M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Dans ce domaine également, il faut se montrer cohérent.

Le fait ne date pas de notre arrivée aux affaires : il a toujours été dit que la CSPE suivait une trajectoire ascendante et que, sans décision gouvernementale, elle connaîtrait une augmentation de 3 euros par mégawattheure.

M. Jean-François Husson. Il faut compenser !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Précisément !

À cet égard, madame Keller, vous nous reprochez d’augmenter cette contribution de 3 euros en 2016 et de ne rien faire en 2017, à cause des élections…

Mme Fabienne Keller. C’est vous qui le dites, monsieur le secrétaire d’État !

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Madame Keller, voyons…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est ce que vous avez laissé entendre.

Néanmoins, sur ce point, le constat fait l’objet d’un large consensus : les dépenses liées à la CSPE, qui deviendra demain la TICFE, sont en très forte augmentation, parce que les énergies renouvelables nous coûtent très cher, parce que des engagements ont été pris sur quinze ou vingt ans – vous les avez rappelés vous-même – et parce qu’il faut compenser les tarifs de rachat par EDF.

Jusqu’à présent, la législation faisait porter cette hausse de dépenses sur la seule électricité, via une augmentation de la CSPE ou un accroissement de la dette de l’État envers EDF – c’est une réalité ! Au reste, ce surcoût est nécessaire et personne ne le remet en cause.

Pour notre part, à travers le présent texte, nous avons choisi l’architecture suivante : le stock de CSPE nécessaire continuera d’être alimenté par la consommation électrique en 2016, mais, à compter de 2017, c’est l’augmentation du prix du carbone qui financera l’inévitable accroissement des dépenses.

Ainsi, on répartira la charge de manière équilibrée sur l’ensemble de la consommation énergétique, plutôt que de la concentrer sur l’énergie électrique, que certains portent au pinacle et que d’autres contestent, pour des raisons diverses et variées que chacune et chacun connaît parfaitement dans cet hémicycle.

Aussi, contrairement à ce qu’avancent Mme Keller et M. Husson, les diverses problématiques sont bien prises en compte globalement. J’ai tenté d’en convaincre la Haute Assemblée dans mon propos liminaire.

Premièrement, il s’agit de réduire les émissions de carbone. C’est l’objet de la contribution climat-énergie.

Deuxièmement, il convient de rapprocher les fiscalités du gasoil et de l’essence. C’est l’objectif de la convergence assurée, trop vite ou trop lentement diront certains, par le dispositif « plus un, moins un » – je l’exposerai plus largement dans la suite de nos débats –, lequel répond également à la lutte contre l’émission de particules fines.

Troisièmement et enfin, il faut tenir compte de l’impératif économique, que certains orateurs ont évoqué. Il faut éviter des évolutions trop brutales de la fiscalité et de certains comportements, qui seraient susceptibles de mettre en danger les électro-intensifs – nous y reviendrons également – ainsi que nos constructeurs automobiles, qui, dans leur spécialisation, ont privilégié les moteurs diesel par rapport aux moteurs à essence.

Je vous remercie d’avoir tous reconnu que la situation budgétaire s’améliore. Personne n’a parlé de « dérapage » ou d’« explosion des déficits ». Pour certains, l’amélioration n’est pas suffisante ; pour d’autres, elle n’est pas due à notre action ; pour d’autres encore, elle tient au fait que nous aurions fait « exploser » les recettes…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En hausse de 400 millions d’euros !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le taux de prélèvements obligatoires est passé de 44,9 % du PIB en 2014 à 44,6 % en 2015. Une baisse de 0,3 %, c’est peu au gré de certains d’entre vous, mais cela représente tout de même 6 milliards d’euros ! Nous prévoyons toujours que le déficit public s’établisse à 3,8 % du PIB. Cet objectif sera atteint, je n’ai aucune inquiétude à cet égard. Nous pourrons le vérifier lors de l’examen du projet de loi de règlement, qui fera office de juge de paix, monsieur Bouvard.

