Sommaire

Présidence de M. Claude Bérit-Débat

1. Procès-verbal

2. Demande par une commission des prérogatives des commissions d’enquête

3. Loi de finances rectificative pour 2015. – Discussion d’un projet de loi

Discussion générale :

M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques, rapporteur pour avis

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances

M. Vincent Capo-Canellas

M. Éric Bocquet

M. André Gattolin

M. Jean-Claude Requier

M. Richard Yung

M. Jean-François Husson

M. Maurice Vincent

M. Michel Bouvard

Mme Fabienne Keller

M. Christian Eckert, secrétaire d'État

Clôture de la discussion générale.

Renvoi de la suite de la discussion.

4. Communication relative à une commission mixte paritaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

5. Questions d'actualité au Gouvernement

cop 21 (conférence de paris sur le climat)

M. Jean-Claude Requier ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; M. Jean-Claude Requier.

éducation à l’environnement

Mme Marie-Christine Blandin ; Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

libertés syndicales

M. Jean-Pierre Bosino ; Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; M. Jean-Pierre Bosino.

données des dossiers passagers (pnr européen)

M. Bernard Cazeau ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes.

élections régionales et politique économique

M. François Zocchetto ; M. Manuel Valls, Premier ministre ; M. François Zocchetto.

situation de l'emploi

Mme Sophie Primas ; Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; Mme Sophie Primas.

adaptation de la société au vieillissement

M. Thierry Carcenac ; Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie ; M. Thierry Carcenac.

état des négociations sur la cop 21 (conférence de paris sur le climat)

M. Hervé Maurey ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; M. Hervé Maurey.

chiffres de la délinquance

M. Michel Forissier ; M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; M. Michel Forissier.

canne à sucre: accord de libre-échange avec le vietnam

Mme Odette Herviaux ; Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer.

canne à sucre

M. Michel Magras ; Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer ; M. Michel Magras.

sommet france-océanie

M. Robert Laufoaulu ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré

6. Transport ferroviaire régional. – Rejet d’une proposition de loi

Discussion générale :

Mme Marie-France Beaufils, coauteur de la proposition de loi

Mme Évelyne Didier, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire, coauteur de la proposition de loi

M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire

M. André Vallini, secrétaire d’État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

M. Jean-Jacques Filleul

M. Joël Labbé

M. Jean-Claude Requier

M. Louis Nègre

M. Jean-Pierre Bosino

M. Michel Canevet

Mme Patricia Morhet-Richaud

M. Marc Laménie

Clôture de la discussion générale.

Article premier – Rejet.

Article 2

M. Roger Karoutchi

Mme Marie-France Beaufils

M. Louis Nègre

Mme Laurence Cohen

M. Michel Canevet

M. Marc Laménie

M. Christian Favier

M. André Vallini, secrétaire d'État

Rejet de l’article.

Article 3

M. Roger Karoutchi

Mme Marie-France Beaufils

M. Louis Nègre

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

M. Marc Laménie

M. Michel Canevet

M. Joël Labbé

Mme Évelyne Didier, rapporteur

M. André Vallini, secrétaire d'État

Adoption de l’article.

Article 4 – Adoption.

Vote sur l'ensemble

M. Roger Karoutchi

M. Louis Nègre

M. Marc Laménie

Mme Laurence Cohen

M. Jean-Jacques Filleul

M. Joël Labbé

M. Michel Canevet

Mme Marie-France Beaufils

Mme Évelyne Didier, rapporteur

Rejet, par scrutin public, de la proposition de loi.

7. Communications du Conseil constitutionnel

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Demande par une commission des prérogatives des commissions d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen d’une demande de la commission des lois tendant à obtenir du Sénat, en application de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qu’il lui confère les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour le suivi de l’urgence, pour une durée de six mois.

Il a été donné connaissance de cette demande au Sénat lors de sa séance du mercredi 9 décembre 2015.

Je vais mettre aux voix la demande de la commission des lois.

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix la demande de la commission des lois.

(Cette demande est adoptée.)

M. le président. En conséquence, la commission des lois se voit conférer les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour le suivi de l’état d’urgence, pour une durée de six mois.

Le Gouvernement sera informé de la décision qui vient d’être prise par le Sénat.

3

 
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2015
Discussion générale (suite)

Loi de finances rectificative pour 2015

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2015 (projet n° 227, rapport n° 229, avis n° 230).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2015
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, après avoir terminé il y a seulement deux jours l’examen du projet de loi de finances pour 2016, nous entamons aujourd’hui celui du projet de loi de finances rectificative de fin d’année.

Cette discussion est habituelle à cette période de l’année. Toutefois, le texte que vous propose le gouvernement n’est pas un simple texte balai : c’est un projet de loi qui propose plusieurs réformes fiscales significatives et qui opère des redéploiements importants, afin de tenir l’objectif de dépenses de l’État.

Tout d’abord, le volet fiscal de ce texte est très important. Alors que la COP 21 poursuit ses travaux, le Gouvernement vous propose une réforme de la fiscalité de l’énergie. Fruit d’un long travail, celle-ci s’articule autour de trois objectifs.

Le premier est de donner de la visibilité au prix du carbone pour 2017. Il se traduit dans la contribution climat-énergie qui constitue la composante carbone des taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles. Celle-ci n’est aujourd’hui votée que jusqu’à 2016. Le Gouvernement vous propose de fixer le prix de la tonne de carbone pour 2017 à 30,50 euros, conformément à la trajectoire permettant d’atteindre l’objectif fixé dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte d’un prix de la tonne à 56 euros en 2020.

Le deuxième objectif est d’utiliser le rendement ainsi obtenu pour sécuriser le financement du service public de l’électricité et des énergies renouvelables à compter de 2017. Ce financement est par ailleurs mis en conformité juridique avec le droit de l’Union européenne.

La contribution au service public de l’électricité, ou CSPE, est donc remplacée par une taxe intérieure de consommation finale de l’électricité élargie, dont l’assiette est la même que celle de l’actuelle CSPE. En 2016, son tarif est identique à ce qu’aurait été celui de la CSPE sans la réforme : 22,50 euros par mégawattheure.

J’insiste sur la stabilisation pour l’avenir de ce tarif de 22,50 euros pour la fiscalité électrique. En effet, à compter de 2017, les ressources de la contribution climat-énergie nous permettront de financer la dynamique des charges de service public de l’électricité, sans avoir à mobiliser davantage la fiscalité électrique.

Le troisième objectif, enfin, est de concrétiser la convergence de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, sur l’essence et le gazole, afin de relever le défi de la qualité de l’air. Le texte adopté par l’Assemblée nationale intègre notamment la hausse de un centime sur le gazole, compensée par la baisse de un centime sur l’essence.

En résumé, quelle sera l’incidence de cette réforme en 2016 et en 2017 à la fois sur le volet électrique et sur le volet carbone ?

Pour ce qui concerne le volet électrique, en 2016, la CSPE va augmenter, comme c’est le cas chaque année depuis 2011. Je rappelle, en effet, que, à la suite du rapport de vos collègues députés Jean Launay et Michel Diefenbacher, il avait été décidé en 2011 de mettre en place un mécanisme conduisant de facto à une augmentation automatique de la CSPE chaque année, permettant de financer les énergies renouvelables et de rembourser la dette de l’État envers EDF au titre, notamment, de ces dispositifs.

En 2017, en revanche, nous vous proposons de mettre fin à cette hausse annuelle. La CSPE, devenue TICFE, sera stabilisée et la hausse automatique mise en place en 2011 disparaîtra.

Concernant le volet carbone, la contribution climat-énergie augmente en 2016, comme prévu par la loi de finances pour 2014, afin de financer la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Elle poursuivra sa hausse en 2017. Son rendement sera utilisé pour financer la stabilisation de la TICFE et de nouvelles baisses d’impôt. Son augmentation n’entraînera donc pas de hausse des prélèvements obligatoires.

L’adaptation du droit à l’évolution du cadre européen constitue également un axe important du présent texte. Les dispositifs fiscaux qui encouragent l’investissement par les particuliers, notamment la réduction de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, en cas d’investissement dans les PME – dite « ISF-PME » –, seront ainsi adaptés au nouveau cadre européen applicable aux aides d’État en faveur du financement des risques, en les recentrant sur les entreprises jeunes ou innovantes, c’est-à-dire celles qui rencontrent les plus grandes difficultés pour se financer sur le marché.

Ce projet de loi prévoit également une évolution du régime d’imposition des sociétés mères et filiales, afin de tirer les conséquences de ce que chacun appelle aujourd’hui l’« arrêt Steria » de la Cour de justice de l’Union européenne.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit de supprimer la neutralisation de la quote-part de frais et charges afférentes aux dividendes versés entre sociétés d’un même groupe. Corrélativement, et compte tenu du coût que représente cet aménagement pour les groupes fiscaux, il prévoit d’abaisser à 1 % le taux de la quote-part de frais et charges afférentes aux dividendes éligibles au régime mère-fille que perçoivent les sociétés membres d’un groupe, d’autres membres du groupe ou de sociétés établies dans un autre État de l’Union ou de l’espace économique européen.

Dans ces deux cas de mise en conformité – ISF-PME et arrêt Steria –, les finances publiques ne supporteront aucun coût. Une solution de facilité aurait pu consister à financer par la dette ces adaptations techniques demandées par le droit de l’Union : ce n’est pas ce que propose le Gouvernement. Celles-ci doivent être réalisées dans le respect des intérêts financiers de l’État et ne doivent pas représenter de contribution supplémentaire pour les contribuables.

Un autre volet de ce texte concerne la fiscalité agricole. Vos collègues députés, comme le Gouvernement, ont introduit un certain nombre d’amendements relatifs, notamment, au dispositif de déduction pour aléas – DPA – ou aux régimes d’imposition forfaitaire, avec un abattement correspondant. Ces dispositions ont fait l’objet d’un travail important avec les organisations syndicales, dont je crois pouvoir dire qu’elles les approuvent largement dans leur version adoptée par l’Assemblée nationale.

Enfin, parmi les nombreuses mesures fiscales de ce texte, la réforme de la surtaxe sur les terrains à bâtir n’est pas la moins importante. Cette taxe, introduite par la précédente majorité, vise à libérer le foncier. Si nous partageons cet objectif, il est apparu toutefois qu’elle avait été mal calibrée. Nous avions déjà resserré son application aux 618 communes les plus tendues, où le déséquilibre entre l’offre et la demande de logements est le plus marqué. Nous en avions également exclu les terrains agricoles.

Cependant, le dispositif, qui s’est appliqué pour la première fois en 2015, était à la fois disproportionné et insuffisamment incitatif, en raison d’un manque d’information des contribuables. Nous proposons donc une réforme en deux temps, dont nous aurons l’occasion de préciser ultérieurement les détails.

J’en viens au volet budgétaire de ce projet de loi de finances rectificative.

Tout d’abord, les dépenses de l’État sont tenues en 2015, comme prévu. Je rappelle que l’objectif fixé dans le cadre de la loi de finances initiale était ambitieux : la baisse de 4,5 milliards d’euros de la dépense sous normes, hors charges de la dette et pensions, grâce à la première tranche du plan d’économies de 50 milliards d’euros sur trois ans.

En cours d’année, nous avons mis en œuvre un plan d’économies complémentaires de 4 milliards d’euros visant l’ensemble des administrations publiques, pour compenser l’effet de la moindre inflation. Dans le cadre de ce plan, nous avons revu à la baisse de 700 millions d’euros l’objectif de dépenses de l’État.

Toujours en cours d’année, nous avons engagé un ensemble de dépenses nouvelles, principalement pour la sécurité et l’emploi des Français. Ce sont ainsi près de 800 millions d’euros de dépenses qu’il a fallu financer par des économies supplémentaires, dans le décret du mois d’avril, ainsi que par une mise en réserve complémentaire de crédits.

Pour cette année, nous visons à la fois une baisse globale de la dépense de l’État, peut-être sans précédent, et la mobilisation en urgence de nouveaux moyens ciblés. Ce projet de loi de finances rectificative démontre qu’il est possible de viser simultanément ces deux objectifs.

Après avoir financé les dépenses nouvelles, il s’agit maintenant de couvrir les surcoûts traditionnellement constatés en fin d’année, principalement le financement des apurements agricoles communautaires, des opérations extérieures – les OPEX – et des emplois aidés.

Pour cela, ce sont près de 2,1 milliards d’euros d’annulations de crédits qui doivent être mises en œuvre dans ce projet de loi de finances rectificative et dans le décret d’avance paru fin novembre, après avis de la commission des finances du Sénat.

Nous avons traversé une année mouvementée, et cela s’est traduit dans le budget de l’État. Nous avons en effet mobilisé des moyens exceptionnels pour la sécurité des Français, fait qui s’est ajouté aux aléas traditionnels que l’on rencontre lorsque l’on exécute un budget.

Les redéploiements effectués tout au long de l’année ont certes été plus importants que l’an dernier, mais nous les avons entièrement financés par des économies, et ce projet de loi le démontre de nouveau.

Concernant les recettes, tout au cours de l’année, certains ont joué les Cassandre en nous annonçant des moins-values de plusieurs milliards d’euros. Ces prédictions n’étaient fondées sur aucune analyse sérieuse. Au contraire, au cours des débats à l’Assemblée nationale, nous avons revu à la hausse la TVA de 830 millions d’euros et les successions de 200 millions d’euros. Grâce à ces recettes supplémentaires, nous vous proposons d’apurer la dette de l’État envers la sécurité sociale.

En un mot, qu’indiquent les chiffres ? Ils nous disent que les recettes sont dans la ligne de nos prévisions, et que la dépense est tenue. En conséquence, le déficit de l’État se réduit de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale ; c’est désormais une baisse de 12,3 milliards d’euros du déficit de l’État que nous anticipons en 2015 par rapport à 2014.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, telles sont les principales lignes de ce projet de loi de finances rectificative, et encore n’ai-je pas été exhaustif. J’aurais ainsi pu évoquer l’importante réforme des garanties à l’exportation, dont nous reparlerons à l’occasion de l’examen des articles.

Ce projet de loi poursuit également les réformes dans le champ fiscal, avec notamment une réforme majeure de la fiscalité écologique. Il poursuit les efforts déployés tout au long de l’année pour maîtriser la dépense de l’État tout en faisant face aux enjeux d’actualité qui peuvent exiger de nouvelles dépenses, notamment, je le répète, en matière de sécurité.

C’est enfin un projet de loi qui constate, n’en déplaise à certains, l’amélioration de la situation de nos finances publiques tout au long de l’année 2015. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après avoir consacré de nombreuses séances à l’examen du projet de loi de finances pour 2016, le Sénat en vient à la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2015, dont l’adoption marquera dans quelques jours la fin de notre marathon budgétaire.

Ce collectif budgétaire, qui comportait 47 articles dans sa version initiale, en contient désormais 110 après son passage à l’Assemblée nationale. L’ajout d’un grand nombre d’articles additionnels, le plus souvent sur l’initiative du Gouvernement, nuit à la qualité du travail législatif : nous en parlions à l’instant lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances, ni nos collègues députés, qui découvrent la plupart des amendements en séance, ni nous-mêmes n’avons les moyens d’expertiser des dispositions parfois très complexes dans les délais extrêmement brefs qui nous sont impartis.

Plus que jamais, le collectif budgétaire fait donc figure de voiture-balai législative, et le nombre de cavaliers budgétaires, que la commission vous proposera d’ailleurs de supprimer, en témoigne.

À cela s’ajoutent, particulièrement cette année, des effets de miroir entre le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative qui conduisent à des difficultés de coordination entre ces deux textes. Je songe aux mesures relatives à la fiscalité énergétique, à l’éligibilité des investissements dans le haut débit des collectivités territoriales au FCTVA, le Fonds de compensation pour la TVA, ou encore, entre autres sujets, à la fiscalité agricole. Les limites de ces exercices croisés sont incontestablement atteintes.

Ces observations de méthode étant faites, j’en viens au contexte économique et à l’équilibre général de ce projet de loi de finances rectificative.

Au cours de cette année, l’activité économique a progressé dans les pays de la zone euro, en raison notamment du recul du prix du pétrole et de la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne qui a permis une diminution des taux d’intérêt et du taux de change de l’euro. Cependant, la croissance aura été de seulement 1 % dans notre pays, contre 1,5 % dans la zone euro. L’activité tarde à redémarrer, et le taux de chômage correspond à 10,6 % de la population active au troisième trimestre 2015, soit son niveau le plus élevé depuis 1997.

L’exercice 2015 a été marqué par une amélioration limitée de la situation budgétaire. Le solde effectif devrait représenter 3,8 % du PIB, soit 0,3 point en deçà de la prévision retenue par la loi de finances initiale. Cette bonne performance au regard des prévisions initiales est intégralement imputable à la révision du solde public de l’année 2014 : le solde effectif n’aura été réduit que de 0,1 point de PIB cette année et l’ajustement structurel, de 0,4 point de PIB, aura été inférieur à celui que recommandait le Conseil de l’Union européenne. Cela a été relevé par la Commission européenne dans son avis du 16 novembre 2015 sur le programme budgétaire de la France.

Compte tenu de ces éléments, la part de la dette publique dans la richesse nationale continuera d’augmenter. Le Gouvernement prévoit que celle-ci atteigne 96,3 % du PIB, soit 0,7 point de PIB de plus qu’en 2014.

Pour ce qui concerne le budget de l’État, les recettes fiscales nettes devraient s’élever à 278,7 milliards d’euros cette année, en baisse de 400 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale, et les dépenses du budget général, hors dette et pensions, seraient supérieures de 1,3 milliard d’euros par rapport à l’objectif du Gouvernement. Le détail de ces écarts à la prévision figure dans le rapport de la commission.

La norme de dépenses « zéro valeur » ne serait respectée qu’au prix d’un prélèvement de 255 millions d’euros sur la trésorerie du Fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA, et d’économies de constatation sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, soit 1 milliard d’euros. De même, la norme dite « zéro volume » ne serait pas dépassée grâce à des annulations sur la charge de la dette à hauteur de 2 milliards d’euros.

Hors dépenses exceptionnelles, le solde budgétaire serait dégradé de 3 milliards d’euros par rapport à 2014, le déficit atteignant 73,3 milliards d’euros.

Je rappelle enfin que la commission des finances a eu l’occasion, en donnant son avis sur le projet de décret d’avance du 27 novembre dernier, de souligner l’importance du schéma de fin de gestion. Ce sont près de 6 milliards d’euros de crédits qui devraient être ouverts par le décret d’avance et par le projet de loi de finances rectificative, auxquels il faut ajouter 1,1 milliard d’euros de redéploiement des fonds issus du programme d’investissements d’avenir, le PIA, soit un total de 7,1 milliards d’euros. Les arbitrages de la loi de finances initiale ne sont plus respectés. J’en veux également pour preuve l’ampleur de la mise en réserve de crédits, à hauteur désormais de 8 % des crédits initiaux, qui permet de modifier sensiblement en cours d’année les orientations présentées en loi de finances initiale.

J’en viens maintenant aux articles du collectif budgétaire. Les mesures les plus importantes concernent la fiscalité énergétique, avec la réforme de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, et la modulation des tarifs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques pour le gazole et l’essence.

Lors du débat sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, le Sénat avait appelé de ses vœux une rebudgétisation de la CSPE, afin que le Parlement puisse enfin se prononcer sur une imposition qui pèse sur nos concitoyens à hauteur de 6,2 milliards d’euros cette année, et qui a vocation à croître à la mesure des charges à compenser. On peut s’interroger sur la constitutionnalité de cette imposition, qui n’est pas votée par le Parlement.

Notre appel a été entendu, mais tardivement. On peut s’étonner qu’une telle disposition ne figure pas dans le projet de loi de finances initiale pour 2016, et que la création d’un nouveau compte d’affectation spéciale, mesure relativement inédite, ainsi que d’un nouveau programme au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ait été réalisée lors de la nouvelle lecture par l’Assemblée nationale.

En tout état de cause, la commission des finances proposera, en coordination avec la commission des affaires économiques, dont je salue le président, d’aller plus loin, afin que le Parlement détermine le plafond et la répartition des charges à compenser en matière d’énergies renouvelables, et ne soit plus placé dans la situation de simple comptable des décisions prises par d’autres.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cela permettrait de respecter à la lettre l’article 34 de la Constitution, car c’est au Parlement, et non à une commission, si compétente soit-elle, qu’il revient de fixer l’assiette des impositions.

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission proposera également au Gouvernement de respecter ses engagements en termes de convergence des fiscalités sur l’essence et le diesel, en rétablissant la baisse de 1 centime d’euros de la TICPE sur l’essence dès 2016, et non sur une partie simplement des essences.

Enfin, elle proposera de compenser la hausse de la contribution climat-énergie prévue en 2017 par un allégement de la CSPE, afin d’assurer sa neutralité sur le plan fiscal, ce qui était déjà prévu dans l’article 1er de la loi de transition énergétique pour la croissance verte, que nous respecterons donc formellement.

La commission présentera ensuite des amendements relatifs au régime fiscal de l’ISF-PME, visant notamment à l’orienter davantage vers les PME qui prennent des risques et qui ont le plus besoin de soutien, en excluant les activités de promotion immobilière – elles en sont normalement exclues, mais manifestement cette exclusion n’est pas respectée – et les activités qui bénéficient d’ores et déjà d’aides publiques. Elle proposera également que les frais des intermédiaires soient plafonnés.

Pour ce qui concerne la taxe pour la création de bureaux, de locaux commerciaux et de locaux de stockage en Île-de-France, elle proposera de revenir sur certaines dispositions adoptées par l’Assemblée nationale qui ne lui semblent pas pertinentes.

La commission proposera aussi la suppression de l’élargissement de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, aux commerces établis avant 1960, car, si cette imposition était mise en œuvre, elle pénaliserait des commerces de centre-ville qui souffrent déjà de difficultés économiques accrues dans la conjoncture actuelle et d’une fiscalité très élevée. Cela accroîtrait également sans doute la différence de traitement entre le commerce traditionnel et le e-commerce, qui n’est pas taxé de ce point de vue.

La commission reviendra sur des allégements fiscaux adoptés par l’Assemblée nationale et qui ne lui semblent pas pertinents, comme l’application rétroactive de la TVA à 2,1 % sur la presse en ligne, ou encore l’instauration d’un taux réduit de TVA sur les spectacles et concerts dans les discothèques.

Elle proposera également de supprimer la majoration obligatoire de taxe foncière pour les terrains constructibles situés en zones tendues, en la rendant facultative et en annulant pour 2015 les désastreux effets d’une réforme à laquelle le Sénat s’était opposé.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Enfin, la commission proposera la suppression de la réforme relative aux organismes de gestion agréés, dont elle n’a pu avoir connaissance que trop tardivement, de même que l’Assemblée nationale, qui l’a d’ailleurs refusée, réforme qui semble totalement contradictoire avec les dispositions votées il y a un an à peine, sans que rien ne permette de justifier ce changement d’orientation.

Au final, fort de ses 110 articles, le collectif budgétaire apparaît malheureusement comme un texte sans unité et sans ligne directrice, mais la commission des finances et les différents intervenants s’efforceront d’en améliorer, autant que faire se peut, la cohérence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UDI-UC.)

M. Vincent Capo-Canellas. De la lumière ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Carrère. Oui, un peu de lumière ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Claude Lenoir, président de la commission des affaires économiques, rapporteur pour avis. J’ai noté les noms de ceux qui m’ont désigné ! (Mêmes mouvements.)

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j’ai l’honneur de rapporter l’avis de la commission des affaires économiques sur le volet consacré à la fiscalité de l’énergie contenu dans le projet de loi de finances rectificative qui nous est ici proposé. Il s’agit essentiellement de la réforme de la CSPE et de la fiscalité sur les carburants.

Concernant la CSPE, chacun le sait, une réforme était nécessaire, et elle était d’ailleurs attendue depuis longtemps.

La CSPE a été créée, non pas comme on le lit souvent par la loi de 2003, mais par la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, sous une autre appellation, puisqu’il s’agissait à l’époque du « fonds du service public de la production d’électricité », ou FSPE.

Devenue CSPE, cette contribution vise à soutenir le développement des énergies renouvelables, mais elle participe également au financement de la péréquation tarifaire, de la cogénération, des tarifs sociaux, du poste de médiateur national de l’énergie…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sans oublier les îles !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Bref, c’est devenu un fourre-tout !

À son instauration, en 2003, la CSPE représentait pour les clients des opérateurs d’énergie électrique un prélèvement de 4,50 euros par mégawattheure. Aujourd’hui, c’est 22,50 euros ! Cette véritable explosion est due, pour l’essentiel, au développement très important des énergies renouvelables, en particulier du photovoltaïque et de l’éolien.

En outre, la CSPE souffre d’un certain nombre d’inconvénients, à commencer par l’absence de contrôle démocratique par le Parlement. Ce dispositif est également exposé sur le plan juridique, ce dont témoigne l’abondance des contentieux qui s’y rapportent : songez que plus de 55 000 sont pendants auprès de la Commission de régulation de l’énergie, et 14 000 devant les tribunaux administratifs, sans compter la contestation élevée par la Commission européenne ! Au surplus, cette contribution n’est absolument pas maîtrisée.

Autant de raisons, mes chers collègues, qui rendaient une réforme nécessaire. Elle était annoncée depuis longtemps, la voici.

Quant à son architecture, la totalité des membres de notre assemblée s’accordent à trouver cohérents les choix opérés, qui s’ordonnent autour de trois orientations.

En premier lieu, la CSPE sera budgétisée, c’est-à-dire rapatriée au sein du budget général de l’État, sans que les consommateurs y échappent pour autant, puisqu’elle sera entièrement répercutée sur eux - le périmètre est donc constant.

En deuxième lieu, le dispositif sera sécurisé sur le plan juridique, au moyen d’un adossement à la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, ou TICFE, créée par la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi NOME ; ce système nous mettra à l’abri des contentieux dont je viens de parler, même s’il n’est pas lui-même sans inconvénient.

En troisième lieu, l’assiette est élargie, puisque la « taxe carbone » – en fait, la contribution climat-énergie – renforcera les moyens mis en œuvre pour soutenir, notamment, les énergies renouvelables.

Quel est donc, monsieur le secrétaire d’État, l’avis de la commission des affaires économiques sur votre dispositif, que, au demeurant, elle a eu très peu de temps pour examiner ?

Avant tout, nous considérons qu’il n’est pas acceptable que cette réforme intervienne maintenant.

M. François Marc. Ce n’est jamais le bon moment !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, il faut voir que le rendement de cette contribution est supérieur à celui de l’impôt de solidarité sur la fortune !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En effet : 6 milliards d’euros !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Et c’est à la faveur d’un article du projet de loi de finances rectificative pour 2015 que l’on réformerait un dispositif destiné à valoir pour les années qui viennent ?

Ensuite, monsieur le secrétaire d’État, nous demandons que le Parlement ait son mot à dire sur cette contribution, fût-elle renommée et réaffectée au budget général de l’État à travers un compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » et un programme « Service public de l’énergie ».

Dans cet esprit, nous défendrons un amendement tendant à redonner la parole au Parlement : il s’agirait, si vous en êtes d’accord, de nous permettre de fixer, dans le cadre de la loi de finances initiale, à la fois un plafond de dépenses de soutien aux énergies renouvelables, ainsi qu’un plafond, en volume, des capacités de production.

Si vous nous refusiez ce pouvoir, monsieur le secrétaire d’État, vous réduiriez le Parlement à un rôle de comptable. Chaque année, en effet, nous ne serions appelés qu’à constater les engagements pris par le Gouvernement, à travers les résultats d’appels d’offres pour ce qui est des énergies renouvelables, ainsi que les dépenses liées au guichet ouvert à un certain nombre d’opérateurs, et à voter un taux constatant le montant des dépenses pour déterminer le montant des ressources. Ce n’est pas acceptable !

De là l’importance de l’amendement que nous examinerons demain matin, présenté par la commission des affaires économiques pour restaurer l’autorité et la légitimité du Parlement sur une dépense aussi importante.

J’en viens aux dispositions du projet de loi de finances rectificative relatives à la contribution climat-énergie.

Monsieur le secrétaire d’État, la « contribution carbone », comme on l’appelle communément, rapportera davantage que ce que vous annoncez aujourd’hui : les calculs auxquels nous avons procédé permettent d’avancer que le montant prélevé s’élèverait à 755 millions d’euros en 2017, quand vous avez prévu 163 millions d’euros, et atteindrait 1,6 milliard d’euros l’année suivante.

Or, comme M. le rapporteur général l’a rappelé il y a quelques instants, l’article 1er de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe un principe de compensation : l’effet de la contribution doit être neutre. C’est pourquoi la commission des affaires économiques proposera que la différence entre les recettes qui seront constatées et les prévisions du Gouvernement soit entièrement affectée à la nouvelle CSPE, que, par ailleurs, nous proposerons d’appeler « contribution au financement de la transition énergétique », un intitulé qui me paraît plus conforme à la réalité que l’actuel. De la sorte, la contribution réformée sera diminuée et aura, conformément à la loi, un effet neutre pour les consommateurs.

En ce qui concerne le travail mené pour sécuriser la contribution sur le plan juridique, j’attire votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur les industriels électro-intensifs non exposés à la concurrence internationale, qui vont devoir payer 43 millions d’euros supplémentaires. Il convient aujourd’hui d’être très attentif à cette conséquence de la réforme, que nos simulations ont fait apparaître.

Au sujet de la fiscalité sur les carburants, la commission des affaires économiques a longuement débattu du projet du Gouvernement d’augmenter le prix du diesel et de diminuer celui du carburant additionné d’éthanol à 10 %, en s’attachant notamment à l’aspect industriel de cette réforme. Aujourd’hui, les constructeurs automobiles sont très exposés. Or nos deux grands champions dans ce domaine, Renault et PSA Peugeot Citroën, sont particulièrement préoccupés par les conséquences de ces mesures et d’un certain nombre d’autres qui ont été annoncées ; nous aurons l’occasion d’en reparler.

Il me reste quelques instants pour aborder une autre question que M. le secrétaire d’État a évoquée : la fiscalité agricole.

Le Sénat a adopté hier la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, présentée par moi-même et une grande majorité des membres de notre assemblée. Nous avons observé avec un certain plaisir, et même une gourmandise certaine, que le Gouvernement, après avoir manifesté à l’égard de notre initiative de grandes réticences – le mot est faible –, et même fait montre d’agacement en voyant la majorité du Sénat s’intéresser aux questions agricoles, avait finalement repris à son compte un certain nombre de nos propositions dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015.

Je le remercie d’avoir reconnu que nous avions vu juste et que nos propositions étaient utiles à l’agriculture… Oui, je remercie le Gouvernement d’avoir tenu compte de l’aspiration du Sénat à remplir son rôle, en prenant des initiatives législatives et en écoutant les préoccupations du monde agricole ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, lors de la conférence des présidents qui s’est tenue hier soir, M. le président du Sénat a rendu hommage au travail accompli par la commission des finances pour organiser dans de bonnes conditions l’examen du projet de loi de finances pour 2016.

Je me demande comment il faudrait s’y prendre pour améliorer les conditions d’examen des projets de loi de finances rectificative de fin d’année… Je me le demande d’autant plus quand je considère les délais très brefs qui nous sont prescrits, alors que certaines mesures justifieraient des travaux préparatoires approfondis et des auditions – en somme, un vrai travail législatif.

M. André Gattolin. C’est vrai !

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Au-delà de cet enjeu de méthode, je voudrais m’intéresser, non pas tant aux mesures fiscales contenues dans le projet de loi de finances rectificative – nous en débattrons lors de l’examen des articles –, qu’à la raison d’être du collectif budgétaire de fin d’année : l’ajustement des recettes et, surtout, des dépenses pour assurer le respect des objectifs de solde et de dette.

Ce qui ressort du présent projet de loi de finances rectificative, c’est la qualité du pilotage de nos finances publiques, dans le cadre d’une trajectoire crédible qui nous permet d’emprunter à moindre coût sans verser dans l’austérité.

Si l’on apprécie les finances publiques au niveau de l’ensemble des administrations publiques, que retient-on de l’exercice budgétaire 2015 ?

En premier lieu, que le Gouvernement est parvenu à concilier amélioration de la situation budgétaire et diminution des prélèvements obligatoires. Ainsi, les prélèvements pesant sur les entreprises auront été réduits de 24 milliards d’euros, grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, au pacte de responsabilité et aux mesures en faveur de l’investissement. Quant à la fiscalité directe pesant sur les ménages, son poids a commencé à décroître au cours de l’exercice qui va s’achever. Résultat : au total, le taux de prélèvements obligatoires est passé de 44,9 à 44,5 % du PIB.

En deuxième lieu, on retient que la baisse des prélèvements sans dégradation du déficit a été rendue possible par la maîtrise des dépenses. En effet, le Gouvernement est parvenu à ralentir significativement le rythme de progression de la dépense publique en valeur : alors qu’elle a crû de 3,4 % en moyenne entre 2007 et 2011, elle a augmenté de 2,1 % par an entre 2012 et 2014, et seulement de 1,1 % en 2015. S’agissant de la hausse de la dépense en volume, la comparaison est tout aussi flatteuse.

En troisième lieu, le déficit effectif pour 2015 est inférieur à la prévision inscrite dans la loi de finances initiale : il doit s’élever à 3,8 %, au lieu de 4,1 %. De même, la part de la dépense publique dans la richesse nationale est moins importante que ce que prévoyait la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, adoptée voilà un an : la dépense publique représente 55,8 % du PIB, alors que ce ratio était anticipé à 57,5 % en prévision initiale.

La bonne maîtrise de la dépense publique a reposé sur la mise en œuvre du programme de 50 milliards d’euros d’économies pour la période 2015-2017, qui devait être réalisé à hauteur de 18,6 milliards d’euros en 2015. Les moindres économies liées au ralentissement de l’inflation ont été intégralement compensées par des mesures complémentaires, d’un montant de 4 milliards d’euros, annoncées dans le cadre du programme de stabilité transmis en avril dernier aux institutions européennes.

Si l’on s’intéresse maintenant au budget de l’État proprement dit, quels constats peut-on dresser ?

D’abord, le Gouvernement a atteint ses objectifs budgétaires pour 2015 : les dépenses totales de l’État ont été revues à la baisse pour 2 milliards d’euros et le solde budgétaire de l’État a été amélioré de 1,1 milliard d’euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2015. Dans le même temps, les engagements pris lors de la révision de la loi de programmation militaire ont été tenus et les crédits budgétaires attendus sont au rendez-vous.

Ensuite, le Gouvernement a fait preuve de prudence dans ses prévisions fiscales, puisque les recettes de l’État sont conformes aux estimations sur lesquelles a été bâtie la loi de finances initiale.

En outre, le Gouvernement redonne des marges de manœuvre aux entreprises à travers le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont la montée en charge plus rapide que prévu témoigne de la bonne appropriation par les entreprises – un succès que notre commission avait déjà constaté au printemps dernier, lors de sa journée de travail « hors les murs » à Toulouse.

Par ailleurs, le Gouvernement a lancé plusieurs réformes favorables au pouvoir d’achat des ménages aux revenus modestes et moyens. Ainsi, après leur avoir accordé une réduction exceptionnelle de 1,1 milliard d’euros de leur impôt sur le revenu, décidée en loi de finances rectificative pour 2014, le Gouvernement a supprimé la première tranche du barème dans le cadre de la simplification de cet impôt opérée dans la loi de finances pour 2015 ; au total, l’allégement se monte à 3 milliards d’euros.

Enfin, la lutte contre la fraude, qui est une action essentielle, porte ses fruits au-delà des prévisions initiales : 2,7 milliards d’euros de recettes sont attendus à ce titre, soit 400 millions d’euros de plus que prévu.

J’ajoute que le projet de loi de finances rectificative pour 2015 offre une nouvelle illustration de l’ambition réformatrice du Gouvernement, puisqu’il ouvre enfin la voie à la réforme du financement du service public de l’électricité et avance sur le chemin de la révision des valeurs locatives.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à soutenir le Gouvernement et son texte lors de la discussion des articles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. le rapporteur général de la commission des finances et M. Gérard Longuet applaudissent également.)

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour la discussion de ce projet de loi de finances rectificative pour 2015 peu après l’examen du projet de loi de finances pour 2016.

Monsieur le secrétaire d’État, nous ne reprendrons pas tout ce que nous avons pu dire sur la situation du pays, sur la situation des finances publiques, sur l’emploi et la compétitivité lors de la discussion générale et lors de l’examen du projet de loi de finances.

Nous nous situons en effet dans la suite de ce texte, encore que le projet de loi de finances rectificative porte bien mal son nom : en réalité, il est autant rectificatif pour 2015 qu’il est prescriptif et modificatif pour 2016. À peine venons-nous d’achever l’examen du projet de loi de finances que le Gouvernement nous propose de revoir sa copie pour l’année prochaine !

Il y a là un double mystère sur lequel nous devrions nous interroger. D’une part, le Gouvernement choisit de reporter au collectif budgétaire de l’année écoulée des dispositions qui concernent en réalité l’année suivante. Je vous concède volontiers, monsieur le secrétaire d’État, que ce phénomène ne date pas d’aujourd’hui, mais tout de même… !

