Mme Nicole Bricq. Là, ce n’est pas Hollande !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’article.

Mme Nicole Bricq. C’est à regret que nous voterons contre cet article, car nous étions favorables à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Selon nous, cet article donnait un équilibre au projet de loi, de manière générale. En effet, il permettait de s’adapter aux réalités économiques, tout en préservant les droits des salariés, voire en les augmentant.

La commission des affaires sociales l’a emporté et a modifié les règles de fond, au détriment des salariés. Nous sommes donc contraints de voter contre sa version.

M. le président. Je mets aux voix l’article 11, modifié.

J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe CRC, l’autre, de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 346 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 188
Contre 153

Le Sénat a adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)

PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 11 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Article 12

3

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi

Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 25 février 2015.

4

Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s

Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 12.

Article 11 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social  et à la sécurisation des parcours professionnels
Article 13

Article 12

La deuxième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° L’article L. 2122-4 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque le périmètre des entreprises ou établissements compris dans le champ d’un accord de groupe est identique à celui d’un accord conclu au cours du cycle électoral précédant l’engagement des négociations, la représentativité des organisations syndicales est appréciée par addition de l’ensemble des suffrages obtenus dans ces entreprises ou établissements au cours du cycle précédant le cycle en cours.

« Dans le cas contraire, la représentativité est appréciée par addition de l’ensemble des suffrages obtenus lors des dernières élections organisées dans les entreprises ou établissements compris dans le périmètre de l’accord. » ;

2° L’article L. 2232-32 est ainsi modifié :

a) Au début, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les organisations syndicales de salariés représentatives dans chacune des entreprises ou chacun des établissements compris dans le périmètre de l’accord sont informées préalablement de l’ouverture d’une négociation dans ce périmètre. » ;

b) Après le mot : « représentatives », sont insérés les mots : « à l’échelle de l’ensemble des entreprises ou établissements compris dans le périmètre de cet accord » ;

3° L’article L. 2232-33 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2232-33. – L’ensemble des négociations prévues par le présent code au niveau de l’entreprise peuvent être engagées et conclues au niveau du groupe dans les mêmes conditions, sous réserve des adaptations prévues à la présente section. » ;

4° L’article L. 2232-34 est ainsi rédigé :

« Art. L. 2232-34. – La validité d’un accord conclu au sein de tout ou partie d’un groupe est appréciée selon les conditions prévues aux articles L. 2232-12 et L. 2232-13. Les taux de 30 % et de 50 % mentionnés aux mêmes articles sont appréciés à l’échelle de l’ensemble des entreprises ou établissements compris dans le périmètre de cet accord. La consultation des salariés, le cas échéant, est également effectuée dans ce périmètre. » ;

5° (Supprimé)

6° Le chapitre II du titre III du livre II est complété par une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« Accords interentreprises

« Art. L. 2232-36. – Un accord peut être négocié et conclu au niveau de plusieurs entreprises entre, d’une part, les employeurs et, d’autre part, les organisations syndicales représentatives à l’échelle de l’ensemble des entreprises concernées.

« Art. L. 2232-37. – La représentativité des organisations syndicales dans le périmètre de cet accord est appréciée conformément aux règles définies aux articles L. 2122-1 à L. 2122-3 relatives à la représentativité syndicale au niveau de l’entreprise, par addition de l’ensemble des suffrages obtenus dans les entreprises ou établissements concernés lors des dernières élections précédant l’ouverture de la première réunion de négociation.

« Art. L. 2232-38. – La validité d’un accord interentreprises est appréciée conformément aux articles L. 2232-12 et L. 2232-13. Les taux de 30 % et de 50 % mentionnés aux mêmes articles sont appréciés à l’échelle de l’ensemble des entreprises comprises dans le périmètre de cet accord. La consultation des salariés, le cas échéant, est également effectuée dans ce périmètre. » ;

« Art. L. 2232-39. – (Supprimé)

7° Après le chapitre III du titre V du livre II, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE III BIS

« Rapports entre les accords de groupe, les accords interentreprises, les accords d’entreprise et les accords d’établissement

« Art. L. 2253-5. – Lorsqu’un accord conclu dans tout ou partie d’un groupe le prévoit expressément, ses stipulations se substituent aux stipulations ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou postérieurement dans les entreprises ou les établissements compris dans le périmètre de cet accord.

