M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Françoise Laborde, corapporteur de la délégation aux droits des femmes. Aux États-Unis, les autorités ont pris la mesure des conséquences de ce déséquilibre depuis 1993. Il nous semble important de faire de même en France.

Enfin – nombre d’entre vous seront d’accord avec nous sur ce point –, à l’article 1er, nous vous proposerons un amendement qui vise précisément à réintégrer, dans le code de la santé publique, l’objectif d’égalité entre femmes et hommes et à en décliner les conséquences jusque dans les essais cliniques et thérapeutiques.

Mme Annie David. Nous n’avons pas été entendues !

Mme Françoise Laborde, corapporteur de la délégation aux droits des femmes. J’arrêterai là cet inventaire à la Prévert, parce que le temps passe et que j’aurai d’autres occasions de m’exprimer dans le cadre de la discussion des articles. Je dirai simplement que l’égalité entre hommes et femmes passe aussi par la santé. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – Mme Chantal Jouanno applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, corapporteur.

Mme Annick Billon, corapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les dispositions concernant le domaine de la santé sexuelle et reproductive revêtent, chacun le comprendra, une importance particulière pour la délégation aux droits des femmes.

Notre rapport y a consacré 16 recommandations portant sur la contraception, la procréation médicalement assistée, l’IVG et la profession de sage-femme.

S’agissant des mineurs, filles ou garçons, nous sommes convaincus que leur information en matière de contraception doit être renforcée.

Il faut le marteler : en France, quelque 6,7 % des jeunes filles de 12 à 17 ans ont déjà eu recours une fois à l’interruption volontaire de grossesse. C’est insupportable, car ces IVG pourraient être évitées si facilement ! Ce pourcentage dérangeant est sans aucun doute le signe d’un échec de l’information des jeunes en matière de contraception. Face à cet échec, notre responsabilité est collective.

Quelle que soit la bonne volonté des parents, la famille, nous en sommes convaincus, n’est pas le meilleur endroit pour aborder ces sujets délicats. Nous avons donc souhaité renforcer la sensibilisation des jeunes de deux manières.

Il convient d’abord de faire en sorte que les séances d’éducation à la sexualité prévues dans l’enseignement secondaire soient vraiment organisées. Au nombre de trois par an, ces séances se réduisent souvent à une seule : il faut les inscrire dans les lettres de mission des chefs d’établissement avec les moyens nécessaires.

Ensuite, il faut absolument favoriser l’accès des jeunes à une consultation médicale spécialement conçue pour eux, qui leur permette de recevoir toute l’information nécessaire en matière de contraception et de poser l’ensemble des questions qu’ils souhaitent, à une sage-femme ou à un médecin, sans crainte d’être jugés et dans des conditions leur garantissant la plus complète discrétion.

Ils pourraient se voir proposer ce rendez-vous avec l’envoi de leur carte vitale : il serait possible de s’inspirer de ce qui est organisé pour le dépistage de certains cancers à partir de cinquante ans. Un amendement vise à prévoir cette visite ; nous comptons beaucoup sur le soutien du Sénat et du Gouvernement.

Une autre recommandation concrétisée par un amendement tend, dans un esprit comparable, à soutenir l’article 3 bis, inséré par l’Assemblée nationale pour permettre la meilleure information possible sur les méthodes contraceptives. Nous ne sommes pas convaincues en effet que toutes les femmes reçoivent la totalité des informations qu’elles sont en droit d’attendre, sur un sujet aux conséquences importantes sur leur santé.

En revanche, la disposition « miroir » du projet de loi figurant à l’article 31 et concernant l’information sur les méthodes abortives et le libre choix de la méthode, maintenue par la commission des affaires sociales, rejoint une recommandation de la délégation ; nous nous en réjouissons.

S’agissant du « parcours du combattant » des femmes engagées dans un processus de PMA – l’assistance médicale à la procréation –, aucune disposition ne protège ces dernières. Nous leur proposerons donc, par un amendement, un régime d’autorisation d’absence analogue à celui qui est prévu pour les donneuses d’ovocytes, en rappelant que plus de 23 000 bébés naissent chaque année en France dans ce cadre.

