M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Jacques Lozach. Par ailleurs, dans une optique de moyen terme, comment cette compétition constitue-t-elle une composante essentielle de la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2024 ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des sports.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Monsieur le sénateur, Patrick Kanner et moi-même répétons à l’envi que l’Euro 2016 doit être une grande fête populaire et sportive. Et ce sera une grande fête populaire et sportive.

Cet événement se déroulera en effet dans une grande sécurité. Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, s’est personnellement impliqué pour que tout soit sécurisé, en lien avec les comités d’organisation et avec les clubs des villes hôtes. Qu’il s’agisse des stades, des fan zones, voire des sites d’hébergement qui accueillent les vingt-quatre équipes de la compétition, je peux vous affirmer que tout a été fait.

Vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, c’est une grande fête populaire et sportive qui entraîne de grandes retombées économiques et sociales. La construction des enceintes sportives a permis des créations d’emplois ; des emplois ont également été créés pour assurer la sécurité privée à l’intérieur des fan zones, ou encore en matière de tourisme. En effet, notre pays accueillera plusieurs millions de visiteurs entre le 10 juin et le 10 septembre.

M. Roger Karoutchi. Les pauvres, quand ils vont voir Paris !

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. C’est aussi une grande fête populaire et sportive, parce que l’État, en achetant 20 000 places, a fait en sorte que tout le monde puisse participer à cet événement. À travers différents dispositifs, il a redistribué ces places par le biais de projets montés par exemple par des clubs sportifs, même en outre-mer : ainsi, des jeunes pourront venir en métropole voir des matchs de l’Euro. Personne n’a été oublié. C’est tout le pays qui s’est mis au rythme de l’Euro.

Enfin, il y a l’héritage avec les infrastructures modernes, avec le succès médiatique qu’apportera cette compétition aux pays et aux villes hôtes. N’oublions pas non plus l’héritage pour la candidature de Paris aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Le succès de l’Euro 2016 servira cette candidature ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour le groupe Les Républicains.

M. François Grosdidier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, les maires de France ont tenu leur congrès sous la présidence de notre excellent collègue François Baroin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Ils attendaient beaucoup de la venue du Président de la République. François Hollande avait en effet protesté contre le gel des dotations lors de la crise financière internationale. Surtout, il avait promis de maintenir ces dotations à leur niveau. Or vous avez fait le contraire, monsieur le ministre : vous avez baissé les dotations et augmenté les dépenses obligatoires. Les maires demandaient donc l’arrêt de la baisse des dotations et de tout nouveau transfert de charges.

M. Didier Guillaume. Vous voulez raser gratis ! Nous sommes responsables !

M. François Grosdidier. Comme toujours, le Président de la République a fait dans la demi-mesure : il a baissé la moitié du troisième tiers de la baisse, mais n’a rien fait s’agissant des charges.

M. Jean-Louis Carrère. Et le RSA ? Et l’allocation aux adultes handicapés ?

M. François Grosdidier. Monsieur le ministre, comment allez-vous enfin desserrer le garrot qui étrangle les communes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, j’imagine que vous parlez du garrot dont votre ancienne majorité a elle-même enserré le cou des collectivités (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) lorsqu’elle a supprimé la taxe professionnelle, décidé la révision générale des politiques publiques et diminué le nombre de fonctionnaires. Je pourrais faire un inventaire à la Prévert des mesures de maltraitance de l’ensemble des collectivités que vous avez mises en œuvre.

M. Jacques Chiron. Atelier mémoire !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Vous avez maltraité non seulement les collectivités, mais également les finances de la France, ce qui, en 2012, nous a obligés à lancer un certain nombre d’initiatives pour redresser les comptes publics et mettre fin à votre mauvaise gestion.

Aujourd'hui, je l’ai dit, les clignotants passent au vert. (Rires et exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. Alain Gournac. Tout va bien !