Certains ont évoqué, comme pour nous en faire reproche, des économies de constatation. Vous ne pouvez pas à la fois nous accuser de nous laisser « anesthésier » par la faiblesse des taux d’intérêt et nous reprocher de faire preuve d’une grande prudence dans nos prévisions en la matière ! Alors qu’ils sont aujourd'hui de 1 %, nous prévoyons que les taux d’intérêt atteindront 2,4 % en fin d’année prochaine, ce qui nous oblige à diminuer ou, en tout cas, à maîtriser strictement les dépenses. La solution de facilité aurait été de considérer qu’ils allaient rester à leur niveau actuel et que la charge de la dette s’en trouverait allégée ; nous avons écarté cette option. Si nous faisons mieux que prévu et enregistrons aujourd’hui ce que vous appelez des économies de constatation, comme vous semblez nous en faire grief, c’est précisément parce que nous avons été prudents dans nos prévisions ! Personne ne peut exclure a priori une augmentation brutale des taux d’intérêt.

D’une manière générale, j’observe que ce projet de loi de finances rectificative ne fait l’objet d’aucune objection de fond, les critiques ne portant que sur la forme. C’est le seul que nous présentons cette année, tandis que la précédente majorité en avait déposé onze en trois ans ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il y a eu la crise de 2008, me direz-vous sans doute…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Vous donnez vous-même la réponse !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Certes, mais nous aussi avons dû faire face à des circonstances difficiles en cours d’année.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Quand même…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En particulier, nous avons dû assumer des dépenses imprévues en matière de sécurité. Malgré ces difficultés, nous n’avons pas fait de projet de loi de finances rectificative !

Concernant celui que nous vous soumettons aujourd’hui, l’ajustement budgétaire est sans doute plus important que prévu, mais il faut tout de même tenir compte, notamment, de 2 milliards d’euros de rebudgétisation liés à la vente des fréquences. Il faut donc relativiser les chiffres.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouverons demain pour la discussion des articles de ce projet de loi de finances rectificative et des quelque 300 amendements ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous poursuivrons l’examen de ce texte demain, vendredi 11 décembre, à partir de neuf heures trente.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2015
Discussion générale (suite)

4

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2016 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

5

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.

J’appelle chacun à respecter son temps de parole.

cop 21 (conférence de paris sur le climat)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.

M. Jean-Claude Requier. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international, aujourd'hui président de la COP 21.

Monsieur le ministre, nous voici entrés dans la dernière ligne droite puisque, au plus tard demain soir, un accord universel sur le climat devra être trouvé par les 195 pays représentés depuis dix jours au Bourget.

Bien sûr, l’hypothèse d’une absence d’accord existe toujours ; mais ce qui est plus probable encore, c’est que nous débouchions sur un mauvais accord. Or, comme l’a souligné hier le Président de la République, « il ne s’agit pas de signer n’importe quel accord qui ne serait pas à la hauteur de l’enjeu », avant d’ajouter que nous avions progressé, même s’« il y a encore des résistances ».

Monsieur le ministre, qu’est-ce qu’un bon accord ? Surtout, en prend-on le chemin ?

Si des avancées notables semblent d’ores et déjà acquises et font l’objet d’un consensus, des points de blocages et non des moindres demeurent.

Tout d’abord, le texte final retiendra-t-il une formulation ambitieuse qui situe le réchauffement climatique en dessous de 2 degrés en 2100 ?

Par ailleurs, une autre interrogation concerne la « différenciation », autrement dit la répartition des efforts de chaque pays, particulièrement en ce qui concerne la réduction des émissions des gaz à effet de serre.

Enfin, le troisième point d’achoppement est bien évidemment le financement de la lutte contre le réchauffement climatique et la part prise par les pays développés, par les pays émergents, voire également par ceux qui sont en voie de développement.

À ce stade des discussions, et alors que les négociateurs planchent sur une troisième version du texte, passé de quarante-trois à vingt-neuf pages et où demeurent de nombreux crochets qui sont autant d’options, pouvez-vous, monsieur le ministre, informer le Sénat et procéder à un état des lieux de la situation ? Un accord ambitieux est-il toujours envisageable ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, le travail se poursuit sans relâche au Bourget, jour et nuit. Je veux donc vous présenter les excuses de M. Laurent Fabius, président de la COP 21, qui ne peut être présent aujourd'hui, car il est en pleine négociation.