J’en viens aux dispositions relatives à l’interruption volontaire de grossesse.

Nous avons retracé dans notre rapport les obstacles non négligeables, essentiellement d’ordre pratique, qui fragilisent en France l’accès à l’IVG et sont à l’origine de disparités sensibles entre les territoires : depuis dix ans, plus de 130 établissements de santé les pratiquant ont été fermés. Pour les femmes, les délais d’attente deviennent trop souvent excessifs.

Nous préconisons la mise en place, dans chaque hôpital public, d’un centre pratiquant des IVG, et considérons qu’il faut garantir aux professionnels les moyens nécessaires, dans le respect, bien évidemment, de la clause de conscience.

La délégation présentera des amendements visant à reprendre les dispositions suivantes et regrette qu’elles ne figurent plus dans le projet de loi modifié par la commission des affaires sociales : l’extension aux centres de santé de la pratique des IVG instrumentales ; l’élaboration d’un plan d’accès à l’IVG, dans chaque région, par l’agence régionale de santé ; la suppression du délai de réflexion d’une semaine entre les deux consultations préalables à l’IVG ; l’extension aux sages-femmes de la compétence en matière d’IVG médicamenteuse.

Nous soutenons cette dernière disposition, car elle peut améliorer l’accès à l’IVG. Néanmoins, les femmes ne doivent pas être conduites à y recourir par défaut. Les membres de la délégation sont très attachés au libre choix des femmes.

M. le président. Il va falloir conclure, ma chère collègue.

Mme Annick Billon, corapporteur de la délégation aux droits des femmes. Au reste, certains délais d’attente sont excessivement longs. À nos yeux, la première demande d’IVG devrait pouvoir être recueillie par un autre professionnel qu’un médecin. Tel est l’objet de l’un de nos amendements.

Enfin – ce sera le dernier thème de mon intervention –, le présent projet de loi consacre le rôle grandissant des sages-femmes, auxquelles sont confiées de nouvelles responsabilités. (Mme Françoise Laborde, corapporteur de la délégation aux droits des femmes, acquiesce.) Elles deviennent des partenaires indispensables de la santé des femmes, parallèlement à la diminution progressive du nombre de gynécologues médicaux.

Mes chers collègues, telles sont, pour l’essentiel, les orientations soutenues par la délégation aux droits des femmes, que Françoise Laborde et moi-même avons résumées préalablement à ce débat. Ce projet de loi a d’importantes implications en matière de santé sexuelle et reproductive. Il ne tient qu’à vous que le texte que nous nous apprêtons à élaborer ensemble en soit le reflet ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Beau succès ! (Sourires.)

Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, moderniser notre système de santé pour le rendre plus juste et mieux adapté aux réalités d’aujourd’hui : tel est l’objet du projet de loi dont nous devons débattre, et cela dans un contexte marqué par un paradoxe très prégnant : malgré son excellence, notre médecine se heurte, dans son organisation, aux inégalités sociales et territoriales.

La France peut s’enorgueillir d’un excellent système de santé. L’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, le considère comme l’un des meilleurs. Ce classement reflète la qualité des soins qu’offre la communauté soignante à nos concitoyens. Notre pays innove constamment et ouvre la voie sur le front des technologies nouvelles. À ce titre, il figure au troisième rang mondial pour les brevets de robotique médicale. Ce sont là des atouts, que nous devons concrétiser de manière plus offensive sur le plan économique.

Toutefois, reconnaissons que l’organisation de notre système de santé est trop cloisonnée, voire crispée et hospitalo-centrée, même si, sur le terrain, l’innovation, la transversalité et la coopération interprofessionnelle se développent davantage que ce qu’affirment les délégués des organisations professionnelles et les représentants syndicaux, d’autant que les jeunes générations s’expriment à la fois avec exigence et esprit d’ouverture.

Le paradoxe réside donc dans le fait suivant : notre excellence médicale se heurte aux inégalités sociales qui perdurent – Mme la ministre l’a rappelé : à soixante ans, l’espérance de vie d’un ouvrier est inférieure de sept ans à celle d’un cadre –, ainsi qu’aux inégalités territoriales qui se creusent – les déserts médicaux sont inégalement répartis sur notre territoire.