« Art. L. 2253-6. – Lorsqu’un accord conclu au niveau de l’entreprise le prévoit expressément, ses stipulations se substituent aux stipulations ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou postérieurement dans les établissements compris dans le périmètre de cet accord.

« Art. L. 2253-7. – Lorsqu’un accord conclu au niveau de plusieurs entreprises le prévoit expressément, ses stipulations se substituent aux stipulations ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou postérieurement dans les entreprises ou les établissements compris dans le périmètre de cet accord. »

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l’article.

M. Dominique Watrin. L’article 12 ajoute un deuxième alinéa à l’article L. 2122-4 du code du travail, afin que toute négociation intervenant dans le même périmètre qu’un précédent accord de groupe signé soit soumise à la représentativité découlant du cycle électoral précédent, et non du cycle en cours.

Ainsi, lorsque le groupe est parvenu à obtenir la signature de syndicats dans le cadre d’un accord, il est assuré de pouvoir reprendre les mêmes interlocuteurs signataires pour éventuellement leur faire signer un nouvel accord sans risque de perdre ces interlocuteurs, même lorsque les derniers résultats électoraux ont pu changer la donne.

Il n’y a donc aucun risque que la sanction des urnes, en cas de mauvais accord signé, vienne empêcher le groupe de continuer à obtenir des mêmes syndicats la signature qui lui est nécessaire !

Alors que ce projet de loi prétend par ailleurs assouplir au maximum la possibilité de réviser des accords d’entreprise avec des syndicats qui n’en étaient pas signataires, mais sont devenus représentatifs lors de nouvelles élections, une telle disposition semble exagérée, sauf à révéler ce qu’est la négociation au niveau du groupe : un moyen de contourner les règles de la représentativité au sein des entreprises et de contourner les résultats électoraux pour obtenir plus facilement la signature d’accords.

Ce sont pourtant bien les résultats des dernières élections qui devraient seuls compter pour garantir la représentativité et ses enjeux dans le domaine de la négociation collective.

Les accords d’entreprise ou de groupe ne sauraient être le fruit de discussions entre partenaires choisis, voire initiés. Il est donc légitime, comme nous le proposons, de procéder à la suppression pure et simple de cet article.

Mme la présidente. L’amendement n° 51, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. L’article 12 comporte de nombreuses dispositions régressives en matière de négociation collective : appréciation de la représentativité dans les groupes fondée sur le cycle électoral précédent, possibilité pour l’accord de groupe de déroger aux accords de branche, primauté de l’accord de groupe sur l’accord d’entreprise.

Ces mesures portent en elles la remise en cause des droits des salariés, par des dispositifs surprenants, c’est pourquoi nous préconisons la suppression de cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales. J’aurai l’occasion de revenir sur le troisième alinéa de l’article L. 2122-4 lors de l’examen de l’amendement suivant.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression, puisque l’article 12 apporte une clarification. Jusqu’à présent, rien n’était véritablement écrit sur les accords de groupe, qui ont pourtant une véritable utilité.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Cet article est très important pour permettre au dialogue social de mieux s’adapter à la réalité économique, et donc aux partenaires sociaux de mieux maîtriser les sujets en discussion. L’objectif est de favoriser la négociation de groupe. Vous le savez, la France compte de nombreux groupes, qui rassemblent près de 10 millions de salariés. Or le nombre d’accords conclus est particulièrement faible : on en a compté seulement 780 en 2014.