M. Didier Guillaume. Tout va mieux !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Cela étant, le Président de la République vous ayant entendu a accepté de réduire l’effort demandé aux collectivités de 1 milliard d’euros, d’augmenter le fonds de soutien à l’investissement public local, d’augmenter encore la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR. Il a accepté de tendre la main aux collectivités, mais cela ne vous satisfait pas suffisamment, monsieur le sénateur.

Monsieur le président de l’Association des maires de France, dans un premier temps, vous aviez souhaité un lissage et la mesure qui a été annoncée par le Président de la République, mais à l’approche du congrès des maires de France – les congrès font toujours monter la pression, nous le savons –, vous avez demandé une année blanche. Or vous savez très bien que les efforts qui ont été consentis sont appréciés par les collectivités,…

M. Didier Guillaume. Très appréciés, bien sûr !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. … comme la réforme du FCTVA et l’avance de la Caisse des dépôts et consignations pour la TVA.

Nous avons fait et bien fait. Nous sommes en train de surmonter les difficultés que vous nous aviez laissées, et nous ne pouvons que nous en féliciter. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour la réplique.

M. François Grosdidier. Monsieur le ministre, dans votre bouche, les mots n’ont plus de sens. (Exclamations sur les mêmes travées.) Nous, nous avons gelé les dotations, c'est-à-dire que nous les avons maintenues en pleine crise. Vous, vous les baissez d’un tiers !

L’État se défausse sur les collectivités. Je rappelle que l’endettement de l’État représente 80 % de la dette publique, quand celui des collectivités n’en constitue que 10 %, et que, par ailleurs, les collectivités sont à l’origine de 70 % de l’investissement public. Cherchez l’erreur !

Alors que l’État – votre gouvernement – paie ses fonctionnaires à crédit, il continue d’en recruter et diminue les taux d’imposition. Si une commune faisait pareil, elle serait immédiatement placée sous la tutelle du préfet et de la chambre régionale des comptes.

M. Didier Guillaume. Et c’est un spécialiste qui parle !

M. François Grosdidier. À vous entendre, la division par deux de la baisse des dotations serait un cadeau fait aux communes. Alors que, toutes les semaines, vous distribuez des cadeaux aux manifestants catégoriels, vous ne donnez rien aux communes, vous leur prenez juste un peu moins.

Les dotations ne sont pas des subventions ; elles sont la part des impôts de l’État qui revient aux collectivités pour compenser la décentralisation.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !

M. François Grosdidier. En baissant d’un tiers les dotations servant à financer les services locaux assurés par des fonctionnaires, vous condamnez les maires à sacrifier l’investissement et à augmenter les impôts locaux.

M. le président. Il faut conclure !

M. François Grosdidier. C’est indigne et c’est injuste ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

réforme du collège

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-Claude Carle. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Madame la ministre, la réforme du collège que vous avez engagée semble faire l’unanimité contre elle. Cela n’a rien de surprenant, l’actualité démontre bien que, avant toute réforme, les corporatismes font leur œuvre. Force est cependant de constater que cette réforme ne suscite que réprobation de la part des principaux intéressés, que ce soit les enseignants, les parents, les universitaires ou les chercheurs. Et je partage leur réprobation.

Ni les travaux interdisciplinaires ni les nouveaux manuels scolaires n’amélioreront le niveau des 30 % d’élèves qui entrent au collège sans maîtriser les fondamentaux, en ne sachant pas suffisamment lire, écrire et compter.

Or on sait que sur les 150 000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme ou qualification, un sur deux avait soit redoublé son CP, soit connu des difficultés au cours du premier cycle.

La seule véritable réforme dont notre système éducatif a urgemment besoin, c’est celle du primaire.

Plutôt que de déstabiliser le système par de pseudo-réformes et autres effets d’annonce, quand allez-vous, madame la ministre, engager la seule et véritable réforme, la plus porteuse d’égalité : celle du primaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, ce que vous dites est très intéressant. On pourrait d’ailleurs presque croire que nous sommes d’accord !