Le texte présenté hier par M. Laurent Fabius a permis d’enregistrer des avancées, en particulier sur l’adaptation aux impacts du changement climatique, sur la question de la transparence – c'est-à-dire en matière de contrôle de la mise en œuvre du futur accord – ou encore sur le développement et les transferts de technologies. Cela montre que la démarche suivie, reposant sur la recherche de compromis et sur une méthode de travail collective, associant notamment des ministres facilitateurs issus de tous les continents, porte ses fruits. Cette méthode inclusive de négociation est celle qui permettra de déboucher sur un accord.

Je salue la qualité de l’organisation et le succès que représente pour notre pays la bonne tenue de cette COP 21. Je me félicite également de la mobilisation et de la prise de conscience des chefs d’État et de Gouvernement, qui se sont exprimés très massivement lors de la séance d’ouverture. Ce fait a marqué les esprits.

Je me réjouis par ailleurs des très nombreuses initiatives qui ont été prises, qu’il s’agisse des collectivités locales, des entreprises ou de la société civile, c’est-à-dire de l’agenda des solutions qui a émergé pendant la Conférence des parties.

Dorénavant, l’objectif est de parvenir à un accord, « un bon accord », comme vous l’avez dit. Il reste encore du travail à fournir, des résistances à lever, des points de la négociation à faire avancer.

Il y a notamment le niveau d’ambition de l’accord, la question de la différenciation des efforts demandés aux pays selon leur niveau de développement et le sujet du financement.

À la lumière des dernières consultations, un nouveau texte devrait être présenté aujourd’hui. Il devra être le plus proche possible de l’accord final auquel nous souhaitons parvenir demain, comme cela était prévu.

L’exigence de succès doit accompagner les dernières heures de la COPS 21, elle doit être à l’esprit des ministres, des chefs de délégation, des négociateurs, qui, en responsabilité, doivent accélérer encore les discussions et les échanges afin de se mettre d’accord et de trouver les meilleurs points d’équilibre.

Les dernières heures de négociations seront longues, encore difficiles, mais nous sommes sur le bon chemin. La présidence française met tout en œuvre pour favoriser l’adoption d’un accord contraignant, universel et équitable, un accord qui permette d’enrayer le réchauffement climatique et de le limiter à moins de 2 degrés d’ici à la fin du XXIe siècle. Nous voulons un accord ambitieux afin d’éviter les drames écologiques et humains qu’entraîne le changement climatique. Le Président de la République l’a dit, l’instant est décisif. Il est également historique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.

M. Jean-Claude Requier. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. En conclusion, permettez-moi d’adresser ce modeste message aux négociateurs et aux décideurs de la COP 21, en leur rappelant ces propos du Mahatma Gandhi : « le bonheur c’est lorsque vos actes sont en accord avec vos paroles » ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

éducation à l’environnement

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour le groupe écologiste.

Mme Marie-Christine Blandin. Ma question s’adresse à Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale. Elle concerne l’engagement du Gouvernement pour l’éducation à l’environnement et au développement durable, à laquelle la COP 21 a consacré une journée, et dont l’accord des Parties mentionnera l’importance.

Madame la ministre, vous y avez défendu une pédagogie de projet et vous avez insisté sur l’importance du savoir être.

Petit sujet, grandes conséquences pour de futurs adultes responsables et solidaires : par exemple, c’est autour des éco-écoles du Japon, associées à la démarche de l’UNESCO, que la mobilisation des élèves a permis la plus grande prise en charge des victimes après le séisme de 2011.

Les initiatives remarquables en matière d’éducation à l’environnement ne manquent pas, mais elles sont souvent entravées par des obstacles tels que le défaut d’information, l’insuffisant volet pratique de la formation initiale, le manque de temps et de lieux pour accueillir les concertations et la formation continue avec les partenaires.

Par ailleurs, elles s’accompagnent de tracas administratifs : organisation des sorties, zèles sanitaires abusifs à propos du jardinage, des élevages, des ateliers cuisine, du compost.

N’oublions pas que nous préparons les élèves à la vraie vie. (M. Alain Gournac s’exclame.) Tous les ressorts de motivation sont précieux et utiles pour façonner les gestes, et inviter aux sciences.

Comment le ministère va-t-il faciliter cette éducation et la rendre plus exhaustive ?

De nombreux pays s’engagent : comment la France va-t-elle, en prévision des quatrièmes assises internationales, dès février 2017, amplifier les dynamiques locales avec les collectivités, les parents, les associations, et favoriser l’éducation en prévision de la COP 22 ?

Enfin, nombre d’établissements se sont investis et ont préparé la venue de leurs ambassadrices et ambassadeurs du climat. Alors que des jeunes du monde entier ont participé à la COY, Conference Of Youth, comment les élèves et les étudiants français, consignés par l’interdiction de déplacement organisé, ont-ils pu être associés à la démarche ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je partage votre conviction que l’éducation a un rôle majeur à jouer dans ces enjeux fondamentaux que sont le développement durable et la lutte contre le changement climatique. Ce n’est pas un hasard, en effet, si vendredi dernier, à la COP 21, l’événement que nous avions organisé autour de l’éducation au développement durable a rencontré un tel succès : de très nombreux ministres de l’éducation nationale venant du monde entier étaient là pour discuter des moyens mis en œuvre afin d’atteindre cet objectif.

Vous faites partie de ceux qui ont insisté, et je vous en remercie, pour inscrire l’éducation au développement durable et à l’environnement dans le code de l’éducation. Aujourd'hui, tout cela prend forme. La révision récente des programmes scolaires a permis que soit désormais intégré le développement durable, et ce dans plusieurs disciplines. Il ne s’agit pas d’une discipline à part entière, j’insiste sur ce point, car une telle transversalité est importante. De plus, la réforme du collège, qui introduit des enseignements pratiques interdisciplinaires, a prévu précisément un programme consacré au développement durable.

Enfin, la pédagogie de projet permet de développer, du plus jeune âge au plus élevé, l’éducation au développement durable, qu’il s’agisse des jardins pédagogiques, des sorties scolaires dans la nature, des concours comme celui qui est consacré au développement durable, de la labellisation des établissements scolaires qui prennent le plus d’initiatives en la matière. Pour donner plus de force à tout cela, j’ai nommé quarante-quatre coordonnateurs académiques sur la question de l’éducation au développement durable, qui sont chargés d’être proactifs dans tous les établissements scolaires.

Pour conclure, je suis la première à regretter que les scolaires n’aient pu se rendre à la COP 21. Il s’agissait néanmoins d’une question de sécurité, chacun le comprendra ici. Nous avons considéré, au vu de la situation, qu’il n’était pas prudent d’envoyer plusieurs milliers de jeunes élèves au Bourget. Pour autant, dans tous les établissements scolaires concernés, de nombreuses activités ont été organisées. Je vous ferai partager avec grand plaisir le résultat de ces initiatives. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

libertés syndicales

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour le groupe CRC.

M. Jean-Pierre Bosino. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Le monde du travail a vraiment le sentiment depuis quelque temps de ne plus être entendu ni reconnu, et cela s’est traduit dimanche par une forte abstention, entre autres.

Le patronat, le MEDEF en tête, comme le Gouvernement ne manquent pas une occasion de vanter les mérites du dialogue social, mais, en réalité, c’est à un monologue social que nous assistons. Les patrons imposent leurs volontés ! Lorsque le gouvernement auquel vous appartenez annonce un nouveau code du travail d’ici à 2018, Pierre Gattaz jubile parce que lui veut le liquider !

De toutes parts montent des attaques violentes contre le code du travail. On lui reproche à la fois d’empêcher les entreprises d’embaucher et de licencier. Mais s’attaquer au code du travail, c’est s’en prendre aux salariés et à ceux qui les défendent.

Le monologue social, on l’a vu à l’œuvre chez Air France : ce sont les salariés qui ont fait de la compagnie ce qu’elle est, mais ils apprennent par les médias la suppression de 3 000 emplois. Quelle violence !

Lorsque tout ne se passe pas comme l’entend le patron, ce dernier n’hésite pas à s’attaquer aux agents de l’État.

Ainsi, une inspectrice du travail qui a remis en cause la légalité d’un accord sur les trente-cinq heures chez Tefal est menacée de changer de secteur, le tout avec l’appui de sa hiérarchie.

Une inspectrice du travail, un informaticien de Tefal et cinq salariés d’Air France ont désormais un point commun : ils ont été renvoyés devant la justice. Leurs crimes ? Simplement défendre les droits des salariés. La liste des salariés traînés en justice pour leurs actions risque de s’allonger parce que des salariés en lutte pour leur emploi, il y en a et il y en aura ! Je pense aux 200 emplois qui sont menacés chez Sidel du groupe Tetra Pack en Seine-Maritime, comme m’en a informé mon ami Thierry Foucault. Je pense également à Sanofi où les nuages noirs s’amoncellent.

Madame la ministre, dans ce contexte de violence sociale et de criminalisation de l’action des salariés, allez-vous abandonner le dynamitage du code du travail que vous vous apprêtez à mettre en œuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur, je ne vous laisserai pas dire ici que le Gouvernement prend parti pour les entreprises, contre les salariés et les syndicats ou qu’il cautionne une quelconque criminalisation du fait syndical.

La liberté syndicale de même que le droit d’expression et le droit de grève sont des principes constitutionnels. Il est hors de question de les remettre en cause.

Vous citez des exemples concrets. Abordons-les avec honnêteté.

Pour ce qui concerne Air France, tout d’abord, vous avez fait référence au droit des salariés à s’exprimer. C’est évidemment un droit fondamental. Vous l’avez d’ailleurs pu voir que même l’état d’urgence n’a pas bâillonné le mouvement social. L’appel de la CGT à manifester a en effet été suivi de cinquante-cinq rassemblements de soutien aux salariés d’Air France, lesquels ont été autorisés malgré le contexte de l’état d’urgence.

M. Thierry Foucaud. Dans certains endroits, comme à Eu, les préfets les ont interdits !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Ce sont près de 4 700 personnes qui se sont mobilisées.

Pour ce qui concerne l’affaire Tefal, une décision de justice est en effet intervenue que je n’ai pas à commenter, pas plus que je ne l’ai fait pour celle qui concerne Air France.

Ce que je peux vous dire, c’est que je suis particulièrement attachée à l’indépendance de l’inspection du travail. Le Directeur général du travail l’a d’ailleurs écrit au procureur d’Annecy dans le cadre de cette affaire.

Mme Laura Pfeiffer, l’inspectrice du travail chargée du dossier Tefal, rencontrera la semaine prochaine le Directeur général du travail afin qu’ils réfléchissent ensemble à la façon dont elle pourra mener sa mission, dans les conditions les plus sereines possible.

Mme Myriam El Khomri, ministre. La liberté syndicale, bien sûr, est un droit essentiel.

Comment pouvez-vous prétendre que ce gouvernement ne protège pas la liberté syndicale, alors que j’ai rassemblé en décembre, à la suite de la réunion entre le Premier ministre et les partenaires sociaux le 20 novembre, l’ensemble de ces partenaires sociaux ? Ils ont pu faire remonter du terrain les tensions causées par les décisions prises, au cas par cas, par les préfets, s’agissant des manifestations et des rassemblements.

Ces réunions, qui se renouvelleront tout le temps que durera l’état d’urgence, visent à faire un point sur les tensions ou sur la non-acceptation de certaines décisions.

Par ailleurs, sachez que je n’ai d’injonction à recevoir de personne, ni des organisations patronales ni des organisations syndicales. Mettre en place la négociation collective, cela relève justement d’une certaine conception de la démocratie sociale.

M. Philippe Dallier. Et les chômeurs dans tout cela ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous ne sommes pas pour le contournement des syndicats. Mais il me semble essentiel, alors même qu’il n’y a pas de majorité sur le sujet, de réécrire le code du travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Bosino. Ce que constatent aujourd’hui les salariés, madame la ministre, c’est que l’on entend davantage les patrons que les salariés et leurs organisations syndicales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

données des dossiers passagers (pnr européen)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, les attentats qui ont meurtri la France en novembre dernier ont fortifié notre détermination à lutter fortement contre le terrorisme. Notre sécurité intérieure a été renforcée grâce à la mise en place de l’état d’urgence, qui mobilise nos gendarmes, nos policiers et nos soldats. Cependant, il convient également d’être réaliste, car ces actions terroristes ont été préparées en dehors de nos frontières nationales.

De ce fait, accélérer la coopération européenne pour lutter efficacement contre le terrorisme devient nécessaire. C’est tout l’enjeu de l’adoption le plus rapidement possible, au niveau européen, d’un fichier des passagers aériens, dit PNR, qui puisse concilier la protection des données personnelles et celle de l’ordre public.

Pour ce faire, le Conseil des ministres de l’Union européenne est parvenu, mercredi 2 décembre, à un compromis, satisfaisant la volonté du Parlement européen en matière de libertés, tout en conservant la trace des déplacements en avion des voyageurs. Les conditions strictes que le Gouvernement français avait posées ont été largement reprises : le Conseil a ainsi fixé les garanties nécessaires pour assurer la protection de la vie privée des citoyens européens en optant pour un délai de conservation des données personnelles pendant six mois.

La commission parlementaire chargée des libertés civiles au sein du Parlement européen devait se prononcer aujourd’hui sur le compromis proposé par les États, avant un vote des eurodéputés en séance plénière au début de 2016. Si elle est adoptée, la directive, qui est proposée depuis 2011, devra ensuite être transposée dans tous les États membres.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire en quoi le fichier PNR permettra concrètement d’intensifier la mise en place des partenariats et des outils susceptibles de lutter efficacement contre le terrorisme ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, le PNR, c’est-à-dire le registre européen des données des passagers aériens accessible aux services de police et de renseignement dès la réservation des billets d’avion, est un outil indispensable dans la lutte contre le terrorisme à l’échelle européenne.

Les attaques du 13 novembre dernier ont souligné l’urgence de la mise en œuvre intégrale de l’ensemble des mesures du plan d’action adopté le 12 févier 2015, à Bruxelles, par les chefs d’État et de gouvernement, à la demande du Président de la République au lendemain des attentats de Paris du mois de janvier 2015.

Aujourd’hui même, une étape vient d’être franchie puisque la commission des libertés du Parlement européen a adopté, à une très large majorité, le projet de directive concernant le PNR, une adoption que je salue.

Nous attendons désormais l’adoption définitive en séance plénière par le Parlement européen, dans les meilleurs délais, de cette directive. Ce vote est conforme sur son contenu à l’accord que les ministres de l’intérieur avaient eux-mêmes approuvé lors de la réunion de vendredi dernier, à laquelle vous avez fait allusion et où Bernard Cazeneuve nous représentait.

C’est un succès pour la France, qui a été constamment à l’initiative sur ce sujet, auprès de ses partenaires comme auprès du Parlement européen. Le ministre de l’intérieur et moi-même sommes intervenus à plusieurs reprises auprès des parlementaires européens, à Bruxelles et à Strasbourg, pour les convaincre de la nécessité d’adopter ce texte.

Le Premier ministre lui-même s’est fortement mobilisé en s’adressant à la fois au président du Parlement européen, au président de la commission responsable et au rapporteur de ce texte.

Avec l’adoption de cette directive, nous disposerons d’un PNR européen efficace et opérationnel, car les trois conditions posées par la France ont été reprises : une durée de conservation des données de cinq ans, avec une procédure simplifiée de consultation des données après leur masquage, qui intervient au bout de six mois, comme aux États-Unis ; l’inclusion des vols intra-européens et des vols charters, que nous avons obtenue grâce à l’engagement de tous les États membres sans exception ; enfin, l’inclusion dans le champ de la directive des infractions nationales, et pas seulement transnationales.

C’est donc un outil clef de la lutte contre le terrorisme au niveau européen qui va voir le jour. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. François Fortassin et Mme Jacqueline Gourault applaudissent également.)

élections régionales et politique économique