Il faut réintroduire davantage de démocratie à ce niveau. Les salariés y gagneront, y compris sur l’emploi, la formation, la gestion des compétences. On voit bien qu’en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, quelques accords de groupe ont été conclus.

Par ailleurs, cet article crée les accords interentreprises. Là aussi, l’enjeu est d’étendre à toujours plus de salariés d’entreprises le bénéficie de la négociation. Ces accords pourront par exemple couvrir des entreprises sous-traitantes ou encore promouvoir l’emploi au sein des filières.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 51.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 347 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 29
Contre 311

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 651, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 4

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet article modifie la représentativité à l’échelon des groupes. Ainsi, toute négociation intervenant dans le même périmètre qu’un précédent accord de groupe signé sera soumise non pas à la représentativité issue du cycle électoral en cours, mais à celle du cycle précédent.

Cette mesure est assez contestable. Imaginons, mes chers collègues, que, après les élections sénatoriales du mois de septembre 2017, ceux qui ne seraient pas réélus continuent de siéger ici même, pendant que les sénateurs nouvellement élus attendraient que le cycle précédent se termine, à une date qu’ils ignorent.

Pour les salariés, soumettre la représentativité au cycle électoral précédent revient à leur dire que leur voix ne compte pas et que les résultats électoraux ne déterminent pas la représentativité d’une organisation. L’argument avancé, selon lequel cette disposition éviterait que des négociations se retrouvent bloquées du fait des représentants des salariés, marque un certain mépris à leur égard. Entendez-vous par là que la négociation d’accords passe avant la volonté des salariés ?

Cette mesure est également contestable pour les organisations syndicales. Vous affaiblissez leur légitimité issue des urnes, afin de satisfaire les employeurs désireux de conclure rapidement des négociations. Là encore, quelle légitimité pour les syndicats battus aux élections, qui retourneront à la table des négociations, et pour ceux qui les auront remportées, qui représentent de fait les salariés, mais qui, eux, ne pourront participer aux négociations ?

Madame la ministre, ce n’est pas ainsi que vous favoriserez le dialogue social.

Mme la présidente. L'amendement n° 230 rectifié, présenté par Mme Gruny, MM. Bizet et Commeinhes, Mme Garriaud-Maylam, MM. César, Cambon, Cornu, Lefèvre et Vaspart, Mme Mélot, MM. Houel, Revet, P. Leroy et Mouiller, Mme Cayeux, MM. Dallier et Panunzi, Mmes Deromedi, Morhet-Richaud et Primas et MM. Trillard, Mandelli et Laménie, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Un accord de groupe conclu dans les conditions prévues à l’article L. 2232-34 du code du travail peut définir d’autres modalités que celles prévues aux troisième et quatrième alinéas du présent article. » ;

La parole est à Mme Pascale Gruny.

Mme Pascale Gruny. Cet amendement vise à permettre aux groupes qui ont choisi par accord de groupe de retenir une mesure de la représentativité syndicale différente du cycle électoral de continuer à le faire. Une telle possibilité présente un intérêt dans certaines situations où la vie de l'entreprise est modifiée, notamment lors d’une vente ou d’une fusion. Le cycle électoral a alors l'inconvénient de figer les résultats électoraux pour une longue période, alors que la représentativité ne correspond plus à la réalité de l'entreprise.

Le présent amendement tend donc à permettre aux groupes, par accord majoritaire, de retenir des règles différentes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a bien conscience que la rédaction de l’alinéa 3 de l’article 12 est perfectible. Pour autant, elle demande le retrait de l’amendement n° 651 ; à défaut elle émettra un avis défavorable.

Nous comprenons l’attachement de certains à la stabilité du périmètre pour les accords de groupe et leur souhait de trouver une synchronisation. Pour autant, le fait de recourir à une mesure d’audience datant du cycle précédent peut poser problème si le paysage syndical a changé entre-temps.