M. Éric Doligé. Ce n’est pas possible !

M. Jackie Pierre. Encore un petit effort !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous nous accordons en effet sur le fait qu’il faut donner la priorité au primaire, que c’est dès le plus jeune âge que les savoirs fondamentaux s’acquièrent, que les difficultés se creusent et que c’est donc à ce stade qu’il faut agir, mais ce sont évidemment nos seuls points d’accord. Pour ma part, comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois : je ne crois que les actes.

Passons donc en revue les actes, les vôtres et les nôtres. Vous dites qu’il faut donner la priorité au primaire. Or, pendant les dix ans d’affilée durant lesquels elle a exercé le pouvoir, la majorité à laquelle vous apparteniez a diminué le taux de préscolarisation des enfants de deux ans à la maternelle. De 30 % au début des années 2000, ce taux est passé à 11 % en 2012. Pensez-vous, monsieur le sénateur, que c’est une façon de donner la priorité au primaire ? Pour notre part, nous créons mille postes pour porter ce taux à 30 %.

C’est également la majorité à laquelle vous apparteniez qui, en l’espace de quelques années, a supprimé 80 000 postes dans l’éducation nationale. Qui donc, selon vous, a amélioré l’encadrement des enfants en primaire : vous ou nous, qui créons 60 000 postes, dont les deux tiers sont destinés à l’encadrement des enfants dans le premier degré ?

Entre 2007 et 2012, pour huit enfants supplémentaires arrivant à l’école primaire, vous supprimiez un poste – quelle aberration ! – ; pour notre part, nous en créons un à chaque fois que cinq enfants arrivent à l’école primaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Voyez la différence !

Monsieur le sénateur, la majorité à laquelle vous apparteniez ne considérait-elle pas que le rôle des professeurs des écoles à la maternelle était de changer les couches ? Je cite là un propos qui a été tenu en 2008. N’est-ce pas la majorité actuelle qui a rénové fondamentalement les programmes de l’école maternelle, lesquels sont aujourd'hui plébiscités, afin de les rendre plus utiles ? Qui croit donc au premier degré et à l’école primaire ?

Après ces petits rappels, vous ne pourrez qu’être d’accord avec nous si vous voulez effectivement accorder la priorité à l’école primaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour la réplique.

M. Jean-Claude Carle. Madame la ministre, j’entends bien vos propos, mais ils ne répondent pas à la gravité de la situation : notre école, et vous le savez comme moi, n’assume plus sa mission républicaine, qui est d’assurer une véritable égalité des chances. Vous le savez, un fils d’ouvrier a aujourd'hui dix-sept fois moins de chances de préparer une grande école qu’un fils d’enseignant ou de cadre supérieur ! Or on sait que l’avenir d’un enfant est quasiment scellé lorsqu’il fête son septième anniversaire.

Madame la ministre, il est plus important que la totalité des enfants scolarisés maîtrise d’abord le français avant d’apprendre d’autres langues, fussent-elles l’arabe, le russe ou tout ou dialecte. Si tel n’était pas le cas, le risque serait alors de renforcer les communautarismes tout en stoppant l’ascenseur social. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)

C’est la cohésion sociale de la Nation qui est en jeu. La France est le pays de l’OCDE le plus inégalitaire !

Allons-nous enfin sortir des dogmes, des postures idéologiques, de la doxa de la rue de Grenelle ?

Notre école n’est ni de droite ni de gauche, elle appartient à l’ensemble de la Nation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mardi 14 juin et qu’elles seront retransmises sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Hervé Marseille.)

PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. le président du groupe socialiste et républicain, pour un rappel au règlement.

M. Didier Guillaume, président du groupe socialiste et républicain. Monsieur le président, nous constatons depuis quelque temps une dérive des questions d’actualité au Gouvernement.