Par ailleurs, les besoins de santé et l’exercice des professions médicales ont évolué, face au développement des maladies chroniques comme au vieillissement de la population.

Garantir l’égalité de nos concitoyens au regard de la modernisation de notre système de santé et des progrès de la recherche : telle est la colonne vertébrale du texte dont nous allons débattre. À cet égard, j’évoquerai, à ce stade, les trois piliers sur lesquels repose le présent projet de loi.

Le premier pilier est celui de la prévention, qui, Mme la ministre l’a rappelé, constitue le socle de notre système de santé. Je songe à la prévention des maladies évitables, des pratiques addictives, notamment l’alcoolisme et le tabagisme, et des problèmes de nutrition, se traduisant tant par l’obésité que par la très grande maigreur ; ou encore à la prise en compte des enjeux de santé environnementale.

L’ensemble des mesures en question forme un programme très complet et structuré, au cœur duquel le public jeune est particulièrement ciblé. La lutte contre le tabagisme alimentera nos débats : ces derniers, j’en suis sûre, seront francs, loyaux et constructifs.

Le deuxième pilier pourrait s’intituler : « Le citoyen, acteur de sa santé, avec, comme premier correspondant, son médecin traitant ».

Le présent texte donne toute sa place aux soins primaires, permettant, grâce à la mise en place de communautés professionnelles de territoires de santé, aux acteurs de la médecine ambulatoire d’être les initiateurs de leur organisation. Ce dispositif lève d’emblée le reproche d’une organisation verticale, menée sur l’initiative des agences régionales de santé, les ARS. Néanmoins, ces dernières devront s’assurer du bon fonctionnement du dispositif.

Le tiers payant généralisé sera mis en place. Cette disposition technique, qui est également une mesure de justice, doit garantir, sans imposer un nouveau temps de travail administratif aux médecins, que l’argent ne soit pas un obstacle à l’entrée dans le cabinet médical. Les médecins traitants savent prendre en compte les difficultés financières de leurs patients.

Le Sénat consacrera, je l’espère, un grand débat à l’examen de l’article 18, que nous proposons de rétablir, au nom de la justice sociale. Madame la ministre, à cet égard, vous nous avez rassurés quant à l’application technique de cette disposition.

Le service public hospitalier est rétabli et donne toute sa force aux devoirs de notre nation envers ses concitoyens. Les groupements hospitaliers de territoire, les GHT, doivent optimiser l’offre hospitalière. De leur côté, les médecins et la communauté soignante dans son ensemble doivent prendre toute leur part à la constitution de ces structures.

Par ailleurs, les relations entre les médecines hospitalière et libérale vont être approfondies, autour de la notion du parcours de soins des malades – je songe en particulier à la lettre de liaison, qui deviendra obligatoire à la sortie de l’hôpital.

Le troisième et dernier pilier du présent texte renforce la démocratie sanitaire. Il s’agit d’offrir de nouveaux droits à tous les patients, à tous les citoyens, par la mise en œuvre des actions de groupe et la modernisation de l’open data, c’est-à-dire la possibilité d’accéder à des données anonymisées propices à la recherche et au progrès. Dans ce pilier, figure également le droit à l’oubli. L’enjeu, en l’espèce, c’est le respect de la dignité des patients guéris, aujourd’hui, du cancer, et, à l’avenir, d’autres maladies. Ces sujets ont d’ores et déjà donné lieu à des débats constructifs.

Les membres du groupe auquel j’appartiens n’ont pas voté ce texte à l’issue de l’examen mené par notre commission. En effet, si ces travaux préparatoires ont été de qualité – j’en remercie M. Milon, président de la commission et corapporteur de ce projet de loi, ainsi que les autres corapporteurs –, le débat en commission s’est souvent révélé contraint et idéologique. La majorité sénatoriale a cassé les principes de justice et de solidarité figurant dans le texte issu de l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Procaccia. N’exagérons rien, tout de même !

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Voilà un discours tout en nuances !

