M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 244, présenté par MM. Dantec et Labbé, Mme Blandin, M. Poher et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 6

1° Supprimer le mot :

fréquemment

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les navires mentionnés aux 1°, 2° ou 3° qui y naviguent ponctuellement peuvent être exonérés de cette obligation.

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. La commission a souhaité prévoir qu’un dispositif visant à éviter les collisions avec les cétacés équiperait les navires traversant « fréquemment » les aires marines protégées Pélagos et Agoa. L’introduction de cet adverbe risque de conduire les armateurs à considérer qu’un grand nombre de leurs bateaux n’entrent pas dans le champ de la mesure.

Nous proposons donc une nouvelle rédaction de l’alinéa 6, tenant compte de la discussion que nous avons eue en commission.

M. le président. Le sous-amendement n° 308, présenté par M. Bignon, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :

Amendement n° 244, alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

dans des conditions fixées par voie réglementaire

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. En Méditerranée, des navires relient Marseille à Bastia, à Ajaccio ou à Gênes à longueur d’année. Dans leur cas, on ne peut pas parler de navigation « ponctuelle ».

En revanche, des rouliers transportent du minerai de Livourne à Marseille seulement une ou deux fois par an. Sachant que l’équipement considéré coûte environ 6 000 euros, auxquels s’ajoutent des frais d’entretien de 3 500 euros par an, imposer une telle dépense à ces navires paraît un peu excessif.

Il est parfaitement possible de vérifier le caractère ponctuel de la navigation dans les aires marines protégées au moyen du livre de bord ou des registres d’entrée dans les ports. Nous sommes en train d’accomplir des progrès considérables en matière de repérage des baleines et de prévention des collisions avec les cétacés. Ne chargeons pas trop la barque, si je peux me permettre cette métaphore maritime…

M. le président. L'amendement n° 312, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer le mot :

fréquemment

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. L’article 46 quater vise à protéger les cétacés des collisions dans les sanctuaires pour mammifères marins situés dans les aires marines protégées Pélagos et Agoa, en précisant les types de navires concernés par l’équipement en dispositif anti-collision. Je précise qu’il s’agit de navires battant pavillon français.

Le présent amendement vise à conserver l’esprit de cet article, en supprimant la notion de fréquence de passage dans les sanctuaires pour les navires concernés. Cette notion n’est pas définie dans l’article ni définissable de manière simple ultérieurement, ce qui ouvre la possibilité de déroger, voire d’échapper, à l’obligation.

En outre, l’introduction d’une notion de fréquence rend le dispositif flou et donc compliqué à mettre en œuvre et à contrôler, le rendant ainsi inefficace.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 312 ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. J’y suis défavorable. On a connu décrets plus compliqués à rédiger…

L’idée est de ne pas pénaliser les armateurs, qui sont prêts à faire des efforts, en leur imposant d’équiper un trop grand nombre de navires d’un système onéreux.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 244, ainsi que sur le sous-amendement n° 308 ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Le Sénat votera comme il l’entend, mais je persiste à penser que le dispositif du Gouvernement serait plus efficace pour protéger les populations de cétacés, soumises à une forte pression, notamment en Méditerranée.

Je sollicite le retrait de l’amendement et du sous-amendement.

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Je ne voudrais tout de même pas donner à penser que je ne cherche pas à défendre les baleines, mais, à mon sens, le compromis que nous avons trouvé avec la commission est acceptable.

Si l’on s’aperçoit qu’un bateau qui ne passe que tous les quatre ans dans les aires marines protégées peut heurter cinq baleines, on pourra préciser dans le décret que « ponctuellement » signifie « tous les dix ans ». Le dispositif, tel qu’il est rédigé, me semble opérationnel.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 308.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 244, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 312 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 245, présenté par MM. Dantec et Labbé, Mme Blandin, M. Poher et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer le montant :

15 000 €

par le montant :

25 000 €

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Sur ce point, M. le rapporteur et moi sommes moins complices…