D’autre part, et comme souvent, le texte initial du collectif budgétaire triple de volume en première lecture à l’Assemblée nationale. Je vous concède là encore, monsieur le secrétaire d’État, que les nouveaux articles sont fréquemment introduits sur l’initiative des députés. Toutefois, reconnaissons que l’inspiration des députés n’est parfois pas strictement personnelle et que le Gouvernement se saisit d’un certain nombre de perches à cette occasion. Ainsi, on évite que le Conseil d’État ne mette son nez dans les textes que nous sommes amenés à adopter.

Mes chers collègues, peut-être serait-il nécessaire de fixer une règle simple : seules les dispositions de l’année en cours devraient figurer dans le collectif budgétaire, les mesures qui concernent l’année suivante devant être réservées au projet de loi de finances. L’examen des textes budgétaires par le Parlement en serait ainsi facilité.

Pour poursuivre sur des considérations de méthode, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour indiquer qu’il n’est pas facile – Mme la présidente de la commission vient d’ailleurs d’en parler – de discuter d’un texte qui a été adopté par l’Assemblée nationale il y a seulement deux jours et qui n’a été examiné ici en commission qu’hier.

J’en viens maintenant aux deux principaux aspects à retenir sur le fond de ce texte.

En premier lieu, ce collectif budgétaire comporte évidemment des éléments sur l’exécution de la loi de finances initiale et sur la situation de nos finances publiques en cette fin d’année. Heureusement, c’est tout de même l’objet premier de ce texte !

Permettez-moi une remarque liminaire à ce sujet : l’objectif fixé dans la trajectoire budgétaire que nous devons respecter a été repoussé à trois reprises. On se réjouit donc que le Gouvernement atteigne enfin sa cible ! Après tout, il n’est pas illogique qu’il y parvienne après avoir, par trois fois, modifié cette trajectoire et repoussé la cible à atteindre. Il n’y a certes pas lieu de pousser des cris d’enthousiasme, monsieur le secrétaire d’État, mais on doit vous donner acte du fait que vous trouvez globalement dans la trajectoire budgétaire annoncée.

M. François Marc. C’est toujours mieux que rien !

M. Vincent Capo-Canellas. Cela étant dit, respecter l’objectif de 3,8 % de déficit cette année ne constitue qu’un effort modeste. En effet, cet objectif n’est inférieur que de 0,1 point à l’objectif fixé en 2014 et ne représente en réalité qu’un effort de 1 milliard d’euros : on passe ainsi d’un déficit de 74,4 milliards d’euros en 2014 à un déficit de 73,3 milliards d’euros en 2015. Dont acte !

Cela n’est pas – me semble-t-il – à la hauteur des enjeux et de la situation réelle de nos finances publiques, puisque notre pays a, outre ce déficit de 74 milliards d’euros, plus de 2 000 milliards d’euros de dette et 5 millions de chômeurs !

La performance française n’est guère flamboyante en matière budgétaire : il faut comparer nos 3,8 % de déficit avec le niveau moyen de déficit constaté dans la zone euro, qui s’élevait à 2,6 % en 2014 et s’établit à 2 % en 2015. La France est aujourd’hui lanterne rouge dans ce domaine et reste en retard par rapport au reste de l’Europe !

À ce stade, il convient d’évoquer les deux risques que court la France : le premier d’entre eux est l’effet potentiel des attentats sur la croissance – nous ne saurions évidemment le reprocher au Gouvernement – que l’INSEE chiffre à 0,1 point. Nous devons tous rester attentifs par rapport à une situation dont nous aurons à mesurer les conséquences, compte tenu du drame que nous avons vécu.

Le second risque est lié à la dégradation de 3 milliards d’euros du solde budgétaire, qu’a soulignée M. le rapporteur général en commission. Il faudra évidemment attendre le projet de loi de règlement pour juger véritablement de cette détérioration budgétaire et pouvoir comparer les chiffres de loi de règlement à loi de règlement.

Malgré tout, c’est un signal d’alerte, tout comme l’est le constat selon lequel la maîtrise des dépenses publiques est en grande partie due à des événements : l’annulation de 2 milliards d’euros sur la charge de la dette, qui est la bienvenue, même si nous habituer à la faiblesse actuelle des taux peut représenter un danger, et la réduction de 1 milliard d’euros sur le prélèvement européen, soit au total 3 milliards d’euros qui permettent au Gouvernement d’atteindre pour l’essentiel son objectif en dépenses.

En vérité, la baisse des dépenses publiques est très relative et l’amélioration du solde structurel évolue selon un rythme qui se relâche quelque peu.

En second lieu, le présent projet de loi de finances rectificative comporte des mesures nouvelles qui font de ce texte un projet de loi de finances bis. C’est de bonne guerre, monsieur le secrétaire d’État, mais il faut encore une fois le souligner !

Ce texte comporte un bloc de mesures sur la fiscalité écologique, dont M. le président de la commission des affaires économiques, et ici rapporteur pour avis, notre collègue Jean-Claude Lenoir, a très justement et très longuement parlé.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Longuement, non ! Je n’ai pu en parler que dans le peu de temps qui m’était imparti !

M. Vincent Capo-Canellas. En disant cela, monsieur le président de la commission, je souhaitais simplement insister sur le fait que vous avez choisi de centrer votre intervention sur ce point et que vous avez eu bien raison !

J’estime qu’il faut aller vers davantage de sobriété énergétique. De ce point de vue, les mesures du présent texte vont plutôt dans le bon sens, ce qu’il convient de saluer. Pour autant, il faut rester vigilant, car la transition énergétique doit se faire à fiscalité constante.

Je fais également miennes les remarques exprimées tout à l’heure par M. le rapporteur général. On peut s’interroger sur le rythme avec lequel est menée la transition énergétique : nous avons d’ailleurs des débats entre nous à ce sujet. Lors de l’examen des amendements, ma collègue Chantal Jouanno plaidera pour aller plus vite et plus fort en la matière.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez bien fait de donner de la visibilité au prix de la tonne carbone. Ce n’est pas le maire du Bourget que je suis qui, au moment où la COP 21 s’achemine vers un accord, vous dira d’aller moins vite sur ce dossier, bien au contraire !

M. Jean-Claude Lenoir a livré la réflexion de la commission des affaires économiques sur la contribution au service public de l’électricité, la CSPE. Sur ce sujet, je pense que la commission des finances et la commission des affaires économiques pourraient s’entendre, même si le « calage » est toujours un peu délicat entre nos commissions sur la question de la taxation du diesel et de l’essence. Je pense pourtant qu’il faudrait faire évoluer les choses, en veillant à ce que cette évolution soit comprise de tous.

S’agissant des autres mesures contenues dans le collectif budgétaire, j’aimerais revenir plus particulièrement sur les dispositifs ISF-PME et PEA-PME. Pour résumer le débat en une formule, j’aurais tendance à dire que nous vous trouvons trop restrictif en la matière, monsieur le secrétaire d’État, et qu’il faudrait améliorer les modalités de financement de l’économie et des entreprises, en particulier en direction des PME.

En conclusion, le groupe UDI-UC déplore la méthode qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi de finances rectificative, qui en fait un projet de loi de finances bis.

En outre, nous contestons sinon la réalité des efforts réalisés par le Gouvernement, du moins leur ampleur.

Enfin, nous considérons que les propositions de M. le rapporteur général sur les mesures nouvelles devraient nous permettre d’améliorer le texte transmis par l’Assemblée nationale. En conséquence, nous souhaiterions que le Gouvernement entende les propositions du Sénat ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de finances initiale pour 2016 manquait quelque peu de relief et s’est trouvé pris dans la tourmente née des attentats du 13 novembre et de leurs conséquences, au point que le dogme de la réduction des dépenses publiques semble avoir été sérieusement mis en question.

Le collectif budgétaire pour 2015 revêt, quant à lui, un double aspect.

Tout d’abord, il présente le caractère assez discutable d’une apparente incohérence : celle-ci résulte de l’addition de mesures disparates dont la dimension fiscale est plus ou moins évidente.

Ensuite, le projet de loi de finances rectificative nous permet de nous interroger sur des sujets loin d’être dénués d’intérêt, notamment la fiscalité écologique et le financement des entreprises.

S’agissant du financement des entreprises, je dois avouer que les mesures déclinées au fil des divers articles du texte manquent dramatiquement de toute originalité. En effet, c’est au travers de dispositifs connus en général pour leur relative inefficacité et coûteux pour les finances publiques – je pense en particulier au dispositif ISF-PME – que l’on entend résoudre le problème des fonds propres de nos entreprises.

On note d’ailleurs que le Gouvernement agit de la même façon pour les mesures tendant à réorienter l’épargne – une épargne d’un certain niveau – des SICAV vers le dispositif PEA-PME.

À la vérité, on a l’impression que tous les textes financiers dont nous allons discuter dans les mois et les années à venir sont destinés, entre autres choses, à compléter et à accroître l’attractivité fiscale de ces dispositifs incitatifs, qui n’intéressent pourtant, en général, que quelques dizaines de milliers d’initiés.

Malgré l’appel au financement éthique, le volet sur la fiscalité des placements financiers ne caractérise pas véritablement un collectif budgétaire marqué à gauche. À moins qu’être de gauche signifie être convaincu de la nécessité de faire financer le développement des entreprises par les marchés financiers et non par une juste allocation à moindre coût du crédit bancaire !

Par ailleurs, le volet relatif à la fiscalité écologique est particulièrement intéressant et recouvre plusieurs aspects fondamentaux, avec la création d’un nouveau compte d’affectation spéciale dont les ressources seront en partie liées à la contribution au service public de l’électricité, à l’alourdissement de la fiscalité énergétique par l’intégration de la composante carbone et à l’affectation du produit de la taxe sur les consommations finales d’électricité.

Le problème est que, dans notre pays, il suffit que nous concevions un nouvel ensemble de taxes et d’impôts, qui frappent ici la consommation tant des particuliers que des entreprises, pour que, de suite, des groupes de pression plus ou moins influents se manifestent et demandent à être placés hors de leur champ d’application.

Nous l’avions vu avec l’article 33 bis du projet de loi de finances initiale pour 2016, qui prévoit expressément que soit versée une aide à la consommation d’électricité des industries particulièrement énergivores de ce point de vue, selon l’application d’un principe pollueur-non payeur jusqu’ici rarement invoqué !

Et nous le voyons encore au travers des dispositions de ce texte qui prennent en compte la question des entreprises dites « électro-intensives ».

Cette mauvaise habitude de définir aussi rapidement des exceptions à ce qui devrait être la règle commune brouille l’écoute du citoyen et risque fort de conduire à quelques difficultés lorsqu’il s’agira de faire respecter le trop fameux principe du consentement à l’impôt.

Cela étant dit, au sein du groupe CRC, nous nous posons une question décisive.

La fiscalité écologique constitue déjà une réalité dans notre pays, ne serait-ce que parce nous collectons 26,5 milliards d’euros de TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Dans les faits, celle-ci se trouve utilisée, à hauteur de plus de 11 milliards d’euros, pour compenser, mais mal, les transferts de compétences de l’État vers les collectivités territoriales et, pour un peu plus de 700 millions d’euros seulement, pour financer les alternatives au transport routier.

Et, à cette pression fiscale, nous pourrions ajouter le poids de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la TEOM, qui est payée par les ménages. Cette taxe cumulée avec la TICPE aura un rendement supérieur à l’impôt sur les sociétés en 2016. C’est tout dire !

La création du compte spécial n’est pas sans poser de nouveaux problèmes, notamment quand on connaît la propension des services de Bercy à plafonner le rendement de certaines taxes et à récupérer éventuellement le moment venu les fonds de roulement constitués. Cela se voit régulièrement…

En fait, la voie fiscale, qui semble privilégiée par le Gouvernement pour atteindre les objectifs que la France semble décidée à se donner à l’issue de la COP 21, ne devrait pas être empruntée de cette manière.

En matière de protection de l’environnement et de développement des énergies renouvelables, un pays comme la République fédérale d’Allemagne doit beaucoup, par exemple, à un organisme bancaire parapublic qui, avec les subsides du « plan Marshall » à l’époque, a largement contribué au redressement du pays entre 1949 et 1989.

Nous pourrions nous livrer à une revue de détail des instruments utilisés actuellement à la fois pour le financement des entreprises et pour la transition énergétique.

Outre le fait que la consolidation des résultats bénéficiaires au sein des fonds propres suffirait parfois à les renforcer – moyennant une moindre appétence pour la distribution de dividendes ! –, on constate que le recours au crédit bancaire, qui est relativement peu onéreux ces derniers temps, pourrait fort bien constituer une solution pour régler le problème du financement des entreprises.

Ne serait-ce que parce que la Banque centrale européenne inonde les marchés de 60 milliards d’euros tous les mois dans le cadre de sa politique dite « d’assouplissement quantitatif », mais aussi parce que, malgré la baisse de leur taux de rémunération, 100 milliards d’euros d’encours du livret A et du livret de développement durable sont disponibles pour répondre aux besoins de financement de nos entreprises !

Comparons donc les sommes levées grâce aux PEA, à l’ISF-PME ou à la loi Madelin, à l’encours des livrets défiscalisés et le coût de la dépense fiscale associée.

Nous pouvons même imaginer mettre en circulation un nouveau livret d’épargne défiscalisé, qui serait destiné à la transition énergétique et qui pourrait, par exemple, financer les travaux d’isolation et de performance énergétique des logements des particuliers, certaines grandes opérations d’infrastructure proposant une alternative à la route, ou encore l’acquisition de véhicules peu polluants, hybrides ou encore électriques.

Nous n’avons pas déposé d’amendement pour défendre cette proposition, mais nous ne manquerons pas d’y revenir et souhaitions, dès ce jour, mettre le sujet en débat.

Pour le reste, outre quelques sujets sur lesquels nous nous positionnerons face aux intentions de M. le rapporteur général, nous attendons de voir ce qu’il adviendra de nos amendements dans le débat pour faire évoluer notre opposition de fond à l’adoption de ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. « Pour résoudre la crise climatique, je vous le dis franchement : les bons sentiments, les déclarations d’intention ne suffiront pas, nous sommes au bord d’un point de rupture ». Ces mots, monsieur le secrétaire d’État, ne sont pas ceux d’un écologiste exalté, assigné à résidence ; ces mots sont ceux par lesquels le Président de la République a ouvert la conférence de Paris pour le climat. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Richard Yung. Très bien !

M. André Gattolin. À l’évidence, ils appellent une inflexion majeure de notre modèle de développement, dont nous attendons, année après année, la traduction législative, en particulier fiscale.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré la gravité de l’enjeu, perçue à la tête de l’État, le Gouvernement a décidé – pour quelle raison ? - d’exclure la fiscalité écologique de la discussion budgétaire et de l’aborder, quelque peu à la va-vite, dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative. Un projet de loi de finances de rattrapage, en somme, que le calendrier ne nous permet pas d’examiner avec le sérieux qu’il mériterait !

Que trouve-t-on dans ce texte, au milieu de la grosse centaine d’articles qui le composent désormais ?

D’abord, le prix de la tonne de carbone pour 2017, mais pour cette seule année.

Alors que le Gouvernement prône, à longueur de débat budgétaire, la nécessité d’offrir aux entreprises une visibilité de long terme sur la fiscalité, il semble cette fois privilégier l’effet de surprise ! Pourtant, chacun sait bien que le principe même de la contribution climat-énergie consiste à envoyer un signal de long terme, pour permettre aux acteurs économiques de programmer leur adaptation.

Vraiment, monsieur le secrétaire d’État, je peine à comprendre…

De plus, ce texte pérennise et accroît les exceptions au principe d’universalité de la contribution climat-énergie.

Alors que les particuliers seront touchés par la hausse de cette contribution, l’aviation reste épargnée et les entreprises électro-intensives y gagnent même une nouvelle exonération.

« C’est l’enjeu de l’introduction progressive du prix du carbone pour que les émissions de gaz à effet de serre aient un coût qui corresponde aux dommages infligés à la planète ; et pour que les choix d’investissement soient peu à peu modifiés. » Là encore, ces mots sont ceux du Président de la République !

Alors pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, en quoi votre projet de loi permet, pour l’aviation et l’industrie électro-intensive – deux secteurs très producteurs de carbone –, une correspondance entre coût et dommages, et une modification des choix d’investissement ?

Les adaptations et les mutations, je vous l’accorde, sont rarement simples. Mais quand la voiture à moteur est apparue, il a bien fallu, à l’époque, procéder à la reconversion des manufactures de fiacres ! Pourtant, nos externalités négatives ne se limitent pas aujourd’hui, et tant s’en faut, à du crottin sur la chaussée !

En revanche, s’agissant de l’électricité, je me félicite de la budgétisation de la CSPE.

Les écologistes ont suffisamment dénoncé le déni de démocratie ayant prévalu dans le choix de nucléariser la France pour ne pas approuver l’affirmation du rôle du Parlement dans la définition de la politique énergétique.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Article 34 de la Constitution !

M. André Gattolin. Pour autant, nous serons très attentifs à ce que cette évolution ne se traduise pas par une entrave au développement des énergies renouvelables, à un moment où le réacteur pressurisé européen, l’EPR, semble se voir offrir, pour reprendre une expression devenue populaire grâce à M. le secrétaire d’État, un open bar en matière de crédits !

Les énergies renouvelables, les transports collectifs, l’agriculture biologique ont pourtant un besoin crucial d’investissement et de financement. Dans une bonne gestion, la fiscalité écologique devrait y contribuer pleinement, mais, malheureusement, elle semble ici, et pour l’essentiel, ne servir qu’à financer les baisses de charges consenties, sans condition, à toutes les entreprises.

La « profonde mutation » appelée par le Président de la République risque fort de devoir attendre !

Pour conclure, je voudrais m’arrêter plus particulièrement sur deux articles de ce « PLFR-bazar », où l’accessoire côtoie souvent l’essentiel.

Ma première remarque portera sur l’article 35 quater, qui exonère de droits de mutation les dons reçus par les victimes d’actes de terrorisme et par leur famille.

Je tiens ici à saluer cette mesure, que j’avais d’ailleurs appelée de mes vœux au lendemain des terribles attentats du 13 novembre dernier.

La moindre des choses pour un État digne de ce nom, avant de s’engager dans une guerre qualifiée de totale contre le terrorisme islamique, c’est de prendre soin – un soin irréprochable et dans la durée – de ses blessés. En la matière, et nous le savons tous, l’oubli guette, bien plus vite qu’on ne le croit, abandonnant les victimes à leur souffrance et à leurs incommensurables difficultés quotidiennes.

C’est donc bien – même essentiel – d’en appeler à la solidarité de chacun et de compléter cet effort de solidarité par une exonération fiscale. Mais cela ne suffit pas, car on ne répond pas aux interrogations qui planent toujours quant à la solvabilité du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et, surtout, à l’incroyable complexité de l’actuelle procédure d’indemnisation. Cette complexité ajoute au malheur personnel la violence des méandres bureaucratiques affectant notre pays.

Comment expliquer, monsieur le secrétaire d’État, que l’on n’ait toujours pas instauré un guichet unique pour les démarches liées à ce type d’indemnisation ?

Mon second et ultime point concerne l’article 30 quater, qui a été introduit par l’Assemblée nationale et que notre rapporteur général, à l’unisson du Gouvernement, souhaiterait voir disparaître.

Cet article porte sur la régularisation du statut, en matière de TVA à taux réduit, de quelques sites d’information indépendants qui font actuellement l’objet de redressements proprement disproportionnés de la part de l’administration fiscale. Sur les plus de 5 millions d’euros qui leur sont aujourd’hui réclamés, plus de 25 % le sont au titre d’un manquement délibéré.

En réalité, nous sommes là face à de bien étranges fraudeurs… Au cours des années incriminées, ils n’ont jamais manqué d’informer l’administration qu’ils s’appliquaient ce taux, sans se voir notifier officiellement qu’ils étaient en infraction !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est faux !

M. André Gattolin. Vous vous en expliquerez, monsieur le secrétaire d’État.

La mise en conformité du droit fiscal avec celui de la presse, pourtant inscrite dans la loi de 1986 et réaffirmée par le président Nicolas Sarkozy en janvier 2009, est bel et bien l’objet central de cet article tardif.

Telles étaient, mes chers collègues, les remarques qu’il m’aura été permis de formuler dans le temps qui m’était imparti. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, à peine avons-nous achevé l’examen du projet de loi de finances pour 2016 que nous nous plongeons dans celui du collectif budgétaire.

Ce dernier nous permet d’évaluer la mise en œuvre de la loi de finances initiale pour 2015 et de procéder aux ajustements que les aléas rencontrés au cours de son exécution rendent nécessaires. Il autorise des mouvements de crédits et donne une nouvelle estimation du niveau des recettes. Toutefois il ne comporte pas les dépenses supplémentaires annoncées au lendemain du 13 novembre pour renforcer les moyens de lutte contre le terrorisme, dépenses qui figurent désormais dans le projet de loi de finances pour 2016.

Je vais d’abord évoquer les principaux indicateurs macroéconomiques.

Le déficit de l’État – 73,3 milliards d’euros – est revu à la baisse de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale. C’est une bonne nouvelle, à porter au crédit de taux d’intérêt toujours très bas, qui ont logiquement allégé le service de la dette.

En 2015, la conjoncture en Europe s’est quelque peu améliorée, avec un début de reprise économique, principalement dû, il est vrai, à des facteurs exogènes : baisse du prix du pétrole et baisse de l’euro.

L’inflation, toujours très en dessous de l’objectif de 2 % fixé par l’Union économique et monétaire, est toutefois restée positive. Nous avons jusqu’ici échappé à la spirale de la déflation, contrairement aux inquiétudes exprimées l’an dernier.

La croissance reste inchangée par rapport à la prévision, à 1 % du PIB.

Le solde effectif est estimé à moins 3,8 % et le solde structurel s’établirait à moins 1,7 % du PIB. Cela traduit une amélioration, respectivement de 0,6 et de 0,7 point, par rapport à la loi de finances rectificative pour 2014.

Le cap vers le redressement des finances publiques est donc respecté et le passage sous la barre des fameux 3 % de déficit ne paraît pas nécessairement hors d’atteinte à l’horizon de 2017. Mais, comme vous le voyez, mes chers collègues, je reste prudent…

Enfin, le projet de loi prévoit une baisse timide des prélèvements obligatoires, qui passeraient de 44,9 % à 44,6 % du PIB. Il actualise également les prévisions de recettes de l’État, désormais très proches de celles de la loi de finances initiale pour 2015, avec un écart limité à 100 millions d’euros.

Toutefois, cette situation ne doit pas nous faire relâcher notre effort en matière de maîtrise de la dépense et de rétablissement des comptes publics.

M. Yvon Collin. Tout à fait !

M. Jean-Claude Requier. La situation générale demeure fragile, et le bilan budgétaire relativement positif de l’année 2015 pourrait être sans lendemain, si l’un des facteurs macroéconomiques venait soudain à se dégrader. Restons donc très vigilants !

Ce projet de loi de finances rectificative comporte un grand nombre d’articles – peut-être trop -, des articles souvent techniques et dont le nombre s’est encore accru lors du passage à l’Assemblée nationale.

Cela m’amène à formuler une interrogation : ce texte est-il approprié pour présenter un nombre si important de mesures, alors qu’il intervient en toute fin d’année, après le vote du projet de loi de finances pour 2016, qui a bien sûr concentré toute l’attention ?

En particulier, vu le nombre de dispositions fiscales, il serait plus juste de parler de « collectif fiscal » que de « collectif budgétaire ». Cela pose un réel problème de stabilité juridique, d’autant que les mesures fiscales peuvent s’appliquer de manière rétroactive.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Jean-Claude Requier. Ainsi, le RDSE regrette profondément la mesure visant à prélever 255 millions d’euros sur les réserves du Fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA.

M. Yvon Collin. Très bien !

M. Jean-Claude Requier. Alors que le secteur agricole traverse toujours une période difficile – le sujet a été évoqué ici même, hier soir –, alors qu’il a subi des pertes importantes du fait des conditions climatiques de cette année, ces réserves sont plus que jamais nécessaires face aux aléas naturels, par essence imprévisibles, plus encore que la conjoncture économique.

C’est pourquoi nous proposerons un amendement de suppression de cette disposition, qui nous semble injustifiée, voire très risquée.

En dépit des points de critique, et des possibles désaccords, nous approuvons la politique économique du Gouvernement (Exclamations.)…

M. Vincent Capo-Canellas. Nous ne vous suivons plus, monsieur Requier !

M. Alain Gournac. Le début de l’exposé était très bien !

M. Jean-Claude Requier. … que vous représentez ici, monsieur le secrétaire d’État, avec votre rigueur de professeur de mathématiques et de Lorrain. (Sourires.) Nous approuvons également l’essentiel des orientations budgétaires.

Mais nous entendons aussi apporter notre contribution par le biais d’amendements portant sur des matières diverses.

Nous réitérerons, par exemple, nos propositions en faveur de la couverture numérique du territoire, pour que les zones rurales bénéficient enfin d’une offre haut débit. Nous encouragerons l’activité des PME présentes sur l’ensemble du territoire national, dans le cadre de la mise en conformité avec les règles européennes du dispositif ISF-PME.

Telles sont, rapidement exposées, les orientations que nous défendrons lors de la discussion des articles.

Nous serons attentifs aux différents sujets abordés en séance par les uns et les autres, et déterminerons notre vote final à l’issue de nos débats, au regard des modifications qu’aura approuvées la Haute Assemblée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord une question sur la méthode.

J’entends, venant de la majorité sénatoriale, une longue litanie de plaintes, comme le chœur d’une tragédie grecque. Le projet de loi de finances rectificative comprendrait trop d’articles, il aurait été par trop étoffé à l’Assemblée nationale… Mais n’est-ce pas le travail du Parlement que de faire adopter des amendements, de faire passer des idées ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous souhaiterions simplement avoir le temps d’examiner les amendements !

M. Richard Yung. Voulez-vous qu’il n’y ait plus de discussion, que nous procédions par vote bloqué, chers collègues ? Non, bien sûr ! Dès lors, je ne comprends pas de quoi vous vous plaignez.

« Pourquoi parle-t-on de fiscalité de l’énergie, du financement des entreprises, de celui du commerce extérieur ? », demandez-vous… Pensez-vous vraiment que ces sujets n’ont pas besoin d’être traités ?

M. Philippe Dallier. C’est juste qu’il aurait fallu les traiter voilà trois ans !

M. Richard Yung. Qu’ils le soient dans le cadre du projet de loi de finances ou du projet de loi de finances rectificative, quelle différence, sur le fond ? La semaine dernière, nous discutions du premier ; aujourd'hui, jeudi, nous discutons du second.

Au contraire, le choix retenu permet un véritable débat. Jean-Claude Lenoir, qui a quitté l’hémicycle, semblait considérer comme nécessaire que le Parlement reprenne en main la discussion sur la fiscalité énergétique. C’est exactement ce pour quoi nous sommes réunis !

Donc, nous avons du mal à vous suivre…

J’évoquais un chœur de tragédie grecque, mais quelqu’un – il me semble que c’est vous, monsieur le secrétaire d’État – a aussi qualifié certaines interventions, notamment celle du rapporteur général, de discours de Cassandre. Au fond, me suis-je dit, c’est plutôt une bonne nouvelle ! Cassandre, en effet, a reçu le pouvoir de prévoir l’avenir, mais sa malédiction, c’est que personne ne la croit !

M. Philippe Dallier. C’est comme la courbe du chômage !

M. Richard Yung. Après ce petit détour par la mythologie, revenons-en à la réalité des chiffres.

M. Jean-François Husson. Il est vrai qu’il vaut mieux parler de mythologie plutôt que de chômage !

M. Philippe Dallier. Mais c’est là où cela fait mal !

M. Richard Yung. Je ferai simplement quelques observations.

Le chiffre de la croissance pour 2015 – 1,1 % – est conforme aux prévisions établies l’an dernier, même si, il faut bien le dire, celle-ci se traîne un peu. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Philippe Dallier. La croissance ne se décrète pas !

M. Richard Yung. Je dis les choses comme je les pense : je préférerais une croissance comprise entre 2 % et 2,5 % qui permette la création d’emplois. C’est de cela qu’il s’agit ! Mais la société française est traversée par un certain nombre de rigidités – vous les connaissez bien, mes chers collègues de la majorité sénatoriale – qui suscitent des résistances et des oppositions chaque fois que l’on veut changer quelque chose.

Par ailleurs, il faut compter avec la conjoncture internationale et européenne. On cite toujours l’Allemagne en exemple, mais, dans ce pays, le taux de croissance oscille entre 1,5 % et 1,7 %, ce qui n’est pas non plus extraordinaire. À cet égard, j’espère que les événements dramatiques du 13 novembre n’auront pas d’impact ; on a tendance à considérer que leur effet sur la croissance ne sera que passager. Espérons !

Le taux d’inflation, quant à lui, est très faible. Malheureusement, jusqu’à présent, l’action de la Banque centrale européenne n’a pas permis à cette inflation de remonter, dans un premier temps, au niveau envisagé de 1 %, puis, dans un second temps, à l’objectif de 2 % que la BCE s’est fixé.

Je souligne en tout cas que le Haut Conseil des finances publiques a validé les prévisions arrêtées pour le taux de croissance et le taux d’inflation.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Oui !

M. Richard Yung. Le cap budgétaire sera tenu, ce que vous aviez presque l’air de regretter, monsieur Capo-Canellas. (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE.) Or c’est plutôt une bonne nouvelle dont il faut se réjouir ! Nous respectons ce à quoi nous nous sommes engagés !

M. Jean-François Husson. Pour une fois !

M. Richard Yung. S’agissant des recettes, je ne reviens pas sur les différents chiffres qui ont été cités. Le vrai problème tient au fait que les recettes de TVA devraient être inférieures aux prévisions, en raison notamment du ralentissement de l’inflation.

Le taux des prélèvements obligatoires a très légèrement diminué, de 0,3 %. Certes, c’est faible – vous prétendez quant à vous qu’il ne baisse pas –, mais c’est en tout cas la première fois qu’on enregistre ainsi une telle évolution positive – cela fait presque dix ans que cela n’était pas arrivé.

M. Richard Yung. Comme on dit, ce qui est important, c’est l’inversion du signe de la dérivée. À partir de là, on peut espérer que ce mouvement se poursuivra.

Les dépenses, quant à elles, diminuent de 6 milliards d’euros.

Je veux dire un mot rapidement du déploiement du dispositif PEA-PME. Les ajustements qui lui seront apportés devraient permettre de drainer de l’épargne et donc des fonds propres vers les entreprises. Car c’est là une des faiblesses de notre système productif.

Autre enjeu, celui du financement de l’export. En 2012, sous l’impulsion de Nicole Bricq, alors ministre, le Gouvernement avait engagé une réforme du volet « financement » du dispositif de soutien public aux exportations, dans l’objectif d’aider les entreprises françaises à faire face à la concurrence internationale. Le présent projet de loi de finances rectificative marque une étape supplémentaire avec le transfert de la gestion des garanties publiques à l’export de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, vers Bpifrance.

Nous pensons que c’est là une excellente mesure, qui permettra notamment de financer les très grosses opérations d’exportation, notamment des Airbus. En effet, nous n’avons pas encore le bon système pour financer ce type d’opérations, ce qui pose problème, mais je ne développe pas.

En conclusion, mes chers collègues, vous comprendrez et ne serez pas surpris que notre groupe soutienne le projet de loi de finances rectificatives pour 2015. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tous les articles ?

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le collectif budgétaire de fin d’année, qui vise traditionnellement à rectifier les prévisions budgétaires du projet de loi de finances initiale, est devenu sous ce quinquennat une véritable « auberge espagnole gouvernementale », si vous me permettez cette expression !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est open bar !

M. Jean-François Husson. Comme l’an passé, le Gouvernement fait passer des dizaines d’amendements à l’Assemblée nationale et nous nous retrouvons avec un projet de loi de finances rectificative qui a quasiment triplé de volume, passant de 43 articles à 110 articles.

Monsieur le secrétaire d'État, c’est absolument déraisonnable, surtout dans les conditions d’examen que nous connaissons, ce texte nous ayant été transmis seulement avant-hier. Nombre de mes collègues ont souligné cette difficulté, pour ne pas parler d’une anomalie.

Comment, en effet, avoir le temps de travailler sérieusement sur des sujets aussi importants que la fiscalité énergétique, mais aussi l’aide aux départements, la réforme des valeurs locatives, la réforme des zones de revitalisation rurale, la réforme des organismes de gestion agréés, la refonte de la taxe pour création de bureaux, la révision de la taxe sur les surfaces commerciales, de l’ISF-PME, de la taxe foncière, pour ne citer que ces quelques exemples ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Encore open bar !

M. Jean-François Husson. À cette inflation d’articles issus d’amendements du Gouvernement s’ajoute un enchevêtrement de dispositions nouvelles entre le projet de loi de finances initiale et le projet de loi de finances rectificative.

Le Gouvernement, je le souligne, a en effet repris à son compte un certain nombre d’amendements de la majorité sénatoriale déposés sur le projet de loi de finances, comme notre rapporteur général l’a rappelé.

C’est une chose que de reconnaître la pertinence de nos amendements, parfois avec un peu de retard – je pense, par exemple, à la taxe foncière dans les zones tendues –, mais tirer la couverture à soi et en oublier les droits d’auteur en est une autre !

Mais cet enchevêtrement concerne également des dispositifs proposés par le Gouvernement lui-même, avec des votes quelque peu contradictoires qui rendent l’exercice budgétaire illisible !

L’impréparation, les contradictions et les renoncements ne font pas bon ménage avec la nécessaire rigueur qui doit présider à la construction budgétaire fixant les engagements de l’État, pour lui-même, bien sûr, mais pas seulement.

C’est le cas notamment de la convergence de la fiscalité du diesel et de l’essence ; j’y suis personnellement favorable. À cet égard, je rappelle que la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, que j’ai eu l’honneur de présider, a estimé à plus de 100 milliards d’euros le coût, pour la seule France, de cette pollution, soit l’équivalent des moyens que l’on souhaite mobiliser dans le futur contre le réchauffement climatique, mais à l’échelle de la planète…

Si la pollution par particules fines a d’autres sources que les véhicules, il faut reconnaître que la diésélisation du parc automobile en France a aussi sa part de responsabilité.

Certes, les nouveaux moteurs diesel sont moins polluants que par le passé, mais le parc de ces véhicules est vieillissant et les constructeurs doivent disposer d’un temps d’adaptation. Renault et PSA ont déjà fait le choix de réserver leurs petites citadines à un usage essence, choix qui préfigure la réorientation du parc automobile.

Entre le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative, le message adressé à nos concitoyens est devenu brouillon. Dans le premier texte, la taxe sur le diesel augmentait et la taxe sur l’essence baissait ; dans le second, on se retrouve avec une différenciation fiscale entre les différents types d’essence. Tout cela entretient pour le moins le flou et la confusion.

Pour ma part, je défendrai des amendements tendant à préserver un écart de fiscalité entre l’essence, le gaz naturel véhicule et le GPL carburant, écart rendu nécessaire à la suite de la modification des valeurs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques pesant sur le gazole et l’essence. Ces carburants sont en effet très peu polluants, y compris en termes de rejets de C02, objet de toutes les attentions en cette période de COP 21.

D’une manière plus générale, nous ne pouvons que regretter que ces nombreuses mesures fiscales si importantes sur l’énergie soient examinées dans les conditions que j’ai décrites. Néanmoins, j’ose espérer, monsieur le secrétaire d'État, que ce n’est pas à dessein…

En effet, alors que le Gouvernement martèle, dans le cadre du projet de loi de finances, un discours de baisse des impôts, dans le même temps il prévoit, presque cyniquement, dans le collectif budgétaire de toute fin d’année, des hausses importantes de la fiscalité des ménages. Il démontre ainsi que la promesse de « pause fiscale », énoncée par le Président de la République en 2013, en 2014, et en 2015, sera encore un mensonge en 2016, tout comme la promesse, faite chaque année depuis 2013 par le même Président de la République, d’inversion de la courbe du chômage !

Avec plus de 1 milliard d’euros de hausse de la facture d’électricité en 2016, plus de 1 milliard d’euros de hausse de la fiscalité des carburants en 2016 et en 2017, près de 4 milliards d'euros de hausse de la contribution climat-énergie à partir de 2016 à l’horizon 2030, dans les conditions actuelles temporaires de prix du pétrole, la pause fiscale n’aura pas fait long feu !

Et cela touchera malheureusement tous les Français, quelles que soient leurs conditions et où qu’ils habitent.

Dès lors, il n’est pas étonnant de constater que le taux de prélèvements obligatoires restera, en 2016, quasiment au même niveau qu’en 2015. La France demeurera malheureusement sur la deuxième marche du podium des pays de l’OCDE, simplement devancée par le Danemark.

Cela s’ajoute aux mauvais résultats de l’année 2015. Après une quasi-stagnation en 2014, le déficit public ne serait réduit que de 0,2 point en 2015. Or, en 2012, le Président de la République prévoyait de ramener le déficit à 1,3 % du PIB !

Le déficit de la France place notre pays en queue de peloton de la zone euro. En 2015, parmi les grandes économies de cette zone, seule l’Espagne aura un déficit public supérieur à celui de la France.

Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes encore loin de notre premier partenaire commercial, l’Allemagne, qui prévoit des comptes à l’équilibre en 2015.

Il en est de même pour le taux de croissance attendu.