M. François Marc. « Cassé », c’est pourtant bien le mot !

Mme Catherine Génisson. Le débat était contraint : bon nombre des articles prêtant à discussion ont été supprimés purement et simplement par la majorité sénatoriale. Ainsi, nous avons été dans l’impossibilité de prolonger nos échanges à leur sujet.

En outre, sous couvert de rationalisation de l’écriture de la loi, on a refusé, au sein de la commission des affaires sociales, de tenir compte de divers sujets, comme « handicap et santé », « égalité entre les femmes et les hommes et santé » ou « santé environnementale et santé ».

Mme Nicole Bricq. Cela en dit long !

Mme Catherine Génisson. De surcroît, le débat s’est révélé idéologique. Je ne prendrai, à ce propos, que deux exemples.

Tout d’abord, les pôles de santé sont maintenus, alors que sont proposées les communautés professionnelles de territoire de santé. Ces dernières ont d’ores et déjà été largement négociées – Mme la ministre l’a dit –, parfois, d’ailleurs, avec tonicité, et obtenues par les acteurs de santé eux-mêmes.

Ensuite, le débat s’est révélé idéologique lorsque la commission a refusé de supprimer le délai de réflexion d’accès à l’IVG, au motif qu’il s’agit là d’un sujet éthique.

Mme Catherine Génisson. Mes chers collègues, le débat éthique, c’est Mme Simone Veil qui l’a mené,…

M. Didier Guillaume. Très bien !

Mme Catherine Génisson. … devant sa majorité, souvent conservatrice et parfois odieuse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) L’IVG a été votée grâce à l’engagement remarquable de Simone Veil et au soutien de la gauche. Aussi, les mesures proposées aujourd’hui ne sont que de simples adaptations du dispositif, destinées à le rendre plus efficace.

Madame la ministre, nous connaissons votre engagement, votre détermination et, qui plus est, votre force de conviction intangible. Vous trouverez, à vos côtés, les membres du groupe socialiste et républicain, dans un débat franc et loyal. En effet, le présent texte reçoit le soutien d’une majorité de nos concitoyens, au-delà de débats qui ont toute leur légitimité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. François Marc. Très bien !

(M. Jean-Pierre Caffet remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe écologiste ont été très déçus du sort réservé, en commission, au texte venu de l’Assemblée nationale.

Certes, nous sommes satisfaits de l’adoption de notre amendement tendant à assurer le renouvellement automatique de l’aide au paiement d’une complémentaire santé, l’ACS, pour les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, et de l’allocation de solidarité en faveur des personnes âgées, à savoir l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.

De même, nous sommes satisfaits de voir maintenue l’interdiction du bisphénol A dans les jouets, comme de la position responsable adoptée par la commission au sujet de l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque, du secret médical en prison ou encore du dépistage rapide des mineurs.

Néanmoins, nous restons très déçus par ce projet de loi dans son ensemble.

Sous couvert de « simplification de la loi », les amendements de suppression présentés par la majorité sénatoriale tendent à altérer le sens profond et les objectifs fondamentaux de ce texte. Je songe à la lutte contre les inégalités sociales et pour l’accès aux droits, à la prévention, à la santé environnementale, à l’égalité entre les hommes et les femmes ou encore à la solidarité envers les personnes handicapées.

Pour les membres du groupe auquel j’appartiens et, je le présume, pour d’autres sénateurs, ce sont là des objectifs stratégiques essentiels, qui donnent son sens à ce projet de loi. À nos yeux, ces sujets exigent un engagement de la part des parlementaires : nous ne pouvons pas rester muets. Je songe notamment aux articles 1er et 2.

Nous déplorons par exemple que le concept d’exposome ait disparu de la définition stratégique de la politique de santé. Nous y reviendrons au cours de nos discussions.

Nous déplorons les immenses reculs opérés sur le front de la prévention. Dans ce domaine, la disparition de diverses dispositions touchera directement la jeunesse, notamment les jeunesses étudiante et populaire.

Nous déplorons les attaques en règle menées contre l’IVG – d’autres orateurs les ont mentionnées –, sous le prétexte fallacieux que ces dispositions trouveraient mieux leur place dans un texte de loi relatif à la bioéthique.

Plus généralement, nous déplorons la disparition du principe d’égalité entre les hommes et les femmes : ce dernier a été tout simplement rayé des objectifs de notre politique de santé. Toutes ses occurrences ont été effacées du présent texte, en particulier au sujet des données sexuées figurant dans les rapports des médecins du travail.

Nous déplorons également la suppression de l’article 18, relatif à la généralisation du tiers payant. Ce choix a été opéré par pure idéologie, sans chercher à étudier les solutions techniques nécessaires à une prise en main facile par les médecins. Or, en ce moment même, un groupe de travail est à l’œuvre pour élaborer ces solutions techniques, de nature à rassurer les professionnels.

Nous déplorons, de surcroît, la suppression du paquet neutre – je reviendrai sur ce sujet.

Toutefois, ces regrets ne nous découragent pas pour autant. Les élus du groupe écologiste ont résolument fait le choix de continuer à jouer le jeu du travail parlementaire, en déposant plus de 200 amendements. En effet, l’opinion publique, souvent à travers l’expérience douloureuse de la maladie, est en train de prendre conscience de la réalité des alertes lancées, depuis des dizaines d’années, en matière de santé publique.

En France, plus de 80 % des dépenses remboursées par l’assurance maladie sont attribuables à des affections chroniques – cancer, diabète, maladies cardio-vasculaires, allergies, maladies respiratoires, etc. Ce sont là autant de pathologies dont l’apparition et l’aggravation sont, le plus souvent, liées à nos modes de vie et à la pollution de notre environnement. Si notre politique de santé ne s’adapte pas radicalement à cette réalité, le pire est à craindre, pour la santé de nos concitoyens et pour la survie de notre système d’assurance maladie.

Mes chers collègues, gardons cette réalité à l’esprit : pour une période d’à peine vingt ans, le surcoût dû aux maladies chroniques représente environ quatre fois la dette de l’assurance maladie, laquelle s’élève à 108 milliards d’euros, et deux fois l’intégralité de la dette sociale, laquelle s’établit à 209 milliards d’euros.

C’est sur la base de ces considérations préoccupantes que les membres du groupe écologiste ont choisi de faire entendre, lors de ces débats, leurs propositions, regroupées en quatre grands volets.

Bien entendu, je ne présenterai ces dispositions que très brièvement – en effet, mon temps de parole s’écoule –, mais nous les détaillerons au cours de nos débats.

Le premier volet comprend l’accès aux soins et aux droits, la lutte contre les inégalités sociales, la nécessité de simplifier les démarches administratives pour soulager à la fois les bénéficiaires des prestations de santé et les services de l’État, la lutte contre le non-recours et les refus de soins, la généralisation du tiers payant et le droit à l’oubli.

Le deuxième volet, c’est la santé environnementale. Nous avons déposé divers amendements à ce titre, ayant par exemple pour objet les perturbateurs endocriniens, les particules fines, la qualité de l’air intérieur, l’amiante, le mercure dentaire, les pesticides ou les nanomatériaux.

Le troisième volet est relatif à la prévention : il s’agit, entre autres enjeux, du renforcement de l’étiquetage nutritionnel, de la lutte contre l’obésité, du soutien à la protection maternelle et infantile et à la médecine scolaire, à la mobilisation contre le tabagisme, à la promotion du sport. S’y ajoute le dossier de la santé au travail.

Le quatrième et dernier volet a trait au secteur du médicament. Dans ce domaine, nous proposons de poursuivre et d’intensifier la lutte contre les conflits d’intérêts, pour la transparence, notamment en matière de fixation des prix ou pour la prévention et l’indemnisation des accidents médicamenteux.

Madame la ministre, vous l’avez compris, vous avez tout notre soutien sur un certain nombre de points essentiels. De même, nous espérons que les propositions que nous portons seront soutenues et reprises. J’ai d'ailleurs constaté que certains collègues avaient présenté des amendements ayant le même objet, ce qui nous nourrira notre débat.

Nous souhaitons que l’examen en séance du projet de loi de santé se déroule en bonne intelligence et que les questions de santé publique ne fassent pas constamment l’objet de postures partisanes ou idéologiques, car notre débat doit être à la hauteur des enjeux pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi était très attendu, d’autant plus que les politiques successives menées depuis de nombreuses années n'ont pas apporté de réponses satisfaisantes aux besoins en matière de santé. Pis, elles n'ont cessé d'affaiblir le système de santé publique, considérant la santé comme un bien de consommation.

Malheureusement, ce projet de loi est loin de répondre aux enjeux actuels, notamment à la nécessité de combattre les renoncements aux soins, qui concernent, d’après certaines évaluations, de 25 % à 30 % des Français.

Je reconnais toutefois le travail important d'élaboration de ce projet de loi, ainsi que celui qui a été mené par les trois rapporteurs de notre commission des affaires sociales, notamment au travers des nombreuses heures d'auditions réalisées.

Mes chers collègues, permettez-moi de commencer par souligner les dispositions qui nous paraissent, au groupe CRC, tout à fait positives. J'entends par là celles qui figurent encore dans ce texte, celles qui n'ont pas été supprimées par la majorité sénatoriale en commission !

Je pense notamment au titre Ier, qui vise à renforcer la prévention, l'accès à la contraception d'urgence pour les élèves du second degré, la lutte contre l'alcoolisation massive des jeunes et la lutte contre le tabagisme. Je ne peux pas détailler ces mesures qui, si elles sont véritablement mises en place, avec les moyens afférents, porteront leur fruit.

Je tiens également à exprimer ma grande satisfaction que, au-delà des clivages politiques, une majorité se soit dégagée, du moins en commission, pour soutenir l'expérimentation de salles de consommation à moindre risque. C'est un projet que j'ai beaucoup soutenu, convaincue de son utilité sanitaire, dans une perspective de réduction des risques et des dommages pour les usagers de drogue.

Je note enfin, avec intérêt, la volonté de reconnaître la place et le rôle des centres de santé dans notre système de soins. Assez souvent méconnus, voire dévalorisés, les centres de santé représentent au contraire un modèle innovant, prenant en compte les attentes exprimées par de jeunes professionnels en matière de travail d’équipe et répondant aux besoins du plus grand nombre – pas de dépassement d'honoraire, tiers payant, etc. Je salue donc cette avancée, qui pour se concrétiser nécessitera des moyens importants.

J'en viens à présent aux dispositions qui nous paraissaient importantes, mais qui ont été purement et simplement supprimées par la droite au sein de la commission des affaires sociales.

Je passe sur cette nouvelle mode de supprimer systématiquement toute demande de rapport. L'article 40 de la Constitution est déjà fort contraignant pour l'initiative parlementaire. Si à présent les rapports sont bannis, cela devient compliqué... (Mme Catherine Procaccia proteste.)

La généralisation du tiers payant a été vivement attaquée, notamment sous prétexte qu’elle entraînerait un surcroît de travail pour les médecins et qu’il serait difficile de mettre en place un tel système.

Sans négliger ce problème, nous soutenons cette mesure, car elle peut aider un certain nombre de patients. Toutefois, nous pensons qu'elle ne répond pas au problème du renoncement aux soins. Qu'apporte le tiers payant concernant les lunettes ou les prothèses dentaires ou auditives que la sécurité sociale ne rembourse pas, ou si ridiculement ?

La mesure véritablement juste, capable de faire reculer le renoncement aux soins et les inégalités qu’il suscite est, pour mon groupe, la prise en charge des soins à 100 %. C'est possible, et c'est un combat que nous aurions souhaité mener avec vous, madame la ministre. Il n’est d'ailleurs pas trop tard !

Une autre réécriture emblématique à nos yeux est celle de l'article 17 bis, qui visait à supprimer le délai de réflexion pour l'IVG. La droite a supprimé cet article au motif que la discussion devait se faire dans le cadre de la loi sur la bioéthique. Comment parler de bioéthique en 2015 pour un droit gagné par la lutte des femmes et voté en 1975 grâce au courage de Mme Veil ?

De même, la majorité sénatoriale a supprimé une disposition symbolique en termes d'égalité des droits et de non-discrimination, à savoir l'article 7 bis, qui autorisait enfin les personnes homosexuelles à donner leur sang. Je ne vais pas lancer le débat ici, mais, pour nous, il est essentiel que cette discrimination cesse et que la sécurité sanitaire soit le seul critère – le même appliqué à chacun.

J'en viens enfin à l'essence même du texte, madame la ministre, à sa philosophie générale, qui n'a pas réussi à nous convaincre.

Alors que vous étiez, à juste titre, tout comme l'ensemble de votre groupe, assez critique sur le contenu et le tournant marchand que la loi HPST faisait prendre au monde hospitalier et à son organisation, j'avoue avoir du mal comprendre que vous n'ayez pas fait le choix, en tant que ministre, d’abroger ce texte.

Nous constatons pourtant au quotidien les désastres qu'elle a suscités. L'hôpital public a été transformé en entreprise, avec un fonctionnement qui ne lui est absolument pas adapté. Pourquoi ne pas revenir sur la loi HPST ? Pourquoi continuer à accorder de tels pouvoirs aux directeurs d'ARS, ces « super préfets sanitaires », comme nous les avions appelés à l'époque ?

Vous vantez à juste titre la démocratie sanitaire, mais le conseil de surveillance remplace toujours le conseil d'administration, et le modèle de décision vertical, depuis le ministère jusqu’au directeur d'ARS en passant par le directeur d'hôpital, reste en vigueur, avec une logique financière et administrative qui prend le dessus sur la logique médicale.

De même, nous sommes inquiets de ces groupements hospitaliers de territoire, les GHT, qui ne nous apparaissent que comme une nouvelle occasion de fusionner, donc de fermer des établissements, des services, des lits.

Alors que, aujourd'hui, on compte de 1 200 à 1 300 hôpitaux, il serait question de constituer 100 GHT ! Où est le lien de proximité, où est la volonté de réduire les inégalités territoriales, alors que vous avez cité M. Emmanuel Vigneron dans votre propos ? Où est la démocratie sanitaire ? Après les mégapoles de la loi NOTRe, voici les mégahôpitaux. Une façon de légitimer toujours plus le privé.

Le projet de loi ne reflète pas, c'est le moins que l'on puisse dire, la prise de conscience que l'hôpital public va mal et qu’il souffre des politiques de réductions menées depuis des années : effectifs en flux tendus, offre de soins en diminution, délais trop longs, urgences asphyxiées... Je ne parle pas de la psychiatrie, car le temps m’est compté, mais il y aurait beaucoup à en dire et nous y reviendrons lors de l’examen des articles.

Je sais bien que l’on va me répondre que les budgets sont contraints et qu'il n'est guère possible de faire autrement. Les 3 milliards d'euros en moins pour les hôpitaux aggravent d’ailleurs encore leur situation désastreuse.

Toutefois, madame la ministre, nous avons d'autres propositions de financement susceptibles de redonner souffle et vigueur à une politique de santé publique digne de ce nom, qui s'appuie notamment sur une médecine de ville redynamisée.

Supprimons la T2A, ce système inadapté et inefficace, les franchises et forfaits hospitaliers et les exonérations de cotisations patronales, qui privent notre protection sociale de milliards d'euros. Mettons en place une nouvelle cotisation sur les revenus financiers des entreprises : sur une base de 317,9 milliards d'euros en 2010, il serait possible de dégager, en les soumettant au taux actuel de la cotisation patronale, quelque 41 milliards d’euros pour la santé, 26 milliards d’euros pour la retraite, 16 milliards d’euros pour la famille. Voilà quelques propositions qu’il faudrait prendre en compte.

Madame la ministre, les quelques avancées de ce texte ne seront que de l'affichage tant que le carcan financier imposé à l'ensemble des établissements de santé sera la boussole du Gouvernement.

La volonté du groupe CRC tout au long du débat sera de modifier cet état de fait et de défendre des amendements tendant à proposer une vraie politique de santé ambitieuse, qui fasse réellement reculer les inégalités, une politique de santé pour toutes et tous sur l’ensemble du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)