Le nouveau règlement du Sénat permet à l’auteur d’une question d’actualité de répliquer au Gouvernement après que celui-ci a répondu. Cette évolution, que nous avons approuvée à la quasi-unanimité, me semble opportune, mais nous observons que certains collègues posent une question très courte, puis lisent, après avoir entendu la réponse du Gouvernement, un papier préparé, parfois sans rapport avec cette réponse. Cela n’est pas acceptable !

Aussi demandons-nous que le groupe de travail sur le règlement du Sénat se réunisse pour faire un bilan et envisager, le cas échéant, une révision. Monsieur le président, je compte sur vous pour relayer cette demande auprès de M. le président du Sénat. Il n’est pas admissible qu’un orateur lise un papier pendant deux minutes, en guise de réplique au Gouvernement.

Tel est l’objet de ce rappel au règlement. J’espère que le président Larcher nous entendra et que nous pourrons faire le point sur ce sujet. La nouvelle organisation des séances de questions d’actualité au Gouvernement, supposée favoriser l’interactivité et la réactivité, a été dévoyée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue. Vos observations seront transmises à M. le président du Sénat et je ne doute pas que ce sujet sera débattu à l’occasion d’une prochaine réunion du Bureau ou en conférence des présidents.

8

Dépôt d'un rapport

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur les aides fiscales et sociales à l’acquisition d’une complémentaire santé.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des affaires sociales.

9

Accord économique et commercial entre l’Union européenne et le Canada

Débat organisé à la demande du groupe CRC

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « L’état et les conditions de ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada », organisé à la demande du groupe communiste républicain et citoyen.

La parole est à M. Bernard Vera, orateur du groupe auteur de la demande.

M. Bernard Vera, au nom du groupe communiste républicain et citoyen. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le 13 mai dernier, le Conseil européen des affaires étrangères a examiné un projet d’accord sur le commerce et les investissements avec le Canada, baptisé « accord économique et commercial global », ou AECG.

Le Conseil a confirmé son intention d’examiner une proposition en juin 2016 en vue de la signature officielle de cet accord, qui devrait intervenir en octobre, lors d’un sommet entre l’Union européenne et le Canada.

L’imminence de la finalisation de cet accord a conduit le groupe communiste républicain et citoyen à demander l’organisation de ce débat, car ce projet d’accord a rarement été évoqué au Sénat et, de façon plus large, au sein de la société.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais rappeler quelques éléments de contexte.

En 2014, le Canada, douzième partenaire commercial de l’Union européenne, représente 1,7 % des échanges extérieurs de celle-ci. L’Union européenne est le deuxième partenaire commercial du Canada, après les États-Unis, et intervient dans 9,4 % du total des échanges internationaux canadiens.

En 2014, les échanges commerciaux entre l’Union européenne et le Canada s’établissent à 59,1 milliards d’euros, dont 27,2 milliards d'euros pour le commerce des services. Par ailleurs, l’investissement européen au Canada et l’investissement canadien dans l’Union européenne ont atteint, respectivement, 225,2 milliards d'euros et 117 milliards d'euros en 2013.

En 2014, les échanges entre la France et le Canada s’établissent à près de 11 milliards d'euros, dont 5,9 milliards d'euros pour les biens et 5 milliards d'euros pour les services. Le commerce franco-canadien ne représente qu’un peu plus de 1 % du commerce extérieur total de la France, qui est, quant à elle, le neuvième partenaire commercial du Canada. Les échanges bilatéraux entre la France et le Canada portent principalement sur les secteurs pharmaceutique, aéronautique, agroalimentaire, et sur les matières premières.

Monsieur le secrétaire d’État, l’objet final de cet accord est de supprimer un maximum de droits de douane sur les produits agricoles et industriels, et d’élargir, pour les entreprises, l’accès aux marchés publics. Il vise aussi à renforcer la protection des investissements des entreprises européennes et canadiennes et à faire respecter les « droits de propriété intellectuelle » des producteurs agricoles et industriels.

L’accord vise également à réduire les obstacles techniques et réglementaires au commerce dans de multiples domaines, tels que la sûreté alimentaire, l’usage des produits chimiques dans l’agriculture, l’alimentation ou les produits cosmétiques, la certification et les labels, les procédures douanières et comptables, les inspections sanitaires…

Une étude d’impact conduite en 2011 prévoit que cet accord va « générer 12 milliards d’euros annuels de revenus supplémentaires pour l’Union européenne » une fois toutes ses dispositions rendues opérationnelles, soit un gain escompté de 20 % par rapport à la valeur des échanges en 2014. Monsieur le secrétaire d’État, pourrions-nous disposer de l’ensemble des éléments de cette étude pour la France ?

Je pense notamment aux conséquences de cet accord pour le secteur agricole. Nous savons tous que la situation de nos agriculteurs est préoccupante. Il est de plus en plus compliqué pour eux de vivre de leur métier, et cet accord va supprimer in fine 98,6 % des droits de douane canadiens et 98,7 % des droits de douane européens, tous produits confondus, agricoles et industriels.

M. Bernard Vera. De plus, l’Union européenne s’engage sur des quotas d’importation de viandes bovine et porcine. Au total, ce sont chaque année près de 65 000 tonnes de viande bovine qui pourront entrer en Europe avec des droits de douane nuls. Pour la viande de porc, il s’agira d’un contingent de 75 000 tonnes. Compte tenu de la crise que connaissent à l’heure actuelle ces filières en France, cela risque de fragiliser encore plus la situation des producteurs français.

Bien évidemment, nous ne pouvons pas parler de l’agriculture sans aborder la question des indications géographiques.

Ainsi, 145 indications sont listées dans le projet d’accord. Elles viennent s’ajouter à celles des alcools, vins et spiritueux, déjà visées dans l’accord conclu en 2003 entre Bruxelles et Ottawa. Or il existe plus de 1 400 indications géographiques européennes reconnues par l’Union européenne, ou enregistrées et en voie de l’être.

Ces 145 indications ne représentent donc que 10 % environ du total. Seulement trente indications géographiques françaises sont reconnues dans le projet d’accord ; elles concernent principalement des fromages, des produits fruitiers et quelques charcuteries et spécialités de viande.

De plus, une partie des marques déposées canadiennes vont perdurer tant qu’elles ne revendiquent pas d’avoir été produites en Europe, si bien que les indications géographiques coexisteront avec elles.

II faudra donc bien évaluer l’impact réel de l’application du système des IGP sur la qualité des produits, d’une part, et, d’autre part, sur la structuration économique des filières de production et de commercialisation.

Monsieur le secrétaire d’État, disposons-nous aujourd’hui d’études d’impact sérieuses, secteur par secteur ? Nous ne pouvons en effet donner carte blanche pour signer cet accord sans en avoir évalué les effets dans chacun des domaines concernés.

Cette question met en exergue le manque de transparence dont fait preuve la Commission européenne sur ce dossier. À ce jour, à quelques semaines de sa finalisation, le contenu de cet accord n’est pas encore traduit officiellement en français,…

M. Daniel Raoul. Mais si !

M. Bernard Vera. … ce qui est assez choquant.

Monsieur le secrétaire d’État, à ces préoccupations s’ajoutent celles qui touchent aux conditions de ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada.

Le 13 mai dernier, les discussions ont notamment porté sur la mixité de cet accord : relèvera-t-il de la seule compétence de l’Union européenne, ou également de celle des États membres ?

Au vu des différents éléments qui viennent d’être exposés, il nous paraît indispensable que cet accord soit bel et bien mixte. Toutefois, même si une large partie des États membres souhaitent qu’il en soit ainsi, à ce jour nous n’en avons pas la garantie. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous assurer que la France restera sur la position d’un accord mixte et qu’elle n’acceptera aucun compromis sur ce sujet ?

Se pose aussi la question de l’application provisoire de cet accord. Rappelons que celle-ci permet de faire entrer en vigueur, par décision du Conseil, les parties de l’accord relevant de la seule compétence de l’Union européenne, cela avant même la ratification de l’accord par les États membres de l’Union.

L’approbation du Parlement européen n’est pas nécessaire non plus, car son implication ou non dans la procédure est soumise « au bon vouloir du Conseil et de la Commission ».

L’Allemagne et d’autres États membres ont souligné que l’application provisoire de l’accord ne pourrait intervenir que dans les domaines de compétence de l’Union européenne et après le vote du Parlement européen. La France défendra-t-elle aussi cette position ou refusera-t-elle toute application provisoire, quelles qu’en soient les modalités ?

En attendant, il y a désaccord et discussion pour savoir quels chapitres de l’accord relèvent de la responsabilité des États membres. La question est ouverte, s’agissant notamment du chapitre des investissements. De grands groupes pourront-ils intenter des actions contre les États membres, avant que leurs Parlements se soient prononcés sur l’accord, sachant que, même si l’accord est finalement rejeté, le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États s’appliquera tout de même pour une durée de trois ans ?

La question de la mixité de l’accord ne sera réellement tranchée que lorsque la Cour de justice de l’Union européenne aura rendu son avis sur l’accord entre l’Union européenne et Singapour. L’adoption de cet avis interviendra probablement après la décision du Conseil. Par conséquent, l’application provisoire créera une situation de fait sur laquelle il sera difficile de revenir, compte tenu du report dans le temps des décisions éventuelles des Parlements.

Concrètement, une application provisoire de l’accord préjuge l’exclusion des Parlements des États membres du processus de décision. Les obligations très étendues découlant de l’accord pour les États membres exigent la participation de ces derniers aux niveaux politique et parlementaire. Ils doivent pouvoir prendre librement leur décision, sans qu’une mise en œuvre anticipée de l’accord préempte cette dernière.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous préciser quelle stratégie le Gouvernement compte adopter ? Refusera-t-il cette application provisoire, même si nous savons que c’est la démarche principalement suivie pour ce type d’accord ?

Notre groupe considère que la nature de cet accord exige du Gouvernement la plus grande transparence sur les négociations en cours. La transmission de toutes les informations relatives à ce projet d’accord est une exigence démocratique. Aucune décision sur un projet d’accord qui aura des conséquences considérables pour notre pays et ses habitants ne doit être prise à l’insu des parlementaires, des élus, des citoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. –M. André Gattolin applaudit également. )

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat sur le traité qui vient d’être conclu entre l’Union européenne et le Canada a pris un tour plus vif depuis quelques mois, pour des raisons tenant au contenu même de l’accord, mais surtout à cause de l’important traité en cours de négociation entre l’Union européenne et les États-Unis : je veux parler du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, plus connu sous son acronyme anglais de « TTIP ». Comme je l’ai déjà dit à cette tribune, nous ne voulons pas que l’érable cache la forêt américaine ! (Sourires.)

Les questions soulevées par M. Vera sont tout à fait légitimes. Certaines portent sur le fond, c'est-à-dire le contenu de cet accord, d’autres sur la forme. J’ai d’ailleurs cru comprendre que le présent débat portait plus sur la forme que sur le fond : en effet, outre que nous avons déjà débattu du fond, son intitulé même semble indiquer qu’il s’agit surtout, aujourd’hui, d’évoquer les conditions dans lesquelles cet accord sera ratifié.

Les préoccupations de l’Union européenne et, plus particulièrement, de la France portaient notamment sur l’accès aux marchés publics canadiens, y compris en matière de services, le règlement des litiges, les indications géographiques protégées. Ce dernier sujet est extrêmement important : en Normandie, nous attendons que les produits qui ont fait la réputation mondiale de notre terroir soient reconnus. Je ne parle pas seulement du boudin noir de Mortagne, mais aussi du camembert ou du cidre, entre autres produits ! (Sourires.)

Le 29 février 2016, un accord a été trouvé sur la question du règlement des litiges, avec l’institution d’une cour permanente. C’était une revendication essentielle de nombreux pays de l’Union européenne, et France a toujours été extrêmement ferme sur ce point.

Aujourd'hui, sur le fond, devons-nous redouter l’application de ce traité, qui porte moins, d'ailleurs, sur les questions de droits de douane, lesquelles ne pèsent plus très lourd actuellement dans les négociations commerciales entre l’Union européenne et les États du continent américain, que sur les normes administratives et les conditions de la vérification de leur respect ? Mon groupe est favorable à la ratification d’un tel accord.

En fait, la question porte sur la forme : s’agit-il d’un accord ne portant que sur des matières européennes ou d’un accord mixte, assorti de clauses nationales sur lesquelles nous aurions, bien sûr, à nous prononcer ?

Sur ce point, la Commission européenne a sollicité la Cour de justice de l’Union européenne à propos de l’accord qui a été conclu avec Singapour. La Cour de justice de l’Union européenne ne rendra sans doute pas son avis dans les prochaines semaines. C’est grand dommage, car cet avis nous permettrait d’y voir clair sur une question essentielle : si l’on veut que ces traités puissent être acceptés par nos sociétés, par nos démocraties, une ratification par les Parlements est nécessaire.

Nous considérons qu’il s’agit d’un accord mixte. Le Gouvernement l’a lui aussi expressément indiqué, mais la Commission européenne semble, jusqu’à présent, résolument d’avis contraire.

Il y a peu, un document a été envoyé par la Commission européenne au Conseil européen, indiquant qu’il ne s’agirait pas d’un accord mixte. Il serait particulièrement choquant, même inadmissible, que la Commission européenne en décide à la place des gouvernements. Les Parlements sont à cet égard très solidaires de ceux-ci.

Par ailleurs, peut-on envisager que la Commission européenne décide une mise en application provisoire de cet accord ?

Un certain nombre de voix s’élèvent en effet pour faire valoir que tout doit aller très vite. L’accord serait signé en octobre ; Justin Trudeau, Premier ministre du Canada, a d’ailleurs déjà prévu d’être à Bruxelles à cette époque. Les informations qui circulent donnent à entendre que tout doit être réglé pour la fin de l’année. Je ne peux imaginer un seul instant que ce soit le cas, mais de beaux esprits expliquent que, quoi qu’il en soit, l’accord entrera en application dès le 1er janvier 2017, parce qu’il est possible d’appliquer provisoirement au moins les clauses strictement européennes.

Monsieur le secrétaire d’État, une réunion récente des ministres du commerce des pays de l’Union européenne s’est tenue sur cette question. Il nous est revenu que ceux-ci n’avaient pas manifesté une intention très marquée de s’opposer à la mise en application provisoire de l’accord…

Dans ce contexte, il importe d’affirmer la nécessité d’une ratification par les Parlements nationaux, même si, je le sais, dans certains pays, le parlement pourrait s’opposer à cet accord pour des motifs tout à fait étrangers à sa teneur. Ce pourrait être le cas en Bulgarie ou en Roumanie, pour des raisons tenant à la politique de visas appliquée par le Canada à l’égard des ressortissants de ces pays. D’autres pays sont opposés par principe à la conduite de négociations à l’échelon européen avec des États tiers comme le Canada ou les États-Unis. Une ratification parlementaire de l’accord me semble pourtant nécessaire, en excluant une mise en application provisoire.

Dans cette affaire, la responsabilité pèse sur les épaules du Gouvernement français, dont nous attendons la plus grande fermeté. En effet, dans le contexte de la négociation du TTIP, toute marque de faiblesse de notre part à l’égard du Canada sera interprétée par nos partenaires Américains comme une preuve supplémentaire qu’ils peuvent nous marcher dessus ! (Applaudissements.)