Pour ma part, je plaide pour que l’on affine la rédaction de l’article 12 au cours de la navette. Nous pourrions éventuellement – c’est une suggestion, non une proposition d’amendement – rédiger ainsi la fin de l’alinéa 3 : « la représentativité des organisations syndicales est appréciée par addition de l’ensemble des suffrages obtenus dans ces entreprises ou établissements pendant le cycle en cours. »

La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 230 rectifié.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. L’exercice a été complexe, car la mesure de la représentativité syndicale nécessite d’assurer un équilibre entre deux impératifs. Il faut que la représentativité soit en phase avec l’expression réelle des salariés, mais également que le paysage syndical soit stable, afin qu’il soit propice à la négociation et au dialogue social.

Nous nous sommes appuyés sur l’arrêt de la Cour de cassation, laquelle a décidé en 2013 de privilégier la stabilité et la sécurité de la négociation collective en optant pour un système général de mesure de l’audience fondé sur la notion de cycle électoral. N'y voyez là aucune marque de mépris à l’égard des organisations syndicales. La Cour de cassation a en effet consulté les partenaires sociaux à cette occasion, lesquels, dans leur grande majorité, soutenaient cette position, dans une optique de stabilité de leur mission. Plusieurs élections peuvent avoir lieu au cours d’un même cycle et de façon différée. C’est toute la difficulté de l’exercice.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements, car des règles claires et codifiées sont nécessaires. C’est pour cela que nous avons codifié la jurisprudence de la Cour de cassation.

Mme la présidente. Madame David, l'amendement n° 651 est-il maintenu ?

Mme Annie David. J’entends les arguments de Mme la ministre et de M. le rapporteur.

Faisons alors en sorte soit de ne pas entamer, soit de conclure les négociations avant les élections. En 2017, au moment des élections sénatoriales, le Gouvernement évitera qu’un texte ne soit en navette au Parlement – en général, le Gouvernement préfère que tel soit le cas les années d’élection – ; à défaut, le Sénat fera avec les nouveaux élus. Essayons de faire de même s’agissant des élections syndicales, lesquelles sont prévisibles, comme les élections politiques, puisqu’elles ont lieu à échéance régulière. Il n’y a aucune surprise en la matière. Faisons en sorte qu’il n’y ait pas d’accord en cours au moment des élections et prévoyons de négocier avec les nouveaux élus, qui seront alors mandatés pour participer aux négociations de leur début à leur fin. Ne prévoyons pas de négocier avec des personnes qui ne représenteront plus les syndicats au sein des entreprises dans lesquelles elles travaillent.

Quoi qu’il en soit, nous maintenons cet amendement.

Mme la présidente. Madame Gruny, l'amendement n° 230 rectifié est-il maintenu ?

Mme Pascale Gruny. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 230 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 651.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 652, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer les mots :

ou établissements

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Dans la majeure partie des PME à faible représentation syndicale, les représentants du personnel, quand il y en a d’ailleurs, éprouvent des difficultés pour se faire entendre. Dans ces conditions, comment la majorité sénatoriale et le MEDEF peuvent-ils arguer que les salariés pourront négocier un accord à égalité avec l’employeur ?

Je regrette profondément, madame la ministre, que vous avanciez cet argument pour conclure des accords qui seraient gagnants-gagnants.

La prétendue égalité entre capital et travail n’est pas une idée nouvelle. L’existence d’une inégalité des parties au contrat de travail a enfin été reconnue au début du XXe siècle, lorsque le mouvement ouvrier a quelque peu mis à mal l’idéologie libérale de l’époque.

Le droit du travail, comme le souligne très justement Pascal Lokiec, professeur de droit social à l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense, « s’est construit contre le dogme selon lequel tout ce qui ferait l’objet d’un contrat serait juste par nature ; or non, dans des rapports inégalitaires, ce qui est négocié n’est pas forcément juste. »

Nous sommes donc inquiets de constater que le code du travail, protecteur pour les salariés, est attaqué et que des accords singuliers, individuels, sont préférés, ce qui renforce le pouvoir de l’employeur, le salarié ne disposant plus des contreparties actuelles.

Pour atteindre cet objectif, on prévoit un périmètre d’accord plus favorable à l’employeur, au détriment de la représentativité syndicale, qui s’établit sur l’ensemble de l’entreprise.

Notre amendement s’inscrit en opposition à cette logique. C’est pourquoi nous vous proposons de l’adopter, mes chers collègues.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission ne voyait pas de problème s’agissant de la prise en compte des établissements. Le texte présenté initialement par le Gouvernement avait donc été validé sur ce point. L’article 12 place les entreprises et les établissements sur un pied d’égalité, ce qui nous paraissait assez logique.

La commission émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement. Cela étant dit, le Gouvernement a peut-être des éléments à nous soumettre.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Même si je ne partage absolument pas le point de vue de Mme Cohen, j’émets un avis favorable sur l’amendement qu’elle a présenté. Le texte actuel prévoit que les syndicats représentatifs de l’ensemble des entreprises ou des établissements participeront aux négociations. C’est tout simplement la formule consacrée dans le code du travail.

Pour autant, on imagine mal qu’un accord de groupe puisse ne pas couvrir la totalité d’une entreprise. Comment s’articuleraient dans ce cas les différents niveaux de normes au sein des entreprises si une partie des établissements était couverte par l’accord et l’autre pas ?

Pour harmoniser les règles au niveau du groupe, les rendre applicables à toutes les entreprises de celui-ci et éviter toute ambiguïté sur la légitimité du périmètre de l’accord, je suis favorable à la suppression de la mention des établissements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 652.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 654, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La négociation interentreprises ne peut comporter des dispositions dérogatoires aux accords de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement applicables au sein des entreprises signataires, et ne doit pas contenir de dispositions relatives à un plan de sauvegarde de l’emploi, à la mobilité, à la préservation ou au développement de l’emploi, et aux instances représentatives du personnel au sein des entreprises. » ;

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Suivant les analyses du Syndicat des avocats de France, cet amendement vise à encadrer la négociation interentreprises que ce projet de loi entend développer.

Si ces nouvelles voies de négociation entreprises sans liens capitalistiques entre elles peuvent parfois présenter un intérêt sur le terrain, il est indispensable de restreindre les thèmes de négociation pouvant être ainsi traités. En effet, le déplacement du pouvoir normatif vers les entreprises et les groupes, sans encadrement et sans respect du principe de faveur, ouvre la voie à des stratégies de concurrence dont les salariés ne seront d’ailleurs pas les seules victimes, comme nous l’avons déjà souligné précédemment.

Nous pensons que la branche reste le niveau de négociation approprié pour lutter contre le dumping social et la concurrence débridée.

Tel est le sens de cet amendement de repli.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Si un accord est obtenu au niveau du groupe, c’est parce que les différentes parties ont trouvé un équilibre, respectueux des intérêts et des attentes des salariés. Finalement, ces accords de groupe qui s’imposent aux accords d’entreprise constituent une forme de hiérarchie des normes, le haut s’imposant au bas.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Nous pouvons le dire entre nous, demain, comme aujourd'hui, les entreprises ne négocieront pas de PSE ou d’accord de préservation de l’emploi sur un périmètre interentreprises, car elles risqueraient alors d’être requalifiées de co-employeurs.

Pour le reste, faisons confiance aux partenaires sociaux. Je note d’ailleurs que la CGT, dont j’ai rencontré des représentants vendredi, est plutôt favorable aux accords interentreprises. Ceux-ci permettent, par exemple – nous en avons souvent débattu –, à l’ensemble des salariés d’un groupe de bénéficier des actions sociales et culturelles. Ils apportent également des garanties aux entreprises sous-traitantes. C’est dans le cadre de tels accords que l’on peut améliorer certains points, notamment développer l’emploi dans une filière. Selon moi, ils constituent un véritable plus.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 654.

(L'amendement n'est pas adopté.)