M. Bignon, qui connaît parfaitement le dossier, nous a donné le coût de l’équipement et de l’entretien annuel. Au regard de celui-ci, il apparaît que le montant de l’amende prévu, à savoir 15 000 euros, n’est guère dissuasif. Des armateurs prendront le risque de ne pas équiper leurs bateaux, considérant que les amendes éventuelles leur coûteront moins cher. Je propose donc de porter le montant de l’amende à 25 000 euros, pour rendre la sanction plus dissuasive.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Avis défavorable. Je ne suis pas très partisan des sanctions, mais peut-être pourrait-on prévoir une amende de 25 000 euros en cas de récidive.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Il est évidemment favorable ! Une sanction n’a d’intérêt que si elle donne à réfléchir aux auteurs d’infractions. Cela me fait penser aux calculs des fraudeurs du métro qui, prenant en compte l’insuffisance des contrôles, estiment la fraude rentable à partir de dix ou quinze tickets économisés. Il faut évidemment que le montant de l’amende soit dissuasif.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 245.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 246, présenté par MM. Dantec et Labbé, Mme Blandin, M. Poher et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer le montant :

15 000 €

par le montant :

25 000 €

La parole est à M. Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. Cet amendement relève de la même philosophie que le précédent, dont je m’étonne un peu qu’il ait été déclaré non adopté…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Avis favorable.

M. le président. Il n’y a pas de doute sur le précédent vote, monsieur Dantec. Toutefois, si cela peut vous donner satisfaction, nous procéderons cette fois par assis et levé.

Je mets aux voix l'amendement n° 246.

(Le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 46 quater, modifié.

(L'article 46 quater est adopté.)

Chapitre IV

Littoral

Article 46 quater
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Article 49

Article 47

(Non modifié)

I à III. – (Non modifiés)

IV. – La première phrase du premier alinéa de l’article L. 322-13-1 du code de l’environnement est ainsi modifiée :

1° Après les mots : « d’agents », sont insérés les mots : « titulaires et contractuels » ;

2° Sont ajoutés les mots : « par périodes d’une durée maximale de trois ans, renouvelables sans limitation de durée totale ». – (Adopté.)

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Article 47
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Article 50

Article 49

(Non modifié)

I. – Le second alinéa de l’article 713 du code civil est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Si la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre renonce à exercer ses droits, la propriété est transférée de plein droit :

« 1° Pour les biens situés dans les zones définies à l’article L. 322-1 du code de l’environnement, au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres lorsqu’il en fait la demande ou, à défaut, au conservatoire régional d’espaces naturels agréé au titre de l’article L. 414-11 du même code lorsqu’il en fait la demande ou, à défaut, à l’État ;

« 2° Pour les autres biens, à l’État. »

II. – Le code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :

1° La dernière phrase du dernier alinéa de l’article L. 1123-3 est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Toutefois, lorsque le bien est situé dans l’une des zones définies à l’article L. 322-1 du code de l’environnement, la propriété est transférée au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres lorsqu’il en fait la demande ou, à défaut, au conservatoire régional d’espaces naturels agréé au titre de l’article L. 414-11 du même code lorsqu’il en fait la demande. Le transfert du bien est constaté par un acte administratif. » ;

1° bis La dernière phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 1123-4 est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Toutefois, lorsque le bien est situé dans l’une des zones définies à l’article L. 322-1 du code de l’environnement, la propriété est transférée au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres lorsqu’il en fait la demande ou, à défaut, au conservatoire régional d’espaces naturels agréé au titre de l’article L. 414-11 du même code lorsqu’il en fait la demande. Le transfert du bien est constaté par un acte administratif. » ;

2° L’article L. 2222-20 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– à la première phrase, après le mot : « État », sont insérés les mots : « , au Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ou au conservatoire régional d’espaces naturels agréé au titre de l’article L. 414-11 du code de l’environnement » ;

– à la dernière phrase, les mots : « ou de l’État » sont remplacés par les mots : « , de l’État, du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ou du conservatoire régional d’espaces naturels agréé » ;

b) À la fin du dernier alinéa, les mots : « ou par l’État » sont remplacés par les mots : « par l’État, par le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres ou par le conservatoire régional d’espaces naturels agréé ». – (Adopté.)

Article 49
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Article 51 ter A (Texte non modifié par la commission)

Article 50

(Non modifié)

Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :

1° La première phrase de l’article L. 113-27 est complétée par les mots : « ou dans le domaine propre du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres lorsque celui-ci les a acquis en application des articles L. 215-2, L. 215-5 ou L. 215-8 » ;

2° Après le troisième alinéa de l’article L. 215-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation, dans les espaces, sites et paysages définis à l’article L. 121-23 et identifiés par une directive territoriale d’aménagement mentionnée à l’article L. 172-1, une directive territoriale d’aménagement et de développement durables mentionnée à l’article L. 102-4 ou un schéma d’aménagement régional mentionné à l’article L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales, les zones de préemption prévues au premier alinéa du présent article sont délimitées par l’autorité administrative compétente de l’État. » – (Adopté.)

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Article 50
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Article 51 quater AA (suppression maintenue)

Article 51 ter A

(Non modifié)

Pour stopper la perte de biodiversité en outre-mer et préserver son rôle en faveur de l’adaptation des territoires au changement climatique, l’État se fixe comme objectifs, avec l’appui de ses établissements publics sous tutelle et en concertation avec les collectivités territoriales concernées :

1° D’élaborer et de mettre en œuvre un programme d’actions territorialisé de protection de 55 000 hectares de mangroves d’ici à 2020 ;

2° D’élaborer, dans le cadre de l’initiative française pour les récifs coralliens et sur la base d’un bilan de l’état de santé des récifs coralliens et des écosystèmes associés réalisé tous les cinq ans, un plan d’action contribuant à protéger 75 % des récifs coralliens dans les outre-mer français d’ici à 2021 ;

3° D’expérimenter la mise en place d’un réseau d’aires protégées s’inspirant du réseau Natura 2000 ;

4° D’interdire le dragage des fonds marins dans l’ensemble des zones sous souveraineté ou juridiction françaises, lorsqu’il est susceptible de toucher les récifs coralliens.

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 100, présenté par Mmes Herviaux et Bonnefoy, MM. Filleul, Madrelle, Guillaume, Bérit-Débat, Camani, Cornano, J.C. Leroy, Miquel et Roux, Mmes Tocqueville et Claireaux, M. Lalande et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. L’article 51 ter A vise à renforcer l’action de l’État et des collectivités d’outre-mer pour la protection des mangroves et des récifs coralliens.

Sur l’initiative de la rapporteur, l’Assemblée nationale l’a complété, en deuxième lecture, par un nouvel objectif, celui d’« interdire le dragage des fonds marins dans l’ensemble des zones sous souveraineté ou juridiction françaises, lorsqu’il est susceptible de toucher les récifs coralliens ».

Mme Gaillard, dans son argumentation, a rappelé les conséquences graves que pouvait avoir le dragage des coraux sur l’environnement.

Odette Herviaux et moi partageons bien évidemment cette analyse, mais la difficulté, en l’espèce, est que la rédaction retenue pour cet alinéa excède largement la question évoquée par Mme Gaillard.

En précisant que le dragage est interdit lorsqu’il est « susceptible » de toucher les récifs coralliens, il vise l’ensemble des activités de dragage, notamment celles qui concernent l’entretien portuaire. Or il faut bien comprendre que ce type d’opération n’a rien de facultatif. Il est, au contraire, indispensable à la vie économique portuaire et au maintien de la continuité territoriale pour les territoires insulaires.

J’observe, par ailleurs, que les opérations de dragage sont déjà fortement encadrées, comme vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d'État, à l’Assemblée nationale. Elles sont ainsi soumises à une procédure d’autorisation au titre de la loi sur l’eau, conformément aux articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l’environnement. Le préfet peut, dans ce cadre, prescrire des mesures d’évitement, de réduction, voire de compensation des impacts environnementaux.

Pour ces raisons, et eu égard au risque de blocage des travaux de dragage portuaire à proximité des milieux coralliens, cet amendement vise à supprimer l’alinéa 5.

M. le président. Les amendements nos 3 rectifié bis et 144 rectifié sont identiques.

L'amendement n° 3 rectifié bis est présenté par MM. Canevet, Bonnecarrère, Cigolotti, Cadic, L. Hervé et Laurey, Mme Billon, MM. Luche et Gabouty, Mme Gatel et M. Longeot.

L'amendement n° 144 rectifié est présenté par MM. Revet, Bizet, Mayet, Pellevat et Chaize, Mme Lamure, M. Houel, Mme Canayer et MM. D. Dubois et Rapin.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

4° D’interdire les opérations de dragage dans les outre-mer français si elles ne permettent pas de préserver au minimum 75 % des récifs coralliens existant autour du territoire concerné.

La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié bis.

M. Jean-François Longeot. Cet amendement tend à reformuler l’alinéa 4 de l’article 51 ter A, qui vise à protéger les récifs coralliens, dont le rôle dans le maintien et le développement de la biodiversité marine des outre-mer est incontestable.

C’est notamment le sens de l’alinéa 4 de cet article, inséré à l’Assemblée nationale, qui vise à limiter toute activité de dragage susceptible de toucher des récifs coralliens.

Une telle formulation apparaît bien trop large et risque de compromettre tout un ensemble d’activités économiques essentielles aux outre-mer marins, notamment la pêche et le tourisme.

En effet, seraient visées par cet alinéa l’ensemble des activités de dragage réalisées dans les milieux contenant – ou à proximité desquels sont présents – des récifs coralliens.

La conséquence économique d’une telle interdiction serait tout à fait significative. Des secteurs économiques importants des outre-mer coralliens, comme l’importation de marchandises par voie maritime et la desserte des territoires ultramarins, seraient impactés par cette disposition.

Par ailleurs, ces opérations de dragage sont déjà rigoureusement encadrées par les dispositions de la loi sur l’eau. Elles font nécessairement l’objet d’une évaluation des incidences sur le milieu ou d’une étude d’impact environnemental au regard des volumes dragués.

Aussi le présent amendement vise-t-il à reformuler l’alinéa 4 en précisant les critères d’une potentielle interdiction, afin de mieux articuler les objectifs de protection des récifs coralliens et ceux de développement économique des outre-mer.

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l'amendement n° 144 rectifié.

M. Charles Revet. Ayant été rapporteur du projet de loi sur les grands ports maritimes, je sais toute l’importance de pouvoir procéder dans de bonnes conditions aux opérations de dragage, en l’occurrence dans les ports des outre-mer. Il peut arriver que le dragage porte une légère atteinte aux récifs coralliens, mais il ne faudrait pas pour autant instaurer une interdiction totale.

M. le président. L'amendement n° 101 rectifié, présenté par Mmes Herviaux et Bonnefoy, MM. Filleul, Madrelle, Guillaume, Bérit-Débat, Camani, Cornano, J.C. Leroy, Miquel et Roux, Mmes Tocqueville et Claireaux, M. Lalande et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

4° D’interdire le dragage des fonds marins lorsqu’il est susceptible de toucher les récifs coralliens, exception faite des dragages qui visent à assurer la continuité du territoire par les flux maritimes dans le respect du principe défini au 2° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de l'article 2 de la présente loi.

La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Il s’agit pour nous d’un amendement de repli.

Cette rédaction exclut l’interdiction si les opérations de dragage visent au maintien du principe de continuité territoriale. Par ailleurs, ces opérations doivent être effectuées dans le respect de la séquence « éviter-réduire-compenser » exposée à l’article 2 du présent projet de loi.

Enfin, l’amendement tend à supprimer la référence « aux zones sous souveraineté ou juridiction française », qui créait une ambiguïté. En effet, l’espace méditerranéen pourrait être concerné, alors que l’article 51 ter A fait spécifiquement référence à l’outre-mer.

M. le président. L'amendement n° 38 rectifié, présenté par MM. Antiste, Cornano, Desplan et J. Gillot, Mme Jourda et MM. Karam, S. Larcher et Patient, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

4° D’interdire les dragages des fonds marins susceptibles de porter atteinte aux récifs coralliens dans les eaux sous souveraineté ou juridiction françaises, exception faite des dragages qui visent à favoriser les flux maritimes au nom de la continuité du territoire.

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Mme Herviaux est incontestablement une très grande spécialiste de ces questions. Pour avoir siégé avec elle plusieurs années à l’Agence des aires maritimes protégées, je sais sa sensibilité aux questions relatives à la mer en général, et à la richesse ultramarine en particulier.

Si elle a déposé l’amendement n° 100, c’est pour rendre opérationnelle une mesure que nous approuvons tous. Je parle sous le contrôle de nos collègues ultramarins, en particulier M. Magras, M. Antiste et M. Cornano, avec qui j’ai travaillé sur le problème de la réparation des coraux à Marie-Galante. Nous sommes un certain nombre ici à avoir une sensibilité particulière à ces sujets.

L’idée avancée par Mme Gaillard était sympathique, mais sa proposition manquait de réalisme, au regard des difficultés qu’elle posait. Les politiques gouvernementales fixent un objectif très clair : celui de protéger, d’ici à 2021, 75 % des coraux des outre-mer français.

Dans les prochains jours, l’Initiative française pour les récifs coralliens, l’IFRECOR, dont je suis membre, se réunira à La Réunion, sur le Marion-Dufresne. Je ne pourrai malheureusement pas être présent, car la commission mixte paritaire se tiendra au même moment.

C’est un sujet qui me passionne depuis bien longtemps. Je pense que nous avons une responsabilité particulière à l’égard de nos amis ultramarins et de la préservation de ces milieux. En en faisant trop, on nuit parfois à la cause qu’on veut défendre. Restons-en à l’objectif de 75 % des coraux protégés.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Les outils qui existent permettent à l’évidence de l’atteindre. Les opérations de dragage se mènent dans le cadre d’un plan concerté avec les autorités maritimes, pas au petit matin, à la sauvette…

La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 100. Les autres deviendront sans objet s’il est adopté.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. J’avoue avoir parfois un peu de mal à garder ma bonne humeur légendaire…

J’entends ce que dit M. le rapporteur, mais si on essaie de mettre en place un certain nombre de mesures, c’est bien parce que des problèmes se posent.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. C’est vrai !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Si tout allait bien, si les récifs coralliens étaient en bon état, se développaient de façon tout à fait harmonieuse, nous n’aurions pas ce débat. On me reproche parfois d’être excessive et de vouloir prendre trop de mesures, mais je constate que ce qui se fait aujourd’hui est insuffisant.

Un simple objectif a été inscrit dans le texte en première lecture. Aucune interdiction n’y figure. Je suis évidemment défavorable aux amendements qui visent à supprimer cet objectif, parce que ce serait donner un mauvais signal.

Les amendements nos 101 rectifié et 38 rectifié, quant à eux, prévoient un aménagement pour permettre la continuité des flux commerciaux maritimes et favoriser ainsi le développement économique de ces territoires ultramarins. Ils visent les opérations de dragage permettant de faciliter l’accès aux ports de commerce d’outre-mer et leur aménagement. Sensible au besoin de continuité territoriale et de développement économique de ces territoires, je m’en remets, sur ces deux amendements, à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote sur l'amendement n° 100.

Mme Évelyne Didier. J’avoue ne pas très bien comprendre les raisons de cette levée de boucliers.

Mme la secrétaire d'État a donné son sentiment, que j’ai tendance à partager : interdire le dragage des fonds marins présentant des impacts environnementaux non compensés sur les récifs coralliens, exception faite des dragages qui visent à assurer la continuité territoriale par les flux maritimes, me semble constituer un bon compromis, d’autant que nous avons eu des réponses très contradictoires, lors de l’examen de différents textes, de la part de divers ministres.

Scapêche, par exemple, la flotte d’Intermarché, a annoncé vouloir cesser les pratiques de pêche mettant en danger les fonds marins à l’horizon 2025.

Protéger les coraux, les fonds marins, c’est protéger l’écosystème, toutes les plantes et les microorganismes qui nourrissent les animaux de la mer. C’est pourquoi nous attachons une grande importance à la préservation des fonds marins. Cela étant, compte tenu des arguments avancés par certains de nos collègues, je voterai l’amendement n° 101 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Jacques Cornano, pour explication de vote.

M. Jacques Cornano. Les travaux du grand port maritime de la Guadeloupe sont en cours. Le développement économique de la Guadeloupe et de la Martinique dépendent de ces grands ports maritimes, financés notamment par l’Europe.

Soyons donc très vigilants : il n’est pas question de compromettre les opérations de dragage, d’autant que, comme je l’ai dit en commission, nous savons déjà, s’agissant du port, et de lui seul, sauvegarder les herbiers et procéder à la transplantation des coraux. Toute l’équipe qui œuvre à la création du grand port maritime de la Guadeloupe est inquiète.

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.

M. Michel Magras. L’alinéa 5 de l’article 51 ter A vise purement et simplement à interdire le dragage des fonds marins dès lors que celui-ci est susceptible de toucher un récif corallien. Cette disposition me semble excessive.

Outre-mer, nous avons déjà une démarche extrêmement positive en matière de protection des récifs coralliens. Je rappellerai, à cet égard, qu’un grand nombre de territoires ultramarins ont mis en place des politiques de restauration et de plantation de corail, qui donnent d’excellents résultats, bien meilleurs que ceux des méthodes employées par le passé.

Les seuls endroits où l’on mène des opérations de dragage qui pourraient éventuellement porter atteinte à des récifs coralliens – mais le cas est rare –, ce sont effectivement les ports. On peut y procéder à des opérations de dragage sans compromettre l’objectif de 75 % de coraux protégés rappelé par Mme la secrétaire d’État. Il me paraît excessif de vouloir les interdire purement et simplement, et je souhaite la suppression de l’alinéa 5. Chacun ici connaît mon souci tout particulier de la protection de l’environnement.