S’agissant du chômage, la dernière fois que la France a eu un taux aussi élevé, ce n’était même pas au cours de la période 2008-2009, à laquelle d’aucuns aiment à se référer pour expliquer les difficultés d’aujourd’hui, mais en 1998. Il faut regarder la vérité en face !

Rappelons enfin que, en 2015, notre dette s’approchera dangereusement des 100 % de la richesse nationale.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous ne pourrons voter en l’état ce projet de loi de finances rectificative pour 2015. Nous le ferons cependant, mais dans une version modifiée par notre commission des finances, sous l’impulsion de son rapporteur général, et bien sûr avec le soutien de la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Maurice Vincent.

M. Maurice Vincent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, il est vrai que ce projet de loi de finances rectificative se distingue clairement des exercices précédents, pour plusieurs raisons.

D’abord, ce texte modifie positivement, à savoir de 1 milliard d’euros – c’est la première fois, depuis longtemps, que cela arrive –, la prévision de déficit budgétaire pour 2015 par rapport à la loi de finances initiale. Dès que les chiffres seront connus, vous verrez, monsieur le rapporteur général, que ce sera aussi le cas en exécution.

Ensuite, il prend en compte les décisions nécessaires au renforcement de nos moyens de sécurité et de défense, ainsi qu’en faveur du monde agricole, liées aux événements de l’année 2015.

Enfin, il intègre des changements de long terme dans nos politiques environnementales, d’une part, de soutien au développement économique, d’autre part.

Pour rebondir sur les observations qui ont été formulées par nos collègues de la majorité sénatoriale, je reconnais que ce projet de loi de finances rectificative est un peu exceptionnel, mais je pense, contrairement à eux, que ce texte est particulièrement nécessaire et utile pour faire face aux défis de cette année 2015 et de celle qui vient.

Les dépenses de sécurité et de défense ayant été encore renforcées dans le budget de 2016 et abondamment commentées, je me concentrerai sur la nouvelle transparence de la fiscalité « écologique », ainsi que sur les améliorations en faveur du monde agricole et les mesures de soutien au développement économique.

La nouvelle transparence de la fiscalité écologique et son effet dynamique sur la transition énergétique ressortent clairement de ce projet de loi de finances rectificative.

Au moment où la COP 21 s’achemine vers un accord attendu de longue date, je voudrais rappeler que la loi de transition énergétique récemment votée dans notre pays marquait déjà une belle ambition, puisqu’elle prévoyait de multiplier par deux, d’ici à quinze ans, la part des énergies renouvelables dans le modèle énergétique français et de baisser significativement la part des émissions de gaz à effet de serre.

Il fallait donc un dossier fiscal et financier pour accompagner et mettre en œuvre concrètement cette loi. Ce projet de loi de finances rectificative y contribue grandement, sur plusieurs points.

D’abord, à travers la consolidation de la contribution climat-énergie, créée en 2014, ce projet de loi de finances rectificative donne une visibilité triennale aux acteurs économiques sur le prix de la tonne de carbone fixé, pour 2017, à 30,50 euros. À cet égard, chacun se souvient des déboires des majorités précédentes, en particulier la censure par le Conseil constitutionnel de la taxe carbone dans le projet de loi de finances pour 2010 et l’échec malheureux de l’écotaxe poids lourds.

Il fallait progresser ; c’est exactement le sens de ce projet de loi de finances rectificative.

Ensuite, ce texte prévoit de faire progressivement converger la fiscalité sur l’essence et sur le gazole, au service de la qualité de l’air. Notre collègue Jean-François Husson rappelait les conclusions de la commission d’enquête qu’il a présidée sur le coût économique et financier de la pollution de l’air. Il s’agit d’une application concrète qui nous semble également opportune, car il ne serait pas cohérent de proposer en commission des solutions, et de les rejeter ensuite quand elles sont inscrites dans un projet de loi de finances.

Cette orientation particulièrement logique est accompagnée d’une modulation supplémentaire en faveur des biocarburants. Ces réformes étaient d’ailleurs réclamées de longue date.

Enfin, ce texte met un terme à une anomalie démocratique et institutionnelle concernant la CSPE.

Cette question, vous le savez, avait beaucoup mobilisé, au sein de la commission des finances, notre collègue Jean Germain, pour lequel nous avons une pensée particulière au moment où ses idées sur la transparence de la CSPE et des tarifs de rachat pratiqués sur les énergies renouvelables trouvent une concrétisation essentielle.

La CSPE a été créée en 2003, mais le système a aujourd’hui atteint ses limites, ne serait-ce qu’en termes financiers, puisqu’il manque près de 5 milliards d’euros au détriment d’EDF.

Alors qu’elle représente 15 % de la facture d’électricité pour les consommateurs, cette contribution constituait jusqu’ici un dispositif extrabudgétaire anormal qui est enfin corrigé.

Sur le plan financier, et en réponse à M. Husson, je souligne que, dans ce cas précis, un avantage sera accordé en faveur des ménages qui étaient jusqu’à présent ponctionnés automatiquement et sans débat chaque année de 3 euros par mégawattheure. Cette ponction s’interrompra.

Toutes ces dispositions seront mises en œuvre, en vertu de ce projet de loi de finances rectificative, par la création du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique ». La transparence y gagne et c’est tout à fait positif.

Enfin, et c’est tout aussi fondamental, l’assiette du financement des charges de service public, qui était auparavant concentrée sur l’électricité, sera progressivement élargie aux énergies carbonées, ce qui, là encore, va dans le sens du financement de la transition énergétique.

Je ne doute pas qu’un accord général se dégagera sur la CSPE, puisque, si je reprends les mots du président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, il s’agit d’« une bonne réforme allant dans le bon sens », et tout le monde devrait la voter.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Oui, puisqu’elle donne des pouvoirs au Parlement !

M. Maurice Vincent. Je dirai quelques mots sur la fiscalité agricole, qui est introduite dans ce projet de loi de finances rectificative.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cela figurait déjà dans le projet de loi de finances !

M. Maurice Vincent. Cette fiscalité est plus simple et plus favorable à la compétitivité de notre agriculture.

Je rappelle que, lors de l’examen du projet de loi de finances, le Gouvernement a déjà ajouté 1 milliard d’euros à sa contribution au financement de l’agriculture, en prenant en charge le refus d’apurement communautaire décidé par l’Union européenne.

Au-delà de cet effort budgétaire exceptionnel, ce projet de loi finances rectificative est fidèle aux annonces faites par le Premier ministre le 3 septembre dernier, lors de la présentation du plan de soutien à l’élevage. En effet, tout le monde s’était accordé sur le fait que, au-delà de la conjoncture, il fallait réorganiser ce secteur et engager des mesures structurelles au bénéfice de l’élevage.

Ce texte prévoit un nouveau régime du micro-bénéfice agricole, qui remplace le forfait agricole créé voilà plus de soixante-cinq ans. Ce système, plus simple, sera beaucoup mieux adapté aux caractéristiques de chaque exploitation. Très concrètement, lorsque la moyenne de ce bénéfice imposable sera inférieure à 82 000 euros, un abattement de 87 % sera alors appliqué.

Par ailleurs, ce projet de loi prévoit également des aides à l’investissement dans les exploitations grâce à la mesure d’amortissement accéléré. Ces aides seront particulièrement bienvenues, car les agriculteurs nous ont beaucoup interrogés, vous le savez, sur le coût supplémentaire du financement de leurs bâtiments d’élevage résultant de la nouvelle directive Nitrates.

Je ne ferai que rappeler, M. Yung ayant évoqué cette question avant moi, les nouveaux dispositifs fiscaux encourageant l’investissement dans les PME à travers les dispositifs ISF-PME et PEA-PME.

En définitive, ce projet de loi de finances rectificative s’inscrit dans la continuité du projet de loi de finances et permet à la fois de répondre au défi de la transition énergétique et de soutenir le développement de notre économie. Nous le voterons dans la version issue des travaux de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard. (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.)

M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le collectif budgétaire de fin d’année est traditionnellement l’occasion, à partir du schéma de fin de gestion, de pouvoir esquisser un premier bilan de l’exécution en attendant la loi de règlement et de s’assurer du respect des orientations présentées lors du vote de la loi de finances initiale.

Cette année aura malheureusement été marquée par des circonstances exceptionnellement dramatiques, avec les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher de la porte de Vincennes en début d’année, ainsi que les massacres du 13 novembre, qui ont eu pour conséquence le légitime renforcement des moyens destinés à la sécurité intérieure par le chef de l’État, tout comme le financement des opérations de nos forces armées à l’extérieur.

Pour autant, ainsi que l’a rappelé M. le rapporteur général, cet exercice, s’il permet une nouvelle étape dans la réduction de nos déficits, s’éloigne de 0,1 % de l’objectif de 0,5 % attendu par l’Union européenne.

On pourrait le comprendre si la sécurité en était la seule cause, mais force est de constater que les ouvertures nettes de fin de gestion, avec 1,84 milliard d’euros, dépassent les seuls moyens consacrés sur cette fin d’exercice à la sécurité intérieure ou extérieure.

Sur l’ensemble de l’exercice, les plafonds des missions auront été relevés de 1,17 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale, alors qu’en 2014 le plafond avait été réduit de près de 4,5 milliards d’euros.

Si l’on neutralise 2,1 milliards d’euros initialement traités sur un compte d’affectation spéciale, c’est tout de même, au total, un delta de 2 milliards d’euros qui est constaté par rapport à l’effort accompli en 2014.

Même après avoir bénéficié à nouveau d’un effet taux permettant de réaliser 2 milliards d’euros d’économie sur la charge de la dette, ce sont 1 milliard d’euros d’ouvertures nettes de crédits qu’il aura fallu consentir.

Cela justifiera de l’attention particulière qu’il faudra apporter à la loi de règlement pour analyser et comprendre cette évolution.

Les règles fixées par la loi organique ont été respectées par le Gouvernement s’agissant des décrets d’avance, ce dont il faut se réjouir, mais certaines missions, qui font l’objet d’une sous-dotation depuis de nombreuses années, ont dû être re-dotées cette année, ce qui met en cause évidemment la sincérité des inscriptions initiales.

Cet exercice, reflet de déficits, certes, en réduction, mais persistants, aura aussi été marqué par la poursuite de notre endettement.

Pour autant, l’annuité de la dette n’augmente toujours pas, bénéficiant de la diminution des taux d’intérêt de la part indexée et des tombées d’emprunts arrivant à terme, auxquels se substituent des émissions plus favorables.

Il s’agit là, même si l’on peut se féliciter de la qualité des équipes de l’Agence France Trésor, d’un dangereux anesthésiant. Une hausse de un point coûterait 2,4 milliards d’euros la première année, 5,3 milliards d’euros la deuxième et 40 milliards d’euros cumulés sur cinq ans selon la Banque de France.

Quand les économies réalisées grâce à la baisse des taux devraient faciliter en cours d’année l’amélioration du solde, on constate qu’une partie est mobilisée pour effectuer de nouvelles dépenses ou prévoir des dotations en faveur de dépenses insuffisamment budgétées en début d’exercice.

Monsieur le secrétaire d’État, au-delà des circonstances que nous connaissons, cette pratique n’est pas satisfaisante, pas plus que l’usage de cette facilité - j’emploie ce terme pour ne pas parler de dérive, ce qui serait excessif et inutilement désobligeant - n’est conforme au souhait du législateur organique.

Pas plus d’ailleurs que l’accroissement à un niveau inégalé, au taux de 8 %, des mises en réserves prévues dans le projet de loi de finances initiale pour 2016, ou encore le retour discret, mais réel, de reports de crédits dérogatoires au-delà de 3 %.

La gravité de la situation n’explique pas tout et ne peut non plus tout justifier ; c’est notre devoir de parlementaires que de le rappeler pour ne pas renouer progressivement avec les mauvaises pratiques ante-LOLF.

Ce collectif comporte aussi de nombreuses mesures consacrées à la politique énergétique dont je souhaite dire un mot, tout d’abord pour constater que, au regard de leur ampleur et de leur nombre, il aurait été justifié qu’elles puissent, pour nombre d’entre elles, trouver leur place dans le projet de loi de finances pour 2016. Parmi ces mesures, deux d’entre elles vont totalement dans le sens souhaité par le législateur organique.

La première mesure concerne la transcription, dans l’article 11 de la loi de finances, de la CSPE, mettant fin à une anomalie qui voyait une taxe – car on pouvait déjà la qualifier de taxe -, être fixée par une autorité administrative indépendante en dehors de tout contrôle démocratique, pour un montant de 5,627 milliards d’euros en 2014 et sans doute 7 milliards d’euros cette année.

La création du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » marquera aussi un progrès, en permettant d’identifier les charges futures générées par le développement des énergies renouvelables et les engagements hors bilan qu’elles constituent de ce fait. C’est une information importante pour la représentation nationale et pour le pilotage de notre politique énergétique.

La seconde mesure, et le second sujet de satisfaction, concerne le Fonds de financement de la transition énergétique, avec la budgétisation de 250 millions d’euros des crédits gérés par la Caisse des dépôts et consignations, ce dont je me réjouis tout particulièrement, tant le montage initial pour assurer le financement du fonds par cette institution, à qui l’on demande souvent beaucoup, ne me paraissait pas satisfaisant du point de vue de la transparence.

Je me réjouis d’avoir été entendu sur ce point, et je pense que le Parlement peut se satisfaire de cette décision au regard de sa mission de protection de la Caisse des dépôts et consignations.

Aussi, il serait souhaitable que, au-delà de la mission dévolue à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, notre commission des finances, et plus largement notre assemblée, puisse obtenir du Gouvernement une vision consolidée de l’incidence pour la CDC, sur son modèle économique comme sur ses fonds propres, du transfert des missions de la COFACE à la Banque publique d’investissement, et du rapprochement entre la CDC et l’AFD, l’Agence française de développement.

Au terme de cette intervention, compte tenu des modifications apportées par notre commission des finances, j’approuverai le projet de loi de finances rectificative pour 2015. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, étant la dernière à intervenir sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015, je me concentrerai sur la question de la fiscalité écologique et de l’organisation de cette transition dont nous parlons tant, au moment même où les négociateurs de la COP 21 entrent dans la phase ultime de négociation pour boucler le document final – c’est le vingt-quatre heures chrono -, eux qui travaillent sur le moyen et long terme.

Nous sommes maintenant devant des mesures concrètes, opérationnelles, qui devraient nous inscrire dans la lignée des grandes déclarations et des engagements pris par le Gouvernement.

Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes obligés de vous le dire, il nous semble, et je ne fais que répéter les propos de plusieurs de mes collègues, qu’aborder ainsi la dimension écologique au détour d’un collectif budgétaire, c’est pour ainsi dire l’appréhender par le petit bout de la lorgnette !

Je citerai un exemple concret, mais ô combien symbolique.

Voilà quelques mois, Mme la ministre de l’environnement annonçait qu’elle dessinait une perspective de convergence de la fiscalité entre le diesel et l’essence. Dans son rapport rédigé au nom de la commission d’enquête présidée par Jean-François Husson, rapporteur spécial des crédits de l’écologie, Leila Aïchi a expliqué les enjeux majeurs de la maîtrise des émissions de poussières et du rôle du diesel.

Or on nous propose ici un bricolage : à la place de l’augmentation attendue de la fiscalité sur le diesel et d’une réduction concomitante de la fiscalité sur l’essence, on nous présente une restriction limitée à l’essence comportant 10 % d’éthanol au moins. Comment nos concitoyens peuvent-ils se fier aux engagements et aux déclarations qui leur sont faites avec un pareil bricolage fiscal ? Certes, cela permet de dégager 48 millions d’euros de plus, mais où est le respect des engagements pris ?

Ainsi, si l’on s’en tient au rythme actuel, la convergence entre le diesel et l’essence n’aboutira que dans dix ans au mieux !

Cela nous rappelle de manière douloureuse l’incohérence de la suppression de la taxe poids lourds.

M. François Marc. C’est plutôt l’incohérence de sa création !

Mme Fabienne Keller. C’est le même sujet : le diesel. Chacun se souvient de l’augmentation de la fiscalité sur l’énergie qui a suivi.

Monsieur le secrétaire d’État, tout l’enjeu, c’est la cohérence, la visibilité de notre stratégie dans le domaine de l’environnement. Nous le savons, seule la cohérence nous permettrait d’expliquer cette politique à nos concitoyens et pourrait garantir leur adhésion à des contributions coûteuses, dans une période marquée, vous le savez bien, par un ras-le-bol fiscal dû à l’historique et l’accumulation des impôts supplémentaires.

À l’instar de plusieurs de mes collègues, je salue tout l’intérêt du travail consacré à la CSPE, et de sa transformation en un élément de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, la TICFE. Toutefois, je déplore moi aussi la création tardive du compte d’affectation spéciale.

Au demeurant, quelles sont les perspectives de ce compte à échéance de dix ou de vingt ans, soit l’horizon de bien des prix de rachat, notamment pour le photovoltaïque et l’éolien ? M. Jean-Claude Lenoir l’a très clairement rappelé : le sujet, dans ce domaine, c’est la maîtrise des enjeux et des montants.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. C’est le fond du débat !

Mme Fabienne Keller. À cet égard, nous soulignons tout l’intérêt d’un examen de ces mesures par le Parlement.

Parallèlement, je ne puis manquer de relever votre habileté. La CSPE devient la TICFE, taxe dont le Gouvernement a fixé les taux par l’article 11 du présent texte. Or, si ces derniers augmentent pour l’année prochaine, ils seront, comme par hasard, stables entre 2016 et 2017.

Mme Fabienne Keller. Cherchez pourquoi…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On ne peut pas dire cela ! C’est méconnaître le fond du dossier !

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Tout à fait !

Mme Fabienne Keller. Enfin, je tiens à saluer la déductibilité des véhicules professionnels.

Nos concitoyens manifestent une adhésion croissante à cette politique environnementale. Mais – je le répète – encore faut-il leur proposer une stratégie cohérente et assumée, loin des coups de communication.

À l’heure où la COP 21 tente de dessiner une perspective pour la planète, je lance un appel à la responsabilité, pour un débat de qualité sur nos engagements de long terme en faveur du climat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État. (MM. Richard Yung et Vincent Capo-Canellas s’exclament.)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie toutes et tous de votre contribution au débat. J’aurais tant de choses à vous dire ! Mais l’examen des articles me donnera l’occasion de revenir en détail sur un certain nombre de points très précis et techniques – peut-être l’auditoire, dans cet hémicycle, sera-t-il alors un peu moins nombreux… (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Avant tout, j’observe que, lorsque l’on n’a aucun reproche à faire sur le fond, on se concentre sur la forme…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. À vous entendre, toutes ces mesures seraient soumises au Parlement dans la précipitation, et viendraient trop tard. Elles auraient dû figurer dans le projet de loi de finances initiale…

Mesdames, messieurs les sénateurs, je rappelle tout de même que ce projet de loi de finances rectificative a été déposé le 13 novembre. Nous sommes aujourd’hui le 10 décembre.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le texte a un peu grossi depuis…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Certes, l’Assemblée nationale a adopté un certain nombre d’amendements. Mais qu’est-ce qui empêchait les commissions du Sénat et les sénateurs individuellement de se saisir, dès la mi-novembre, des questions posées ?

M. Philippe Dallier. On ne peut pas tout faire en même temps !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. On m’opposera que toutes ces questions n’étaient pas présentes dans le texte initial. Mais l’ISF-PME y figurait, de même que la CSPE.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Si, monsieur Husson. Je vous ai connu plus attentif… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)

La taxe foncière pour les zones tendues était annoncée depuis six mois.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Et les organismes de gestion agréés ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. S’agissant de la fiscalité agricole, certains considèrent que le Gouvernement s’est contenté de reprendre les propositions du Sénat.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. C’est tout à fait exact !

M. Philippe Dallier. C’est ce qu’il a fait !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. À cet égard, je tiens à opérer une mise au point.

Tout d’abord, les deux chambres du Parlement ont travaillé sur ce sujet depuis plusieurs mois.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Le Sénat, oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Pas seulement le Sénat, monsieur Lenoir.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Une mission d’information a été constituée à l’Assemblée nationale autour de Marc Le Fur, qui n’est pas réputé pour être un gauchiste, (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) et de François André, qui l’est plus. (Mêmes mouvements.) Cette mission d’information s’est penchée sur ce dossier, et nous avons suivi ses travaux.

Ensuite, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : les propositions de cette nature résultent souvent de concertations avec les organisations professionnelles agricoles.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. C’est bien ce que nous avons fait !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est également ce qu’a fait le Gouvernement aussi, monsieur Lenoir,…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Après nous !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … de même que l’Assemblée nationale ! Nous avons conduit ces concertations, et vous le savez bien.

Bien entendu, divers services, en particulier la Direction de la législation fiscale, doivent examiner ces dispositions pour vérifier leur solidité technique et rédactionnelle.

Il en est de même sur la CSPE.

Vous qui présidez la commission des affaires économiques, monsieur Lenoir,j’ai apprécié, sur ce sujet, votre discours équilibré.

M. Gérard Longuet. Ah ! L’homme lumière ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Toutefois, vous n’êtes pas sans savoir qu’il existait à cet égard des problèmes de conformité aux yeux de la Commission européenne,…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous l’avons dit !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … notamment sur la question, que vous avez évoquée, des exonérations en faveur des entreprises électro-intensives.

Ces discussions sont complexes. Elles ont exigé du temps. Nous formons le vœu que la solution obtenue convienne in fine à la Commission. Néanmoins, il faut continuer à tendre le dos, si vous me permettez l’expression.

Le danger, c’est d’aboutir à une réforme susceptible de n’être pas acceptée dans sa globalité par la Commission, à cause d’un ou deux points qui, pour importants qu’ils soient, ne sont pas structurellement majeurs.

Je vous le dis en toute honnêteté : c’est cet impératif qui nous a pris du temps.

Madame Keller, pour ce qui concerne la fiscalité environnementale, je vous l’avoue, je n’ai pas compris votre intervention.

Mme Fabienne Keller. C’est dommage !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Chacun met l’accent sur tel ou tel principe. Vous faites de la convergence de la fiscalité du gasoil et de l’essence une question essentielle ; elle est certes importante, et nous y répondrons, d’une certaine manière. Mais est-ce là le seul enjeu ? L’essence aurait-elle toutes les vertus et le gasoil tous les défauts ?

M. Éric Doligé. Excellente remarque !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Mais ce n’est pas ce que nous avons dit !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Globalement, notre mission, c’est de limiter les émissions de dioxyde de carbone et de particules fines.

M. André Gattolin. Tout à fait !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Notre rôle, c’est de réduire l’utilisation des énergies fossiles.

Or, en donnant le sentiment que la convergence de la fiscalité de l’essence et du gasoil serait la panacée, on pourrait entraver l’effort de réduction globale de la consommation des énergies fossiles, que ce soit sous forme de gasoil ou d’essence.

C’est, à mon sens, l’équilibre que nous nous devons de garantir. Voilà pourquoi nous traitons ces questions de manière globale.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’en viens, dans le même ordre d’idées, à l’interpellation de M. Husson.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur Husson, comme d’autres dans d’autres enceintes, vous semblez découvrir que la contribution climat-énergie, que votre majorité a tenté d’instaurer sans y parvenir sous la forme de la taxe carbone, connaît, à l’instar de la CSPE, des augmentations subites et imprévues.

M. Jean-François Husson. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Dans ce domaine également, il faut se montrer cohérent.

Le fait ne date pas de notre arrivée aux affaires : il a toujours été dit que la CSPE suivait une trajectoire ascendante et que, sans décision gouvernementale, elle connaîtrait une augmentation de 3 euros par mégawattheure.

M. Jean-François Husson. Il faut compenser !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Précisément !

À cet égard, madame Keller, vous nous reprochez d’augmenter cette contribution de 3 euros en 2016 et de ne rien faire en 2017, à cause des élections…

Mme Fabienne Keller. C’est vous qui le dites, monsieur le secrétaire d’État !

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Madame Keller, voyons…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C’est ce que vous avez laissé entendre.

Néanmoins, sur ce point, le constat fait l’objet d’un large consensus : les dépenses liées à la CSPE, qui deviendra demain la TICFE, sont en très forte augmentation, parce que les énergies renouvelables nous coûtent très cher, parce que des engagements ont été pris sur quinze ou vingt ans – vous les avez rappelés vous-même – et parce qu’il faut compenser les tarifs de rachat par EDF.

Jusqu’à présent, la législation faisait porter cette hausse de dépenses sur la seule électricité, via une augmentation de la CSPE ou un accroissement de la dette de l’État envers EDF – c’est une réalité ! Au reste, ce surcoût est nécessaire et personne ne le remet en cause.

Pour notre part, à travers le présent texte, nous avons choisi l’architecture suivante : le stock de CSPE nécessaire continuera d’être alimenté par la consommation électrique en 2016, mais, à compter de 2017, c’est l’augmentation du prix du carbone qui financera l’inévitable accroissement des dépenses.

Ainsi, on répartira la charge de manière équilibrée sur l’ensemble de la consommation énergétique, plutôt que de la concentrer sur l’énergie électrique, que certains portent au pinacle et que d’autres contestent, pour des raisons diverses et variées que chacune et chacun connaît parfaitement dans cet hémicycle.

Aussi, contrairement à ce qu’avancent Mme Keller et M. Husson, les diverses problématiques sont bien prises en compte globalement. J’ai tenté d’en convaincre la Haute Assemblée dans mon propos liminaire.

Premièrement, il s’agit de réduire les émissions de carbone. C’est l’objet de la contribution climat-énergie.

Deuxièmement, il convient de rapprocher les fiscalités du gasoil et de l’essence. C’est l’objectif de la convergence assurée, trop vite ou trop lentement diront certains, par le dispositif « plus un, moins un » – je l’exposerai plus largement dans la suite de nos débats –, lequel répond également à la lutte contre l’émission de particules fines.

Troisièmement et enfin, il faut tenir compte de l’impératif économique, que certains orateurs ont évoqué. Il faut éviter des évolutions trop brutales de la fiscalité et de certains comportements, qui seraient susceptibles de mettre en danger les électro-intensifs – nous y reviendrons également – ainsi que nos constructeurs automobiles, qui, dans leur spécialisation, ont privilégié les moteurs diesel par rapport aux moteurs à essence.

Je vous remercie d’avoir tous reconnu que la situation budgétaire s’améliore. Personne n’a parlé de « dérapage » ou d’« explosion des déficits ». Pour certains, l’amélioration n’est pas suffisante ; pour d’autres, elle n’est pas due à notre action ; pour d’autres encore, elle tient au fait que nous aurions fait « exploser » les recettes…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. En hausse de 400 millions d’euros !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le taux de prélèvements obligatoires est passé de 44,9 % du PIB en 2014 à 44,6 % en 2015. Une baisse de 0,3 %, c’est peu au gré de certains d’entre vous, mais cela représente tout de même 6 milliards d’euros ! Nous prévoyons toujours que le déficit public s’établisse à 3,8 % du PIB. Cet objectif sera atteint, je n’ai aucune inquiétude à cet égard. Nous pourrons le vérifier lors de l’examen du projet de loi de règlement, qui fera office de juge de paix, monsieur Bouvard.

Certains ont évoqué, comme pour nous en faire reproche, des économies de constatation. Vous ne pouvez pas à la fois nous accuser de nous laisser « anesthésier » par la faiblesse des taux d’intérêt et nous reprocher de faire preuve d’une grande prudence dans nos prévisions en la matière ! Alors qu’ils sont aujourd'hui de 1 %, nous prévoyons que les taux d’intérêt atteindront 2,4 % en fin d’année prochaine, ce qui nous oblige à diminuer ou, en tout cas, à maîtriser strictement les dépenses. La solution de facilité aurait été de considérer qu’ils allaient rester à leur niveau actuel et que la charge de la dette s’en trouverait allégée ; nous avons écarté cette option. Si nous faisons mieux que prévu et enregistrons aujourd’hui ce que vous appelez des économies de constatation, comme vous semblez nous en faire grief, c’est précisément parce que nous avons été prudents dans nos prévisions ! Personne ne peut exclure a priori une augmentation brutale des taux d’intérêt.

D’une manière générale, j’observe que ce projet de loi de finances rectificative ne fait l’objet d’aucune objection de fond, les critiques ne portant que sur la forme. C’est le seul que nous présentons cette année, tandis que la précédente majorité en avait déposé onze en trois ans ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Il y a eu la crise de 2008, me direz-vous sans doute…

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Vous donnez vous-même la réponse !

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Certes, mais nous aussi avons dû faire face à des circonstances difficiles en cours d’année.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur pour avis. Quand même…

M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En particulier, nous avons dû assumer des dépenses imprévues en matière de sécurité. Malgré ces difficultés, nous n’avons pas fait de projet de loi de finances rectificative !

Concernant celui que nous vous soumettons aujourd’hui, l’ajustement budgétaire est sans doute plus important que prévu, mais il faut tout de même tenir compte, notamment, de 2 milliards d’euros de rebudgétisation liés à la vente des fréquences. Il faut donc relativiser les chiffres.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouverons demain pour la discussion des articles de ce projet de loi de finances rectificative et des quelque 300 amendements ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous poursuivrons l’examen de ce texte demain, vendredi 11 décembre, à partir de neuf heures trente.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2015
Discussion générale (suite)

4

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2016 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

5

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.

J’appelle chacun à respecter son temps de parole.

cop 21 (conférence de paris sur le climat)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.

M. Jean-Claude Requier. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international, aujourd'hui président de la COP 21.

Monsieur le ministre, nous voici entrés dans la dernière ligne droite puisque, au plus tard demain soir, un accord universel sur le climat devra être trouvé par les 195 pays représentés depuis dix jours au Bourget.

Bien sûr, l’hypothèse d’une absence d’accord existe toujours ; mais ce qui est plus probable encore, c’est que nous débouchions sur un mauvais accord. Or, comme l’a souligné hier le Président de la République, « il ne s’agit pas de signer n’importe quel accord qui ne serait pas à la hauteur de l’enjeu », avant d’ajouter que nous avions progressé, même s’« il y a encore des résistances ».

Monsieur le ministre, qu’est-ce qu’un bon accord ? Surtout, en prend-on le chemin ?

Si des avancées notables semblent d’ores et déjà acquises et font l’objet d’un consensus, des points de blocages et non des moindres demeurent.

Tout d’abord, le texte final retiendra-t-il une formulation ambitieuse qui situe le réchauffement climatique en dessous de 2 degrés en 2100 ?

Par ailleurs, une autre interrogation concerne la « différenciation », autrement dit la répartition des efforts de chaque pays, particulièrement en ce qui concerne la réduction des émissions des gaz à effet de serre.

Enfin, le troisième point d’achoppement est bien évidemment le financement de la lutte contre le réchauffement climatique et la part prise par les pays développés, par les pays émergents, voire également par ceux qui sont en voie de développement.

À ce stade des discussions, et alors que les négociateurs planchent sur une troisième version du texte, passé de quarante-trois à vingt-neuf pages et où demeurent de nombreux crochets qui sont autant d’options, pouvez-vous, monsieur le ministre, informer le Sénat et procéder à un état des lieux de la situation ? Un accord ambitieux est-il toujours envisageable ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, le travail se poursuit sans relâche au Bourget, jour et nuit. Je veux donc vous présenter les excuses de M. Laurent Fabius, président de la COP 21, qui ne peut être présent aujourd'hui, car il est en pleine négociation.

Le texte présenté hier par M. Laurent Fabius a permis d’enregistrer des avancées, en particulier sur l’adaptation aux impacts du changement climatique, sur la question de la transparence – c'est-à-dire en matière de contrôle de la mise en œuvre du futur accord – ou encore sur le développement et les transferts de technologies. Cela montre que la démarche suivie, reposant sur la recherche de compromis et sur une méthode de travail collective, associant notamment des ministres facilitateurs issus de tous les continents, porte ses fruits. Cette méthode inclusive de négociation est celle qui permettra de déboucher sur un accord.

Je salue la qualité de l’organisation et le succès que représente pour notre pays la bonne tenue de cette COP 21. Je me félicite également de la mobilisation et de la prise de conscience des chefs d’État et de Gouvernement, qui se sont exprimés très massivement lors de la séance d’ouverture. Ce fait a marqué les esprits.

Je me réjouis par ailleurs des très nombreuses initiatives qui ont été prises, qu’il s’agisse des collectivités locales, des entreprises ou de la société civile, c’est-à-dire de l’agenda des solutions qui a émergé pendant la Conférence des parties.

Dorénavant, l’objectif est de parvenir à un accord, « un bon accord », comme vous l’avez dit. Il reste encore du travail à fournir, des résistances à lever, des points de la négociation à faire avancer.

Il y a notamment le niveau d’ambition de l’accord, la question de la différenciation des efforts demandés aux pays selon leur niveau de développement et le sujet du financement.

À la lumière des dernières consultations, un nouveau texte devrait être présenté aujourd’hui. Il devra être le plus proche possible de l’accord final auquel nous souhaitons parvenir demain, comme cela était prévu.

L’exigence de succès doit accompagner les dernières heures de la COPS 21, elle doit être à l’esprit des ministres, des chefs de délégation, des négociateurs, qui, en responsabilité, doivent accélérer encore les discussions et les échanges afin de se mettre d’accord et de trouver les meilleurs points d’équilibre.

Les dernières heures de négociations seront longues, encore difficiles, mais nous sommes sur le bon chemin. La présidence française met tout en œuvre pour favoriser l’adoption d’un accord contraignant, universel et équitable, un accord qui permette d’enrayer le réchauffement climatique et de le limiter à moins de 2 degrés d’ici à la fin du XXIe siècle. Nous voulons un accord ambitieux afin d’éviter les drames écologiques et humains qu’entraîne le changement climatique. Le Président de la République l’a dit, l’instant est décisif. Il est également historique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour la réplique.

M. Jean-Claude Requier. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. En conclusion, permettez-moi d’adresser ce modeste message aux négociateurs et aux décideurs de la COP 21, en leur rappelant ces propos du Mahatma Gandhi : « le bonheur c’est lorsque vos actes sont en accord avec vos paroles » ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

éducation à l’environnement

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour le groupe écologiste.

Mme Marie-Christine Blandin. Ma question s’adresse à Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale. Elle concerne l’engagement du Gouvernement pour l’éducation à l’environnement et au développement durable, à laquelle la COP 21 a consacré une journée, et dont l’accord des Parties mentionnera l’importance.

Madame la ministre, vous y avez défendu une pédagogie de projet et vous avez insisté sur l’importance du savoir être.

Petit sujet, grandes conséquences pour de futurs adultes responsables et solidaires : par exemple, c’est autour des éco-écoles du Japon, associées à la démarche de l’UNESCO, que la mobilisation des élèves a permis la plus grande prise en charge des victimes après le séisme de 2011.

Les initiatives remarquables en matière d’éducation à l’environnement ne manquent pas, mais elles sont souvent entravées par des obstacles tels que le défaut d’information, l’insuffisant volet pratique de la formation initiale, le manque de temps et de lieux pour accueillir les concertations et la formation continue avec les partenaires.

Par ailleurs, elles s’accompagnent de tracas administratifs : organisation des sorties, zèles sanitaires abusifs à propos du jardinage, des élevages, des ateliers cuisine, du compost.

N’oublions pas que nous préparons les élèves à la vraie vie. (M. Alain Gournac s’exclame.) Tous les ressorts de motivation sont précieux et utiles pour façonner les gestes, et inviter aux sciences.

Comment le ministère va-t-il faciliter cette éducation et la rendre plus exhaustive ?

De nombreux pays s’engagent : comment la France va-t-elle, en prévision des quatrièmes assises internationales, dès février 2017, amplifier les dynamiques locales avec les collectivités, les parents, les associations, et favoriser l’éducation en prévision de la COP 22 ?

Enfin, nombre d’établissements se sont investis et ont préparé la venue de leurs ambassadrices et ambassadeurs du climat. Alors que des jeunes du monde entier ont participé à la COY, Conference Of Youth, comment les élèves et les étudiants français, consignés par l’interdiction de déplacement organisé, ont-ils pu être associés à la démarche ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice, je partage votre conviction que l’éducation a un rôle majeur à jouer dans ces enjeux fondamentaux que sont le développement durable et la lutte contre le changement climatique. Ce n’est pas un hasard, en effet, si vendredi dernier, à la COP 21, l’événement que nous avions organisé autour de l’éducation au développement durable a rencontré un tel succès : de très nombreux ministres de l’éducation nationale venant du monde entier étaient là pour discuter des moyens mis en œuvre afin d’atteindre cet objectif.

Vous faites partie de ceux qui ont insisté, et je vous en remercie, pour inscrire l’éducation au développement durable et à l’environnement dans le code de l’éducation. Aujourd'hui, tout cela prend forme. La révision récente des programmes scolaires a permis que soit désormais intégré le développement durable, et ce dans plusieurs disciplines. Il ne s’agit pas d’une discipline à part entière, j’insiste sur ce point, car une telle transversalité est importante. De plus, la réforme du collège, qui introduit des enseignements pratiques interdisciplinaires, a prévu précisément un programme consacré au développement durable.

Enfin, la pédagogie de projet permet de développer, du plus jeune âge au plus élevé, l’éducation au développement durable, qu’il s’agisse des jardins pédagogiques, des sorties scolaires dans la nature, des concours comme celui qui est consacré au développement durable, de la labellisation des établissements scolaires qui prennent le plus d’initiatives en la matière. Pour donner plus de force à tout cela, j’ai nommé quarante-quatre coordonnateurs académiques sur la question de l’éducation au développement durable, qui sont chargés d’être proactifs dans tous les établissements scolaires.

Pour conclure, je suis la première à regretter que les scolaires n’aient pu se rendre à la COP 21. Il s’agissait néanmoins d’une question de sécurité, chacun le comprendra ici. Nous avons considéré, au vu de la situation, qu’il n’était pas prudent d’envoyer plusieurs milliers de jeunes élèves au Bourget. Pour autant, dans tous les établissements scolaires concernés, de nombreuses activités ont été organisées. Je vous ferai partager avec grand plaisir le résultat de ces initiatives. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

libertés syndicales

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour le groupe CRC.

M. Jean-Pierre Bosino. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Le monde du travail a vraiment le sentiment depuis quelque temps de ne plus être entendu ni reconnu, et cela s’est traduit dimanche par une forte abstention, entre autres.

Le patronat, le MEDEF en tête, comme le Gouvernement ne manquent pas une occasion de vanter les mérites du dialogue social, mais, en réalité, c’est à un monologue social que nous assistons. Les patrons imposent leurs volontés ! Lorsque le gouvernement auquel vous appartenez annonce un nouveau code du travail d’ici à 2018, Pierre Gattaz jubile parce que lui veut le liquider !

De toutes parts montent des attaques violentes contre le code du travail. On lui reproche à la fois d’empêcher les entreprises d’embaucher et de licencier. Mais s’attaquer au code du travail, c’est s’en prendre aux salariés et à ceux qui les défendent.

Le monologue social, on l’a vu à l’œuvre chez Air France : ce sont les salariés qui ont fait de la compagnie ce qu’elle est, mais ils apprennent par les médias la suppression de 3 000 emplois. Quelle violence !

Lorsque tout ne se passe pas comme l’entend le patron, ce dernier n’hésite pas à s’attaquer aux agents de l’État.

Ainsi, une inspectrice du travail qui a remis en cause la légalité d’un accord sur les trente-cinq heures chez Tefal est menacée de changer de secteur, le tout avec l’appui de sa hiérarchie.

Une inspectrice du travail, un informaticien de Tefal et cinq salariés d’Air France ont désormais un point commun : ils ont été renvoyés devant la justice. Leurs crimes ? Simplement défendre les droits des salariés. La liste des salariés traînés en justice pour leurs actions risque de s’allonger parce que des salariés en lutte pour leur emploi, il y en a et il y en aura ! Je pense aux 200 emplois qui sont menacés chez Sidel du groupe Tetra Pack en Seine-Maritime, comme m’en a informé mon ami Thierry Foucault. Je pense également à Sanofi où les nuages noirs s’amoncellent.

Madame la ministre, dans ce contexte de violence sociale et de criminalisation de l’action des salariés, allez-vous abandonner le dynamitage du code du travail que vous vous apprêtez à mettre en œuvre ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur, je ne vous laisserai pas dire ici que le Gouvernement prend parti pour les entreprises, contre les salariés et les syndicats ou qu’il cautionne une quelconque criminalisation du fait syndical.

La liberté syndicale de même que le droit d’expression et le droit de grève sont des principes constitutionnels. Il est hors de question de les remettre en cause.

Vous citez des exemples concrets. Abordons-les avec honnêteté.

Pour ce qui concerne Air France, tout d’abord, vous avez fait référence au droit des salariés à s’exprimer. C’est évidemment un droit fondamental. Vous l’avez d’ailleurs pu voir que même l’état d’urgence n’a pas bâillonné le mouvement social. L’appel de la CGT à manifester a en effet été suivi de cinquante-cinq rassemblements de soutien aux salariés d’Air France, lesquels ont été autorisés malgré le contexte de l’état d’urgence.

M. Thierry Foucaud. Dans certains endroits, comme à Eu, les préfets les ont interdits !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Ce sont près de 4 700 personnes qui se sont mobilisées.

Pour ce qui concerne l’affaire Tefal, une décision de justice est en effet intervenue que je n’ai pas à commenter, pas plus que je ne l’ai fait pour celle qui concerne Air France.

Ce que je peux vous dire, c’est que je suis particulièrement attachée à l’indépendance de l’inspection du travail. Le Directeur général du travail l’a d’ailleurs écrit au procureur d’Annecy dans le cadre de cette affaire.

Mme Laura Pfeiffer, l’inspectrice du travail chargée du dossier Tefal, rencontrera la semaine prochaine le Directeur général du travail afin qu’ils réfléchissent ensemble à la façon dont elle pourra mener sa mission, dans les conditions les plus sereines possible.

Mme Myriam El Khomri, ministre. La liberté syndicale, bien sûr, est un droit essentiel.

Comment pouvez-vous prétendre que ce gouvernement ne protège pas la liberté syndicale, alors que j’ai rassemblé en décembre, à la suite de la réunion entre le Premier ministre et les partenaires sociaux le 20 novembre, l’ensemble de ces partenaires sociaux ? Ils ont pu faire remonter du terrain les tensions causées par les décisions prises, au cas par cas, par les préfets, s’agissant des manifestations et des rassemblements.

Ces réunions, qui se renouvelleront tout le temps que durera l’état d’urgence, visent à faire un point sur les tensions ou sur la non-acceptation de certaines décisions.

Par ailleurs, sachez que je n’ai d’injonction à recevoir de personne, ni des organisations patronales ni des organisations syndicales. Mettre en place la négociation collective, cela relève justement d’une certaine conception de la démocratie sociale.

M. Philippe Dallier. Et les chômeurs dans tout cela ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous ne sommes pas pour le contournement des syndicats. Mais il me semble essentiel, alors même qu’il n’y a pas de majorité sur le sujet, de réécrire le code du travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour la réplique.

M. Jean-Pierre Bosino. Ce que constatent aujourd’hui les salariés, madame la ministre, c’est que l’on entend davantage les patrons que les salariés et leurs organisations syndicales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

données des dossiers passagers (pnr européen)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, les attentats qui ont meurtri la France en novembre dernier ont fortifié notre détermination à lutter fortement contre le terrorisme. Notre sécurité intérieure a été renforcée grâce à la mise en place de l’état d’urgence, qui mobilise nos gendarmes, nos policiers et nos soldats. Cependant, il convient également d’être réaliste, car ces actions terroristes ont été préparées en dehors de nos frontières nationales.

De ce fait, accélérer la coopération européenne pour lutter efficacement contre le terrorisme devient nécessaire. C’est tout l’enjeu de l’adoption le plus rapidement possible, au niveau européen, d’un fichier des passagers aériens, dit PNR, qui puisse concilier la protection des données personnelles et celle de l’ordre public.

Pour ce faire, le Conseil des ministres de l’Union européenne est parvenu, mercredi 2 décembre, à un compromis, satisfaisant la volonté du Parlement européen en matière de libertés, tout en conservant la trace des déplacements en avion des voyageurs. Les conditions strictes que le Gouvernement français avait posées ont été largement reprises : le Conseil a ainsi fixé les garanties nécessaires pour assurer la protection de la vie privée des citoyens européens en optant pour un délai de conservation des données personnelles pendant six mois.

La commission parlementaire chargée des libertés civiles au sein du Parlement européen devait se prononcer aujourd’hui sur le compromis proposé par les États, avant un vote des eurodéputés en séance plénière au début de 2016. Si elle est adoptée, la directive, qui est proposée depuis 2011, devra ensuite être transposée dans tous les États membres.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire en quoi le fichier PNR permettra concrètement d’intensifier la mise en place des partenariats et des outils susceptibles de lutter efficacement contre le terrorisme ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, le PNR, c’est-à-dire le registre européen des données des passagers aériens accessible aux services de police et de renseignement dès la réservation des billets d’avion, est un outil indispensable dans la lutte contre le terrorisme à l’échelle européenne.

Les attaques du 13 novembre dernier ont souligné l’urgence de la mise en œuvre intégrale de l’ensemble des mesures du plan d’action adopté le 12 févier 2015, à Bruxelles, par les chefs d’État et de gouvernement, à la demande du Président de la République au lendemain des attentats de Paris du mois de janvier 2015.

Aujourd’hui même, une étape vient d’être franchie puisque la commission des libertés du Parlement européen a adopté, à une très large majorité, le projet de directive concernant le PNR, une adoption que je salue.

Nous attendons désormais l’adoption définitive en séance plénière par le Parlement européen, dans les meilleurs délais, de cette directive. Ce vote est conforme sur son contenu à l’accord que les ministres de l’intérieur avaient eux-mêmes approuvé lors de la réunion de vendredi dernier, à laquelle vous avez fait allusion et où Bernard Cazeneuve nous représentait.

C’est un succès pour la France, qui a été constamment à l’initiative sur ce sujet, auprès de ses partenaires comme auprès du Parlement européen. Le ministre de l’intérieur et moi-même sommes intervenus à plusieurs reprises auprès des parlementaires européens, à Bruxelles et à Strasbourg, pour les convaincre de la nécessité d’adopter ce texte.

Le Premier ministre lui-même s’est fortement mobilisé en s’adressant à la fois au président du Parlement européen, au président de la commission responsable et au rapporteur de ce texte.

Avec l’adoption de cette directive, nous disposerons d’un PNR européen efficace et opérationnel, car les trois conditions posées par la France ont été reprises : une durée de conservation des données de cinq ans, avec une procédure simplifiée de consultation des données après leur masquage, qui intervient au bout de six mois, comme aux États-Unis ; l’inclusion des vols intra-européens et des vols charters, que nous avons obtenue grâce à l’engagement de tous les États membres sans exception ; enfin, l’inclusion dans le champ de la directive des infractions nationales, et pas seulement transnationales.

C’est donc un outil clef de la lutte contre le terrorisme au niveau européen qui va voir le jour. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. François Fortassin et Mme Jacqueline Gourault applaudissent également.)

élections régionales et politique économique

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains.)

M. François Zocchetto. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Depuis dimanche soir, on ne parle que du Front national. C’est légitime, mais c’est injuste car, dans ce triste panorama, on oublie qu’un miracle s’est produit : dans toutes les régions, sauf une – la Bretagne, comme par hasard –, des élus de gauche qui se combattent durant toute l’année fusionnent allègrement leurs listes. (MM. Alain Gournac et Jean-Baptiste Lemoyne rient.)

Monsieur le Premier ministre, vous répétez à l’envi que la croissance ne pourra pas revenir sans la confiance.

En avril 2014, vous aviez formulé un constat de bon sens. Vous disiez : « Nous avons besoin de nos entreprises, de toutes nos entreprises, de nos PME, de nos start-up, de nos artisans […]. »

Fin 2015, malheureusement, votre constat est tout aussi fondé. La situation est encore plus calamiteuse, avec un record historique du chômage – 5,4 millions de chômeurs –, avec une France vice-championne du monde des prélèvements obligatoires, avec une croissance en berne.

Vos initiatives existent, c’est vrai, notamment celles qui sont portées par M. Macron. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais elles sont férocement combattues, avec des arguments clairs, je le reconnais, par les élus frondeurs, les élus écologistes et le Front de gauche. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.), comme nous venons d’en avoir l’illustration.

M. Jean-Louis Carrère. Allez-y, continuez…

M. François Zocchetto. C’est en effet depuis votre propre camp que vous êtes attaqué.

Ma question est très simple : alors que vous avez donné d’importants pouvoirs économiques aux régions, comment voulez-vous qu’un artisan, un créateur d’entreprise, un entrepreneur de PME vous fasse confiance, quand il y a manifestement une telle duplicité ?

Qui est sincère ? Le Premier ministre, qui prône le réalisme économique, ou le responsable politique que vous êtes, qui s’allie au dernier moment avec ceux qui le combattent ?

Qui croire, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Zocchetto, voilà une question liée, me semble-t-il, à l’actualité politique et aux élections,…

M. Alain Gournac. C’est bien vu !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … une question sincère et sans aucune arrière-pensée, j’imagine, dans cet entre-deux-tours (Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Je vais essayer de vous répondre le plus directement possible.

M. François Grosdidier. Et sans arrière-pensée non plus !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Tout d’abord, pour ce qui concerne vos premiers mots sur le Front national : oui, on parle beaucoup du Front national (Trop ! sur les travées du groupe Les Républicains.), et à juste titre, vu les scores qui ont été les siens, pas seulement dans trois régions, mais un peu partout. Cela doit nous amener tous à nous interroger et à porter des réponses à la hauteur des exigences, des colères, des souffrances de nos compatriotes.

Dans ces régions où le Front national peut l’emporter, j’ai pris, nous avons pris, la gauche a pris des positions claires. (Et Masseret ? sur les travées du groupe Les Républicains.)

En général, monsieur Zocchetto – vous et moi, nous pouvons nous retrouver sans peine sur ce sujet –, la politique, surtout dans des moments historiques comme ceux que nous connaissons, exige non pas du « renvoi dos à dos », non pas du « ni-ni », mais de la clarté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Je m’honore d’être le Premier ministre, le chef de la majorité qui a dit clairement les choses pour ce qui concerne le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, PACA et le Grand Est, car, dans ces moments-là, les Français ont besoin d’une position claire et nette, et chacun doit ainsi le recevoir.

Vous avez eu raison de dire que dans neuf régions sur les douze régions hexagonales – je n’évoque ni les quatre territoires d’outre-mer, qui sont aussi concernés par les élections régionales, ni la Corse –, le débat est particulièrement ouvert entre l’extrême-droite, la droite et la gauche rassemblée.

Aux électeurs de choisir dimanche prochain, et d’abord d’aller voter. Ici, dans cette enceinte, je veux en effet rappeler combien il est important, combien il est essentiel, que les Français aillent voter dimanche prochain, alors qu’un Français sur deux n’y est pas allé dimanche dernier, même si l’on a constaté un sursaut à l’occasion du premier tour des élections régionales. Il en va, à la fois, de l’avenir du pays, de son image et, bien sûr, de l’avenir des régions.

Puisque vous m’en offrez l’occasion, je le dis : oui, ils doivent aller voter, dans ces régions-là, pour les listes de gauche, pour la gauche qui s’est rassemblée. Il n’y a, de ce point de vue, aucune nouvelle information. Ces vingt et une régions sur vingt-deux étaient, jusqu’à maintenant, animées, gouvernées par la gauche rassemblée, et vous le savez parfaitement.

M. Alain Fouché. Pas avec les Verts !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous avons été plusieurs à dire combien il était important, puisqu’il s’agissait de la gestion des régions, que ceux qui les avaient gouvernées puissent se retrouver ensemble dès le premier tour.

C’est à l’occasion du second tour que ce rassemblement…

M. Alain Fouché. … passager !

M. Manuel Valls, Premier ministre. … s’est fait, dans les meilleures conditions possible. (Sourires sur certaines travées du groupe Les Républicains.) C’est sur la base à la fois d’un bilan et d’un projet que ce rassemblement doit avoir lieu.

De ce point de vue-là, monsieur Zocchetto, je souhaiterais que, dans certaines régions – je pense à Rhône-Alpes ou à l’Île-de-France –, les idées qui sont les vôtres, celles que vous portez, l’idée du centre, l’idée d’un certain humanisme, l’idée du rejet de l’extrême-droite (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.), soient davantage relayées. (Mme Chantal Jouanno s’exclame.) Peut-être, à ce moment-là, y aurait-il davantage de clarté dans le pays !

M. Manuel Valls, Premier ministre. J’ai été maire pendant douze ans, monsieur Zocchetto, et je suis toujours conseiller municipal d’une même majorité qui comprend des socialistes, des communistes et des Verts. C’est l’histoire !

Jamais, monsieur Zocchetto – et je le dis à d’autres qui se sont exprimés sur ce sujet ou qui ont fait certaines comparaisons, y compris parmi le patronat –, jamais je ne comparerai, au vu de l’histoire de mon pays, au vu de l’histoire de la France, l’histoire du parti communiste, sa place dans notre histoire, et celle de l’extrême-droite. Et je me suis toujours honoré, en tant que maire, de compter des communistes dans ma majorité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les travées du groupe écologiste.) Je me suis toujours honoré de pouvoir promouvoir, à condition que les choses soient claires, le rassemblement de toute la gauche et, quand c’est nécessaire, de tous les Républicains. Je n’ai jamais oublié, monsieur Zocchetto, la place des communistes dans la Résistance ou dans le premier gouvernement du général de Gaulle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que du groupe écologiste. –Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) De ce point de vue-là, que les choses soient claires pour chacun !

Ce qui me paraît essentiel, c’est que la ligne du Gouvernement soit affirmée, c’est qu’elle soit claire sur la nécessité de la croissance, de l’emploi, avec nos convictions et mes convictions.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je ne doute pas que le partenariat entre l’État et les régions se fera sur le développement économique, l’apprentissage, les lycées, l’agriculture, le développement durable, les transports, les mobilités, comme nous l’avons fait dans le cadre des contrats de plan. Et c’est ainsi que nous allons continuer d’agir, fiers d’être de gauche et fiers d’être républicains ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE. –M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour la réplique.

M. François Zocchetto. Monsieur le Premier ministre, vous fustigez, comme nous, le Front national. Mais, dans le même temps, vous alimentez son fonds de commerce par ce qui est perçu, même si vous ne partagez pas ce point de vue, comme des arrangements. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

situation de l'emploi

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Madame la ministre, le 9 septembre 2012, le Président de la République annonçait l’inversion de la courbe du chômage à l’échéance d’un an et Pierre Moscovici, à la même époque, déclarait : « L’inversion est possible et elle va arriver à la fin de l’année, j’en ai la conviction, une conviction informée. »

À la fin de l’année 2013, le nombre de demandeurs d’emploi avait augmenté de 6,5 %. Fin mars 2014, notre pays comptait plus de 5 millions de chômeurs. Trois ans après l’élection du Président de la République, en 2015, la France a atteint le niveau historique de 5,7 millions de demandeurs d’emploi. Les derniers chiffres publiés du chômage, ceux du mois d’octobre, révèlent un bond sans précédent : on enregistre 42 000 chômeurs de plus en un seul mois.

Ces très mauvais résultats interviennent alors que l’euro est faible, que le cours du pétrole l’est également et que les taux d’intérêt sont au plus bas.

Tous les pays européens profitent de cette situation pour réformer et créer des emplois : l’Allemagne, la Grande-Bretagne, qui est quasiment en situation de plein emploi, l’Italie, dirigée par un gouvernement de gauche, l’Espagne, et même la Grèce. Tous, sauf la France !

Madame la ministre, combien faudra-t-il de chômeurs de plus pour que le Gouvernement prenne enfin conscience que les politiques qu’il mène sont plus destructrices que créatrices d’emplois, dans un pays qui a pourtant tant d’atouts, tant de créativité, tant de chefs d’entreprise audacieux ?

Le Président de la République a dit hier, en conseil des ministres, que l’important était de définir un cap. Madame la ministre, quel est ce cap ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la sénatrice, le cap, c’est bien sûr de permettre aux chômeurs actuellement en situation de détresse de retrouver le chemin de l’emploi. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

Pour faire baisser durablement le chômage, deux préalables sont requis.

Le premier préalable, c’est la croissance. Elle s’établit à 1,1 %, soit au-delà de nos prévisions, mais elle n’est pas suffisante pour absorber les entrées sur le marché du travail. En France, on compte chaque année 700 000 départs à la retraite en moyenne et 850 000 entrées sur le marché du travail ; en Allemagne, ces chiffres sont respectivement de 700 000 et de 660 000 : comparons donc ce qui est comparable !

Le second préalable, c’est que l’économie crée de l’emploi. Après plusieurs années de destruction d’emplois, nous avons enregistré, depuis un an, la création nette de 37 600 emplois. Ce n’est bien évidemment pas suffisant au regard du niveau du chômage. Nous constatons que les emplois créés sont, malheureusement, des emplois précaires, en intérim ou en contrat à durée déterminée. Cela explique que les chiffres connaissent des variations extrêmement fortes d’un mois à l’autre.

Certains secteurs créent des emplois – je pense notamment au secteur tertiaire –, mais d’autres, comme l’industrie ou le bâtiment, n’en créent pas assez ou en détruisent encore.

Devant cette situation, que faisons-nous ?

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Rien !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous n’attendons pas les bras croisés dans nos bureaux que tombent chaque mois les chiffres du chômage. Que faisons-nous ?

Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Rien !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Par exemple, le Gouvernement a mis en place, vendredi dernier, la mesure relative aux particuliers employeurs, qui permettra de créer de nombreux emplois.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous mettons en place le prêt à taux zéro au bénéfice du secteur du bâtiment, afin de créer de l’emploi, et nous développons de façon prioritaire les formations qui permettront à des chômeurs d’occuper les emplois actuellement non pourvus. Bien évidemment, il faudra aller plus vite et plus loin ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour la réplique.

Mme Sophie Primas. Madame la ministre, les bras m’en tombent !

Le taux de chômage des jeunes dépasse 25 %, le nombre des contrats d’apprentissage est en baisse constante, on compte 800 000 chômeurs de longue durée. Le Gouvernement est-il sourd au message envoyé dimanche par les électeurs ?

« Je me bats pour l’emploi, c’est une volonté, une stratégie, une cohérence », disait, martial, le Président de la République. Ces mots résonnent aujourd’hui comme un terrible aveu d’échec ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

adaptation de la société au vieillissement

M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Thierry Carcenac. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie.

Madame la secrétaire d'État, lundi prochain, le Sénat examinera, après l'Assemblée nationale aujourd’hui, les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’adaptation de la société française au vieillissement. Il faut le souligner, les représentants des deux assemblées sont parvenus à un accord sur ce texte.

Il convient de vous remercier, madame la secrétaire d'État, pour votre écoute, ainsi que le gouvernement de gauche que vous représentez pour le respect des engagements que le Président de la République avait pris sur cette grande réforme sociale, tant de fois repoussée depuis plus de dix ans. Il faut également remercier nos deux rapporteurs, Georges Labazée et Gérard Roche, pour leur implication et leur connaissance du dossier.

Cette réforme ambitieuse répond aux besoins des personnes âgées et de leurs proches, elle est responsable à l’égard des financeurs, notamment des départements, ce qui ne fut pas toujours le cas en d’autres occasions.

Le défi du vieillissement et de la dépendance est immense, sachant que, en 2060, plus d’un tiers de la population française aura plus de soixante ans et que les plus de quatre-vingt-cinq ans seront près de 5 millions, contre 1,4 million aujourd’hui. Nous le savons, les personnes âgées souhaitent continuer à vivre chez elles. Les attentes sont nombreuses et les besoins sont grands en ce qui concerne l’accompagnement à domicile, le logement, le soutien aux aidants et la restructuration du secteur de l’emploi à domicile.

Madame la secrétaire d'État, quels moyens seront mis en œuvre pour répondre à ces attentes, et dans quels délais ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, c’est effectivement une belle nouvelle pour toutes les personnes âgées et leurs familles : la loi relative à l’adaptation de la société française au vieillissement sera définitivement adoptée la semaine prochaine.

M. Philippe Dallier. C’est Noël !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. C’était un engagement du Président de la République. Comme vous l’avez souligné, si nous avons pu parvenir à construire une aussi belle loi, c’est grâce à l’engagement des parlementaires. Il faut saluer en particulier, ici au Sénat, le travail mené en commun, sans sectarisme, par les rapporteurs Roche et Labazée. À l’Assemblée nationale, le même esprit a prévalu.

Cette loi est attendue, car elle va apporter des droits sociaux nouveaux. C'est l’acte II de l’allocation personnalisée à l’autonomie, qui va progresser. Une personne pourra bénéficier d’une heure supplémentaire par jour d’aide à domicile si elle est fortement dépendante et d’une heure par semaine si elle l’est moins. Par ailleurs, le reste à charge diminuera, ce qui signifie que le pouvoir d’achat des personnes âgées va augmenter.

Enfin, cette loi crée des droits sociaux nouveaux, en particulier le droit au répit pour les aidants. En effet, 4 millions d’hommes et de femmes accompagnent au quotidien une personne âgée dépendante, ce qui est lourd, difficile, épuisant pour eux. Nous instaurons pour ces accompagnants, pour ces proches aidants, une allocation annuelle qui leur permettra de financer un hébergement temporaire, de faire appel à davantage d’aide à domicile, de recourir à l’accueil de nuit ou à l’accueil de jour. Bref, nous allons leur permettre de souffler.

C’est une grande loi créant des droits sociaux immédiatement, mais c'est aussi une loi qui voit loin : elle permettra d’adapter la société au vieillissement, en mobilisant les départements et toutes les collectivités territoriales, en amenant chacun à se demander si, dans sa ville, les transports, la culture, le sport, l’urbanisme sont bien adaptés aux personnes âgées,…

M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d'État.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. … si celles-ci sont bien accueillies et intégrées. Monsieur le sénateur, cette belle loi sera votée la semaine prochaine et appliquée dès le 1er janvier 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac, pour la réplique.

M. Thierry Carcenac. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de votre réponse précise.

Nos concitoyens attendent avec impatience ces nouveaux droits, de même que le secteur de l’aide à domicile, qui favorise l’emploi dans nos territoires, comme chez moi dans le Tarn.

Enfin, la revalorisation de l’APA à domicile sera compensée aux départements, et une gouvernance locale pourra ainsi être mise en place. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

état des négociations sur la cop 21 (conférence de paris sur le climat)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

Je vous félicite, mon cher collègue, pour la résolution de l’Union interparlementaire qui a été adoptée à l’unanimité dimanche dernier.

M. Hervé Maurey. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Le président Larcher vient de l’évoquer, la Haute Assemblée s’est mobilisée voilà plus d’un an, sous son impulsion, pour la préparation de la COP 21 : l’ensemble des instances du Sénat – commissions, délégations, groupes d’amitié – ont participé à un travail qui a donc débouché sur l’adoption à l’unanimité d’une proposition de résolution présentée voilà quelques semaines par notre collègue Jérôme Bignon.

Par cette résolution, nous avons voulu rappeler notre attachement à la conclusion d’un accord universel, contraignant et différencié. Nous avons aussi voulu rappeler le rôle essentiel joué par les territoires et les collectivités dans la lutte contre le dérèglement climatique.

Par son implication, le Sénat a également voulu mettre en exergue le rôle du Parlement dans ce combat. À cet égard, il faut rappeler qu’ici même, dimanche, près de 400 parlementaires du monde entier étaient réunis dans le cadre de l’Union interparlementaire.

Cette réunion s’est conclue par l’adoption d’une déclaration commune traduisant l’engagement de tous les parlements du monde en faveur d’actions concrètes contre les dérèglements climatiques.

Monsieur le Premier ministre, à quelques heures de la fin de la COP 21, pourriez-vous nous dire quelles sont nos chances d’arriver à l’accord ambitieux que nous appelons de nos vœux, c’est-à-dire un accord universel, contraignant et évolutif, avec un mécanisme de contrôle transparent. Quels sont les engagements financiers pris à ce jour, notamment dans le cadre du Fonds vert pour le climat ? Comment faire en sorte que cet accord, s’il est conclu, soit appliqué et respecté ? Enfin, comment faire pour que le Gouvernement associe davantage, à l’avenir, le Parlement à ce processus qu’il ne l’a fait jusqu’à présent ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur Maurey, je veux d’abord saluer à mon tour la mobilisation du Sénat, les travaux qu’il a conduits et l’adoption de la proposition de résolution que vous avez évoquée.

Vous l’avez rappelé, l’accent a été mis sur le rôle des territoires. Paris a reçu, en marge de la COP, des milliers d’élus locaux, de maires, de présidents de collectivité locale qui ont confirmé leur engagement à ce que leurs territoires contribuent à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Je salue votre contribution au succès de cette rencontre parlementaire mondiale organisée sous l’égide de l’Union interparlementaire.

Nous sommes aujourd’hui parvenus à la phase finale de la négociation. Laurent Fabius va soumettre un nouveau texte en vue d’aboutir à un accord qui fasse une différence entre avant et après la COP 21.

L’après-COP 21 devra être marqué par l’engagement de la communauté internationale sur un accord ambitieux, contraignant, prévoyant des financements, des transferts de technologie, des mécanismes de suivi et des rendez-vous réguliers pour vérifier que nous sommes vraiment sur une trajectoire d’augmentation de la température limitée à 2 degrés au maximum.

En outre, il faudra que, dans chacun des pays, en particulier en France, les parlements nationaux veillent à la transposition dans la législation interne des engagements qui auront été pris, fassent en sorte que nous passions à une économie décarbonée, que nous financions l’amélioration de l’efficacité énergétique et la solidarité avec les pays en développement, que nous mettions en place des systèmes d’alerte, par exemple pour les pays les plus vulnérables.

Le rôle du Sénat et de l’Assemblée nationale, comme celui de toutes les assemblées de l’ensemble des 195 États parties à l’accord, sera donc absolument décisif, comme il l’a déjà été pour aider le président de la COP, Laurent Fabius, à obtenir un accord.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. D’ores et déjà, nous devons nous préparer à respecter nos engagements et faire en sorte que tous les pays contribuent à la mise en œuvre de l’accord de Paris. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.

M. Hervé Maurey. Nous resterons très vigilants sur ce sujet, et le Sénat entend jouer pleinement son rôle. Comme l’a indiqué M. le secrétaire d'État, c'est le Parlement qui ratifie les accords, qui vote les budgets et les dispositions législatives permettant l’application des mesures contenues dans ces accords. C'est aussi le Parlement qui contrôle l’action du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

chiffres de la délinquance

M. le président. La parole est à M. Michel Forissier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Forissier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

Quasiment tous les indicateurs de la délinquance, présentés en octobre dernier, sont à la hausse, aux termes du premier bilan dressé par le nouveau service statistique ministériel de la sécurité intérieure.

En juin dernier, le Gouvernement a pris l’initiative de ne plus transmettre aux maires le rapport mensuel sur les chiffres de la délinquance, qui était adressé par les services de l’État aux communes qui en faisaient la demande.

La commune de Meyzieu, dont je suis maire, a mis en place en 2003 un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. En dix ans, la délinquance y a diminué de plus de 25 %, ce qui prouve que la coordination locale de sécurité a toute sa place.

Toutefois, sans statistiques par commune, sans statistiques par zone au sein de la commune, le pilotage par les maires d’une telle instance perd de son efficacité.

Quel est l’objectif du Gouvernement quand il prend la décision de ne plus communiquer aux maires les chiffres de la délinquance locale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur Forissier, je vous prie d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre de l’intérieur, retenu à Londres par une réunion consacrée à la lutte contre le terrorisme.

La réforme des outils statistiques sur la délinquance constatée par les services de police et de gendarmerie permettra, monsieur le sénateur, de disposer de données améliorées et transparentes,…

M. Alain Gournac. Transparentes pour les maires ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État. … afin de pouvoir mieux piloter l’action des services et de mieux informer les pouvoirs publics, nos concitoyens, les parlementaires et les élus locaux.

Cette réforme repose sur une double exigence : exigence de rigueur, d’une part, avec la création d’un service statistique ministériel de la sécurité intérieure, labellisé par l’Autorité de la statistique publique, l’objectif étant de garantir la sincérité, la fiabilité, la « robustesse » de la production des chiffres de la délinquance ; exigence de précision, d’autre part, avec la mise en œuvre de nouveaux outils informatiques de rédaction des plaintes, dans la police comme dans la gendarmerie.

Ce retraitement scientifique des séries selon les méthodes de l’INSEE permet désormais de disposer de données fiables et comparables dans le temps, conformes aux standards de la statistique publique.

Il s’agit de pouvoir s’appuyer, à l’avenir, sur des chiffres de la délinquance tout aussi rigoureux que les statistiques économiques, comme celles du chômage, et de disposer enfin des outils nécessaires à la conduite et au contrôle des politiques de sécurité.

Cette réforme a entraîné très provisoirement la non-communication des chiffres de la délinquance, mais tous les indicateurs seront bientôt communiqués, y compris au niveau territorial. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Michel Forissier, pour la réplique.

M. Michel Forissier. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, d’avoir exposé votre théorie sur la statistique, mais permettez-moi de dire que le fait de masquer les chiffres de la délinquance à l’échelle locale pose problème au moment où, sur le plan national, on annonce des chiffres en hausse, par exemple un bond de plus de 10 % du nombre des vols avec arme…

Ce n’est pas une telle politique, qualifiée autrefois de politique de l’autruche, qui peut conduire les responsables publics à prendre les mesures nécessaires sur le terrain au niveau communal !

M. Michel Forissier. L’absence de transparence est source d’inquiétude pour nos administrés ! L’opacité des chiffres va encore augmenter les craintes, et cette perte de confiance se retrouve lors des consultations électorales.

Si vos nouveaux outils statistiques doivent conduire à diminuer les capacités d’analyse à l’échelon local, vous allez priver les maires de leviers d’action contre la délinquance ! Nous avons besoin de transparence, de chiffres précis et, surtout, d’une politique pénale efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

canne à sucre: accord de libre-échange avec le vietnam

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour le groupe socialiste et républicain.

Mme Odette Herviaux. C’est à la place de mon collègue Jacques Cornano, empêché, que j’interviens pour interroger Mme la ministre des outre-mer sur les conséquences des accords de libre-échange signés entre l’Union européenne et des pays tiers, en particulier le Vietnam, pour les sucres spéciaux.

Un quota de 20 000 tonnes de sucre serait accordé au Vietnam, sans qu’il soit précisé s’il s’agit de sucre blanc raffiné ou de sucre roux spécial.

La filière canne-sucre-rhum-bagasse est pourtant un pilier fondamental de la vie économique de nos départements d’outre-mer. Les sucres roux constituent pour eux un marché essentiel – de niche, certes, mais de haut de gamme. En 2014, 660 000 tonnes de cannes ont été produites en Guadeloupe, 166 000 tonnes en Martinique et 1,763 million de tonnes à La Réunion. La France produit ainsi 120 000 tonnes de sucre roux, dont 90 000 tonnes en provenance de La Réunion.

Cette filière représente 23 000 emplois directs et 40 000 emplois indirects et induits, dans des territoires où le taux de chômage dépasse parfois 30 %.

Les accords bilatéraux à venir, qui tendent à abaisser les barrières douanières pour le sucre, sont une menace très sérieuse pour nos planteurs, qui doivent respecter des normes environnementales et sociales beaucoup plus strictes que celles qui s’imposent à leurs concurrents.

Je sais, madame la ministre, la mobilisation du Gouvernement sur ce dossier. D’ailleurs, M. le Premier ministre, comme il s’y était engagé à La Réunion en juin dernier, a revalorisé la prime bagasse.

Cependant, l’état actuel des négociations ne nous satisfait pas. La seule protection efficace de la filière des sucres spéciaux passe soit par son exclusion du champ de l’accord, soit par l’instauration d’un quota spécifique proportionné à sa part dans le marché global du sucre.

Je vous demande donc, madame la ministre, de bien vouloir nous indiquer où en sont les négociations avec la Commission européenne et le Vietnam. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Madame la sénatrice, le Gouvernement suit avec la plus grande attention l’évolution des discussions avec le Vietnam et la Commission européenne concernant la filière canne-sucre-rhum-bagasse, qui est en effet très importante pour les outre-mer.

Depuis 2012, nous avons pris ce sujet à bras-le-corps. La nécessaire protection de cette filière s’est par exemple traduite par la revalorisation de la prime bagasse, que vous avez évoquée et qui permet accessoirement de diversifier la production d’énergies renouvelables dans les outre-mer.

Aujourd'hui, s’agissant de l’accord avec le Vietnam, nous sommes confrontés à une difficulté, tenant à ce que la fin des quotas sucriers n’avait pas été suffisamment anticipée, de sorte que le mandat donné à la Commission européenne n’excluait pas les sucres spéciaux, qui, comme vous l’avez dit, madame la sénatrice, sont un marché de niche essentiel pour les outre-mer. La conséquence de cette importante erreur est que nous devons maintenant discuter pied à pied avec la Commission européenne alors que celle-ci n’est pas juridiquement contrainte de nous écouter.

Quoi qu’il en soit, nous avançons. Nous avons ainsi obtenu, voilà peu de jours, l’exclusion du champ des nouveaux accords de la ligne tarifaire qui permet de couvrir la quasi-totalité des expéditions de sucres spéciaux des départements d’outre-mer vers l’Union européenne. Vous le voyez, notre détermination est totale, et la filière des sucres roux de nos outre-mer demeure protégée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

canne à sucre

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Michel Magras. Madame la ministre des outre-mer, la délégation sénatoriale à l’outre-mer a été alertée par les professionnels du sucre de La Réunion de la menace de plus en plus pressante que fait peser sur la filière canne la politique commerciale européenne.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est la même question !

M. Michel Magras. Différentiel de compétitivité, fin des quotas sucriers en 2017 et accumulation des accords commerciaux mettent en grave danger la filière canne.

Cette filière, qui fait partie du patrimoine de nos départements d’outre-mer, représente quelque 40 000 emplois directs et indirects dans des territoires sinistrés par des taux de chômage record : c’est l’équivalent de 3 millions d’emplois pour l’Hexagone !

Il est impensable de laisser la Commission européenne sacrifier les économies de nos régions ultrapériphériques sur l’autel du libre-échange et de laisser prospérer une politique commerciale en contradiction totale avec les politiques régionale et agricole. À quoi sert d’octroyer et d’autoriser des aides qui ont permis une modernisation vertueuse de la filière si on prive parallèlement celle-ci de débouchés, en encourageant une concurrence à bas coût sur le marché européen ?

Je sais votre mobilisation et celle des services chargés du suivi des négociations en cours avec le Vietnam. Cependant, l’accord politique intervenu cet été résonne comme un coup de semonce pour la production sucrière de nos régions ultrapériphériques.

Comment est-il possible que l’on ait découvert au cœur du mois d’août que l’accord politique avait été finalisé sans alerte préalable des autorités françaises ? Le mandat de négociation donné en amont à la Commission a-t-il été suffisamment cadré ? Quelles garanties peut-on désormais espérer, alors que de nombreux autres accords commerciaux se profilent déjà ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. Cette fois, la question est bien posée ! Ce n’est pas téléphoné !

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Magras, la question de l’avenir de la filière canne-sucre-rhum agite en effet beaucoup les outre-mer, étant donné la place qu’elle occupe dans leurs économies.

Cet accord entre l’Union européenne et le Vietnam représente pour nous un héritage qu’il nous a fallu assumer, ses conséquences n’ayant pas été suffisamment anticipées. Le mandat de négociation donné à la Commission européenne ne prenait pas en compte, en effet, les spécificités des outre-mer. Par conséquent, nous sommes maintenant en quelque sorte obligés de nous insérer dans les discussions pour faire entendre à la Commission européenne les difficultés que soulève la négociation en cours pour nos outre-mer.

Comme je l’indiquais à Mme Herviaux, nous avons obtenu une avancée positive avec l’exclusion du champ de l’accord de la principale ligne tarifaire d’exportation des sucres ultramarins. Cependant, les choses auraient été plus simples si la Commission européenne avait été alertée en amont.

Cela étant, nous mettons en œuvre tous les moyens pour continuer à avancer. Les sucres spéciaux seront ainsi bien exclus des accords à venir, comme celui qui est en cours de négociation avec l’Afrique du Sud.

Par ailleurs, nous allons déposer auprès de la Commission européenne une demande d’autorisation d’augmenter les aides de l’État à la filière canne-sucre, à hauteur de 30 millions d’euros. Le dossier a été préparé en liaison avec les organisations professionnelles ; il est maintenant bien étayé et prêt à être déposé.

D’autres difficultés se posent cependant. Nous avons ainsi reçu les représentants des salariés de l’entreprise Saint-Louis, qui met un terme à l’activité de raffinage des sucres.

M. le président. Il va vous falloir conclure, madame la ministre.

Mme George Pau-Langevin, ministre. Nous travaillons à sauvegarder cette filière sucrière dont nous connaissons tous l’importance pour les outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour la réplique.

M. Michel Magras. Madame la ministre, la stratégie actuelle de la France semble avoir atteint ses limites.

La délégation sénatoriale à l’outre-mer s’est saisie de cette question et a adopté ce matin à l’unanimité une proposition de résolution comportant une dizaine de préconisations aussi claires que précises, qu’il nous semble indispensable de mettre en place si nous voulons sauver les économies des régions ultrapériphériques. Nous attendons du Gouvernement et de la France une action plus ferme et plus efficace. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

sommet france-océanie

M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Robert Laufoaulu. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international, porte sur le sommet France-Océanie, ainsi que sur la façon dont la situation des îles océaniennes a été prise en compte à l’occasion de la COP 21.

Le quatrième sommet France-Océanie s’est tenu à Paris les 25 et 26 novembre, juste avant la COP 21. Au dire même des dirigeants océaniens présents, ce fut un succès.

Instaurés en 2003 par le président Chirac, ces sommets devaient être des rendez-vous triennaux entre les gouvernements océaniens, les trois collectivités françaises du Pacifique et le Président de la République française. Le dernier avait eu lieu en 2009, et le suivant devait se tenir à l’été 2012. Hélas, il n’a pas été organisé !

Ces six ans d’absence française sont regrettables, sachant que, dans le même temps, les sommets États-Unis-Océanie, Chine-Océanie, Japon-Océanie, Inde-Océanie et autres, souvent annuels, se sont multipliés. L’Océanie est bien une zone stratégique.

Je souhaite donc savoir dans quelle mesure la France pourrait s’engager à organiser régulièrement des sommets France-Océanie, peut-être selon un rythme plus soutenu, par exemple tous les deux ans.

Par ailleurs, la COP 21, qui s’achève, a mis en lumière la tragédie qui attend l’Océanie. Si les réfugiés de guerre ont l’espoir de revoir un jour leur pays, les futurs réfugiés climatiques savent qu’ils quitteront leur terre, bientôt engloutie, sans espoir de retour.

C’est pourquoi je comprends et soutiens la revendication des pays de cette région de voir ramener l’objectif de réchauffement à 1,5 degré.

La France, puissance océanienne par ses collectivités du Pacifique, dont j’aimerais savoir si elles pourront bénéficier du Fonds vert pour le climat, s’est-elle faite la porte-parole des Océaniens pendant la COP 21 et, si oui, de quelle manière ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Laufoaulu, le quatrième sommet France-Océanie a marqué, comme vous l’avez dit, une nouvelle étape dans les relations de la France avec ses voisins océaniens, et permis de renforcer les liens non seulement d’amitié, mais aussi économiques, scientifiques et culturels, qui unissent nos peuples. Vous avez raison de rappeler que l’Océanie est une région absolument stratégique au regard des grandes questions internationales.

Ce sommet a été utile. Les pays de cette zone, qui sont très vulnérables au dérèglement climatique, ont pu y exprimer leurs demandes. Elles concernent principalement deux points, sur lesquels la France a apporté son soutien aux pays de l’Océanie tout au long de la COP 21 : premièrement, le niveau d’ambition de l’accord, en particulier la limitation de la hausse de la température à moins de 2 degrés, et plus précisément à 1,5 degré, les petits États insulaires en développement, à l’instar de nombreux pays du Pacifique, étant particulièrement vulnérables à la montée des eaux, qui met en jeu leur survie ; deuxièmement, l’adaptation, ce que l’on appelle les pertes et dommages, c’est-à-dire les soutiens pour faire face aux conséquences du dérèglement climatique.

La France, qui exerce la présidence de la COP, s’est faite l’avocate de ces pays et cherche une solution ambitieuse, étant très attentive aux demandes des pays vulnérables en général.

Ces deux sujets font l’objet de travaux ad hoc et de consultations spécifiques, qui se poursuivent aujourd’hui encore. La France promeut en outre la recherche de réponses concrètes à ces enjeux et une initiative pour le renforcement des systèmes d’alerte aux risques climatiques ; 80 millions d’euros ont été levés à ce titre.

Comme vous l’avez souligné, un dialogue continu et des réunions périodiques doivent permettre de resserrer encore nos liens avec les pays océaniens. Le Président de la République a donc fait part de l’engagement de l’État à organiser un cinquième sommet France-Océanie en 2018 et à tenir des dialogues biennaux de haut niveau entre la France et la présidence du Forum des îles du Pacifique.

Vous m’interrogez enfin sur l’éligibilité des collectivités françaises du Pacifique au Fonds vert pour le climat. Le bénéfice de celui-ci est exclusivement réservé aux pays en développement, mais des projets régionaux, ayant des effets positifs pour ces collectivités, seront évidemment développés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mardi prochain 15 décembre, de seize heures quarante-cinq à dix-sept heures trente, et seront retransmises sur Public Sénat et le site internet du Sénat.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.)

PRÉSIDENCE DE Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l'ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité
Discussion générale (suite)

Transport ferroviaire régional

Rejet d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe communiste républicain et citoyen, de la proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité, présentée par Mme Évelyne Didier et plusieurs de ses collègues (texte n° 113, rapport n° 212, résultats des travaux de la commission n° 213).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-France Beaufils, coauteur de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l'ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité
Article premier

Mme Marie-France Beaufils, coauteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre proposition de loi, élaborée avec Évelyne Didier et soutenue par notre groupe, a pour objectif de « maintenir et de développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité ».

Cette proposition de loi nous semble particulièrement utile et opportune, alors que la clôture de la COP 21 interviendra demain et que la communauté internationale s’engage à agir sur le climat afin de préserver l’existence même de l’humanité. Il nous semble donc plus que nécessaire de passer des paroles aux actes.

Nous savons que le secteur des transports est particulièrement émissif, puisqu’il est à l’origine de 27 % des émissions globales de gaz à effet de serre, comme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie l’a rappelé. La puissance publique assume donc d’une responsabilité particulière en matière de report modal, de manière à favoriser le rail, moins productif d’émissions de gaz à effet de serre que la route.

À titre d’exemple, la région Centre-Val de Loire, traversée par huit autoroutes, concentre des trafics routiers importants, internationaux pour moitié d’entre eux. L’agglomération de Tours est particulièrement touchée, avec une fréquence de 65 000 véhicules par jour. Par ailleurs, 94 % du tonnage du trafic régional de marchandises passe par la route. Le ratio rail-route, dans ma région, s’élève à 6,2 % et continue de baisser.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que le coût de cette pollution pour la nation a été chiffré à 100 milliards d’euros par an. Nous devons donc tirer les enseignements de tous ces chiffres, catastrophiques pour notre environnement. Ceux-ci nous montrent que les orientations prises pour le transport de marchandises ne doivent pas être retenues pour le transport de voyageurs. Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

Tout d’abord, nous prenons acte aujourd’hui du fait que les régions sont l’échelon de référence en matière de politique de transport de personnes, hors offre de TGV et de transports urbains – c’est encore plus vrai depuis l’entrée en vigueur de loi portant nouvelle organisation territoriale la République, la loi NOTRe.

Depuis 2002, les régions assument cette compétence pour les transports d’intérêt régional, principalement les trains express régionaux, les TER. L’expérience est favorable, puisque la fréquence des trains n’a cessé d’être renforcée et les usagers sont de plus en plus nombreux.

Dans la région Centre-Val de Loire, le nombre de voyageurs par kilomètre a progressé de 16 % entre 2005 et 2012 et, aujourd’hui, chaque train transporte, en moyenne, 86 voyageurs, contre 71 au niveau national. Cet engagement a nécessité et nécessite toujours des budgets importants. La région y consacre ainsi 19 % de son budget, taux qui correspond à la moyenne nationale.

Or les régions dépendent, pour la quasi-totalité de leurs ressources, des moyens que l’État consent à leur attribuer, moyens qui diminuent dans le cadre des politiques d’austérité engagées par la droite et malheureusement poursuivies et amplifiées par le gouvernement actuel.

La compensation financière des transferts de charges n’a jamais été à la hauteur : l’État verse 2 milliards d’euros aux régions qui dépensent 3,6 milliards d’euros ! Cet écart est important.

Il est particulièrement incohérent de promouvoir une décentralisation renforcée tout en octroyant toujours moins de ressources aux collectivités territoriales pour assumer de nouvelles compétences. Le respect de la démocratie passe donc par un arrêt des politiques de réduction des dotations aux collectivités. Il suppose aussi de reconnaître la nécessité de développer des sources nouvelles de financement des transports, au lieu d’amputer les financements actuels, comme cela vient d’être fait dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, avec le relèvement des seuils d’assujettissement au versement transport.

De plus, nous estimons que le financement par l’État du service public ferroviaire est fondamental. Le service public ferroviaire est, par nature, un service public national qui permet l’exercice d’un droit fondamental de nos concitoyens : le droit à la mobilité. Ce droit est souvent la condition de l’accès à un emploi, aux soins, à la culture, à l’éducation… L’État doit donc le garantir, y compris au moyen de son contrat d’objectifs avec la SNCF.

L’État doit aussi s’engager pour que le réseau ferroviaire soit efficient, ce qui suppose la reprise de la dette ferroviaire et la sanctuarisation des ressources de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.

Le maillage de l’ensemble du territoire, acquis des politiques de service public menées depuis des décennies, est un atout indéniable, mais il est aujourd’hui en danger. D’ailleurs, cette situation conduit les régions à prendre de nouvelles responsabilités, en lieu et place de l’État. Je veux citer un exemple : notre région est intervenue pour la modernisation de la ligne Tours-Chinon, qu’elle a financée à hauteur de 12 millions d’euros, contre 3 millions d’euros pour Réseau ferré de France, RFF, et seulement 1 million d’euros pour l’État.

Au-delà de ces considérations nationales, nous nous sommes plus précisément attachés, dans cette proposition de loi, à donner des moyens nouveaux aux régions pour les transports d’intérêt régional. Nous proposons, ainsi, l’instauration d’un versement transport régional.

Je rappelle que les régions sont actuellement les seules autorités organisatrices qui ne perçoivent pas de versement transport. Les collectivités territoriales situées en périmètre urbain en bénéficient, tout comme la région Île-de-France, qui dispose d’un régime spécifique. Il faut, nous semble-t-il, mettre fin à cette injustice.

Il paraît également opportun que l’ensemble des entreprises, qui bénéficient, pour leurs salariés et leurs clients, de bonnes conditions de mobilité, s’engagent à participer à ce financement. Le discours libéral, qui fait de l’imposition des entreprises un frein à l’économie et que l’on l’entend très souvent dans cette enceinte, doit cesser. Les entreprises bénéficient des services publics ; il est donc normal qu’elles y contribuent.

C’est d’autant plus vrai que les salariés utilisant le transport public ferroviaire dans leurs trajets domicile-travail sont des personnels plus disponibles à leur poste de travail ! Notre journal local a tout dernièrement réalisé un reportage sur l’intérêt, pour les salariés, d’utiliser le transport régional.

Cet engagement n’apparaît pas non plus excessif, quand on sait que la montée en puissance du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le fameux CICE, se traduira par une réduction d’impôts de 20,3 milliards d’euros à l’échelon national en 2017. Le CICE pèsera sur les recettes de l’État et, par conséquent, sur les ménages et sur les collectivités locales. À l’inverse, avec la mise en place d’un versement transport régional, les régions bénéficieraient, elles, d’une ressource propre, pérenne et dynamique, permettant d’engager le nécessaire renouvellement du matériel ferroviaire et d’améliorer l’offre de transport collectif.

Notre proposition de loi va dans le sens de la transition écologique, puisqu’elle permet de maintenir une politique ferroviaire régionale comme alternative à la voiture.

Concrètement, le versement transport régional que nous proposons pourra être porté à un taux régional plafonné à 0,3 % des salaires sur les zones situées en dehors du ressort territorial de l’autorité organisatrice de la mobilité – c’est ce que l’on appelait auparavant le périmètre de transports urbains –, avec un taux additionnel, dans le ressort territorial de cette autorité, plafonné, lui, à 0,2 %.

Lors de la discussion sur le projet de loi portant réforme ferroviaire, une autre version de ce versement transport avait été adoptée. Celle-ci consistait en un versement interstitiel, à hauteur de 0,55 %, qui permettait de dégager 450 millions de ressources. Le Gouvernement a fait le choix de supprimer cette mesure dans la loi de finances pour 2015.

Le choix d’une taxe additionnelle plutôt qu’interstitielle, avec des taux adaptés et faibles, permet d’assurer la péréquation nécessaire au niveau d’un même territoire régional, bénéficiant d’une offre cohérente et interconnectée, la région étant chef de file de l’intermodalité.

Le versement transport régional serait mis en œuvre par délibération du conseil régional et la ressource potentielle pourrait s’élever à plus de 700 millions d’euros.

Nous proposons également, à l’article 3, de revenir, pour les transports publics urbains et interurbains de voyageurs, au taux de TVA dévolu aux produits de première nécessité, soit 5,5 %, compte tenu de leur rôle social essentiel et de leur contribution à la réalisation des objectifs de transition énergétique. Ce taux existait jusqu’en 2011. Il a été porté à 7 % par la loi de finances rectificative pour 2011, puis augmenté, en 2012, à 10 %. Revenir à la fiscalité de 2011 ne serait que justice.

Cette baisse du taux de TVA serait bénéfique pour l’ensemble des autorités organisatrices qui, par le fait des hausses précédentes, ont perdu près de 220 millions d’euros. Elles pourraient décider d’en faire profiter les usagers ou d’utiliser les sommes économisées pour régénérer le matériel ou améliorer l’offre.

Pour conforter ces mesures et la politique ferroviaire régionale, nous proposons la suppression de l’ouverture à la concurrence de lignes d’autocars interurbaines régulières. En effet, nous considérons que cette libéralisation porte un coup brutal aux politiques régionales, en organisant une concurrence frontale avec l’offre ferroviaire, menaçant directement l’équilibre déjà précaire de ces lignes.

Il est fort à craindre qu’un mouvement s’engage et que de nombreuses lignes TER soient remplacées par des bus. Mais pour quel service ?

Je veux citer un exemple avant de terminer : le 1er décembre dernier, un des premiers Ouibus est annoncé à 15 heures 30 à Tours, pour rallier ensuite Poitiers puis Bordeaux, le trajet coûtant 5 euros pour aller de Tours à Poitiers. Le car arrive finalement à 16 heures 15, mais comme il était parti depuis quatre heures de Paris, les autoroutes A6 et A6 bis étant saturées, le chauffeur doit prendre une pause,…

Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Marie-France Beaufils. … et le bus ne repartira finalement de Tours qu’après 17 heures, soit un quart d’heure après l’heure prévue pour son arrivée à Poitiers.

M. Macron nous avait bien prévenus que ce serait un moyen de transport pour les pauvres…

Mme la présidente. Concluez, ma chère collègue.

Mme Marie-France Beaufils. En tout cas, ce n’est pas ainsi que nous concevons le droit à la mobilité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Évelyne Didier, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, coauteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’exprimerai non seulement en tant que rapporteur de notre commission, mais aussi, vous le comprendrez, en tant que coauteur de cette proposition de loi.

Je voudrais expliquer la démarche adoptée par le groupe communiste, républicain et citoyen lorsqu’il a déposé cette proposition de loi. En effet, celle-ci s’inscrit dans une certaine vision des transports que nous avons toujours défendue et qui consiste à considérer le transport comme un service public et non comme un service marchand. Cela signifie que chaque citoyen doit pouvoir disposer du même service, quels que soient l’endroit où il habite et le lieu où il travaille. Il s’agit d’un point essentiel en termes d’aménagement du territoire.

Comme pour le déploiement du numérique, le développement des infrastructures routières, l’accès aux soins, les services postaux ou bancaires, c’est l’ensemble de notre territoire national qui doit être irrigué par des services de transport de qualité pour l’ensemble des citoyens.

Si l’on assimile le transport public à un service marchand, on laisse la logique de rentabilité et de recherche de profit prendre le dessus, avec les conséquences que l’on connaît : la notion de service public et les mécanismes de péréquation disparaissent, et seules les lignes de transport les plus rentables sont maintenues.

Une telle situation entraîne deux effets : d’une part, sur le plan social, on laisse au bord du chemin tous ceux qui n’ont pas les moyens d’habiter le long de ces axes considérés comme rentables ; d’autre part, sur le plan environnemental, on supprime une incitation à recourir au transport collectif, alors qu’il s’agit aujourd’hui de l’un des principaux leviers disponibles pour maîtriser nos émissions de CO2 et de polluants. En ces temps de COP 21, je pense que l’accent doit être mis sur ces questions.

C’est pour ces raisons que nous refusons la libéralisation des transports par autocar prévue par la loi « Macron » et que nous proposons de l’abroger, à l’article 1er de la proposition de loi, car cette réforme abandonne toute logique de péréquation dans l’organisation des transports collectifs. Les entreprises d’autocar pourront intervenir comme elles l’entendent, exploiter les lignes les plus rentables, engranger des profits sans se préoccuper des personnes qui habitent ou travaillent dans des territoires non desservis. Plus grave encore, cette libéralisation met frontalement en concurrence deux modes de transport – le mode ferroviaire et le mode routier – dans des conditions très inéquitables.

En effet, le mode ferroviaire, pourtant plus vertueux en termes de protection de l’environnement, de santé et de sécurité – et qu’il faudrait donc encourager – doit supporter des coûts importants liés à son infrastructure, au moyen des péages. Ces coûts sont encore aggravés par le poids de la dette de SNCF Réseau qui engendre des frais financiers importants.

Les autocars, quant à eux, contribuent à peine à l’entretien des infrastructures routières : ils ne paient des péages que sur les autoroutes qu’ils contribuent pourtant fortement à dégrader. De même, leur impact sur la qualité de l’air est loin d’être anodin.

Cette mise en concurrence déloyale risque d’écarter de nombreux usagers du mode ferroviaire et d’engager une spirale négative : la baisse de fréquentation va engendrer une perte de recettes pour les trains express régionaux et les trains d’équilibre du territoire, ce qui rendra ces transports ferroviaires encore plus chers, au moment même où ils seront moins utilisés. En conséquence, les autorités organisatrices seront moins encouragées à investir dans le domaine ferroviaire, ce qui dégradera la qualité du service public ferroviaire et écartera encore davantage d’usagers de ce mode de transport… Et ainsi de suite, jusqu’à la disparition de nombreuses lignes – qui a déjà commencé –, seules les plus rentables étant maintenues.

Je parle bien du présent, non d’un futur lointain, car certains craignent déjà l’abandon, par les régions, de services ferroviaires plus coûteux, au motif qu’ils sont désormais assurés par ces autocars privés. Ceux qui aspirent à diriger les régions devraient y réfléchir à deux fois avant de rejeter nos propositions !

C’est pour toutes ces raisons que nous souhaitons abroger la libéralisation des transports par autocar sans tarder, tant qu’il en est encore temps. Toutefois, nous sommes aussi conscients que le maintien d’un service public de qualité nécessite des moyens financiers. Or ceux-ci font cruellement défaut du côté des régions, pourtant devenues autorités organisatrices des transports ferroviaires régionaux en 2002.

Les régions ont été les grandes perdantes de la suppression de la taxe professionnelle. Par ailleurs, les transferts de compétences dont elles ont bénéficié n’ont pas été suffisamment compensés par l’État. Et je ne parle même pas de la baisse des dotations…

Or, si l’on pouvait avoir des doutes sur l’intérêt d’un transfert aux régions de ce service public national, force est de constater qu’elles ont pris la mesure de leurs responsabilités dans ce domaine.

En 2013, elles ont dépensé 6,8 milliards d’euros au titre de leur compétence « transport ». Il s’agit de leur premier poste budgétaire. Au sein de cette enveloppe, près de 3,9 milliards d’euros étaient destinés au transport ferroviaire régional, dont 2,8 milliards d’euros pour l’exploitation des TER. Ces chiffres sont en constante augmentation au fil des ans. Les régions ont ainsi dû assumer une partie des augmentations successives de la TVA applicable aux transports qui est passée de 5,5 % à 7 % en 2012, puis de 7 % à 10 % en 2014.

Je rappelle aussi que les régions vont récupérer, à partir de 2017, les compétences des départements en matière de transports, en application de la loi NOTRe. D’après l’Association des régions de France, cela représentera près de 4 milliards d’euros de dépenses supplémentaires.

Si une compensation de ce transfert est prévue, les régions auront tout de même besoin d’une recette supplémentaire, ne serait-ce que pour assumer leurs dépenses actuelles en matière de transport ferroviaire ou pour développer cette offre.

C’est la raison pour laquelle le Sénat avait instauré, dans la loi de réforme ferroviaire d’août 2014, un versement transport au profit des régions que Mme Beaufils a évoqué. Ce dispositif a malheureusement été supprimé par la loi de finances pour 2015, à la demande du Gouvernement, avant même sa mise en œuvre. Pour mémoire, mes chers collègues, nous avions adopté ce versement transport à l’unanimité…

Pour résorber les difficultés de financement que rencontrent les régions, nous proposons donc, à l’article 2 de cette proposition de loi, de rétablir un versement transport à leur profit, formé de deux composantes : d’une part, un versement transport additionnel, dans la limite de 0,2 % des salaires, qui s’ajouterait au versement transport déjà perçu par les autorités organisatrices de la mobilité dans leur ressort territorial, ce qui rapporterait aux régions près de 475 millions d’euros ; d’autre part, un versement transport interstitiel, dans la limite de 0,3 % des salaires, sur les territoires situés en dehors du ressort territorial des autorités organisatrices de la mobilité. Ce dernier versement, d’autant plus justifié que les régions vont désormais aussi intervenir sur ces territoires, rapporterait 228 millions d’euros.

La division de ce versement transport en deux composantes – un versement transport additionnel et un versement transport interstitiel – limite son impact financier sur les entreprises, puisque les plafonds de prélèvement autorisés, très bas – à savoir 0,2 % et 0,3 % de la masse salariale – ne sont pas de nature à mettre en péril quelque entreprise que ce soit. Par ailleurs, les entreprises ne peuvent pas se développer « hors sol » et continuer à demander toujours plus de services et d’interventions de la part des pouvoirs publics, sans jamais daigner participer à leur financement.

Enfin, nous proposons, à l’article 3 de la proposition de loi, un rétablissement du taux réduit de TVA de 5,5 % sur les transports publics urbains et interurbains de voyageurs. Comme je vous l’expliquais voilà quelques instants, un tel taux ayant déjà été appliqué aux transports dans le passé, on ne pourra nous opposer sa non-conformité au droit européen.

Cette mesure s’inscrit dans la même logique, celle d’un desserrement de la contrainte financière pour permettre aux autorités organisatrices de transport de maintenir un service public de qualité, qui puisse être offert à tous les Français de façon uniforme sur l’ensemble du territoire.

L’article 4 de la proposition de loi prévoit, pour compenser les pertes de recettes liées à cette réduction du taux de TVA, une baisse du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, ce qui me semble un juste retour des choses.

La proposition de loi n’a malheureusement pas été adoptée par notre commission. Vous savez que je le regrette profondément, comme les autres membres de mon groupe. (Mme Éliane Assassi marque son approbation.)

Permettez-moi pourtant d’insister, au-delà de nos divergences politiques, sur la nécessité de dégager de nouveau des marges de manœuvre financières pour les autorités organisatrices de transport, en particulier régionales, dont l’action en matière de promotion du transport ferroviaire est, je crois, reconnue par tous. Je rappelle qu’il s’agit d’un point essentiel pour le maintien des dessertes ferroviaires : si les régions font régulièrement le choix de l’autocar, je vous assure que nous pourrons nous faire du souci pour le chemin de fer !

C’est la raison pour laquelle je vous invite à adopter cette proposition de loi, même si, en tant que rapporteur, je dois préciser que ce texte n’a pas reçu l’aval de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier notre rapporteur, Évelyne Didier, qui, comme toujours, a manifesté ses convictions avec beaucoup de fermeté.

Je suis désolé de devoir aller à l’encontre de ces convictions en m’inscrivant dans la ligne qui est non seulement la mienne, mais surtout celle de la majorité de la commission, laquelle, comme l’a rappelé Mme Didier avec beaucoup d’honnêteté, n’est pas favorable à cette proposition de loi.

Mme Éliane Assassi. Quel dommage !

M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire. Par un heureux hasard de calendrier, nous avons examiné en commission, la semaine dernière, cette proposition de loi après avoir entendu, la veille, Emmanuel Macron. Comme il nous l’avait promis lors de l’examen du projet de loi portant son nom, M. Macron est venu évoquer un certain nombre de sujets relevant de la compétence de notre commission, qu’il s’agisse des autoroutes, de l’aménagement numérique du territoire ou du transport par autocar.

Cette audition lui a donné l’occasion de présenter un premier bilan très intéressant de l’ouverture à la concurrence des transports par autocars. Je crois que les nouvelles lignes mises en place constituent une véritable nouvelle option de mobilité. Certes, tous les territoires aujourd’hui mal desservis ne bénéficient pas encore de lignes d’autocars, mais cette libéralisation constitue clairement une occasion intéressante pour les collectivités locales, avec un coût nul pour leurs finances.

Par ailleurs, ces nouvelles lignes sont aussi créatrices d’emplois, comme le seront les futures gares routières. Nous espérons également que ce développement de l’autocar permettra de renforcer une filière économique qui sera elle aussi créatrice d’emplois, grâce à la construction de véhicules adaptés au transport collectif.

Bien évidemment, nous sommes conscients qu’il nous faut être vigilants, afin que la mise en place de ces lignes d’autocar n’entraîne pas la suppression de lignes ferroviaires. Nous sommes aussi vigilants, parce que nous savons bien que les autocars ne sont pas les véhicules les moins polluants et qu’ils posent un vrai problème en termes d’émission de gaz à effet de serre – même s’il faut reconnaître que les personnes qui recourent à l’autocar n’utilisent pas de véhicules individuels, ce qui aurait un effet encore plus néfaste sur l’environnement. À l’avenir, nous espérons voir se développer des véhicules de transport collectif – des autocars – faiblement émetteurs de gaz à effet de serre, voire des véhicules électriques.

La concurrence induite par cette libéralisation me semble plutôt positive. Dans les pays où cette libéralisation a déjà eu lieu, on n’a pas vu disparaître d’opérateurs ferroviaires, bien au contraire.

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas comparable !

M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire. C’est parce que nous croyons aux vertus de cette ouverture à la concurrence que nous souhaitons qu’elle s’ouvre encore plus largement à l’ensemble du transport ferroviaire de voyageurs et qu’elle ne s’arrête pas à l’autocar. Cela me semble tout à fait souhaitable pour permettre à notre opérateur historique de se développer dans des conditions favorisant davantage encore la qualité du service et les prix.

M. Louis Nègre. Absolument !

M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire. Notre commission a donc été largement défavorable à l’abrogation de la libéralisation du transport par autocar. De surcroît, il me semblerait prématuré de supprimer une mesure adoptée voilà seulement six mois par le Parlement.

S’agissant du versement transport, je dirai simplement que, eu égard à la conjoncture économique et aux charges importantes pesant sur les entreprises, il nous paraît plus que déraisonnable d’envisager de taxer encore ces dernières.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Encore et toujours !

M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire. Je crois que nous devons nous montrer beaucoup plus inventifs pour dégager des sources de financement pour les collectivités locales en matière de transport. Mieux vaut se tourner vers des méthodes de rationalisation et d’optimisation que vers de nouvelles taxations.

S’agissant de la réduction du taux de la TVA applicable aux transports publics de voyageurs, je crois qu’il faut se méfier de ce type de mesures qui s’apparentent à de l’affichage et qui seraient très complexes à mettre en œuvre, d’autant plus que des tarifs différenciés sont très souvent appliqués en faveur des plus modestes. En outre, rien n’indique que le milliard d’euros ainsi dégagé reviendrait aux autorités organisatrices.

Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté cette proposition de loi.

Ce texte aura toutefois eu le mérite de nous rappeler l’importance du transport collectif de voyageurs dans notre pays. À l’heure où la COP 21 entre dans sa dernière ligne droite, le secteur des transports doit faire l’objet de toute notre attention. Nous sommes bien conscients qu’il doit se réformer, que les comportements doivent évoluer, que notre industrie doit s’adapter et que nos collectivités locales doivent faire des efforts pour offrir des modes de transport répondant aux attentes actuelles. L’offre de transports doit être plus complète, plus ouverte, moins coûteuse et plus propre, c’est-à-dire plus sobre en émissions de gaz à effet de serre.

Tel est le véritable défi que doit aujourd’hui relever le secteur des transports. Je tiens à assurer le Gouvernement que, sur ce sujet, notre commission est à ses côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. André Vallini, secrétaire d’État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Madame la présidente, madame la sénatrice Marie-France Beaufils, coauteur de la proposition de loi, madame la sénatrice Évelyne Didier, rapporteur, monsieur le sénateur Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui vise à maintenir et à développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité.

Il est proposé de supprimer l’ouverture à la concurrence, récente, du marché du transport par autocar, d’instaurer un versement transport régional et de ramener le taux de TVA applicable aux services publics de transport à celui en vigueur pour les produits de première nécessité, soit 5,5 % au lieu de 10 %.

Je veux tout d’abord souligner que, depuis 2002, date du transfert de la compétence d’organisation des transports express régionaux aux régions, ces dernières ont incontestablement réussi à donner un nouvel élan au transport public ferroviaire et à attirer de nouveaux usagers. Cette évolution a eu pour corollaire l’augmentation considérable de la contribution financière des régions au transport ferroviaire régional, cela a été dit.

Or, aujourd’hui, la nécessité de maîtriser les dépenses publiques de notre pays, aux niveaux national et local, implique de réfléchir à une évolution des modes d’intervention retenus jusqu’ici. Il s’agit clairement d’un défi que toutes les collectivités locales – dont les régions – doivent relever pour l’ensemble de leurs compétences. Le transport ferroviaire régional n’y fait pas exception.

C’est dans ce contexte que le Gouvernement a fait le choix d’un renforcement de l’échelon régional dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, promulguée cet été.

Ce renforcement des compétences était nécessaire pour amener les régions françaises au niveau des grandes régions européennes. Il va aussi permettre aux régions d’agir plus efficacement sur le développement économique de leurs territoires et de répondre à une échelle adaptée aux besoins de mobilité de nos concitoyens. En effet, les treize grandes régions disposeront de compétences étendues qui les doteront d’une capacité d’action renouvelée sur les différents modes de transport.

Tout d’abord, les régions seront les chefs de file de l’intermodalité et de la complémentarité entre les modes de transport. Ce leadership, demandé par les régions elles-mêmes depuis plusieurs années, les conduira à élaborer le schéma régional de l’intermodalité, qui est un élément majeur du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le fameux SRADDET. Il s’agit là de l’un des deux grands schémas régionaux, avec le schéma de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. Ce schéma régional de l’intermodalité sera un outil déterminant, car il coordonnera l’offre de services, l’information des usagers, la tarification et la billettique.

Ensuite, les régions reprendront, à compter de 2017, la compétence « transport » des départements, y compris pour les transports scolaires et les gares routières publiques. Elles disposeront ainsi de l’ensemble des éléments permettant de bâtir une offre de transport lisible et cohérente pour l’usager et d’assurer une vraie complémentarité entre le mode ferroviaire et le mode routier non urbain.

Enfin, les régions concernées récupéreront la compétence du transport maritime inter-îles et pourront prendre en charge la gestion des ports départementaux, si elles en font la demande avant le 31 mars 2016. Vous vous en souvenez, la question de la compétence relative aux ports a fait l’objet de longs débats dans cet hémicycle.

Je rappelle que le Gouvernement a prévu la compensation des transferts de compétences entre départements et régions, via un transfert de fiscalité, notamment d’une part de la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Les régions bénéficieront donc de marges de manœuvre financières renforcées pour déployer cette politique des transports renouvelée.

Je souhaite maintenant vous rassurer, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, sur l’ambition du Gouvernement pour le transport ferroviaire régional et pour le transport ferroviaire dans son ensemble. Vous le savez, l’offre de TER occupe une place essentielle dans le système de transport national. Avec les autres services ferroviaires et les autres modes de transport, elle permet de répondre aux besoins de déplacement de nos concitoyens, à leur attente d’une mobilité toujours plus grande et mieux adaptée aux évolutions de leurs modes de vie.

La réforme ferroviaire défendue par le Gouvernement – j’en profite pour excuser l’absence de mon collègue Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, qui est retenu cet après-midi à Bruxelles par un conseil des ministres des transports – a donc fondé l’avenir du service public ferroviaire pour les années qui viennent.

La loi adoptée à l’été de 2014 a conduit à la constitution, au 1er juillet dernier, d’un groupe public ferroviaire, constitué d’un établissement public dit « groupe de tête » – la nouvelle SNCF – et de deux établissements publics opérationnels, le gestionnaire de l’infrastructure – SNCF Réseau – et l’opérateur de mobilité – SNCF Mobilités –, avec un pilotage commun, des synergies industrielles et une organisation sociale intégrée. Cette réforme réaffirme ainsi le rôle de l’État, stratège national en matière de transports, tout en consolidant les prérogatives des régions, qui sont les autorités organisatrices de transport dans les territoires.

Cette réforme apporte des réponses aux enjeux de qualité et de soutenabilité financière du service public.

La loi du 4 août 2014 a créé le Haut Comité du système de transport ferroviaire, instance d’information et de concertation chargée de débattre des grands enjeux du système de transport ferroviaire national, qui éclairera le Gouvernement et le Parlement. Il sera réuni une première fois dès le début de l’année 2016.

Le Gouvernement a aussi engagé l’élaboration des contrats de performance, qui seront conclus entre l’État et chacun des établissements publics du groupe. Parce que notre réforme doit permettre de remettre le système ferroviaire français sur la meilleure trajectoire, elle passe par des engagements de progrès, de performance économique et opérationnelle, pour assurer un service public plus efficace, moins coûteux, et toujours plus sûr.

Sur le plan social, les discussions entre les partenaires ont déjà conduit à définir le périmètre de la branche ferroviaire. Les organisations syndicales et professionnelles devront définir, d’ici à juillet 2016, le cadre commun de l’organisation collective de la branche et les partenaires devront trouver la voie d’un accord collectif de branche dans l’année qui vient. Le Gouvernement prendra sa part de responsabilité, en établissant le « socle commun » à l’ensemble des opérateurs ferroviaires.

La politique des transports voulue par le Gouvernement a aussi pour objectif de développer la cohérence et la complémentarité des différents services de transport de voyageurs. Il s’agit ainsi d’avoir une vision globale et intégrée tenant compte de tous les services : les TGV et les services conventionnés par des autorités publiques, à savoir les TER, les Transiliens et les TET, les trains d’équilibre du territoire. La priorité du Gouvernement concerne les transports du quotidien, qui doivent être rénovés et modernisés, en particulier l’offre Intercités.

Le Gouvernement s’est fortement engagé pour l’avenir des trains d’équilibre du territoire, conventionnés par l’État depuis 2011. Ces trains sont en effet, aux côtés des TGV et des TER, un maillon important de l’offre ferroviaire dans notre pays. Dès 2013, l’État a engagé le renouvellement des matériels roulants, avec un investissement de plus de 500 millions d’euros, pour le remplacement des matériels thermiques.

Toutefois, la volonté du Gouvernement de donner un avenir à ce segment ferroviaire ne s’arrête pas là. Constatant la forte dérive qualitative et financière de l’offre Intercités, liée notamment à d’importantes pertes de trafic ces dernières années, nous avons confié à une commission présidée par le député Philippe Duron la charge de définir les conditions de sa modernisation. Je veux bien sûr parler de la modernisation de ce segment ferroviaire, et non pas de celle du député Philippe Duron ! En effet, il n’a pas besoin d’être modernisé, car il est vraiment très au fait de ces questions ferroviaires, comme beaucoup d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs,…

M. Louis Nègre. On le lui dira !

M. André Vallini, secrétaire d’État. … je pense notamment M. Jean-Jacques Filleul, que j’aperçois, mais il n’est pas le seul à connaître parfaitement toutes les problématiques du transport public.

Après la remise de ce rapport, le 26 mai dernier, le Gouvernement a arrêté une feuille de route pour les TET, que le secrétaire d’État chargé des transports a présentée le 7 juillet dernier. Elle prévoit, notamment, le renouvellement de la convention TET sur des bases refondées, avec l’objectif de faire de l’État une autorité organisatrice de plein exercice. Le Gouvernement a par ailleurs souhaité que les évolutions d’offre proposées par la commission fassent toutes l’objet d’une concertation avec les régions, avant toute décision. Une mission a été confiée en ce sens au préfet François Philizot. Les conclusions de cette mission, qui doivent être remises en avril 2016, permettront de prendre les décisions nécessaires avant l’été prochain.

L’État s’est enfin engagé à renouveler, d’ici à 2025, l’ensemble du matériel roulant du réseau structurant des TET, pour 1,5 milliard d’euros, afin de répondre aux besoins exprimés par la clientèle et de redonner à ces trains une attractivité aujourd’hui écornée.

La politique du Gouvernement vise également à assurer la complémentarité entre les transports ferroviaires et les autres modes de transport. L’efficacité de l’ensemble du système de transport suppose de diversifier l’offre, car le mode ferroviaire ne se justifie pas partout.

À cet égard, l’ouverture à la concurrence du secteur du transport par autocar, engagée dès la promulgation de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, a permis, avec des liaisons de plus de cent kilomètres, un développement significatif d’une offre de mobilité complémentaire, qui répondait à une attente.

Quelques chiffres témoignent de ce développement. Au 1er octobre de cette année, 274 autocars assuraient chaque jour 104 lignes nationales et internationales. D’ores et déjà, plus de 10 départs par jour s’effectuent dans les métropoles. Lyon et Bordeaux accueillent 40 départs par jour ; Paris, environ 200 départs. Le nombre de passagers transportés s’élève à près de 250 000 dans toute la France. D’ici à la fin de 2016, l’ouverture de plus de 100 lignes supplémentaires est prévue.

Je rappelle en outre que cette loi instaure un mécanisme de protection des services publics de transport, en permettant notamment aux autorités organisatrices de s’opposer à la création de dessertes par autocar sur des liaisons inférieures à cent kilomètres, dès lors que ces services créent une atteinte substantielle à l’équilibre des lignes de transport public concernées, notamment de transport ferroviaire. L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, dont les compétences ont été renforcées, est chargée de vérifier l’articulation des offres.

Enfin, je veux revenir sur la question du financement, soulevée par cette proposition de loi, et en particulier sur la proposition de créer un versement transport régional.

L’objectif d’une telle mesure serait de permettre aux régions de prélever un versement transport, ou VT, additionnel sur les entreprises situées dans le ressort territorial d’une autorité organisatrice de la mobilité, ou AOM, ainsi qu’un versement transport interstitiel sur les entreprises situées en dehors du ressort territorial d’une AOM. Dans ce cas, des entreprises situées dans une zone qui ne bénéficie pas de transports collectifs seraient mises à contribution au titre du VT, ce qui paraît fortement contestable.

Je veux souligner que la mise en place d’un versement transport, qu’il soit additionnel ou interstitiel, ne pourrait qu’être assimilé à une nouvelle charge pesant sur la masse salariale, et donc sur l’emploi. Par ailleurs, le versement pourrait également constituer un frein à l’embauche, en dissuadant certaines entreprises situées au-dessous du seuil du nombre de salariés de recruter un salarié supplémentaire qui les soumettrait à ce versement.

J’ajoute qu’une baisse du taux de TVA aurait un effet limité pour les usagers défavorisés, qui bénéficient d’ores et déjà soit de la gratuité des transports ferroviaires, soit de réductions tarifaires importantes. Dans un contexte où tout doit être mis en œuvre pour favoriser l’emploi et lutter contre le chômage, une telle mesure n’est donc pas opportune.

C’est d’ailleurs dans cette optique, et plus précisément pour encourager le développement des TPE et des PME, que le Gouvernement a choisi de relever le seuil à partir duquel les entreprises doivent payer le versement transport. Il est ainsi passé de 9 salariés à 11 salariés. Le manque à gagner pour les collectivités sera compensé par l’État. Comme l’a annoncé le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 2016 comporte une disposition en ce sens.

Je précise, à ce titre, que le relèvement du seuil à 11 salariés devrait entraîner un manque à gagner, pour les autorités organisatrices, de l’ordre d’une centaine de millions d’euros avant compensation, selon les chiffres de la direction de la sécurité sociale et de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, et non de 500 millions d’euros, comme cela a pu être annoncé un peu hâtivement.

M. Louis Nègre. À vérifier !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Bien sûr, monsieur le sénateur. Ce montant serait réparti à peu près à égalité entre l’Île-de-France et la province.

D’ailleurs, afin d’apporter, monsieur le sénateur Nègre, toutes les garanties de transparence aux autorités organisatrices de la mobilité, Marisol Touraine, Christian Eckert et Alain Vidalies ont confié une mission d’accompagnement à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et au Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD.

Enfin, s’agissant de la TVA applicable au transport et de la proposition visant à l’abaisser au taux de 5,5 %, taux spécifique aux services de première nécessité, il convient de rappeler que la refonte, au 1er janvier 2014, des taux de la TVA a conduit à fixer le taux normal de TVA à 20 % et le taux réduit à 10 %. Le transport public de voyageurs est ainsi soumis au taux de TVA de 10 % depuis bientôt deux ans. Cette refonte des taux de TVA concourt au financement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

À l’opposé, l’impact sur les finances publiques d’une baisse au taux de 5,5 % de la TVA applicable au transport public de voyageurs est évalué à près de 1 milliard d’euros, dans la mesure où le droit communautaire n’autorise pas de traitement différencié entre les modes de transport. En effet, il conviendrait dans cette hypothèse de faire bénéficier de cette baisse tous les opérateurs, publics ou privés, de transport de passagers – aérien, ferroviaire, routier, etc. –, car il n’est pas possible de déterminer des critères objectifs et socialement acceptables pour cantonner cette baisse aux seuls transports collectifs de proximité.

M. Louis Nègre. Nous allons vous aider à définir des critères !

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Il en existe, comme le taux d’émission de CO2 !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Pour l’ensemble des raisons que je viens d’évoquer, le Gouvernement ne soutient pas la proposition de loi présentée ce soir.

Le maintien et le développement d’une offre de transport ferroviaire régional de qualité font déjà partie intégrante de la politique que nous menons en matière de transport, mais aussi en matière de maîtrise de la dépense publique, de préservation de la compétitivité des entreprises et de lutte contre le chômage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux féliciter notre rapporteur pour cette proposition de loi qui nous permet de discuter de sujets sur lesquels nous sommes souvent mobilisés. Les engagements d’Évelyne Didier sont bien connus, et nous apprécions toujours de débattre avec elle, même si je suis désolé de ne pas pouvoir la suivre dans la défense de ce texte.

La proposition de loi que nous examinons cet après-midi comporte quatre articles et vise trois objectifs.

Du rapport de la commission sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire, les TET, présidée par notre collègue député Philippe Duron, à la libéralisation des lignes d’autocars issue de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, en passant par le versement transport et la réduction de la TVA sur les transports publics urbains et interurbains de voyageurs, l’exposé des motifs couvre un large champ de propositions, qui ont été avancées avec plus ou moins de succès ces dernières années.

Malheureusement, cette proposition de loi, quelque peu opportuniste,… (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Elle n’est pas du tout opportuniste !

M. Jean-Jacques Filleul. … part d’un constat erroné, à la fois quant au rapport de la commission TET et quant aux conséquences de l’ouverture des lignes nouvelles d’autocars. Si bien que nous pourrions, si nous avions mauvais esprit – mais ce n’est pas le cas ! –, considérer que les auteurs de la proposition de loi, qui présentent le droit à la mobilité comme la pierre angulaire de leur texte, ne le favorisent guère !

S’agissant de ce droit, en effet, il est essentiel, afin qu’il s’exerce, de mettre en œuvre une complémentarité entre les modes de transports. C’est précisément ce que fait la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, en permettant de développer une offre de mobilité là où il n’en existait pas.

L’article 1er revient sur les dispositions relatives à l’ouverture à la concurrence des lignes d’autocars figurant dans la loi Macron.

Nous avions voté ce texte avec beaucoup enthousiasme puisque, justement, les besoins et les aspirations à la mobilité n’ont sans doute jamais été aussi prégnants dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Personne n’ignore ici, d’ailleurs, que le manque de moyens collectifs de transports participe grandement au mécontentement de nos concitoyens vivant en secteur rural ou interurbain, en particulier.

La réforme du transport par autocar est entrée en vigueur le 6 août dernier. L’éventualité d’un développement de l’autocar comme alternative pertinente au train n’est pas une idée nouvelle. Elle fut évoquée, dans un premier temps, aux Assises du ferroviaire en 2011, puis par le rapport Duron dans les attendus de la commission Mobilité 21 en 2013, par l’avis de l’Autorité de la concurrence de 2014 relatif au fonctionnement concurrentiel du marché du transport interrégional régulier par autocar, et, enfin, par la Cour des comptes, dans son rapport intitulé La grande vitesse ferroviaire : un modèle porté au-delà de sa pertinence.

Je complète ces éléments en soulignant qu’il est illusoire de penser que le ferroviaire peut répondre à l’intégralité des besoins de transport collectif. Le développement de l’autocar, pour de multiples raisons, permet de remplacer l’usage du véhicule individuel par l’utilisation d’un transport collectif, à l’heure où 83 % de la mobilité des Français est assurée par la voiture individuelle.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Filleul. Cette réforme est bienvenue, d’autant qu’elle est d’application directe et rapide pour les liaisons de plus de cent kilomètres. La loi prévoit, fort heureusement, un encadrement de l’ouverture des liaisons inférieures ou égales à cent kilomètres.

Je rappelle, et cela est une protection importante pour les trains régionaux, que l’ouverture d’une liaison d’autocar doit être notifiée par l’autorité organisatrice de transports, le plus souvent la région, dans un délai de deux mois. C’est l’ARAFER qui, après analyse, émet un avis conforme ou non en tenant compte des équilibres entre le ferroviaire et la route, afin d’éviter une concurrence nuisible au mode ferroviaire régional.

Comme cela a été dit récemment par M. le ministre de l’économie, plus de 250 000 passagers ont été transportés, deux fois plus qu’au cours de toute l’année 2014 ; 75 villes sont nouvellement desservies ; 275 autocars assurent des liaisons quotidiennes. En outre, 20 emplois en moyenne sont créés chaque jour.

J’ajoute deux points supplémentaires à mon argumentation : cette évolution a été bien reçue par l’opinion ; chez nos voisins, en Allemagne, en Espagne, en Angleterre, ces services d’autocars permettent à 8 à 10 millions de voyageurs d’exercer ce droit à la mobilité sans mettre en cause le ferroviaire.

Par ailleurs, il n’est pas interdit d’imaginer qu’une filière industrielle de construction d’autocars propres s’ouvre dans notre pays.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Elle est déjà prête !

M. Jean-Jacques Filleul. En effet, l’occasion se présentera forcément, puisqu’il existe une seule usine de construction d’autocars, sous licence italienne.

Enfin, cette réforme du transport par autocar est à l’évidence une réforme propre, dans l’esprit et dans la lettre.

Certes, à première vue, l’autocar est un mode de transport plus polluant que le ferroviaire. La réalité est pourtant bien plus complexe : 50 % des trains régionaux roulent toujours au diesel ; 25 % des liaisons TER sont réalisées par autocars. Il faut également prendre en compte le taux de remplissage : en dessous d’un certain seuil de fréquentation, le rapport pollution émise par personne transportée par train peut être très élevé.

Par ailleurs, un autocar vaut mieux que cinquante véhicules sur la route, chacun comprend cela, M. le secrétaire d’État l’a rappelé, et l’impact carbone serait négatif si les voyageurs qui prennent habituellement le train se reportaient tous sur l’autocar, ce qui n’est pas possible.

J’ajoute que l’article 2 de la loi Macron prévoit que les pouvoirs publics aient, en la matière, un certain niveau d’exigence environnementale. Les autocars doivent, en effet, relever le défi d’une véritable alternative à la voiture particulière. Un arrêté du 22 septembre 2015 prévoit que seuls les autocars de norme Euro V, jusqu’au 31 décembre 2017, et les autocars de norme Euro VI à partir du 1er janvier 2018, sont, et seront, autorisés à circuler.

Madame la rapporteur, je suis sensible aux critiques relevées dans l’exposé des motifs quant au rapport de la commission sur les trains d’équilibre du territoire. Cette sensibilité à vos propos tient à ma participation active à l’élaboration de ce rapport. Celui-ci constate, en effet, une offre très dégradée, nous en convenons tous, qui ne correspond plus aux besoins des usagers, avec un déficit d’exploitation en forte augmentation ces dernières années. La conjonction de ces facteurs pouvait à terme menacer l’existence même de ces lignes. Le développement du TGV, du transport aérien à bas coût, du covoiturage, remet en cause la pertinence de certaines dessertes des TET, jamais repensées.

Certaines lignes sont surexploitées, d’autres sont très faiblement fréquentées. Cette inadaptation frappe particulièrement les lignes de nuit, confrontées au développement d’autres offres de transport et dont le niveau de confort est surtout très en deçà de ce que les usagers sont en droit d’attendre.

Le rapport pose donc la question de la survie de ces lignes et propose des pistes pour permettre de développer une offre de TET pertinente, en prenant en compte les besoins des usagers. Plutôt que « l’abandon des lignes », comme j’ai pu le lire, le rapport Duron propose une redynamisation et une adaptation de l’offre des trains d’équilibre du territoire.

L’objectif n’est pas, comme vous l’écrivez, d’aboutir à une hyper-régionalisation de l’offre en dehors du TGV, nous n’y souscririons pas. Les TER, dont on connaît le succès, sont bien de la compétence régionale et le resteront. La commission a procédé à une analyse précise, ligne par ligne, de l’offre des TET. Sur les lignes fortement fréquentées, il est proposé de renforcer l’offre, en augmentant la fréquence des dessertes et en les rendant plus attractives. Par ailleurs, le développement de la tarification flexible et la mise en place du cadencement sont d’actualité.

Comme tous mes collègues siégeant à la commission sur les TET, j’ai observé avec satisfaction que le secrétaire d’État aux transports a répondu positivement aux conclusions du rapport. La feuille de route qu’il a présentée en juin 2015 exprime l’ambition que l’État prenne pleinement sa place dans l’organisation des TET : elle nous convient.

Puis, alors que les gouvernances des nouvelles régions seront établies dans les mois à venir, j’attends que les préfets interlocuteurs des régions engagent, au nom de l’État, les négociations visant à revoir le maillage, à revitaliser les TET et à signer les conventions avec la SNCF. L’État stratège prendra alors toute sa valeur comme autorité organisatrice de transport de plein exercice et en renforçant sa capacité d’expertise, élargissant le champ de ses décisions, notamment sur l’offre de transport.

Toujours d’après la feuille de route, pour pouvoir jouer pleinement ce nouveau rôle, les moyens des services chargés des missions d’AOT au sein du ministère des transports sont renforcés. Un conseil consultatif des trains d’équilibre du territoire est créé, afin de permettre un dialogue régulier de haut niveau sur leur évolution, en présence des autorités organisatrices régionales.

Ce positionnement nouveau sur les TET doit s’accompagner d’acquisitions de matériels roulants performants, neufs et adaptés aux besoins des usagers. Un investissement de 1,5 milliard d’euros nous a été promis à ce titre. C’est l’ensemble de ces conditions et moyens qui permettront aux TET de retrouver toute leur utilité entre les TGV et les TER.

Dans l’article 2 de votre proposition de loi, madame la rapporteur, vous préconisez la mise en place d’un versement transport régional. Convenons ensemble que cette revendication a pu nous paraître justifiée, en particulier dans le cadre de la réforme ferroviaire de 2014. Nous avons alors déposé un amendement tendant à instaurer un versement transport interstitiel dans les secteurs hors périmètre de transport urbain, ou PTU, lequel nous paraissait de nature à fournir de nouveaux moyens financiers aux régions. Le Gouvernement ne nous a pas suivis à l’époque, M. le secrétaire d’État vient de nous le confirmer encore, nous l’avons regretté et compris.

Vous proposez, dans cet article 2, la mise en place d’un versement transport mixte interstitiel et additionnel. Nous ne soutiendrons pas cette mesure, qui diffère de ce que nous avons défendu en 2014 et qui ferait peser de nouvelles charges sur les entreprises.

Pour conclure sur ce point, il vient d’être rappelé que le Gouvernement s’est engagé à compenser en totalité les conséquences de la modification de seuil de neuf salariés à onze salariés prévue par l’article 4 du projet de loi de finances pour 2016.

J’ajoute que, par l’article 39, non rattaché, de ce projet de loi de finances pour 2016, le Gouvernement s’engage à compenser les transferts de compétences des départements vers les régions, notamment en matière de transport scolaire et interurbain. L’objectif est de compenser financièrement ces transferts en attribuant aux régions une ressource équivalente : 25 % du produit de la CVAE des départements au 1er janvier 2017, soit l’équivalent d’un produit fiscal d’environ 3,9 milliards d’euros.

L’article 3 prévoit la mise en place d’un taux réduit de TVA à 5,5 % sur les transports publics. Nous avons proposé cette mesure à de multiples reprises, et nous ne sommes pas les seuls. Toutefois, une proposition de loi est-elle le bon véhicule pour modifier un taux de TVA ? Non, évidemment. Une telle réforme a sa place dans un projet de loi de finances.

Monsieur le secrétaire d’État nous a précisé que le Gouvernement est toujours défavorable à cette mesure au regard de l’état des finances publiques dans les circonstances actuelles. M. le ministre des finances en a d’ailleurs exposé les raisons dans un récent courrier adressé à l’Union des transports publics et ferroviaires, suggérant que cette mesure ne serait pas conforme au droit européen – vous l’avez rappelé à l’instant, monsieur le secrétaire d’État. Cette baisse de TVA ne s’appliquerait en effet qu’aux seuls transports du quotidien. Eu égard à tout ce que nous avons entrepris dans ce domaine, nous nous abstiendrons sur cet article.

En revanche, comme nous l’avons fait en commission, nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la coauteur de la proposition de loi et rapporteur, chère Évelyne Didier, madame la coauteur de la proposition de loi, chère Marie-France Beaufils, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, chers collègues, Ronan Dantec, qui siège à la commission du développement durable, devait intervenir aujourd’hui à ma place, mais il occupe, en ce moment même, une place plus importante encore, puisqu’il porte haut et loin, dans le cadre de la COP 21, la voix des villes et des collectivités territoriales, en sa qualité de porte-parole climat de l’organisation mondiale des villes.

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a transféré aux régions l’ensemble des compétences en matière de transports hors agglomération. Les écologistes ont soutenu ce transfert : nous considérons en effet que la région est un échelon pertinent pour gérer les transports, et que le regroupement des compétences renforce l’efficacité de ce service public essentiel.

Sur l’appréciation du caractère essentiel de ce service public, nous rejoignons d’ailleurs les auteurs de la présente proposition de loi. L’accessibilité des territoires et la mobilité des habitants sont en effet des leviers déterminants de l’accès à l’emploi, nécessaires pour réduire les fractures qui traversent notre pays et prémunir les populations de certains territoires contre le sentiment d’abandon. Ces préoccupations relèvent plus que jamais de l’urgence.

Dans cette perspective, la présente proposition de loi prévoit plusieurs mesures.

Concernant la libéralisation du transport par autocar, il est clair que la concurrence créée par ce nouveau service met en danger le service ferroviaire, qui est déjà en difficulté, et entraînera immanquablement sa dégradation.

Au regard de l’état de nos finances publiques et de l’impossibilité de construire partout des lignes de train, nous pourrions certes considérer comme légitime l’utilisation du transport par autocar, en complément des lignes de train, pour la desserte de certains endroits isolés. Cependant, les opérateurs privés de transport par autocar n’ont que faire des considérations d’aménagement du territoire.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Très juste !

M. Joël Labbé. Nos craintes se sont d’ailleurs vérifiées : ils s’installent sur les liaisons les plus rentables – c’est un grand classique –, faisant perdre des recettes au service public ferroviaire, affectant ainsi sa capacité à satisfaire les obligations de service public.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Bien sûr !

M. Joël Labbé. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit également d’instaurer des financements pour les transports régionaux.

Nous soutenons pleinement cette demande. Fournir à tous des services de transport de qualité requiert en effet des budgets importants. Oui, nous avons besoin de services publics. Oui, certaines dépenses publiques, dont celles-ci font partie, sont essentielles. Non, l’impôt n’est pas un gros mot lorsqu’il vise à financer des services au bénéfice de la population, lorsqu’il est juste et bien utilisé.

Après une longue bataille menée à la fin de 2013, le Gouvernement a décidé de relever le taux de TVA applicable aux transports malgré les difficultés inhérentes à une telle réforme, prévues par tous ceux qui exercent des responsabilités dans ce secteur.

S’agissant de l’instauration d’un versement transport au profit des régions, la revendication s’est déjà exprimée fortement, et de façon transpartisane.

Le Sénat avait créé, par amendement à la loi portant réforme ferroviaire du 4 août 2014, un versement transport interstitiel en faveur des régions. Cette mesure a néanmoins été supprimée, avant même sa mise en œuvre, dans la loi de finances pour 2015, à la demande du Gouvernement.

Notre groupe politique a défendu à la fois le rétablissement d’un taux réduit de TVA sur les transports et l’institution du versement transport interstitiel. Alors que les dotations de l’État baissent, les régions ne disposent en effet d’aucune ressource fiscale propre. Elles sont donc confrontées, en la matière, à la quadrature du cercle, et ne sont plus en mesure d’assurer le service public des transports, dont elles ont pourtant la charge.

J’ajoute que le groupe écologiste défend d’autres propositions qui vont dans le même sens : l’augmentation de la part régionale de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, et surtout le droit à l’instauration de taxes régionales de transit sur les poids lourds.

J’en viens à l’enjeu écologique. L’urgence climatique fait en ce moment l’actualité, et est de toute façon appelée, au fil du temps, à se faire toujours plus prégnante, qu’on le veuille ou non.

Le secteur des transports représente environ un tiers des émissions de gaz à effet de serre en France et 95 % de ces émissions sont imputables aux transports routiers. Nous devons réorienter une grande partie du transport routier vers des modes de transport dont l’empreinte carbone est moindre. À cet effet, l’une des solutions consiste à fournir à la population une offre de services de transports publics performants.

Par conséquent, le groupe écologiste ne peut que soutenir avec force l’objectif du maintien et du développement, sur l’ensemble du territoire national, d’une offre de transport ferroviaire régional de qualité. Nous voterons donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, en pleine période de renouvellement des assemblées régionales, les sondages réalisés sur les enjeux et les compétences des régions démontrent que les transports constituent, avec l’emploi et le développement économique, l’une des premières préoccupations des Français.

Cela est aisément compréhensible, tant, à cet égard, les difficultés sont grandes, aussi bien dans les régions très urbaines comme l’Île-de-France, que dans de nombreux territoires enclavés, qui souffrent de l’absence de dessertes ferroviaires, aériennes et même routières de qualité.

Je prendrai l’exemple d’un territoire cher à notre collègue Jacques Mézard, président de notre groupe : celui de l’arrondissement d’Aurillac. Il est desservi par une seule route nationale, la RN 122 – laquelle comporte des tronçons limités à 30 kilomètres par heure, ainsi qu’un grand nombre de radars –, par des lignes ferroviaires lentes et par de rares liaisons aériennes qui laissent à désirer.

Les transports ferroviaires, service public qui devrait être garanti à tous nos concitoyens, ont un coût que la collectivité peine à assumer, en particulier dans le contexte budgétaire actuel.

En 2013, les régions participaient à hauteur de près de 4 milliards d’euros au financement du transport ferroviaire régional, qui est visé par la présente proposition de loi. Elles ont, depuis 2002, permis de faire repartir à la hausse la fréquentation des TER, par les investissements qu’elles ont consentis sur les réseaux, les gares et les matériels roulants.

Alors que l’autonomie financière des régions est plus fragile qu’elle ne devrait l’être, la loi NOTRe du 7 août 2015 a procédé au renforcement de leurs compétences en matière de transports. La compensation de ce transfert de compétences aura lieu, mais le manque récurrent de ressources pérennes ne laisse pas d’inquiéter.

Nous regrettons une nouvelle fois les errements du Gouvernement sur le dossier de l’écotaxe poids lourds. Celle-ci devait garantir une meilleure visibilité à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, dont les projets, essentiels à la réduction des fractures territoriales, sont soumis chaque année aux aléas budgétaires.

Si nous partageons le diagnostic des auteurs de la présente proposition de loi, nous sommes en revanche plus circonspects quant aux solutions préconisées.

Premièrement, ce texte entend revenir sur la libéralisation des liaisons de transport par autocar prévue par la loi Macron, qui vient à peine d’être votée et est entrée en vigueur en août dernier.

Le bilan encore très provisoire de cette mesure peut être considéré comme positif : la nature ayant horreur du vide, elle a notamment conduit au développement d’une offre de services là où il n’en existait pas. Ceci s’est fait dans l’intérêt des usagers, les prix proposés permettant à un grand nombre d’entre eux, dont une forte proportion de jeunes qui n’auraient jamais pris le TGV ni le train Intercités, de voyager sur de longues distances. Il s’agit incontestablement d’un progrès.

Mes chers collègues, nous devons réfléchir en termes de complémentarité des modes de transport qui participent au droit à la mobilité. Cette complémentarité est essentielle dans les zones mal desservies.

Bien que nous soutenions le maintien et le développement des lignes ferroviaires, qui sont essentielles à l’aménagement du territoire, nous constatons, sur certains trajets, qu’à défaut d’un service de qualité, nos concitoyens se replient sur la voiture individuelle, ce qui est contraire à nos objectifs en matière de limitation des émissions de gaz à effet de serre.

Il y a là un véritable effet pervers : l’existence de liaisons ferroviaires dont la qualité est insuffisante favorise le recours à la voiture, décourageant les efforts d’amélioration du réseau ferré.

Quant aux autocars, ils participent – certes faiblement – à l’entretien des routes, par le biais des péages qu’ils acquittent auprès des sociétés concessionnaires.

Deuxièmement, l’article 2 crée, en vue de pallier l’insuffisance chronique des financements, un versement transport régional. Sa composante « versement transport additionnel » reviendrait à taxer deux fois une même assiette, et donc les mêmes redevables. Cela ne nous semble pas acceptable !

Nous étions majoritairement favorables, en revanche, au versement transport interstitiel, applicable sur les territoires situés hors du ressort territorial des autorités organisatrices de la mobilité. Ce versement avait été créé ici même, lors de l’examen de la loi portant réforme ferroviaire, avant d’être supprimé par la majorité gouvernementale lors de l’examen de la loi de finances pour 2015.

Nous ne pouvons toutefois pas souscrire à l’augmentation de la fiscalité des entreprises telle qu’elle est envisagée par les auteurs de la présente proposition de loi. Les entreprises se trouveraient en effet doublement pénalisées, puisque le gage financier de l’article 4 consiste en une réduction du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Troisièmement, la réduction de 10 % à 5,5 % du taux de TVA applicable aux transports publics urbains, prévue par l’article 3, ne serait pas conforme au droit européen, comme l’a expliqué le Gouvernement. En outre, cette disposition nous semble relever davantage du ressort d’une loi de finances.

Enfin, cette proposition de loi ne nous semble pas directement concourir à l’amélioration de la qualité des dessertes ferroviaires. Il conviendrait d’aller de l’avant, plutôt que de revenir sur des dispositions qui viennent seulement d’être approuvées par le Parlement.

Ainsi, comme vous l’aurez compris, les remèdes proposés par les auteurs de ce texte n’ont pas convaincu les membres du RDSE. C’est pourquoi nous ne pouvons pas approuver la présente proposition de loi.

Mme Laurence Cohen. C’est dommage !

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Madame la présidente, madame la rapporteur – que je salue pour la constance de ses convictions –, mes chers collègues, nous le savons tous, et vous l’avez d’ailleurs tous rappelé : depuis de très nombreuses années, notre système ferroviaire fonctionne de moins en moins bien.

Notre réseau est passé du statut de fierté nationale à celui de lourd fardeau, dont la dette, monsieur le secrétaire d’État, est aujourd’hui de 44 milliards d’euros. Elle pourrait s’élever, si nous persistons sur la trajectoire exponentielle qui prévaut actuellement, à plus de 66 milliards d’euros à l’horizon de 2020. Quel bilan tirer de ce constat ?

Dès 2005, les conclusions du rapport Rivier sur l’état du réseau ferré national – confirmées par un rapport thématique de la Cour des comptes – étaient que le réseau ferroviaire français était en voie d’effondrement.

Le matériel des trains d’équilibre du territoire est obsolète et fatigué. La réponse de l’État stratège n’est pas à la hauteur de l’enjeu, malgré l’abandon des 500 millions d’euros de dividendes et d’impôt sur les sociétés auparavant acquittés par la SNCF, et malgré les investissements prévus à hauteur de 1,5 milliard d’euros, mais d’ici à 2025. Or le problème de l’industrie ferroviaire, c’est son plan de charge actuel ! Il n’est pas jusqu’au TGV qui ne commence à son tour à connaître des problèmes d’équilibre économique.

M. Roger Karoutchi. Il est mal géré !

M. Louis Nègre. Dans ce paysage, qui s’assombrit d’année en année, seule l’action déterminée des régions a contribué, par des investissements massifs effectués depuis 2002, à la dynamique du ferroviaire, avec à la clé une forte augmentation du nombre de passagers.

Il nous est demandé cet après-midi de nous prononcer sur la proposition de loi censée permettre de développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité.

Si nous approuvons pleinement le but affiché par votre proposition de loi, mesdames les coauteurs, nous sommes en revanche en désaccord avec les moyens que vous préconisez pour y parvenir.

Comme vous le savez, mes chers collègues, à la suite de la promulgation de la loi du 7 août 2015, dite loi « NOTRe », la région est la collectivité qui bénéficie des transferts de compétences les plus importants, notamment dans le domaine des transports.

Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État : la région devient l’autorité organisatrice de l’intégralité de la mobilité interurbaine. Elle se voit dotée de nouvelles responsabilités sur l’ensemble des transports publics interurbains de voyageurs, y compris les transports scolaires et les transports à la demande non urbains.

J’en viens au texte lui-même. L’article 1er de la présente proposition de loi revient sur la libéralisation du transport par autocar, instituée par la loi Macron.

Chers collègues, rappelons qu’en France, il a été décidé, en 1948,…

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Une très bonne année !

M. Louis Nègre. … donc en des temps différents des nôtres, de privilégier le rail pour transporter les voyageurs sur de longues distances. Il s’est développé de ce fait un réseau très dense et très régulier de lignes de transport de voyageurs par rail : les lignes de transport express régional.

À la suite de l’adoption de la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires de décembre 2009, dite ORTF, le cabotage national des liaisons internationales par autocar a été autorisé, pour autant qu’il ne dépasse pas 25 % des passagers de chaque autocar effectuant la liaison. Je constate que ce monopole n’a pas empêché les régions de développer un réseau de lignes d’autocars, car près de 23 % du transport express régional actuel sont déjà effectués par ce mode.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Les régions ont été plus sérieuses que l’État !

M. Louis Nègre. Enfin, l’article 5 de la loi Macron a supprimé ce monopole. Cette nouvelle loi a autorisé la création de services réguliers de transport par autocar de façon libre, au-delà d’un seuil de 100 kilomètres.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Hélas !

M. Louis Nègre. Lors de l’examen de ce projet de loi, notre groupe avait souhaité éviter d’installer une concurrence excessive entre les différents modes de transport. Nous souhaitions donc privilégier la complémentarité, comme vous l’avez d’ailleurs dit, monsieur le secrétaire d’État, en n’autorisant la libéralisation des liaisons par autocar qu’au-delà du seuil de 200 kilomètres. Nous en avions discuté avec l’ensemble des parties prenantes, notamment le Groupement des autorités responsables de transport, le GART, et nous avions fixé cette limite qui semblait convenir. Le choix d’un seuil de 100 kilomètres, au contraire, pose problème.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Très juste !

M. Louis Nègre. Cette proposition a été malheureusement rejetée par la majorité à l’Assemblée nationale, ce que nous ne pouvons que regretter, même si les chiffres que vous nous avez annoncés tout à l’heure montrent bien que la libéralisation des liaisons par autocar fournit un certain nombre de réponses aux gens qui résident dans des territoires non desservis par le chemin de fer.

L’article 2 prévoit la généralisation du versement transport, ou VT, au niveau régional, en s’inspirant du modèle de la région Île-de-France. Le VT est dû, je le rappelle, par les personnes physiques ou morales, publiques ou privées qui emploient plus de neuf salariés, hors activité à caractère social. Cependant, le Gouvernement a récemment relevé le seuil d’assujettissement du versement transport de neuf à onze salariés.

Si notre groupe a toujours été favorable à des mesures d’allégement de charges pour les entreprises, il a également exprimé à plusieurs reprises ses plus vives préoccupations concernant le maintien d’un financement adéquat pour les transports du quotidien, qui concernent directement tous nos concitoyens.

Nous resterons extrêmement attentifs, monsieur le secrétaire d’État, au respect de l’engagement pris par le Gouvernement et par le Premier ministre de compenser intégralement la perte résultant, pour les autorités organisatrices de la mobilité, du relèvement du seuil d’assujettissement au versement transport.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Mais pour combien de temps ? Cela ne dure jamais !

M. Louis Nègre. Cependant, nous considérons que la mesure proposée dans ce texte conduirait à alourdir la fiscalité qui pèse sur nos entreprises. Vous avez annoncé le chiffre de 700 millions d’euros par an : vous savez faire des calculs pour faire payer les autres !

Mme Évelyne Didier, rapporteur. C’est un leitmotiv !

Mme Éliane Assassi. Nous pensons aux gens !

M. Louis Nègre. Nous ne pouvons pas l’accepter, ne serait-ce qu’en raison de la faible compétitivité actuelle de notre économie.

L’article 3 de cette proposition de loi vise à abaisser le taux de TVA applicable aux transports publics à 5,5 %, qui est le taux dévolu, je le rappelle, aux produits de première nécessité. C’est une bonne proposition, chers collègues, et permettez-moi de rappeler à M. le secrétaire d’État que, au mois de juillet dernier, tout semblait aller dans ce sens. Selon des sources bien informées, des annonces officielles devaient intervenir à la rentrée.

Aujourd’hui, malgré nos demandes répétées, le Gouvernement a refusé de ramener à 5,5 % le taux de TVA applicable aux transports du quotidien, qui intéressent pourtant les couches les plus modestes de la population.

Il nous paraît d’ailleurs étrange qu’un gouvernement se réclamant de la gauche puisse oublier ainsi ces Français qui sont, pour la plupart, des travailleurs et qui, le plus souvent, n’ont pas d’autre choix que d’emprunter quotidiennement ces transports. Ce recul du Gouvernement est d’autant plus étonnant que nous sommes à l’heure de la transition énergétique et de la COP 21.

Pour conclure, mes chers collègues, si nous approuvons le but de cette proposition de loi, à savoir maintenir et développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité, nous ne sommes pas d’accord avec les moyens qu’elle préconise pour y parvenir.

Ne soyons pas idéologues, soyons pragmatiques ! Nous ne sommes pas là pour défendre un monopole, une institution, mais pour défendre les usagers et leur apporter le meilleur du ferroviaire.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Vous êtes là pour le tuer !

M. Louis Nègre. Pour ce faire, nous vous proposons une ouverture à la concurrence, mais à une concurrence maîtrisée. Quelque 78 % des Français, soit plus des deux tiers de nos compatriotes, pensent que l’ouverture à la concurrence des TER serait une bonne chose. Telle est la réalité et la vérité du terrain. Conscients de notre responsabilité d’élus, nous devrions écouter plus souvent les messages du peuple, et les résultats du premier tour des élections régionales nous le confirment !

Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue.

M. Louis Nègre. En conséquence, et comme la commission du développement durable, notre groupe votera contre cette proposition de loi. (M. le président de la commission applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la proposition de loi que Marie-France Beaufils nous a présentée nous donne l’occasion de revenir sur la nécessité d’une offre de transport ferroviaire de qualité.

Je remercie Évelyne Didier pour l’excellent rapport qu’elle a rendu au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Du début du XIXe siècle à aujourd’hui, le train a été un acteur essentiel des mobilités et de la modernisation de notre société. Il a participé au développement industriel de notre pays. Ce transport ferroviaire, qui a fait et qui fait encore notre fierté, est aujourd’hui mis à mal.

Dans un système déjà affaibli par les baisses de dotations, par le manque de financement et d’investissements, ainsi que par la non-couverture de la dette de la SNCF – contrairement à ce qu’a pu faire l’Allemagne avec la Deutsche Bahn ! –, la libéralisation des transports par autocar risque de porter le coup fatal.

En effet, la loi « Macron » met en concurrence les bus et les trains sans qu’il soit question de complémentarité. Cette loi consacre, au fond, le renoncement total à l’idée d’un service public ferroviaire de qualité.

Le quatrième paquet ferroviaire voudrait aller encore plus loin, en organisant la libéralisation du transport ferroviaire national. La proposition de loi dont nous débattons permet d’abroger les mesures introduites par la loi Macron et de s’opposer à ce quatrième paquet ferroviaire.

Nous défendons, pour notre part, l’idée d’un moratoire sur les directives européennes de libéralisation des transports qui ont conduit à des désastres économiques, sociaux et environnementaux, notamment dans le secteur du fret – sans parler de ce que l’on a pu observer au Royaume-Uni. L’impact de la loi Macron sur les recettes de la SNCF est estimé, à terme, entre 200 millions d’euros et 300 millions d’euros : autant d’argent qui n’ira plus à l’investissement !

En soumettant le train à la concurrence déloyale du bus, le Gouvernement organise la casse, non seulement de l’offre ferroviaire, mais également de l’industrie ferroviaire dans son ensemble, un des fleurons de l’industrie française. Aux côtés de la SNCF, plus de deux cent cinquante entreprises sont impliquées dans les activités ferroviaires, des constructeurs aux ingénieurs, en passant par les équipementiers, les spécialistes de la voie, de la signalisation, du design, des essais. Toute une chaîne de production et des milliers d’emplois sont menacés.

Au-delà des emplois, on peut craindre aussi la perte d’un savoir et d’un savoir-faire qui assurent l’excellence de la filière française. Le ferroviaire est une charnière importante de l’économie nationale, la France étant plutôt en pointe dans ce domaine.

Les partisans de la rigueur économique arguent de la nécessité d’une concurrence « pure et parfaite » pour faire tendre les tarifs à la baisse. En vérité, les tarifs des voyages en bus constituent, à trajets équivalents, une concurrence impitoyable pour la SNCF.

Cet écart de tarifs résulte des externalités que n’assument pas les entreprises de transport routier. Or ces coûts externes sont nombreux : pollution, accidents, nuisances sonores, embouteillages. Ainsi, les coûts externes pour l’État et les collectivités locales sont en moyenne deux fois plus élevés pour les transports de voyageurs par la route que par le train, de l’ordre de 15,3 euros pour 1 000 passagers au kilomètre pour le train, contre 33,8 euros pour l’autocar.

Les bus, nous dit-on, assurent le droit à la mobilité et permettent aux plus modestes de voyager, mais le modèle de transport que nous souhaitons construire pour l’avenir est-il un modèle à deux ou trois vitesses ?

Les plus riches auront le droit de voyager par le train, c’est-à-dire sur un mode de transport plus rapide, plus confortable et plus sûr, de type TGV, alors que les plus pauvres, s’ils souhaitent se déplacer, devront utiliser les « cars Macron » – la nouvelle troisième classe –, moins rapides, moins confortables et, surtout, moins sûrs.

C’est un constat que personne ne peut contester : les transports routiers sont beaucoup plus accidentogènes que le transport ferroviaire. Le grave accident de poids lourd qui a eu lieu hier sur l’autoroute A1 ne le dément pas.

Vous parlez droit à la mobilité, mais les entreprises mettant ces bus en circulation répondront rentabilité. Nous le voyons déjà dans le tracé des lignes : les autocars ne vont pas desservir des espaces enclavés, mais bien fragiliser le train sur de grands axes interrégionaux.

Entre Paris et Lille, par exemple, je vous assure qu’aucun de ces bus ne s’arrête dans les petites communes de l’Oise pour prendre des voyageurs. Pourtant, ils encombrent bien l’autoroute du Nord où, chaque jour, des « trains de camions » circulent sur deux voies !

Depuis le 1er octobre, 274 autocars circulent chaque jour sur 104 lignes nationales et internationales. À Paris, nous pouvons dénombrer jusqu’à 200 départs par jour. D’ici à 2016, cent lignes supplémentaires devraient voir le jour. Oui, la concurrence déloyale et acharnée fragilise les trains d’équilibre du territoire et les TER.

Pour finir, je reviendrai à mon tour sur l’impact environnemental. À la veille de la clôture de la COP 21, au moment où nous sommes plus que jamais conscients de l’importance de la mobilisation contre le réchauffement climatique, la France ne peut pas se permettre de commettre l’erreur d’une augmentation de la part des transports routiers.

L’empreinte carbone des autobus est bien plus élevée que celle des trains. Nous le savons, le transport routier est un des premiers responsables de la pollution atmosphérique. Mettre des véhicules supplémentaires sur les routes aggrave les embouteillages et donc les émissions de gaz à effet de serre. Comment peut-on espérer poser les bases d’une nouvelle croissance pour une lutte efficace et résolue contre le réchauffement climatique en privilégiant le transport routier plutôt que le ferroviaire ?

Nous défendons la nécessité absolue d’un service public ferroviaire de qualité bénéficiant de financements ambitieux. Nous n’acceptons pas le modèle de mobilité à bas coût qu’instaure le Gouvernement. Les usagers doivent rester des usagers et ne pas devenir des clients, parce que nous parlons bien, nous, de service public.

En conclusion, les sénatrices et les sénateurs communistes, républicains et citoyens estiment utile et nécessaire d’adopter cette proposition de loi, qui n’est pas opportuniste, monsieur le secrétaire d’État, mais opportune ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, le groupe UDI-UC est particulièrement attaché aux mobilités et au ferroviaire.

Ce matin, je devais prendre l’avion pour me rendre à Paris, mais une panne a, hélas, cloué l’avion au sol à Quimper. Il m’a donc fallu prendre le train, ce que j’ai fait avec d’autant plus de plaisir que je ne l’avais pas emprunté depuis longtemps. J’ai pu constater que je n’étais pas le seul, loin de là, à utiliser la ligne reliant Quimper à Paris. Le train était bien rempli, ce qui veut dire que le ferroviaire fonctionne bien dans notre région, mais aussi dans notre pays.

La proposition de loi que nous examinons nous offre l’occasion d’évoquer la question ferroviaire. Si les propos tenus par les uns et les autres montrent des divergences sur l’appréciation et les modalités à mettre en œuvre, je crois que la quasi-totalité de ceux qui ont eu l’occasion de s’exprimer sont favorables au développement et à l’optimisation du transport dans notre pays, de façon à permettre à l’ensemble de nos concitoyens de pouvoir se déplacer des Alpes-Maritimes, des Ardennes ou du Finistère vers Paris, Marseille ou Lyon. Pour autant, je crois que nous ne sommes pas d’accord sur la définition des modalités permettant d’atteindre cet objectif.

À ceux qui affirment que l’État doit tout organiser, mes collègues du groupe UDI-UC et moi-même répondons qu’il doit veiller à ce qu’aucune partie du territoire ne soit enclavée, privée de desserte par les transports en commun, mais qu’il convient de faire confiance aussi aux entreprises, qui ont fait la preuve de leur savoir-faire, notamment dans le domaine du transport routier.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. La SNCF est une entreprise, mon cher collègue !

M. Michel Canevet. Vous avez raison, ma chère collègue, mais elle est une entreprise publique. Or je suis de ceux qui considèrent que tout ne doit pas résulter de l’action publique, mais qu’une large part doit être laissée à l’initiative privée. (Murmures sur les travées du groupe CRC.) De ce point de vue, une réflexion approfondie doit être menée au sujet du secteur des transports, afin de déterminer quelles missions doivent être assumées par le secteur public et quelles autres relèvent de l’action privée.

Le secteur public investit à la fois l’aérien et le ferroviaire, mais aussi, pour une bonne part, le transport routier, sans oublier le transport fluvial ou maritime. Nous devons étudier, dans tout l’éventail de ces différents domaines, les diverses manières de fonctionner.

Dans le contexte financier de plus en plus contraint que connaît notre pays, nous voyons bien qu’il est nécessaire de faire évoluer les choses. Or, s’il est un secteur auquel nous consacrons, hélas, de gros moyens financiers, c’est bien celui des transports. Sans doute cet effort est-il absolument nécessaire, car il importe que nos différents territoires soient désenclavés ; mais nous devons optimiser notre système. Concrètement, l’action publique ne pouvant pas tout, nous devons aussi nous reposer sur le secteur privé, d’autant que, je le répète, celui-ci a prouvé son efficacité. Ainsi, dans le Finistère, le conseil départemental fait désormais confiance aux acteurs privés dans les domaines du transport scolaire et du transport interurbain, et les choses se passent tout à fait bien.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Ce n’est guère surprenant, puisqu’il s’agit d’activités rentables !

M. Michel Canevet. Je constate d’ailleurs une amélioration importante et continue des services, ainsi qu’une prise en compte bien réelle de l’ensemble des problématiques ; je pense en particulier à celle du handicap, qui doit aujourd’hui être intégrée à nos stratégies de mobilité, afin que le plus grand nombre puisse accéder aux transports.

La présente proposition de loi comporte quatre articles, dont le premier se rapporte aux dispositions que nous avons très récemment adoptées dans le cadre de la loi dite Macron.

M. Michel Canevet. Ma chère collègue, en ce qui concerne le transport routier, une majorité d’entre nous, dont je fais partie, estimait, comme M. Nègre, qui a pris une part active à nos débats et nous a communiqué des informations extrêmement précises, fort éclairantes pour nos travaux, qu’il valait mieux fixer le seuil à 200 kilomètres, et non, comme il a été finalement décidé, à 100 kilomètres. Si l’on nous avait écoutés, sans doute aurait-on évité les soupçons dont certains orateurs se sont fait l’écho, à propos d’une éventuelle concurrence avec le transport ferroviaire. De fait, il ne s’agit pas de déshabiller le secteur ferroviaire en favorisant l’essor du transport routier par autocar sur les lignes les plus rentables !

Mme Évelyne Didier, rapporteur. C’est pourtant bien ce qui va se passer !

M. Michel Canevet. En vérité, il s’agit d’assurer une desserte beaucoup plus fine de notre territoire, ce que le car permet, au contraire du train, puisque nous savons bien qu’il est aujourd’hui impossible de construire de nouvelles lignes ferroviaires, hormis les lignes réservées au TGV, de sorte que nous sommes limités à l’existant – encore l’existant a-t-il été sérieusement réduit, en raison des difficultés d’entretien de plus en plus prégnantes qui se posent à la SNCF et à Réseau ferré de France, ce qui a été déploré dans un certain nombre de rapports. À cet égard, je crois que la remise à niveau de l’ensemble du réseau ferroviaire devra figurer parmi les priorités que l’État fixera à l’action publique, ne serait-ce que parce qu’elle est un impératif sur le plan de la sécurité, comme des événements tragiques l’ont, hélas, démontré.

Madame la rapporteur, les membres de mon groupe et moi-même ne pouvons pas soutenir la remise en cause de décisions que nous avons prises voilà seulement quelques semaines, d’autant que, selon nous, les dessertes par autocar améliorent la qualité du transport collectif pour un grand nombre de nos concitoyens. Nous souscrivons encore moins à l’idée d’instaurer des taxes supplémentaires, qu’il s’agisse d’un versement transport additionnel ou interstitiel. Nous considérons au contraire que, pour rendre nos entreprises plus compétitives, il faut absolument alléger leurs charges !

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Encore !

M. Jean-Pierre Bosino. Voilà cinquante ans qu’on les allège…

Mme Éliane Assassi. … et que ça ne marche pas !

M. Michel Canevet. Si nous voulons créer des emplois dans notre pays, il est indispensable de réduire de manière importante les charges qu’elles supportent ! Telle est, en tout cas, notre position constante.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Cela, je vous l’accorde !

M. Jean-Pierre Bosino. Vous persévérez dans l’erreur !

M. Michel Canevet. Au lieu d’instaurer des taxes supplémentaires, il faudrait en supprimer pour soulager nos entreprises. Nous ne voterons donc pas cette proposition de loi, d’autant que l’idée de réduire le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi pour financer les mesures proposées est tout à fait mauvaise : ce crédit d’impôt n’étant déjà qu’un moindre mal, il est inacceptable de le diminuer !

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Vous entendez, monsieur le secrétaire d’État : un moindre mal !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Un moindre mal, 41 milliards d’euros ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.

Mme Patricia Morhet-Richaud. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable, madame la rapporteur, mes chers collègues, le droit à la mobilité est une question essentielle pour tous les Français, dont le mode de vie évolue sans cesse, dont les déplacements augmentent par leur fréquence comme par leur durée et dont les besoins sont toujours plus nombreux pour diverses raisons, professionnelles, de loisirs ou autres. Ainsi, combien sommes-nous dans cet hémicycle à emprunter chaque semaine le rail pour rejoindre Paris depuis notre département ?

La desserte ferroviaire constitue un élément structurant sur l’ensemble du territoire national ; dans les zones rurales, comme mon département des Hautes-Alpes, elle reste un moyen essentiel de désenclavement et d’aménagement de notre territoire.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Très juste !

Mme Patricia Morhet-Richaud. Elle est aussi pour les élus locaux un facteur d’attractivité pour leurs petites et moyennes communes, une façon efficace de gagner des habitants en facilitant leurs déplacements et en les rapprochant des zones où se concentrent activités économiques et bassins d’emplois, établissements scolaires ou pôles universitaires.

Les modes de transport ont aussi été largement évoqués dans le cadre de la COP 21. Il faut dire qu’ils sont responsables de près de 17 % des émissions de gaz à effet de serre – des émissions qui, après avoir fortement augmenté jusqu’en 2007, semblent depuis lors se stabiliser, en raison notamment de la désaffection pour l’utilisation de la voiture individuelle. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit d’ailleurs de développer les transports propres pour améliorer la qualité de l’air et protéger la santé.

Ces nombreuses raisons militent pour que l’État et ses établissements publics investissent massivement dans le train, un moyen de transport collectif efficace, plus propre, plus sûr aussi, et qui reste très compétitif ! Pourtant, il faut bien se rendre à l’évidence : il n’en est rien – les exemples, sur nos territoires respectifs, ne manquent pas. De fait, la desserte ferroviaire fonctionne mal et elle n’est pas une priorité pour les pouvoirs publics, bien qu’elle soit une réalité quotidienne pour nos concitoyens.

Permettez-moi de vous donner un exemple très simple : pour parcourir les 260 kilomètres qui séparent Briançon de Marseille, il faut 3 heures et 20 minutes en voiture, 4 heures et 30 minutes en train et 6 heures en bus. En d’autres termes, le train atteint péniblement une moyenne de 60 kilomètres par heure, en 2015 : une vitesse qui ne s’est pas améliorée depuis plusieurs décennies. Si l’on fait une comparaison avec les performances des coureurs du Tour de France, qui empruntent régulièrement nos routes de montagne où ils atteignent des pointes à 100 kilomètres par heure en descente, il vaut mieux en rire !

C’est pourquoi nous ne pouvons pas nous satisfaire de l’organisation actuelle, qui va à l’encontre de l’intérêt général, ni des moyens financiers mobilisés, qui ne sont pas en adéquation avec les attentes des usagers.

L’organisation du service de transport ferroviaire doit faire l’objet d’une attention particulière, si nous ne voulons pas que des inégalités se creusent en fonction des régions. Ainsi, il ne faut pas perdre de vue que certaines lignes sont déficitaires, notamment en zone rurale, et que, dans le cadre des politiques d’austérité qui sont mises en œuvre, la qualité du service public doit aussi être prise en compte.

Comment réinventer un service ferroviaire qui fonctionne bien et qui incite les usagers à l’utiliser plus et mieux ?

Dans le cadre de sa nouvelle politique de commercialisation, la SNCF envisage des fermetures de gares et de guichets. Dans mon département, par exemple, la gare de Laragne risque de fermer, au motif que le maintien du personnel coûte trop cher et que cette gare n’est pas rentable !

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Et voilà !

Mme Patricia Morhet-Richaud. Seulement, une gare qui ferme dans nos territoires ruraux, c’est un peu comme une école qui disparaît : c’est de l’activité économique en moins dans les centres-villes et un lien social qui se coupe ; ce sont aussi des inégalités qui se creusent entre ceux qui ont les moyens de se déplacer en voiture individuelle et les autres.

C’est pourquoi l’amélioration de l’offre de transport collectif de voyageurs doit être prioritaire au sein de chaque région, mais aussi étudiée à l’échelle interrégionale, en vue d’établir des interconnexions. Des trains qui circulent à 50 kilomètres par heure en moyenne ne sont ni incitatifs ni compétitifs !

Mme la présidente. Ma chère collègue, veuillez conclure.

Mme Patricia Morhet-Richaud. Pour autant, je ne pense pas qu’une taxe additionnelle soit la solution pour assurer la péréquation à l’échelle régionale. C’est pourquoi, en l’état actuel des choses, je ne voterai pas la proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les coauteurs de la proposition de loi, mes chers collègues, je regrette que nous ne soyons pas plus nombreux dans l’hémicycle, car les questions ferroviaires méritent d’être une priorité. D’ailleurs, au cours des séances de questions orales du mardi matin, il est fréquent que nos collègues interrogent les membres du Gouvernement sur l’avenir de telle ou telle ligne ferroviaire : preuve de l’engagement très fort dont nous faisons preuve dans ce domaine.

Si j’ai tenu à prendre la parole dans ce débat, même brièvement, c’est par fidélité et par conviction : je suis fils de cheminot et, si je ne suis pas entré à la SNCF, mon rêve était d’être chef de gare !

M. Roger Karoutchi. Gare aux conflits d’intérêts ! (Sourires.)

M. Marc Laménie. J’ai beau avoir changé un peu d’aiguillage, je reste très fidèle au monde ferroviaire ! (Nouveaux sourires.)

Certes, il nous reste 36 000 kilomètres de lignes ; mais nous avons malheureusement assisté à la suppression de centaines de kilomètres. Ce phénomène ne date d’ailleurs pas d’aujourd’hui – dans les années soixante-dix, on parlait de « substitution routière ».

Mme Évelyne Didier, rapporteur. En effet !

M. Marc Laménie. Ce déclin résulte aussi de la priorité trop marquée donnée au TGV, voire au « tout TGV », alors que le TGV a aussi ses limites, à commencer par son coût financier. Hélas, trop de petites lignes ferroviaires ont été sacrifiées, notamment dans le monde rural !

Je prends souvent l’exemple, que Mme le rapporteur connaît déjà, de la ligne qui allait de Châlons-en-Champagne à Verdun, en passant par Suippes et Sainte-Menehould, reliant le département de la Marne à celui de la Meuse, avant qu’on ne la supprime en décembre 2013. J’ai eu l’occasion de l’emprunter quelques jours avant sa fermeture : j’ai constaté que les passagers n’étaient certes pas très nombreux, mais que l’infrastructure n’était pas du tout dégradée.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. C’est dommage, en effet !

M. Marc Laménie. Après, on dit qu’il faut rénover telle ou telle ligne, mais que cela coûte trop cher !

Les régions ont beaucoup investi dans le secteur ferroviaire, en particulier pour acquérir du beau matériel, moderne, comme les trains Bombardier. Je n’en oublie pas pour autant l’ancien matériel : je pense à une association qui a permis la sauvegarde de certains autorails Picasso – un matériel rustique qui peut susciter de la nostalgie, mais qui fonctionne encore…

En vérité, je suis convaincu que le ferroviaire a encore sa place, et pas seulement la grande vitesse : les dessertes TER, en particulier, sont très empruntées. Il faut donc continuer de se battre pour sa promotion ! À cet égard, je regrette fortement que des lignes ferroviaires soient supprimées pour être remplacées par des bus ; cela, je ne l’accepte pas.

La présente proposition de loi comporte certains articles avec lesquels je suis tout à fait d’accord.

La loi Macron comporte également des avancées en la matière.

Mes chers collègues, je voterai en faveur de certains articles de la proposition de loi présentée par le groupe CRC, dans la mesure notamment où je défends l’intégralité du volet ferroviaire de ce texte.

Néanmoins, pour rester cohérent et par respect pour mes collègues du groupe Les Républicains, tout en faisant preuve de bienveillance et afin d’être agréable et sympathique à l’égard de nos collègues communistes, je m’abstiendrai lors du vote final sur cette proposition de loi.

Mme Laurence Cohen. Très bien !

M. Marc Laménie. En effet, je souhaite rester solidaire vis-à-vis du monde ferroviaire, car il regroupe des passionnés, des personnes qui aiment leur métier et qui font preuve d’un savoir-faire que je tiens à souligner. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme la rapporteur applaudit également.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l'ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l'ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité
Article 2

Article premier

I. – La section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la troisième partie du code des transports est abrogée.

II. – Le code des transports est ainsi modifié :

1° Au début du I de l’article L. 1112-2, les mots : « Pour les services de transport ne relevant pas des services de transport librement organisés prévus aux articles L. 3111-17 et suivants, » sont supprimés ;

2° Au début du premier alinéa du I de l’article L. 1112-2-1, les mots : « Pour les services de transport ne relevant pas des services de transport librement organisés prévus aux articles L. 3111-17 et suivants, » sont supprimés ;

3° À l’article L. 1221-3, la référence : « , L. 3111-17 » est supprimée ;

4° Au début de la première phrase du premier alinéa des articles L. 3111-1 et L. 3111-2, les mots : « Sans préjudice des articles L. 3111-17 et L. 3421-2, sont supprimés ;

5° À la première phrase de l’article L. 3111-3, les références : « des articles L. 3111-17 et L. 3421-2 » sont remplacées par la référence : « de l’article L. 3421-2 » ;

6° L’article L. 3421-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3421-2. – L’État peut autoriser, pour une durée déterminée, les entreprises de transport public routier de personnes à assurer des dessertes intérieures régulières d’intérêt national, à l’occasion d’un service régulier de transport routier international de voyageurs, à condition que l’objet principal de ce service soit le transport de voyageurs entre des arrêts situés dans des États différents.

« L’État peut limiter ou, le cas échéant, interdire ces dessertes intérieures si la condition précitée n’est pas remplie ou si leur existence compromet l’équilibre économique d’un contrat de service public de transport de personnes. Il peut être saisi à cette fin par une collectivité intéressée.

« Les dispositions du présent article sont applicables en région Île-de-France.

« Le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 3421-10 fixe les conditions d’application du présent article et notamment les conditions dans lesquelles les autorités organisatrices de transport concernées sont consultées. » ;

7° À l’article L. 3451-2, les références : « , 5° ou 6° » sont remplacées par la référence : « et 5° » ;

8° À l’article L. 3452-5-1, les mots : « établi en France » sont remplacés par le mot : « résident » ;

9° L’article L. 3452-6 est ainsi modifié :

a) La première phrase du 5° est ainsi modifiée :

– les mots : « établie en France » est remplacé, deux fois, par le mot : « résidente » ;

– les mots : « ou réguliers » sont supprimés ;

b) Le 6° est abrogé ;

10° L’article L. 3452-7 est ainsi modifié :

a) Les mots : « établie en France » sont remplacés, deux fois, par le mot : « résidente » ;

b) Les mots « ou réguliers » sont supprimés ;

c) Après la référence : « L. 3421-1 », est insérée la référence : « et L. 3421-3 » ;

11° L’article L. 3452-8 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3452-8. – Est puni de 15 000 € d’amende le fait pour l’entreprise ayant commandé des prestations de cabotage routier de marchandises de ne pas respecter les dispositions de l’article L. 3421-7. » ;

12° L’article L. 3521-5 est abrogé ;

13° L’article L. 3551-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 3551-5. – Le titre II du livre IV de la présente partie n’est pas applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon. »

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er n'est pas adopté.)

Article premier
Dossier législatif : proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l'ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité
Article 3

Article 2

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après le 3° du I de l’article L. 2333-64, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Et dans une région, compétente pour l’organisation des transports régionaux de voyageurs. » ;

2° À la fin de l’article L. 2333-66, les mots : « par délibération du conseil municipal ou de l’organe compétent de l’établissement public » sont remplacés par les mots : « par délibération du conseil municipal, de l’organisme compétent de l’établissement public, ou du conseil régional » ;

3° Le II de l’article L. 2333-67 est ainsi rétabli :

« II. – Le taux de versement est fixé ou modifié par délibération du conseil régional, hors région d’Île-de-France, dans la limite de :

« 1° 0,20 % en complément du taux existant dans le ressort territorial de l’autorité organisatrice de mobilité ;

« 2° 0,30 % dans les territoires situés hors du ressort territorial de l’autorité organisatrice de mobilité. »

4° L’article L. 2333-68 est ainsi modifié :

a) À la première et deuxième phrase, après le mot : « versement », sont insérés les mots : « mentionné au I de l’article L. 2333-67 » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« Le versement mentionné au II de l’article L. 2333-67 du présent code est affecté au financement des dépenses liées à l’organisation des transports régionaux. » ;

5° L’article L. 2333-70 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa du I, les mots : « ou de l’établissement public » sont remplacés par les mots : « , de l’établissement public ou de la région » ;

b) Au premier alinéa du II, les mots : « ou établissements publics territorialement compétents » sont remplacés par les mots : « , établissements publics territorialement compétents ou régions » ;

c) Au deuxième alinéa du II, les mots : « aux communes ou aux établissements publics » sont supprimés ;

6° À l’article L. 2333-71, les mots : « ou l’établissement public répartir » sont remplacés par les mots : « , l’établissement public et la région répartissent » ;

7° À l’article L. 2333-74, les mots : « est habilité » sont remplacés par les mots : « et la région sont habilités ».

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote sur l'article.

M. Roger Karoutchi. J’ai bien fait de venir cet après-midi ! (Sourires.)

M. André Vallini, secrétaire d'État. C’est gentil à vous ! (Nouveaux sourires.)

M. Roger Karoutchi. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État !

En effet, j’ai écouté mes amis Jean-Jacques Filleul et Louis Nègre avec beaucoup d’attention : tout ce qu’ils disent est certes bien beau et tout à fait admirable, mais lorsque je les entends demander qu’il ne soit surtout pas créé de versement transport dans les régions, car cela créerait des charges supplémentaires pour les entreprises, je m’interroge ! Pourquoi ne proposez-vous pas aussi, mes chers collègues, que soit supprimé le versement transport en Île-de-France ? (Rires sur les travées du groupe CRC.)

Mme Éliane Assassi. Excellent !

M. Roger Karoutchi. En effet, je ne vois pas pourquoi les entreprises de la région d’Île-de-France devraient payer le versement transport et pas les entreprises des autres régions. Mes chers collègues, cela ne vous dérange pas que la contribution s’applique en Île-de-France… En revanche, vous trouvez absolument hallucinant et scandaleux qu’elle puisse être introduite dans vos régions, car il s’agirait alors d’un matraquage des entreprises !

M. Jean-Jacques Filleul. Mais le versement transport existe partout, il n’existe pas qu’à Paris !

M. Roger Karoutchi. Et nos entreprises alors ?

M. Louis Nègre. Cela n’a rien à voir !

M. Roger Karoutchi. Mes chers collègues, je peux vous comprendre quand vous affirmez que les entreprises paient trop et ne peuvent pas participer à l’effort. Mais, en même temps, quand il est question de voter au Sénat le relèvement du seuil du versement transport, je n’entends pas beaucoup les représentants des régions parler de matraquage des entreprises franciliennes !

En tout cas, je ne voterai pas cet article : en effet, dès lors que je ne suis pas favorable au principe même du versement transport, je ne peux pas souhaiter qu’il soit étendu à l’ensemble des régions. Malgré tout, je tiens à dire à mes collègues du groupe CRC qu’il est parfaitement normal, selon moi, que les entreprises participent au financement des transports.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Très bien !

M. Roger Karoutchi. Le système ferroviaire facilite le transport et les déplacements des personnes qui travaillent. En cela, il favorise l’activité professionnelle, ce dont les entreprises profitent. Il est donc normal qu’elles contribuent à son financement !

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Il y a tout de même des gens ouverts d’esprit !

M. Roger Karoutchi. En revanche, je considère que le système même du versement transport est aujourd’hui usé et dépassé et qu’il faut mettre en place une autre solution en matière de financement des transports par les entreprises.

Cela fait plusieurs années que je suis seul à le dire dans un vide sidéral. D’ailleurs, je ne m’en plains pas, car défendre des convictions, même sans réussite, ce n’est pas si grave ! (Sourires.)

Je le répète : il faut une vraie réforme de la contribution des entreprises au transport public. Je rédigerai peut-être une proposition de loi sur le sujet. Toutefois, comme je l’indiquais à l’instant, je ne voterai pas cet article, car je ne suis pas favorable à l’actuel système.

Pour conclure, j’appelle tous mes collègues de province à davantage de solidarité à l’égard de l’Île-de-France ! (Rires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Je tiens à réagir à un certain nombre d’arguments entendus tout à l’heure lors de la discussion générale.

Je voudrais rappeler les propos que nous tiennent les usagers du réseau ferroviaire dans une région où les TER ont été améliorés. J’ai en effet été très surprise des remarques formulées par notre collègue Jean-Jacques Filleul : on constate en effet de nettes améliorations dans notre région, et particulièrement dans notre département d’Indre-et-Loire.

M. Jean-Jacques Filleul. Personne ne dit le contraire !

Mme Marie-France Beaufils. Les salariés qui partent travailler en train et qui n’utilisent plus leur voiture nous disent être moins stressés quand ils arrivent sur leur lieu de travail. En outre, ils peuvent davantage décompresser sur le chemin du retour, car il est plus facile de circuler en train que dans les embouteillages. Selon moi, les entreprises ont donc véritablement un intérêt à participer au financement des entreprises.

Par ailleurs, s’agissant de la nouvelle répartition des responsabilités introduite par la loi NOTRe, vous nous avez dit, monsieur le secrétaire d’État, que le transfert aux régions d’une nouvelle responsabilité relative aux transports serait compensé par le transfert aux régions de la part départementale de la CVAE.

On peut comprendre ce schéma, puisqu’un tel transfert permet de conserver un périmètre de dépenses constant à l’échelon national, sans que l’État ait à intervenir. Pour autant, il ne résout pas le problème du financement des départements, qui sont aujourd’hui exsangues et ne se voient proposer aucune solution.

M. André Vallini, secrétaire d'État. Si, on s’en occupe !

Mme Marie-France Beaufils. Pour le moment, nous ne disposons pas d’éléments de réponse, monsieur le secrétaire d’État, et il n’y en a pas non plus dans la loi de finances !

Quant à la modification du seuil d’application du versement transport, vous nous avez dit qu’elle serait compensée dans le cadre de la loi de finances. Or nous sommes un certain nombre à être élus ici depuis longtemps et nous savons bien ce que deviennent les systèmes de compensation : la compensation financière est utilisée à terme comme une variable d’ajustement et permet finalement de répondre à d’autres problématiques que celles qui sont soulevées par la mesure ou la taxe compensée initialement. D’ailleurs, quand je dis « à terme », ce n’est parfois pas très long !

Mme Marie-France Beaufils. Pour ne prendre qu’un seul exemple, on a vu ce qu’il est advenu des compensations financières dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle. À la fin, cela s’est traduit par une perte de recettes financières pour les collectivités locales. C’est la raison pour laquelle nous préférons de véritables ressources et un financement réellement autonome !

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.

M. Louis Nègre. Je suis d’accord avec mon collègue Roger Karoutchi lorsqu’il dit que le taux du versement transport est très élevé en région parisienne. En revanche, les voyageurs que nous sommes aimeraient bien se déplacer en région parisienne.

M. Roger Karoutchi. Dites cela aux usagers franciliens !

M. Louis Nègre. En effet, quand on voit le maillage de la ville de Paris…

M. Roger Karoutchi. Ce ne sont pas les trains, mais le métro qui contribue à ce maillage !

M. Louis Nègre. Après tout, en province aussi, nous payons le versement transport, mon cher collègue : par exemple, mon « entreprise » – je veux parler de ma mairie – paie bien le versement transport ! Pourtant, nous n’avons ni métro ni tramway.

M. Roger Karoutchi. Vous avez mieux : la Côte d’Azur et la Méditerranée ! (Sourires.)

M. Louis Nègre. Le versement transport est une originalité française, dans la mesure où cette contribution n’existe dans aucun autre pays.

Mes chers collègues, si nous pouvons nous rejoindre sur un point, c’est sur l’idée que, à l’heure actuelle, il n’existe pas de financement qui nous permette d’organiser un transport de qualité, et ce, malgré ce que vous nous avez dit, monsieur le secrétaire d’État, sur les transferts de CVAE ou les transferts financiers entre collectivités locales.

D’ailleurs, tous les experts s’accordent sur ce constat. Il faudrait donc remettre à plat les modalités de financement des transports en France.

En outre, le secteur du transport public est le seul service public dont le coût évolue moins vite que l’inflation ; tous les autres services publics ont des coûts de fonctionnement qui augmentent plus vite que l’inflation. Aussi, ce secteur subit un effet de ciseaux qui, si nous n’y prenons pas garde, conduira à toujours moins de transports publics ! Or nous sommes précisément là pour défendre le transport public ferroviaire, car il le mérite amplement, même s’il faut nous en donner les moyens.

J’appelle donc la représentation nationale et le Gouvernement à essayer – je dis bien « essayer », parce qu’il s’agit d’un vaste chantier – de trouver un système de financement pérenne pour les transports, tant pour les entreprises que pour les usagers ou les opérateurs. Sinon, nous irons droit dans le mur, mes chers collègues !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Si vous me le permettez, mes chers collègues, nous allons dans le mur !

M. Roger Karoutchi. Oui, nous y sommes déjà !

Mme Laurence Cohen. En effet, le constat est assez ahurissant : nous sommes en 2015, la COP 21 se déroule à Paris et nous avons besoin de transports collectifs qui ne polluent pas. Pourtant, on est en train de porter un coup fatal au système ferroviaire, au travers notamment de l’adoption de lois qui promeuvent l’utilisation à outrance des autocars !

Sur l’ensemble des travées, j’entends dire qu’il faut remettre les choses à plat et qu’il faut de nouveaux financements. Toutefois, notre groupe fait des propositions en ce sens, mes chers collègues ! Au moins, M. Karoutchi a le mérite de la clarté, et déjà vis-à-vis de lui-même, ce qui n’est pas si mal. Ainsi, il a toujours tenu le même discours devant le STIF ; je peux en témoigner, puisque nous y siégions ensemble.

M. Roger Karoutchi. Oui, c’est exact !

Mme Laurence Cohen. L’exemple de la région d’Île-de-France montre bien que le versement transport ne représente pas une ressource secondaire : il correspond en effet à 65 % des recettes budgétaires de la région et à un peu moins de 40 % du financement total du fonctionnement du transport public francilien.

Mes chers collègues, il existe trois sources de financement pour les transports : les usagers, les collectivités locales et les entreprises. Il n’y en a pas d’autres, ou alors il faudrait que l’État prenne les choses en main et réponde aux ambitions qui sont les nôtres.

Aujourd’hui, je considère que, compte tenu des effets de la pollution routière, de la dégradation des routes qui coûte cher aux collectivités locales et des conséquences de la pollution sur la santé des individus, nous devrions afficher d’autres ambitions que celle dont le Gouvernement fait preuve, car celle-ci contrecarre des propositions – les nôtres – qui ont le mérite de présenter des solutions en vue d’améliorer les transports, non seulement en Île-de-France, mais aussi à l’échelon national.

Enfin, mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur le rapport qui vous a été fourni : vous y trouverez une carte qui représente la desserte des cars au niveau national. J’ai été frappée du fait que cette desserte était organisée en étoile et que tous les trajets se faisaient en direction des grandes villes. Cela ne ressemble pas du tout à la desserte transversale, qui serait pourtant nécessaire aux populations. Je vous appelle vraiment à y réfléchir !

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Pourquoi veut-on toujours opposer la route au ferroviaire ? Ces deux modes de transport doivent être complémentaires ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.) C’est ainsi que l’on parviendra à organiser une desserte qui sera la plus fine possible !

En effet, les zones rurales, dont je suis l’un des élus, ne peuvent être desservies que par l’autocar et par la route. Aucun autre moyen de transport n’existe.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Oui, nous sommes d’accord avec vous sur ce point !

M. Michel Canevet. Parfait ! J’avais cru comprendre que certains ne juraient que par le train…

Mme Évelyne Didier, rapporteur. C’est une caricature !

M. Michel Canevet. Or l’autocar est également un mode de transport essentiel pour contribuer au désenclavement des zones isolées et au transport des salariés là où le réseau ferroviaire est absent.

Par ailleurs, il faut souligner que le système ferroviaire n’est viable que s’il est emprunté de manière régulière.

Ensuite, je ne suis pas d’accord avec ceux qui considèrent que ce sont aux entreprises de financer le système ferroviaire. Les transports routiers sont financés par les collectivités locales ; il serait donc logique que ce soient les usagers qui financent le système ferroviaire (Protestations sur les travées du groupe CRC.), selon un système de péréquation.

Il ne faut pas non plus verser dans une autre caricature : dès lors que l’on emprunte le réseau routier, on n’augmente pas systématiquement l’effet carbone. Des innovations ont en effet permis de réduire la pollution émise par les véhicules, que ce soit des véhicules dédiés au transport collectif ou des véhicules individuels. Je prendrai l’exemple de Bolloré, qui a développé des bus électriques, ainsi que des véhicules électriques qui sont particulièrement respectueux de l’environnement.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Tant mieux, mais cela n’existe que pour le transport intra-urbain !

M. Michel Canevet. Il faudra aussi aller vers ce type de solutions, car le transport public ne pourra pas résoudre tous les problèmes de désenclavement.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. De fait, le versement transport est une source de recettes. Dès lors se pose un problème financier : qui doit participer au financement des transports ? Il y a les usagers qui paient le prix du billet, les collectivités locales et les entreprises.

Or les entreprises souffrent, comme chacun le sait. Par conséquent, on ne peut pas tout leur demander. Toutefois, en même temps, on ne peut pas trop en demander non plus aux collectivités locales. Dire cela, ce n’est pas être partisan ni de l’autocar ni du ferroviaire, c’est simplement affirmer qu’il faut trouver un équilibre pour le financement des transports en commun.

En effet, on dit toujours que l’infrastructure ferroviaire coûte cher, mais, pour le financement des routes, la participation est collective. C’est le pot de terre contre le pot de fer : les lignes ferroviaires sont systématiquement sacrifiées au motif qu’elles coûtent trop cher. Pourtant, il faut trouver une complémentarité, un juste équilibre. Les bus ont leur utilité dans les secteurs sans desserte ferroviaire, mais cessons de supprimer sans cesse les infrastructures ferroviaires !

Ces infrastructures exigent des travaux, maintenant que SNCF Réseau va remplacer Réseau Ferré de France, RFF. Or, dans ce domaine, les devis deviennent complètement exorbitants. Pour refaire quelques kilomètres de voie ferrée, les sommes exigées sont énormes ! C’est aussi un problème, alors même que d’autres entreprises – on déplore souvent que le secteur des travaux publics souffre – seraient compétentes pour refaire les voies.

Aussi, mes chers collègues, pourquoi ne pas non plus remettre en service des infrastructures ferroviaires ?

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.

M. Christian Favier. Dans le débat, certains de nos collègues ont beaucoup contesté le versement transport, auquel ils reprochent d’alourdir les charges des entreprises.

En réalité, la situation est bien moins grave que ce qu’ils décrivent. Le versement transport concerne, non pas toutes les entreprises, mais seulement une très petite minorité d’entre elles. En effet, toutes les entreprises de moins de neuf salariés sont exclues du dispositif. En Île-de-France, par exemple, ce sont quelque 90 % des entreprises qui ne paient pas le versement transport.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Et nous parlons de 0,2 % de la masse salariale. Ce n’est pas énorme !

M. Christian Favier. Cette mesure, donc, concerne un nombre limité d’entreprises et n’alourdit en rien les charges de l’immense majorité d’entre elles.

Le versement transport donne de bons résultats. En Île-de-France, nous n’aurions pas le réseau de transports que certains nous envient en province sans ce triple financement des usagers, des entreprises et des collectivités.

D’ailleurs, sous l’angle de l’évolution de la participation des uns et des autres, au cours des dernières années, ce sont surtout les collectivités qui ont accru leur effort de financement, celui des usagers et des entreprises ayant progressé un peu.

C’est pourquoi nous avons aussi porté une demande pour que le versement transport des entreprises augmente davantage, ce qui nous a permis de mettre en place un pass Navigo à 70 euros sur l’ensemble de l’Île-de-France. C’est évidemment une avancée très importante pour les Franciliens, et je ne vois pas pourquoi des dispositifs similaires ne pourraient pas fonctionner dans les autres régions.

Par ailleurs, notre collègue Marc Laménie a raison de souligner que, si l’on compare le transport par rail et le transport routier, la concurrence est totalement faussée.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Bien sûr !

M. Christian Favier. Le transport routier, aujourd'hui, repose entièrement sur un financement par les collectivités locales et, donc, par les usagers locaux, alors que le transport par rail est financé en totalité par la SNCF – comme il l’était, par le passé, par RFF. À partir de là, il est assez facile de dénoncer le coût élevé du transport par rail !

Les fameux « cars Macron » ne vont pas supporter le coût réel du fonctionnement et de la remise en état des routes. Ce mode de transport aura aussi un coût social, qui n’est pas du tout pris en compte. La concurrence semble donc totalement faussée.

Il est évident que, aujourd'hui, il faut remettre l’accent sur le développement d’un réseau SNCF sur notre territoire !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État. Je souscris à tous les propos qui ont été tenus sur la complémentarité entre le transport ferroviaire et le transport routier par car. Il est stérile de vouloir les opposer ! Comme je l’ai indiqué dans mon exposé, Alain Vidalies et l’ensemble du Gouvernement organisent cette complémentarité, dans le cadre d’une loi sur les transports.

S’agissant du financement du transport collectif, on voit bien que, pour le Gouvernement, le chemin est étroit entre le parti Les Républicains, qui juge les charges sur les entreprises encore trop lourdes, malgré les diminutions que nous avons opérées, et le parti communiste, qui considère que l’on pourrait encore accroître ces charges. (Protestations sur les travées du groupe CRC. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Éliane Assassi. Le « encore » est de trop !

Mme Évelyne Didier, rapporteur. En ce moment, on les réduit plutôt allègrement !

M. Roger Karoutchi. Attention, monsieur le secrétaire d'État, à ne pas rompre l’équilibre des alliances…

M. André Vallini, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que le sujet fait débat, mais, je le répète, le chemin est étroit. Nous entendons les chefs d’entreprise se plaindre qu’ils paient trop de charges, que les allégements que nous leur avons octroyés ne sont pas suffisants, qu’ils en veulent toujours davantage.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Ils n’en ont jamais assez !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Dans les enceintes parlementaires, nous entendons également des sénateurs et des députés déplorer l’insuffisance des allégements de charges. Le débat est sans fin !

Monsieur Karoutchi, effectivement, il existe un versement transport sur l’Île-de-France, mais c’est une région à part,…

M. Roger Karoutchi. Seulement quand on paie !

M. André Vallini, secrétaire d'État. … et pas simplement parce que vous en êtes un élu remarquable ! En Île-de-France plus qu’ailleurs, la problématique du transport est très importante – prédominante, allais-je dire – dans la vie économique. On y dénombre, chaque jour, quelque 10 millions de déplacements par transport collectif.

M. Roger Karoutchi. Dites « tentatives de déplacement ». Le terme « déplacements » est trop optimiste ! (Rires.)

M. André Vallini, secrétaire d'État. Ce nombre est élevé, ce qui justifie l’existence du versement transport.

Par ailleurs, nous prenons en compte les difficultés des départements, le président Christian Favier le sait bien. Le transfert de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ou CVAE, des départements vers les régions vise à financer les transferts de compétences prévus dans le cadre de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe.

Sont concernés les transports routiers non urbains, les transports scolaires et le développement économique. Tout cela sera précisément chiffré, notamment avec l’Assemblée des départements de France, l’ADF. D’ailleurs, comme le président Christian Favier le sait également, celle-ci se réunira en assemblée générale le 16 décembre prochain, afin de se prononcer sur les propositions du Gouvernement en matière de financement du revenu de solidarité active, ou RSA.

Effectivement, les finances des départements sont tendues – c’est un euphémisme – et le Gouvernement est à l’écoute des présidents de conseils généraux. Nous avons notamment avancé des propositions pour aider les départements, en particulier les dix d’entre eux qui sont le plus en difficulté, à financer le RSA.

Enfin, monsieur Nègre, une remise à plat s’imposera un jour ou l’autre, c’est vrai, en matière de financement global du système des transports collectifs. Le chantier est important, et nous sommes bientôt en 2016. Le sujet pourra donc faire l’objet d’un débat intéressant lors de la campagne présidentielle et déboucher sur une réforme de grande ampleur que François Hollande mettra en place lors de son deuxième quinquennat, de 2017 à 2022. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Michel Canevet. C’est optimiste !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 n'est pas adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l'ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité
Article 4

Article 3

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° L’article 278-0 bis est complété par un K ainsi rédigé :

« K. – Les transports publics urbains et interurbains réguliers de voyageurs » ;

2° Le b quater de l’article 279 est complété par les mots : « à l’exclusion des transports publics urbains et réguliers de voyageurs pour lesquels la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit mentionné au premier alinéa de l’article 278-0 bis ».

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote sur l'article.

M. Roger Karoutchi. Je vais voter l’article 3 de la proposition de loi, car – pardonnez-moi, monsieur le secrétaire d’État – les réponses du Gouvernement sont soit mécaniques, soit irresponsables.

J’ai eu le malheur de devoir négocier en partie le financement du Grand Paris Express. Dans ce cadre, j’ai participé à un certain nombre de rencontres avec des responsables éminents du Gouvernement ou des membres des cabinets. À ces occasions, il m’a été indiqué que, s’il m’avait été opposé, dans cet hémicycle, que le taux de la taxe sur la valeur ajoutée, la TVA, ne pouvait être réduit à 5,5 % du fait d’un blocage à l’échelle européenne, on se dirigeait vers un accord sur la question : le niveau européen allait accepter cette réduction de la TVA sur les transports publics à 5,5 %.

À cet égard, je peux vous transmettre le document complet concernant le pass Navigo à tarif unique de 70 euros, mis en place par l’exécutif régional, monsieur le secrétaire d’État. Sur le financement de ce dispositif pour 2016, il manquait 300 millions d’euros, mais – il s’agissait là d’un élément clef – on nous a assuré que le Gouvernement s’était fermement engagé sur un taux de TVA à 5,5 % et que, dans ces conditions, nous allions « regagner » des moyens pour financer le pass Navigo à tarif unique.

J’ai observé que ce n’était absolument pas la réponse que le Gouvernement me donnait. On m’a alors renvoyé vers Matignon, où l’on m’a confirmé que le pass Navigo à tarif unique pouvait être tranquillement voté. Le dossier progressait et un accord serait obtenu, à l'échelon européen, pour l’application d’un taux de 5,5 %.

Alors que nous examinons aujourd'hui un article portant sur ce taux de TVA à 5,5 %, disposition que nous avions déjà défendue, dans cet hémicycle, voilà un an, on invoque à présent une opposition, au niveau européen, à ce que nous procédions de la sorte.

Deux vérités ne peuvent coexister, monsieur le secrétaire d’État : une quand on veut me faire « avaler » le pass Navigo à tarif unique financé et une quand on brandit, ici, une opposition de Bruxelles !

Monsieur le secrétaire d'État, le taux de 5,5 % me paraît bien et, si vous vous rendez compte que c’est une mesure impossible à tenir, comme vous allez percevoir des taxes supplémentaires sur les transports publics, l’État pourrait envisager un reversement sur l’ensemble du territoire. Il n’y a pas de raison, si l’on veut que ces transports s’adressent réellement à tout le monde et servent aux déplacements du quotidien, que les usagers supportent cette charge.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Nous avons connu la TVA à 5,5 % et nous savons qu’il s’agit d’un très bon outil. Lorsque nous avons eu à supporter la première augmentation – nous sommes passés à un taux de 7 %, si ma mémoire est bonne –, nous avons dû, bien souvent, l’absorber au niveau des autorités organisatrices des transports, car il était quelque peu compliqué de la faire supporter par les usagers. En d’autres termes, ce sont les collectivités qui ont supporté la charge.

Voilà maintenant que le taux passerait à 10 %… C’est tout de même incompréhensible, y compris pour les usagers, surtout au moment où on leur demande de favoriser les transports collectifs au détriment de la voiture, qui, aujourd'hui, cause des problèmes d’environnement et d’engorgement de certaines voies, notamment le matin et le soir, à l’occasion des déplacements entre domicile et travail.

Il me semble donc que nous avons tout intérêt, au regard de notre environnement, de la santé des populations ou encore des équilibres normaux à respecter dans les réponses apportées aux besoins des habitants, à revenir à un taux de TVA à 5,5 %. Ce serait véritablement judicieux !

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.

M. Louis Nègre. J’ai moi aussi indiqué dans mon discours que nous allions vers un taux de TVA à 5,5 %. Nous avons donc tous entendu la même chose et, monsieur le secrétaire d’État, je soulignerai à mon tour que votre argumentaire n’est pas très solide, pour utiliser un terme plutôt gentil !

Nous réclamons effectivement une TVA à 5,5 %. Nous évoquons ici un bien de première nécessité, intéressant les couches les plus modestes de la population. Si vraiment on veut faire un effort, un geste, c’est à ceux-là qu’il faut l’adresser ! La plupart du temps, ce sont des travailleurs ayant des salaires limités.

Je profite de cette intervention pour revenir, un instant, sur la perche que les uns et les autres, mes chers collègues, vous m’avez tendue. Il est clair, je le répète, qu’à l’heure actuelle nous n’avons plus de financements pérennes sur les transports publics.

Cela soulève deux problèmes, qui appellent deux pistes de réflexion.

La première concerne le modèle financier. Pour retrouver de l’argent, nous pourrions peut-être, aussi bizarre que cela puisse paraître, mettre en application ce que nous votons ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Nous avons adopté une loi sur la transition énergétique et il paraît que se déroule actuellement une Conférence des parties, dite « COP 21 »… Tout cela pour dire que le carbone empoisonne l’atmosphère et que, comme les grandes entreprises, nous pourrions nous fixer une stratégie bas carbone, conformément à ce que nous avons voté, et un prix du carbone.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Le prix du carbone !

M. Louis Nègre. D’autres pays l’ont fait en Europe ; à ma connaissance, ils ne s’en portent pas plus mal. En outre, même les grandes entreprises réclament ce prix du carbone. Nous pourrions donc y voir une piste pour trouver des financements, dans le cadre d’un système vertueux.

La deuxième piste concerne le modèle économique. Alors qu’il n’est encore soumis à aucune concurrence, ce modèle fonctionne de moins en moins bien.

C’est pourquoi nous proposons une ouverture à la concurrence maîtrisée, pour un modèle ouvert, performant, compétitif. Une telle évolution permettra d’obtenir les résultats qui, aujourd'hui, sont enregistrés par l’Allemagne : le train-kilomètre coûte 10 centimes d’euros ; chez nous, il atteint le double !

(M. Jean-Pierre Caffet remplace Mme Isabelle Debré au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Pour ma part, je voterai cet article tendant à appliquer aux transports publics urbains et interurbains de voyageurs un taux de TVA de 5,5 %, au lieu de 10 % actuellement.

Certes, la TVA constitue l’une des premières ressources fiscales de l’État, et l’on sait par ailleurs quelles sont les contraintes budgétaires actuelles. Mais il faut être cohérent : puisque l’on soutient partout le développement durable et les offres de transports collectifs, puisque l’on explique qu’il y a trop de voitures en circulation et trop de pollution, le rétablissement de la TVA à 5,5 % serait un geste fort pour aider les usagers qui sont obligés d’utiliser tous les jours les transports publics ferroviaires ou routiers.

Encore une fois, mes chers collègues, faisons preuve de cohérence !

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Tout à l’heure, dans mon intervention, je disais que cette proposition de loi avait au moins le mérite d’ouvrir un certain nombre de débats sur des sujets importants, et le ferroviaire en fait partie.

Certains sont pour le « tout service public », tandis que d’autres, dont je suis, estiment au contraire que l’on doit trouver une complémentarité entre l’action privée et l’action publique. À cet égard, il faut en effet se poser la question du taux de TVA applicable. Autrement dit, quels services doivent être considérés comme essentiels à la population et se voir appliquer un taux de 5,5 % ?

Voilà quelques jours, ici même, nous sommes convenus qu’il était logique que les produits d’hygiène corporelle se voient appliquer ce taux réduit de TVA, au motif qu’ils sont nécessaires à une bonne partie de la population. Eh bien, l’examen de cette proposition de loi doit être l’occasion de rouvrir ce débat sur le taux de TVA à 5,5 % : il ne faut pas que celle-ci fasse obstacle à l’acquisition de services ou de produits nécessaires à la consommation courante de tout un chacun.

J’espère également que nous aurons l’occasion de débattre de l’opportunité d’augmenter le taux de TVA de façon à financer la protection sociale de l’ensemble de nos concitoyens. En effet, il n’est pas normal que celle-ci soit aujourd’hui financée exclusivement par des cotisations assises sur les salaires, et donc par le travail ; il est temps de prendre en compte la réalité du commerce international.

Puisque nous importons plus que nous n’exportons, nous devons être en capacité d’asseoir le financement de notre système de protection sociale non seulement sur le travail, mais plus généralement sur l’ensemble de la richesse, en particulier en y faisant contribuer les produits fabriqués à l’étranger.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Évidemment, les transports publics sont un service de première nécessité, mais aussi un outil de solidarité sur les territoires est entre les territoires. C’est pourquoi le groupe écologiste est très favorable à cet article.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. À cet instant du débat, je voudrais revenir sur un certain nombre de points.

Comme vient de le dire notre collègue Joël Labbé, la baisse du taux de TVA, c’est d’abord une question de solidarité. Très récemment, un rapport du Comité catholique contre la faim et pour le développement, le CCFD, soulignait que le premier problème rencontré par les personnes en recherche d’emploi ou en situation de fragilité, c’est la mobilité. L’argument en faveur de la solidarité me paraît donc prégnant.

On nous dit par ailleurs que la fixation des taux de TVA se décide en loi de finances. Certes, mais ce n’est jamais le moment ! Il faudra donc bien qu’on arrive à trancher sur ce point ! Puisque l’augmentation du taux de TVA n’a soulevé aucune difficulté technique, je ne vois pas pourquoi sa diminution en soulèverait.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Pour moi, c’est simple : les ordinateurs de Bercy ont l’habitude !

On nous dit également que cette baisse du taux de TVA coûterait très cher à l’État. C’est exact, mais seulement si l’on applique cette baisse de manière uniforme. Ne me dites pas que les règles européennes empêchent une baisse différenciée du taux de TVA selon des critères environnementaux, notamment en fonction de la production de CO2. De fait, il serait alors possible de réduire le taux de TVA uniquement sur le transport ferroviaire, par exemple. Cela ne devrait pas être très compliqué.

D'une manière générale, nous pensons que le transport ferroviaire ne peut pas s'autofinancer. Là est le véritable problème.

La comparaison avec les autres pays est intéressante. Ainsi, je le répète, mais c’est nécessaire puisqu’on a tendance à l’oublier, l’État allemand a pris à sa charge la dette lorsque le transport ferroviaire a été restructuré.

M. Louis Nègre. Je parle des coûts d’exploitation !

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Le prix payé par l’opérateur ferroviaire pour l’utilisation des sillons intègre bien le coût de la dette.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Au Royaume-Uni, c’est à une renationalisation du réseau, me semble-t-il, que nous assistons. Alors, cessons de dire que nos propositions sont irréalistes dans un cadre concurrentiel ! D’autres pays nous ont précédés.

S’agissant de la complémentarité qu’a évoquée notre collègue, bien entendu nous ne sommes pas idiots : nous ne proposons pas de nouvelles lignes ferroviaires, nous demandons simplement que soient préservées les lignes existantes. Je l’ai dit au sein de la commission, je le répète ici.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur Karoutchi, s’agissant du financement du pass Navigo à tarif unique en Île-de-France…

M. André Vallini, secrétaire d'État. Ne soyez pas désabusé, monsieur le sénateur !

Je vous rappelle donc que le Gouvernement a autorisé le relèvement du taux de VT en Île-de-France de 2,7 % à 2,85 % en zone centrale et de 1,8 % à 1,91 % en deuxième couronne.

M. Roger Karoutchi. Mais il manque toujours 300 millions d’euros !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Plus généralement, s’agissant de la baisse du taux de TVA de 10 % à 5,5 %, je mets en garde le Sénat quant à l’impossibilité de distinguer les transports du quotidien des autres modes de transport, notamment au regard des règles européennes.

En outre, je vous rappelle ce que j’ai déjà dit dans mon intervention lors de la discussion générale : l’abaissement du taux de TVA à 5,5 % sur l’ensemble des transports publics coûterait 1 milliard d’euros.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Cette baisse ne s’appliquerait pas à l’ensemble des transports publics !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Madame la rapporteur, nous serions obligés d’appliquer cette baisse du taux de TVA à l’ensemble des transports publics.

Enfin, je rappelle également que les personnes les plus défavorisées ou les plus démunies bénéficient déjà soit de réductions tarifaires importantes, soit de la gratuité des transports collectifs.

Pour autant, sur cet article 3, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l'ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 4

I. – La perte de recettes qui résulte de l’application de la présente loi pour les collectivités territoriales est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

II. – La perte de recettes qui résulte de l’application de la présente loi pour l’État sont compensées, à due concurrence, par la baisse du taux de crédit d’impôt mentionné au III de l’article 244 quater C du code général des impôts. – (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 4
Dossier législatif : proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l'ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Mon groupe ayant demandé un scrutin public, il pourra exprimer son vote en défaveur de cette proposition de loi. Pour ma part, je m’abstiendrai.

Certes, je sais bien qu’il y a peu de chances que ce texte prospère et devienne pour le Gouvernement une vérité d’évangile, même si vous faites campagne ensemble jusqu’à dimanche prochain…

Mme Éliane Assassi. C’est pour cette raison que le Gouvernement se montre gentil ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)

M. Roger Karoutchi. Pour moi, c’est un texte d’appel.

Franchement, cela fait des années que tous les gouvernements, de droite comme de gauche, reconnaissent qu’il y a un problème avec le financement du ferroviaire public et qu’il faudra un jour remettre à plat le VT en Île-de-France. Cela fait dix ans que j’entends la même chose et cela fait dix ans qu’on nous renvoie aux lois de finances ; auquel cas, on s’entend répondre que les transports sont un domaine tellement particulier qu’il faudrait plutôt envisager une refonte complète.

Finalement, chacun se renvoie la balle, chacun reconnaît que cela ne marche pas, qu’on va droit dans le mur, tout en disant qu’il sera bien temps de voir le jour où l’on y sera ! Un moment ou un autre, il faudra bien que quelqu’un se décide à engager une vraie réforme du financement des transports publics, notamment le transport ferroviaire.

C’est là un véritable sujet, qui dépasse l’attachement familial de M. Laménie à la fonction cheminote. (Sourires.) Ce pays est très attaché au transport ferroviaire – tout comme au transport routier, d’ailleurs –, tout le monde sait qu’on en a absolument besoin, qu’il se dégrade et que les financements ne sont plus adaptés. Or, année après année, rien ne bouge. Oui ou non les pouvoirs publics vont-ils réellement se saisir de la question du financement du transport ferroviaire ?

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Je l’ai dit tout à l’heure, le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi pour les raisons que j’ai indiquées.

Pour autant, nous l’avons tous souligné, ce texte a l’avantage de mettre le doigt sur la dégradation de la qualité de service du transport ferroviaire en France – et je ne parle pas simplement des transports régionaux.

Toute une série de signaux est passée au rouge – c’est le cas de le dire –, comme la multiplication des accidents ferroviaires. Les fédérations d’usagers montent elles aussi au créneau. Ce constat fait, il est de notre responsabilité de faire ensemble un certain nombre de choix. Et pourquoi ne les fait-on pas, cher Roger Karoutchi ? Parce que nous n’avons pas le courage d’engager de profondes réformes de structure ! Seules de telles réformes permettront une remise à plat du financement du transport ferroviaire et offriront une visibilité à long terme tant aux usagers qu’aux opérateurs ou à l’industrie.

C’est ce que nous réclamons depuis des années avec l’association TDIE, ou Transport développement intermodalité environnement, le Groupement des autorités responsables de transport, le GART et l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je remercie sincèrement nos collègues du groupe CRC d’avoir pris l’initiative de soumettre à notre examen cette proposition de loi sur le transport ferroviaire.

Je m’associe également à l’appel que lancent mes collègues pour que soient enfin trouvées de bonnes solutions en faveur des infrastructures de transport. La loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, c’est une chose, mais il s’agit maintenant de mener une vraie réflexion d’ensemble pour savoir qui fait quoi.

Naturellement, il y aura des incidences financières, puisque tout est financier. Néanmoins, il faut prendre en compte les enjeux de sécurité et de développement durable. Il faut aussi avoir à cœur de respecter le monde cheminot, qui est l’héritier de toute une histoire. La mémoire, c’est un enjeu important. À un moment, il faut savoir poser les bonnes questions et mettre fin à cette casse ininterrompue du ferroviaire et des infrastructures ferroviaires – les bâtiments, les gares, les anciennes gares de triage, les dépôts, etc. Il faut que cela cesse et soutenir le transport ferroviaire dans son ensemble, ainsi que toutes les personnes de bonne volonté qui œuvrent à son bon fonctionnement.

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, je m’abstiendrai sur ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je me réjouis de ce débat, grâce auquel sont apparus un certain nombre de points de convergence, qui devraient nous permettre d’avancer et, par exemple, de voter – pourquoi pas à l’unanimité ? – la baisse de la TVA pour les produits de première nécessité comme les transports collectifs.

Soyons clairs : les membres du groupe CRC ne défendent pas le tout ferroviaire au détriment du transport en car. Nous ne vivons pas sur un petit nuage et nous savons bien que les trains ne peuvent pas passer partout. Il faut bien trouver des solutions alternatives, ce qui n’est pas du tout l’objet de nos propositions. Simplement, comme l’a montré Marie-France Beaufils, certaines zones sur la carte sont totalement désertées, y compris par les cars, et une partie de la population ne bénéficie d’aucune desserte. En réalité, une convergence en étoile s’effectue au profit des grands pôles.

La nécessité, aujourd’hui, est de développer en priorité un système public ferroviaire et de cesser d’attaquer le rail comme il l’est. Certes, l’un de nos collègues l’a souligné, l’entretien des lignes continue de poser des problèmes en raison d’une trop forte externalisation et d’un abandon excessif d’infrastructures.

À partir de ce constat, il faut certes remettre à plat les financements et un certain nombre d’autres éléments, mais il convient aussi de formuler des propositions. Je le redis ici, il ne s’agit pas d’étrangler les entreprises, mais il faut, lorsque le maillage territorial est satisfaisant et source de profit indéniable, permettre aux salariés et aux entreprises d’en profiter.

En l’espèce, l’enjeu est une juste contribution de chacun de nos concitoyens. Il nous appartient, j’y insiste, de définir ensemble cette part.

Monsieur le secrétaire d’État, je n’ai pas compris votre argument sur la tarification. Vous déclarez que les plus fragiles bénéficient de tarifications sociales ; peut-être, mais, à ma connaissance, ce sont les collectivités qui paient, et non l’État.

M. Roger Karoutchi. Bien sûr !

Mme Laurence Cohen. Cette question mériterait également d’être réexaminée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Filleul. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises à Mme la rapporteur, ce texte a permis d’entamer un débat nécessaire sur le ferroviaire, qui suscite nombre d’avis convergents. Toutefois, la libéralisation du transport par autocar prévu par la loi Macron contribuera à une réduction significative des émissions de polluants et participera de cette mobilité nécessaire dans notre pays.

Personnellement, je suis certain que le maillage du territoire s’effectuera progressivement, car il correspond à une volonté de nos concitoyens. En outre, les départements ne peuvent pas forcément mailler toujours les villes comme ils le souhaiteraient. On peut avoir des doutes sur ce projet, mais on ne peut s’y opposer, car il est en cours.

Sur le problème du versement transport, nous nous sommes expliqués. Il est nécessaire de trouver des financements pour les régions, qui, globalement, je le rappelle, financent les TER à 70 %, ce qui est considérable. Nous avons estimé, lors de la réforme ferroviaire, qu’un VT interstitiel serait la solution, mais il n’en a rien été. Dont acte ! Au demeurant, le chantier reste ouvert.

Quant à la baisse de la TVA, nous avons indiqué que nous y étions favorables, puisque nous l’avons souhaitée, mais ce n’est pas au détour d’une telle proposition de loi et dans le cadre de ce débat que nous pouvons vraiment aborder le sujet.

Mme Laurence Cohen. Dans ce cas, où peut-on le faire ?

M. Jean-Jacques Filleul. Pour ma part, je suis déjà intervenu longuement tout à l’heure sur les trains d’équilibre du territoire, et je vous prie de m’en excuser. Nous avons la chance d’avoir à notre disposition un rapport de bonne qualité : défendons-le, portons-le et aidons le Gouvernement à aller plus loin, car notre pays a besoin du triptyque TGV-trains d’équilibre des territoires-TER !

Au-delà de toutes les difficultés liées au financement de notre système ferroviaire, nous devons être lucides. C’est pourquoi nous voterons, à regret, contre cette proposition de loi. Toutefois, je le répète, le débat reste ouvert.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Pour ma part, je voudrais saluer l’initiative de nos collègues du groupe CRC visant à débattre de cette question essentielle sans cesse repoussée. M. Karoutchi parlait tout à l’heure d’un texte d’appel, mais quand celui qui nous est soumis correspond, dans son contenu, à nos aspirations, nous avons intérêt à être le plus nombreux possible à le voter.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais maintenant, au nom des écologistes, vous interpeller sur la nécessité d’évoluer. Il est temps d’arrêter la casse de notre réseau ferroviaire ! Il faut préserver à tout prix ce qui fonctionne encore et réhabiliter certaines lignes qui ont été interrompues.

Un travail doit également être entamé sur la complémentarité, car nous avons évidemment besoin des cars, des trains, notamment des TGV, mais aussi des transports à la demande dans certains territoires reculés. Nous devons mettre tout cela en perspective, par solidarité à l’égard de l’ensemble des territoires.

En termes de développement durable, compte tenu du contexte actuel, nous devons aller vers une économie résiliente. Anticiper la période de l’après-pétrole, c’est s’y préparer dès maintenant, afin de pouvoir lutter contre les dérèglements climatiques.

En conclusion, je répondrai, à ceux qui prétendent que la voiture est indispensable, qu’un certain nombre de nos concitoyens vivent très bien sans à partir du moment où ils peuvent utiliser les transports publics. C’est ce que j’appelle la sobriété heureuse !

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Au cours de ce débat, nous avons eu l’occasion d’évoquer le transport ferroviaire régional et de souligner l’effort que les régions avaient consenti pour améliorer le dispositif des transports express régionaux. Ces cofinancements ont permis la modernisation des voies, mais également du matériel, pour le plus grand bonheur des usagers, comme nous le mesurons aujourd’hui avec l’augmentation de la fréquentation des transports ferroviaires qui démontre, a fortiori dans un contexte de crise, la pertinence de cet effort financier de la part des régions.

Je profite de la présence de M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale pour citer, parmi les principaux travaux à réaliser, l’accroissement de l’autonomie fiscale des régions, si l’on veut que les régions puissent continuer à financer les transports et que les citoyens apprécient réellement les actions réalisées avec l’argent public.

La plus grande avancée de la loi NOTRe – à vrai dire, je ne vois pas beaucoup d’autres évolutions aussi positives – vise précisément à mettre en place la nécessaire cohérence pour assurer la mobilité au sein des territoires régionaux. La région, dorénavant dotée de cette responsabilité en matière de transports devant l’ensemble des citoyens, doit avoir les moyens de conduire des politiques ambitieuses et de mener des actions à cet effet. Or la responsabilité ne se conçoit pas sans mobilisation fiscale.

Au demeurant, le groupe de l’UDI-UC votera, comme je l’ai indiqué tout à l’heure lors de mon intervention, contre cette proposition de loi, considérant qu’elle n’apporte pas toutes les réponses adaptées aux attentes de nos concitoyens et aux nécessités du développement du transport public ferroviaire.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Mes chers collègues, tout d’abord, permettez-moi de revenir sur la TVA à 5,5 % pour les transports en commun. Nous abordons cette question aujourd’hui, car, à nos yeux, elle fait partie intégrante de la réflexion relative aux transports régionaux. Au demeurant, nous l’avons déjà posée au titre de plusieurs projets de lois de finances et projets de lois de finances rectificatives.

M. Daniel Raoul. Nous aussi !

Mme Marie-France Beaufils. Je me suis déjà exprimée à cet égard et je peux le déclarer : en la matière, nous faisons preuve de constance. Nous voulons réellement avancer sur ce sujet, qui nous paraît de la première importance.

Ensuite, je tiens à insister sur les complémentarités de dessertes. Le schéma qu’Évelyne Didier a annexé à son rapport le montre bien : les transports par car en cours de déploiement suivent exactement le réseau ferroviaire. En conséquence, ils entrent pleinement en concurrence avec les transports ferrés.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. C’est évident !

Mme Marie-France Beaufils. Or, ce dont la France a besoin, c’est de lignes de cars circulant dans les espaces non desservis par le train et permettant ainsi de relier entre eux les différents secteurs ferroviaires.

En outre, je souligne que le rail est un véritable outil d’aménagement du territoire. On ne déplace pas une ligne de chemin de fer comme on modifie une desserte routière. En renforçant une desserte ferroviaire, on marque la volonté d’assurer le développement d’un territoire, qu’il s’agisse de l’économie, de l’habitat ou des services publics. Le fait se vérifie systématiquement ! Les investissements ferroviaires sont donc d’autant plus importants qu’ils préparent l’avenir des lieux auxquels ils sont appliqués.

Dans la situation actuelle plus encore qu’auparavant, nous avons besoin de cette projection vers l’avenir que permet le transport ferroviaire.

Pour conclure, je formulerai une brève mise en garde. Actuellement, les cars bénéficient de tarifs très faibles,…

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Cela ne va pas durer !

Mme Marie-France Beaufils. … de nature à tenter tel ou tel usager. Néanmoins, ce service est mis en œuvre dans de très mauvaises conditions, y compris pour les chauffeurs. J’ai pu parler avec plusieurs d’entre eux. Je vous assure que leur niveau de rémunération et leur temps de travail sont tout sauf satisfaisants. Sur ce front, nous devons également nous montrer vigilants ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Évelyne Didier, rapporteur. Mes chers collègues, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont pris part à ce débat. Nous tous avons souligné qu’il s’agissait d’un véritable enjeu et que nous devions réellement prendre le problème à bras-le-corps.

Premièrement, il est nécessaire d’assurer des financements pérennes dédiés au transport ferroviaire régional. Il faudra bien trouver des solutions !

Deuxièmement, la péréquation est impérative. Nous ne pourrons pas nous en sortir autrement.

Mme Éliane Assassi. C’est vrai !

Mme Évelyne Didier, rapporteur. On ne peut pas se contenter de confier au privé les lignes rentables et au public les lignes déficitaires. Au reste, un tel choix reviendrait à nous donner raison quant à la manière dont fonctionne cette économie.

Troisièmement – Mme Beaufils vient de le souligner –, on ne peut en aucun cas imaginer qu’un mode de transport joue contre un autre ! On le sait très bien, le transport de personnes s’effectue par voie routière à hauteur de 85 %. Conservons à tout le moins cette richesse extraordinaire qu’est le maillage du territoire français par le réseau ferroviaire. Ne le laissons pas dépérir ! J’en suis sûre, nous sommes tous, dans cet hémicycle, convaincus de cet impératif.

Nos propositions ne semblent pas recueillir l’assentiment de la majorité du Sénat, même si, sur certains points, nous pourrions nous rejoindre, et j’en serais heureuse.

Cela étant, il serait bon les uns et les autres s’expriment au sujet de la concurrence, qui est faussée, chacun le sait : les véhicules qui circulent sur les routes ne financent pas les routes ! Le transport ferroviaire contribue également à payer la dette historique de l’opérateur, la SNCF, pour qui l’on a manifestement chargé la barque !

Débattons en toute honnêteté et regardons la réalité en face. Nous devons trouver des solutions.

Vous le savez, les membres du groupe CRC appellent régulièrement votre attention sur le transport ferroviaire, et pour cause : il s’agit là, nous en sommes intimement persuadés, d’un extraordinaire outil d’aménagement du territoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – MM. Joël Labbé et Marc Laménie applaudissent également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l’ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 106 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 29
Contre 312

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Laurence Cohen. C’est bien dommage !

M. Joël Labbé. Merci, en tout cas, au groupe CRC !

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi permettant de maintenir et de développer sur l'ensemble du territoire national une offre de transport ferroviaire régional de qualité
 

7

Communications du Conseil constitutionnel

M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 10 décembre 2015, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État avait adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur :

- les articles L. 562-1 et L. 562-2 du code monétaire et financier (Gel des avoirs dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme ; 2015-524 QPC) ;

- le III de l’article 32 de la loi de finances rectificative pour 2014 (Taxe foncière ; 2015-525 QPC).

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 10 décembre 2015, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation avait adressé au Conseil constitutionnel un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 (Pouvoir de sanction de l’Autorité des marchés financiers ; 2015-526 QPC).

Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 11 décembre 2015, à neuf heures trente, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :

Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale (n° 227, 2015-2016) ;

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 229, 2015-2016) ;

Avis de M. Jean-Claude Lenoir, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 230, 2015-2016).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART