissements scolaires. Ces entreprises promeuvent la consommation de tel ou tel produit, en minimisant son incidence sur la santé ou en alléguant des vertus sanitaires très souvent biaisées. Tel est notamment le cas du partenariat qui avait été conclu en 2013 entre le centre d’études et de documentation du sucre, le CEDUS, lobby de l’industrie sucrière, et l’éducation nationale.

Ce partenariat prévoyait des actions de sensibilisation à la nutrition et la distribution de brochures d’information dans les écoles par le CEDUS. Or cette instance défend des intérêts particuliers. Les outils de communication et de sensibilisation qu’elle élabore sont très souvent orientés. Ils minimisent ou éludent le lien entre, par exemple, la consommation excessive de sucre industriel et la recrudescence de certaines maladies.

Par ailleurs, il faut noter que de tels partenariats existent également à l’échelon des rectorats ou des établissements.

Bien entendu, il ne s’agit pas d’interdire de semblables accords. Le présent amendement tend simplement à imposer leur validation par les ARS, lorsqu’ils sont établis à l’échelle des établissements, et par le ministère de la santé, lorsqu’ils concernent le ministère de l’éducation nationale tout entier. À nos yeux, il s’agit là d’une question importante.

M. le président. L'amendement n° 1030, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 312-17-3 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de partenariat portant sur l’éducation à la santé entre un ou plusieurs établissements d’enseignement et un organisme représentant un intérêt privé, la convention de partenariat et les outils de communication sont soumis à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé et respectent les recommandations du programme mentionné à l’article L. 3232-1 du code de la santé publique. »

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Cet amendement de repli vise simplement, comme cela a été suggéré en commission, à ce que l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, et non les ARS, soit chargé de cette mission de pilotage et de surveillance. Cette instance serait tenue de vérifier que ces accords respectent bien l’intérêt général.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. L’amendement n° 1029 tend à confier aux ARS le soin de valider les conventions de partenariat conclues entre un établissement d’enseignement et les organismes représentant un intérêt privé, en matière d’éducation à la santé.

La commission a jugé cette idée intéressante. Toutefois, à ses yeux, il ne revient pas aux ARS, qui ont déjà fort à faire, d’assumer cette mission. Aussi, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 1030 vise à assurer le transfert à l’INPES des conventions de partenariat conclues entre les établissements d’enseignement et un organisme privé en matière d’éducation à la santé. Cette solution nous a paru digne d’intérêt. Néanmoins, elle n’est pas sans soulever quelques questions : l’INPES doit-il être le simple destinataire de ces documents ? Doit-il émettre un avis consultatif ? Quelles seraient les suites à donner à un avis négatif ou réservé de sa part ?

Au reste, l’article du code de la santé publique visé au titre de cet amendement ne semble pas être le bon : il n’est question d’aucun programme à l’article L. 3232-1 de ce code.

Compte tenu de l’ensemble de ces considérations, la commission a choisi de solliciter l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame Archimbaud, un dysfonctionnement s’est produit au titre du partenariat conclu avec le CEDUS, que vous avez évoqué. Aussi choquante soit-elle, cette affaire a permis de dresser ce constat : il peut exister des failles dans les partenariats tissés entre des établissements et divers organismes représentant des intérêts alimentaires.

Néanmoins, il est de la responsabilité de l’éducation nationale de procéder aux contrôles adéquats. Il s’agit d’établissements de l’éducation nationale ! Je ne vois pas comment le ministère de la santé ou des agences relevant de ce dernier contrôleraient, de l’extérieur, des partenariats noués entre des établissements et des organismes, sur la base formelle de l’éventuelle existence de conflits d’intérêts. On ne saurait juger, au cas par cas, de l’opportunité de tous les partenariats susceptibles d’exister. Ce sont les rectorats, par le lien direct dont ils disposent avec les établissements de leur ressort, qui peuvent apprécier l’opportunité, la qualité et éventuellement le bien-fondé des partenariats proposés.

À mon sens, dans ce cas précis, ces missions ne relèvent pas des fonctions ou de la responsabilité des ARS ou de l’INPES.

Voilà pourquoi le Gouvernement demande le retrait de ces deux amendements. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Madame Archimbaud, les amendements nos 1029 et 1030 sont-ils maintenus ?

Mme Aline Archimbaud. Je suis consciente que les ARS ont déjà fort à faire par ailleurs et, en conséquence, je suis prête à retirer l’amendement n° 1029.

Toutefois, avec tout le respect que j’éprouve pour ce grand ministère qu’est celui de l’éducation nationale, il ne me semble pas que ce dernier dispose des moyens d’évaluer systématiquement de tels partenariats.

En l’espèce, nous sommes de nouveau face à un problème de gouvernance et de transversalité.

À mes yeux, il s’agit là d’une véritable difficulté. Elle n’est pas facile à résoudre, j’en suis bien consciente, mais je ne suis pas certaine que les services du ministère de l’éducation nationale puissent traiter, de manière aussi pointue, ces questions de santé lorsqu’elles se posent.

Aussi, je maintiens l’amendement n° 1030, mais je retire l’amendement n° 1029.

M. le président. L’amendement n° 1029 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 1030.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 459, présenté par M. Labazée, Mme Génisson, M. Daudigny, Mme Bricq, M. Caffet, Mmes Campion et Claireaux, M. Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy et Jeansannetas, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mmes Yonnet, D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 541-1 du code de l’éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Les élèves bénéficient également d’un suivi de leur couverture vaccinale. »

La parole est à M. Georges Labazée.

M. Georges Labazée. Il me semble utile de rappeler un préalable important à nos débats : la vaccination est, avec l’hygiène, la première arme de prévention et de lutte contre les maladies infectieuses. Voilà pourquoi la stratégie vaccinale est un enjeu majeur de santé publique.

Pour y répondre, il est urgent d’adapter les instruments de suivi et de contrôle de la vaccination. C’est pourquoi il convient d’associer pleinement l’éducation nationale aux stratégies de vaccination.

À cet égard, le présent amendement vise à modifier l’article L. 541-1 du code de l’éducation relatif aux actions de promotion de la santé des élèves.

En permettant à ces derniers de bénéficier d’un suivi de leur couverture vaccinale, nous entendons lutter contre les disparités en termes de taux de couverture entre les territoires, mais aussi en fonction des vaccins. Il s’agit également de repérer les enfants devant faire l’objet de stratégies vaccinales particulières, tout en développant l’accès aux vaccins pour les populations en situation de précarité.

Nous avons débattu de ce problème en examinant le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Nous n’avions pu alors aller plus loin dans ce sens, pour des raisons matérielles. Néanmoins, l’amendement que nous avions présenté avait reçu un avis favorable de la part du ministre de l’éducation nationale de l’époque !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Le suivi de la couverture vaccinale des enfants et des adolescents relève aujourd’hui des enquêtes de l’Institut national de veille sanitaire, l’INVS.

Compte tenu des enjeux dont il s’agit, il paraît effectivement nécessaire de renforcer le suivi mené dans le cadre de la santé scolaire, même si demeure la question des moyens de la médecine scolaire. À ce titre, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le sénateur, vous connaissez mon engagement en faveur d’une meilleure couverture vaccinale dans notre pays. En effet, certaines situations sont extrêmement problématiques, la défiance à l’égard des vaccins – pas forcément vis-à-vis de ceux qui sont destinés aux enfants – augmentant de manière préoccupante.

L’enjeu est moins d’assurer un suivi vaccinal – dans la pratique, celui-ci est effectué à l’école – que de l’homogénéiser dans les territoires et de faire en sorte qu’il y ait un même calendrier. J’ai annoncé la tenue d’un grand débat sur la vaccination à l’automne après la remise du rapport commandé à Mme Hurel, députée.

Comprenant donc très bien votre préoccupation, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée. Toutefois, je ne crois pas que le texte dont nous débattons soit le cadre approprié pour les dispositions que vous visez. Les mesures réglementaires et non législatives qui s’imposent seront prises à partir des préconisations de Mme Hurel et du débat qui s’ensuivra.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 459.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi après l’article 2.

L'amendement n° 1026, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l’article L. 541-1 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les actions de prévention et de promotion de la santé peuvent être effectuées par des associations d’étudiants en formation médicale, paramédicale et sanitaire et sociale lorsque celles-ci ont obtenu un agrément de l’agence régionale de santé. Les conditions d’obtention de cet agrément sont définies par arrêté conjoint des ministres chargés de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et de la santé. »

La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Cet amendement vise à ce que les étudiants en formation médicale, paramédicale, sanitaire, sociale puissent intervenir à l’école à la demande des enseignants pour effectuer des actions de prévention et de promotion de la santé.

Localement, de telles actions sont déjà menées depuis une dizaine d’années par le biais des bureaux des étudiants ou des associations locales d’étudiants d’une même structure universitaire. Réalisées le plus souvent sur le temps libre des étudiants, la plupart d’entre elles sont soutenues par les facultés ou les instituts qui accueillent ces organisations. Ces opérations s’adressent à l’ensemble de la population et concernent des thèmes très larges tels que l’alimentation, la consommation d’alcool, la pratique d’une activité physique, sportive, ou encore la santé sexuelle, par exemple.

Or les associations étudiantes font face à de nombreux défis pour créer et faire perdurer leurs programmes d’éducation à la santé, trouver des financements, obtenir le soutien de leur établissement de rattachement et l’autorisation d’intervenir. En effet, étant composées d’étudiants d’une même filière et représentant un corps, elles ne peuvent pas bénéficier du titre d’associations d’intérêt général. Elles ne sont donc pas reconnues comme acteurs de prévention et ont plus de difficultés à mener leurs actions.

La création d’un agrément spécifique pour ces associations locales d’étudiants en santé permettrait de favoriser leurs actions, de les associer aux réseaux de prévention régionaux coordonnés par l’ARS, enfin de les intégrer aux cursus de formation en science médicale et paramédicale.

Je précise pour terminer que les dispositions qui figurent dans cet amendement sont également proposées par certaines associations d’étudiants en médecine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission est défavorable à l’agrément des associations d’étudiants en formation médicale par les ARS pour intervenir à l’école.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. J’émets également un avis défavorable en raison du caractère trop systématique du présent amendement et des difficultés qui résulteraient de son adoption.

Certains étudiants en médecine ou en profession de santé interviennent d’ores et déjà dans le cadre scolaire, au travers de stages bénéficiant d’un encadrement déterminé et s’inscrivant dans une stratégie définie par la médecine scolaire. Il n’est pas possible d’ouvrir l’exercice de certains actes ou la promotion de la santé à des étudiants en médecine d’une manière qui ne serait pas encadrée ni régulée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1026.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 676, présenté par M. Labazée, Mmes Jourda, Meunier et D. Gillot, M. Courteau, Mme Emery-Dumas, MM. Madrelle, Montaugé, Leconte, J.C. Leroy, Cazeau et F. Marc, Mme Khiari, M. Manable et Mmes Perol-Dumont, Lienemann et Espagnac, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le neuvième alinéa de l'article L. 721-2 du code de l'éducation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elles préparent les futurs enseignants et personnels d'éducation à la promotion de la santé des élèves au travers de la vaccination. »

La parole est à M. Georges Labazée.

M. Georges Labazée. Dans un rapport d’information intitulé La politique vaccinale de la France, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat et que j’avais présenté au mois de février 2013, je proposais de mettre en place l’enseignement de la prévention en matière de santé à l’école, ce dont nous avons déjà beaucoup débattu ce soir.

L’amendement que je défends en cet instant va dans ce sens. Il vise à modifier l’article L. 721-2 du code de l’éducation relatif aux nouvelles écoles supérieures du professorat et de l’éducation et à préciser que ces dernières prépareront également les futurs enseignants et personnels d’éducation à la promotion de la santé des élèves au travers de la vaccination.

Une formation à la santé dès l’école, non dans le cadre d’un cours magistral, mais sous la forme la plus participative et collective possible, permettant aux élèves de comprendre l’intérêt et l’importance de la vaccination constitue un moyen important de la lutte contre la désinformation, surtout à l’heure où internet fait et défait les rumeurs, participant ainsi, comme vous le savez, mes chers collègues, à décrédibiliser la politique vaccinale et à contester le bien-fondé de la vaccination.

Par le biais de cet amendement, nous souhaitons nous assurer que la formation des enseignants intègre cette dimension d’éducation à la santé, à la prévention et aux vaccins. Ainsi formés aux enjeux de la vaccination, les futurs professeurs seront en mesure de faire une présentation objective des intérêts que la vaccination présente pour la santé des élèves et de la nécessité d’effectuer les rappels vaccinaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Mon cher collègue, la commission comprend votre préoccupation d’améliorer la couverture vaccinale. Elle émet néanmoins un avis défavorable. D’une part, il serait très réducteur de limiter au seul sujet de la vaccination cette modification du code de l’éducation relative aux écoles supérieures du professorat et de l’éducation ; d’autre part, il est difficile de modifier ainsi le code précité dans le cadre du présent projet de loi.

Par ailleurs, bien que nous souhaitions que les enseignants puissent connaître les bienfaits de la vaccination et la nécessité des rappels, le conseil en la matière relève des professions médicales.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. J’émets également un avis défavorable sur cet amendement. Je vous rappelle d’abord, monsieur Labazée, que, de même que la médecine du travail relève du ministère du travail, les personnels de santé de l’éducation nationale relèvent du ministère de l’éducation nationale. On peut regretter, discuter, vouloir modifier ce principe. Quoi qu’il en soit, seul le ministre de l’éducation nationale a autorité sur ces personnels. Je ne peux pas interférer dans l’organisation de notre pays !

Par ailleurs, après m’être renseignée auprès du ministère de l’éducation nationale, je peux vous dire que la promotion de la santé et de la vaccination fait partie intégrante de la formation qui est aujourd’hui dispensée dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Votre demande me semble donc satisfaite !

M. le président. La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote.

M. Georges Labazée. J’ai moins d’assurance que précédemment… Je ne veux pas créer d’incident à cette heure tardive ! Je vous rappelle simplement, madame la ministre, que j’avais déjà présenté un amendement similaire au moment du débat sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République à la suite de la rédaction de mon rapport, et que le ministre de l’époque m’avait alors demandé d’attendre l’examen du projet de loi relatif à la santé. Vous le constatez, j’ai de la suite dans les idées, bien que je retire mon amendement !

M. le président. L'amendement n° 676 est retiré.

Articles additionnels après l'article 2
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Article 2 bis A (supprimé) (interruption de la discussion)

Article 2 bis A

(Supprimé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 697 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 1032 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L’article L. 831-1 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’ils sont autorisés à dispenser des soins en tant que centres de santé, au sens de l’article L. 6323-1 du code de la santé publique, ils contribuent à l’accès aux soins de premiers recours, notamment des étudiants de l’établissement auquel ils sont rattachés. »

La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l'amendement n° 697.

M. Dominique Watrin. Par le biais de cet amendement, nous demandons le rétablissement de l’article 2 bis A, supprimé par la commission des affaires sociales, et qui visait à garantir l’accès des étudiantes et des étudiants aux centres de santé universitaires.

Cet article inséré dans le présent projet de loi par l’Assemblée nationale tendait à reconnaître la possibilité pour les services universitaires et interuniversitaires de médecine préventive et de promotion de la santé agréés comme centres de santé de contribuer à l’accès aux soins de premier recours.

La commission a estimé que l’article L. 6323-1 du code de la santé publique reconnaissait déjà aux structures sanitaires de proximité la possibilité de dispenser des soins de premier recours. Si les centres de santé sont des structures sanitaires de proximité dispensant principalement des soins de cette nature, les services universitaires et interuniversitaires de médecine préventive et de promotion de la santé ne sont pas reconnus comme de telles structures.

Nous estimons donc nécessaire d’ouvrir la même reconnaissance aux services de médecine, de prévention et de promotion de la santé qui sont agréés centres de santé.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 1032.

Mme Aline Archimbaud. Cet amendement, identique au précédent, a été très bien défendu par M. Watrin.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces deux amendements visent à rétablir l’article 2 bis A. La commission a supprimé ce dernier, car il complétait le code de l’éducation afin de préciser que les services universitaires et interuniversitaires de médecine préventive et de promotion de la santé contribuent à l’accès aux soins de premier recours lorsqu’ils dispensent des soins en tant que centres de santé.

Or aux termes de l’article L. 6323-1 du code de la santé publique, les centres de santé sont précisément définis comme « des structures sanitaires de proximité dispensant principalement des soins de premier recours. »

Il n’a pas semblé utile à la commission d’introduire dans le présent projet de loi une telle précision qui est tautologique. C’est pourquoi elle s’oppose au rétablissement de l’article 2 bis A.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. J’émets un avis favorable sur cet amendement. Ces dispositions ont été discutées puis acceptées par l’Assemblée nationale.

Une telle mesure est de nature à favoriser l’accès aux soins, la promotion de la santé et la prise en charge de la santé des étudiants, mais, j’y insiste, pas exclusivement de ces derniers puisque, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi interdit de réserver des centres de santé à des catégories particulières de population. Un centre universitaire devenu centre de santé doit, par exemple, pouvoir accueillir un retraité.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 697 et 1032.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 244 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 156
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, l'article2 bis A demeure supprimé.

Mes chers collègues, nous avons examiné 63 amendements au cours de la journée ; il en reste 1 053.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 2 bis A (supprimé) (début)
Dossier législatif : projet de loi de modernisation de notre système de santé
Discussion générale

22

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mardi 15 septembre 2015 :

À quatorze heures trente :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé (n° 406, 2014-2015) ;

Rapport de M. Alain Milon, Mmes Catherine Deroche et Élisabeth Doineau, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 653, 2014-2015) ;

Texte de la commission (n° 654, 2014-2015) ;

Avis de M. Jean-François Longeot, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 627, 2014-2015) ;

Avis de M. André Reichardt, fait au nom de la commission des lois (n° 628, 2014-2015).

À seize heures, le soir et la nuit :

Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien, en application de l’article 35, alinéa 2, de la Constitution.

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé (n° 406, 2014-2015).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mardi 15 septembre 2015, à zéro heure trente-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART